TENUE †« Aaaaaah. » Après t’être tapé un monologue entier en chinois au comptoir, tu sors enfin dehors prendre l’air. Il était temps. En plus, ce pauvre barman n’en pouvait plus de toi. Tu pues l’alcool et le vomi, vraiment. Même si tu t’es passée de l’eau sur la figure, ça ne change pas grand-chose à ton état déplorable. Tu soupires et tentes quelques pas sans trop tituber. Ouah. Ça tourne dis donc. Avec un sourire un peu con, tu t’appuies ou t’affales – au choix – sur l’un des lampadaires de la rue. Les quelques passants qui restent à cette heure te jettent à peine des coups d’œils tellement tu fais pitié. Tu les comprends.

Tu ris doucement avant de te passer une main sur le visage. T’as plein de questions cons qui te passent par la tête ou même des souvenirs d’avant. C’est ridicule, tu es ridicule. Mais qu’est-ce que  tu t’en fous au pire. Être bourrée, ça sert à ça. Faire des trucs cons et utiliser cette excuse pour que ça passe. M’enfin. Sûrement que demain tu vas regretter. C’est sûr même parce qu’en plus de la gueule de bois, tu vas réaliser la facture. Ce que tu as fait ce soir c’était pas très réfléchi. Tu manques de thunes, tu viens de te faire virer et tout ce que tu trouves à faire c’est noyer ta peine dans l’alcool.

Va falloir que tu te reprennes vite pour te trouver un taff sous peu. Qui sait, tu devrais peut-être te proposer comme dealeuse dans un de ces gangs que tu fréquentes. Après tout, il paraît qu’ils se font max de fric et c’est pas comme si tu ne connaissais pas ce milieu. En soupirant, tu quittes ton lampadaire et essaies de continuer ta route. Faut que tu rentres chez toi, que tu dormes et tout. Est-ce que tu y arriveras ? Pas sûr, en plus t’as encore envie de vomir. Ouah, mais qu’est-ce qui t’arrive d’un coup ? Ça tourne, ça tourne…

AÏE.

Tu viens de te ramasser le cul par terre, ça fait pas du bien. Avec une grimace, tu frottes la zone endolorie avant de te rendre compte que le mur à côté de toi est frais. Oh oui, du frais. Ça c’est bien. Un petit sourire béat aux lèvres, tu te traînes pour t’adosser au mur et fermes les yeux. Qu’importe qu’on te prenne pour une SDF ou quoi, tu vas dormir là. Oui, ce mur est très confortable, mieux que ton oreiller, mieux que tout ce qui existe sur cette planète. Et cette fraîcheur, ouah tu n’attendais que ça par cette nuit de presque-été.

TENUE † Ta journée avait été pénible comme tous les autres avants. Rien n’avait changé dans ta vie, sauf bien sûr que tu broyais un peu moins de noir Néanmoins, tu avais encore consommé aujourd’hui parce que tu pensais à lui. Tu pensais à Jaxon et à son sang sur tes mains. Encore aujourd’hui, tu es allée faire un règlement de compte et tu as dû utiliser la méthode forte. Le sang que tu as reçu sur tes mains t’a redonné ces horribles images que tu essais tant de faire taire. Paniqué, tu as décidé de consommer de l’ecstasy. Une seule pilule en forme de bonbon pour enfant que tu glissais sur ta langue. Tu en apportais d’autres sur toi, dans ta poche intérieure de ta veste en cuir noir, juste au cas.

Tu savais très bien que de consommer te donnerais encore plus de difficulté à remonter la pente, mais c’était plus fort que toi, malheureusement. Tu savais très bien les conséquences et elles allaient être difficiles. Tu ruinais ta vie avec la consommation. Mais voilà, tu as décidé de t’auto-détruire. Pourquoi ? Parce que. Tu en voulais à tout le monde et tu te vengeais sur toi-même. En fait, tu ne voulais qu’une seule chose et c’était d’oublier ce mal psychologique et d’être heureuse, mais quelque chose t’en empêchais et tu ne faisais que sans cesse retomber.

