chouquetta ♕ Obtenir l’adresse de Rina n’avait pas été bien difficile. Du moins, ça ne l’était pas quand on savait à qui s’adresser. Yuto piétinait depuis ce qui lui semblait être une heure (en vérité, quelques minutes à peine s’étaient écoulées depuis qu’il avait franchi le seuil) dans le hall d’entrée de la maison où résidait désormais la jeune femme. Un type louche lui avait ouvert la porte, avec son regard encore plus louche. Il fallait qu’il la sorte d’un environnement aussi hostile. Comment pouvait-on vivre avec autant de monde ? Il avait connu les domestiques, mais sa seule expérience de véritable colocation se résumait aux quelques mois qu’ils avaient passés ensemble à la maison. Il eut un nœud au cœur rien qu’en y songeant. Il ne pouvait plus se permettre une telle chose, maintenant. Sa fortune ne serait pas éternelle, et il ne pourrait pas entretenir deux personnes. Sans compter qu’il n’avait pas envie de lui expliquer tout ce qu’il s’était passé.

Jouant nerveusement avec la clé de sa voiture, Yuto observait les lieux, se demandant s’il devait ou non avouer à Rina ce qu’il s’était passé au cours des derniers mois. Il en avait reçu l’interdiction formelle, tout comme celle de révéler à qui que ce soit la teneur de son accord avec ses kidnappeurs, mais pouvait-il vraiment se permettre de garder le silence, après avoir abandonné Rina de cette façon ? Une nouvelle question sans réponse. Il ferma les yeux et poussa un petit soupir, capturant les clés pour faire cesser leur valse autour de son doigt. Elle ne le croirait jamais, s’il était honnête.  Il ne ressemblait en rien à un homme qui venait de se faire affamer, tourmenter et menacer pendant des mois. Il passerait, tout au plus, pour un homme surmené et désespéré. Qu’importe la confiance et l’affection qu’il avait pour Rina, il ne parvenait pas à imaginer qu’elle croirait à son histoire. Et pourtant. Cette petite voix qui lui répétait de lui dire la vérité, de ne pas mentir, il l’entendait encore clairement.

Pour cette raison, quand il baissa les yeux et reconnut à ses pieds l’éternel compagnon de Rina, ce très cher Meow Zedong, il ne put s’empêcher de sourire et de se baisser pour le prendre dans ses bras. En plusieurs mois, le chat avait pu s’habituer à lui... Enfin, à sa façon féline personnelle. « Salut toi… » Une gratouille sur le crâne plus tard et un mouvement de protestation purement félin plus tard, il réalisa que ça ne pouvait signifier qu’une chose. Se tournant après avoir libéré l’animal, il resta silencieux quelques secondes, les yeux posés sur Rina. « Salut Rina… » Une boule se logea dans sa gorge. Il s’empressa de reprendre. « Je peux tout t’expliquer. » Le pouvait-il vraiment ? Qui pouvait l’assurer que personne n’écoutait à sa porte ? Que personne ne s’amusait à épier ses moindres faits et gestes ? Il avait la certitude d’être surveillé, et le simple fait qu’une voix plus forte retentit dans un couloir voisin le crispa légèrement. Tout allait bien se passer.

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chouquetta ♕ Les journées étaient longues et éprouvantes, toujours la même chose. De longues heures de ménage à la Royal Private School, université que Rina avait fut un temps fréquenté en tant qu’étudiante mais qu’elle n’était plus en mesure de payer ensuite. Enchaîner deux boulots, seulement quelques heures pour se reposer, mais cela ne la dérangeait pas. Elle avait besoin de ça pour se vider l’esprit ;, ne plus penser à tout cela, à ce qui la tracassait, à ce qui la dérangeait. Qu’elle était seule à nouveau et, pire encore, que Yuto l’avait abandonné, sans même lui dire au revoir, sans lui laisser la moindre explication. C’était littéralement comme s’il s’était volatilisé. Elle avait fait les hôpitaux, les centres sociaux, absolument tout. Au commissariat, on lui avait ri au nez. Il en avait assez d’elle, il voulait voir autre chose, voilà tout. C’était un Hashimoto, il pouvait être à l’autre bout du monde ! Ils refusèrent de vérifier s’il avait pris l’avion, la laissant bête, sans réponse.

Le métro était bondé en ce début d’après-midi. Rina avait tout de même trouvé une place assise, fixant le sol, son sac contre elle, elle évitait au mieux le regard d’un pervers plus loin qui la fixait en faisant des gestes obsènes. Elle n’avait même pas envie de le balancer par terre, tout ce qu’elle voulait, c’était rentrer, dormir un peu avant d’aller au club ce soir. Sa vie se résumait à dormir entre le travail, et ne rien faire d’autre. Aucune sortie, aucun loisir. Elle ne se reconnaissait presque plus. L’ombre d’elle-même. Tisser des liens était difficiles dans une ville aussi vaste.

Poussant la porte de la maison, elle annonça son retour par habitude, entendant plus loin son colocataire Allemand lui répondre avec son accent horrible. Elle était la seule Japonaise, puisque ce genre de sharehouse étaient normalement réservés aux expatriés. Il s’approcha d’elle pour lui dire quelque chose mais elle ne le laissa pas parler, secouant sa main pour lui dire que ça pouvait attendre. Rina se rendit dans sa chambre pour libérer le fauve. « Eh, coucou bébé ! » Un sourire se forma sur ses lèvres alors qu’elle se pencha pour attraper son chat, mais il fila déjà vers la cuisine pour avoir ce qu’il méritait : à manger. Un soupir, et elle le rejoignit rapidement après avoir posé ses affaires. Mais, en y arrivant, un hurlement fit office de principale réaction, ce qui alerta l’Allemand, venu pour jouer au héro. Il fut stoppé par un bol qui vola en l’air, passant juste à côté de l’inconnu pour venir s’écraser contre le mur derrière lui. « EXPLIQUER QUOI ? Dégage d’ici ! » Elle allait jeter une tasse mais son colocataire lui attrapa la main pour l’en empêcher. Elle avait été offerte par ses parents, il y tenait. « Mais dégage toi aussi ! » Celui-ci l’écouta, prenant rapidement ce qui lui appartenait. « T’es sérieux Yuto ? Tu reviens après je-ne-sais combien de mois ? Et tu peux tout expliquer ? Alors quoi, y avait des aliens qui ont décidé de t’emmener pour des tests ? » … Et si c’était ça ? « Me prends pas pour une idiote ! » Il aurait trouvé un moyen de la contacter, non ?

