Y avait-il plus agréable qu'arriver sur le campus et trouver une place de parking directement ? Kenta ne pouvait s'empêcher de sourire alors qu'il garait la voiture dont il était si fier sur l'un des emplacements disponibles. Un véritable miracle, quand on connaissait le nombre d'élèves et professeurs qui venaient ici chaque jour afin d'étudier ou enseigner. C'est avec un grand contentement qu'il avait donc quitté les lieux, quelques instants plus tard, afin de passer une journée de cours, lassante mais nécessaire. Tout allait bien, à ce moment là, ou du moins était-ce l'impression de notre célébrité en hiatus, car il ne pouvait pas prédire que ce sentiment prendrait fin lorsqu'il reviendrait quelques heures plus tard, à l'endroit où il avait abandonné son bébé automobile.

Horreur. Malheur. Qui était cette femme qui osait utiliser son véhicule en guise de miroir ? Ce genre de choses aurait du être illégal !

« Euh, ça va, je vous dérange pas trop ?  » Demanda-t-il en s'approchant assez vivement de la scène de crime, désignant son véhicule d'un air excédé. « C'est ma voiture, juste au cas où.  »

L'agressivité n'était pas forcément nécessaire, mais il ne fallait pas jouer avec son tempérament excessivement ardent. Il avait tendance à s'emballer pour rien et à ne pas supporter qu'on se moque de lui, alors il n'avait pas pu s'empêcher de réagir à un tel comportement. En plus, ses yeux s'agrandirent lorsqu'il s'aperçut que cette même femme avait réussi à faire une trace sur sa voiture. Comment allait-il faire partir cela, hm ? Allait-il réussi à le ravoir ? C'était vraiment pas possible d'être aussi mal élevé en société, si ?

Ce pauvre Katase, une fois de plus, était en train de faire une crise existentielle pour un rien. Depuis quelques temps, il y était un peu abonné. Entre ses rares rendez-vous avec Akihiro, le mariage arrangé que ses parents avaient décidé d'organiser, et le reste des choses qui pouvaient le déranger, il ne parvenait plus vraiment à faire le tri. C'était un peu comme une overdose de stress, de tension, de situations problématiques qu'il ne parvenait pas à gérer en dépit de sa patience qui se faisait aussi grande que celle d'un petit pois malade. Il était blasé, définitivement.

« C'est vous qui avez fait ça ? » Demanda-t-il en pointant du doigt l'abominable marque qui trônait sur la carrosserie de son bébé, chose qu'il ne comptait pas laisser passer, d'autant qu'il était persuadé que cette inconnue était l'auteure de ce crime.

Il n'était pas nécessaire de préciser à quel point la voiture de Kenta pouvait être la prunelle de ses yeux. Il y accordait beaucoup d'importance, peut-être même trop, mais sans doute était-ce parce qu'il avait toujours accordé beaucoup d'intérêt à ses possessions. C'était un homme qui aimait les belles voitures, bien que cela puisse sembler terriblement cliché et ne lui ressemblait pas forcément, aux yeux d'une personne qui ne l'aurait pas connu. C'est pour cette raison que constater la présence d'une inconnue aux côtés de son bébé et, pire encore, voir qu'une marque ruinait désormais la carrosserie ne le laissait pas indifférent, pour le plus grand malheur de son interlocutrice qui fut remerciée de sa réponse par un haussement de sourcil incrédule. Si ce n'était pas elle, il faudrait lui expliquer pourquoi cette femme, bien que charmante, se trouvait juste aux côtés de sa voiture au moment où il avait remarqué cette odieuse tache. Kenta n'était pas sans ignorer qu'il avait abandonné son véhicule là pendant un bon moment, mais il ne supportait pas l'idée que l'on puisse lui mentir et, en l'occurrence, il n'accordait aucune confiance à celle qui lui faisait face.

« La vidéo surveillance? » Répéta-t-il, un peu amusé. « J'ai mieux à faire qu'aller demander ça. Je suis sûr que c'est vous. »

Compte tenu des crises enfantines qu'il faisait depuis quelques temps, on se demandait parfois s'il avait vingt-quatre ou douze ans. Aussi mature qu'un adolescent en pleine puberté, aussi volontaire à la réflexion qu'une personne incapable de se contrôler. Pourtant, il l'aurait pu, mais il avait de moins en moins envie d'agir comme un adulte responsable et sérieux, compte tenu du comportement que ses parents avaient envers lui, et on aurait pu se demander si son objectif n'était pas tout simplement de se faire renvoyer de l'établissement. Un véritable enfant, comme on le disait si bien. Alors que son regard se posait à nouveau sur l'objet du conflit, un soupir d'agacement échappa aux lèvres de l'étudiant. Il ne fallait quand même pas être un génie pour comprendre qu'il n'avait pas envie d'en démordre, même si elle lui avait dit que ce n'était pas elle et qu'elle avait suggéré une idée qu'il aurait du écouter, puisqu'il était adulte et potentiellement sérieux. À la place de ça, il leva les yeux vers elle à nouveau. Pour insister, malheureusement.

« J'vais pas vous manger si c'est vous, vous savez. » Lui confia-t-il en croisant un peu les bras, essayant de s'adoucir un peu.

Difficile d'y croire quand on voyait l'agressivité dont il avait fait preuve un peu plus tôt, mais il gardait espoir en la bonté humaine. Parfois. Enfin, peut-être pas en celle des femmes ; depuis le temps, il commençait à se demander si celles-ci n'étaient pas sur Terre dans le seul but de lui mener la vie dure. Ah, l'égocentrisme, la rancoeur, toutes ces choses. S'il avait su à qui il avait à faire, sans doute y aurait-il réfléchi à deux fois ; ce n'était pas comme s'il avait suffisamment de soucis depuis quelques temps et, même s'il avait une furieuse envie de tout envoyer en l'air, ce n'était pas la solution.