Marchant tranquillement le long du trottoir, tu voyais les choses beaucoup plus jolies qu’à la normale. Tu avais un petit sourire, te sentant sur un petit nuage. Tu soupirais d’aise en respirant l’air frais, ne craignant rien, comme si tu te sentais invincible. Tu ne craignais pas la mort de toute façon. Tu souhaitais qu’elle vienne te chercher un jour. Mais bon, personne ne le savait. Il n’y avait que toi qui le pensait. Soudainement, tu aperçois quelqu’un assied parterre au loin. Une silhouette beaucoup trop fine pour être un homme. Tu t’approchais et remarqua que c’était ton amie, Ya ling. Elle était bien bourrée celle-là comparé à toi qui flottait sur un nuage. D,un air légèrement blasé, tu lui donnais quelques petits coups de pieds sur sa cuisse. « Hé. Debout fainéante. Ta place est pas ici. »

TENUE †Ce que t’es bien contre ton mur tout frais là. Il a le mérite de calmer ta tête qui tourne comme une folle en plus. C’est ouf, ça, d’ailleurs. Pourquoi quand on boit et qu’ensuite on ferme les yeux, on a l’impression d’être dans une soucoupe volante. Enfin, t’es jamais montée dans une soucoupe mais c’est l’impression que ça te donne. Tout tourne, tu sais plus où est ta droite ou ta gauche ni le haut et le bas. C’est rigolo comme sensation. Ça fout la gerbe mais c’est marrant. D’ailleurs tu ris. Ah ça oui, qu’est-ce que tu ris. Comme une possédée. Puis tu t’arrêtes. Et puis tu recommences. Insortable la meuf, vraiment.

Tu finis par arrêter finalement. Rire c’est fatiguant puis ta tête est lourde. C’est la faute à tes cheveux ça. Une moue sur la figure, tu passes tes doigts dans tes cheveux emmêlés et tu soupires. Ça ne sert à rien de faire ça, tu rajoutes plus de nœuds que tu n’en enlèves. Mais pas grave, ça soulage un peu cette lourdeur qu’ils ont. N’empêche qu’à moitié allongée contre ce mur, t’es bien. Tu ne sens même pas les premiers effets de ta redescente. P’te que ce soir, t’auras pas besoin de te shooter une nouvelle fois avant d’essayer de dormir. Bon, t’as la jambe qui tremble pas mal mais ça devrait le faire. Du moins, tu l’espères. En soupirant, tu fermes de nouveau les yeux. Penser au sommeil ça t’as fatigué, tu vas dormir tiens.

« Hé. Debout fainéante. Ta place est pas ici. » Qui te parle ? N’ouvrant qu’un seul œil tu tentes de découvrir l’identité de celle qui te tape dans la cuisse dans aucune gêne. Qu’est-ce qu’elle veut ? Oh. D’un coup tu relèves la tête, un grand sourire aux lèvres. Cette meuf tu la connais, c’est ta petite Maya. Si, celle que t’aime bien là, que tu vois pas mal aussi. « Oh mais c’est ma jolie Maya ! » Tu lui adresses un grand sourire avant de tapoter le sol à côté de toi. « Assieds-toi, viens à côté de moi. » Puis tu secoues la tête, en riant à moitié. Zut alors, t’as parlé en chinois, faut que tu fasses gaffe. C’est chiant d’ailleurs, quand t’es bourrée, t’arrive pas à garder le japonais. « Je veux dire, viens t’asseoir là ma belle. »

En même temps que de le dire, tu t’accroches à sa jambe pour pas qu’elle parte. Imagine, elle a trop honte de toi et bim elle te laisse. Non non, t’as envie de compagnie ce soir. En plus, avec l’alcool, t’as beaucoup moins de mal à laisser les autres te toucher. Alors t’en profites. C’est pas demain la veille que Maya pourra avoir un autre câlin de ta part. « Hé ! Tu trouves pas qu’on fait la paire hein ? Regarde-toi, t’es magnifique et moi j’suis un gros tas. Avoue que c’est plutôt drôle. Haha. » Toi en tout cas, tu trouves ça drôle. En riant, tu finis par lâcher sa jambe et tapoter de nouveau la place à côté de toi. Ce soir, t’as vraiment envie de l’avoir avec toi.

Ouais, d’habitude, tu rejettes les gens, fais genre t’es mieux toute seule. Mais en vrai, c’est pas la vérité. La vérité, c’est que tu te sens grave seule et t’as besoin d’un peu d’attention. Maya elle t’en donne, ta petite Maya elle est là pour toi comme t’es là pour elle. Alors ce soir, t’as vraiment pas envie qu’elle se barre. Soudain, tu sens un truc se bloquer dans ta gorge. Avec une grimace, tu tapotes ta cage thoracique jusqu’à ce qu’un rot tonitruant sorte. Ah, ça fait du bien. Sauf qu’il a un vieux goût de vomi ce rot. Tu tires une tête pas possible sous le coup et tu te tournes vers ton amie. « Dis ma belle, t’as pas un menthos ou quelque chose comme ça ? Ça sent trop le vomi dans ma bouche… » Y a plus gracieux comme demande mais t’es pas assez sobre pour faire d’en la dentelle. Puis t’es plus non plus à ça prêt avec elle. C’est pas comme si vous viviez dans un monde rempli de paillettes et d’arc-en-ciel.

