OUTFIT ❆❆❆ Depuis que j'ai arrêté l'école, mes journées se ressemblent étrangement. Le matin, je me lève et me prépare pour me rendre chez ce riche italien. Quand j'ai terminé mon travail, je vais directement à la confiserie de mes parents pour m'assurer qu'ils n'ont pas besoin de mon aide. Si c'est le cas, je reste presque jusqu'à la fermeture du soir, sinon je rentre à la maison où je retrouve parfois ma soeur entrain d'étudier. C'est ma cadette, elle vient d'entrer à l'université et comparé à moi, elle est décidée à ne pas lâcher les études. Si je bosse, c'est uniquement pour aider mes parents à payer ce prêt qui les a endetté. Quant à ma soeur, elle fait ce qu'elle veut, tant qu'elle est heureuse. Mon petit-déjeuné se résume à un bol de céréale et un verre de jus d'orange, avant de filer chez ce Ruangwiwat. Normalement, la journée il est occupé avec son propre travail, son restaurant , si j'ai bien compris. Du coup, je le croise à peine. Tant mieux. Je n'ai aucune envie qu'il reste dans mes pattes quand je m'occupe de son logement. Manquerait plus qu'il m'observe, examine mes tâches et m'emmerde avec des petits détails. C'est bien le truc des riches ça, de faire chier leur monde. Emmitouflé dans ma doudoune, je quitte la maison et prend le bus jusqu'au coin perdu où vit l'Italien. J'ai le double des clés, ainsi que le code pour l'alarme, donc je n'ai besoin de personne pour m'en sortir. Il me suffit d'être là, de faire mon travail et de partir quand c'est fini. Tout naturellement. Quant à mes tâches, c'est surtout du ménage ou du rangement, ce qui n'est pas toujours ennuyant avec un gars qui prend déjà soin de l'endroit où il vit. Des fois ça m'arrive de chercher la saleté ou le désordre, me retenant presque de tout salir et déranger, juste pour avoir un peu plus de boulot et meubler mes journées. Ce jour-là, le verrou de la porte me coupe dans ma dernière tâche, annonçant le retour du propriétaire. On dirait qu'il rentre plus tôt aujourd'hui, c'est assez étrange de sa part. Quand je le vois dans la pièce, je le salue aussi poliment que possible, et me contente de finir ce que j'étais entrain de faire avant d'aller récupérer mes affaires dans l'entrée... Sauf qu'il neige dehors. Ce ne sont pas quelques flocons éparses, mais carrément un déluge ! Si je mets un pied dehors, je suis sûr de me transformer en bonhomme de neige ou  de disparaître dans la tempête. « merde. » Grognais-je, les yeux toujours rivés sur la fenêtre, à l'extérieur. Avec ma chance, y a aucun bus ou taxi qui circule avec cette tempête de neige et je doute que monsieur Ruangwiwat m'accorde une balade jusqu'à Tokyo, pile devant chez moi.

OUTFIT ❆❆❆ En temps normal, je n'ai rien contre la neige. Quand je suis chez moi, je peux perdre mon temps en m'amusant, seul, avec ma soeur ou d'autres potes, mais là je suis bloqué chez mon employeur. C'est triste, être ainsi retenu contre son gré alors que je pourrais être chez moi, bien calé dans ma chambre, devant un bon film d'action... Mais non, la neige a décidé de tomber en rafale et de couper la circulation jusqu'à la ville. Si dieu m'écoutait jurer, sûrement qu'il m'enverrait en enfer. En attendant, je ne peux rien faire de plus que désespéré en voyant que l'Italien est de retour mais que mon chemin est complètement impraticcable. Si la personne chez qui je travaillais n'était pas aussi coincé et froide, peut-être me réjouirais-je davantage, mais là j'ai plutôt envie de courir me geler à l'extérieur. Un nouveau « merde » m'échappe, plus bas, plus discret, mais quand même persceptible. « Attendre ici ? » Rétorquais-je bêtement, avec une mine déroutée. Je dois sûrement ressembler à un idiot, à ne pas réfléchir avant de l'ouvrir et raconter n'importe quoi. Où veux-tu attendre Rajah ? Dehors ? Idiot. Les lèvres pincées, j'inspire doucement et expire sans un bruit. « J'ai terminé mon travail. » Au cas où il ait la bonne idée de me donner des tâches supplémentaires pour ne pas me voir ainsi immobile dans sa maison. « Comment es-tu revenu jusqu'ici ? Ne pourrais-tu pas juste me ramener ? » Sans gêne, mais je ne fais que demander. La foudre ne va pas me tomber dessus si je ne fais que l'interroger et éliminer des possibilités de rentrer au plus tôt chez moi. Avec un peu de chance, il est seulement chiant d'apparence.

