tenue > Le travail était dur, ces derniers temps. J'y allais juste après les cours, et j'en repartais juste à temps pour pouvoir 6 heures la nuit ; si bien sûr je m'endormais dès que je rentrais. En général, je devais régler des factures, faire du rangement ou même manger, si je n'avais pas eu le temps avant. C'était, somme toute, très compliqué. Mais j'y étais obligée, je ne pouvais pas me résoudre à quitter mon gagne pain. Parce que même avec les bourses que l'école m'offrait, tout ce que je réussissais à faire, c'était payer mes cours. En gros, j'allais gratuitement à Royal. Mais mon appartement à Shinjuku, celui qui m'abritait le week-end, et que je ne pouvais me résoudre à quitter vu que j'y vivais avec Charlie avant, néssecitait également de l'entretien. Des factures à payer. Et moi-même, je devais me nourrir, m'habiller, ce genre de choses. Alors j'avais besoin d'un budget, de préférence régulier, tous les mois. Mon travail m'apportait cette stabilité qui manquait à ma vie. Mon patron était un homme très gentil, très doux, et qui m'avait donné le job sans réel entretien d'embauche, car il avait constaté l'urgence de ma situation, à la mort de Charlie. Et ce boulot de femme de ménage me permettait de me vider la tête, et de ne pas passer toute la soirée à me laisser submerger par mes sales pensées.

Le problème de ce travail, c'était par contre que je finissais tard, en général vers minuit ou une heure du matin. Je nettoyais des immeubles pour le compte de mon patron ; je n'étais pas seule, nous devions être huit il me semble, à y venir régulièrement, tout du moins. Je connaissais vaguement mes collègues, nous n'avions que des relations de travail, rien de vraiment amical. Et puis en général, nous étions toutes trop fatiguées pour réellement parler et « travailler dans la bonne humeur ». Nous avions des vestiaires pour nous changer, où nous nous disions au revoir avant de se quitter jusqu'au lendemain. J'avais dû, aujourd'hui, nettoyer de nombreux bureaux, laver des sols, et passer l'aspirateur. Ça n'avait pas été une mince à faire, et après ma journée de cours éprouvante, j'étais clairement épuisée. De son vivant, Charlie n'aurait jamais laissé faire ça ; pour lui, je travaillais déjà trop la journée, entre l'école et la danse, donc je devais consacrer ma soirée à me reposer convenablement. Je suis sûre que de là où il est il n'apprécie pas de me voir faire tout ça ; mais il doit en comprendre la nécessité, par contre.

Le froid malgré le fait que l'on approchait de l'été le glaça. J'avais enfilé un parka par dessus ma chemise, mais se n'allait pas jusqu'à couvrir ma jupe ou mes jambes. Je sais très bien ce que vous allez me dire ; porter une jupe, quand on est une fille, à minuit passé, c'est vraiment pas le bon plan. Mais je n'avais pas trop eu le choix ce matin, au vu de la chaleur et de ce qu'il restait dans mon armoire. J'étais perdue dans mes pensées, et me dirigeais lentement vers la sortie de bus de Chiyoda, celle qui me mènerait à Shinjuku. Si perdue, que je ne vis pas l'homme qui s'approcha de moi, par derrière, et qui étouffa ma bouche avec sa main. Tout se passa très vite ; je n'eu pas le temps de tenter de me défendre, que déjà j'étais plaquée contre le mur d'une ruelle, et qu'il me murmurait, un air malsain sur le visage : « On va bien s'amuser, nous deux, tu vas voir.. ». Je gigotais dans tous les sens, mais son emprise sur mes poignets était trop forte. Il me chuchota à l'oreille, laissant son haleine d'alcoolique frotter sur mon visage : « Si tu cries, ou si tu appelles à l'aide, je vais être obligé de te faire plus mal encore. ». Des larmes dévalèrent mon visage alors que j'hochais la tête, tentant de taire mes sanglots. Qu'allait-il me faire? Je sentis sa main frôler mes cuisses en passant sous ma jupe ; ma terreur augmentait à chaque secondes. Il déchira mon collant, et commença à baisser ma culotte. « Je vous en prie, pas... pas ça... », lui dis-je en reniflant, avant d'éclater une nouvelle fois en sanglot. Il me força à détacher sa ceinture et à le toucher, me guidant avec sa main. Son regard pervers passait sur mon corps. Ma chemise désormais ouverte, je sentais sa bouche sur mes clavicule, et sa main qui remontait ma cuisse. « S'il vous plaît... Je vous en supplie.. ». Quelqu'un, vite.

tenue > Les entraînements avec Hazel n'en terminait plus depuis que j'avais signé ce contrat avec elle, pour son agence. Je n'étais pas membre de celle-ci, mais je bossais quand même pour eux, au compte de la jeune professeur. Un peu compliqué comme situation, mais tant que je pouvais danser à ma guise, cela me plaisait plutôt bien. Mais franchement, je pensais souffrir suffisamment pour augmenter la cadence... J'avais tord. Mon corps criait à l'agression dès que je faisais un mouvement brusque, râlant contre ma détermination à vouloir devenir un professionnel. Je m'en fiche que mes membres ne me supportent plus, tant que le mental est là. Ce soir encore, je termine tard l'entraînement, taquinant beaucoup trop ma professeur sans retenue, à présent habitué à bien m'entendre avec elle. ça fait du bien, franchement. C'est bien beau de gueuler et de se prendre la tête, mais rire est encore mieux.  Au final, mes heures d'entraînement sont moins longs et plus agréable, même s'ils restent tout autant fatiguant. à la fin, je ne perds pas de temps pour rentrer chez moi, prenant ma jeep pour faire le chemin jusqu'à la maison familiale. Mes parents sont là pour une fois, ils me saluent et tentent la conversation avec moi. Depuis le temps qu'ils sont absents, j'en profite pour parler de mon contrat et mon avancée dans le domaine. Ils sont fiers et m'encouragent toujours plus à avancer, même si ma mère semble déçu que j'ai échoué à cette audition. Tant pis, j'aurais d'autre occasion de montrer mes talents. La discussion dure une bonne demi-heure avant que je me retire sous prétexte de prendre  une douche. J'en ai bien besoin après un tel entraînement de titan, ils ne m'en tiennent pas rigueur et je file dans ma chambre pour me laver.

Je sais bien qu'ils sont à la maison et qu'ils voudraient m'avoir un peu plus avec eux, mais à la fin du repas, je me sens de trop. Avec leurs boulots, eux non plus n'ont pas tellement de temps à profiter en amoureux, du coup je m'éclipse rapidement en m'excusant. Encore une excuse balancée sur la table pour sortir, disant que j'avais encore du boulot pour mes études. Faux, je devrais me reposer pour demain. Au lieu de ça, je pars me changer pour une tenue plus « classe » et m'équipe de mon téléphone pour rameuter la bande en soirée. Ce soir, je m'amuse! Il est tôt, les gars devraient déjà traînés pas loin des bars. Bingo! Le trois quart squattent même les comptoirs, m'invitant à les rejoindre. Je ne perds pas de temps, reprenant ma voiture pour me rendre à Shinjuku, dans les quartiers malfamés de la ville. Je n'ai pas peur des rigolos qui abusent de la bouteille, prenant mon petit air suffisant en quittant mon véhicule. Celui-ci est garé pas très loin du bar, dans un parking de supérette à quelques pas. Je dois marcher, perdant un peu de temps à pianoter sur mon portable. ça demande de la concentration, mine de rien. Le bar est plutôt animé, surtout parce que ma bande s'amuse à chanter, dans un état d'ivresse avancée. à ce prix, je ne suivrais jamais la cadence. Puis, Hazel me tuerait si elle apprenait que je me suis bourré. Pour cette fois, je laisse tomber et les accompagne seulement en riant, tapant des mains ou parlant aussi fort qu'eux. Nos soirées ne sont jamais ennuyantes, saoul ou pas.