TENUE † Ton petit nuage semblait si bien, si confortable. Tu ne ressentais absolument rien, ce que tu adorais comme sensation. Tu ne pensais à rien, tout était un trou noir dans ta tête et tu vivais le moment présent sans trop te soucier de ton entourage. Bon, ça, c’était juste avant de voir ton amie dans un sale état devant toi. Elle était assise là, cherchant la fraîcheur du mur. D’un ton découragé, tu lui demandais de se lever, mais voilà que ton amie complètement bourrée te saluait, comme si la vie était normale. Tu savais très bien qu’elle n’allait pas bien. Et voilà que tu l’entendais te parler en chinois. Haussant un sourcil, tu ne pigeas rien de ce qu’elle disait, mais tu comprenais avec son geste qu’elle voulait que tu viennes t’assoir à ses côtés. Secouant la tête, tu refusais de t’assoir parterre en ayant peur qu’elle te vomisse dessus ou qu’elle traîne ses mains un peu partout sur toi. Qui sait. Mais tu avais davantage peur qu’elle te vomisse dessus. Les mains baladeuses pouvaient être un sujet intéressant, mais pas ce soir.

Voilà que Ya ling s’accrochait à ta jambe. Par réflexe, tu la levais en la secouant un peu, comme si tu essayais de repousser un chien qui essayait de s’accoupler à ta jambe. « Putain Ya Ling, lâche ma jambe ! »Demandais-tu en la secouant toujours avant de sentir ton ballant être déboussolé. Rapidement, tu reposais pieds à terre et écouta ses paroles. « Hé ! Tu trouves pas qu’on fait la paire hein ? Regarde-toi, t’es magnifique et moi j’suis un gros tas. Avoue que c’est plutôt drôle. Haha. » Haussant un sourcil, tu la regardes en secouant la tête. « Genre t’es même pas gros et t’a pas l’air d’un tas. Alors tu te calmes. Dis-tu en soupirant bruyamment, t’assoyant finalement à ses côtés après ses nombreuses demandes. Soudainement, un rot de la mort sortit de la bouche de ton amie et le haut le cœur te montais à l’œsophage. «P’tin, t’es écœurante, Ya Ling ! Et j’te jure que si tu me vomis dessus, j’te le fait bouffé, c’est clair ? » Crachais-tu en fouillant ton sac pour pêché de la gomme. « Prends le paquet, tu pues. » Dis-tu en lui donnant le paquet de comme à la menthe. « Et après tu chiâle parce que tu ne trouves personne, pff. » Finissais-tu par dire en regardant au loin, perdant ton regard sur un immeuble de l’autre côté de la rue. Deux paumés ensemble : l’une complètement saoule et l’autre un peu défoncé. Beau cocktail.

TENUE †Elle a beau dire tout ce qu’elle veut, Maya c’est pas une fille qui lâche les autres. La preuve, elle voulait pas s’asseoir avec toi et la voilà à tes côtés. Ce qu’elle est gentille quand même. Une vraie amie en or. Oh oui, ça c’est sûr qu’elle l’est. C’est l’une des seules personnes qui comprend dans quelle merde tu es. L’une des seules qui sait ce que ça fait d’avoir besoin de se défoncer pour vivre. Puis elle dit que t’es pas grosse en plus. Elle a raison, t’es même carrément maigre Ya Ling. Quand est-ce que tu essaies de te reprendre en main au juste ? Tu ferais mieux de trouver un taff bien payé la prochaine fois. Ça ne te fera pas de mal de manger un peu plus et pas que de la merde. Limite tu devrais de rentrer chez tes parents pour mieux te nourrir. Mais déjà qu’ils ont pas de thunes, ils vont pas s’emmerder avec leur fille de 25 ans pas foutue de finir ses études correctement.

«P’tin, t’es écœurante, Ya Ling ! Et j’te jure que si tu me vomis dessus, j’te le fait bouffer, c’est clair ? » Tu peux pas t’empêcher de rire à sa menace. C’est con, hein, mais ça te fait rire. Parce que bon, la pauvre elle est quand même toute chic et elle doit rester avec toi qui rote comme un gros porc. Ah lala, vous êtes pas sorties de l’auberge, franchement. « Prends le paquet, tu pues. » C’est si aimable de sa part. T’inclinant à moitié en joignant les mains devant toi, tu attrapes les chewing-gums qu’elle te tend et en mets un dans ta bouche. Oh, c’est le renouveau. Un doux et frais parfum de menthol pour remplacer le vieux goût de vomi. On ne peut faire mieux. « Merci bien. » Fermant les yeux, tu mâches lentement pour savourer avec délice le changement.

