TENUE ϟ Yoseob m'avait trouvé. à cause de mon manque de vigilance, le meilleur ami de mon patron m'avait retrouvé. J'ai eu la peur de ma vie quand il s'est pointé dans le bureau, l'air étrangement calme. J'ai dû lui donner un coup de tête sans le vouloir, mais ça n'a pas été la meilleure des rencontres. Conscient de ma position, je n'ai pas pu m'attarder avec lui et j'ai fuis. Comme un lâche, je me suis barré du bâtiment. Yoseob m'a retrouvé à cause d'une application sur le portable de Dewei qui l'a mené à celui-ci, au portable directement. Quel idiot de l'avoir allumé, mais quel idiot ! Je ne sais plus quoi faire. Il va lui dire. C'est certain, Dewei va être au courant et je suis dans la mouise. Affolé, je n'ai pas dormi de la nuit, craignant un appel téléphonique, une descente de flic ou que sais-je encore. J'ai flippé, toute la nuit, jusqu'au matin où je me suis levé. Je n'ai pas eu le coeur d'aller à mon stage, ni de mettre un pied à l'école. J'ai fuis comme un lâche. Mon coeur me disait d'être sincère avec le jeune homme, mais mon corps refusait d'aller là-bas. Je suis perdu. Le seul moment où j'ai daigné quitté mon refuge, l'appartement où je loge, c'est pour me rendre à mon boulot de fleuriste dans le centre commercial à Shibuya. Ce n'est pas un abri, Yoseob peut me retrouver même là, mais je ne sais pas... J'avais besoin de changer d'air, de sortir, de m'occuper l'esprit. Les fleurs m’apaisent, elles ont un effet calme sur moi et me permettent d'oublier quelques heures mes angoisses et mes craintes. Malheureusement, je ne pouvais pas faire des heures supplémentaires quand la boutique a baissé le rideau et que j'ai dû partir, traînant un peu dans le centre commercial jusqu'à sa fermeture. Il est tard, trop tard pour un campagnard qui ne connait rien à la ville, mais je n'ai pas réfléchi. Je me suis contenté de traîner sans but, avant que mon cerveau me dise de rentrer, d'aller me mettre au chaud, de ne pas m'attarder si tard à l'extérieur. Je l'ai écouté, au début, en partie... Jusqu'à ce que mes pas tombent sur ceux de la seule personne que je ne voulais voir. Non pas Yoseob, à qui je n'aurai aucun remord de prendre mes jambes à mon cou pour sauver ma peau, mais à Dewei. Celui que je ne peux pas fuir, ni regarder en face, ni interpeller, ni rien du tout. Il vient dans ma direction, j'ignore si il m'a vu et franchement, je prie n'importe quel dieu pour qu'il ne fasse pas attention à moi et trace sa route. Casquette sur la tête, le regard vers mes baskets, je tente le tout pour le tout en essayant de passer « normalement » à côté de lui, mon coeur battant comme un concert de percussion. J'ai peur qu'il me remarque, peur qu'il appelle la police, peur qu'il m'accuse. Peur, tout simplement. 

TENUE ϟ Lâchant un soupire alors que je me laisse tomber sur mon siège, la nuit est déjà tombé et les lampadaires éclairent les rues à l’extérieur, le froid est toujours de la partie en ce mois de février. J’ai passé la journée à travailler sur des dossiers qui était en premier temps loin d’être gagné... Pourtant j’ai réussi à atteindre mon objectif et à rendre chacun d'eux rentables pour l’entreprise, seulement j’y ai passé des heures et des heures sans aucune pose, si ce n’est pour me faire un café ou m’hydrater. Je n’ai rien mangé, dernièrement je demandais au stagiaire de s’en occuper et bien entendu il est absent. Je n’ai pas vraiment eu le temps de me poser des questions sur ses raisons, ce n’est pas mon boulot de gérer ce genre de problème, laissant mon assistant voir avec le concerner. Les lumières de l’entreprise sont déjà presque toutes éteintes lorsque je quitte les lieux, on pourrait croire que le directeur est le premier à partir, pourtant ce n’est pas mon cas, je ne m’en vais qu’une fois satisfait du boulot de la journée, quitte à faire des heures supplémentaires, de toute façon je suis le seul à gérer mon planning. En passant devant quelques restaurant je me rappelle que je n’ai absolument rien dans le ventre, hésitant à trouver un endroit où commander des plats à emporter, je ne mange pas de malbouffe, donc je continue de marcher en évitant tous les fastfoods où même à cette heure-ci les gens font la queue. Traversant la ruelle, j’aurais pu ne pas remarquer ce gars avec sa casquette, mais le fait qu’il cherche à m’éviter et à se cacher m’a obligé à poser le regard sur lui, le reconnaissant lorsqu’on se croise, je m’arrête pour me tourner légèrement. « Vous tentez de m’éviter ? » J’ignore les raisons, mais c’est ce que je ressens à cet instant. « Vous vous êtes lassé de l’entreprise ? » Il m’évite et n’est pas venu bosser, ça doit surement être ça. « Si c’est le cas, vous n’avez qu’à le dire au lieu de fuir. »

TENUE ϟ Faut pas croire que je sois content de mon comportement, ni même satisfait. Au contraire, je me sens coupable de retourner à l'école plutôt que prolonger mon stage, comme si je fuyais l'entreprise et son patron. Pour le moment j'ignore complètement si il est au courant mais puisque son meilleur pote m'a percé à jour, je suppose qu'il a tout rapporté à Dewei. La peur m'a forcé à fuir, à me cacher, à me réfugier dans mes cours et mon boulot à mi-temps. Le patron ne doit pas être au courant, j'ai seulement prévenu l'un de ses collègues que j'avais du boulot à l'école mais allez savoir s'il a passé le mot. Dans tous les cas, je n'ai pas osé affronté mon supérieur de stage. Quittant le fleuriste puis le centre commercial, je comptais simplement rentrer chez moi, à l'appartement où je loge avec un autre étudiant. Malheureusement, le destin doit être contre moi puisqu'il me pousse sur la même route que Dewei. Avec un peu de chance, il ne va pas me voir, ni me reconnaître et tracer son chemin sans faire attention à moi. J'y croyais de tout coeur, avant d'entendre sa question et de me stopper net. Relevant la tête, je peux le voir à travers la visière de ma casquette. Que faire ? Je dois lui répondre. « N-non ? » C'est loin d'être convainquant, j'ai plutôt l'impression de répondre positivement en voulant être négatif. « Ce n'est pas ça, désolé ... » Ah, il me stresse à me parler si formellement, à me tutoyer alors qu'il n'est pas dans son entreprise et que nous avons presque le même âge. « J'ai beaucoup de boulot avec mes cours. J'ai déjà prévenu l'un de vos collègues. » C'était déjà une excuse pour ce pauvre homme, mais maintenant ça le devient officiellement pour le patron. Je ne peux pas lui dire clairement que je le fuis. « Vous rentrez chez vous ? » Demandais-je, pour paraître plus normal ou à l'aise que je ne le suis vraiment.

