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feat. hyeni & ichiro

TENUE ••• Debout devant le miroir de son large bureau au 13ème étage du gold hotel, Ichiro resserrait avec application sa cravate. Puis il passa un doigt délicat sur son menton, soulignant autant son rasage parfait que sa mâchoire bien dessinée. Ce qu’il s’apprêtait à faire était une véritable faveur pour ses parents et la jeune femme qui l’attendait. Oui. Lui, Yamazaki Ichiro, faisait l’honneur d’accepter un rendez-vous arrangé alors même que cela tombait en pleine semaine de travail. Bon, en réalité, il était bien content de s’échapper quelques heures de ce trou à rat qu’il détestait tant. Mais tout de même, cela restait un jour à marquer d’une pierre blanche car le trentenaire n’avait accepté l’invitation que pour faire plaisir à sa mère. Il n’avait aucune envie de se marier, et encore moins avec une demoiselle de la haute choisie par ses parents.

Et puis, il pensait à Mei Li aussi. Sa pauvre petite princesse de 5 ans venait de perdre sa mère depuis moins d’un an et n’en était toujours pas remise – normal soit dit en passant. Alors il se voyait mal débarquer un matin, lui présenter une parfaite inconnue et lui annoncer qu’il se mariait avec. Ce serait comme si il lui obligeait d’avoir une nouvelle maman. C’était hors de question.

Soupirant doucement, Ichiro lissa une dernière fois sa veste avant de quitter son bureau et se diriger vers l’ascenseur qui le ferait descendre jusqu’au parking. Dans la cabine, il jeta un coup d’œil au SMS de sa mère pour enregistrer l’adresse du restaurant. Avec un peu de chance, il lui suffirait de partager un seul repas avec la demoiselle qui lui annoncerait être totalement contre l’idée d’un mariage « arrangé » et sa tranquillité reviendrait. De toute manière il lui restait moins d’un an avant de retourner à son métier de chirurgien. Avec son futur emploi du temps chargé, aucune femme n’accepterait de l’épouser.

Du moins, il l’espérait.

Le trajet jusqu’au restaurant se déroula sans encombre et l’homme d’affaires se gara avec habilité à l’heure exacte du rendez-vous. Cependant, il attendit sagement dans sa voiture, préférant jeter un œil à quelques dossiers qui traînaient sur le siège arrière. Non pas qu’il accordait une importance maximale à son travail mais les meilleurs savent se faire attendre. En bon respect de son mantra, il se devait d’arriver 5 minutes en retard. C’était un concept de base de savoir se faire attendre. Une fois le temps imparti écoulé, il quitta le parking souterrain et se dirigea avec assurance vers le restaurant 4 étoiles que ses parents leur avaient réservés. Ils auraient pu monter d’un cran honnêtement. Il avait le palais délicat, si les mets n’étaient pas à son goût, il ne mangerait pas.

S’annonçant au réceptionniste, celui-ci vérifia son nom puis le guida jusqu’à une table légèrement isolée où une jeune femme l’attendait déjà. Ce fut en voyant son élégant profil qu’Ichiro comprit qu’elle était largement plus jeune que lui. Mais à quoi pensaient ses parents ? Il balaya rapidement la question de son esprit et afficha un charmant sourire tout en prenant place en face d’elle. « Enchanté mademoiselle. Pardonnez mon léger retard, je suis Yamazaki Ichiro, le fils des Yamazaki, ceux qui nous ont arrangé un tel repas. À qui ai-je l’honneur ? »

