TENUE ••• Il avait encore neigé cette nuit, comme si noël ne s'arrêtait jamais et que l'hiver ne laisserait sa place au printemps. J'aime toute les saisons, parce qu'elles sont toutes différentes. En hiver, je peux admirer la neige et ce paysage figé dans le temps. Au printemps, je peux voir les fleurs éclore, les cerisiers devenir rose et entendre les oiseaux chanter. En été, le soleil brille de mille feu et la chaleur est si lourd que je peux être vêtu d'un simple débardeur short. En automne, le décor ressemble à une peinture, avec ses dégradés chaleureux. Je me réjouis vraiment d'un rien, comme de ces flocons qui ont recouvert Tokyo pour la énième fois de l'année. Suoh ne travaille pas aujourd'hui, faut bien qu'il ait des jours de repos non ? Et je ne dis pas ça parce que je lui réclame ... Enfin, un peu. « Tu as fini ? On peut y aller ? » Je suis déjà prêt, vêtu de mon manteau et de mon appareil photo professionnel accroché à mon cou. Je devrais porter des gants, mais ils sont dans les poches de ma veste au cas où j'en ai besoin. Prendre des photos avec du tissu sur les doigts n'est jamais pratique. « J'ai besoin d'un modèle ! Sois présentable ! » Plaisantais-je, lâchant un petit rire dont j'ai le secret. Ma bonne humeur est au rendez-vous, comme tous les jours. Je pète la forme, rien ne pourrait m'arrêter, pas même une tempête de neige. Heureusement, ce n'est pas prévu que ça retombe dans la journée. Mes bottines en caoutchouc aux pieds, je n'ai qu'à attendre Suoh pour sortir dans le jardin, puis dans la rue. La ville est banale en temps normal, mais dès qu'elle est recouverte de ce manteau blanc, elle devient rapidement plus belle, plus attirante. Comme si un artiste avait déposé un coup de pinceau sur cette toile terne et trop vieille. J'aime la neige, je ne vais pas m'en cacher. ça doit même se sentir à ma façon de sautiller pour entendre ce bruit caractéristique.

TENUE ••• La plupart des gens attendent leurs jours de congé avec une impatience digne de ce nom, de mon côté je ne suis pas vraiment comme ça. J’aime tellement ce que je fais, travaillé, cuisiner, que même quand je ne suis pas à la pâtisserie je squatte la cuisine de la maison pour m’exercer à diverses recettes, que ce soit des gâteaux ou autres. Je savais que mon frère avait besoin de moi, il m’a proposé de sortir avec lui aujourd’hui, j’aurais pensé qu’il passerait sa journée avec sa petite amie, maintenant que je connais son existence je me doute que lorsqu’il n’est pas à la maison il est avec elle et franchement... ça me frustre. Du coup je ne préfère pas y penser et je suis ravi qu’il soit avec moi pour la journée, c’est égoïste, mais c’est comme ça. Je me suis levé tôt pour préparer deux bentos pour manger dehors, histoire que si on a un petit creux on ne manque de rien. J’étais déjà prêt quand Nora se présente devant moi. « Quand tu veux. » Ajoutais-je à ses questions. Prenant ma veste, je le regarde quand il parle de modèle. « C’est bon là non ? » J’ignore pourquoi il a besoin de me photographier, mais bon. Je mets les deux boîtes de bento dans un sac à dos et l’enfile sur mon épaule, prenant ce qu’il faut, j’attends qu’il sorte pour le suivre. « Pourquoi tu n’as pas utilisé ta copine comme modèle, elle est plus jolie que ton grand frère. » Je souris, essayant de ne rien montrer sur ce que je ressens réellement au fond, je n’ai aucune envie que notre relation s’entache avec des choses inutiles... Le paysage est beau, la neige c’est toujours une belle vision, mais pas forcément pratique sur la route, les chutes sont nombreuses, mais bon, en dehors de ça c’est agréable malgré la petite hausse de température.