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chouquetta ♕ Meow Zedong était un bon chat. Franchement, le meilleur animal du monde. Il n’avait jamais été particulièrement doué avec les animaux, et il avait toujours préféré les chiens de très loin, mais, s’il en avait eu l’occasion, il aurait remis la médaille du mérite au félin qui servait de compagnon à quatre pattes à Rina. Du moins, il l’aurait fait, si l’animal avait pu faire office de bouclier et le protéger de la furie qui venait d’entrer dans la cuisine. Il aurait sûrement dû l’appeler avant de se présenter directement chez elle, mais elle n’aurait peut-être pas accepté de le voir. Sa situation était des plus délicates et il ne pouvait pas se permettre de faire tout ce qu’il voulait, surtout sans savoir s’il était surveillé ou non. Il avait passé son temps à chercher des micros dans sa propre maison, sans jamais les trouver. De deux choses l’une : soit ils étaient bien cachés, soit ils n’existaient pas. Cette histoire allait le rendre fou.

Yuto esquiva de justesse le bol qui se fracassa contre le mur, tendant les bras devant lui dans l’espoir de prévenir une nouvelle tentative. « Calme-toi, Rina! Calme-toi !  » Il pouvait tout expliquer, il lui avait dit. Il aurait dû prévoir une telle réaction de la part de Rina. Il avait disparu sans donner de nouvelles, sans laisser de traces. Elle avait dû penser qu’il allait la laisser seule à jamais. À sa place, il aurait pensé la même chose. C’était atroce et peu désirable. « Je sais ! Je peux tout t’expliquer, mais il faut juste que tu me fasses confiance. » Lui faire confiance, oui. Yuto avait conscience de la complexité de sa requête et, en s’entendant la formuler, il ferma les yeux un instant. Pouvait-il vraiment demander sa confiance. « Peut-être pas me faire confiance, mais m’écouter jusqu’au bout, même si ça te semble totalement dingue. » Il parlait tellement vite qu’il se demandait si l’étranger qui se trouvait dans la pièce avec eu avait saisi quelque chose à la conversation. « Tu peux faire ça ? » Il ne fallait pas qu’ils en discutent dans cette pièce, encore moins en présence de ce qui devait être le colocataire de Rina. Les bras toujours tendus devant lui, les paumes ouvertes, Yuto redoutait un nouveau lancer de vaisselle. On n’était jamais trop prudent.

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chouquetta ♕ Espérait-elle encore son retour ? Sans doute, bien au fond d’elle, dans une partie qu’elle refusait d’entendre. Qui devenait de toute manière de plus en plus silencieuse, alors qu’elle se persuadait qu’il l’avait abandonné pour de bon, pour toujours. Le voir ici, devant elle, dans sa cuisine la laissait bête, comme si au fond, elle refusait d’y croire, elle espérait de tout son cœur qu’il ne s’agissait là que d’une drôle d’illusion, qu’il allait disparaître d’un coup, si elle clignait des yeux. Peut-être que s’emporter ainsi n’était pas utile, que cela n’allait rien apporter mais elle ne se contrôlait pas, elle sentait des larmes brouiller sa vue, incapable de reprendre ses esprits. Elle était en colère, elle ne réalisait pas, ou plutôt, elle ne comprenait pas. Comment pouvait-on disparaître comme ça et revenir du jour au lendemain ? Où était-il passé ?

Yuto pouvait tout expliquer, mais elle, pouvait-elle y croire ? pouvait-elle le croire ? Après tout ça ? Elle secoua la tête. « Comment est-ce que je peux te faire confiance ? » Lui qui avait simplement disparu sans rien lui dire ? Sans lui en parler. Ses yeux se fermèrent un instant, elle tenta de retrouver son calme, de ne plus l’agresser. Quelque chose qui allait lui sembler totalement dingue. « Je te préviens, si tu me dis que des aliens t’ont enlevé, je vais pas te croire. » Peut-être qu’au fond d’elle, elle trouverait ça excitant et que si, elle y croirait. Mais elle devait affirmer sa non-stupidité avant. Ses lèvres se pincèrent, elle finit par hocher la tête. « Oui. Je peux faire ça. » Elle voulait savoir, ce qu’il pouvait bien lui servir comme excuse. Se baissant pour verser des croquettes dans la gamelle du chat, elle lui servit de l’eau, le gardant dans ses mains. « Tu prends Meoze ? On va dans ma chambre. » Plus de calme pour en parler, pour comprendre. Elle attendit de voir s’il la suivait, le guidant jusqu’à son antre, déposant les gamelles au sol pour le chat. Sa chambre était minuscule. Un lit simple, un petit bureau, une chaise, une armoire. Ses affaires traînaient un peu partout, pas vraiment d’endroit où les ranger. Elle lui désigna la chaise alors qu’elle s’installa sur le lit en tailleur. « Je t’écoute. »

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chouquetta ♕ Au fond de lui, Yuto pouvait parfaitement comprendre la colère qui animait Rina. Lui aussi, il aurait été furieux de la voir ressurgir après des mois sans donner de nouvelles, sans la moindre explication. Surtout maintenant. Son cœur se serra douloureusement quand il la vit s’énerver, craignant à la fois que sa colère ne s’apaise jamais et que les objets qu’elle lançait ou souhaitait lancer puissent l’atteindre. Il lui devait des explications. Des explications complètes, sans omissions, ou le moins possible. Mais cela suffirait-il ? Il avait de sérieux doutes. Comment pouvait-il demander sa confiance, lui qui l’avait trahi ? Cela devait y ressembler, à ses yeux. Après tout, il l’avait abandonnée sans crier gare. Elle avait entièrement raison, et il baissa le regard, la mine contrite, l’espace de quelques secondes.

