† Après les examens, la première idée qui était venue à l’esprit de Yuto était de claquer un peu d’argent pour se détendre. Et par un peu, on entendait évidemment une petite fortune que n’importe qui d’autre aurait plutôt utilisée pour se nourrir ou tenir son ménage. Mais cela ne représentait rien dans le budget des Hashimoto, un billet de loterie, tout au plus, ou simplement un paquet de nouilles dans celui d’une personne normale. Il avait trop besoin de vacances pour s’en inquiéter, de toute façon.

Il avait fait préparer ses valises après avoir informé son géniteur de son départ. Une croisière, rien de tel pour dépenser son fric et profiter d’un séjour tranquille. Pas de trafic, pas d’emmerdes. Juste une flopée de personnes à son service. C’était parfait. Sauf qu’il s’y était pris un peu tard et avait décidé de laisser la chance le porter en acceptant de partager sa « cabine » (car il était évident que, pour un Hashimoto, une chambre de luxe n’était jamais de trop). Dans le pire des cas, il n’aurait qu’à passer son temps sur le pont. Il ne s’inquiétait pas au moment de réserver.

Et il ne s’en inquiétait pas jusqu’au moment d’entrer dans ladite chambre. Il fit glisser la clé dans la porte afin d’en débloquer l’entrée, une main dans la poche de son pantalon, avant de la pousser pour découvrir l’endroit où il allait devoir passer quelques semaines. Adressant à peine un regard à la personne qui se trouvait déjà là lorsqu’il arriva, il se dirigea vers sa partie de la chambre afin de récupérer sa valise pour se préparer à la soirée qui arrivait, puisqu’il avait passé tout la journée sur le pont.

« Bonsoir ~ » souffla-t-il poliment en laissant ses yeux s’égarer sur l’écran de son téléphone.

† Des vacances, enfin. Amen. Airi remerciait le monde de lui accorder ça, un moment de détente, de tranquillité. Elle envoya un message à Camille pour savoir si elle s'était bien installée et si elle voulait boire un verre plus tard. Elle avait sûrement mieux à faire, elle était avec Horobin, mais peu importe. Airi craignait de s'ennuyer un peu dans cette grande cabine. Elle allait commencer par mettre son maillot de bain et bronzer sur le petit balcon privé. Après avoir demandé un cocktail, évidemment.

Retirant son haut, elle réfléchit un instant. Normalement, quelqu'un devait venir dans la cabine avec elle... Allez, peu importe, une fille sans doute, et elle n'arriverait pas tout de suite, Airi se changeait rapidement. Retirant tout ses vêtement, elle s'approcha de sa valise, sortant son maillot de bain qu'elle avait acheté avec amour quelques jours plus tôt, glissa sa jambe à l'intérieur, elle sursauta en entendant une voix masculine, lâchant un cri avant de se cacher rapidement. « Oh, c'est toi. » Soupir de soulagement. Remontant la culotte du bikini, elle passa sa main dans ses cheveux avant d'attraper le haut. Soulager ? De voir Yuto ? Ça aurait pu être pire. Il avait déjà vu tout ce qu'il y avait à voir. Prenant le haut, elle l'enfila sans chercher à se cacher plus que ça. « Me dis pas que tu es dans cette cabine ? », s'enquit-elle finalement en se tournant vers lui. On ne lui ferait pas ça, elle était si adorable, elle méritait mieux.

† Ce qu’il avait entendu, c’était une illusion. Le produit de son imagination débordante qui ne semblait plus vouloir s’arrêter depuis le soir où il avait terminé totalement ivre et joué au grand seigneur devant Airi. Ah, ça aurait été tellement bien s’il l’avait seulement imaginé. Mais non. Déception. Déception aussi grosse que… sa poitrine.

En relevant les yeux vers elle, il marqua un temps d’arrêt. Bon, il aurait peut-être dû continuer son chemin au lieu de le regarder comme si elle sortait tout droit d’un film d’horreur, histoire de ne pas commencer le voyage sur une mauvaise note. Mais non, visiblement, non. Il remerciait le ciel de porter ses lunettes noires à l’instant.

« Non, je fais juste un tour des cabines avec mon passe-partout.» Il roula des yeux alors que lui échappaient ces mots. « Qu’est-ce que tu veux que je foute ?  »

Et il faisait le fier, encore, alors qu’il savait parfaitement qu’il aurait dû simplement fermer sa grande gueule et rentrer dans sa chambre pour éviter de discuter avec elle. Sauf que ça, ce n’est pas forcément son truc. Puis il fallait quand même avouer que la scène n’était pas désagréable à voir. Pas du tout même.

« Si tu pensais pouvoir te balader à poil à longueur de journée, va falloir revoir tes plans. »

Et encore plus avec un corps comme le sien. Il réalisait un peu qu’il allait avoir du mal à agir comme si de rien n’était face à elle. Ce n’était pas impossible, il ne partait jamais perdant pour ce genre de choses, mais… difficile, ça oui. Et comme pour le prouver, un soupir lui vint. Non, on ne commençait pas.

« Si ça te plaît pas, tu peux toujours partir, sauter par-dessus bord. Je suis pas là pour m'énerver. »

† Yuto. De tous les déchets de Tokyo, il fallait qu'elle tombes sur le pire de tous. Vraiment, ça la désolait, elle avait vraiment dû être sacrément vilaine dans son autre vie pour mériter ce genre de punition. Évidemment, il était toujours aussi gentil, toujours aussi agréable, elle avait l'impression que la bonté était une maladie chez lui. Le Dalai Lama dans sa cabine.

« J'sais pas encore si je vais revoir mes plans, t'es grands, tu survivras. »

Elle n'allait pas s'embêter de sa présence, elle n'allait pas réagir à ses remarques, elle n'en avait plus rien à faire de toute façon, Yuto ne comptait plus, il n'avait plus la moindre importance. Elle le trouvait lassant, vraiment, elle n'avait même plus la force de lui répondre, tant elle trouvait cela pathétique et ça représentait simplement une incroyable perte de temps. Sans un mot sur ses dernières paroles, elle alla s'installer sur la chaise longue posé dans le petit balcon à leur disposition. Ignorer Yuto, le plus beau programme du monde.

† Si son colocataire pour le séjour avait été n’importe qui d’autre, les choses auraient été plus simples. Malheureusement, il fallait que ce soit elle, celle envers qui se montrer hautain était une véritable torture. Oh oui, il était con. Le plus con de tous, lorsqu’il s’agissait d’expliquer la situation. Après tout, il n’aurait eu qu’à lui dire ce qu’il s’était passé, qu’à s’expliquer, au lieu de lui laisser croire qu’il était le connard qui avait détruit leur relation. C’était ridicule et ça l’énervait plus qu’il ne le pensait. En théorie, c’était si simple.

« Hm… »

Sans répondre, il soupira en la voyant s’éloigner vers le balcon. Il n’allait rien dire. Il allait faire comme si tout était normal. Comme si ce n’était pas Airi. Il s’approcha de l’une de ses valises pour y trouver une tenue soigneusement pliée à mettre pour passer la soirée à bord, puis il revint dans la pièce principale et s’appuya contre la porte-fenêtre qui menait au balcon.

« Et tu ne vas pas venir dîner, du coup ? »

Qu’est-ce que ça pouvait lui foutre, au juste, qu’elle vienne ou pas ? Il aurait dû s’en moquer, mais il n’y parvenait pas. Un soupir lui échappa après sa question. Il était vraiment trop stupide.