TENUE •• Une nouvelle journée commence, je ne me souviens plus ce que c’est de se lever sans penser à rien, car pour pouvoir sortir du lit je dois attraper cette prothèse, l’enclencher à ma jambe pour donner l’illusion que celle-ci est toujours là. Fini les shorts, les plages, les bains publics, depuis l’accident je n’arrive pas à montrer cette partie de moi qui n’est que superficielle au fond. Je souffre souvent, trop souvent. La psychologue dit que c’est parce que je n’ai pas accepté cette séparation, en même temps qui peut l’accepter ? Je continue de vivre, d’avancer, de me dépasser, je me dis que si j’avance ainsi alors un jour j’arriverais à vivre avec ça pleinement et non en faisant seulement semblant. Depuis que j’ai intégré l’école j’espère souvent croiser mon « père » cet homme à qui je dois la vie, mais qui ne me connaît pas, il ne doit même pas savoir qu’il a un fils dans cet établissement, à moi qu’il en ait un autre et que j’ai un frère sans le savoir ? J’ai entendu des échos sans vraiment m’y attarder, disons que pour l’instant j’aborde une approche lente et en douceur sans chercher à me montrer gourmand ou à m’immiscer dans sa vie.

Les cours finis j’ai pris le bus pour qu’il m’emmène jusqu’à Bunkyo, grâce à la rééducation j’arrive à marcher normalement, parfois il peut m’arriver de boiter, mais c’est souvent parce que la prothèse est mal mise ou que je suis simplement « fatigué » dans tous les cas je crois que je m’en sors plutôt bien. Heureusement, le cirque ne m’a pas fermé les portes, au contraire ! Ils m’aident à retrouver mes capacités, mes sensations, je m’entraine tous les jours pour ça et je ne lâcherais pas. C’est parfois difficile de croiser l’acrobate, mon ex à qui j’en veux beaucoup pour m’avoir montré cette facette de lui, depuis il ne m’a pas reparlé comme s’il savait que son comportement était honteux. À peine sous le chapiteau, je lève les yeux pour retrouver mon alliée de toujours, cette corde sur laquelle j’ai pu faire des galipettes à souhait, mes figures étaient toujours grandioses et j’en ai encore sous le pied. Il n’y a personne, surement sous les autres tentes pour s’entrainer à leurs propres disciplines, m’avançant pour poser mes affaires dans un coin, je réalise mon erreur, je ne suis pas tout seul en réalité. « Salut ? » Je ne connais pas ce garçon, pourtant je suis ici tous les jours, un nouveau ? 

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TENUE •• Cela fait plusieurs jours que je suis en ville, et c'est l'enfer pour moi. J'ai toujours vécu dans un cadre calme, en paix avec la nature, avec soi-même. En arrivant à Tokyo, j'ai surtout remarqué que les gens étaient pressé et qu'aucun ne faisait attention à son prochain. Une claque mentale. J'ai eu peur de m'engager dans ce tourbillon, ces corps qui se frôlent, se touchent parfois. Mon coeur a battu si fort que j'ai cru, l'espace d'une seconde, qui allait filer sans moi. Mon père ne m'a jamais décrit la ville, les voitures, les bâtiments, les gens. Ces êtres étranges avec ces trucs étranges entre les doigts, dans les oreilles.... Si la plus part sont né avec un téléphone, moi j'ignore à quoi ça sert, ni comment ça se nomme. J'ai déjà vu des visiteurs avec, mais là où je vis, le réseau ne passe pas. Aucune chance qu'il s'en serve pour appeler ou joindre qui que ce soit. Heureusement, l'ami de mon père a un fils, qui m'a guidé jusqu'au dortoir. à ce moment-là, c'était ma seconde fois dans une voiture, après le long trajet entre le temple et Tokyo. Le campus est énorme et sans ce garçon, je n'aurai jamais trouvé ma chambre. D'ailleurs, je ne suis pas seul dans ce dortoir, nous sommes six mais chacun possède sa pièce. Encore heureux, sinon je serais en panique toute la nuit. Quant aux cours. C'est un autre soucis. Des corps, encore des corps. Difficile d'éviter les gens dans des couloirs aussi petit. Je rase limite les murs pour ne toucher personne, me faufilant en vitesse pour trouver ma salle. Là encore, j'ai eu de quoi faire en une seule journée et je remercierai jamais assez ce gars de m'aider. Il se sent « redevable »  juste parce que je suis le fils de l'ami de son père. Pour moi ça n'a aucune logique.

