••• Je suis face à un mur. Je me tiens debout devant une tour d’acier, un monument impossible à fracasser. Il est connu de tous, plus souvent des artistes, et on le nomme communément je-manque-d’inspiration. Impressionné par la force avec laquelle il s’impose, je ne peux que regarder d’un œil fatigué mon calepin d’écriture. Crayon en main, je gribouille le coin d’une page en poussant un long et bruyant soupir. Les mots se sont envolés dans la tempête, le notes se sont perdues dans la nuit, mais moi, je reste là en espérant retrouver mon âme de créateur.
-Ça suffit.
Je marmonne en quittant ma chaise, en abandonnant ma chambre, mon sanctuaire. Calepin et crayon glissés dans la poche arrière de mon jean, je vais me ressourcer dans un endroit propice aux énergies musicales ; l’aile des artistes, des musiciens, des danseurs, des chanteurs. Tous s’y mêlent et l’endroit est instantanément coloré d’émotions et de prestations. Durant les deux dernières années passées, j’ai rapidement pris l’habitude d’y traîner les pieds pour refaire le plein d’inspiration. Pour m’imprégner des good vibes, pour dénicher une parole, une note, un ton de voix. Cette fois n’est pourtant pas ma chance, car le coin semble calme. Les cours sont endormis, les matières ne sont pas propices à la pratique, mais plutôt à la théorie. Un écouteur dans l’oreille, je continus toutefois de remonter le couloir et d’errer entre des portes closes et entrouvertes. Âme perdue, je virevolte ici et là à la recherche de la moindre petite brise d’inspiration. Les chansons se succèdent, un groupe coréen prend d’assaut le silence à la fin d’une chanson. C’est une ballade, les pleurs d’un cœur qui a perdu l’être aimé, les cris d’un homme qui désire avoir une seconde chance.
Je rêve. Cette voix, en symbiose parfaite avec la musique et les paroles qui sortent de mon écouteur, est celle d’un homme. Ce n’est pas une mélodie enregistrée. C’est un chant acapela, une voix claire, débordante d’émotion. Vivante.
-Heeojimiran seulpeumui mugereul, nan wae mollasseulkka.
Mes doigts glissent dans la poche arrière de mon jean pour diminuer le son de la musique. Celle-ci continue de jouer pour le tempo de base, mais j’oublie les chanteurs de groupe. Je suis complètement happé par cette seule et unique personne, source de ma surprise alors que je reste immobile devant une porte entrouverte. Pourquoi cette voix à une note que je semble reconnaître ?
-If you, if you. Ajik neomu neutji anhatdamyeon, suneun eopseulkka.
■ Age : vingt-deux ans ■ Date de naissance : 24/12/1995 ■ Astrologie : born ♑ {capricorne} × 猪 {cochon} « Tu ne sais jamais à quel point tu es fort jusqu'au jour où être fort reste la seule option » ■ Métier : a été caisier dans un konbini, serveur dans un restaurant & homme à tout faire -surtout tondre la pelouse, sortir des chiens ou faire un brin de ménage chez les gens du voisinage -. actuellement barman dans un club, depuis pas très très longtemps. nouvellement viré et sans emploi. ■ Année : troisième année ■ Résidant à : shibuya dans une belle maison avec mon copain ♥ ■ Notes :
Racheter de la nourriture pour Ben & Nuts, mes chiens. ❀ éviter le voisin à tout prix! Ce mec connait quasiment toute ma vie... Même les choses à ne pas révéler. ❀ En apprendre plus sur Kyann, finalement. ❀ être un bon capitaine de club ❀ me morfondre dans un coin maintenant que j'ai été viré...
❀ Ne pas refaire boire mon petit copain sous risque de le perdre totalement dans les méandres de sa débilité profonde. ❀ vivre ma vie avec mon copain ❀ trouver la maison de nos rêves ❀ changer de cursus pour l'art ❀ participer à des auditions à angel entertainement. ❀ faire retrouver la mémoire à kyann ❀ crever les pneus du vélo à kyota ❀ ■ Navigation :
••• Rien n'est facile dans la vie, c'est ce que je me répète jour et nuit quand je vois ma situation et l'évolution de mon couple. Kyann n'est pas différent d'avant, c'est toujours le même Kyann que j'ai connu en venant habiter dans ce vieil appartement à Shinjuku, c'est toujours le même Kyann qui m'a défié de l'embrasser, le même qui ne m'a pas lâché quand je voulais fuir, le même qui m'a permis d'affronter mon père et prendre ma liberté, le même qui m'a toujours protégé quand je voulais juste me battre.... Mais aussi celui qui a reçu ce coup à ma place, qui a perdu nos souvenirs mais qui reste toujours là. à la longue, je dois culpabiliser parce qu'il a beau être ce même Kyann, ça ne change pas le fait qu'une partie de sa mémoire me concernant a été effacé. Le seule façon pour ne pas y penser, c'est travailler double. Je m'occupe du club de danse, je gère les affaires du conseil des élèves, je garde une petite fille les week-ends pour me faire quelques sous, à la maison je fais le ménage ou la cuisine, mais même avec tout ça, je trouve le moyen de penser à mon copain et je m'enfonce toujours plus dans mon désarroi.