« Et après tu chiâle parce que tu ne trouves personne, pff. » Haha. Tu ris, perçant la nuit calme d’un son clair et légèrement grave. Oui, c’est totalement vrai, tu ne trouveras personne. En même temps, être célibataire dans ton état ça semble couler de source. De toute manière, tu t’en remettras, pas d’inquiétudes. C’est ton destin de droguée phobique du contact humain. Alors tu hausses les épaules et adresses un sourire au vide devant toi. « T’façon finir avec quelqu’un c’est pas une fin en soi tu sais… » Qu’est-ce que tu racontes ? Toi-même tu l’ignores. « Y a plein d’autres choses dans la vie, des activités à faire, des plats à découvrir, tout ça… » Tapant dans tes mains, tu en poses une sur la cuisse de ton amie. « Avoue qu’on peut vivre heureux en faisant juste ce qu’on aime, genre du sport, des trucs comme ça. » Est-ce vrai ? Tu n’arrives même pas à réfléchir convenablement. Ta langue bouge toute seule, muée par sa propre volonté. « Moi j’aime bien les tomates, tu sais… » Et tu ris comme si tu venais de sortir la meilleure blague du siècle. Puis tu te passes une main sur le visage avant de rendre son paquet de chewing-gum à Maya. « Mais et toi ma belle, qu’est-ce que tu fais là toute seule en plein milieu de la nuit ? » Tu es soudainement curieuse de son état. Si ta mémoire ne te joue pas des tours, son mec est décédé il n’y a pas longtemps. Tu ne voudrais pas qu’elle déprime H24 quand même. Alors tu poses ta tête sur son épaule et attends sa réponse. T’espère qu’elle est gaie parce que tu ne sais pas réconforter les autres, encore moins bourrée.

TENUE † Pour être honnête, tu l’aimais bien cette fille. Elle était l’une des seules, à cette date, à te faire un peu sourire malgré ton chagrin que tu ne cesse de raviver à chaque jour. Elle était peut-être l’une d’entre ces personnes qui te maintenait en vie, te trouvant une place importante dans leur vie. Évidemment, comment pourrais=tu laissé tomber cette petite bouille mignonne et bourrée ? Elle aussi, elle partageait une peine. Tu pouvais t’en accrocher un peu, même si tu ne voulais pas de son aide. Tu cherchais quand même son réconfort et tu devais t’avouer que tu voulais prendre soin d’elle comme elle le faisait avec toi. La Maya que tu es n’est pas si cœur de pierre que tu le croyais.

Offrant le paquet complet à ton amie, tu lui suggérais sans trop de tact de prendre le paquet complet. Mais c’est qu’elle puait de la gueule celle-là. Elle avait certainement vomi ses trippes avant d’aboutir ici. Tu lâches un commentaire un peu désagréable, mais tu ne voulais pas lui faire de peine. Elle réplique, mais voilà qu’elle change en chinois. Tu hausses un sourcil, ne la suivant plus tellement dans la conversation. Elle venait de dire quoi là ? Même pas ta le temps de te poser les questions qu’elle parle de tomate. « Mais qu’est-ce que tu racontes ? » Demandais-tu sans attendre vraiment un retour de sa part. Voilà que le sujet se dirige avers toi. « Mais et toi ma belle, qu’est-ce que tu fais là toute seule en plein milieu de la nuit ? » Tu étouffes un rire. Elle savait probablement le pourquoi, mais elle te le demandait toujours. Comme à chaque fois, tu lui répondais. « Oh la routine… J’viens de me prendre une moitié de pilule d’ecstasy, mais elle ne fonctionne pas comme je l’aurais espéré. Donc voilà, j’ai décidé de sortir me changer les idées avant de devenir folle dans mon lit. » Bien sûr, tu prenais cette pilule pour t’aider à dormir. La pire chose que tu pouvais bien faire. Comme si la drogue t’aiderait dans la vie. Non. Tu savais qu’il existait d’autre moyen. Tu étais simplement dépassée par les événements pour demander de l’aide. C’était une méthode trop facile qui ruinait tranquillement ta vie. Un vrai cercle vicieux. « Et toi, pourquoi tu t’es bourrée la gueule ce soir ? Tu sais que t’es moches quand t’a vomi ? Je te préfère sobre. T’es vachement plus canon. » Dis-tu en lui faisant un clin d’œil, lui tirant la langue.