« Je sais… » Pas des aliens, malheureusement. Un soupir lui échappa. Ces gars connaissaient trop leurs affaires pour être attaquables par voie légale. Accuser E.T. aurait sûrement été plus crédible, à vrai dire. Mais il lui avait promis la vérité, il se devait de la lui donner. « Oui. » Se redressant, il saisit le chat qui se trouvait au sol. « Allez toi, on part en balade… » S’il commençait à parler aux animaux, c’était le début de la fin. Caressant nerveusement le crâne de l’animal, il accompagna Rina jusqu’à sa chambre avant de libérer l’animal près de ses gamelles et de reposer les yeux sur Rina.

Il resta un instant silencieux à l’observer, la bouche entrouverte. Par où commencer ? Par le début, peut-être ? Cette pièce le rendait nerveux. Il se sentait coupable en la voyant réduite à une chambre aussi ridiculement petite, avec si peu de mobilier. Mais il ne pouvait pas lui proposer de revenir vivre avec lui. Pas maintenant. Pas tant qu’il ne serait pas tiré d’affaire, si cela arrivait un jour. « Je sais que t’as dit que tu ne me croirais pas, mais j’ai été enlevé. Enfin, pas par des aliens… Par des gens qui en avaient après mon père. Enfin, après ce qu’il avait gagné. Des dettes, en quelques sortes… » Oui, en quelque sortes. C’était extrêmement raccourci. Il n’avait certainement pas l’air d’un homme qui sortait d’une période d’enfermement, ou du moins plus tout à fait. « C’est pour ça que j’ai pas pu revenir avant aujourd’hui… Tu dois me croire. » Et s’ils l’entendaient ? Une porte claqua dans le couloir, le crispant légèrement. Ce n’était rien. Sûrement les colocataires de Rina. « Vous vivez à beaucoup ici ? » C’était un véritable taudis, à ses yeux, bien évidemment.

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chouquetta ♕ Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine, Rina peinait à croire que tout cela était la réalité, qu’il était bien là, dans cette maison perdue dans Tokyo. Il faisait tâche dans le décor, lui qui avait des airs si princiers, si précieux, qui semblait dénoter dès que le fond n’était pas luxueux. Au fond, c’était bien quelque chose qui lui plaisait, chez lui, non ? Il était presque exotique. Si différent d’elle, dans ses gestes, dans sa façon de parler, de se mouvoir. Ça la fascinait étrangement, ses yeux étaient incapables de se lasser de ce spectacle. Mais en même temps, il était agaçant, à avoir ce visage si mignon, cette tête de petite chose triste. Elle avait envie de le frapper pour qu’il arrête mais puisait une force obscure qui la faisait tenir bon.

Finalement, son cœur flanchait et bêtement, Rina acceptait de l’écouter. Elle ne pouvait le laisser à la porte sans comprendre ce qu’il avait bien pu faire pendant deux mois. La collation du chat dans les mains, elle laissa à Yuto le loisir de le prendre, souriant malgré elle en l’entendant lui parler. Il adorait Meow Zedong, qu’il le veuille ou non. Et le chat ne semblait pas l’avoir oublié, au final, malgré ces longues semaines, il se rappelait bien qu’il avait vécu avec cet étrange personnage. Installé sur son lit, ses mains cherchèrent plus loin un paquet de gâteau qu’elle avait commencé la veille, prête à entendre son excuse.

Enlevé ? Mais pas par des extraterrestres. Sourcils froncés, son récit entra dans ses oreilles sans pour autant y trouver justice. Rina ne comprenait pas tout, l’écoutant silencieusement. Donc, c’était pour ça qu’il n’avait pas pu venir avant ? Vraiment ? Sérieusement ? Avalant ces informations, elle répondit par automatisme à sa question. « Quatorze. » Et elle pourrait classer les pays du plus sale au plus propre. Un long silence, on entendait juste le chat mâcher ses croquettes paisiblement. « Sérieusement ? On t’a enlevé ? Comme un enfant de six ans ou une demoiselle en détresse dans un conte de fée ? » Enfin… Comment y croire ? Comment croire quelque chose d’aussi gros ? « Et si c’est vraiment, comment est-ce que ça se fait que tu sois là ? Comment t’es sorti ? Hm ? » Il s’était évadé ? Mais comment ? Elle voulait le croire, elle avait vu sa réaction quand la porte avait claqué, et il n’était pas intelligent au point de jouer sur ce genre de détails. « Je voudrais te croire Yuto, mais ça a l’air tellement… irréel ? Et regarde toi, t’es exactement comme la dernière fois que je t’ai vu y a deux mois ! » Diablement beau, avec aucune marque d’un traumatisme quelconque. N’était-ce pas étrange ?

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chouquetta ♕ Ces types savaient trop bien s’y prendre. Rien d’étonnant, quand on voyait le genre de crapules avec lesquelles Hashimoto Seito avait travaillé de son vivant. S’ils étaient tous de la même veine que lui, Yuto aurait dû voir la flèche arriver. Ce n’était sans doute pas pour rien que Seito faisait surveiller les alentours de leur maison en quasi permanence, de son vivant. Il savait à quels dangers il était exposé, contrairement à lui. Voilà comment il avait atterri dans cet endroit, incapable d’en fuir, incapable de parler à Rina pour lui dire où il se trouvait, pour appeler à l’aide. Il avait eu tellement peur qu’il s’en prenne à elle. Qu’ils lui fassent du mal à cause des graines de discorde que son père avait semé. Comme quoi cet homme n’avait jamais pensé au bien de sa famille…