Au bout d'une bonne heure, l'air commence à me manquer. Cette foutue envie de fumer me revient, comme un arrière goût de stresse. J'ignore complètement pourquoi, mais je m'excuse au près de mes amis pour sortir prendre l'air. Il fait frais, l'air s'engouffrant dans ma chemise en m'arrachant un long frisson. Quelle plaie, sérieux. Je dois avoir une veste dans ma voiture, sûrement. Mes pas auraient dû me mener à ma jeep, mais des mouvements attirent mon attention et je tourne mon regard vers cette scène. Cet homme qui retient cette personne que je ne peux identifier, me doutant à l'avance que je ne dois pas la connaitre. Qu'est-ce que ça change, hein ? Je ne devrais pas m'en mêler, mais j'ai horreur des pervers dans ce genre-là. Ni une, ni deux, je change de route pour me diriger vers lui, la voix de sa victime me parvenait aux oreilles... Je la reconnais. Maylie ? Mon sang ne fait qu'un tour. Si je voulais être sympa au départ en repoussant ce porc, je me montre plus violent que prévu en l'attrapant par le col pour le tirer en arrière, mon poing s'abattant bruyamment sur son nez. L'homme râle en plaquant sa main sur son visage, mais je ne m'occupe même plus de lui pour regarder Maylie et m'assurer qu'elle n'a rien. « Tu vas bien ? Il t'a touché ? » Seul mon regard s'autorise à voyager sur elle, confirmant mes doutes. Toute personne normale serait déjà parti, mais pas moi. J'ai juste envie de buter ce gars, de taper dessus jusqu'à qu'il s'excuse auprès d'elle. C'est malsain, mais je n'attends pas qu'il réagisse avant moi pour me jeter sur lui et frapper une seconde fois sur son nez.

tenue > Ce qui était plus qu'étrange, dans cette situation, c'est qu'en enfilant cette jupe ce matin, j'avais repensé, non sans un puissant pincement au cœur, au visage de Charlie qui m'observait juste avant que je ne sorte, « d'habitude ». Avant, en fait. Ce n'est plus une habitude, parce qu'il n'est plus là. Mais je le revoyais me fixer, un air un peu réprobateur sur le visage ; je cédait à chaque fois et partait me changer. Je ne portais des vêtements prêt du corps ou courts qu'en sa présence continue à mes côtés, avant. Maintenant, je me le permettais plus. Si je n'avais pas mis cette jupe aujourd'hui, si je n'étais pas allée au travail, ou si je n'avais pas été perdue dans mes pensées, est-ce que tout ce la serait arrivé? Je ne sais pas, et je ne suis pas en mesure de répondre à toute ces questions. Le monde était-il vraiment comme ça? Sauvage et brutal? Les gens étaient-ils tous perverti? Qu'est-ce qui autorisait cet homme à me toucher de la sorte, sans mon consentement? Pourquoi moi? Je crois que tout ça, toute ces pensées, elles ne sont venues s'incruster dans ma tête que plus tard, quand j'ai arrêté d'être sonnée. Sur le coup, je ne pensais à rien, mon esprit était vide, blanc. Ou noir, impossible à dire.

Jamais je n'avais senti des mains avec de pareilles intentions sur moi. En général, les pervers partaient quand ils découvraient mon côté profondément gentil ; je pense que c'est pour ça. Mais aujourd'hui, je n'avais même pas pu ouvrir la bouche pour dire autre chose que « Je vous en prie ». Au moment où ses mains allaient finir de détruire mon innocence, une aide inespérée de l'extérieur l'arracha à moi. Malgré les larmes qui brouillaient mes yeux et la faible luminosité, j'aperçu les mains de mon sauveur, puis son dos ; Yukine. Je ne me demandais même pas, à cet instant, ce qu'il faisait là, j'étais simplement très (trop) heureuse de le voir. Il se retourne vivement vers moi, s'inquiète de mon état, et si je le fixe, je ne parviens par contre pas à lui répondre. Je me contente de fondre un peu plus en larmes, trop soulagée pour formuler une réponse correcte. Yukine me regarde, il observe mon corps, et instinctivement je me recroqueville. J'ai honte de me présenter à lui sous cette forme. Va t-il me prendre pour une fille facile? Maylie, nan mais à quoi tu penses! Vraiment, c'est dire comme j'étais perturbée. Quand je le vois se jeter avec plus de violence encore sur mon agresseur, je me relève subitement, encore à moitié habillée, le visage rempli de larmes. J'attrape le bras de Yukine qui s'apprêtait à donner un coup dans le ventre de l'autre, et sers sa manche entre mes doigts. Un murmure passe la barrière de mes lèvres : « Lâche-le, arrête, c'est bon... ». Je pose ma tête contre son bras et son omoplate, retenant son geste en tentant de le calmer. Dans n'importe quelle situation, la violence me répugne. Je ne veux pas qu'il soit blessé ; pire, que l'autre prenne le dessus et que je me retrouve sans savoir quoi faire. C'est peu probable, mais on ne sait jamais. Je sanglote encore un peu, et chuchote une nouvelle fois : « Viens.. Arrête, s'il te plaît.. ». J'étais terrorisée, en fait. Je tremblais encore, je m'impressionnais à tenir encore sur mes jambes.

J'attrapais lentement la main de Yukine dans la mienne, une fois l'autre connard enfuit (trop sonné pour marcher correctement). Je le retournais face à moi, ressentant soudainement le besoin irrépressible de voir son visage. Était-ce parce qu'il venait de me venir en aide? Ou simplement parce que j'avais hâte de le revoir? Sûrement un peu des deux. Je le fixais quelques minutes avant de fondre en larmes et de me laisser aller sur son torse. Mes mains s'accrochaient à lui comme s'il était une bouée de sauvetage. « J'a-ai eu p-peur... Yukine.. ». Ridicule, cliché sûrement, mais je ne savais pas bien quoi faire d'autre. Je n'existais plus dans le temps ou dans l'espace. Il n'y avait que nous et rien autour. Je me sentais si sale... Cette pensée me fit m'accrocher un peu plus à lui. Je ne voulais pas qu'il me laisse, je ne voulais pas rester seule, pas ce soir. Il était le seul ce soir qui pourrait réussir à me calmer. « Me laisse pas toute seule... S'il te plaît... », un nouveau sanglot m'échappa avant que je ne me recule un peu, ne pouvant par contre me résoudre à retirer ma main emprisonnée dans la sienne. Mes yeux interrogateurs le fixèrent aussitôt, toujours humides même si mes larmes commençaient à sécher. « ça... ça te dérange? ». Autant demander tout de suite, parce que s'il était d'accord pour rester avec moi, je n'étais pas prête de le lâcher.

