Finalement j’avais pu revoir Eri après tout ce temps, comme les autres elle me savait disparu, puis elle avait adressé la parole à Jia Heng pour avoir des nouvelles, savoir qu’une autre personne que mon maitre puisse s’inquiéter pour moi où se questionner m’avait tout de même touché. Je ne sais pas si j’ai pu lui être utile, mais ce fut un moment agréable à partager malgré tout. Mais tout ça c’était hier, aujourd’hui c’est une autre histoire, je suis loin d’être très futé pour réalisé que quelque chose de cloche tout de suite, il faut dire que Jia Heng et moi sommes doués pour ne rien laisser paraître, mais malgré tout après une soirée passée chacun de notre côté je me suis vraiment demandé si tout allait bien. On est habitué à passer beaucoup plus de temps ensemble depuis cette histoire, on mange ensemble, on « parle » ou simplement on lit, s’occupe dans la même pièce, mais là ce n’est pas le cas et si les autres ça ne m’aurait pas dérangé, avec lui c’est différent, du coup j’ai passé du temps à me demander ce qu’il pouvait avoir, sans trouver la réponse, aussi évidente puisse-t-elle l’être, pour moi c’est un jeu de sodoku fusionné à des mots fléchés dans ma tête, en clair le gros bordel sans réponse valable. Oui, les trucs intellectuels à chiffres et lettres ce n'est pas pour moi. Le silence habituel semble plus lourd et cette sensation me déplaît fortement. Tellement que perdu dans mes pensées je ne réalise pas que j’ai déjà rempli mon verre d’eau et que ça déborde sur ma main et dans l’évier, quel boulet. J’arrête le robinet et bois cul sec avant de m’appuyer sur le plan de travail, soufflant bruyamment. Des pas se font entendre et je sais très bien qui arrive, sans me retourner, sans le regarder, j’ose demander. « Quelque chose ne va pas ? » Je me fais surement des idées et honnêtement ce serait même la première fois que je réaliserais ce genre de choses si jamais c’est le cas, mais c’est simplement la preuve que malgré tout j’évolue aussi, je grandis et j’apprends à ressentir ou penser plus qu’avant, à m’inquiéter aussi, c’est étrange quand tout s’impose en même temps.

Un sentiment nouveau m'a envahi. Et il est assez détestable. Je ne sais pas trop comment le décrire, je pense que c'est de la jalousie, mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi je ressens ça ?

Hier, en sortant des cours, je suis sorti du grand bâtiment pour rejoindre Ayden. Habituellement il finit les cours plus tôt mais il m'attend toujours devant, ou alors il lui arrive d'aller se détendre sur le terrain de basket mais alors, il m'envoie un message - quand il y arrive - pour me prévenir et me dire où le rejoindre. Je sortais donc, épuisé par cette longue et ennuyante journée, plutôt heureux de le retrouver. Depuis un moment, on fait de nouvelles choses lui et moi, on est même sorti se promener dans un parc après avoir été faire les magasins, grande première ! Aujourd'hui, je me suis donc dis qu'avant de rentrer directement au dortoir, on pourrait peut-être profiter tous les deux du soleil, sur le terrain de basket par exemple. Où juste marcher tranquillement.

Pourtant, quand je franchi la grande porte en bois et arrive sur la place centrale, je crois reconnaître la silhouette de mon garde du corps près de la fontaine, mais il ne semble pas seul, il est en compagnie d'une jeune femme. Je crois déjà l'avoir vu auparavant, il me semble que c'est cette fille qui étais venu me trouver pour me demander des nouvelles d'Ayden alors que je le croyais mort. Sont-ils si proche que ça pour qu'Ayden passe son temps libre en sa compagnie ? J'ai hésité à les rejoindre mais je me suis ravisé, si je les approchais qu'est-ce que je pourrai bien leur dire ? Je ne sais même pas quel genre de relation ils entretiennent tous les deux. J'ai senti mon coeur se serrer dans ma poitrine et sans comprendre franchement pourquoi, j'ai décidé de tourner les talons et de rentrer seul au dortoir. Plus tard, j'ai envoyé un message a mon ami pour lui dire que j'étais rentré seul car je ne l'avais pas trouvé. Au final, nous avions passé la soirée muets, l'un comme l'autre, et c'était tout sauf le genre de soirée que j'avais imaginé...

Après m'être rapidement douché je sors de la salle de bain dans le but d'aller chercher une brique de jus d'orange dans le frigo. Alors que j'arrive dans la pièce principale de notre dortoir, Ayden est déjà là, appuyé contre le plan de travail. Je marque une pause, lâche un soupire puis ouvre le frigo avant de me figer à nouveau. Je déglutis difficilement à la question de mon garde du corps. De quoi parle-t-il au juste ? « Tout va bien pourquoi ? ». Ceci est un gros mensonge, tout ne va pas bien, bien au contraire, mais comment lui dire ? Je ne suis pas certain qu'il ait remarqué quoi que ce soit, ça n'est pas le genre de gars à remarquer les subtilités, je le connais. Il me pose cette question, certainement, juste pour meubler, ou lancer une conversation...