TENUE ••• Même si j'aime Mayura, mon couple ne fait pas entièrement ma vie. Je ne veux pas me consacré à 1000% dans une relation quand j'ai une famille à côté que j'aime tout autant. Mayura comprend et n'en demande jamais des tonnes. Elle est heureuse tant que je le suis aussi, et c'est pareil pour moi. Si elle veut traîner avec des amis, elle le fait quand elle le souhaite. Et inversement. Aujourd'hui, je veux être avec mon grand frère. Découvrir la neige qui recouvre notre belle ville et se promener en prenant des tas de photo, où il sera au moins sur la moitié d'entre elles. Je l'ai prévenu, s'il accepte de m'accompagner, je risque de le mitrailler avec mon objectif. Suoh est mon modèle, pas seulement pour mes clichés, mais dans la vie de tous les jours. Il est impressionnant à mes yeux, telle une perle rare que l'on désire et qu'on envie. Je veux briller comme lui ! Suoh est toujours le premier réveillé dans la maison, du coup je sais par avance qu'il est prêt et qu'il doit m'attendre, même quand c'est moi qui programme la journée. à son feu vert, je ne peux retenir ce sourire d'illuminer mon visage et prends les devants vers la sortie. Tokyo est blanche ! « Tu es parfait, Ani ! » Comme toujours, il resplendit de cet aura qui me fascine. C'est mon grand-frère, je ne peux être que fier, même si ce n'est pas un véritable lien de sang qui nous uni. ça m'importe peu, je l'aime autant que si c'était le cas. Ma copine ? Suoh s'inquiète vraiment de ça ? A-t-il peur que Mayura soit en colère ou jalouse de lui ? Je ris, tout simplement. « Tu es beau pour un homme. Mayura est peut-être ma copine, mais c'est toi que je préfère comme modèle. » Dis-je, mes yeux rivés sur lui. J'adore la jeune fille, je l'ai déjà prise en photo une bonne centaine de fois, mais à côté de lui, ce n'est rien. Je n'imagine pas que mes paroles puissent blesser mon frère, qu'elles soient tel un venin qui l'empoisonne et le détruit à petit feu. Je ne fais que dire la vérité, qu'il est un être que je chéri. Mon appareil à la main, je prends déjà une première photo de lui, en marchant. Je ne fais pas trop attention où je mets les pieds, focaliser sur le décor, le paysage, le moindre petit détail qui pourrait rendre le cliché mémorable.

TENUE ••• Je suis content que malgré sa copine mon petit frère pense à moi pour sortir, j’avoue que lorsqu’il m’a présenté cette Mayura je n’étais pas très serein, entre ce sentiment désagréable qui s’est imposé et le fait de craindre qu’on « m’enlève » Nora, c’est étrange je sais. Malheureusement ce sont des choses qui ne se contrôlent pas et je ne peux rien faire pour ces sentiments, je vais simplement profiter de cette journée ensemble. Les bentos sont prêts, je suis prêt, donc on peut y aller. S’il me veut comme modèle ce sera avec plaisir, même si je m’interroge malgré moi sur sa copine. « Je ne sais pas si elle serait heureuse d’entendre ça. » Mais je suis tout de même rassuré de ses paroles, même si c’est bizarre de lui savoir une copine... Je le pensais encore innocent, mais ça grandit tellement vite. Et en plus il ne m’a pas mis dans la confidence de suite, cachotier... Enfin bon, je n’ai pas non plus parlé de mes petites amies, mais avec elles c’était un désastre à répétition, seule la cuisine compte pour moi, elles me l’ont toutes reproché, mais je ne peux pas être autrement que comme je suis, tant pis si ma vie privée en pâti. Tenant le sac avec nos repas, je marche en entendant déjà le son de l’appareil, mon petit frère est motivé pour me prendre en photo, je le laisse faire, s’il a besoin que je « pose » pour lui il me le demandera en attendant on peut aussi admirer la neige, entendant chacun de nos pas s’enfoncer dans la poudreuse. Il ne fait pas chaud, mais il n’y a pas de vent ce qui limite la température. Je n’ai pas mis de gant, donc la toucher me gèle les doigts, mais c’est assez tentant.