TENUE ϟ Je ne suis pas entièrement surpris par l’absence du stagiaire, en réalité j’étais occupé toute la journée donc je n’ai pas réellement eu le temps de me demander pourquoi il n’était pas venu travailler, puis la dernière fois il pleurait et m’a confié qu’il ne c’était pas encore fait à la vie ici, du coup tout est possible. Ce n’est qu’en rentrant chez moi que je l’ai vu dans la rue, tentant de m’éviter je me sens obligé de lui parler, ça ne sert à rien de fuir, je ne suis pas de ceux qui évitent de faire face à ses responsabilités ou ses erreurs, il doit avoir ses raisons, si ses raisons sont bonnes alors à quoi bon ne pas m’affronter franchement. Je fais ça pour lui, j’aurais pu faire semblant de ne pas le voir et qu’il s’en aille tranquillement, mais le mieux est toujours de faire face, une leçon gratuite que je lui donne malgré moi. Quelle réponse. Il n’est pas du tout convaincu lui-même par ses paroles. « Pourquoi vous vous excusez alors ? » Un de mes collègues ? Il aurait pu directement me prévenir, je n’en ai pas entendu parler, enfin, je suppose que ça arrange tout. « Donc vous arrêtez ? » Un stage n’est pas un lieu où on peut venir et partir quand on le souhaite, s’il veut continuer à bosser dans l’entreprise je ne suis pas disposé à ce qu’il soit absent durant des jours et revienne les mains dans les poches. « Non, je cherche un endroit pour manger un morceau, je n’ai pas eu le temps de prendre un repas de la journée. » Personne n’en a commandé pour moi et accessoirement j’avais la tête dans mes dossiers durant des heures sans penser au reste. « Et vous ? »

TENUE ϟ L'entreprise n'est pas le problème dans l'histoire, ni le fait de vivre à Tokyo loin de chez moi. Dewei est désormais mon plus gros soucis, ainsi que son meilleur ami Yoseob. Je ne peux pas vivre comme ça, à fuir l'un ou l'autre, à me fuir moi-même. Je n'ai rien fait de mal, pourquoi me le reproche-t-il ? Il me traite de stalkeur, de kidnappeur, de violeur, et sûrement d'autres choses que je n'ai pas officiellement entendu, mais je n'ai rien fait de tout cela. évidement, Dewei ne se souvient de rien. Il est incapable de dire ce qu'il s'est réellement passé entre nous, ni d'empêcher son ami de me persécuter. Au final, je n'ai trouvé qu'à fuir par peur que la vérité soit déformé et qu'il m'accuse à son tour. Malheureusement, fallait que je le croise au beau milieu de la rue, sans pouvoir me défendre ou l'éviter. « C'est que.. » Je me sens coupable. ça reste quand même mon patron, je lui dois un minimum de respect et d'être poli. Je me suis excusé par instinct, comme un pauvre réflexe. Arrêtez ? Les lèvres pincées, je ne sais pas quoi répondre à cette question. Devrais-je arrêter ? Yoseob va bientôt faire des siennes et à ce moment-là, je devrais arrêter. L'hésitation se lit dans mes yeux, je suis troublé. Finalement, je ne réponds pas à sa question, enchaînant sur un autre sujet. « J'allais rentrer chez moi. » Enfin, chez moi. C'est vite dit, ce n'est pas vraiment chez moi, mais quelle importance. « Je peux vous conseiller un restaurant ? Je vais souvent manger là-bas durant ma pause déjeuner. » Quand je bosse chez le fleuriste et que je n'ai pas le temps de rentrer. C'est à deux pas d'ici, assez proche du centre commercial. « C'est un traiteur chinois, j'espère que vous aimez ? » Leurs brioches fourrées sont excellentes en tout cas, leurs raviolis vapeurs aussi. Je pourrais en faire tellement d'éloge, puis ça me permettrait de rester un peu avec Dewei sans être dans un cadre professionnel.

TENUE ϟ Je ne cherche pas vraiment à le mettre mal à l’aise, disons que j’aime être fixé sur chaque chose, je ne trouve pas que tourner autour du pot ou rester en suspens soit très respectueux pour notre vis-à-vis. Le garçon semble peu enclin à me donner la réponse que j’attends, finalement je n’insiste pas, il m’interroge et contrairement à lui je réponds rapidement sans aucun stratagème ou tentative de fuite. J’ai faim, voilà tout. Si je retournais chez moi je serais dans une voiture et non entrain de marcher sur le trottoir si tard. Je ne le retiens pas s’il souhaite rentrer chez lui, ne disant rien de plus pour lui faire perdre son temps, mais il ne semble pas si pressé finalement, me proposant son aide. « Je n’aurais pas cru que vous pourriez me conseiller un lieue de la ville. » Dire que j’habite ici depuis plus longtemps, mais j’ai passé les trois quarts du temps à l’université où les restaurants étaient proches, puis de même avec l’entreprise, en dehors de ça je ne fréquente que des lieux habituels, surement par manque de temps aussi et également des restaurants étoilés forcément, ce qu’on ne va pas trouver dans cette rue. « Un Chinois qui n’aime pas la nourriture chinoise, ça existe ? » Il a oublié mes origines ? Bien sûr, j’aime, puis si c’est un traiteur j’échappe au fastfood qui sont en masse présents tout autour de nous, ce qui me rassure. « Je vous suis. » L’invitant à me montrer le chemin, je suis affamé, donc j’ai forcément hâte d’arriver et de commander, c’est rare que j’aie aussi faim, normalement je mange très peu, je saute des repas, j’ai des baisses de tension, mais depuis mon « accident » je suis un peu plus gourmand et attiré par la nourriture, c’est assez étrange.