Comme il s’y attendait, son explication ne sembla pas convaincre Rina. En tout cas, elle n’y répondit pas directement, préférant la question qu’il avait posée, si froidement qu’il pinça les lèvres et préféra poser les yeux sur le chat qui croquait sa nourriture. Il la comprenait. Il ne se serait pas cru, lui non plus. Tout au plus, il aurait ri avant de l’envoyer à ses affaires. Mais il n’avait jamais été un exemple d’ouverture d’esprit. « Plutôt comme on enlève quelqu’un pour obtenir quelque chose. Mais oui, en gros. » En général, la demoiselle en détresse des jeux vidéo n’était pas autant maltraitée. Pour cette raison, la comparaison le heurta bien plus qu’il ne l’aurait imaginé. « Ils m’ont laissé partir. C’est tout ce que je peux te dire. » À cet instant, il aurait donné n’importe quoi pour qu’un mentaliste soit présent et confirme qu’il disait la vérité. Rina ne le croirait jamais comme ça. Mais s’il lui parlait et qu’ils s’en prenaient à elle ? Il ne pouvait pas prendre ce risque.

« Je sais Rina, je sais. » Se pinçant l’arête du nez, il poussa un soupir. « Je ne te mentirais pas pour un truc pareil Rina. » Alors, il arrivait quand, son mentaliste ? « Mais même si tu ne me crois pas, promets-moi juste de faire attention à toi. Quand tu sors, quand tu vas bosser. Je sais pas de quoi ils sont capables. » Ça sonnait presque comme un vieux creepypasta, une mauvaise blague destinée à lui faire peur, mais il savait à quel point ce n’était pas le cas. Ces types la connaissaient. Ils savaient qui elle était, quelle place elle tenait dans sa vie et, s’il leur prenait la fantaisie d’en réclamer davantage ou de s’assurer qu’il tiendrait paroles, ils risquaient de s’en prendre à elle. « J’ai pas envie de risquer qu’ils t’arrive la même chose. Promets-le moi. » Il insistait sûrement beaucoup, mais il avait besoin qu’elle lui dise. Qu’elle reconnaisse un danger dont elle n’avait sûrement pas idée. Il détestait cette pensée.

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chouquetta ♕ Comment croire l’invraisemblable ? A ses yeux, un kidnapping n’était pas envisageable, probablement parce que dans son monde, ça n’arrivait pas à un homme d’une vingtaine d’année. Mais le problème résidait bien là. Yuto n’était pas de son monde, Yuto était d’un autre univers, différent et qu’elle ne comprenait pas forcément. En l’écoutant, Rina réalisait qu’il ne semblait pas mentir, pour autant, elle n’avait pas envie de croire. Elle préférait sans doute se dire qu’il l’avait volontairement laissé tomber pour vivre la belle vie quelques semaines. C’était mieux de se dire cela plutôt qu’on ait pu lui faire du mal. Lèvres pincées, elle chercha quelque chose à dire, quand bien même ses idées semblaient confuses dans son esprit.

« Comment ça, tu peux pas m’en dire plus ? » Que cachait-il exactement ? Et si c’était grave ? Et si on le suivait ? Ses yeux ne le lâchaient pas, elle tentait absolument de déceler le vrai du faux, de comprendre ces choses étranges qu’il lui racontait. Et voilà qu’il lui demandait de faire attention à elle, ça n’avait pas de sens ! « Qu’est-ce qu’on pourrait bien me vouloir ? » C’était bête. Elle n’aurait pas grand-chose à leur apporter et ils finiraient par la relâcher rapidement, elle serait bien trop pénible. « On me kidnappe pas, moi. » Elle secoua la tête, convaincue. « Sérieusement, qu’est-ce qui pourrait bien m’arriver ? » Un soupir quitta ses lèvres. Ses yeux se baissèrent sur le chat qui avait fini de se sustenter, slalomant entre les affaires au sol pour aller faire ses griffes sur le pantalon du jeune homme l’ayant tout autant abandonné que son esclave féminin. « Il te boude un peu. » Et elle aussi, pour une fois, Meow Zedong et elle s’entendaient sur un point. « Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ? Pourquoi est-ce qu’ils t’ont laissé sortir ? Yuto, tu dois m’expliquer pour que je puisse te croire. »

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chouquetta ♕Yuto n’aurait jamais demandé à Rina de le croire sans conditions. Il savait parfaitement que son histoire devait sembler absurde, sinon impossible. Pourtant, au fond de lui, il ne pouvait s’empêcher d’espérer qu’elle allait accorder un tant soit peu de crédit à son histoire qui, il le savait encore mieux, était véridique. Pendant plusieurs mois, il avait été retenu contre sa volonté, incapable de l’appeler, de la voir, de lui parler. Mais qui aurait accepté de le croire sans preuves ? Bien peu de monde, hélas.

« Je peux pas te dire… » Il ne pouvait pas dire avec certitude qui s’était attaqué à lui, et de ce fait il devait se montrer encore plus prudent. Si ses paroles remontaient aux mauvaises oreilles, peu importe la façon, il allait au-devant de graves ennuis. Des ennuis dont il aurait aimé se passer, évidemment. Il devait passer pour un fou, comme ces coréens du nord qui sortaient du pays et tenaient des discours si étranges que d’aucuns remettaient en doute leur véracité. Mais c’était la vérité, et Yuto était tout simplement mort de peur à l’idée que les plans de ces hommes puissent se concrétiser. À l’idée qu’ils puissent s’en prendre à elle pour l’atteindre lui. « Pas à toi. Pas directement… » Mais il suffisait d’un faux pas. Un seul. En l’entendant une nouvelle fois poser la question, il haussa le ton malgré lui, fixant son regard au sien. « On pourrait vouloir te faire du mal pour m’atteindre, Rina ! Tu pourrais disparaître du jour au lendemain, ils t’emmèneraient et on te retrouverait plus jamais, si pas pire ! On sait pas ce qu’il se passe dans la tête de ces malades ! » Il porta les mains à ses tempes, puis les laissa glisser le long de son visage, essayant de se calmer. « Pardon je…Je devrais pas m’énerver… » Cela lui apportait des ennuis sur lesquels il était inutile de revenir une nouvelle fois.