TENUE ••• J'ignore totalement ce que mon frère pense réellement de la situation ou de ma copine. à mes yeux, c'est mon frère et il ne peut être qu'heureux pour moi. Je suis loin d'imaginer qu'il ressent cela à mon égare. Qu'est-ce que ça changerait si je le savais ? Puisque ce n'est pas le cas, je n'ai pas à réfléchir là-dessus. J'ai surtout envie de passer du temps avec lui, de m'amuser dans la neige et de le prendre en photo. Y a pas de Mayura qui tienne, elle n'est pas avec nous de toute évidence. Suoh a le mot pour me faire rire, bien qu'il n'est pas tort. « C'est ma copine, pas ma femme. » Plaisantais-je, m'excusant mentalement auprès de cette dernière. Ce n'est pas comme si je la trompais ou quoi. ça doit lui faire bizarre de me voir en couple, après de nombreuses périodes de changement, entre la peur, la triste, la découverte, la joie. J'en ai connu des épisodes dans ma vie, pas toujours tout rose ou coloré. Je suis content, c'est tout ce qui compte non ? Je ne songe plus à mes parents, à l'incendie, à toute ces petites choses de mon passé qui me hante à la moindre faiblesse. à peine dehors que je commence déjà à le prendre en photo, sans le prévenir. C'est plus naturel que quand il fait la pose, puis je préfère ça. Mon objectif n'est pas toujours braqué sur lui, parfois il tourne à droite, à gauche, vers le bas ou le haut. C'est agréable comme paysage. J'ai pris un chat sur un muret enneigé, des moineaux dans les bras d'un arbre sans feuille, un vélo recouvert par des tonnes de flocon, une pancarte d'un petit restaurant figé dans le temps. Bref, des plans sublimes ! Puis Suoh que touche la neige. Je souris en observant mon cliché sur l'écran de mon appareil. « Tu es vraiment photogénique. » Fis-je, sans perdre ce sourire fier. « ça ne te fait pas penser à des blancs en neige ou de la crème chantilly ! Même si ça n'a pas le même aspect. » Ce n'est pas doux ou tendre, plutôt sec et froid. Accroupis, je ramasse un petit tas et fais une boule, que je jette ensuite sur mon frère en riant. Je n'ai pas enfilé mes gants non plus, sentant la sensation gelée sur mes mains.

TENUE ••• Je ne pense qu’il serait judicieux de parler de mes sentiments, pour l’instant je profite simplement de ces moments qu’on passe ensemble pendant que je peux encore supporter ces nouvelles émotions qui ont fait irruption dans ma vie. J’aurais voulu ne pas savoir qu’il avait une copine, peut-être que cela m’aurait aidé à surmonter ça, mais quand j’y pense ça ne fait que me blesser un peu plus, me disant qu’une autre personne a cette place que j’aurais aimé avoir dans le cœur de mon cadet, même inconsciemment. « Heureusement. » C’est sorti naturellement, mais s’il devait m’annoncer subitement qu’il allait l’épouser je ne pense pas que je sois capable de digérer la nouvelle avec joie. Du moins, pas sans jouer la comédie. Nora est heureux, il sourit tous les jours, il n’est plus cet enfant qui pleure et était effrayé et que je devais rassurer pour qu’il ait confiance en moi, en nous. Aujourd’hui c’est un homme et il sait parfaitement ce qu’il veut, je suis fier de son évolution bien entendu, fier de ce qu’il est devenu. Je continue de me dire que c’est mon petit frère pour chasser mes désirs cachés et les oublier, les mettre de côté, mais jusqu’à quand est-ce que je pourrais les évincer ?

Nous ne sommes que tous les deux aujourd’hui, profitant de la neige et Nora de me prendre en photo, tant qu’il a encore besoin de moi, je serais là. Touchant la neige dans mon coin malgré le froid, j’entends le bruit de l’appareil prenant des photos mais je ne m’en inquiète pas, je ne pose pas et laisse le naturel opéré sur ses clichés. Le regardant à son compliment. « C’est parce que tu es celui qui me prends en photo. » Un petit clin d’œil et approuve ses paroles. « Ça me donne envie de cuisiner arrête. » J’ai toujours envie d’être derrière les fourneaux en même temps. Sentant la boule de neige s’écraser sur moi, je ne m’attendais pas à ce qu’il commence à jouer à ce jeu-là. Souriant, je lui balance la boule que j’ai dans les mains en guise de revanche. « D’où tu attaques ton frère en traitre comme ça » Genre. Je ris aussi en lui faisant signe de continuer à avancer.