TENUE ϟ La dernière fois, j'ai dit à Yoseob que j'arrêtais et quittais l'entreprise, et depuis je n'ai pas remis les pieds là-bas. Sauf que je n'ai pas le coeur de dire à Dewei que je m'en vais, que j'arrête les stages. Quelle raison valable pourrais-je lui fournir ? Je n'ai pas encore réfléchi là-dessus, donc je ne peux pas officiellement décidé. Une chose est sûre, du moment où il sera au courant, je ne pourrais plus me montrer devant lui sans avoir peur. Yoseob a poussé le bouchon trop loin, il risque de monter la tête à son meilleur et des deux, je me doute du quel il écoutera. Dewei a faim et je pense tout naturellement à l'inviter, ce qui l'étonne vu que je ne connais rien à cette ville. C'est vrai, je suis perdu dans Tokyo, pourtant je me souviens des endroits que j'ai visité depuis mon arrivée et c'est largement suffisant pour lui proposer. « Faut croire que tout est possible. » Autant pour un inconnu qui propose un lieu dans une ville qu'il ne connait point qu'un chinois n'aimant pas la nourriture chinoise. Finalement, il accepte mon offre et je lui souris. Faisant signe de me suivre, je rebrousse chemin, revenant sur mes pas. « Je peux vous demander un truc ? » Fis-je à mi-chemin du traiteur, l'air un peu embarrassé. « Nous ne sommes pas au boulot ici et vous avez quasiment mon âge ... On pourrait se tutoyer ? » C'est peut-être trop demandé, mais si je dois quitter son entreprise, je ne veux pas le faire sans regret. Puis, tôt ou tard je ne serais plus son stagiaire, ni rien du tout à ses yeux. D'ailleurs, je me demande s'il ne serait pas plus judicieux de lui révéler la vérité maintenant, plutôt que laisser Yoseob s'en charger. « Et ... Je voulais savoir si votre ... Euh... Meilleur ami ? Est-ce qu'il vous a parlé de moi, par hasard ? » C'est dangereux comme question, mais je dois savoir. Yoseob va lui dire, s'il ne l'a pas déjà fait ... Donc je suis piégé, quoi qu'il arrive.

TENUE ϟ Ce n’est pas comme si j’étais un tyran, s’il souhaite tout arrêté il n’a qu’à le dire, ça ne changera rien à mes habitudes ou à mon boulot, je ne suis pas du genre à retenir les personnes qui ne sont pas motivé pour une raison ou un autre de toute façon. Je suis surtout surpris qu’il connaisse des endroits dont j’ignore l’existence, en même temps je n’ai pas vraiment le temps de faire le tour de la ville à pied depuis que j’ai repris l’entreprise, contrairement à l’époque où j’étais encore étudiant... J’ai l’impression que cela fait des années, parfois je me dis que j’aurais dû y rester et profiter, mais on ne m’a pas vraiment laissé le choix. « En effet. » Je le laisse ouvrir le chemin et donc le suivre jusqu’à ce fameux restaurant, sauf qu’il se retourne et m’intrigue je l’avoue avec sa soudaine question. Hochant la tête simplement pour l’autoriser à me demander ce qu’il souhaite, ne m’attendant pas a cette demande-là. Je le regarde sans vraiment savoir que répondre dans l’immédiat, mais durant quelques secondes je me suis laissé prendre dans son regard et cela a suffi à me faire prendre ma décision. « Si vous y tenez. » J’aime le respect, mais il a raison, nous ne sommes pas au boulot. Mais je suis encore plus surpris qu’il connaisse Yoseob. « Comment tu connais mon meilleur ami ? » Même si ce n’est pas forcément un secret d’État, il est une célébrité et je n’apprécie pas qu’on fouille dans ma vie privée pour en dégoter mes fréquentations. « Pourquoi il m’aurait parlé de toi ? Qu’est-ce qu’il aurait dû me dire ? » J’attends des réponses, il en a trop dit, s’il ne répond pas, j’appellerais mon best pour lui demander directement ce qui se cache derrière ses paroles.

TENUE ϟ Ce n'est pas que je désire réellement partir, ni que je n'ai pas envie de rester dans cette entreprise, après tout je m'y plaisais bien malgré mon rôle de simple stagiaire. Hélas, du moment où Yoseob m'a retrouvé et a compris qui je suis, impossible de m'éterniser aux côtés de Dewei. Je n'ai rien fait de mal, malgré tout j'ai peur qu'il ne le comprenne pas et m'accuse. Au moins pour ce soir, je peux lui indiquer un traiteur où je vais souvent et profiter du temps qu'il me reste à passer avec lui avant de disparaître de sa vie. Je dois m'en éloigner, je le sais mieux que quiconque. Au milieu du chemin, je m'arrête pour lui demander une faveur. C'est sûrement la dernière fois que je traîne avec lui, alors j'aimerai le tutoyer comme une personne normale, et non comme un patron. Il accepte, à ma grande joie. Un sourire apparaît l'espace de quelques secondes sur mon visage, mais disparaît aussitôt que je pose ma seconde question, beaucoup plus personnelle. « Je l'ai croisé à ton entreprise. » Ce qui est vrai. Par contre, il ne s'est pas présenté comme étant son meilleur ami, ça je le savais bien avant de le rencontrer en face à face. Je suis dans une phase de non-retour désormais. « Nous nous sommes ... Comment dire ? Un peu agrippé ? » Ce n'est pas faux non plus, mais je ne peux pas donner la raison de ce différent. « Je ne voudrais pas laisser une mauvaise impression à ton meilleur ami, alors je voulais simplement savoir s'il avait dit quelque chose sur moi. » Je déteste mentir ou m'inventer des histoires pour faire un lien avec la vérité, c'est inconfortable et traître. Pourtant c'est la meilleure solution pour apprendre des choses. « Il est très borné dans son genre, difficile d'avoir une conversation avec lui. Je n'ai pas pu m'excuser. » ça, c'est simplement pour donner une image « innocente » à mes propos, parce que je ne tiens pas du tout à m'excuser auprès de cet idiot. « Si jamais il te parle de moi, dis lui que je suis désolé pour mon comportement de la dernière fois. » Je n'aurai peut-être pas dû hausser la voix, ni lui donner un coup de boule -involontaire-. Reprenant ma route, je le guide jusqu'au traiteur, ouvrant la porte en premier pour la tenir ouverte, le temps qu'il entre à son tour.