à mon arrivé, en me promenant en ville, j'ai trouvé cet endroit. Je ne peux mettre un mot dessus, mais un homme m'a expliqué que c'est un « cirque ». Le terme m'est inconnu, mais j'ai compris que des gens faisaient des choses pour impressionner d'autres personnes. Le hic, c'est que je n'apprécie pas forcément qu'ils utilisent les animaux pour faire rêver leur publique. En visitant les tentes, j'ai été abordé par un autre homme, qui m'a demandé ce que je faisais ici et... J'ai répondu bêtement que je cherchais du travail. Mon père m'a prévenu de ne pas parler aux inconnus, mais dans ce cas, je ne devrais adresser la parole à personne. De toute façon, ils avaient besoin de bras pour nettoyer leur chapiteau, je tombais à pique. C'est donc ma première véritable journée à ranger un chapiteau de cirque. à mes yeux, c'est un autre monde, dans un autre univers. Je m'occupais de balayer, sachant faire cela mieux que quiconque pour avoir fait le ménage quasiment 18 ans dans ma vie au sanctuaire, quand une voix m'a immobilisé dans mon mouvement. « Bonjour. » Fis-je, d'une petite voix. Je ne sais pas trop quoi ajouter de plus, du coup je me détourne de son regard et continue d'amasser la poussière en un tas parfait.

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TENUE •• Venir au cirque est toujours un sentiment agréable et en même temps je ne saurais expliquer, cela me fait mal aussi. C’est ici que je me suis blessé et même si je veux m’entrainer pour retrouver mon niveau et mes capacités il faut avouer que j’appréhende, même si je ne le montre pas. J’ai le cœur qui bat en levant les yeux partagés entre l’excitation et la peur, mais au fond je pense que ces deux émotions peuvent aller ensemble quand on y pense… Ils le doivent surtout car je ne peux pas reculer et ma seule chance et de surmonter mes craintes en évitant de ressasser cet accident. Sur place je tombe sur un garçon que je n’ai jamais vu, le saluant simplement avant qu’il ne fasse de même et retourne à ses occupations. Le ménage ? « Tu es nouveau ? » Je pourrais me taire et faire simplement ce que j’ai à faire, mais étant donné qu’il est là je pense que ça peut aussi me « calmer » de discuter simplement tout en me préparant à grimpé l’échelle. « C’est la première fois que je te vois ici. » Je lui souris amicalement, me voulant agréable et non sauvage à faire comme s’il n’existait pas. Prenant une inspiration, je regarde la hauteur que je dois grimper et me concentre surtout sur le contrôle de ma « jambe » car c’est bien là qu’est le souci, mais je dois y aller pas à pas. « Je m’appelle Wataru. » Dis-je en grimpant, les yeux en hauteur, juste histoire de mettre un nom sur mon visage. Ça me détend un peu et j’arrive à atteindre le sommet, me retrouvant là où je dois être, là où est ma place. Face à cette corde tendue. Je ne peux pas encore faire les figures que je pouvais faire il y a deux ans, mais tenir dessus, la traverser, c’est ça ma mission aujourd’hui. 