OUTFIT ❆❆❆ D'accord, je viens de me prendre un vent, un immense vent aussi fort que celui soufflant dehors. Je suppose qu'il m'autorise à rester là, chez lui, et non à l'extérieur, dans le garage, la cave, où que sais-je d'autre. Il pourrait presque paraître sympathique, si il n'avait pas balayé ma questionne en buvant sa boisson. C'est comme si je n'étais là, comme si je n'avais rien demandé. Je préviens simplement que j'ai terminé mon travail, donc qu'il ne compte pas sur moi pour exécuter quoi que ce soit. Je ne me considère pas non plus comme un invité, en vérité je ne sais pas trop comment je pourrais voir la situation. Un animal égaré ? Je souffle, reprenant rapidement la parole pour, une nouvelle fois, me faire rejeté. Non. Son non est catégorique, semblable à un coup de feu. Bang. Non. Pff. Je me gratte la nuque, étouffant une nouvelle insulte. Mes parents n'ont pas le temps, ni les moyens pour venir me chercher et je ne connais personne avec le permis et le voiture adéquate. En bref, je suis bloqué ici jusqu'à nouvel ordre, jusqu'à ce que la tempête se calme. Voyant qu'il essuie sa poêle, je fais une grimace voulant dire « non mais je l'ai déjà fait ». Il a un sérieux soucis avec la propreté. Même en brossant le sol à la tige de fer, il trouvera un truc dérangeant. Un énième soupir s'échappe de mes lèvres, je ne sais que faire dans cette situation, à part le regarder se préparer à faire à manger. Il bosse toute la journée dans un restaurant et il continue de cuisiner même en rentrant chez lui ? Grave. Quoi ? Il vient de dire un truc ? Haussant un sourcil, je regarde autour de moi mais ne vois personne d'autre. « J'ai bien entendu ? Tu veux que je mange un de tes plats ? » C'est un chef étoilé, ce n'est pas un plat de pâte qu'il sert, mais une assiette d'or et de diamant. Sérieux, je n'ai même pas les moyens de me payer une entrée dans son restaurant. « Je peux te regarder cuisiner ? » Manquerait plus qu'il me dise encore non. Je ne fais rien de mal, juste observer. « Comment fais-tu pour cuisiner tout le temps ? Tu ne peux pas ramener des plats de ton restaurant chez toi ? » Je ne comprendrais jamais sa passion pour la cuisine. Moi, la seule chose que je sais faire cuire, c'est la pâte à crêpe. Et encore, j'ai tendance à mettre trop de sucre dedans.

OUTFIT ❆❆❆ Ce Ruangwiwat ne me répondra donc jamais, entre la question idiote et l'ennui, je suppose qu'il a toute les raisons du monde pour se taire en ma présence. Faut juste savoir m'apprécier, ce qu'il ne sait pas faire en me considérant comme un bibelot de sa maison ou une poussière. Dans mon cas, il n'est qu'un riche. ça se résume à ça, un mec avec de l'argent à ne pas savoir quoi en faire. Et je n'aime pas forcément ces gens-là, qui se pense parfois au-dessus des autres. Suffit de voir comment il passe son torchon dans sa poêle, comme si je me faisais pas chier à l'astiquer après l'avoir lavé, avec du savon en plus. Il n'y a pas plus propre que moi dans cette baraque ! Sans compter le propriétaire, évidement. C'est bien la première fois qu'il m'invite à manger chez lui. Normalement, je viens, je fais mon travail et je m'en vais. Aussi simple que ça. Y a pas toujours de « bonjour » ou « d'au revoir », ni de merci ou à demain. Je le vois à peine, mais on dirait que l'hiver réserve des surprises. « Je n'ai pas dit ça. » Il me propose à manger, quand même. Manger, c'est le seul mot dans mon vocabulaire qui ait vraiment une signification à mes yeux. « ça se pourrait, si tu n'étais pas chef culinaire. » Empoisonnement, classé 258 ème dans ma longue liste des pires façon de mourir. Je demande à regarder, mais même si je l'observe en détail et de près, je ne saurais le refaire, ni le comprendre. Pour moi, ce sont des gestes inutiles. Pour lui, c'est presque de l'art. « Ah ouais ? » Fis-je, ironique. Je sais déjà qu'il est cuisinier. Qui ne le saurait pas, hein ? C'est monsieur El Patron. « Comment pourrais-je le savoir ? Je ne mets pas les pieds dans ce genre d'établissement. » Non pas parce que je n'ais pas envie, mais parce que je n'ai pas d'argent. à mes yeux, la nourriture ne devrait pas avoir de prix. Retirant ma veste comme demandé, je m'installe à la table pour faire face à son plat. Des pâtes en sauce, façon Italienne. Ruangwiwat reste là à m'observer, prêt à m'étriper si j'ose dire un commentaire négatif. Sauf que, en à peine une bouchée, je manque de m'étouffer tellement c'est bon. « Hmm ! C'est super bon ! » Lâchais-je presque trop bruyamment, de la sauce au coin des lèvres. Je n'ai rien dit, peut-être que la nourriture a vraiment un prix. Ou alors, que la personne cuisinant un tel plat mérite d'être payé pour un goût aussi délicieux ! Mais ça me tue de ne pas avoir accès à tout ça, petit pauvre que je suis.

