"in every conceivable manner,
the family is link to our past,
bridge to our future."
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Taherh Kian, un scientifique iranien venu s’installer en Australie afin d’effectuer des recherches toutes plus intrigantes et mystérieuses les unes que les autres, et Nadeshiko Fugaku, une jeune japonaise envoyé par ses parents en Australie en quête de fortune, se sont rencontrés par le pur fruit du hasard.
Comment deux personnes, autant différente l’une de l’autre, auraient pu s’entendre et vivre ensemble pendant une bonne vingtaine d’années ; eux-même ne pensaient pas que cela serait possible la première fois qu’ils se sont vu.
Kian est un homme terre à terre, qui est parfaitement convaincu que toute chose sur terre et dans l’univers a une raison rationnelle d’exister. Il n’est pas un tant soit peu fantaisiste, il ne croit pas aux histoires que l’ont peut raconter. Kian n’est pas ancré sur l’argent, la sécurité et le confort d’un foyer. Qu’il dort sur la banquette arrière de sa voiture ou sur la chaise de son bureau, peu importe.
Fugaku, dont son nom signifie "fortune", provient d’une famille pauvre du sud du Japon. Espérant avoir un fils, ils se sont retrouvés avec une petite fille sur les bras, et les problèmes de santé de la mère n’a pas permis à la famille Nadeshiko de s’agrandir, à leur grand malheur, eux qui désiraient tellement avoir un fils. Fugaku a été élevé dans une famille où la plus petite valeur était grandement importante. Elle a longtemps été piégé dans l’illusion de la vie parfaite que ses parents souhaitaient pour elle, son seul escapade étant la littérature. Fugaku a la tête dans les étoiles, son imagination étant surement son plus grand talent. Mais elle apprécie également le confort d’une maison et la sécurité que cela apporte, ne pas avoir à se soucier de chaque centime dépensé, de chaque facture à payer, de la nourriture à acheter.
Tout les opposait, allant de leur façon de penser à la façon dont ils rangeaient leurs vêtements dans le placard. Ils ne parlaient même pas la même langue. Kian avait des notions scientifiques en anglais, mais il lui était incapable de demander son chemin. Quant à Fugaku, son anglais ressemblait plutôt à un japonais déformé.
Et malgré leurs différences, ils se rencontrèrent et finirent par s’aimer comme ils n’avaient jamais aimé quelqu’un.
On aurait pu croire à un beau conte de fées, ceux auxquels Fugaku croyait et Kian désapprouvait.
"there is a crack in everything
that’s how the light gets in."
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Tout ce qu’ils souhaitaient réellement, c’était vivre leur vie paisiblement, Kian ruminant face à ses expériences scientifiques et Fugaku vaquant à son imagination, passant ses journées dans son endroit favori, la bibliothèque. Et le soir, ils se retrouvaient, partageant un repas simple et agréable, parlant de choses qui les rapprochaient et les différenciaient. Ils dormaient ensemble dans le lit double de leur nouvel appartement commun, parfois ils ne dormaient pas vraiment, et puis il arrivait à Fugaku de dormir toute seule dans le lit trop grande pour son maigre corps. Le matin, souvent ils se retrouvaient dans la bonne humeur de commencer une nouvelle journée, que ce soit sous la pluie ou le soleil. Ils étaient deux êtres simples, vivant une vie simple.
Ils ne voulaient rien d’autre mais continuer à s’aimer. Or, de l’amour vient souvent autre chose, et le jour où Fugaku se rendit compte que cela faisait bien deux semaines qu’elle avait la nausée, et que la date de ses règles était dépassée sans qu’elle n’ait versé une goutte de sang, elle se mit à paniquer. La peur la prit à la gorge. Elle n’était pas prête, ils n’étaient pas préparés à une telle chose, à un tel changement dans leur vie régulière. Kian non plus n’était pas apte à faire face à la situation. En apprenant la nouvelle, il s’était encore plus enfermé dans son laboratoire, se noyant dans ses recherches et laissant sa bien-aimée couler seule sous l’inquiétude et la panique.