tenue > ça fait un moment que je n'ai plus cédé à la colère, ni même levé la main sur qui que ce soit. Jusqu'à présent, mon temps était tellement occupé par la danse et les projets d'Hazel, que je n'ai pas cherché la bagarre, ni même prit le temps de véritablement traîné dehors à cette heure tardive. Mes potes me le reproches parfois, quand ils sont d'humeur à râler pour un rien. Ils disent que j'accorde trop d'attention à cette professeur, que j'en suis raide dingue amoureux et que bientôt, nous ferons n'importe quoi dans la salle de danse. Ils sont complètement malades, ouais. Hazel est ma professeure de danse, celle qui me permettra de m'élever super haut au-dessus des autres. Ils ne comprennent rien à la compétition, ni à la danse. Quand on veut une belle carrière, faut s'accrocher et sacrifier certaines choses. Je ne dis pas par là que je laisse tomber mes amis, mais je passe beaucoup moins de temps avec eux. Ce soir-là, je me permis d'abandonner mes parents en amoureux pour filer m'amuser avec eux, rattraper les heures perdues à danser comme un damné. Ils ne sont pas mécontents, moi non plus, que demander au peuple ? Puis, cette envie tombait à merveille pour une certaine personne. La vie est étrange, parfois cruelle et d'autre moins. Ce soir-là, elle a été clémente de me mener à sa route, de me pousser vers elle avant le pire. Jusqu'à présent, je n'ai jamais rien vécu de difficile, à part la mort de Charlie. Sinon, j'ai toujours vécu dans la richesse et l'amitié, bien que la dose d'amour parentale soit réduit de moitié par le boulot. Pourtant, ma petite existence tranquille m'a permis de croiser la sienne, un brin plus agité et compliqué. Qu'est-ce qu'il serait arrivé si je n'avais pas eu froid ? Ou si j'aurais de suite prit ma veste en quittant ma voiture ? Peut-être qu'elle n'aurait eu personne pour l'aider et que ce sale type en aurait profité pour abuser d'elle.

Or, ce n'est pas le cas. à quelques pas de mon véhicule, les bruits qu'émet cet homme attire mon attention, et je ne perds pas deux secondes pour me diriger vers lui, pensant être « calme » à le dégageant de là... C'était sans compter sur sa victime. Cette fille, ô combien ai-je pu la détester sans raison, seulement parce qu'elle danse sur du classique et porte des tutus. à ce moment-là, je me rends compte ô combien ce fut stupide d'être si idiot et malpoli envers elle. Cette même fille qui a faillit se faire détruire par un ivrogne, un connard, un... Mec mort. Sur le coup, je m'inquiète pour Maylie, regardant les dégâts en jugeant de son état. Elle n'a rien de grave. Ce type ne l'a pas trop brusqué, pas au point de la taper pour qu'elle se taise ou être trop violent pour ne pas perdre de temps. Heureusement, même si ça n'empêche pas la colère de circuler rapidement dans mes veines. Il ne perd rien pour attendre, je ne donne pas cher de sa peau dès l'instant où je me tourne vers lui pour le toiser avec haine et mauvaises intentions. Mon poing rencontre une seconde fois son nez, redoublant le flot sanguin qui tâche le sol. Je m'en fiche s'il se vide de son sang, j'ai une foutue envie de le crever! Personne ne pourrait m'arrêter dans ces moments-là, pourtant la jeune fille dans mon dos retient in extremis mon prochain coup. J'étais à deux doigts de le rétamer, de lui exploser l'estomac et de répandre ses boyaux sur le bitume, tellement je suis en rogne. Maylie ne fait que retarder l'évidence. Même si elle me retient et dépose sa tête contre mon bras, je parviens à donner un coup de pied rapide vers lui, repoussant son corps de quelques mètres. Il a de la chance, sinon je n'aurai pas été aussi gentil. La jauge redescend lentement, tandis que je vois de la peur dans le regard de son agresseur. Il ne devait pas savoir à quoi s'attendre en attaquant la danseuse étoile, manque de bol. Depuis ma dernière question, je n'ai pas ouvert la bouche, trop sur les nerfs pour parler ou discuter ne serait-ce qu'une misérable minute. Si je le fais, ce serait pour insulter l'autre salaud.

Un long frisson remonte dans mon bras quand ses doigts attrapent les miens, l'homme prenant déjà ses jambes à son cou. Tant mieux, qu'il s'en aille. Ma colère ne s'en est toujours pas allé, même si je la canalise au mieux. Face à Maylie, je met bien quelques secondes avant de croiser son regard, reprenant mon calme pour ne pas l'effrayer. Je fais peur à voir, surtout quand cette lueur de démence brille dans mes pupilles. J'aurai pu lui faire mal, le réduire en charpie sous mes poids ou mes pieds. Franchement, il a eu de la chance que sa proie soit si gentille et délicate, parce qu'à sa place, il ne se serait pas échappé à si bon compte. Je ne  m'attendais pas à ce qu'elle se colle contre moi en pleurant, sentant les larmes imbibés ma chemise légère. « Hey, je suis là. Tu ne crains rien maintenant, pleures pas. » Je n'aime pas quand elle pleures. C'est étrange, mais j'ai horreur de la voir dans cet état, même si j'ai été le premier à mal lui parler. Intimidé par cette distance rapprochée, je dépose une main dans son dos pour le frotter en douceur, mon regard fuyant vers un autre point, pendant que mes joues s’empourprent. Elle ne veut pas que je la laisse seule... Mais que pourrais-je bien faire ? Nos mains ne se relâchent plus, nos yeux se rencontrant à nouveau. Si ça me dérange ? Ce n'est pas comme si j'étais super occupé. « Non, ne t'en fais pas. » Mes yeux glissent sur sa silhouette, remarquant sa tenue. Quelle idée de porter ce genre de jupe! Les sourcils froncés, je tire sur son bras pour qu'elle me suive jusqu'à ma jeep garé par très loin. « Je vais te passer une veste. » L'informais-je pour ne pas qu'elle s'inquiète, ouvrant ma voiture à distance d'un simple « bip ». L'intérieur est tellement vaste et spacieux que je pourrais tenir une penderie dedans, pourtant je n'ai que ma veste posée sur le siège, l'attrapant pour lui donner. échangeant les rôles, je la fais s'asseoir sur le siège, restant devant elle. « ça va aller ? Tu veux rentrer chez toi ? » C'est bien la première fois que je me retrouve seul avec elle, en pleine rue et à une heure tardive.

tenue > Pourquoi nos chemins se croisaient toujours? Qu'est-ce qui nous liait à ce point, pour que Yukine et moi nous retrouvons toujours seuls, à deux? Je n'en sais rien. Si ça me déplaît? Non. Il est passé dans mon esprit de mec le plus odieux de la Terre, à gars gentil et largement supportable. Maintenant, grâce à lui, j'avais évité un viol en pleine rue. Viol qui au passage aurait achevé mes derniers remparts, les dernières choses que je tentais tant bien que mal de gardant au mieux dans ma vie. Après la mort de Charlie, je n'avais eu que la danse. Hazel. Amy. Yun Hua. Ji Hyuk, bien sûr. Sans eux, je n'en serais pas là, c'est sûr. J'aurais passé mes journées à pleurer, à me lamenter sur l'horreur de la vie. J'aurais pu mettre fin à mes jours, c'est sûr ; et cette agression, si elle avait été poussée jusqu'au bout, m'aurait définitivement achevée. J'aurais certainement arrêté de danser, et j'aurais perdu toute foi en l'humanité. Mais il avait été là, à temps. Yukine était venu. Bien sûr, si je n'avais pas prit de travail à mi-temps, jamais rien de tout cela ne serait arrivé. Mais je n'aurais pas prit de travail à mi-temps si j'avais de l'argent. Je n'ai pas d'argent parce que c'était Charlie qui gérait tout ça, avant. Charlie ne peut plus gérer tout ça, l'argent, les courses, le loyer, parce qu'il est mort. Et il mort parce qu'il n'a pas pu rembourser à temps ses dettes. Et il avait des dettes parce qu'il me payait des cours de danse. Parce que j'étais sa sœur. Et qu'il avait eu le malheur de m'aimer, de ressentir le besoin de me protéger. Tout ça, c'était de ma faute en fait. J'en suis là à cause de moi-même. Cette pensée fit redoubler mes larmes d'ampleur. Je suis un monstre. Yukine aurait mieux fait de me laisser là, en fait. Je le mérite. Et les coups que j'entends à côté de moi ne sont pas pour me rassurer. Je me lève et attrape sa manche, comme l'enfant apeurée que je suis. Je sens la haine émaner de lui, comme une force irrépressible qu'il n'avait pas pu contenir. Je me doute que son regard sur moi n'avait pas du arranger les choses. Je sens toute petite face à ça. Il décoche un dernier coup, de pied cette fois-ci, et stoppe ensuite ses mouvements. Sa respiration est toujours aussi hachée. Si j'étais intervenue, le jour où Charlie est mort, si je lui avais dit « Viens, rentrons. », est-ce que les choses aurait été différentes? Pourquoi la vie ne répond jamais aux questions de ce genre?