TENUE ϟ Je ne sais pas ce qui se trame dans cette histoire, mais le fait que mon stagiaire me parle de mon meilleur ami ne m’inspire pas grand-chose, m’interrogeant forcément sur ce qui cloche vraiment dans cette situation. « Quand ça ? » Il n'est pas gâté avec moi, je suis le genre de mec qui aime tout contrôler dans le sens où je veux des réponses fiables et claires, le « à peu près » ne me convient pas et rester sur ma faim encore moins. « Agrippé ? » Mon regard envoie des signaux pour qu’il en dise davantage, je ne vais pas me satisfaire d’une réponse aussi évasive. Même si j’ai faim, je ne m’arrêterais pas là, essayant d’assimiler les paroles qu’il envoie les unes après les autres. « Pour l’instant il ne m’a encore rien dit. Devrais-je l’appeler ? » Sortant mon portable pour lui faire comprendre que je le ferais si c’est nécessaire. « C’est une star, le pays entier le connaît et faut savoir le gérer, même s’il est borné c’est un type bien. » Je défends mon best, c’est normal non ? « Pour que tu ne puisses pas t’excuser il a dû être remonté, pourquoi ? » J’insiste toujours, ne quittant pas son regard pour qu’il soit tenté de me dire la vérité et non de la fuir à travers des paroles aussi peu constructives que ce qu’il est en train de faire, il parle beaucoup pour au final me dire exactement la même chose dans chacune de ses phrases et ça ne me plaît pas. « Tu devrais lui dire toi-même, je ne m’excuse jamais pour les fautes des autres, faut assumer ses actes non ? Je te l’ai déjà dit. Ou compte tu fuir comme tu allais le faire avec moi ce soir ? » Je l’ai suivi jusqu’au traiteur sans pour autant entrer, à moins qu’il veuille répondre une fois commander ?

TENUE ϟ C'est de loin la pire idée que j'ai eu de parler de Yoseob, quel idiot je suis. « Il y a quelques jours de cela, la semaine dernière sûrement. » Je n'ai pas de date précise en tête, ni de jour, mais ça date à peu près d'une bonne semaine ... Justement avant que je ne disparaisse des locaux. Dewei est bien curieux, je peux lire dans son regard qu'il cherche davantage de détail et je regrette aussitôt ma première interrogation sur son meilleur ami. « Disputé, si tu préfères. » Ce n'est pas la réponse qu'il cherchait, je m'en doute bien. Je ne dois pas me perdre et me piéger, sinon c'est fini de moi. Pourtant la vérité semble plus raisonnable que le mensonge, mais je ne peux la dire si facilement. L'appeler ? La panique me monte à la gorge au point où plus rien ne sort d'entre mes lèvres, pas même mon souffle qui se bloque l'espace d'un instant. Appeler Yoseob et lui parler de moi ? Non ! Jamais de la vie ! Il va savoir aussitôt que cet idiot de star aura ouvert sa bouche. Si Dewei est assez intelligent et observateur, il remarquera sûrement cette lueur de crainte dans mes pupilles. Un type bien, sûrement... Mais pas avec moi, pas envers moi. Il me déteste, ça se voit dans sa manière de me parler, de me regarder, de me juger. « Il m'a accusé pour une chose que je n'ai pas faite. » Répondis-je simplement, sentant cette fois-ci l'agacement montrer le bout de son nez. Mes actes ? Maintenant, c'est un semblant de colère qui me submerge. « J'ai mentis. Je n'ai aucune envie et aucune raison de m'excuser auprès de ton meilleur ami. » Avouais-je, les sourcils froncés à cause de la contrariété. « à quoi bon vous faire face si vous ne me croyez pas ? » Je ne peux m'empêcher de le vouvoyer, comme si inconsciemment je remettais cette barrière entre nous deux. « Je vous ai emmené jusqu'ici, commandez si vous voulez. Je n'ai plus faim. » Qu'il choisisse, entrer à l'intérieur pour acheter à manger ou rester là à attendre des réponses qui me sont difficile à dévoiler. « Sachez juste que le type bien n'est jamais celui que l'on croit en premier. » Il fait confiance à Yoseob, mais celui-ci ignore la vérité et se borne à croire sa propre invention. Au final, c'est uniquement à Dewei de choisir qui il veut croire et qui il va croire.

TENUE ϟ La semaine dernière ? Donc quand il a arrêté de venir bosser en clair ? J’aurais pu ne pas chercher à en savoir plus, seulement il faut dire que Yulian ne me facilite pas la tâche avec ses phrases peu constructives et ça ne fait qu’attiser ma curiosité et mon besoin de réponse. « J’avais compris. » Il me prend pour un idiot ou je rêve ? Je suis agacé parce qu’il est celui qui a lancé le sujet et que je suis celui qui suis obligé de la question pour obtenir des explications, s’il me parle, qu’il aille jusqu’au bout. S'il garde le silence je n’ai qu’à appeler mon meilleur ami pour obtenir des informations, peu importe l’heure Yoseob me répondra sans aucun doute et d’ailleurs il aurait surement pu m’en parler avant sauf que j’avais du boulot à revendre et je n’ai pas eu une seconde à moi. Dès que je parle de téléphoner je peux voir que le stagiaire est de suite moins à l’aise, son silence, son regard, tout montre qu’il n’a aucune envie que je fasse ce geste et passe se coup de fil. Soupirant, ça devient un jeu ennuyant. « Tu comptes parler par énigme toute la soirée ? » Il devrait se mettre à ma place, ce n’est pas agréable du tout. « Il t’a accusé de quoi au juste ? » Je ne peux pas vraiment me faire d’idée vu que j’ignore toute l’histoire. « Pourquoi tu t’énerves alors que tu as mis le sujet sur le tapis ? » C’est agaçant et franchement je n'ai pas envie de me prendre la tête avec, ce n’était que mon employé et encore, un stagiaire, pourquoi je devrais accepter qu’il me parle ainsi, il me demande de nous tutoyer et direct après ça se laisse aller. « Te croire sur quoi, tu ne m’as rien dit. » Il m’a de nouveau vouvoyé et je me frotte les yeux avec mes doigts sentant que je sature un peu plus. « Tu sais quoi, laisse tomber, ça ne sert à rien de continuer, je mangerai chez moi. » Autant ne plus se voir et j’aurais des réponses par Yoseob, ça me suffira amplement. M'éloignant je me retourne juste pour ajouter : « J’ai surtout l’impression que tu ne sais pas ce que tu racontes, tu dis une chose sans queue ni tête et tu ne vas pas au bout, je n'ai pas de temps à perdre avec ça. »