TENUE ••• Heureusement ? Je ne relève pas, alors que je devrais. Est-ce que Suoh serait content que je n'épouse jamais Mayura ? Peut-être qu'il la déteste, tout simplement ? Il ne m'a rien dit sur elle, ni s'il approuvait, ni si elle lui plaisait. Je n'ai pas demandé non plus. Quant au mariage, c'est loin. Très loin. Je ne suis pas prêt à me marier si jeune, ni à être papa. Je veux bien sortir avec une fille, être son copain, l'aimer et partager du temps avec elle, mais pour le reste, faudra attendre. J'ai encore mes études à terminer, mon diplôme à avoir et un boulot à trouver ensuite. Il y a tellement de chose à faire avant d'avoir sa propre famille, et je veux profiter un maximum des Enmadô. Ils m'ont apportés beaucoup, je veux continuer à vivre chez eux tant qu'ils me le permettent. Quand je serais prêt à partir, je mettrais les voiles de mon côté et vivrais toujours plus heureux qu'aujourd'hui.

Suoh se trompe s'il croit que je n'aurai pas toujours besoin de lui, parce que même quand je serais vieux, j'aurai besoin de son aide. C'est ma famille, mon frère, je ne veux pas m'en éloigner de trop. Même marié, père ou peu importe, je veux avoir la certitude qu'il sera toujours là quelque part pour moi. Ainsi prit dans le temps, je continue de faire des photos de mon aîné ou du paysage, tournant parfois sur moi-même pour dégoter de nouveau décor. Je lui fais un compliment et il me le rend, me faisant sourire. ça me fait plaisir de l'entendre, moi qui adore la photographie. Si je ne peux devenir scénariste ou producteur de film, je me lance dans la photo ! « Et moi de manger. » J'en ris, voyant la neige comme de la crème chantilly, prêt à prendre une poignée pour la lécher. Ce ne serait pas propre, mais la bonne humeur est là. Au lieu de ça, je lance ma boule de neige sur Suoh, mort de rire. Retour à l'envoyeur, je ne fais rien pour l'éviter, juste me tourner pour la prendre dans le dos en lâchant un nouveau rire. Je protège mon appareil aussi, sait-on jamais. « C'est le but d'une bataille ! Tu te laisserais pas faire si je te demandais gentiment. » Sinon ce ne serait pas marrant. Tenant mon appareil, je le suis de près, ricanant toujours. « Tu veux t'arrêter quelque part ? » Puisque nous n'avons aucun but pour la journée, autant faire ce que nous voulons.

TENUE ••• Même s’il avait relevé mon mot, je peux dire que c’est parce que je suis son grand frère et que le mariage est quelque chose d’important à ne pas prendre à la légère, cela ne va pas me mettre dans l’impasse à cause de ses sentiments que je ne devrais pas ressentir, c’est déjà bien difficile de les oublier ou les mettre de côté en me convainquant que cela n’est pas possible... Que Nora est mon petit frère et juste ça, rien de plus. Je préfère me voiler la face que perdre ce que nous avons construit toutes ces années. Pour l’instant je suis simplement heureux quand je le vois sourire, son bonheur fait le mien et même s'il le trouve auprès d’une autre, une fille, comme le veut la coutume et la logique bien entendu.

Je me suis promis à moi-même de le protéger et cela depuis le premier jour où il est venue vivre chez nous. Nora est précieux et je ne veux pas le blessé ou le trouble avec mes doutes. L’amour se présente sous plusieurs formes, il a plusieurs définitions, mais malheureusement j’ai beau ne pas l’accepter, celui que je ressens et que je cache au plus profond de moi n’est plus seulement fraternel et j’en suis le premier à maudire ce changement qui est survenu sans que je n’y sois préparé.