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TENUE •• C'est la première fois que je mets les pieds dans un cirque. En vérité, je ne sais pas trop ce qu'ils font ici. Il y a des tentes, un grand chapitaux, des chaises ou des sièges autour d'une sorte de place... C'est difficile pour moi de mettre des mots là-dessus, surtout en ayant jamais lu de livre sur le cirque. Quand ce garçon me salue, je réponds mais retourne à mon « boulot ». Je n'ai pas vraiment besoin de travailler, je le fais parce que je l'ai toujours fait au temple. Nettoyer, c'était ma principale occupation. « Oui. » Répondis-je, lui offrant une légère esquisse. Il doit travailler ici, mais je ne peux pas vraiment dire ce qu'il fait au juste. « C'est mon premier jour. » La raison pour laquelle il n'a pas pu me voir plus tôt, parce que je n'étais pas ici à ce moment-là. C'est logique. à le voir regarder l'échelle ou la corde, je m'interroge sur ses intentions. Que compte-t-il faire ? Monter là-haut ? C'est haut justement ... Rien que regarder d'en bas, j'en ai déjà le vertige. Wataru ? Il se présente alors qu'il grimple à l'échelle. « Je suis Suzume. » Mon père m'a quand même appris à être poli et respectueux, avec les visiteurs du temple. Je n'avais pas beaucoup de conversation avec eux, si ce n'est des questions sur l'endroit où je vivais. Ce Wataru est arrivé à la plate-forme en haut de l'échelle, celle qui tient la corde tendue au-dessus du vide. « Que vas-tu faire ? C'est dangereux. » Il doit déjà le savoir, il doit surtout savoir quoi faire, mais pas moi. Moi je ne sais pas ce qu'il compte faire avec cette corde. D'ailleurs, j'ai complètement arrêté de balayer pour m'approcher de la scène, la tête levée vers le jeune homme. Et si il tombait ? Je ne saurais pas quoi faire non plus ! Je n'ai jamais appris les premiers soins, à part m'occuper des animaux blessés dans la nature, je ne sais pas faire avec l'être humain.

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TENUE •• Je rencontre souvent des gens depuis que je travaille au cirque, mais pas seulement. J’en rencontre aussi quand je faisais mes « représentations » dans la nature, en ville dans un parc ou ailleurs, partout où je laisser ma passion s’imposer je rencontrais tout le temps des personnes curieuses, impressionnées et n’hésitais pas à venir me parler après avoir filmé ma démonstration. Je suis habitué à parler naturellement avec eux, j’ai un côté sociable et cela même après cet accident. Certes, je suis un peu plus « renfermé » sur certaines choses car beaucoup de choses ont changé quoi qu’on en dise, mais pas ma personnalité. C’est pourquoi je n’ai aucun mal à me présenter ou à lui parler, bien qu’il puisse ne pas avoir envie de discuter, vu comment il revient rapidement à son « travail » et d’ailleurs je m’attèle au mien en montant à l’échelle. Me présentant par la même occasion, au moins il me donne son prénom. Suzume. Assez rapidement je suis au sommet de l’échelle et à plusieurs mètres du sol, sans filet en dessous pour me rattraper si je tombais, normalement il y en a toujours un, mais je n’ai jamais travaillé avec une marge de sécurité et c’est clairement ce qui m’a couté ma jambe. Le garçon en bas semble s’inquiéter de mes intentions, je souris en faisant un signe d'ok » avec mes doigts. « Ne t’inquiète pas, je ne vais pas tomber. » Quelles assurances ai-je de lui affirmer ça ? Avant j’en étais certain à 100 pourcents, mais désormais, après ma chute je ne suis plus sûr de rien. Inspirant fortement, je ferme les yeux pour me concentré, je sais encore comment « marcher » sur une corde, même avec cette fausse jambe que je traine comme un boulet à ma cheville. Dans un cirque tout le monde fait des choses incroyables, c’est comme se trouver dans un autre monde, une sorte de pays enchantés où nous aimons faire rêver les gens, les faire voyager. Je dois retrouver ma « magie » sinon je deviendrais quelqu’un d’ordinaire et je ne l’accepte pas. Je dois voltiger comme mon surnom, un voltigeur coincé au sol n’a aucune valeur n’est-ce pas ? Pour l’instant je passe cette corde encore et encore chaque jour, c’est mon entrainement quotidien, retrouver mon équilibre. En vérité j’ai dû commencer proche du sol au début et je continue encore à le faire à une distance courte pour reprendre mon agilité, de temps en temps je monte en haut pour réfléchir, penser, visualisé la hauteur et retrouvé mes sens, laisser mon corps retrouver des sensations qu’il connaît. Aujourd’hui j’avance jusqu’au milieu et reviens sur la plateforme, cette prothèse me semble lourde et m'attirer vers le bas, c’est psychologique, mais même en le sachant je n’arrive pas à m’enlever cette sensation. Petit à petit j’avance et reviens à nouveau. Je fais ça plusieurs fois avant de m’asseoir sur le bord et regarder en bas vers le garçon. « Tu vois, je ne suis pas tombé. » Je le rassure, mais je crois qu’au fond je me rassure aussi. « Tu n’as jamais vu de spectacle de cirque ? » Généralement ceux qui veulent travailler ici son « fan » de ce monde et veulent s’en rapprocher.