J'ai attrapé sa main, sans y réfléchir avant, sans pouvoir expliquer mon geste. J'avais besoin d'un contact physique avec lui. Besoin. Oui, c'est vraiment le mot. Pour réussir à respirer, j'avais besoin de savoir que les hommes n'étaient pas tous aussi affreux. Que oui, Yukine était bon ; juste un peu impulsif. Et qu'il m'avait aidée, moi. Je sens sa souffle s'apaiser un peu. La tension s'en va, lentement. C'est fini, Maylie, c'est bon. Tu n'es plus toute seule. Je ne sais pas pourquoi, mais je me dis que Yukine et Charlie ne sont pas si différents, en fait. Charlie aussi aurait péter la gueule de mon agresseur, sans aucun scrupule. Ou est-ce seulement ce genre de choses que l'on apprend dans la rue? Je crois qu'il y a encore beaucoup de choses que je ne connais pas ; tant mieux, au final. Gardant la main de mon sauveur dans la mienne, je me rapproche de lui, tellement que mon front se pose contre son torse. Et les larmes se mettent à couler, si vite que je me demande même si c'est normal de pouvoir pleurer autant. Sa main sa pose contre mon dos, alors qu'il me dit que je ne crains rien. Est-il gêné? J'entend son cœur s’accélérer. Essuyant vivement mes larmes avec ma main dès que mon regard croise le sien, je lui demande, la voix à moitié casser, de rester avec moi. Parce que là, clairement, je tiendrais pas. Rester seule chez moi n'engendrera que des cauchemars. C'est sûr. Il accepte, et je lui lance un regard reconnaissant, ne sachant quoi faire d'autre. Un « Merci » m'échappe, presque comme un souffle ; je ne suis même pas sûre qu'il l'ai entendu.

Son regard me toise une seconde fois, et je me mord l'intérieur de la joue en voyant son air perplexe face à ma jupe. « Je te promet que je fais attention d'habitude... », lui murmurais-je lentement, comme une enfant qui se fait disputer par ses parents. Il commence à marcher et je le suis , silencieuse, serrant toujours sa main dans la mienne. Il s'arrête devant une grosse voiture, et me dit qu'il va me passer une veste ; j'hoche la tête simplement. Il a déjà une voiture comme ça, à son âge? Ah, bah, faut croire que oui. Il ouvre la portière et me tend une veste, avant de me forcer à m’asseoir. Cette situation m'est étrangement familière. Je serre le tissu entre mes mains, avant de lui tendre, les sourcils froncés, une moue sur le visage : « Toi non plus... tu n'a pas... tu va attraper froid... il fait froid dehors... », j'ai du mal à m'exprimer correctement, l'esprit encore un peu dans le vague. Mais en gros, je lui fait comprendre qu'il en a plus besoin que moi. Il me regarde, et me demande si je veux rentrer chez moi. Je me mord la lèvre inférieure et lui dit : « Non. ». Chez moi, je vais me sentir trop coupable. Il y a encore trop de Charlie là-bas. J'observe les traits du visage de Yukine, avant de lui demander : « Pourquoi... tu es dehors? Il est tard, tu le sais hein? ». Je dois avoir l'air d'une grosse teubé, sérieux.

« Emmène-moi chez toi. », lui dis-je aussitôt, comme si la réponse à ma première question venait d'arriver immédiatement à mon esprit. Ouais, bon, sorti de son contexte, c'est un peu bizarre. Mais là, y a plus aucun filtre entre mes pensées et mon cerveau, je vous jure.

tenue > Si nos chemins se croisent à nouveau, c'est bien pour une bonne raison. Si ma route n'avait pas rencontré la sienne, sûrement qu'elle serait dans un mauvais état et que jamais je n'aurai pu la revoir. Je ne suis pas le meilleur des gars, ni même le plus noble qu'il soit, mais j'ai autant de qualité que je peux avoir de défaut. Maylie le sait, elle s'est confronté à tellement de facette qu'elle doit mieux me comprendre, me gérer. Cette fois-là, la jeune fille découvre une partie violente, rancunière et sans pitié. Il n'est pas rare de me voir ainsi, mais disons que ça se passe par endroit, par certains moments. Je ne pourrais pas me bagarrer à l'école, là où nous nous voyons le plus souvent. Alors que dans les rues, quand la nuit dissimule les malheurs, je ne garde aucune limite à ma colère, à ce besoin de taper quand il le faut. Ce sale type n'a pas choisi la bonne proie, ni le bon moment pour l'attaquer. Il doit s'en rendre compte, puisque j'ai dû lui casser le nez à coup de poing, sentant l'os craquer sous mes phalanges. Je n'ai pas retenu ma force, ni ma rage et cette lueur dans mes yeux doit bien le prouver. Si au départ il se croyait fort, maintenant il doit se sentir minable, apeuré. Si Maylie n'était pas là, si elle ne s'était pas décidait à me retenir... Sûrement que je l'aurai tué. Un dernier coup de pied et j'abandonne l'idée meurtrière qui tergiversait dans ma tête, reprenant doucement mes esprits et mon souffle. J'aurai très bien pu le réduire en pâté pour chat, ou pire encore. En même temps, pourquoi est-ce que je réagis à l'extrême ? Je me souviens d'une époque où je méprisais Maylie seulement parce qu'elle dansais, pourtant je n'en tiens plus aucune rancoeur. Elle veut devenir danseuse étoile et finalement, je la soutiens dans son choix, dans ses rêves. Chacun de nous y arrivera un jour ou l'autre, je n'en doute pas. Mais là n'est pas la question, nos rêves ne sont en jeu dans ce combat... Quoi que, si je n'étais pas intervenu à temps, celui de Maylie serait sûrement partit en fumée. Raison de plus pour vouloir dégommer ce sale type! Mais celui a déjà prit ses jambes à son cou, réalisant qu'il n'a aucune chance contre moi.