Je suis le premier surpris par ma nouvelle capacité à remarquer qu’une chose ne va pas, en fait ce n’est pas du tout mon genre, je suis habitué à ne pas me poser de questions, j’agissais sans réfléchir et fallait qu’on me dise les choses clairement pour que je les comprenne et encore, même en me les disant ce n’était pas certain que je puisse émotionnellement le ressentir. Pourtant là ça me saute aux yeux comme une évidence, hier quand j’ai reçu le SMS de Jia Heng pour m’annoncer qu’il était rentré aux dortoirs parce qu’il ne m’avait pas trouvé, je n’ai pas trouvé ça étrange, bien que j’ai pensé que ce n’était pas normal, il m’aurait appelé et je l’aurais tout de suite trouvé, j’étais à l’endroit que j’avais marqué et il n’y avait pas grand monde, ma tenue vestimentaire n’est pas non plus banale, donc maintenant que j’y réfléchis appuyé contre ce plan de travail je me rends compte que c’est étrange, mais ce qui est encore plus étrange c’est moi. Qu’est-ce qui a changé pour que je m’inquiète ou me questionne sur ce sujet, je n’aurais jamais vu là un problème, ce n’était pas la première fois qu’on restait dans le silence et pourtant... Après mon soupire, le principal concerné arrive dans la pièce et sans vraiment réfléchir plus je pose une simple question, je ne sais pas exactement ce que j’attends comme réponse ou si je me fais simplement des idées, mais j’ai l’impression que je dois en parler, comme si cette inquiétude allait me peser et encore une fois ce n'est pas dans mes habitudes, je ne comprends pas, je comprends rien a tout ça. Calmement je me retourne quand il répond pour le fixer, mon regard le juge et l’interroge silencieusement. Est-ce que je dois lui faire part de mes pensées ? Je me suis fait des idées apparemment et je ne peux pas mettre en doute les mots de Jia Heng, je ne suis pas vraiment autorisé à faire une telle chose, pourtant... « J’ai l’impression que tu m’évites ou... un truc du genre ? » Je ne sais pas comment lui expliquer, ce n'est pas vraiment mon fort, je suis comme un gosse qui va enchainer des mots pour essayer de se faire comprendre, mais déjà que je ne suis pas très bavard de base, si en plus je me mets à faire de fausses suppositions... Faut croire qu’une soirée comme hier suffit pour me permettre de réaliser certaines choses.

Je ne suis pas un grand bavard, et Ayden non plus, nous avons rarement eu l'habitude de mener de grandes conversations alors cela n'étonnerait personne de voir passer une journée comme aujourd'hui, à ne pas s'adresser la parole. Ce qui est un peu plus alarmant peut-être, c'est que je fuis son regard, et ça je n'en ai pas l'habitude. Car même si je ne parle pas, je communique beaucoup par le regard. Ce qui est le plus étrange dans l'histoire, c'est qu'Ayden semble s'en être aperçu. Enfin, au début j'ai un peu pensé qu'il me demandait ce qu'il se passait juste comme ça, pour lancer la conversation en quelque sorte, mais lorsqu'il me demande si je l'évite, je comprends bien rapidement qu'il veut bien en venir là. Je referme finalement le frigo et regarde Ayden dans les yeux - peut-être bien pour la première fois de la journée. Pourtant, je détourne vite je regard et me dirige vers le canapé. « Je ne vois pas de quoi tu parles. » Mon ton est un peu plus froid que ce que j'aurai voulu, et je m'en veux aussitôt que ma bouche se ferme. Je suis un mec comme ça, assez froid et distant, mais avec Ayden je deviens mon opposé total.

Je soupire. Je m'agace moi-même en réalité. Cette jalousie m'agace. Parce que oui, je sais pourquoi je suis en colère et pourquoi j'évite mon garde du corps. C'est tout simplement à cause de cette fille. J'essaie de ne pas le croire mais pourtant, ça ne peut être que ça. C'est nul comme comportement, je n'aurai jamais cru pouvoir un jour ressentir ça... Mais j'ai tellement l'habitude de vivre avec Ayden, qu'il m'appartienne à moi et à moi seul, que j'ai énormément de mal à le voir avec quelqu'un d'autre. Je soupire une nouvelle fois et pose finalement mon regard sur Ayden, tout en tapotant la place sur le canapé à côté de moi pour qu'il me rejoigne. Je dois régler cette histoire. Mais pour ça, il va falloir aborder des sujet dont je n'ai jamais vraiment eu envie de parler à voix haute.