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TENUE •• Ce pilier est aussi haut que les colonnes du temple, sauf que l'on ne grimpe pas sur les colonnes du temple. C'est sacré, chaque chose là-bas est sacré. Même un caillou dans la cour du sanctuaire est sacré. Ce qui ne semble pas être le cas ici, malgré que je respecte les lieux, jusqu'aux chaises sous le chapiteau. Ce garçon est courageux ou complètement fou. à le voir monter sur cette échelle, mon coeur s'accélère peu à peu, l'imaginant déjà au sol après une chute radicale. C'est dangereux, mais même si je le préviens, il ne m'écoutera pas vraiment. Il paraît confiant en apparence, il doit sûrement l'être pour ces choses-là. Si ce Wataru ne l'était pas, il tomberait très certainement. Je préfère ne pas y penser, et en même temps je ne peux pas détourner mon regard de sa silhouette rétrécissant à mesure qu'il grimple les échellons jusqu'à la plate-forme. Ayant arrêté de balayé, je me suis juste rapproché de la scène et des piliers, l'observant manoeuvrer, mes sens en alerte. Si il tombe ... J'ignore vraiment ce que je pourrais faire. Serais-je capable d'amortir sa chute en essayant de le réceptionner en bas, quitte à me faire mal ? Ou alors, pourrais-je le soigner avant de prévenir quelqu'un ? Comment font-ils les gens d'ici quand il y a une urgence, hein ? Je ne suis pas du tout habitué à ça. Pourtant, le garçon se mouve naturellement sur cette corde, il fait des vas-et-viens, à peine plus dérangé que si il marchait par terre. Je le regarde faire, entre admiration et angoisse. Que peut-il bien penser dans ces moments-là ? Au vide ? à la sensation d'être en hauteur ? à son équilibre ? C'est le premier que je vois ... Du coup, je n'ai pas en tête qu'il puisse porter un handicap. Sa jambe qu'il traîne comme un boulet, un fardeau, je ne le vois pas. Parce que je ne sais pas, parce que je ne connais pas. Quand il redescend, c'est pour me dire qu'il n'est pas tombé ... Merci, j'ai vu. Je fais la moue, sceptique. « Tu aurais pu. » Sans vouloir douter de lui, mais ce n'est pas une pratique sûre. « Non. » Je secoue doucement ma tête en répondant. C'est la première fois que je vois quelqu'un suspendu au-dessus du vide sur une corde. « Pourquoi fais-tu ça ? C'est vraiment dangereux ... » Le sol est dur, la corde trop fine et il n'a rien pour le retenir. Je ne connais ni les filets de protection, ni le matériel adéquat pour empêcher une chute d'être mortelle. Je sais juste que ça peut lui coûter la vie si il tombe de cette hauteur. « Personne ne te surveille ? » Au cas où il venait à dégringoler, justement.