Mes études me prennent une grosse partie de la journée, quand certains sont en croisière autour de l'Asie, d'autres sont restés à royal pour continuer leur petite vie. C'est mon cas. Je n'ai surtout pas le temps ou l'opportunité pour monter sur un bateau de luxe, puis Kyann n'aurait pas pu non plus avec ses boulots et l'école. Finalement, ce n'est pas plus mal de rester à Tokyo, bien que ce soit une routine. Ce train-train quotidien se répète tellement qu'à la fin, on ne sait même plus depuis combien de temps nous le faisons. Ce matin je me suis juste pointé à l'université pour assister à quelques heures de cours avant d'être lâché à l'ennui environnant qui pullule dans cette grande école, quand rien ni personne n'est là pour te distraire. Et comme à chaque fois où je suis seul, mes pas me mènent à une salle vide où je peux juste profiter de ce temps rare où je n'ai justement rien à faire. Si je ne danse pas, je chante.
Des écouteurs dans les oreilles, un fond musical sans parole et les fesses posées sur un bureau, j'ajoute à cette douce mélodie des mots qui se répercutent contre les murs, sans quitter la pièce. Ma voix n'est ni forte, ni basse, elle est juste ce qu'il faut pour être entendu jusque dans le couloir, au plus proche de la salle de classe. « Seorap soge mollae neoheodun uriui chueogeul, dasi kkeonae hollo hoesanghago. » Il y a tellement de petites choses qui m'agacent que chanter me permet de faire le vide dans mon esprit, même si la chanson est triste et déboussolante. « Heeojimiran seulpeumui mugereul, nan wae mollasseulkka. » Je me met juste à la place des chanteurs, me demandant ce que je ferais si cette chanson s'appliquait à mon cas, si Kyann venait à partir et rompre avec moi, si je devrais lui courir désespéramment après ou lâcher l'affaire par respect pour lui. « If you, if you. Ajik neomu neutji anhatdamyeon, suneun eopseulkka. » Les larmes me montent aux yeux mais je les refoule aussitôt pour ne pas gâcher le timbre doux mais puissant de ma voix, mettant davantage de sentiment dans les paroles que je n'aurai pu le croire si je m'écoutais extérieurement. ça me fait juste mal de penser à des choses irréalistes mais perturbantes pour autant.
••• Je n’en demandais pas tant. Un tempo ou une jolie voix m’aurait amplement suffi pour refaire renaître mon âme d’artiste. Les mots seraient revenus à moi, la musique aurait été composée du bout de mon crayon. Au lieu de cela, c’est le ciel qui me tombe sur la tête et l’enfer qui s’écroule sous mes pieds. Je plonge tête première dans cette marre d’émotions et m’y noie sans chercher à survivre ; le détenteur de cette voix a un don que je n’ai jamais détecté chez qui que ce soit. Je serais fou de vouloir m’en sauver. Mais lorsque j’ouvre la porte de la pièce plongée dans une obscurité qui ne me dérange plus ou moins, je suis déstabilisé. Si ce chant semblait cacher une voix qui ne m’était guère inconnue, découvrir la seule et unique source de celle-ci me fait perdre tous mes moyens. Le silence est notre conversation. Les mots sont ce qui nous a été volés. Et entre nous, notre regard est le reflet de notre surprise. Seul l’entente mon prénom agit comme un défibrillateur en redonnant droit à mon cœur de battre. Être un artiste fait un mal de chien, j’aurais dû devenir comptable.
-Ji Hyuk, dis-je en ouvrant la porte au complet, ce qui éclaire davantage la pièce.