Je suis le premier surpris d’avoir remarqué un tel détail, je pense vraiment que je me fais des idées, je ne pense pas avoir fait quelque chose pour que Jia Heng m’évite et pourtant c’est comme ça que je le ressens, je le regarde, mais pas lui et si encore ça dure depuis des jours j’aurais peut-être un mot à dire, mais là pour une seule soirée ai-je le droit de lui demander ça ? Je parle et je regrette ensuite en me traitant mentalement d’idiot, j’aurais dû me taire simplement. Nos regards se croisent, mais pas assez longtemps pour me rassurer, ses paroles et le ton qu’il emploie ne m’aide pas à me conforter dans le fait que je sois innocent dans son comportement. Mais j’ai assez parlé, que pourrais-je dire de plus. Je baisse le regard automatiquement, si mon expression est neutre intérieurement je suis un peu blessé par cette situation, je crains qu’elle ne dure et j’aimerai comprendre pourquoi, tout allait bien hier encore et bien sûr je ne suis pas assez futé pour faire le rapprochement avec Eri, faut pas trop m’en demander. Levant les yeux je l’entends tapoter la place à côté de lui et il ne m’en faut pas plus pour avancer et m’exécuter, assis à l’autre bout du canapé. Je ne me doute pas encore que l’on va devoir parler sérieusement de certaines choses, pour l’instant tout ce qui me traverse l’esprit c’est qu’il y a un truc qui ne va pas et j’ignore quoi, ça m’énerve de ne pas comprendre Jia Heng, je suis son garde du corps, son ami et si quelqu’un devrais savoir quand il a un souci c’est moi, mais même si je le vois, c’est plus compliqué de lui faire dire les choses, maintenant que nous sommes assis à côté je pourrais le questionner à nouveau, mais... Pourquoi est-ce que ça me dérange autant, je n’ai aucun droit d’attendre des réponses de sa part, bon sang... Je me frotte les tempes sous mes intenses réflexions sans vraiment m’en rendre compte, c’est dur de réfléchir autant.

Je n'ai pas spécialement envie d'aborder le sujet qui me trotte dans la tête, tout simplement parce que je ne suis pas expert dans le domaine, et moi-même je ne comprends pas spécialement ce qui m'arrive. Je sais juste que, depuis hier, je suis distant envers Ayden, je m'en rends compte et si même lui commence à s'en rendre compte c'est que ça doit être flagrant. J'ai dû dépasser les limites. Et pourtant, je ne veux rien cacher à mon garde du corps, c'est pourquoi après m'être installé dans le sofa, je tapote la place à mes côtés pour qu'il me rejoigne. Il ne dit pas un mot, mais je peux largement voir à son attitude qu'il est épuisé, je soupire en le voyant se masser les tempes. « Tu es fatigué ? » Je ne fais que maladroitement repousser le sujet.

Finalement, je laisse mon regard aller dans le vide. Ayden et moi sommes côte à côté sur le canapé, nos corps se frôlent mais ne se touchent pas. J'ai l'envie irrésistible d'oublier toute cette histoire et de lover mon corps contre le sien, mais ça n'est pas possible et ce pour deux raisons. Il s'agit d'un sujet qu'on doit aborder tôt ou tard alors autant le faire maintenant, et deuxièmement mon garde du corps et moi, ne sommes pas encore arrivé au point d'être si tactile. J'aimerai bien, mais la distance émotionnelle d'Ayden me bloque souvent. Quoi qu'il en soit, je me lance finalement. « Hier, je t'ai vu devant la fontaine, mais je suis rentré tout seul. » Jusqu'ici, je ne lui révèle pas grand-chose. « J’ai vu que tu étais occupé, alors je n’ai pas voulu te déranger. » lâchais-je cette fois, contre mon gré, un peu plus froidement. Lorsque je l’ai vu en compagnie de cette fille, je n’ai pas trop su quoi penser. Peut-être qu’ils sont simplement amis, que sais-je, mais la voir si joyeuse et si proche d’Ayden m’a légèrement dérangé.

Je ne sais pas vraiment ce que je dois dire, en fait je ne suis pas facile à comprendre et je le sais bien, Jia Heng est le seul envers qui je m’ouvre plus et me montre plus expressif, mais au final il y a encore des sujets ou des situations que je ne gère pas, je suis encore en évolution et il me faut du temps. Pourtant je vois que quelque chose ne va pas et j’ai osé le dire parce qu’au fond de moi je l’ai ressenti ainsi, même s’il me dit le contraire une part de moi a compris que ça n’allait pas, je veux savoir et comprendre, mais seul je n’y arriverai pas. Sa froideur envers moi est une preuve que je ne me fais pas des idées et quand il me demande de m’asseoir je m’exécute sans un mot, j’attends surement qu’il m’explique ou parle le premier, perdu dans mes réflexions je n’ai aucune idée de comment débuter. Fatigué ? Je le regarde en hochant la tête négativement, en fait je ne sais pas, je n’ai pas réfléchi pour savoir si je l’étais, j’ai déjà de quoi penser et je préfère me concentrer sur cette priorité. Je ne suis pas distant ou autre avec lui, je ne sais juste pas comment m’y prendre, je sais que ma façon d’être peut déranger, mais j’ai été élevé et j’ai grandit comme ça, je voudrais pouvoir être plus expressif ou libre d’afficher mes émotions et mes sentiments, mais je ne sais simplement pas comment faire. Pourquoi ? S'il m’a vu pourquoi n’est-il pas venu ? Je me questionne en le regardant, curieux de savoir la réponse. « Occupé ? Je n’étais pas occupé, je t’attendais. » Je ne comprends pas. Il n’avait aucune raison de m’ignorer, je ne faisais que l’attendre... Ah ! « Est-ce parce que je n’étais pas seul ? » Je ne suis pas sûr, mais je ne vois pas d’autres raisons, il ne m’aurait pas ignoré sinon, pas vrai ?