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TENUE •• Je peux imaginer que pour les gens qui ne sont pas habitués à voir des personnes faire des acrobaties ça doit être impressionnant, mais je ne m’arrête pas à ça, s’il n’en a jamais vu alors je lui montrerais dès maintenant, bien que ce ne soit rien d’extraordinaire pour le coup. Marcher juste sur une corde, pour moi c’était la base quand j’étais jeune, désormais je réapprends du début parce que malheureusement je n’ai pas le choix. Le rassurant en disant que je ne vais pas tomber, si jamais je faisais une chute j’aurais l’air malin, mais je ne pense pas ainsi. Si j’ai des doutes, je suis aussi confiant, c’est contradictoire oui, mais je n’ai pas le choix. Si je laisse la peur de tomber me contrôler je serais incapable de remonter en selle comme on dit. Une fois que je termine de marcher sur la corde plusieurs fois, je m’arrête pour parler avec ce nouveau venu. J’aurais pu hein ? Je garde mon sourire. « Mais je ne suis pas tombé. » Affirmais-je à nouveau. En tout cas c’est rare de voir quelqu’un qui s’inquiète ou qui n’a jamais entendu parler de ces choses comme les funambules. Je descends pour revenir à son niveau, j’y vais pas à pas, donc je m’entraine par étapes. « Parce que c’est mon métier ? » Ou devrais-je le dire autrement ? « Ma passion. » Surtout ça en fait. Parce que même si je ne travaillais pas ici je continuerais de le faire ailleurs, c’est ainsi et je crois que seule la mort pourrait m’empêcher de « voler ». « J’aime la hauteur et ici tout ce que les gens font est dangereux, mais tu le découvrira surement au fur et à mesure. » Il y a ceux qui crachent du feu, ceux qui font des spectacles avec les lions, ceux qui font du trapèze et j’en passe. « Tu es là toi. » Pour le fait que personne ne me surveille, mais en vérité certaines personnes sont présentes quand je m’aventure sur des « défis » plus fou. « Tu as eu peur ? » Je plaisante, mais il a quand même arrêté de bosser pour me regarder.

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TENUE •• Il aurait pu, mais il n'est pas tombé. Je pourrais me répéter moi aussi et faire le gars borné, mais je n'ai aucun intérêt à renchérir bêtement après lui, du coup je me contente de garder le silence. Malgré tout, je tergiverse toujours en m'interrogeant moi-même sur le comment j'aurai pu réagir si il était vraiment tombé. Le thème du cirque m'échappe déjà, je ne saisis pas bien à quoi cela peut-il servir. S'amuser ? Faire découvrir des choses aux gens ? Vivre un truc passionnant ? Je ne suis pas à la place de ce garçon qui grimpe en haut d'un pilier pour parcourir une corde dans le vide. Impossible de savoir dans ce cas là. Son métier ? Drôle de gagne pain ! J'en ai lu des noms de métier et des descriptions, mais aucune ne correspondait à ce qu'il fait. Quel est le terme exact ? Marcheur de corde ? Je devrais lui demander pour être sûr de ne pas passer pour un idiot, même si ça doit déjà être le cas. Sa passion ? Donc, il vit de sa passion. « mais comment ça s'appelle ? » ce qu'il fait. Ai-je une passion ? Je n'ai pas jamais eu l'occasion de me poser cette question dans mon quotidien. Mes tâches ménagères et journalières n'avaient rien d'une passion. Au contraire, je m'en serais bien passé. Par contre, me promener dans la nature et être proche d'elle, ça, ça me plait. Il aime la hauteur, mais il n'est pas le seul à faire ce genre de truc là. « que font les autres ? Eux aussi marche au dessus du vide ? » à moins qu'il soit le seul dans son cas. Moi ? Je me pointe du doigt, surpris. « mais je ne saurais pas quoi faire si tu tombes. Tu ne peux pas compter sur un inconnu. » fis-je sérieusement. Oui, je dois être le seul type au monde à dire de ne pas avoir confiance en lui. A sa place en tout cas, je n'attendais rien de spectaculaire de ma part. Si j'ai eu peur ? Je hoche ma tête, trop honnête pour le cacher. « bien sûr. » de manière personnelle, j'ai peur du vide. Donc oui, j'ai eu peur aussi pour lui. « Je l'ai déjà dit. Tu aurais pu tomber et je n'aurai su que faire pour toi. » courir ? Hurler ? Mais vers où ? Vers qui ? Il serait mort avant que je tombe sur une personne capable de l'aider. « c'est haut et tu n'as rien pour te retenir. » fis-je valoir comme un bon argument. Je suppose que mon avis ne compte pas face à sa passion, mais je ne m'attend pas vraiment à ce qu'il m'écoute.