TENUE ϟ Dewei ne comprend pas. Il ne comprend pas que je ne peux pas parler librement de cette affaire. Malgré le fait que je ne sois pas en tord, ça ne veut pas dire qu'il va me croire ou se souvenir d'un coup. S'il doit être du côté de quelqu'un, ce sera sûrement du côté de son meilleur ami, de celui qu'il connait depuis plus longtemps ... Et à mon grand malheur, celui qui ne sait rien de l'histoire et qui croire savoir. Il pourrait avoir la réponse à ses questions en un seul coup de fil, mais ça sera aussi ma perte. Je ne peux pas le laisser appeler Yoseob, mais à ce rythme-là, il continuera à s'interroger. Des énigmes ? Pourtant je parle normalement, enfin je crois. Dois-je lui raconter au moins cela ? Dewei me met un couteau sous la gorge avec toute ses questions ! Je ne sais plus où donner de la tête, quoi faire ou quoi dire ! ça me rend de plus en plus nerveux, au point où ma marque de respect revient pour marquer une barrière de protection. Les choses se compliquent dès l'instant où lui-même ne sait plus sur quel pied danser avec moi et ça me frustre autant qu'à lui. Si je pouvais, je dirais tout, sans exception. Mais j'ai peur, peur qu'il ne comprenne pas. Finalement, il lâche prise et je peux voir la distance se creuser entre nous deux. Une distance que je n'apprécie pas, mais que je ne peux effacer pour autant. « Appelle Yoseob. » Mais qu'est-ce que je fiche ? Je me condamne moi-même avec mes paroles. Il va partir. Si je ne fais rien, il va partir et j'aurai perdu une chance d'être encore un court instant avec lui. « écoute la version de ton meilleur ami et dis-moi ensuite si tu comprends quelque chose à cette histoire sans queue ni tête. » J'ai l'air désespéré, comme si je cherchais des réponses en vain à des questions trop compliqués. Quoi que je fasse, il saura et ça ne changera pas la conclusion finale. « Fais-le maintenant. » Devant moi. Que je sois témoin de ces aveux et des expressions changeantes sur son visage.

TENUE ϟ S'il était à ma place est-ce qu’il trouverait que tout cela à un sens ? Aucune de ses paroles n’est cohérente, il ne fait que me laisser sur le fil sans réellement m’aider à tranche sur quel côté je dois descendre. Je n'ai aucune idée de ce qui se trame entre mon meilleur ami et mon ancien employé stagiaire. Pour moi ça ne ressemble qu’à des énigmes et honnêtement je ne supporte pas qu’on se joue de moi et se fout de ma gueule avec ce genre de phrase, lançant une information sans avoir l’intention d’en dire davantage. C’est idiot et lâche. Quand il pleurait dans mon bureau je lui ai déjà dit qu’il fallait assumer et être fort, mais il n’en fait rien, me fuyant en prétextant que ce n’est pas le cas, ne venant plus travailler en finissant par me dire qu’il s’est froissé avec mon best pile le jour où il a arrêté de se pointer ? J’ai l’air stupide à ses yeux pour ne pas être capable de faire un tel rapprochement ? S'il e voulait pas que je sois au courant il aurait dû se taire, maintenant c’est trop tard, je suis peut-être jeune, mais j’ai une vision des choses qui reste toujours très pro et cadré, surement parce que je reste franc et direct même quand les mots sont cruels ou difficiles à énoncer. Prêt à partir, je ne vais pas manger ici finalement, autant mettre un terme à tout ça, de base il voulait m’éviter alors évitons-nous pour de bon. Je souffle à sa tentative de me retenir, maintenant je dois l’appeler ? « Est-ce si difficile pour toi de me le dire que je doive l’apprendre d’un autre ? » Apparemment on dirait qu’il va se taire jusqu’au bout. J’ai mal au crâne, n’ayant rien mangé et ne faisant que bossé, je suis souvent en baisse de tension et m’énerver comme ça n’arrange rien. « Pourquoi ne pas me dire la tienne avant ? Si Yoseob me raconte tout, je vais surement le croire. » Parce qu’il est mon meilleur ami certes, mais en réalité ce n’est pas totalement vrai, je fais confiance à Yoseob, mais je sais aussi qu’il a énormément de délire, je me souviens encore quand je suis revenu, de la scène qu’il m’a faite en reste ancré sur ses paroles insensé, je suis le genre de gars qui se fait sa propre opinion, mais comment pourrais-je croire Yulian également, vu qu’il fuit et ne veux rien me dire ?  Composant le numéro de mon best, j’attends qu’il réponde les yeux rivés sur le stagiaire. « T’es sûre de toi ? » Sil il veut avoir la parole c’est le moment, sinon il devra assumer mon choix.

TENUE ϟ Il est vrai que la cause de mon départ précipité est dû à son meilleur ami, mais aussi à ma lâcheté. Si je n'avais pas autant peur des représailles, je dirais tout à Dewei. Absolument tout. Hélas, je ne sais comment le dire, par où commencer, ni comment il va le prendre. Je me sens piégé, le cul entre deux chaises. S'il parvient à le découvrir seul, peut-être que ce serait plus simple de démentir les paroles de l'autre garçon. En vérité, je n'en sais rien et j'ai toujours l'impression de m'enfoncer un peu plus dans mes problèmes. Dewei n'est pas bête, il n'aura pas besoin de beaucoup d'effort pour faire certains rapprochements, mais il n'a pas la clé à toute les réponses, malheureusement. Cette histoire prend un tournent que je n'aime pas et je suis le seul à pouvoir l'arranger. Dewei préfère partir, lâcher l'affaire, mais ce n'est pas mon cas. D'accord, je voulais fuir et laisser tomber, ne pas ressasser toute ces choses, mais il a quand même perdu huit longs mois de sa vie dans un endroit dont il ignore tout. C'est cruel de ma part de ne pas lui rendre ses souvenirs... Même si ça doit me coûter cher. « ça l'est. » Pense-t-il que je me moque de lui ou que je cherche à le faire tourner en bourrique ? Si c'était le cas, jamais je ne lui dirais d'appeler son meilleur ami pour me vendre. Dewei me lance une réplique qui me fait froid dans le dos, mais je ne vais pas lâcher l'affaire pour autant. Secouant doucement la tête, je lui fais comprendre qu'il doit d'abord passer par le pire, pour connaître ensuite la vérité. Là encore, il aurait dû faire le rapprochement entre les fabulations de Yoseob, mon apparition et le fait que je fuis dès qu'il s'agit de l'autre imbécile d'idole. Pourquoi ne peut-il pas faire le lien entre tout ça et comprendre ? De toute façon, il a déjà son téléphone proche de son oreille, prêt à écouter les paroles absurdes de la starlette. « Faites-le, et je parlerai ensuite. » Certes après la version de son meilleur pote, mais s'il est vraiment intelligent comme il semble le faire croire, il saura qui a raison et qui a tord. Dans le fond, je cherche peut-être à le tester, pour m'assurer que je ne m'embarque pas dans un nouveau problème.