La tension est bien présente dans notre petit dortoir. Un silence pesant, et non pas un silence ordinaire comme d'habitude, règne à l'intérieur des murs. Tout ça me rend mal à l'aise. Il faut que je m'explique, car au final, cette mauvaise ambiance est de ma faute. Ayden n'y est pour rien. Je lui demande s'il est fatigué mais il secoue négativement la tête. Il a pourtant l'air de l'être, mais je n'insiste pas. Au contraire, j'entame je sujet qui nous "dérange". Je lui explique, un peu trop froidement surement, que je l'ai bien vu devant la fontaine mais qu'il semblait occupé alors j'ai préféré le laisser tranquille et rentrait au dortoir seul, une grande première depuis notre arrivée au Japon. Même quand il était porté disparu, mon garde du corps idiot me suivait partout, même en classe, où il restait debout devant la porte - plus remarqué tu meurs...

Ayden semble ne pas comprendre tout de suite ce que je dis. Pour lui il n'était pas occupé, mais rapidement, il mentionne le fait qu'il était avec quelqu'un. Je fronce les sourcils, regardant droit devant moi, toujours contrarié en revoyant la scène d'hier. Puis je finis par hocher le menton. « Tu n'étais pas seul et vous aviez l'air en grande conversation, je n'allais pas venir vous déranger. ». En fait, mon garde du corps est loin d'être un grand bavard, ça m'étonnerait qu'il ait beaucoup parlé mais en tout cas, la fille en face de lui avait l'air de lui raconter une longue histoire. Ses lèvres ne faisaient que bouger... Finalement je soupire. « C'est qui cette fille ? ». En réalité, je ne sais pas si je suis vraiment jaloux de cette fille avec qui il parlait, je crois que ce qui me dérange le plus dans l'histoire, c'est le fait qu'il portait toute son attention à elle et non pas à la porte par laquelle je suis sorti. D'habitude, à peine je sors qu'il vient me rejoindre, car il surveille ma sortie, seulement là, il ne m'a même pas remarqué...

C’est difficile de tout mettre dans le contexte, je n’ai pas encore tous les éléments pour pouvoir me faire une idée de ce qui dérange tant Jia Heng, avant je n’aurais surement pas cherché à comprendre, je n’aurais pas posé de questions, je n’aurais pas douté, par remarquer qu’un truc n’allait pas, avant j’étais bien pire que maintenant. Tout à changer en même temps que mes sentiments, si je ne le montre pas j’ai bien conscience que les choses ont changée depuis cette fois-là, ce souvenir est encore présent et même lorsque je me suis retrouvé seul en Chine je ne rêvais que de le retrouver, garde du corps c’est vrai, mais c’est bien plus que ça, je n’existe pas sans Jia Heng ou non... C’est faux, je dirais plutôt que j’existe pour lui. C’est plus positif n’est-ce pas . Petit à petit j’ouvre les yeux sur des choses qui m’était totalement inconnu et j’élargis ma vision, même si je suis encore un novice dans beaucoup de domaines et toujours aussi compliquer à comprendre et à cerner à cause de mon manque crucial d’expression, je fais des efforts, mais c’est dur de changer ce qu’on est.

Même lorsque Jia Heng m’apprend qu’il m’a vu je n’arrive pas de suite à comprendre pourquoi il n’est pas venu, pourquoi il ne m’a pas appelé, pourquoi il est rentré sans un mot en me laissant planter là ? Je ne sais pas. Mais je réalise que je n’étais pas tout seul, Eri me parlait et j’étais perdu dans un échange avec une « amie » de longue date, je n’ai pas tout compris je dois l’avouer, mais pour une fois je voulais être attentif, l’écouter et peut-être trouver des réponses dans ses expériences à mon problème, je suis plus impliqué que l’on pourrait se l’imaginer, mais trop maladroit pour que cela ne se voit. Je regarde Jia Heng sans trop savoir comment répondre à sa question, même si elle est simple, c’est juste qu’à part lui je n’ai pas énormément de « lien » défini. « Nous étions à l’école ensemble quand je vivais à Los Angeles, je te l'ai dis non ? » Je finis simplement par répondre comme ça vient sans réellement trop savoir quoi dire de plus que ce que je lui ai déjà dit jusque-là, rajoutant simplement. « Elle me savait « disparut » et a été surprise de me voir en vie, alors on a parlé pendant que je t’attendais, je l’ai surtout écouté à vrai dire. » Il n’y a qu’avec Jia Heng que je parle « beaucoup » du moins plus qu’avec les autres en tout cas.

Je ne me doute pas une seconde que mon comportement ait pu l’agacer, le blessé, le déranger ou que sais-je, ce n’est pas intentionnellement que je ne l’ai pas vu sortir des cours. « Ne rentre pas seul. Ne m’ignore pas. Ça me dérange. »

Ayden et moi ne sommes même pas ce qu'on peut appeler un "couple". On a juste couché ensemble une fois, on s'est embrassés deux ou trois fois, et ça s'arrête là. Il n'y a rien d'officiel entre nous. Pourtant, mes sentiments sont bien là, j'en ai toujours été plus ou moins conscient, mais depuis le retour d'Ayden, depuis le moment où il s'est accroché à mon bras, m'a tiré du bord du toit et m'a plaqué au sol contre lui, j'en suis certain. Je l'aime. Seulement, il n'y a visiblement rien de si compliqué que l'amour, alors, je préfère continuer de vivre comme on l'a toujours fait, sans penser à toutes ces choses bien trop complexes pour moi. C'est ce que j'aimerais. Sauf que, sans que je le veuille, ces sentiments tambourinent dans ma tête et me rappelle qu'ils sont bien là.