Il posa les yeux sur le chat, désormais occupé à faire ses griffes sur son pantalon. Il l’aurait sans doute engueulé, auparavant. Mais il s’accroupit pour caresser la tête de l’animal, l’expression fermée, les yeux perdus sur sa fourrure, avant de reposer les yeux sur Rina. « Il a sûrement ses raison… » Et il les aurait sans doute comprises. Il considéra sa question en silence pendant quelques secondes. « Je vais leur donner ce qu’ils veulent. Parce que j’ai cédé. » Il n’aurait pas dû, il le savait. « J’ai accepté, parce qu’ils savent qui tu es, où te trouver. Et je veux pas commettre la même erreur que mon père. » Négliger la femme qu’il aimait, la détruire pour son propre profit. Il en était hors de question. « Alors tant que j’ai pas trouvé une solution pour me sortir de là, fais attention à toi. S’il te plaît. » Sur ces mots, il s’approcha d’elle et posa ses lèvres contre les siennes, les mains de part et d’autre de son visage, retrouvant un contact qui lui avait cruellement manqué. « Je suis désolé de te mettre dans une situation pareille. »

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chouquetta ♕ Il ne pouvait pas lui dire. Le cerveau de la Nippone semblait au bord de l’implosion. Qu’est-ce que ça voulait dire, tous ces secrets ? Que lui était-il arrivé ? Pourquoi ne pouvait-il pas en parler ? Qu’est-ce que tout cela cachait, à la fin ? Son cœur battait si vite, mêlant inquiétude et incertitude. Que devait-elle faire ? Rina avait l’impression que la situation lui échappait totalement. Plus que d’ordinaire, pour être honnête et cette sensation était terriblement angoiss ante. Le voir s’emporter de la sorte la laissant silencieuse, tentant toujours de trouver un sens à tout ça. S’en prendre à elle pour l’atteindre lui ? Au fond, ça avait du sens, oui, ils étaient si proches. Collés l’un à l’autre en permanence, avant, ne se quittant que pour travailler ou aller en cours quand elle était encore étudiante.

L’avait-elle déjà vu si en colère avant ? Non. Pas même lorsque le chat s’était un peu laissé aller sur une pile de ses vêtements. Baissant les yeux, elle contint un soupir, faisant signe que ce n’était pas grave, s’il s’emportait. La situation était grave, à priori. Cela n’empêcha pas le chat de montrer son mécontentement quant à l’abandon qu’il a subi, lui-même était surpris de recevoir des caresses en guise de représailles, filant se cacher sous le lit, peu habitué à cette réaction.

Son regard se fit plus sérieux, les mots de Yuto l’inquiétaient. Qu’avait-il accepté ? Sur quoi avait-il cédé ? « Je ne comprends pas… Qu’est-ce qu’ils voulaient exactement ? Qu’est-ce que tu leur as donné ? » Elle secoua la tête. Puis elle finit par capituler. Elle allait faire attention, surtout parce qu’elle ne voulait pas lui attirer plus d’ennuis encore. Yuto n’agirait pas comme ça s’il n’y avait pas réellement quelque chose qui clochait. Avec surprise, elle reçut soudainement les lèvres de l’homme qui lui avait cruellement manqué sur les siennes et elle resta un instant bête. Ses yeux se fermèrent, l’attirant près d’elle pour le prolonger alors qu’elle sentait des larmes lui monter aux yeux.

Voilà qu’elle pleurait comme une idiote désormais une fois qu’il se fit éloigné d’elle. Reniflant sans la moindre grâce ni classe, elle passa vivement ses mains sous ses yeux. « J’ai eu si peur Yuto ! Je pensais que tu étais mort, qu’on s’en était pris à toi, je sais pas… » Rina n’était qu’une idiote mais ce n’était pas comme s’il s’agissait d’une nouvelle qu’on apprenait tout juste. Ces derniers mois avaient été abominables. « Je savais plus où chercher, personne voulait m’aider. » Un rire consterné quitta ses lèvres, elle se rappelait avec amertume de ce que la police avait pu lui dire. Ces idiots. « J’ai cru plus jamais te revoir, je savais plus quoi faire. » Elle avait perdu tout espoir, pensait devoir rester seule, encore, même si elle n’en aurait plus forcément eu la force.

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chouquetta ♕Ce n’était pas la première fois que ses nerfs menaçaient de lâcher, depuis qu’il était sorti de sa prison. Il lui arrivait de se retrouver seul, de se mettre à pleurer de façon incontrôlable, sans raison apparente. Mais s’ils pouvaient facilement recommencer à nourrir un corps affamé, ces hommes ne pouvaient pas effacer de sa mémoire le souvenir de son enfermement. Alors, oui, imaginer que Rina pourrait être prise pour cible par des hommes comme eux, avec des desseins si malfaisants, ne pouvait qu’éveiller sa colère et son inquiétude, venant ainsi à bout du peu de contrôle qu’il conservait encore sur ses propres émotions. Mais il lui restait encore assez de force pour se maîtriser un minimum. Tout juste. Qu’allait-il faire, si quelque chose arrivait à Rina ? À un autre de ses proches ? Il y avait là de quoi éprouver une incroyable panique.

Mais il ne pouvait pas lui dire. Il ne pouvait pas risquer qu’elle aille parler, en dépit de toute la confiance qu’il avait en elle. Il suffisait d’un mot de trop, d’un faux-pas, et le pire allait arriver. S’ils commençaient à penser, par malheur, qu’il ne souhaitait pas payer, s’ils comprenaient qu’il cherchait une solution. La situation pourrait rapidement virer au cauchemar, et ils ne pourraient plus rien y faire. Alors, Yuto secoua la tête à nouveau, refusant d’ajouter quoi que ce soit sur le sujet, avant de venir l’embrasser.