Le calme semble revenir dans la ruelle déserte et à nouveau silence. Son agresseur a filé sans demander son reste, oubliant même jusqu'à la perspective qu'il est bourré. ça ne m'importe peu, tant que Maylie n'a rien eu et qu'elle est là, avec moi. N'empêche, je ne m'attendais pas à sentir sa main dans la mienne, ni son front contre mon torse. à quel moment nous sommes nous autant rapproché l'un de l'autre ? Hier encore, nous étions ce genre de connaissance qui s'ouvrent l'un à l'autre, qui change de case pour se lier d'une nouvelle amitié. Une amie. Maylie serait donc une amie ? Je n'en sais trop rien, les choses ont trop rapidement évolués depuis notre rencontre dans cette salle de danse. En tout cas, j'aimerai que ses larmes cessent de la tourmenter et qu'un sourire revienne illuminer son visage poupin. Finalement, la situation s'est apaisé et je remercie les dieux de m'avoir jeté sur sa route. D'un geste réconfortant, je frotte doucement son dos en jurant qu'elle ne craint plus rien, que je suis là pour la protéger.  C'est gnangnan, mais mieux vaut qu'elle se sente à l'abri. De fil en aiguille, j'en viens à ne pas vouloir la lâcher, ni même  la laisser seule. J'accepte qu'elle reste avec moi, sans savoir que faire avec elle. Là est le soucis... Qu'est-ce qu'on fait avec une fille qui pleures et ne veut pas rester seule ? N'importe qui penserait avec autre chose que son cerveau, mais pas moi. J'ai un minimum de bon sens pour savoir que Maylie a besoin d'une présence réconfortante, pas traumatisante.

Je ne peux m'empêcher de juger sa tenue, préférant largement qu'elle porte un tutu et des chaussons roses. « Peut-être que tu fais attention, mais les gars dans son genre s'en fiche pas mal. » Ce n'est qu'une remarque, sans vouloir faire une leçon. En tout cas, elle ne peut pas se balader ainsi dans la rue. Je la tire rapidement vers ma voiture garée non loin d'ici, l'ouvrant à distance pour ne pas perdre de temps et lui trouver une veste. ça semble la surprendre, mais quel garçon de mon âge ne possède pas une voiture ? Bon certes, pas tout le monde a la chance d'avoir une aussi belle voiture à quelques mois de l'obtention du permis. Mes parents font toujours dans la démesure, mais je n'ai jamais été contre ce cadeau, il me rend la vie facile parfois. Bref. Maylie a besoin de se réchauffer, mais je n'ai qu'une simple veste avec moi, celle que je lui prête en disant de l'enfiler. évidement, madame rechigne en voyant que je ne suis pas plus au chaud qu'elle. « Hé ho, je suis un mec. Le froid ne me fait pas peur, alors enfile ça avant que je t'y force. » Cela est un conseil d'ami, elle sait de quoi je suis capable si je m'énerve. Sans attendre, je repousse son geste pour ramener le vêtement vers elle, lui demandant si elle veut rentrer. Non, évidement. J'aurai dû m'en douter. « à ton avis, pourquoi suis-je dehors ? Mes potes traînent dans ce quartier et j'avais besoin de sortir un peu. » à force de m'entraîner à la danse, je perds tout contact avec ma bande. Chez moi ? Je manque de m'étouffer en avalant ma salive, la regardant avec un air ahuri. « Chez moi ? » Il y a mes parents chez moi, je ne vis pas seul. Mon cerveau tourne à toute vitesse, tandis que je tapote sa cuisse pour qu'elle prenne correctement place sur le siège. « D'accord, je t'emmène chez moi. » Je referme la portière une fois qu'elle est bien installée, contournant la voiture pour passer du côté conducteur. « Je vis encore avec mes parents, et ils sont là ce soir. Ne fais pas attention à eux, ils sont super sympa. » Sait-on jamais si elle se pose des questions, mais il est trop tard pour reculer, à présent que j'ai allumé le moteur et que j'ai quitté ma place de stationnement.

tenue > Si ce matin on m'avait dit tout ce que cette journée allait me réserver, certainement que je ne l'aurais pas cru. C'est trop dingue, trop étrange, trop éloigné de nos réalités. A tous les deux, je suppose. Je n'ai jamais eu de problèmes avec des pervers et/ou des alcooliques ; et même si ça avait été le cas, jamais je n'aurais pu prévoir que Yukine viendrait à ma rescousse. C'est la dernière personne que j'imaginais dans ce rôle. Et en même temps, quand je comprends que c'est lui qui est venu me sortir d'affaire, je crois que jamais je n'aurais pu imaginer un meilleur sauveur. Il semble si énervé, il est si violent avec mon agresseur, que je crois au final qu'une part de moi ne peut s'empêcher d'être touchée. Est-il à ce point hors de lui parce que je suis la victime? Ou simplement parce qu'il ne peut pas supporter les pervers? Difficile à dire, même si un petit bout de moi espère la première hypothèse. Dans une autre situation, ailleurs, je crois que j'aurais pu rougir rien qu'à cette pensée. Mais là, tout de suite, tout ce qui m'importe, c'est qu'il ne soit pas blessé. Je me relève vivement et l'oblige, par mes mots et mes gestes envers lui, à arrêter ce qu'il est entrain de faire. Je crois que je l'ai un peu fait pour moi aussi ; premièrement parce que je déteste la violence, et deuxièmement parce que j'avais juste besoin, à cet instant, de me sentir en sécurité. Et c'est le seul à pouvoir réussir à faire ça, ce soir.

Je n'ai pourtant pas trop réfléchi, quand ma main a attrapé la sienne ; je savais juste que j'en avais besoin. Besoin, vraiment? Ou envie, alors? Aucune idée, je nage dans le flou total, et tout ce que je sais, c'est qu'il faut que je me lâche un coup, que je pleure encore avant d'essayer de me remettre. C'est donc Yukine qui en fait les frais ; sa chemise aussi, d'ailleurs. Je sens son coeur s'accelérer, mais je met ça sous le compte de l'adrénaline. Sa main caresse doucement mon dos, maladroitement ; il ne doit pas en croiser souvent, des cas comme moi qui pleurent à ce point-là. Il me dit que c'est bon, qu'il est là, que je ne serais plus seule. Au point qu'il accepte de rester avec moi ce soir. Je n'avais pas pu m'empêcher de lui demander. Je ne me voyais pas rentrer chez moi et me repasser cette soirée en boucle dans la tête. Je me sens trop mal, actuellement, pour espérer m'endormir directement. Je dois bien dire que sur le coup, je ne suis pas surprise par sa réponse ; mais maintenant que j'y repense, je lui en suis très reconnaissante. Je le remercie simplement, et m'écarte un peu, ce qui lui permet d'observer ma tenue. Je me défend en lui disant que d'habitude je fais attention ; bon, on se doute bien que ça ne va pas servir à grand chose. J'observe son visage attentivement, ses traits un peu froncés, sa bouche qui me répond, et hoche simplement la tête. Il a raison, c'est tout. Je baisse la tête, gênée, et le suis jusqu'à sa voiture, silencieusement. Je me dis qu'au moins, il n'a pas lâché ma main.

La veste qu'il me tend est aussitôt repoussée, et ma voix chevrotante proteste. Je suis encore un peu sonnée, et mes arguments ne suffisent pas à le faire changer d'avis. J'aurais du m'en douter. Je fronce les sourcils à ses mots, et met la veste lentement, en soupirant. L'air de rien, ça fait du bien ; et j'y reconnais son odeur, la même que celle de sa chemise. Je me retiendrais presque de dire : « Tu sens bon.. ». Oups, je l'ai vraiment dit? Meeerde. Je crois que le choc m'a plus atteinte que ce que je pensais. Je met ma main sur ma bouche, une nouvelle fois. Pourquoi je suis toujours si ouverte avec lui? Je détourne le regard, gênée au possible, et murmure : « Dépêche-toi de rentrer dans la voiture, tu va attraper froid... ». Je pense qu'avec le ton de ma voix, il n'a pas du entendre grand chose, mais bon. C'est pas comme si c'était le but non plus. Je relève brutalement la tête à sa réponse, me relevant presque, et finis par me prendre le haut de la porte. « Aaaie.. », lâchais-je en me rasseyant, la main sur mon front, me traitant mentalement d'idiote. Il a abandonné ses potes pour rester avec moi? Je frotte ma future bosse avant de dire, d'une voix blanche : « Retourne-y... Je veux dire t'occupe pas de moi, amuse toi! ». Je le regarde, me mordillant la lèvre, me giflant mentalement de ne pas y avoir pensé plus tôt, avant de commencer à me lever pour repartir. J'ai déjà trop abusé de sa gentillesse.