Ce jour-là, leur symbiose fut brisée à jamais. Plus jamais ils n’auront cette routine qu’ils avaient installé, plus jamais ils n’auront ce calme entre eux, cette tendresse infinie à l’égard de l’autre. L’arrivée d’un troisième dans leur vie à deux avait tout chamboulé, jusqu’à l’amour qu’ils éprouvaient pour l’autre.
"i would define, in brief,
the poetry of words
as the rhythmical creation of beauty."
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Fugaku a appris à aimer cet élément nouveau qui a perturbé son équilibre. Farley a grandit avec l’amour incandescent d’une mère et l’attention interdite d’un père. Dans ses années d’innocence fidèle, Fugaku lui répétait que son père l’aimait à sa façon ; lui donnant une éducation terre à terre, Farley a grandit en apprenant par cœur les lois physiques régissant l’univers, les formules chimiques de certains éléments improbables, et les conséquences d’un mélange de produits un peu épicé.
De sa mère lui est venu une éducation bien plus lumineuse et légère, un parfait contraste quant à l’application que Kian avait fait de son autorité paternel. Elle lui avait enseigné l’art, au sens propre du terme. La littérature, et comment les livres permettent d’élargir les horizons, de repousser les pensées obscures et de faire apparaître des sourires sur les visages, des étoiles dans les yeux et de faire battre à nouveau un cœur meurtri. Mais elle lui avait également enseigné la beauté de toute chose sur terre.
Kian lui avait appris que tout est régi par des nombres, des formules qui ne tiennent même pas sur une seule page. Fugaku lui avait montré que tout est art, de la façon dont les cheveux d’une personne sont décoiffés lorsqu’elle se lève le matin à la façon dont deux hommes se battent à poings fermés.
Et Farley avait été bien plus obnubilé par la définition du monde qu’en faisait sa mère, plutôt que celle acre de son père. Il y avait quelque chose dans les yeux de sa mère, reflet de son cœur, qui ne cessait de l’émerveiller.
Mais cette étincelle n’était pas faite pour le guider à travers la brume pour toujours. Un jour, elle s’éteindrait. Farley en était pleinement conscient, mais il ne s’était jamais douté que ce jour viendrait aussi vite. Farley avait seulement vécu quinze hivers, et l’étincelle s’était soudainement éteinte, rongée par la maladie d’un amour disparu mais pas oublié.
"the rest of my room is book shelves.
i hoard books.
they are people who do not leave."
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Souffrant de la perte soudaine de lumière dans sa vie, Farley continua à avancer. Il quitta son père trop indifférent au monde, il quitta son pays qui ne l’avait jamais réellement accepté, il quitta la vie qu’il avait vécu jusqu’à présent. Il partait, découvrir un autre endroit où l’art régnait, guidant le moindre mouvement.
Le Japon, ces morceaux de terre fièrement entourés de quantité innombrables d’eau salée. Farley avait déjà vécu sur une île, mais l’envergure de l’Australie ressemblait à un grain comparé au courage du Japon de se tenir seul, dans toute sa petite grandeur, au milieu des vagues démenés de poseïdon.
Depuis le jour de naissance, Farley n’avait jamais été un garçon comme les autres. Surement était-ce car il percevait le monde différemment des autres, il voyait des couleurs invisibles, il apercevait la beauté dans chaque chose et chaque personne sur lequel il posait ses yeux. Il n’avait pas été éduqué comme la plupart des personnes.
Malgré sa différence, il se sentit plus intégré, plus accepté au Japon qu’il ne l’avait été en Australie. Le Japon était la terre natale de sa mère, elle lui avait enseigné sa culture, et Farley s’était immédiatement senti bien plus proche de sa mère dès qu’il avait posé le pied sur le sol japonais.
Pertinemment conscient qu’il ne pourrait subvenir à ses besoins primaires sans une petite aide, il se mit postuler dans des écoles, demandant de l’aide à qui voulait bien lui donner. Les premiers mois furent difficiles pour Farley, peu habitué à la cruauté et à l’ignorance que les êtres humains pouvaient porter à leurs semblables. Farley avait été élevé dans un monde de couleurs et de paix, où la différence de chaque chose et de chaque personne était un trésor à préserver.
Mais il ne comptait pas se laisser submerger par cette façon de pensée, luttant chaque jour pour continuer à avancer dans ce monde semblable et si différent de ce que sa mère lui avait peint.