Pendant toute sa captivité, pas un jour n’avait passé sans qu’il ne pense à elle, sans qu’il se demande ce qu’elle devenait, ce qu’elle faisait. S’inquiétait-elle de sa disparition ? Se demandait-elle où il était parti ? Sans doute ses ravisseurs s’étaient-ils arrangés pour couvrir son absence, d’un point de vue professionnel, mais s’étaient-ils également occupés des proches ? Avaient-ils communiqué avec eux ? Il n’en avait aucune preuve, et donc aucune idée. Et maintenant qu’il la voyait pleurer, qu’il l’entendait parler, ses propres yeux se bordaient de larmes. « Je suis là maintenant… Je suis là. » Encadrant le visage de la jeune femme de ses mains, il posa les lèvres contre son front, la respiration légèrement tremblante. « J’ai aussi cru que je te reverrais jamais… Je t’aime tellement. » Ses sentiments à l’égard de Rina n’avaient jamais été aussi clairs, mais il était difficile d’accepter qu’il ne pourrait pas s’occuper d’elle pour un temps. Il ne pouvait pas la reprendre chez lui, la mettre en danger. « Quand ton ira mieux, tu reviendras vivre avec moi… Je te le promets. »

Cette idée était de loin celle qui le dérangeait le plus. C’était un véritable retour en arrière. Quand il pensait à tout ce qu’ils avaient traversé, à tout ce qu’ils avaient vécu. Il détestait cette pensée.

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chouquetta ♕ Cette histoire était folle et Rina semblait perdue. Ces semaines avaient été difficiles, trouver un second boulot pour pouvoir se payer cette chambre et passer son temps libre à le chercher désespérément, appelant tous les hôpitaux du pays, espérant avoir de ses nouvelles le moindre signes, mais rien. Jamais rien. Le pire, c’était bien d’être toute seule dans cette situation. Il n’y avait personne auprès d’eux, elle avait bien pensé à contacter Yun Hua, mais elle ne voulait pas la déranger, elle savait bien que ça devait être compliqué, avec un bébé à charge, elle n’avait pas forcément envie de se prendre la tête avec cette histoire qui ne devait perturber qu’elle.

Le revoir la soulageait d’un poids et transformait ses inquiétudes. Elle n’avait plus peur de ce qu’il pouvait vivre mais de ce qu’il avait vécu, de cette histoire étrange dont il parlait, sans oser tout dévoiler. Rina se laissa embrasser, en ayant en réalité cruellement besoin. Besoin de savoir qu’il était bien là, comme une preuve, même si elle ne devrait pas. Voilà qu’elle pleurait comme une idiote ! Toutes les angoisses tombaient en se répétant qu’il était là, qu’il était bien là. Qu’il n’avait pas été emmené par des aliens, même si ça pouvait potentiellement être tout aussi dramatique. Elle pinça les lèvres, hochant la tête en tentant de stopper ses larmes. Elle ne devait pas avoir l’air bête maintenant. Surtout que, oui, Yuto était bien là.

Un silence, un bref silence. Il venait de lui dire qu’il l’aimait. C’était la première ? Il lui semblait que c’était la première fois. Passant rapidement sa main sur ses joues pour sécher ses larmes, elle rit bêtement, nerveusement, un peu trop heureuse en réalité. « Moi aussi je t’aime, Yuto… » Elle avait craint de ne jamais avoir la chance de le dire de vive voix, de le lui dire directement. « J’espère que tout va s’arranger. » Tendant les bras vers lui, elle le força à s’installer à côté d’elle, enfouissant son visage dans son cou alors qu’elle se serrait contre lui. « S’il te plait, donne-moi de tes nouvelles le plus souvent possible. Essaie de venir me voir… J’ai vraiment besoin de te voir. » Encore plus maintenant qu’elle l’avait retrouvé.

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chouquetta ♕Yuto poussa un soupir. Il avait beaucoup de mal à se situer, depuis qu’il avait été relâché. Sur le papier, il était toujours Hashimoto Yuto, un jeune héritier qui avait vu son père mourir, qui dirigeait les affaires familiales depuis ce décès tragique et soudain ; mais en réalité, il avait l’impression d’être la victime d’une mauvaise blague, le personnage principal d’un film dans lequel il aurait préféré ne jamais devoir jouer, et il savait que ceux qui s’en étaient pris à lui ne reculeraient devant rien pour l’atteindre, s’il refusait de se plier à leurs exigences. Jamais sa marge de manœuvre n’avait été aussi réduite, et il détestait ce sentiment. Il était un lion en cage, entouré de flammes, sans la moindre possibilité de s’enfuir sans être remarqué. Si encore une quelconque fuite était possible.

Il n’avait pas encore eu le courage de recontacter Yun Hua, appréhendant les retrouvailles avec sa sœur, seule confidente de l’horreur qui avait eu lieu chez lui. Elle savait quelque chose du monde du crime, de ce qu’il s’y passait. Elle avait elle-même été enlevée et brutalisée, si la mémoire de l’héritier ne le trompait pas. Cependant, il doutait qu’en parler avec elle soit facile. Cela risquait peut-être d’être plus difficile encore : trop de risques que les situations soient comparées, trop de risques qu’on n’accepte pas d’écouter l’autre, en songeant qu’on avait vécu le pire. Yuto ne souhaitait pas ce genre de choses. Pas maintenant. Il était encore bien trop tôt.

Du plat du pouce, Yuto essuya les larmes de Rina tout en contenant les siennes, avant qu’elle ne le fasse elle-même. Il l’avait dit. Après tout ce temps passé à le penser, à la regarder en songeant qu’il aurait été plus simple qu’ils s’expliquent une bonne fois pour toute, ces mots avaient franchi ses lèvres. Et son cœur s’emballa à cette pensée, quand il réalisa qu’il ne s’agissait pas là du fruit de son imagination, un soir où il attendait qu’on vienne lui parler, dans cette pièce où on le gardait et où il pensait parfois devenir fou. « Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour ça. » Mais jusqu’où s’étendait ce pouvoir ? Plus exactement, qu’en restait-il ? C’était là tout ce qu’il lui restait à déterminer. Ces hommes allaient-ils infliger à son entreprise et à sa famille, ou ce qu’il en restait, c'est-à-dire lui-même, une déchéance semblable à celle qu’avait connu la famille d’Airi ? Un frisson courut dans son dos et sa gorge se noua. Mieux valait s’épargner de telles pensées.