On plaisante avec la neige avant qu’il ne m’attaque par surprise, évidemment c’est le concept qui veut ça et malgré mes paroles, c’est certain que s’il m’avait demandé avant ça n’aurait pas eu le même effet, puis je n’aurais pas dit oui gaiement, c’est de piéger l’autre qui reste le plus fun dans ces moments-là. Je hausse les épaules en le regardant. « Je ne sais pas, je t’ai suivi c’est toi le guide aujourd’hui. » Je souris, il voulait faire une séance photo dehors, jouer dans la neige, après je n’ai pas de projet donc s’il en a je n’ai pas d’objections. « Tu voulais te rendre quelque part en particulier ? »

TENUE ••• Suoh s'inquiète pour moi. Je m'en doute, j'en suis même sûr. Il m'a connu quand j'étais dans un été minable, déplorable et il n'a jamais cessé de vouloir me remonter le moral et me redonner le sourire. Je sais qu'il ne veut que mon bien, quitte à fliquer mes relations.  Comment lui en vouloir ? Pourtant ma copine est une personne sympathique et adorable. Je l'aime beaucoup et je ne voudrais pas m'en séparer, même si je dis qu'elle n'est pas encore ma femme et que je suis libre de passer du temps avec mon frère de coeur. à mes yeux, c'est une réaction normale de la part de Suoh, la réaction d'un grand frère qui se fait un sang d'encre pour son cadet.

La neige et l'hiver sont deux choses que j'aime, c'est beau et amusant. Jouer dans la poudreuse et taquiner mon frère à coup de boule de neige. Prendre des photos incroyables d'un paysage figé. Enfiler des vêtements chauds et épais. Boire des boissons réchauffantes, comme un chocolat, une soupe, etc. J'aime aussi l'été pour les mêmes raisons, presque. La plage, le soleil, porter des tenues légères, photographier le monde en couleur, sortir. Dans l'immédiat, je profite de ce que j'ai. Suoh n'aurait jamais accepté que je l'attaque si j'avais demandé gentiment, donc voilà. C'est l'effet de surprise, comme quand je prends un cliché à son insu.

« Sérieux ? Je peux demander ce que je veux ? » Choisir, plutôt. Mais l'idée est la même. Je me sens comme le petit prince. « Non, pas vraiment. » Fis-je en haussant les épaules et en réfléchissant à quoi faire. « Allons au parc ! » Je lui montre l'entrée d'un parc du doigt, celui est un peu désert. Y a des gens qui promènent leurs chiens en vitesse, comme si ils allaient geler sur place à la moindre pause. Guidant Suoh vers le parc, je capte de suite le coin pour enfant et me précipite vers ce dernier. Ce que j'adore dans ce genre d'endroit, ce sont les « attractions ». Balançoire, animaux qui se balancent sur un ressort, tourniquet, toboggan. Il y a même un filet pour grimper dessus ! Mais mon choix se porte aux planches tenue par une corde à plusieurs centimètres du sol, et plutôt que m'asseoir dessus normalement, je grimpe et reste debout. « ça ne te rappel rien ? » Demandais-je, me balaçant doucement en tenant fermement les cordes entre mes mains.

TENUE ••• Peu importe l’âge je veillerai toujours sur Nora, certes ça pourrait devenir difficile à l’avenir maintenant que j’aie pris conscience de mes sentiments, mais malgré tout je veux continuer à le voir comme mon petit frère et être là pour lui, ne pas le laisser entrevoir ma situation, mes doutes ou mes blessures si je devais en avoir. Il est heureux et c’est tout ce qui compte, vraiment. Le temps donne l’impression que la ville est entièrement un terrain de jeu, comme si chaque rue pouvait devenir notre prochaine attraction, mais en même temps avec de la neige partout il y a de quoi faire. Le paysage est blanc, il change selon la scène qui se déroule face à nous ou dans les lieux différents où on se rend, mais ça reste toujours incroyablement beau et intéressant.