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TENUE •• Je ne répète pas mes mots pour jouer au jeu du « je suis borné j’aurais le dernier mot » c’est simplement pour qu’il réalise que malgré son appréhension et ses craintes, je ne suis pas tombé et même si j’aurais pu, le fait est que ce n’est pas arrivé, donc il n’y a pas besoin de s’inquiéter n’est-ce pas ? Comment ça s'appelle ? Je regarde la corde. « Marcher dessus c’est le funambulisme. Mais ma discipline personnelle c’est autre chose. » Même si là je suis réduit à juste traversé un fil dans les airs. Normalement ma « corde » est détendue pour que je puisse sauter et faire mes acrobaties, je dois me réadapter. Je pense que lorsque je reprendrais ces entrainements-là, je serais obligé de me protéger par un filet, car ce sera forcément casse-gueule au début avec cette jambe. Je souris, ce garçon ne semble vraiment pas connaitre le monde du cirque, mais ce n’est pas pour cela que je vais le prendre pour un idiot, je trouve cool qu’il s’y intéresse au moins en posant des questions. « Il y en a qui crache du feu, tu trouveras des dresseurs d’animaux ou encore des acrobates et des trapézistes. » Je souris en pointant la corde. « Ça, c’est moi. » L’air de dire que je suis celui qui l’utilise et personne d’autre, même si durant mon absence d'autres funambule assure le spectacle à ma place. « Si je tombe, je tombe. » Dis-je en haussant les épaules. « C’est le risque du métier. » Je dois paraître inconscient, mais après ma chute je pense que je suis chanceux d’être encore en vie dans mon « malheur ». Il est franc et ne cherche pas à dissimuler son ressenti ce n'est pas mal, je peux comprendre que cela l’a surpris, mais je ne voulais pas lui faire peur. « Désolé de t’avoir effrayé, mais tu n’as pas à t’inquiéter, je fais ça depuis longtemps. » Je tente de le rassurer pour qu’il puisse croire un peu plus en mes capacités. « En tout cas c’est rare que je croise quelqu’un qui ne connais rien au cirque ici, qu’est-ce qui t’a emmené par là ? »

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TENUE •• Funam-quoi ? C'est une pratique ? Comme l'art de méditer ? Je le regarde comme si il venait de m'annoncer que dieu l'avait parlé en personne. Donc lui, il ne fait pas de funambulisme, mais autre chose. Je bouge ma tête de haute en bas, alors que je n'ai pas tout compris. Voire, rien compris du tout. Pourtant, il me semblait qu'il ne faisait que marcher sur ce fil, aurais-je mal vu ? Peut-être... Faut dire que l'observer m'a donné le vertige, j'ai dû louper un truc important. Il y a beaucoup de chose que j'ignore dans la vie et surtout dans le monde, le cirque en fait partie. Je ne sais pas à quoi ça sert, ni ce que font les gens. Du coup, je l'interroge à lui, puisqu'il est là et qu'il est amical. Crache du feu ? Wouah ! Mais ils peuvent se brûler ! J'ai déjà touché la flemme d'une bougie en étant gamin, et je me suis cramé les doigts. Alors craché du feu, ça doit être quelque chose de douloureux ... Dresseurs d'animaux ? Le terme ne me plait pas beaucoup, je préfère « apprivoiseur » qui donne l'air moins brutal, mais j'adore les animaux. Ce que je ne peux m'empêcher de dire. « J'adore les animaux. » Pour le reste, je ne connais pas. Acrobates, trapézistes, c'est du chinois pour moi. Et pourtant c'est sa discipline. Faudrait vraiment que je le vois pour le crois, ou le comprendre dans mon cas. Tomber pour tomber ? Risque du métier ? C'est extrême quand même. « Vous êtes tous comme ça ? » Demandais-je, loin d'être rassuré. Les questions s'enchaînent, je dois paraître lourd, même si je suis franc avec ce que j'éprouve par rapport à cette situation. « Mais tu as quel âge ? » à l'entendre, on dirait qu'il est plus vieux que son apparence, ou alors il a commencé très tôt. « Je ne sais pas trop ... » Avouais-je, déconcerté par sa question. Qu'est-ce qui m'amène ici à Tokyo ou ici dans ce cirque ? L'un comme l'autre, j'en sais rien. Mon père m'a envoyé ici en parlant d'avenir, d'école, etc... Mais je ne suis pas sûr de vouloir me faire à cette vie en société, avec des gens pressés et aveugles. Ma forêt me manque, mon temple me manque... Mon silence et ma solitude, aussi.