Il s’assit à côté d’elle, prenant Rina contre son torse comme il se trouvait à ses côtés, et il laissa une main glisser dans ses cheveux, l’autre dans son dos, cherchant sa présence dont il avait été privé pendant de si longs mois. « Je t’appellerai et je viendrai. C’est promis Rina. Autant que possible. » Il ne pourrait peut-être pas l’inviter, peut-être pas faire tout ce qu’il voulait avec elle… Mais il ne pourrait pas rester aussi longtemps sans la voir. C’était impossible. Elle lui avait trop manqué. « J’imagine que tu peux héberger personne ici ? » Cet endroit était trop petit à son goût, trop mal entretenu. Facile à dire, quand on vivait dans le luxe. Il n’avait pas une minute à perdre, s’il souhaitait maintenir ce niveau de vie…

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chouquetta ♕ Bien sûr que Rina était chamboulée. Cette fin de journée la tourmentait, l’inquiétait, mais plus que tout, la ramenait à la vie. Sans Yuto, elle s’était sentie incomplète, perdue dans ce monde qu’elle avait l’impression de ne plus connaître. Sans vraiment le réaliser, le retrouver ce jour là dans ce lieu plutôt hostile avait soudainement redonné un sens à sa famille. Un mauvais sens, d’abord, puisqu’elle voulait se venger, purement et simplement, de l’homme qui avait détruit sa vie, qui avait aidé sa mère à mettre fin à la sienne. Rina avait été pleine de haine, de rancœur, ne trouvant jamais aucun endroit où elle se sentait parfaitement à sa place. Elle avait tout essayé, s’était donnée cœurs et âmes dans tout et n’importe quoi, suivant aveuglément Takayuki, la pire idée qu’elle ait pu avoir, elle le réalisait avec du recul. Elle avait voulu compter, exister, qu’on s’inquiète pour elle, un sentiment égoïste. Elle cherchait à être vu, à devenir quelqu’un à travers les autres, ce qui était totalement stupide, elle l’avait réalisé, finalement.

Avec Yuto, tout était différent. Elle avait découvert ce qu’était d’aimer à nouveau, d’aimer sincèrement sans attendre quoique ce soit en retour, sans chercher désespérément quelque chose d’inconnu. Ce n’était pas voulu, elle n’aurait pas pensé sincèrement tomber pour lui, aussi beau et adorable que pouvait être l’héritier. Sans doute que tout cela était écrit quelque part, qu’on avait voulu les réunir à nouveau. Qu’un fil rouge existait effectivement, les ayant réunis enfants, ils s’étaient éloignés, s’étaient perdus, mais au final, ils se retrouvaient toujours. Elle avait appris à voir au-delà cette image de garçon bourgeois travaillant trop, trouvant un homme qui n’avait juste jamais vécu librement, qui pensait que sans quelques wons, on ne trouvait pas son bonheur. Ils étaient tous deux si différents mais se complétaient très bien.

Fermant les yeux, elle apprécia son contact, le serrant pour ne pas qu’il puisse s’échapper. Il lui avait tant manqué, elle ne pouvait imaginer le laisser partir si vite. Elle hocha doucement la tête. « Oui, s’il te plait. Ne me laisse plus sans nouvelle. Sinon, c’est moi qui te séquestre. » Un silence, elle finit par se redresser, un peu paniqué. « Trop tôt pour blaguer sur ça ? » Pourraient-ils un jour faire des blagues là-dessus ? Rina pinça les lèvres, baissant la tête, un peu triste qu’on ne puisse pas encore en rire, même si ça l’angoissait beaucoup pour ne pas en rajouter. La question de Yuto l’aida à oublier son malaise, elle regarda autour d’elle avant de s’approcher de lui. « Tu sais, ça me dérange pas qu’on se serre un peu. » Se redressant, elle passa l’une de ses jambes de l’autre côté des jambes de Yuto, venant s’installer sur ses cuisses, ses bras se nouèrent autour de son cou. « Reste avec moi ? Juste ce soir. Je veux pas que tu repartes déjà. » Elle se pencha pour l’embrasser. Doucement, tendrement. « Tu m’as tellement manqué. Je sais que c’est un peu ridicule ici, comparé à chez toi mais… » Mais s’ils n’avaient pas le choix ? Rina n’était pas prête à accepter de le voir encore partir. « S’il te plait, ne me laisse pas. » Elle pourrait le supplier s’il le fallait.

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chouquetta ♕De génération en génération, la famille Hashimoto s’était définie comme un modèle d’excellence. Ils avaient assis leur empire sur des bases solides, partant de rien pour aboutir à une entreprise dont la place sur le marché n’était plus négligeable. De père en fils, ils s’étaient transmis les bases de la gestion d’affaire, préparant leur descendance pour qu’elle puisse à son tour s’occuper du patrimoine familial, une fois son heure venue. Dans le cas d’Hashimoto Seito, cet apprentissage et l’éducation qui allait avec ne s’étaient pas déroulés comme prévu, et la tour d’ivoire dans laquelle il se sentait protégé avait fini par s’effondrer sous son propre poids. Il était mort trop tôt, auraient dit certains, d’autres auraient plutôt évoqué un brusque retour de flamme causé par l’accumulation de pratiques frauduleuses et déloyales. Tout ce qu’il avait transmis à son fils, c’était une ruine dont il devait déblayer les gravats afin de pouvoir reconstruire. Mais était-ce seulement possible ?