OUTFIT ❆❆❆  Tout chez cet homme m'insupporte, il est l'exemple même du gars riche qui en a rien à faire des autres. Je ne l'apprécie guère, mais je ne suis pas là parce que je l'aime, mais parce que j'ai besoin d'argent et que ce boulot est l'un des seuls que je peux me permettre avec mon niveau. J'ai arrêté l'école avant d'avoir un diplôme, aucune boutique ou patron ne souhaiteraient avoir un gamin dans mon genre dans leurs pattes. En fait, il est le seul à m'avoir embauché, parce qu'il ne faut pas être intelligent ou doué pour faire du ménage ou du rangement. Enfin bref. Ruangwiwat ne me met pas à la porte, c'est déjà ça. Avec ce temps, je préfère encore rester à l'intérieur, quitte à faire la plante verte ou meubler sa maison de ma présence. Et puis, il m'invite à manger, ce que je n'aurai pas cru de sa part. Peut-être n'est-il pas aussi snobe que je le pense. D'apparence, son plat est joli et appétissant, mais qu'en est-il du goût ? C'est comme les gens, ils peuvent être beau ou bien habillé, ça ne vaut rien si à l'intérieur ils sont pourris. Sauf que, ce plat est aussi joli que bon. L'odeur est alléchante, mais le goût est davantage exceptionnel. Un chef d'oeuvre, mais je ne le formulerais pas ainsi. Je me contiens, annonçant que c'est super bon. Quoi que je dise, il doit déjà le savoir. C'est sa cuisine, il sait ce qu'il fait, il n'a pas besoin de m'entendre commenter. En tout cas, je me régale. Je pourrais en manger dix des assiettes comme ça ! Si il me propose de finir les casseroles, j'accepte de suite. La nourriture, c'est ma passion avant tout le reste. Entre deux bouchées, je brise le silence, la bouche encore à moitié pleine. « Hm, pourquoi la cuisine ? » Le questionnais-je, avalant entièrement. Il y a tant de chose à faire dans la vie, pourquoi se spécialiser dans la cuisine et pas dans le bâtiment ou que sais-je. Il aurait pu être médecin, avocat, pompier, mais il a choisi d'être chef étoilé dans un restaurant Italien. « Et pourquoi des recettes italiennes ? » Avec un tel nom, ça ne laisse pas entendre qu'il a des origines... Et aussi, faut pas oublier que je suis idiot et ne pige pas l'évidence.

OUTFIT ❆❆❆  Je suis bloqué chez lui, c'est un peu contre mon gré que je reste là, alors que je pourrais être chez moi ou sur le chemin de retour, si seulement il n'y avait pas cette tempête de neige dehors. Rester enfermer dans cette grande maison sans pouvoir parler est un calvaire, mais mon employeur ne m'a pas dit de la fermer. Enfin, concrètement il ne m'a rien dit de tel, mais à sa façon de me lancer des regards ou d'être ennuyé par mon comportement, c'est comme si il me disait de me taire. Finalement, je l'interroge quand même, entre deux bouchées de son plat de pâtes. Pourquoi pas ? Ce n'est pas une réponse. Je fais une grimace, l'air de dire que ça ne répond pas à ma question, mais n'ajoute rien de plus en comprenant que c'est un cas difficile. Ma curiosité est légitime, j'ai tout les droits de poser des questions. « Bien sûr. » Jusqu'à la prochaine question, du moins. Donc, il est italien et a vécu en Italie, je comprends mieux sa passion et son intérêt. Hochant ma tête, je reprends mon repas sans rien ajouter. « Hm. Tu n'as pas vraiment besoin que je t'y autorise. » Rétorquais-je, comme si je ne le dérangeais pas depuis tout à l'heure. Mon plat de pattes ne tarde pas à se vider, ne restant rien du tout dans mon assiette. Lâchant un soupir satisfait, je me tapote la pence avec une expression satisfaite. « Merci pour le repas. » Fis-je en joignant mes mains l'une contre l'autre, tel un signe de prière. Chaque repas mérite un remerciement, surtout que celui-ci était délicieux. à tomber par terre. « Comment vais-je faire si ça dure toute la nuit ? » Je me le demande à moi-même, le regard porté vers l'une des fenêtres. ça ne semble pas vouloir s'arrêter, s'accumulant sur les carreaux des vitres. Quel calvaire, je suis vraiment bloqué ici pour des heures, voire la nuit entière.