TENUE ϟ Je hais la lâcheté, pour moi ce n’est qu’une manière de se protéger sans réellement penser aux autres, du moins dans ce cas-là c’est ce que je ressens, je dois découvrir les réponses par moi-même alors qu’il pourrait très bien me les dire et je déteste être contraint à faire quoi que ce soit. Honnêtement j’aurais préféré partir et tout oublier de cette soirée et même de cette rencontre avec le stagiaire, à deux reprises déjà je l’ai mis en garde, mais il n’a pas l’air d’avoir envie de défendre une version sans que je n’aie une autre en tête. Je suis honnête, si Yoseob me parle, je pourrais le croire, j’ignore le motif de leurs disputes et franchement je m’en fiche, ce qui me pousse à chercher des réponses est que ça semble avoir un rapport avec moi, du moins c’est ce que je ressens au travers de ses paroles. Il veut que je l’appelle ? Soit, le numéro composé, le téléphone proche de l’oreille j’attends que mon meilleur ami réponde simplement pour m’éloigner de quelques pas, au calme, il semble occupé vu le temps qu’il met à décrocher, mais une fois fait je ne perds pas de temps pour l’interroger. Les mots s’enchainent et je l’écoute parler, encore et encore, je l’entends me répéter les paroles, violeur ? Kidnappeur ? En même temps que je parle avec lui je regarde Yulian quelques mètres plus loin. Mon portable ? Comment il avait mon portable ? Honnêtement j’ai toutes les réponses, mais en même temps c’est flou et confus, impossible. Je mets plusieurs minutes à discuter avec Yoseob, il voulait me le dire avant, mais apparemment son emploi du temps est chargé. Je lui annonce que je le rappellerai après, il est tard de toute façon. Bien entendu je ne sais pas comment réagir à ses paroles, disons que je n’y crois pas donc forcément pour l’instant je n’ai aucune idée de ce qui est vrai ou faux dans toute cette histoire. Soupirant à peine raccrocher, je m’adosse un instant contre le muret pour réfléchir avant de faire signe à mon ancien stagiaire d’approcher. « La ferme dans laquelle je me suis réveillé... C’était la tienne ? » Je ne suis pas con et je le prouve avec cette remarque calme. « Tu me connais pas vrai ? » Bien avant d’être mon stagiaire. Je suis un homme « classe » je ne vais pas juste crier, râler, m’énerver, je suis éduqué pour avoir un comportement approprié et calme, comprendre et converser, je veux juste des réponses et la vérité. « Yoseob te traite de violeur, kidnappeur et compagnie, c’est un peu gros pour te voir dans ce rôle. » Je l’ai vu pleurer et être faible, mon best est un idiot.

TENUE ϟ Est-ce vraiment la meilleur solution pour en venir aux faits ? Je ne sais plus vraiment ce qui est bien ou pas, ni si je serais capable d'être convaincant en parlant en premier. D'accord, je n'ai pas la tête d'un criminel, mais ce Yoseob ne s'est pas arrêté à mon physique pour me juger. Et si Dewei était pareil que lui ? Et si il me jugeait aussi malgré mon apparence et mon comportement dans mon rôle de stagiaire ? Je n'ai jamais joué un faux rôle, même en cherchant à me rapprocher de lui. S'il peut entendre la version de son meilleur ami d'abord et juger par lui-même si ça semble véridique ou pas, peut-être serait-ce mieux pour nous. Dewei se résigne à me faire changer d'avis et à me tirer les vers du nez, le téléphone proche de son visage, je le vois s'éloigner de moi pour parler avec Yoseob. à voir sa tête, l'histoire doit être aussi surprenante que celle dont l'idole m'a raconté. Il a de l'imagination mine de rien, cet idiot devrait tenter une carrière de scénariste, je suis sûr qu'il aurait autant de talent qu'un simple chanteur, danseur, ou que sais-je. La discussion dure un temps, avant qu'il ne me fasse signe et que je m'approche doucement, la boule au ventre. Il doit connaître la vérité, maintenant c'est à moi d'éclaicir les choses. « C'est une auberge, plus exactement. » Je ne dis pas ça pour le contrarié ou quoi, juste que c'est le nom de l'endroit où je viens, avant d'être réellement une ferme. Bref. « Je pensais que tu aurais fait le lien dès le départ, avec mon histoire de coïncidence. » C'était pourtant évident, non ? Faut croire qu'il y a pas mal d'auberge à la campagne, mais de là à voir un paysan débarquer dans la société d'un patron ayant disparu huit mois dans une auberge sans faire le rapprochement, c'est difficile à croire. Ah, les mots qui font plaisir à entendre. « Un peu gros, pourquoi ? C'est mon apparence qui te fait dire ça ? » Oh non, je ne cherche pas à me faire accuser, mais seulement à voir si Dewei est sûr de ses doutes et de ses propos. « Je n'ai jamais fait de mal à personne, si c'est cela que tu veux savoir. » Maintenant, veut-il savoir la véritable histoire et me faire un peu plus confiance que son meilleur ami ? C'est à lui de me montrer qu'il me laisse une chance de raconter, sans m'interrompre.

TENUE ϟ J’ai finalement appelé Yoseob, avant de rentrer chez moi je veux avoir le fin mot de cette histoire, comprendre tout ce mystère qui m’entoure alors que j’ai l’impression d’être le seul à ne pas savoir ce qui se passe réellement. Les paroles de mon meilleur ami sont comme le jour de mon retour, je me souviens encore de ses propos et là il garde la même défense avec un visage, un nom sur l’accusé. Yulian serait mon « kidnappeur » sauf que même sans souvenir je suis certain de ne pas avoir été enlevé, j’ai eu un accident de voiture, du moins c’est bien la seule chose que je me souvienne, les freins qui ne marchaient plus et puis trou noir. À peine le temps d’assimiler certaines choses que je fais signe au stagiaire d’avancer, l’interrogeant le premier sur ce lieu dans lequel je me suis réveillé. « Honnêtement je n’ai pas vraiment admiré l’endroit. » Je ne me suis pas posé de questions entre ferme et auberge, je voulais juste oublier cette histoire. « Pas vraiment, je n’avais pas envie de savoir. » Ce qui s'est passé durant huit mois j’étais prêt à tourner la page et ne plus y penser, bien sûr qu’avoir un trou de mémoire aussi grand est perturbant, mais je sais comment avancer et non rester sur place. « Tu préfères que je t’en crois capable ? » Je sais que je n’ai pas été violé ou autres trucs du genre, je n’y ai pas cru dès le début et les examens n’ont relevé que les blessures à la tête et celles causés par l’accident qui avait étés soignées. « Puis tu n’as pas vraiment la tête pour ça aussi, tu m’as l’air bien plus faible que moi, ça ne colle pas. » Sur tous les points, physique ou mental. Bien que j’ignore comment j’étais durant mon absence de conscience. « Ce que je veux savoir c’est pourquoi tu es là ? » Autant y aller franco. « Je veux bien avoir passé huit mois dans ton auberge, mais je ne m’en souviens pas, donc pourquoi tu es venue ici au juste ? » C’est le plus troublant, je n’irais pas jusqu’à le traiter de harceleur ou truc du genre, mais là je ne crois pas à une coïncidence évidemment.