Après quelques minutes de tergiversation, je lui dit que c'est chez lui que je veux aller. Une nouvelle fois, mes pensées sont passées par ma bouche sans que je ne puisse faire autrement. Je me mord l'intérieur de la joue, rouge de gêne, et n'ayant pour seule envie que d'aller me cacher dans un trou. Depuis tout à l'heure, ce n'est que ça : je suis gênée, et tendue, il me parle un peu, je me détend, et je m'ouvre tellement qu'au final je dis tout ce qu'il se passe dans ma tête ; et j'en redeviens encore plus gênée. Je dois avoir l'air schizophrène, chacun son tour, hum. Il me regarde l'air surprit, et je n'ose pas retirer ce que j'ai dit. Après tout, c'est vraiment ce que je souhaite. Je suis très intriguée par la vie de Yukine, et son appartement en fait partie. Et puis je me vois mal l’emmener chez moi ; trop peu de gens y sont montés. Personne depuis que Charlie est mort. Avouez que ça serait étrange. Un petit sursaut m'échappe quand je sens sa main frôler ma cuisse. Je me décale pour être face au pare-brise, et il ferme la porte. J'observe l'habitacle autour de moi alors qu'il rentre par l'autre porte. Quelle voiture luxueuse. Je me sens encore plus nulle et sale face à tout ce luxe. Il allume le moteur, et a déjà démarré quand je comprends le sens de sa phrase. Ses parents? Moi je vais rencontrer ses parents?! Ça doit être des gens distingués, non? Je suis habillé comme une fille « facile », encore plus quand on voit l'état de ma chemise ou de mes collants.. Et puis c'est pas le rôle de la petite-amie de rencontrer des parents, normalement? J'en sais rien, j'ai plus de parents moi! Trop de questions se bousculent dans ma tête, et mon regard apeuré se tourne vers lui. Il est concentré sur la route. Un peu avant un feu rouge, je l'interpelle : « Yukine, je.. je sais pas du tout quoi faire, là, tes parents... », comment formuler ça? Comment mettre des mots sur les peurs qui m'assaillent? Je rentre dans le flou total, jamais je n'ai vu de « famille » au complet en vrai de toute ma vie. Je vais être de trop, certainement. « Je vais les déranger, regarde-moi.. », ne parlons pas de ma tenue, hein. « Je n'ai jamais vu de parents de ma vie, c'est trop... trop.. bizarre, je... j'ai peur, là.. ». Pour le niveau d'expression orale, on repassera, hein. Et puis n'avais-je pas entrevu un article du magazine people du lycée qui évoquait sa relation avec ma prof de danse? Je veux dire, sur le coup j'avais trouvé ça idiot, mais maintenant que j'y pense, ça doit être vrai, non? « Et puis tu sors avec Hazel, c'est vraiment étrange que tu m'emmènes les voir! Ils vont me prendre pour... pour... ». Entre temps, il a redémarré, bien sûr. Ouch, je crois que c'est cet immeuble. C'est forcément, celui-là, puisqu'il s'arrête..

tenue > C'est bien la première qui parvient à arrêter ma colère et à stopper mes gestes. Cas contraire, ce gars serait déjà à l'hôpital pour un séjour de quelques semaines. Maylie est bien trop gentille avec ce sale type, alors qu'il mérite quelques claques dans la figure. Heureusement que j'étais là pour la sortir de ses griffes, jurant contre la perversité de cet homme qui prend déjà ses jambes à son cou. Sans moi, où serait-elle à l'instant présent ? Sans moi, dans quel état serait-elle ? Je n'ose pas penser à ce "et si" affligeant et démoralisant, parce qu'il n'existe pas. Je suis là, j'ai été là au bon moment, au bon endroit. Destin, hasard, ou qu'importe quoi. Je n'y crois pas, c'est sûr, mais d'un autre côté, comment ai-je pu être là au moment précis ? Peut-être qu'il y a de ça, mais jamais je n'aurai cru cela possible. Nous ne sommes pas dans un film, après tout. Je ne crois pas au coup de théâtre, ni aux scènes organisées à l'avance. Si ça arrive d'une manière ou d'une autre, c'est que cela doit arriver quand même. Finalement, sa main glisse dans la mienne et je ne proteste pas pour me défaire de ce contact, la laissant pleurer tout son soûl. Elle n'a  pas besoin de se cacher, ni d'être discrète si cela peut vraiment l'aider à mieux se sentir. Après notre première rencontre tumultueuse, Maylie n'a pas versé une seule larme. Après cette nuit où on a parlé tous les deux, elle n'a pas pleuré non plus. Cette fois-là, après avoir manqué de peu l'agression, la jeune fille s'autorise à ouvrir les vannes. Je ne vais pas lui reprocher, loin de là. Je pourrais même lui donner ma chemise pour la terminer, si elle peut retrouver le sourire et oublier ce mauvais passage. Ma maladresse doit se sentir dans mes gestes ou dans les battements irréguliers de mon coeur. Je n'ai jamais eu à faire avec une telle situation jusqu'à aujourd'hui, Maylie est un cas premier, un « début à tout ».

Cela ne me dérange pas de rester avec elle, imaginant la terreur qu'elle pourrait ressentir à ressassant cette soirée chaotique. Je ne vais pas l'abandonner et lui dire de se débrouiller. Je sais d'avance qu'elle n'en serait pas capable, qu'elle est bien trop fragile pour cela. Alors j'accepte sa présence, comme elle peut désirer la mienne. Jugeant de sa tenue, je la réprimande à moitié sur le fait que les enfoirés s'en fichent pas mal qu'elle fasse attention ou non. Elle ne peut pas savoir le bordel qui se déroule dans leur tête, heureusement. La vie est bizarre parfois, mais faut savoir s’accommoder pour ne pas avoir d'ennuie. En prenant les dangers en compte, nous parvenons sûrement à un meilleur résultat. Cas contraire, nous terminons un peu comme Maylie, prit au dépourvu face à la cruauté des mauvaises personnes. Ma veste ne sera sûrement pas suffisante pour la protéger de la noirceur du monde, mais elle est très pratique pour le froid. Premier refus de la jeune fille, mais j'insiste pour qu'elle la mette, n'ayant pas besoin de cela. Celle-ci sur son dos, je peux me sentir rassuré et arrêter d'être sur son dos pour un rien. Je l'entends faire un commentaire sur mon odeur et je souris, un regard dans sa direction. « Normal, c'est de l'hugo boss. » Genre, comme si étaler une telle information changerait quelque chose. Maylie paraît surprise par son propre commentaire, tandis que j'y réponds bêtement. Décidément, c'est étrange entre nous. Je ne comprends qu'à moitié ce qu'elle raconte, souriant vaguement à sa demande. Je vais bien finir par y entrer, qu'elle se rassure. En attendant, je réponds à ses questions, à savoir pourquoi j'étais là et ce que je faisais avant. Une simple soirée de routine, même si celle-ci n'est plus aussi habituelle qu'auparavant. à ma réponse, Maylie se cogne la tête sans que je ne comprenne sa réaction. Ai-je dis un truc déplacé ? Juste pour ça ? Je lui donne une tape sur la tête en riant doucement, elle est vraiment... « Idiote. » Voilà, c'est le mot juste pour la décrire. « Ce n'est pas eux qui ont besoin de moi pour le moment. Ils pourront se passer de moi, ne t'en fais pas. » Je l'empêche de partir avec un sourire franc, ne voulant pas qu'elle aille se jeter dans la gueule d'un autre loup. De toute façon, ce qui est fait, est fait. Ce qui est décidé, est décidé.