Je m'en veux de ressentir cette jalousie, je m'en veux parce qu'en plus de me déranger, ça dérange Ayden. Mon garde du corps m'explique calmement qui est cette fille, en vrai il ne m'apprend rien de nouveau car on a déjà parlé d'elle. Mais ce n'est pas la question que je posais réellement... Je voulais plutôt savoir qui elle est pour LUI. Je soupire. Je m'agace moi-même.

« Et moi ça me dérange de te voir avec cette fille... » J'ai parlé si faiblement que si Ayden n'était pas à côté de moi il ne m'aurait pas entendu, sauf qu'il est là, à côté de moi sur le canapé. Je m'en veux terriblement d'avoir parlé à haute voix, je m'en veux parce qu'Ayden ne va pas forcément comprendre pourquoi je dis ça, et je ne vois pas comment m'expliquer. Je baisse les yeux vers le sol en me mordillant la lèvre inférieure. Je n'ose même pas le regarder dans les yeux. « Excuse moi » Je murmure faiblement. Je n'ai pas envie de me disputer avec Ayden.

L'amour, le sexe, toutes ses choses je n’y comprends rien, enfin je n’y comprenais rien. Avant de coucher avec Jia Heng je n’ai jamais eu de rapport sexuel, je ne savais même pas ce que ça faisait, je n’en ressentais pas non plus le besoin. Bien que je sois un homme, mon mode de vie, ma façon d’être, mon coté hors normes fait que même ça j’aurais pu ne jamais chercher à en faire l’expérience, mais il a suffi d’un écart, d’un instant pour que les choses prennent le dessus et que mon corps lui appartienne. Même après ça, rien à changé, j’ai commencé à me poser des questions sur certaines choses, mais je n’en trouvais pas forcément les réponses. Puis nos baisers comme ce soir-là sur le toit, je ne peux pas vraiment expliquer, mais en étant loin de lui j’ai réalisé avec certitude ce que je ressentais, pourtant je n’en ai pas parlé, comment aborder le sujet ? Je ne suis que son garde du corps après tout, du moins aux yeux de tous, de son père, je n’ai pas le droit de désirer plus et pourtant je me surprends parfois à le faire. Je suis de plus en plus honnête et même entreprenant, dans le sens où je suis capable de lui poser les questions même si elles semblent totalement absurdes ou si je me trompe, je ne veux pas de cette tension entre nous, je ne veux pas qu’il rentre seul ou qu’il m’ignore quand il me voit, je l’attends sans cesse, j’ai beau discuter avec les autres au final je ne fais que l’attendre et ça me dérange vraiment qu’il y voit autre chose. « Pourquoi ? » Malgré que le son soit bas, je l’ai parfaitement entendu et questionné assez vite. Eri est juste une amie, je ne comprends pas vraiment ce qui le dérange, je veux savoir. Le mieux pour ça est de directement le lui demander, même si je n’aurais peut-être pas ma réponse. De quoi il s’excuse ? Je ne comprends plus. « Tu n’as aucune raison de t’excuser, j’ai eu tort. » J’aurais dû le voir, j’ai failli dans mon rôle hier et j’en ai cruellement conscience.

Je suis entrain de réagir n'importe comment. Je suis ce gars qu'on voit dans les films ou dans les dramas, ce gars insupportable qui est hyper jaloux de sa copine et qui se brouille avec elle pour n'importe quoi. Je suis comme ça avec Ayden. Mais je n'ai pas envie d'être ce type-là. Je secoue la tête lorsqu'il me demande pourquoi ça me dérange tant de le voir avec cette fille. Impossible que je lui réponde. J'aurai l'air de quoi au final ? C'est une amie d'enfance qu'il a retrouvé après de nombreuses années, c'est peut-être l'une de ses seules amies en vérité, alors de qu'elle droit je pourrais lui reprocher de passer du temps avec elle ? Je commence à comprendre qu'il ne peut pas simplement passer son temps à m'attendre, dans le silence, sans rien faire et sans parler à personne. J'ai toujours eu l'habitude qu'il agisse comme ça, alors j'ai du mal à réaliser, parfois, que lui aussi il a le droit de vivre pour autre chose que pour moi.

« J'ai pas à t'empêcher de faire quoi que ce soit, ça me fait drôle c'est tout. ». C'est vrai que ça me fait bizarre de le voir parler avec quelqu'un d'autre que moi, je veux dire, de façon amicale. « Fais ce que tu veux. Cette fille... » Je soupire avant de reprendre « Elle a pas l'air méchante, je vois pas pourquoi je t'interdirais de passer du temps avec elle. ». Même si je préférerai que tu passes plus de temps avec moi, ais-je envie de rajouter. Je ne sais pas vraiment pour qui je me prends à lui parler de la sorte, pour son maître, certainement. En vérité c'est ce que je suis, son rôle est de m'écouter, de faire ce que j'ai envie, de me suivre vingt-quatre heures sur vingt-quatre si je le lui demande. Mais j'ai tout sauf envie de jouer à ce petit jeu avec Ayden. Parce que ce que je veux avant tout, c'est qu'il soit heureux.