J’ai suivi Nora sans savoir où il voulait aller, à part prendre des photos bien sûr, donc s’il veut se rendre dans un endroit en particulier je le suivrais, je n’ai rien de prévu autant qu’il en profite, c’est rare. « Si je te le dis. » Je ne pense pas lui avoir déjà menti, de plus est-ce si extraordinaire pour lui d’avoir le choix ? Je souris, gardant cette esquisse en le voyant entrée dans le parc, le suivant de prêt j’avais déjà en tête ce qui l’intéressait à l’intérieur. Il n’y a pas de petit aux jeux, ça laisse la place pour les grands gamins qu’on est d’en profiter, surtout à mon cadet qui lui est déjà debout sur une balançoire, secouant lentement ma tête, les bras croisés je m’approche en restant sur le côté, évitant qu’il me rendre dedans s’il avait l’idée de se balancer soudainement. Je fais le tour et grimpe sur la même balançoire que lui, me tenant aux cordes un peu plus haut que l’endroit où il tient, riant en nous balançant. « Tu prenais moins de place quand tu étais petit. » Je me souviens de ces moments qu’on a passés ici, à se pousser ou s’amuser comme deux gosses tout simplement. Je pouvais le voir rire quand on venait ici, à l’époque c’était déjà mon but principal, rendre heureux le petit Nora. La balançoire grince et je lève les yeux sans pour autant arrêter de nous balancer. « Elle se fait vieille la pauvre. » Depuis combien d’années ce parc existe aussi.

TENUE ••• Avoir le choix n'est jamais une bonne chose pour moi, parce que j'hésite beaucoup avant de choisir. La ville est grande, j'aurai pu me diriger vers n'importe quel endroit, mais j'ai préféré guider mon grand frère vers un parc, dans la zone de jeux pour enfants. J'adore ce style de place, surtout quand il y a personne et que c'est recouvert de ce manteau hivernal et blanc. Les balançoires sont presque invisibles dans ce paysage, mais j'ai dégagé la neige présente sur la planche avec mes pieds, grimpant dessus tel un grand gamin. Ainsi, je peux voir le parc avec quinze ou vingt centimètres de différence. Celle à côté est plus basse, sûrement pour les enfants en bas-âge. Sans bouger, j'observe le parc avec un sourire, me remémorant des souvenirs heureux dans un parc quand nous étions plus jeune. J'ai débarqué chez Suoh dans la huitième année, il m'a fallut du temps pour sortir la tête de l'eau, mais une fois en surface, je n'ai pas cessé de rire et m'amuser. C'est encore le cas aujourd'hui, grâce à lui et sa famille. Suoh grimpe sur ma place et je me laisse tomber cul sur la planche, les pieds au sol. Ce sera plus facile pour lui de nous balancer. « Je mesurais un mètre dix à l'époque. » Plaisantais-je. Gamin, j'étais plus petit que lui et désormais, je le rattrape presque ! La balançoire commence à avancer, puis recule, dans un mouvement continu et similaire. C'est agréable, les yeux rivés sur les autres attractions. « Tu crois que les enfants la respectent ? » La balançoire, même si elle grince, les petits s'en fichent. Ils n'arrêtent pas de se balancer malgré le bruit plaintif, parfois jusqu'à la briser. « J'aimerai qu'elle soit encore là quand j'aurai des enfants. Ils viendront s'amuser ici, comme nous. » Une esquisse illumine mon visage et je le lève vers lui, le regardant d'en bas. Mes enfants auront une vie heureuse, j'en suis persuadé. Ils ne connaîtront jamais la peine de perdre un parent ou de se retrouver seul. Du moins, je l'espère, parce qu'on ne peut pas prévoir l'avenir. « Après le parc, les parents nous emmenaient manger une crêpe à côté. J'adorais celle à la fraise avec une boule de glace vanille et de la chantilly ! Mais j'en ai tellement mangé qu'elles me sortent par les yeux, haha ! » Je ris de bon coeur, ma tête appuyée contre les genoux de Suoh. « Maintenant je voudrais bien manger une crêpe au sucre, avec un chocolat chaud. » Les goûts changent, mais les images restent.