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TENUE ••• Un rendez-vous arrangé. Encore. Sans mon consentement. Une routine qui commençait à se faire vieille depuis le départ inopportun & inattendu d`Emon. J`étais fatiguée de ces arrangements qui ne collaient finalement pas, pour mon plus grand bonheur. Trouver de riches familles coréennes à Tokyo n`était pas si aidé & il semblerait que peu de Japonais influents souhaitent d`une belle-fille coréenne, aussi renommés fussent-ce ses parents. Ce qui n`était pas pour me déplaire. Rester célibataire aussi longtemps que possible était presque devenu un but dans ma vie. C`en était affligeant. Pour l`heure, je tentais surtout de maintenir un comportement des plus normaux suite à mon opération. Si le soulagement était plus qu`important, comme tout intervention chirurgicale, il y avait des conséquences. Les plus notables étant la sensation de gonflement & les maux de tête & nausées qui me prenaient sans prévenir par moments. Globalement, je m`en sortais bien. Personne n`avait rien remarqué jusqu`à présent & personne ne s`étonnait que je puisse être légèrement plus fatiguée qu`à l`ordinaire vu l`ensemble de mes occupations & responsabilités. Prétexter plusieurs dossiers à traiter au sein du conseil suffisait à dissiper la moindre méfiance. Seulement, cela ne suffisait cependant pas à esquiver ces fameux repas superficiels & fastidieux. Au moins, j`avais pu choisir ma tenue cette fois & ne pas être vêtue comme pour aller à un bal, me prendre les pieds dans une robe époustouflante ne me ravissait en rien. Alors j`avais fait sobre. & simple. Ce n`était pas comme si je cherchais à plaire de toute manière & si ce charmant fils à papa voulait satisfaire sa famille, peu lui importait comment j`étais habillée. J`avais fait l`effort d`onduler mes cheveux & d`avoir un maquillage soigné, c`était amplement suffisant. Surtout que j`étais arrivée la première. & en plus la ponctualité n`était pas son fort. Je le méprisais déjà, parce que me faire attendre – en plus de me faire perdre mon temps – n`était pas excusable. Au moins, je pouvais commander ce que je voulais pour patienter sans un élan de surprotection débile du potentiel futur fiancé, ce genre de comportement m`agaçait & je me débrouillais toujours pour être exécrable par la suite. Une coupe de champagne ferait l`affaire. Croisant les jambes, ma coupe en mains, je restai les yeux rivés sur mon cellulaire, hésitant à appeler mon meilleur ami à l`aide pour me sortir de ce traquenard. Mais me ravisai. Je ne pouvais pas le harceler en permanence, il avait ses propres affaires à gérer, je pouvais m`en sortir comme une grande. Surtout avec mon nouvel argument, qui voudrait d`une femme ne pouvant avoir d`enfant ? Je n`eus pas besoin de faire preuve d`une grande patience, un homme arriva bien vite à ma table. Oh God. Il paraissait un peu plus âgé que moi, rien à voir avec les gamins que je me coltinais jusque-là. À quoi pensaient mes parents ? Pensaient-ils que ça prendrait un adulte avéré pour me dompter ? Argh. « Pas de problème. Ça raccourcit le rendez-vous, fis-je remarquer avec un haussement d`épaules, en buvant une gorgée de ma coupe, enchantée. Je suis Son Hye Ni. Vos parents ont bon goût, j`ai eu le temps de regarder la carte, au moins, nous allons bien manger. ». C`était toujours cela de pris. Je n`étais pas ravie de me trouver ici & j`étais fatiguée de prétendre le contraire. S`il n`était pas content de moi, qu`il aille pleurnicher auprès de ses parents, je me ferais gronder par les miens - & ma cruche de belle-mère – voilà tout. J`ignorais tout de cet homme mais je n`étais pas sûre de vouloir apprendre à le connaître, aussi me renfonçai-je sur la banquette, buvant à nouveau ma coupe. À ce rythme, il m`en faudrait plusieurs.

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TENUE ••• Réajustant ses couverts autour de son assiette, Ichiro n’adressa pas le moindre regard à sa comparse et leva une main désinvolte pour héler un serveur. « pas de problème. ça raccourcit le rendez-vous. » La demoiselle se la jouait donc détachée ? Peu importe, en un sens, elle avait raison. Même s’il ne s’agissait que de 5 petites minutes, cela restait 5 minutes de moins passées en sa compagnie. Avec une légère moue l’homme d’affaires laissa un employé remplir sa coupe de champagne et reporta son regard sur la jeune femme en face de lui. Comme attendue, elle avait ce joli visage et cette élégante stature de la haute mais rien ne semblait apparemment la différencier de ses semblables. « enchantée. je suis son hye ni. vos parents ont bon goût, j`ai eu le temps de regarder la carte, au moins, nous allons bien manger.  » Son Hye Ni. Coréenne donc. Ses parents semblaient avoir épuiser leur stock de japonaises à marier. Tant mieux pour lui, la liste se raccourcissait petit à petit. Un geste élégant, il attrapa son verre et trempa ses lèvres dedans avant d’afficher un petit sourire moqueur. « Moui. Enfin c’est tout ce que l’on peut attendre d’un restaurant comme celui-ci. Maintenant, il reste à voir si le goût est aussi attrayant que sur le papier. »