Je ne juge pas Jia Heng, je ne juge pas sa réaction, de toute façon je ne regarde pas de drama et me contente des films d’action, tout le reste m’endors donc je n’ai aucun « repère » pour juger de sa façon d’agir, pour moi il a ses raisons et j’ai mes torts, je ne me rabaisse pas à ses paroles et continue de le questionner pour simplement comprendre ou trouver une solution pour ne pas devoir faire face à cette tension qui m’a dérangé toute la soirée, toute la nuit et ce matin encore, je n’aime pas ça, je me fiche de créer des conflits dans le monde entier, mais je ne veux pas en créer dans cet endroit, ni avec cette personne, suis-je trop gourmand ? Je pourrais le croire. Je ne sais pas quoi répondre, alors je le regarde simplement avant de reposer mon regard droit devant, je ne veux pas arrêter de voir Eri, c’est une amie, mais je ne veux pas troubler Jia Heng, c’est compliqué, quand je n’avais pas de choix à faire, rien à quoi pensé les choses étaient plus simple, mais j’ai l’impression que cette « époque » remonte à loin et d’être toujours entrain de réfléchir en ce moment, c’est épuisant. Elle n’est pas méchante en effet, elle est plutôt « amusante » et expressive aussi, tout ce que je ne suis pas. Cependant, je ne peux plus me permettre de ne pas remarquer Jia Heng, alors j’aurai qu’à retourner l’attendre devant la porte de ses cours, je ne risquerai pas de lui passer à côté comme ça... Oui ça m’a vraiment dérangé, ne pas l’avoir vu ou l’avoir laissé rentrer seul me fait me sentir extrêmement coupable, ce n’est pas ce que je voulais, mais apparemment je ne suis pas aussi infaillible qu’on pourrait le penser... Et je dois remédier à ça. « Tu pourrais le faire. » Je souris faiblement en reposant mes iris sur lui. « Me l’interdire, me l’ordonner, me commander. » Même si ici on a tendance à l’oublier je suis à ses ordres et j’obéirai sans poser de questions s’il me le demandait. Mon sourire s’agrandit un peu, je me sens quand même un peu soulagé qu’au final ce qui le dérangé ne soit « que » ça.

« Je n'en ai pas envie. ». Lui interdire, lui ordonner, le commander. Même si, en réalité, c'est la relation qu'on devrait avoir. Moi qui ordonne, lui qui exécute. Ca devient de plus en plus compliqué, pour moi en tout cas. Je suis légèrement surpris quand je vois Ayden sourire. Qu'est-ce qu'il se passe ? Cette conversation est-elle terminée ? Visiblement oui, c'est moi qui dois avoir le dernier mot d'après Ayden, c'est moi qui dois décider. Je ne peux m'empêcher de sourire, moi aussi, face au visage de mon garde du corps, même si je ne comprends pas tout à fait la situation. « Je ne veux pas t'empêcher de voir tes amis, juste, fais le quand je suis en cours. ». Bon voilà, c'est la seule chose que je vais lui "ordonner" pour le moment. Je m'en fiche qu'il traîne avec cette fille pendant que je ne les vois pas. Enfin avant ça, je vais quand même m'assurer qu'elle n'est pas n'importe qui, et qu'elle n'essaie pas de mettre de grappin sur Ayden. Une fois que je m'en serai assuré, je serai peut-être un peu rassuré.

Je m'en veux un d'avoir été si froid et distant depuis hier pour une histoire comme celle-ci, mais c'est plus fort que moi. Lui et moi, je ne sais pas où nous en sommes, je ne sais pas comment je dois nous considérer. Alors avec tout ce flou, j'ai été encore plus perdu hier soir... Finalement, je pose ma tête sur l'épaule d'Ayden dans un nouveau soupire. Rien n'est facile. Et ça ne le sera sans doute jamais. C'est comme ça pour tout le monde non ? Alors que ma joue est en contact avec l'épaule de mon ami, je sens mon coeur s'accélérer légèrement dans ma poitrine, comme à chaque fois que je suis si proche que ça de lui.