Chez moi. Je ne sais pas ce qu'elle s'imagine sur moi, si elle pense que je vis seul dans un appartement ou ailleurs, mais je risque de la décevoir dès l'instant où je lui dirais que je vis encore chez mes parents. Nous ne possédons pas la même vie, évoluant dans deux univers complètement différent. Pourtant, ça ne me dérange pas de la ramener là-bas, ni même de la présenter à mes parents. Ils ne verront rien de malsain en elle, même si elle porte une jupe plutôt provocante. Avant de répondre franchement à sa question, je lui signe de bien s'installer sur le siège pour que je puisse refermer la portière et prendre place du côté conducteur. Une fois correctement assis face au volant, je peux activer la fermeture des portes pour ne pas qu'elle sorte ou tente de s'échapper suite à ma prochaine réponse. ça ne risque pas de lui plaire, à mon avis. Le moteur en marche, je peux facilement lui répondre à propose de « chez moi » et de mes parents, comme prévu, elle réagit à cela. C'était prévu d'avance, Maylie est transparente dans ce genre d'instant. « Ne fais rien ?» Aussi simple que ça, tu meures. Mes parents ne sont pas des monstres, ni des vampires, elle ne risque rien avec eux. La regarder ? Je sais très bien à quoi elle ressemble, mais cela ne sera pas un problème. Mon regard ne quitte pas la route, très attentif à celle-ci, surtout de nuit et malgré que mes phrases éclairent à merveille. « Maylie, ce ne sont que mes parents. Calme-toi, ils ne vont pas te manger. » J'aimerai vraiment qu'elle relativise et prenne ça un peu mieux. « Dis-toi que tu pourras goûter deux secondes à une vie de famille, ce n'est pas si mal. » Je fais pianoter mes doigts sur le volant, un sourire en coin. De quoi a-t-elle peur ? De mes parents ? Du fait que ce soit des adultes respectables itou ? Ils en ont vues des vertes et des pas mûres avec moi, qu'elle se rassure. Q.U.O.I ? Hazel ? Qu'est-ce que Hazel vient faire là ? Mon pied s'écrase brusquement sur la pédale de frein, forçant le véhicule à piler net. Heureusement que personne ne circule derrière nous, sinon je me serais fait emboutir l'arrière-train. « De quoi est-ce que tu parles ? Je ne sors pas avec Hazel et mes parents ne l'ont jamais vu non plus. Maylie ? Où est-ce que tu as entendu cela ? » Je ne suis pas parano, mais y a quand même de quoi s'inquiéter avec les paroles de Maylie. Reprenant doucement mon calme, je rallume le moteur pour reprendre la route, tournant à un embranchement qui nous fait changer de quartier. Même dans ces moments-là, Hazel est présente ? Qui d'autre pense que je sors avec ma professeure ? Elle est... « Trop vieille pour moi.. » Marmonnais-je, avant de soupirer. C'est juste ma professeure de danse, mon entraîneuse personnelle.

tenue > Pleurer devant quelqu'un, c'est un peu étrange. Depuis la mort de Charlie, les seules choses qui ont pu me faire pleurer sont le cimetière et la danse. Le cimetière parce que mon frère y était, qu'il était froid, dans la terre, sous mes pieds, et que jamais plus je n'entendrais son rire, ne verrai sa chaleur. La danse parce que je m'y étais plongé corps et âme. Je n'avais plus que ça. Les blessures physiques pansaient mes blessures morales. Quand mes chaussons de danse me faisaient souffrir, quand mes pieds saignaient à l'intérieur car j'avais trop forcé, quand mon dos me tirait pendant les sauts, je n'y pensais plus, j'étais focalisé sur la réalisation de mes pas. Il n'y avait que ça qui importait ; même si des larmes brouillaient parfois ma vue, elles n'étaient pas amères. Elles étaient humaines. Avec Hazel, j'ai apprit à ne plus danser pour danser, mais à danser pour parler, expliquer aux gens ce qu'était mon histoire. Je ne dansais plus pour occulter Charlie, mais pour le révéler. Ce soir là, quand elle m'avait présentée à des danseurs professionnels, c'est ça que j'ai enfin comprit. Et je ne pensais plus pleurer de si tôt ; je me sentais mature, invincible. La preuve est, à cette instant, que non, je ne l'étais pas, loin de là. Que de soulagement, j'avais pu pleurer dans les bras de Yukine ; soulagement pour moi, mais pour lui aussi. Il n'était pas blessé, tout allait bien, il me l'avait dit. Il frottait mon dos doucement, il ne lâchait pas ma main ; j'étais entourée de sécurité, au milieu de cette ruelle qui tout à l'heure ne m'inspirait pour autant que de la douleur. J'aurais pu rester ici toute ma vie, sans problèmes. Du moins, c'est ce que je pensais à cet instant.

Il voulait bien rester, recoller un peu les morceaux de mon innocence avec moi. Une vague de chaleur avait soudainement envahi mon cœur. Il était adorable, à s’inquiéter comme ça, pour ma tenue. Ça me ferait presque sourire, rougir. Yukine a la particularité incroyable de réussir à m'arracher les deux en même temps. Il panse mes blessures directement, sans qu'elles n'aient le temps de se rouvrir. Il reste doux, gentil, présent. Je ressemble à une gamine égoïste, mais je ne peux pas m'en empêcher. Je suis pas seulement la jeune fille en fleur que tout le monde imagine, j'ai aussi des défauts, qui parfois ressortent trop à mon goût. En acceptant sous la menace presque de porter la veste de Yukine, j'avais l'impression d'abuser de sa gentillesse. Parce que chez moi, dans la vie que j'ai vécu, une veste c'est important. C'est qu'il me manquait, à Seattle, quand j'attendais le retour de mon frère dans l'humidité d'une cachette différente tous les soirs. C'est ce qu'il lui manquait à lui quand il me prêtait la sienne en revenant du travail exténué. Pourquoi avais-je toujours l'impression de revoir Charlie en Yukine? Ils se seraient bien entendu, j'en suis sûre. Alors je laisse le parfum de mon vis-à-vis envahir mes narines, profitant de son odeur rassurante, allant jusqu'à le complimenter dessus comme une idiote. Il répond une nouvelle fois comme si c'était une blague, comme pour « crâner » : Hugo Boss. Je pouffe de rire, soulagée quelque part. On a vraiment pas la même vision des choses. Il arrive à me faire passer par toutes les émotions, c'est dingue. Quand j'apprends pourquoi il est dehors à cette heure, je ne peux m'empêcher de m'en vouloir, alors que cette culpabilité venait tout juste de sortir de mon esprit. Il devait sortir avec des amis, et au lieu de ça il doit se coltiner une brunette gamine et collante, qu'il a eu le malheur de bien vouloir aider. Je vais jusqu'à me cogner contre l'embrasure de la portière. Il me traite d'idiote alors que je frotte mon front, et par réflexe je lui tape l'épaule en lâchant : « Yah! ». Il termine sa phrase et je rougis immédiatement en détournant le regard. C'est vrai que j'ai besoin de lui, mais mettre des mots dessus c'est étrange quand même. Il m'empêche de partir, encore entrain de sourire, et je soupire doucement : « D'accord.. ». Croisant les bras autour de mon corps frêle, je bougonne quand même : « ... mais je culpabilise, s'pèce d'idiot. ». Je garde un air renfrogné sur le visage, comprenant que je me comporte vraiment comme une gamine de trois ans.