Sans gêne, je m’approche de lui. De ce gars que j’ai rencontré à Séoul et que j’ai croisé plusieurs fois par la suite, jusqu’à Tokyo. Kyann est le pont fragile entre nous deux ; sans être amis, nous avons appris à échanger quelques mots ici et là lorsque l’occasion s’était présentée. Une relation platonique, mais certes plus respectueuse et positive sans mon demi-frère dans les parages. Mais ça, c’était avant d’entendre Ji Hyuk chanter. Avant de me laisser atteindre par sa voix mélodieuse et chargée d’émotions, avant de me faire happer par le désir de créer au moment même où ses mots se sont mariés à la musique.
-Pourquoi je ne t’ai jamais entendu chanter avant ?
Reproche ou curiosité, je n’arrive pas à trouver les bons mots pour comprendre avec neutralité ce qui arrive. Je savais qu’il était en chant et danse, mais j’étais loin de m’imaginer que Ji Hyuk cachait ce talent en lui. J’étais loin d’être prêt pour ça. Personne ne l’aurait été.
■ Age : vingt-deux ans ■ Date de naissance : 24/12/1995 ■ Astrologie : born ♑ {capricorne} × 猪 {cochon} « Tu ne sais jamais à quel point tu es fort jusqu'au jour où être fort reste la seule option » ■ Métier : a été caisier dans un konbini, serveur dans un restaurant & homme à tout faire -surtout tondre la pelouse, sortir des chiens ou faire un brin de ménage chez les gens du voisinage -. actuellement barman dans un club, depuis pas très très longtemps. nouvellement viré et sans emploi. ■ Année : troisième année ■ Résidant à : shibuya dans une belle maison avec mon copain ♥ ■ Notes :
Racheter de la nourriture pour Ben & Nuts, mes chiens. ❀ éviter le voisin à tout prix! Ce mec connait quasiment toute ma vie... Même les choses à ne pas révéler. ❀ En apprendre plus sur Kyann, finalement. ❀ être un bon capitaine de club ❀ me morfondre dans un coin maintenant que j'ai été viré...
❀ Ne pas refaire boire mon petit copain sous risque de le perdre totalement dans les méandres de sa débilité profonde. ❀ vivre ma vie avec mon copain ❀ trouver la maison de nos rêves ❀ changer de cursus pour l'art ❀ participer à des auditions à angel entertainement. ❀ faire retrouver la mémoire à kyann ❀ crever les pneus du vélo à kyota ❀ ■ Navigation :
••• En venant dans cette pièce, je ne m'attendais pas à être entendu ou découvert par qui que ce soit. C'était ma cachette secrète, mon jardin d'Eden, le coffre dans lequel je m'enferme pour canaliser ces émotions qui traversent mes veines comme ce flot d’hémoglobine. Je croyais être à l'abri d'un quelconque regard, d'évacuer ce poids qui pèse lourdement sur mon coeur sans avoir à me justifier ou à expliquer ce que je ressens au plus profond de moi-même. Alors quand mes yeux se sont posés sur cette silhouette, je n'ai pas su respirer correctement, retenant un court instant mon souffle comme l'or d'un saut à l'élastique dans un vide sans fond. Il m'a entendu, il m'a écouté, et je me demande bien ce qu'il a pu penser de tout ça. Ma gorge me pique tel un million d'aiguille, me rappelant à quel point c'est stupide de chanter seul dans une salle de classe plutôt que profiter du soleil à l'extérieur ou de ses amis qui n'attendent que cela depuis que les vacances ont été annoncés. Mais non, je n'ai pas les idées festives pour laisser cet orbe de feu caresser ma peau pâle ou le rire de mes compagnons bercer mes inquiétudes quotidiennes jusqu'à les rendre secondaire.
Mon prénom semble sortir de nulle part et si je ne le savais pas devant moi, je me serais tourné et retourné jusqu'à savoir d'où elle venait. La lumière emplit la pièce et mon coeur se serre, sans raison, sans savoir pourquoi il se sent si comprimé et mal à l'aise. Je n'ai jamais honte de chanter devant Kyann ou au karaoké, pourquoi ce sentiment s'installe dans mon organe sous tension ? Son corps se rapproche et le miens entame une manœuvre de recul, un pied en arrière prêt à m'écarter si jamais la distance est irraisonnable. Je n'ai pas peur de lui, je n'ai rien contre lui non plus. C'est l'instant, la surprise, le manque de jugement qui me fait réagir tel un animal effarouché face à un chasseur, le canon pointé sur sa cible.