J’en étais conscient, je le savais déjà tout ça. J’ai beau être à ses « ordres » Jia Heng ne m’ordonne jamais rien ou en tout cas pas comme il le devrait ou le pourrait, quoiqu’il me demande de faire je m’exécuterai toujours, mais le fait que l’on soit si proche enlève cette relation d’employeur et d’employé. Après tout je ne le protège pas pour l’agent qui rentre sur mon compte, je ne le protège pas non plus pour faire « bien » mon travail, je le fais parce que j’en ai envie, parce que je veux être ici et faire en sorte qu’il soit toujours en sécurité, c’est mon seul souhait et ma plus grande détermination, être son bouclier ou simplement partager chaque instant ensemble, c’est ma raison de vivre, il est ma raison d’exister et chaque jour le prouve. Après tout c'est le seul à réussir à me changer. Il veille sur moi autant que je veille sur lui, il peut être égoïste avec moi, possessif, il peut tout faire, je pourrais être ce qu’il veut, ce qu’il désire, pourtant il fait attention à mes sentiments et cela même quand je suis en tort, car pour moi je suis le seul fautif de cette situation. Le faire quand il est en cours ? Je hoche la tête, je n’ai pas beaucoup d’amis de toute façon et généralement je ne vois personne sauf quand j’étudie dans le gymnase ou que je sors au centre commercial, alors il n’a pas de soucis à se faire, Eri est surement l’une des seules exceptions. Je ne fais pas vraiment attention au sourire sur mes lèvres qui s’agrandit, mais je me sens juste soulagé et bizarrement mon visage le montre d’une façon simple et spontané, j’ignore si on a fini d’en parler, si on a tout mis au clair ou si j’ai encore des choses à me faire pardonner, mais dans tous les cas je n’ai qu’à faire attention pour éviter que cela se reproduise.

Sentant la tête de Jia Heng se poser sur mon épaule mon visage redevient sérieux, pas que ça me déplaît au contraire, mais je ne m’y attendais pas et même cette situation me rend étrange, on ne fait rien de mal, mais la proximité a le don d’agiter cet organe dans ma poitrine, si je donne souvent l’impression d’être « calme », intérieurement c’est toujours le bordel. Louchant sur Jia Heng, je ne sais pas quoi dire ou faire maintenant qu’on a mis au clair tout ça... « Tu as faim ? Soif ? Chaud ? Froid ? Hum... » L’embrouille, je me perds un peu et m’emmêle les pinceaux, si j’étais expressif ça vaudrait surement le détour, même si ça doit être encore plus drôle actuellement...

Au final, l'histoire avec cette fille semble être un point que nous avons réussi à éclaircir - même si je ne suis pas certain de la réaction que je pourrai avoir si je les revoyais tous les deux... Par contre, une chose qui bug toujours dans ma tête, c'est notre situation à tous les deux. Nous venons d'avoir une genre d'embrouille de couple - même si on ne s'est pas non plus engueulé - mais qui sommes nous pour avoir eu cette conversation ? Je veux dire, sommes nous vraiment un couple ? C'est la question que je me pose le plus depuis quelques semaines déjà, et avec ce qu'il s'est passé hier, je commence vraiment à chercher des réponses. Je veux savoir. Je ne sais pas si cela changera quoi que ce soit, mon comportement, le sien, mes habitudes. Peut-être pas, peut-être que si. Parfois je croise des couples dans la rue, main dans la main, se tenant par la taille, s'embrassant avant de se séparer. Tout ça, je sais parfaitement qu'Ayden et moi, nous ne le ferons jamais, pas en public. Si nous commençons à entretenir cette relation, nous ne serons en revanche jamais un couple "normal" si on peut dire. Pourtant, faire ce genre de choses à l'abris des regards, dans notre dortoir, j'aimerai parfois que ça arrive. Mais je suis bien trop froussard pour faire le premier pas. Oui, c'est un défaut que je me suis découvert il y a quelques mois, la frousse.

La réflexion d'Ayden - visiblement surpris et peut-être mal à l'aise - me fait doucement rire. C'est fou ce don qu'il a pour sortir des choses sans aucune expression sur son visage. Je ne connais aucune autre personne capable de réagir comme ça, et le pire, c'est que c'est naturel chez lui, il ne le fait même pas exprès. Finalement, prenant mon courage à deux mains, je me love un peu plus contre lui. C'est fou le bien que ça fait, la chaleur qui envahi mon corps. En présence d'Ayden, je découvre tout un tas de sensation dont je n'aurais jamais pensé qu'elles puissent exister. Finalement, la voix basse, je demande « On peut dormir ensemble cette nuit ? » J'ai du hésiter genre mille ans avant de poser cette question.

Dans notre relation il faut simplement un point de départ, un coup de pouce, assez de courage pour poser les bonnes questions, pour l’instant je reste silencieux devant mes propres interrogations, car même si avant je n'étais vraiment pas du genre à en avoir, aujourd’hui depuis quelques mois en fait je me demande pas mal de choses et je veux aussi comprendre, avoir des réponses et mettre un nom sur ce qu’on est vraiment l’un pour l’autre, sans prétention bien sûr... Peut-être que je serais toujours simplement son garde du corps, peut-être pas, mais faut-il encore qu’on trouve le moment d’en discuter. Je ne sais pas du tout ce qu’être en couple signifie, Jia Heng et moi sommes des personnes très différentes des autres, unique dans nos vies comme dans nos comportements, mais au moins j’ai pu réaliser ce que j’éprouvais pour lui lorsque nous étions séparés, avant la Chine je me demandais encore comment on avait simplement couché ensemble, mais après, le manque, l’envie de le voir, toutes mes pensées allé dans sa direction, même si je semble froid ou imposant parfois de par mon manque d'expressions, j’ai un cœur qui bat, un sang chaud qui coule dans mes veines et des sentiments qui naissent naturellement, je suis humain. L’avoir contre moi, tout prêt, je peux sentir sa chaleur et je me sens bien, certes ça me fait me sentir un peu étrange, je ne sais pas quoi faire ou quoi dire dans cette situation et même si j’ignore comment agir, mon cœur lui le sait parfaitement en s’affolant soudainement dans sa cage thoracique alors que je peux entendre les paroles de Jia Heng. Dormir ensemble ? Tournant doucement la tête pour le regarder, je peux vraiment sentir les pulsions de manières incontrôlables. « On peut ? » C’est surement idiot comme question, mais je le veux vraiment, au fond j’aimerai être simplement avec lui tout le temps, bien que je sais ne pas être en mesure de faire des exigences, je ne peux répondre qu’au sien. Un petit sourire s’immisce sur mes lèvres alors que je hoche positivement la tête lentement pour répondre plus clairement à sa question.