Reposant sa coupe sur la table, Ichiro vint croiser ses doigts devant lui et s’enfonça quelque peu dans son fauteuil pour avoir une certaine vue d’ensemble. Oui, comme il le voyait maintenant, cette jeune fille n’était encore que l’une de ces copies conformes que sa mère s’entêtait à choisir l’une après l’autre. Alors, d’un ton plutôt sarcastique, il lui fit part de son point de vue. « Laissez-moi deviner… Vous êtes une jeune fille à son papa et sa maman à peine rentrée dans la vingtaine, qui doit se marier avec un homme de son rang contre son gré alors qu’elle rêve d’épouser Hiroto le paysan du coin ? » Et dire qu’on espérait la voir s’unir avec une personne aussi incroyable que lui. C’était peine perdue, il était une perle bien trop rare sur le marché pour être mis au même niveau que les bracelets en toc.

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TENUE ••• Ces rendez-vous arrangés me lassaient à un point monstre. Je ne supportais plus d’être utilisée & exposée de la sorte, ma tolérance s’éteignait un peu plus à chaque fois. Seulement, chaque fois je me résignais, de peur de finir sans rien, à la rue, sans fonds pour subvenir à mes besoins. & pire encore, de devoir restreindre mes besoins, chose à laquelle je n’avais jamais été habituée. Tous ces produits de beauté, ces vêtements de luxe, ces mets de qualité, pourrais-je réellement m’en passer sans état d’âme ? Là était le nœud de la question. Je ne pensais que le maigre salaire des journalistes débutants suffirait à me contenter, pas entièrement en tout cas, ce serait éprouvant, aussi superficiel cela paraissait-il. Il était difficile de ne pas être matérialiste dans ce monde. & pourtant, avec ma récente décision, j’avais déjà un pied dans la tombe, je ne pouvais plus revenir en arrière. Quand cela me disqualifierait de toute union possible, ce ne serait pas long avant que mes parents me renient également, vu que je ne leur serais plus d’aucune utilité. En attendant, je ne pouvais que continuer cette mascarade le temps d’élaborer un plan de sortie. & ce même si mes géniteurs mettaient la barre plus haut en choisissant un prétendant plus âgé. Ce n’était pas aberrant mais ça paraissait que cet homme n’avait rien à voir avec les étudiants divers & variés qu’on me présentait. Étaient-ils si désespérés ? Ce devait être mutuel si lui en était à voir une Coréenne, & n’était pas un expatrié comme les autres. Hm, curieux arrangement. & en plus il était aussi blasé que moi, ça promettait d’être passionnant dis donc. « Ce serait embarrassant si ce n’était pas le cas. Ce repas serait réellement une perte de temps. ». Non je n’allais pas y mettre du mien, pas du tout. J’étais lasse & puisque nous étions deux, autant ne pas s’embêter à sauver la façade. Surtout pas en se restreignant sur le champagne, pour lequel je demandai une nouvelle coupe. Il fallait bien lutter contre ce temps qui serait très long. Buvant une gorgée de ma nouvelle arme, je me stoppai pour esquisser un sourire narquois suite à son intervention. C’était si cliché que j’aurais ri dans un autre contexte mais la barrière entre nous était déjà trop importante. « Je ne rêve d’épouser personne, répondis-je sèchement, le mariage n’est pas quelque chose auquel j’aspire personnellement. & je ne passe pas non plus mes journées dans les boutiques & les salons de beauté. J’étudie. & je compte aller jusqu’au bout. ». C’était déjà plutôt rare pour la plupart de mes comparses. J’arrivais à l’âge où beaucoup abandonnaient pour se consacrer uniquement à la recherche d’un prétendant, l’âge d’or comme on disait en Corée du Sud. Le tout était d’être belle & respectueuse, pour le reste, peu importait. & je comptais ne pas me satisfaire de cela. « & vous, je parie que vous avez dû avoir une histoire tragique. Une petite servante… Oh non. Mieux. Une fille du même rang, parfaite, la prétendante idéale. Mais elle était déjà promise à un autre. Mais comme la vie n’est pas un conte de fée, vous vous êtes retrouvés sur le carreau au bout du compte. ». Jouer aux devinettes promettait d’être un poil divertissant finalement.