TENUE ••• Sans Nora surement que ma vie aurait été beaucoup plus ennuyeuse, avoir un petit frère m’a rendu heureux et continue encore de me donner cette chaleur et ce bonheur quotidiennement. Il suffit que je le voie rire pour que ma journée semble briller d’un soleil éclatant. Se remémorer le passé fait du bien, se rappeler de nos sorties, de ces moments que nous avons partagés dans ces parcs. Cette balançoire est vieille, elle grince à chaque fois qu’on pousse un peu trop, comme pour nous dire de faire attention. Les enfants ? « Je doute qu’ils pensent ainsi. » Pour eux le plus important c’est de s’amuser, tout comme c’était le cas à notre époque. Se poser des questions, avoir peur, toutes ces choses ce n’est pas au programme quand nous sommes petits. Même quand on tombait on riait, on se relever et repart toujours plus motiver. Entendre Nora parler de ses enfants est un sujet dont je devrais me réjouir, être tonton ça arrivera surement pour moi... Et pour lui aussi, je devrais taire mes sentiments et vivre ma vie avec une fille qui m’acceptera tel que je suis. Ce serait le plus logique et la meilleure chose à faire. « Les miens aussi, ont les emmèneras ensemble ici. » Je souris, même si au fond ça me fait mal, je ne laisse rien paraître de mes réelles émotions quand ça le concerne ou pourrait le blessé. C’est le rôle du grand frère après tout. Tout faire pour que le plus petit ne s’inquiète de rien et soit heureux. « Si je t’en faisais une je suis sûr que tu te régalerais. » Mon ton a un air de défi, mais je ris en ralentissant la balançoire pour en descendre. « Allons-y. Si c’est ce que tu veux pour quoi attendre. » Je lui tapote l’épaule pour l’inciter à se lever, commençant à marcher pour sortir du parc et aller au café du coin en question, c’est rare que je mange une « pâtisserie » que je n’ai pas faite moi-même, mais leurs crêpes sont bonnes et aujourd’hui je suis de repos, alors je mets le « cuisinier » de côté.

TENUE ••• Si Suoh n'avait pas été là, si il n'avait pas été le fils des Enmadô, les choses ne seraient pas pareil. Je serais sûrement un jeune morne et sans intérêt, vide d'enthousiasme, mort de l'intérieur depuis la perte de ses parents... Mais Suoh m'a permis de ne pas rester dans cette bulle de noirceur qui aurait pu me détruire au fil du temps. Il a chassé mes démons et grâce à lui, je rayonne et profite de la vie à fond. Avec des craintes, certes. Pourtant, je peux parler facilement de notre passé en commun, bien qu'il ne remonte pas à si longtemps, au final. Quelques années, une dizaine à tout casser. J'étais déjà plutôt grand à l'époque, assez grand pour comprendre la perte d'un être cher. J'imagine déjà l'avenir, avoir des enfants, une famille, vivre heureux, venir dans ce parc pour s'amuser et rire, comme au bon vieux temps. J'ai des songes d'adulte, malgré mon jeune âge. Je ne pense pas une seconde que mes paroles réjouissantes pourraient toucher mon demi-frère. Pour moi, c'est logique. Avoir une copine, une femme, des enfants, une vie de famille enrichissante. C'est un peu le but d'une vie, pour ceux que ça intéresse. La plus part préfère privilégier le boulot à la famille, ce que je ne comprends pas toujours. Sans bébé, il n'y a pas de nouvelle génération. Nous tuons peu à peu notre peuple. Quand il me répond, un grand sourire fendit mon visage. « Oui, ensemble ! » Je ris, content de cette perspective. Puis voilà que je parle de nourriture, comme si je ne mangeais pas suffisamment à chaque repas. « Tu ferais ça pour moi ?! » M'égosillais-je, manquant de sauter de la balançoire avant qu'elle ne se soit arrêté. « D'accord ! » Il n'en faut pas plus pour me motiver, levant mes fesses de la planche dans l'intention de quitter le parc. Cette crêpe à la glace vanille n'a qu'à bien se tenir ! Je n'en ferais qu'une bouchée !