J'ai osé lui demander un telle chose et moi-même j'ai du mal à réaliser que ces mots sont sortis de ma bouche. Il y a quelques mois encore, jamais je n'aurais pensé en arriver là. Certes on a couché ensembles un jour, mais d'ailleurs, je me suis toujours demandé comment on en est arrivé là cette fois là. Ce moment est resté imprégné dans ma tête, et je m’écorçais de ne pas y penser car ça m'énervait de ne pas comprendre.  Mais je crois que depuis quelques temps, je commence à comprendre ce qu'il se passe dans ma tête, et peut-être bien dans celle d'Ayden également. On ne fonctionne vraiment pas comme les autres... Et justement je pense que c'est pour ça qu'une telle alchimie s'est instaurée entre nous deux. Un truc que, finalement, personne d'autre que nous ne peut connaître.

Ma demande semble étonner Ayden. Je le sens se redresser et j'éloigne la tête de mon épaule, le voyant me regarder avec interrogation. Sa remarque me fait doucement rire, alors j'hausse les épaules et sors un « Pourquoi on ne pourrait pas ? » La seule personne qui pourrait nous en empêcher serait peut-être mon père, ou en tout cas tous ces gens qui se trouvent en Chine et que je déteste. Mais dommage pour eux, nous on est au Japon, loin d'eux. Et en plus de ça, dans notre dortoir, ici il n'y a que nous, et personne ne peut rien nous dire. Au final, Ayden hoche le menton en me souriant. Je comprends alors que je ne suis pas seul, loin de là, il ressent certainement la même chose que moi. Je pense qu'au fond de moi je l'ai su dès ce jour, le soir où il est revenu de Chine et que la première chose qu'il a fait était de poser ses lèvres sur les miennes.

Mais c'est bizarre cette sensation. Le fait de penser au fait que je vais dormir avec Ayden ce soir me tord complètement l'estomac. Est-ce le stress ? J'en sais rien, mais en tout cas, j'ai hâte que la nuit tombe...

Il a raison, pourquoi on ne pourrait pas ? Pour plein de raison en fait, mais nous sommes plutôt du genre à ne pas tenir compte de ça dès que nous sommes dans ce dortoir ou loin de ses contraintes qui nous sépare. Je suppose que toutes les questions que je me pose ne sont pas là pour rien, à son contact je suis devenu plus « humain » pas que je ne l’étais pas avant, mais je découvre les sentiments et mêmes certaines émotions, expressions que personne ne pourrait imaginer me voir faire ou ressentir. Je n’ai jamais regretté d’être au service de Jia Heng, qu’on me considère comme un robot ou une marionnette ne m’a jamais dérangé, mais plus je reste avec lui, plus on avance ensemble et plus je m’ouvre à lui, changeant peu à peu, ce n’est pas extrême, mais si quelqu’un peut remarquer ça, c’est bien moi et lui. Même Jia Heng a changé, pour que je le remarque c’est que notre relation a pris une tournure qui me pousse à faire attention à tous ses détails, qui sait comment ça va évoluer dans l’avenir, comment je vais changer, comment il va changer, mais sa demande et mon cœur qui bat, mon envie d’accepter sans hésiter, mes interrogations sur « nous », tout ça c’est récent, me forçant à admettre ce que je savais déjà. Je n’ai jamais connu l’amour, je ne suis jamais tombé amoureux, mais cette fois je ne peux pas me mentir, Jia Heng qui est déjà plus précieux que ma vie à aussi réchauffer cet organe solitaire battant dans ma poitrine pour se l’accaparer, c’est là une réalité qui m’est impossible de rejeter. Je souris en hochant la tête pour approuver son idée, je me sens bizarre intérieurement, partagé entre la joie et la peur de ne pas savoir comment agir, de mal faire ou de simplement être à côté de la plaque, c’est stupide, mais mon cœur bat plus vite alors que je pense à ce soir, sans pouvoir virer ce sourire de mes lèvres, je suis un idiot.

Me raclant la gorge je finis par me lever, ne sachant pas trop quoi faire, que ce soit de mes mains, de moi, je regarde autour en cherchant une idée, mais j’ai l’impression que cette attente va un peu me rendre fou si je ne trouve pas une occupation, ce n'est pas mon genre, mais cette fois je suis vraiment impatient, excité et tourmenté à la fois. « On fait quoi ? » J’aurais dû lui demander ce qu’il comptait faire plutôt, mais trop tard.