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TENUE •• Je ne suis pas quelqu’un qui va juger au premier regard, ce garçon semble certes un peu perdu et pas très renseigné sur les disciplines du cirque, mais après tout rien n’oblige les gens à l’être. J’ai d'autres choses plus importantes en tête que de me vexer parce qu’on ignore qu’est-ce que je fais, surtout que ce Suzume pose des questions, donc il montre au final assez d’intérêt pour vouloir comprendre ou apprendre et c’est une bonne chose, surtout s’il bosse ici, il va en voir défiler des spectacles et des gens, il verra beaucoup d’entrainement et de choses dangereuses. Les animaux ? « Ce sont surtout des spectacles de chevaux acrobatiques par exemple, ce cirque n’est pas de ceux qui maltraitent les animaux sauvages tels que les éléphants ou les tigres entre autres. » Je préfère le préciser car je n’apprécie pas la violence gratuite et je n’aurais pas accepté d’en être témoin au quotidien si on faisait partie de ses barbares qui sacrifient des espèces pour le divertissement alors que nous seuls sommes bien suffisants pour impressionner le public, d’après mon avis. « Quand on fait ce qu’on aime faut savoir prendre des risques donc je te dirais que oui. » Mes camarades sont tout aussi fous et prise de risque. « J’ai 18 ans, pourquoi ? » C’est vrai que je suis jeune, mais j’ai commencé très tôt et je ne pense pas que cela soit une mauvaise chose, même si à ce jour, j’ai quand même perdu une jambe dans mon parcours… à mon âge c’est horrible, mais je vis avec et même si je ne l’accepte pas au quotidien je n’ai pas le choix. « Tu ne sais pas ? » Je ris sans trop savoir pourquoi, comme s’il m’avait fait une blague. « Tu es unique en ton genre toi. »

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TENUE •• C'est un nouveau monde qui s'offre un moi, un monde que je ne connais pas pour avoir vécu toute ma vie isolé, dans la montagne. Mon père ne me racontait pas les histoires du monde entier, je l'apprenais dans les livres, mais je n'avais pas assez d'ouvrage chez moi pour savoir ce qu'est un cirque. Sur place, je peux constater par moi-même. Des tentes, beaucoup de tentes. Et des gens, doués dans un domaine. Ce garçon peut marcher sur une corde, mais d'après lui, ce n'est pas seulement ce qu'il sait faire. Son rôle à lui, c'est d'être trapéziste. Comment lui dire que j'ignore totalement le sens de ce mot inconnu. Je le verrais par moi-même, si je reste suffisamment longtemps ici. Si ma mère me trouve dans un cirque, elle va sûrement me récupérer de force dans l'espoir de m'enfermer chez elle, dans sa belle prison dorée. Je n'aime pas les espaces clos, ni que l'on me retienne quelque part. J'aime me sentir libre, comme un moineau. Des chevaux ?! Vraiment ? Mes yeux s'illuminent brusquement à l'idée de voir des chevaux. Je n'ai pas vu de tels animaux dans les parages, j'ai dû les manquer. « Donc, vous n'avez pas d'éléphants ou de tigres ? » Ou j'ai mal compris, ce qui est fort possible. Peut-être qu'ils en ont et qu'ils sont merveilleusement bien traité. Si c'est le cas, j'aimerai les voir ! Enfin, pas dans une cage. Quand on aime, on ne compte pas. J'ai déjà lu ça quelque part, dans un bouquin de citation. Aimer, ça veut dire prendre aussi des risques, en plus de ne pas regarder les dépenses ? C'est bizarre, d'aimer. « Tu es jeune. » Pour quelqu'un qui fait cela depuis longtemps, il a dû commencer très tôt. Je l'admire, moi je ne sais pas faire ça. J'ai son âge, et je ne sais qu'écouter la nature et discuter avec des animaux. Si ce n'est pas pour passer pour un fou. à sa question, je secoue ma tête pour confirmer, mais n'apporte pas plus de détail. Non, je ne sais pas, donc je ne peux pas clairement répondre. « C'est un compliment ? » Je connais le sens de ce mot, un compliment sert à flatter quelqu'un, sur une chose qu'il sait faire. Pourtant je n'ai rien fait pour recevoir un compliment ... « On dirait plutôt que tu me trouves « bizarre ». Le terme exact serait « spécial ». » Ce qui revient au même, selon la façon de le dire.