TENUE ϟ L'intervention de Yoseob n'était pas prévu, mais finalement ça sera sûrement un petit coup de pouce pour avouer les choses, même s'il donne une version totalement fausse de l'histoire. Dewei n'est pas bête, il doit se douter à ma tête et à mon caractère que je n'ai rien d'un fou psychopathe qu'il faut enfermer au plus vite, comme disait Yoseob. C'est sûr que cela doit faire un choc pour le jeune patron d'apprendre qu'il a été « kidnappé et violé » par un mec dans mon genre, mais en toute sincérité, c'est l'idole qui devrait suivre une thérapie pour la paranoïa. Revenant vers Dewei, celui-ci m'interroge sur la ferme, mais je le corrige en disant que c'est une auberge. Les gens ne séjournent pas réellement dans une ferme, enfin bon. « Ce qui est dommage. » Là n'est pas le soucis. C'est quand même étrange qu'il ne veuille pas savoir la vérité derrière ces huit mois d'absence, mais je respecte son choix. S'il ne veut rien entendre, je ne dirais rien. « Le pourrais-tu ? » Me croire capable d'une telle chose absurde. Il a raison, je n'ai ni l'apparence physique, ni la « force » mentale pour être un dangereux criminel. Dewei pourrait me mettre facilement à terre, vu ma carrure. Plus faible que lui ? Je hausse un sourcil. « Je suis ravi de savoir que je suis plus faible que toi. » ça me va droit au coeur, vraiment. Ah, ce n'est pas la question à laquelle je m'attendais, plutôt perturbant. « Pourquoi je suis là ? » Peut-être que j'ai mal entendu, allez savoir. Comment dois-je formuler tout ça ? Moi-même je ne sais pas réellement pourquoi j'ai quitté mon coin de paradis pour venir vivre dans cet enfer. « J'ai passé huit longs mois collé à toi et tu as disparu du jour au lendemain, sans un mot, sans rien. Que penses-tu que j'ai ressenti après plus d'une demi-année à t'apprendre ce que je connais, ce que j'aime ou ce que je sais faire ? Je n'ai pas pu me résigner à t'oublier. » Voilà, c'est dit. Je n'ai pas réussi à l'oublier, parce qu'en huit mois mes sentiments à son égare ont été malmené, ils ont évolués dans un sens que seul moi peut savoir. « Je croyais... J'en sais rien. J'ai quitté mon chez moi en me disant que ce n'était pas si terrible de vivre ici, mais j'avais tord. » Je n'arrive pas à vivre dans un endroit où la raison pour laquelle j'ai tout quitté ne se souvient pas de moi. « Tu ne te souviendras ni de moi, ni de toute les choses que je t'ai apprise en huit mois... Parce que tu ne veux pas savoir. » C'est ce qu'il a dit précédemment, il n'a pas envie de savoir.

TENUE ϟ Je ne sais pas vraiment si j’ai envie de savoir où j’étais ni ce que je faisais là-bas, ce qui m’importait réellement a ce moment-là c’était simplement de rentrer chez moi et je n’ai pas de regret ni de honte à l’avouer. Que ce soit dommage ou non ça m’est égal au fond. Tout comme le fait que je ne puisse croire qu’il soit capable d’une chose aussi folle que de me kidnapper ou même me violer, c’est insensé à mes yeux et je n’ai pas vraiment la tête dans les nuages pour avoir des suppositions aussi dingue que mon meilleur ami, étant très terre à terre. « Je ne te connais pas. » Ce n’est pas comme si je pouvais être sûre à cent pourcents qu’il n’en soit pas capable. « Mais non, je ne pense pas. » Le peu que je sais malgré tout me conforment dans mon idée qu’il ne pourrait pas agir ainsi, surtout pas avec son physique et sa faiblesse. Ce qui m’importe réellement c’est de savoir ce qui l’a emmené à me suivre, contrairement à lui je n’ai aucun souvenir qui me rattache à ses huit mois, j’ignore complètement ce qu’on a vécu ensemble, si on était proche ou non, ce genre de détails m’est complètement inconnu. Il répète mes paroles alors que je ne dis rien, insistant simplement d’un regard pour l’inciter à me répondre et être honnête, s'il ne veut pas faire d’effort je n’ai rien à faire ici, autant qu’il le comprenne. L’écoutant parlé j’ai cette impression qu’il fait erreur, c’est dingue, mais l’entendre parler de « moi » sans que je ne sache ce qu’il raconte est comme l’écouter raconter une histoire sort tout droit de son imagination. « J’ai laissé un mot. » Je me souviens de ça, j’ai dit que je partais ou un truc du genre, je n’avais pas vraiment l’esprit très vif à ce moment-là. « Même si tu dis ça, je n’ai pas les mêmes souvenirs que toi. » À quoi bon souffrir à tenter de m’approcher alors que je ne sais pas qui il est. « Tu devrais repartir et oublier, pour moi c’est du passé. » Je ne mesure pas forcément les sentiments de Yulian simplement parce que je suis incapable de comprendre ce qu’il ressent vraiment. « Même si je voulais savoir est-ce que ça me rendrait mes souvenirs ? » Je ne pense pas. Pourquoi se torturer avec ce genre de choses. « Je suis te reconnaissant ainsi qu’à ta famille  d’avoir pris soin de moi. » Ce n’est pas un mensonge, si je peux les aider je les aiderais, je comptais y retourner un jour pour les dédommager et peut-être comprendre aussi. Dire que je ne veux pas savoir est un mensonge, sauf que je n’ai pas conscience d’être réellement curieux de ce passé de huit mois, parce que j’ai peur de regretter et je n’accepte pas d’avoir des regrets.