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TENUE ••• Tranquillement adossé à son fauteuil, Ichiro guettait la moindre réaction à sa précédente intervention et, ce faisant, il remarqua l’intérêt tout particulier que la demoiselle portait au champagne. Espérait-elle sincèrement pouvoir noyer l’ennui de ce rendez-vous dans la boisson ? C’était idiot, elle finirait saoule avant même la fin du repas et il refusait de l’aider ne serait-ce qu’une seconde. Il avait bien d’autres choses à faire que de s’occuper d’une adolescente à la descente facile.

« je ne rêve d’épouser personne. » Apparemment cette Son Hye Ni semblait avoir un certain caractère. Ceci expliquait cela. Le chirurgien comprenait enfin la raison pour laquelle elle participait à des rendez-vous arrangés malgré son physique avantageux. Difficile de trouver un époux convenable lorsqu’on est pas capable d’apparaître raffinée en public. « le mariage n’est pas quelque chose auquel j’aspire personnellement. & je ne passe pas non plus mes journées dans les boutiques & les salons de beauté. j’étudie. & je compte aller jusqu’au bout. » Mademoiselle désirait donc être indépendante. Quelle sotte. La voir clamer haut et fort ses aspirations lui donnait des envies de fou-rire. À quoi pourront bien servir ses études quand on lui demandera de rester à la maison et de remplir son rôle de femme au foyer ? Elle n’aspirait pas au mariage ? Ignorait-elle les difficultés auxquelles les femmes célibataires japonaises se confrontaient ? Ce n’était que les revendications innocentes d’une jeune écervelée.

«& vous, je parie que vous avez dû avoir une histoire tragique. une petite servante… oh non. mieux. une fille du même rang, parfaite, la prétendante idéale. mais elle était déjà promise à un autre. mais comme la vie n’est pas un conte de fée, vous vous êtes retrouvés sur le carreau au bout du compte. » Ainsi donc elle aussi désirait jouer aux devinettes. Avec un sourire narquois aux lèvres, le trentenaire passa ses doigts sur son menton rasé de près et lâcha un bref ricanement. Pour qui le prenait-elle au juste ? Pour un idiot désintéressé de l’amour après avoir trop souffert et qui enchaînait les rendez-vous arrangés pour faire passer le temps  ? L’idée était vraiment cocasse. « Vous avez l’imagination fertile dites-moi. Dommage pour vous, c’est une erreur sur toute la ligne. Je n’ai aucun intérêt dans le mariage et la plupart du temps les femmes ne sont là que pour me satisfaire. »

Toujours en souriant, Ichiro accueillit le serveur qui vint réclamer leur commande et désigna d’un simple geste du doigt ce qu’il désirait. Les conversations inutiles avec des gens sans importance ne l’intéressait point. Lorsque ce fut terminé, il rapporta son attention sur la coréenne et haussa doucement les épaules. « Mais je pense que nous sommes fixés sur la rencontre d’aujourd’hui. Je n’ai aucun intérêt pour vous et un quelconque mariage, je payerai donc l’addition pour marquer notre premier et dernier rendez-vous. J’ose espérer que nous n’ayons plus l’obligation de nous revoir un jour. » Après tout, il n’avait rien contre elle mais l’idée de devoir la recroiser dans une soirée mondaine ou quelque chose du genre lui hérissait le poil.

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