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TENUE •• J’aime parler de ma passion, même si c’est un peu douloureux à cause de cet accident, ce n’est pas la chute en elle-même qui me fait peur, c’est la blessure. Avoir perdu une jambe m’handicape et je dois vivre avec toute ma vie, alors forcément c’est dur, elle me fait mal, mon psychologue dit que c’est un trouble, une saute de traumatisme et que tant que je n’aurais pas accepté sa présence je ne pourrais pas complètement être guéri, mais ce n'est pas encore le moment pour ça je suppose. J’aime le cirque, je ne peux pas juste arrêter car j’en ai besoin et je continuerais de venir m’entrainer tous les jours dans la mesure du possible. Les éléphants, les tigres ? Je souris et secoue la tête. « Non, nous sommes un cirque local avec des règles, donc garder en cage des animaux de l’état sauvage c’est un crime non ? » Mais les chevaux sont là, eux vivent parfaitement avec les humains. Je hoche la tête quand il me dit que je suis jeune avant de demander. « Tu pensais que j’avais quel âge ? » ça semble presque le surprendre, je ne savais pas que je faisais plus vieux, mais en tout cas la jeunesse n’a rien à voir dans tout ça. Il y a des sportifs ou des chanteurs qui débutent avant d’avoir dix ans non ? J’ai suivi le même chemin, mais dans ma spécialité. En tout cas je ne peux pas passer à côté de cette remarque, je le trouve unique c’est sûr, bien qu’on le soit tous, il a quelque chose de différent comme une sorte de spécimen rare qui débarque d’on ne sait où et qui découvre les choses, le monde. « C’est un compliment et je pense que tu me trouves tout aussi bizarre non ? Après tout je risque ma peau pour une passion, peu de personnes peuvent comprendre cela. » Je souris en le regardant. « J’espère vraiment que tu te plairas par ici, n’hésite pas si tu as besoin de quelque chose. »

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TENUE •• Un cirque local, je comprends mieux. Ou pas. M'enfin, ils n'ont pas le droit de garder des animaux en captivité, ça je l'ai saisi. Donc, pas d'éléphant, ni de tigre. Du moins, pas des animaux sauvages comme il vient de le dire. Je me contente d'acquiescer, pas vraiment déçu. C'est mieux ainsi, qu'ils restant dans la nature, dans leur milieu. Ici, ils seraient très triste. Quel âge je pourrais lui donner ? Aucune idée, alors je réponds un peu au hasard. « 25 ans par là. » Je suppose. En tout cas, il fait plus que son âge dans sa façon d'être déterminé ou de parler. Son aura me semble plus mature que la mienne, ou c'est juste parce que nous sommes totalement différent. wataru me trouve unique dans mon genre, même si je me vois plus étrange qu'unique. Je ne sais pas pourquoi, peut-être le fait que je ne sois pas d'ici et que je sois largué par la même occasion ? Une chose est sûre, je ne suis pas simplement banal à ses yeux, lui non plus. « C'est vrai, tu es bizarre. » Approuvais-je, d'un sourire enfantin. C'est amusant de l'entendre dire lui-même, mais j'ai fait pareil deux secondes plus tôt en me catégorisant de spécial. Je sais que cette ville est loin dans le temps et que je suis en retard, autant ne pas me voiler la face. Ma mère me l'a fait comprendre avant de partir et elle continue de me regarder comme un louveteau sortant de sa tanière pour la première fois. « Merci, c'est gentil. » J'espère aussi le revoir à l'avenir, mais je n'en doute pas en restant ici. Tant que je travaille dans ce cirque, j'ai plus d'une chance de le recroiser... Et ça me fait plaisir.

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