TENUE ϟ Il n'est pas difficile de voir à travers moi comme dans un livre ouvert. Je suis d'une nature sage et gentille, loin de l'idée que peut avoir Yoseob. Lui non plus ne me connait pas, d'ailleurs. Il juge, spécule, mais ignore tout. C'est agaçant et déroutant, parce que quoi que je dise, il se borne dans sa version des faits sans aucune preuve. Le portable de Dewei ? Certes, je l'ai simplement gardé et au final, je n'ai pas pu lui rendre puisqu'il est parti si vite. Expliquer les choses n'est pas facile, ni simple. Il pourrait me croire fou et ne pas faire confiance en mes paroles, ce serait légitime pour un homme qui a perdu huit mois de sa vie et ne tiens pas à savoir pour autant. à dire vrai, je suis déçu de comprendre ce point-là, déçu qui ne veuille pas savoir. Un mot ? « Mais ce n'était qu'un mot. » Rien de plus qu'un bout de papier avec quelques lettres notées dessus. ça n'explique rien, ni pourquoi il n'a pas attendu, ni pourquoi il s'en est allé comme un voleur. Il n'a aucun souvenir du tout, nuance. Ses paroles me déçoivent à nouveau, j'ai l'impression de recevoir un coup de couteau dans le coeur. ça fait beaucoup plus mal que tout les efforts que j'ai fourni jusqu'à aujourd'hui. « Tu crois ? » Que je devrais partir et oublier. Est-ce que ... C'est ce qu'il souhaite ? Devrais-je abandonner ? Je ne sais plus. ça fait juste mal de l'entendre, de le penser et surtout d'y songer sérieusement. « ça peut aider, sûrement. » Si je lui raconte deux ou trois anecdotes, peut-être qu'il se souviendra d'un truc. Il me remercie mais ça me donne surtout la sensation d'un adieu. Mon expression n'exprime toujours que de la déception, mais aussi une pointe de tristesse. « Mais ? » Il y a forcément un mais. Secouant doucement la tête, je ne veux pas l'importuner avec tout ça et me confronter encore à un mur. « Tu as raison... Je devrais rentrer et oublier. » ça me serre le coeur, c'est douloureux. « Je devrais t'oublier. » Repris-je, relevant mes yeux vers les siens. Je devrais juste oublier ce que je ressens pour lui, tout ce que je ressens pour Dewei. évidement, cela veut dire lâcher l'école, mon boulot chez le fleuriste, quitter le campus et arrêter mes stages. Quoi que, je pense que c'est déjà fait. « Je passerai déposer une lettre d'excuse à votre bureau. » Ce qui sous-entend, terminer définitivement mon stage.

TENUE ϟ Ce n’est qu’un mot ? Qu’aurait-il fallu que je fasse ? À ce moment-là je me suis réveillé dans un environnement que je ne connaissais pas, j’avais un bandage autour de la tête et porté des vêtements qui était loin d’être mon genre, je n’ai pensé qu’à rentrer, retrouver mon chez moi, prendre une douche et me changé. J’ai appris que j’avais disparu depuis huit mois qu’une fois que je suis arrivé à mon appartement et je vis avec ce trou, cette mémoire défaillante depuis. Que Yulian ait un lien avec ce temps d’absence ne veut rien dire aujourd’hui, il y a quelques mois j’aurais surement voulu savoir, mais maintenant j’ai réussi à reprendre ma vie en main, je sais que des choses ont changé dans mon comportement, du moins dans ma façon d’agir, le fait que je mange plus qu’avant, que j’ai des envies de fromage au petit déjeuné ou de produit laitier alors que je ne déjeune jamais sont des situations qui se sont ancré dans mon organisme plus que dans ma mémoire, une habitude qui surgit de je ne sais où et j’ignore combien il y en a comme ça. Qui était-ce je, comment étais-je ? Ce n’était pas moi. Malgré les réponses qu’il pourrait me donner, cette personne qu’il a fréquentée, ce n’était pas moi. Alors oui, il devrait simplement oublier, tourner la page et retourner dans son monde, parce que je ne vais pas changer. « Je pense que c’est la meilleure chose à faire, pour toi, mais aussi pour moi. » Le voir et savoir que j’ai partagé huit mois à ses côtés pourraient finir par me déstabiliser et il en est hors de question. « Rien » Il n’y a pas de mais dans cette phrase, je suis vraiment reconnaissant, mais ça n’ira pas plus loin. « Oublie-moi. » Je n’ai aucune émotion à lui dire ces choses-là, parce que pour moi c’est évident. « Remercie tes parents en rentrant et prend mon numéro si jamais vous avez besoin de quelque chose. » Pour moi c’est comme s’il était déjà parti. « Pas besoin, je suis le patron tu es pardonné. » Pourquoi lui infliger ça, je parais surement sans cœur, mais c’est faux. Je pense à ce qu’il ressent, si je ne lui laisse aucun espoir c’est justement pour qu’il ne s’y rattache pas et puisse continuer sa vie, c’est ma façon de le remercier et de l’aider à tourner la page. Si je me montre gentil et prévenant ça sera plus dur pour lui. « Je pense qu’on a terminé. » Je lui tends la main pour qu’il la serre signe d’adieu, en espérant qu’il comprenne et accepte.

TENUE ϟ Est-ce que les choses seraient plus simple si j'avais avoué la vérité dès le premier jour de mon arrivée ? Est-ce que Dewei aurait voulu savoir ce qu'il s'était passé durant huit mois ? Est-ce que j'ai été trop lent ou trop soucieux ? J'en sais rien, de toute façon je ne peux plus rien changer. Il semble hermétiquement fermé à l'idée de parler du passé, comme si ce n'était pas très important et qu'il se doit d'avancer sans regarder derrière. Je suis plutôt triste et déçu, à croire que j'ai fait tout ce chemin et enduré toute ces choses pour rien. Je voulais simplement qu'il se souvienne de moi, mais au lieu de ça, il me dit de l'oublier. Je m'attendais à un mais, à quelque chose de plus douloureux à entendre que ses mots précédents, mais apparemment non. C'est suffisamment désagréable comme ça pour ajouter une nouvelle couche. Son numéro ? Quelle idée. Je secoue doucement la tête, tentant d'afficher une mine neutre. « Ce ne sera pas la peine. Je n'ai pas besoin du numéro d'un inconnu. » Puisque je dois l'oublier, Dewei deviendra forcément un inconnu à mes yeux, et je le serais aussi aux siens. Je comptais lui apporter une lettre d'excuse pour justifier mon départ, mais pas besoin. Tant mieux. Forçant un sourire, je m’incline rapidement devant lui pour accepter. Pas de lettre d'excuse, juste un adieu définitif. Dewei me tend sa main mais j'ai un peu de mal à m'exécuter, prenant deux secondes pour bouger et attraper celle-ci, la serrant à peine entre mes doigts. « Adieu. » Soufflais-je, avant de lâcher sa poigne et de tourner les talons, le coeur serré et les larmes au bord des yeux. Tout ça pour rien, c'est affligeant.