OUTFIT ❆❆❆  Mes questions peuvent être indiscrètes, pourtant je n'entame pas vraiment de sujet sensible ou intime, je demande seulement après son métier, ses convictions ou sa passion pour la cuisine italienne. Une fois les réponses obtenues, je ne vais pas plus loin dans mes interrogations. Le reste ne me concerne pas, sa vie sentimentale ou privée, tout cela ne me regarde pas. Je voulais simplement savoir pourquoi ce genre de recette et pas d'autres, maintenant que je sais, je ne vais pas insister. à la fin du repas, je le remercie lui et je ne sais quelle divinité pour ce plat, cette nourriture que nous avons la chance d'avoir dans nos assiettes. Mine de rien, mes parents m'ont bien éduqué. Ils m'ont apprit à ne pas me précipiter et à savourer ce que la vie m'offre, même si parfois je me sens pressé ou trop excité. Pour le moment, je me sens surtout piégé, bloqué dans cette maison sans avoir la possibilité d'en sortir et de rentrer, à cause de cette tempête de neige qui se déchaine à l'extérieur. Ruangwiwat s'occupe de débarrasser la table, m'offrant une opportunité de ne pas me geler dehors. Dormir chez lui. Je ne trouve rien à redire, n'ayant pas le choix. « Je vais faire la vaisselle. » Fis-je, comme pour le remercier de m'héberger pendant ce temps.  Quittant ma chaise, je m'approche de son évier où se trouve la vaisselle sale, prêt à mettre les mains dans l'eau. J'ai l'habitude, c'est mon boulot quand je suis ici. Nettoyer, ranger, faire en sorte que ce soit toujours propre et nickel. Que je sois employé ou invité ne change pas mon geste, je le fais parce que j'ai envie de le faire, pas parce que c'est mon devoir envers lui. « Où pourrais-je dormir ? » Je suppose qu'il y a des tonnes de chambre libre, pour ses invités ou amis, dans l'idée où il ait des potes. Le canapé me convient aussi, je ne vais pas me plaindre tant que je suis à l'abri.

OUTFIT ❆❆❆  Ruangwiwat n'a rien d'un tortionnaire ou d'un psychopathe, il ne va pas me tuer si je l'interroge ou tente d'en savoir davantage à son sujet. Surtout que, en dehors de mes heures de travail, il n'est plus tellement mon patron. Certes, je lui dois le respect, mais je n'ai pas été impoli en posant mes questions. Ceci dit, une fois qu'il me demande de me taire, je me tais. Enfin, tant que je n'ai pas d'interrogation importante à faire, comme savoir où dormir. Bah oui, c'est essentiel. Il me laisse rester chez lui, mais je me vois mal dormir sur le paillasson devant l'entrée comme un petit chien bien éduqué. Un lit, c'est la moindre des choses. Ou le canapé, si il ne tient pas à me laisser autant de liberté dans sa baraque. Une fois le repas terminé et la table débarrassé, je me propose pour la vaisselle. Je fais ça presque tous les jours, donc bon. Un peu plus ou un peu moins, ça ne change rien finalement. Les mains dans l'eau et le savon, je m'indigne presque à sa réponse. « Je ne compte pas venir dans ta chambre. » Pourquoi faire ? Je ne suis pas stupide non plus ! Donc, je peux choisir la pièce qui me plait, tant que ce n'est pas sa piaule évidement. La première fera l'affaire, je veux juste rester au chaud et dans le confort. Continuant avec ma vaisselle, je ne dis rien à son annonce et me contente de rincer les couverts. Des affaires propres ? Cette hospitalité m'étonne, je pensais devoir dormir tout habillé et rentrer chez moi dans la même tenue, mais mon boss m'offre des vêtements pour la nuit. Des vêtements que je devrais sûrement mettre à laver le lendemain, ceci dit. « Merci. » C'est sympa de sa part, je n'aurai pas cru qu'il soit aussi accueillant pour quelqu'un qui inspire la crainte et le respect. Je ne devrais pas juger sur les apparences ou les bruits qui courent, peut-être n'est-il pas aussi tyrannique ou froid qu'il laisse paraître aux premiers abords.