Depuis qu’il avait commencé à évaluer l’argent que lui demandaient ses ravisseurs, Yuto était passé par de nombreux stades. D’abord, il s’était dit que ce n’était qu’une broutille, en comparaison avec la fortune familiale, celle dont il disposait encore, dont il se servait pour payer loyer, nourriture, loisirs et autres fioritures qu’il se permettait sans la moindre honte. Ensuite, il s’était demandé comment il procéderait, une fois l’argent des bénéfices disparus, pour maintenir son rythme de vie. Ce n’est qu’à ce moment qu’il avait mesuré toute l’ampleur de la demande de ces hommes et toutes les conséquences qu’elles auraient sur lui : la fortune familiale fondrait comme neige au soleil. Ce serait l’histoire de quelques mois, peut-être plus, s’il se montrait particulièrement prudent. Hélas, il ne pouvait se permettre de ne pas payer le loyer ou la nourriture. Il lui faudrait faire des choix, et les bons, afin de ne pas s’attirer davantage d’ennuis. Comme à chaque fois qu’il y songeait, son cœur se fit plus lourd. Il trouverait une solution, il n’avait pas d’autre choix. Il était hors de question qu’il finisse expulsé de son logement, ou pire, de la ville.

Mais pour l’instant, il n’avait pas envie de penser à toutes ces choses. Elles ne comptaient pas. Il avait retrouvé Rina, à qui il avait tellement pensé sans jamais la voir, pour qui il s’était inquiété alors qu’il était enfermé. Sa fierté n’était pas suffisamment grande pour qu’il sacrifie celle qu’il aimait au nom de la fortune mal acquise d’un macchabée, quand bien même celui-ci était mort par sa faute.

La plaisanterie de Rina lui arracha un rire contenu, même un peu sec. « Un peu, oui… » Son premier réflexe en rentrant chez lui avait été d’ouvrir en grand tous les rideaux. Un furieux besoin de lumière, d’air. Il n’avait pas osé sortir se promener, de peur que l’on s’en prenne à lui à nouveau, mais il avait ouvert les fenêtres. Cela finirait par lui passer, avec un peu de chance. Sinon, il vivrait avec, d’une façon ou d’une autre. Alors, sans rien ajouter, il reposa les yeux sur Rina.

Il aurait voulu lui dire tout ce qu’il pensait d’elle, à quel point il l’aimait, mais il se contenta de questions banales, glissant paresseusement ses doigts dans la chevelure de la jeune femme tandis qu’il parcourait la pièce des yeux. Il avait tellement craint de ne plus jamais la revoir, de ne plus pouvoir la serrer contre lui. C’était fini, maintenant. Du moins, il l’espérait. Il lui sourit quand elle s’installa sur ses jambes. « Si ça dérange pas tes colocataires, je peux. » Comment aurait-il pu refuser, de toute façon ? Quand elle l’embrassait comme ça ? Quand sa seule présence lui avait aussi terriblement manqué ? Il la prit dans ses bras, posant sa tête contre son épaule. « Tu m’as manqué aussi Rina. Je t’aime tellement. » Ces mots sonnaient encore étrangers dans sa bouche, comme le vocabulaire d’une langue étrangère dont il n’aurait pas maîtrisé la prononciation, mais ils étaient libérateurs. Il pinça les lèvres, essuyant discrètement une larme qui roulait sur sa joue sur l’épaule de Rina. « On se serrera. »

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chouquetta ♕ Rina pouvait enfin revivre, elle avait l’impression de retrouver son souffle, perdu il y a déjà quelques mois. Pourtant, une promesse inconsciente la liait avec l’idée qu’il ne fallait jamais trop s’attacher, que cela pourrait causer une perte certaine à la personne qu’elle avait voulu être. Jamais auparavant, l’idée de pouvoir dépendre de quelqu’un ne lui était venu à l’esprit, pas même effleuré. Paradoxalement, la quête de sécurité, d’avoir l’illusion de compter, que si un jour son corps disparaissait, quelqu’un aurait la présence d’esprit de la chercher, de le remarquer. C’était stupide, bien sûr qu’elle le réalisait désormais. L’important, ce n’était pas tant de trouver quelqu’un qui remarquerait son absence mais qui s’inquiéterait vraiment pour elle, qui aurait des sentiments sincères à son égard.

Avec Yuto, son cœur lui disait qu’elle avait trouvé ce qu’elle cherchait. Pourtant, cet homme était loin du genre auquel Rina pouvait aspirer. La richesse, la démesure. Ce n’était pas un monde qu’elle pensait retrouver un jour. Elle qui avait toujours préféré les choses simples, elle se souvenait s’être trouvé complètement perdu en pénétrant dans la maison dans laquelle elle avait passé les premières années de sa vie, songeant qu’encore aujourd’hui, même après y avoir vécu, elle n’avait sûrement pas vu toutes les pièces. Meow Zedong s’était souvent perdue et il était arrivé à son esclave humain de le chercher pendant de longues minutes avant de le trouver endormie en chemin entre sa chambre et la cuisine qui était définitivement beaucoup trop loin.

Néanmoins, elle voulait désormais oublié tout cela, cette maison, cet argent, ce qu’avaient pu faire ces hommes. De toute manière, les questions restaient suspendues à sa langue, elle trouverait le courage de les poser probablement plus tard, quand elle sentirait que Yuto était prêt à en parler, ce qui n’était pas le cas maintenant. Ils devaient se retrouver, rattraper un peu du temps perdu. « Ils ont pas intérêt à râler, je les frappe ! » Fort, en plus. Elle hocha la tête, déterminée. Elle était la seule Japonaise de la maison, personne n’avait le droit de lui dire quoi faire dans SON pays. « Ils sont tous mes esclaves. Je sais qui n’est pas en règle avec son visa. » Et elle pourrait toujours proposer d’épouser l’un d’entre eux pour des papiers pour s’assurer que Yuto resterait. A sa déclaration, un sourire niais étira son visage et elle alla à nouveau se coller à lui, embrassant encore ses lèvres. Serré contre lui, elle sentit son épaule devenir plus humide et ses lèvres se pincèrent, allant enfouir son visage dans son cou, elle le serra plus fort. « Oui. Très fort. » Elle ne le lâcherait plus jamais. Rina se le jurait.

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