Une chose est sûre, Yukine et moi sommes différents, totalement différents. C'est même étrange que l'on s'entende bien à ce point-là. Je représente ce qu'il n'aime pas chez une fille, et il représente ce que je n'aime pas chez un garçon. Pas que, en fait. Il est comparable à mon frère, mais pour autant il s'en éloigne sur beaucoup de terrains. C'est agréable de passer du temps avec Yukine. Pourtant, je ne sais pas grand chose de lui ; le hip-hop, la richesse, la rue. Tout simplement. Son caractère, un peu, aussi. Mais je ne sais pas où il vit, s'il a une copine, des frères ou des sœurs, un chien, un poisson rouge, s'il préfère le rouge ou le bleu, le jour ou la nuit, l'été ou l'hiver. Il reste mystérieux, mais comme la vie a décidé de nous réunir de nombreuses fois, j'en profite pour piocher des informations par-ci par-là. Quand je lui demande de m'amener chez lui, je ne m'attends pas à quelque chose en particulier. Mais c'est sûr qu'a tête reposée, je l'aurais plutôt imaginé vivant seul, détestant papa/maman, ce genre de clichés, vous savez? Le stress monta quand il me parla de ses parents, mais je ne pus faire un seul geste vers la sortie ; tout était verrouillé. Quand l'avait-il fait? Je lui lançais un regard perdu et désespéré, en lui exprimant rapidement mes craintes. Des parents, c'est genre tellement l'angoisse pour moi, si vous saviez. Je sais pas du tout comment je dois me comporter, j'en ai jamais eu de ma vie. Je sens mon pouls s’accélérer, j'inspire de l'air pour essayer de me calmer alors qu'il me répond, avec cet air désabusé qu'il a parfois. Vous savez, quand il trouve quelque chose exagéré, bête, idiot... bref, il l'a souvent avec moi. Ne rien faire? Que des parents? Me calmer? J'ouvre de grands yeux face à ses réponses, qui sont bien loin de me rassurer. Et soudain, il a cette phrase, un sourire en coin sur les lèvres, qui fini de m'achever. Goûter quelques secondes à une vie de famille? Je retiens un sanglot et des larmes qui menacent de couler. Il n'avait pas vraiment dit ça, si? J'étais quoi pour lui, il avait pitié de moi, c'était ça? Et puis d'où il savait que je n'avais plus mes parents? Quel abruti. Les yeux brillant sous le coup de l'émotion, le regard dur, je le fixais, et lâchais d'une voix tremblante : « Ne parle pas de ce que tu ne connais pas. Je ne sais même pas d'où sais tout ça, sur le fait que je n'ai plus mes parents, et je ne veux pas le savoir. Tu ne peux pas comprendre, c'est tout. ». J'avais été un peu trop sèche à mon goût, mais tant pis. C'est pas le genre de choses que j'aime qu'on prenne à légère. Je me retourne et essuie vivement les larmes qui menacent de tomber à nouveau...

… et je me souviens de ce que j'avais lu. L'article dans le Royal dont tout le monde avait parlé, sur Yukine et Hazel. Comme quoi ils s'entraînaient ensemble, voir plus si affinités. En effet, ils étaient déclarés en couple par le magazine people. Et moi je ne voulais pas avoir de problèmes avec qui que se soit, encore moins ma professeure préférée si elle apprenait que j'étais entrée dans cette tenue dans la maison de son petit-ami ; ce « Royal Shit » pouvait être impitoyable. Alors je lance le sujet, oubliant ma saute d'humeur d'il y a quelques secondes. Il s'arrête brusquement et mon dos heurte le siège sur lequel je suis assise. Je le regarde, tentant de discerner le mensonge dans son regard. Mais là, il a juste l'air désemparé. C'est faux, alors? Pourquoi ça me soulage à ce point..? « Je l'ai... lu.. dans le... tu sais le journal du lycée, là... le Royal Shit... ». Je me sens soudainement très bête d'avoir pu croire une telle chose. Je vois très mal ce qu'une femme parfaite comme Hazel trouverait à Yukine et son caractère changeant. Il reprend la route et marmonne dans sa barbe inexistante qu'elle est trop vieille pour lui. Il soupire et je me permet de rectifier : « Trop parfaite, tu veux dire? ». J'éclate de rire ensuite avant me reconcentrer sur la route. J'ai toujours aussi peur d'arriver..

tenue > Quelques jours plus tôt, il était clair que cette jeune fille et moi ne pourront jamais être amis. Je la détestais pour sa passion du classique, sa façon de danser avec grâce et douceur, sa tenue de fille délicate à l'allure fine et frêle. Tout chez elle me donnait envie de la refouler, de la haïr, puis il y a eu ce soir-là. Ce soir où mes colocataires de chambre ne se sont pas décarcassés pour moi quand j'avais perdu mes clés et engagé une bagarre sous la pluie à en tomber malade. La seule personne présente fut Maylie, celle qui m'a accueillit dans sa chambre, prêté des vêtements à son frère et préparé un chocolat chaud en poudre avec de l'eau bouillante. J'ignore à quel moment notre relation à changer, mais depuis ce soir-là, je m'entends beaucoup mieux avec elle. Au point que je n'ai pu m'empêcher de défoncer le nez d'un sale type et vouloir la consoler en frottant doucement son dos. C'est stupide, mais c'est bien la première fois qu'une fille pleures sincèrement dans mes bras. Qu'est-ce que nous sommes l'un pour l'autre ? Jusqu'à aujourd'hui, le mot « ami » n'a pas trop collé... Est-ce que cela pourrait changer ? Maylie pourrait devenir une amie, au même titre que les gars qui traînent souvent avec moi ? C'est compliqué, encore une fois. Ma veste doit être un gage d'amitié, ou simplement une envie qu'elle n'attrape pas mal. Je ne voudrais pas qu'elle choppe un rhume à cause du froid et de sa tenue légère, puis nous sommes dans ma voiture, je n'ai rien à craindre de la température avec le chauffage. De toute façon, j'en ai dix des comme ça. Maylie n'a jamais eu la vie facile, mais moi oui. Comparé à elle, je ne manque de rien, que ce soit les vêtements, les médicaments ou les potes. Je dispose même des dernières marques en vente, comme celle de mon parfum qu'elle hûme tranquillement. Nous sommes bien différent, et je continue de m'en rendre compte chaque seconde.

Ma soirée n'est pas si nulle, même si je lâche mes potes pour aider une jeune fille en détresse. Je me suis quand même amusé jusqu'à présent, j'ai largement profité d'eux pour m’éclipser avec une excuse du genre « je suis fatigué, à plus » et continuer ma soirée avec Maylie. Je ne suis pas un gamin, je sais me débrouiller seul. Elle devrait le savoir, je suis en droit de faire ce qu'il me plait, quand je le désire. Pour le moment, je suis avec elle et j'en profite un peu. Ses réactions deviennent moins timides, plus osés et je souris quand elle tape mon épaule. Elle n'a pas à déguerpir quand je l'accepte, ce serait le pompon. « Culpabiliser de quoi, gamine ? » Des fois, je me demande si elle est vraiment mature. Je comprends ce que peut vivre Hazel avec moi, quand je me bloque sur mes préjugés et mes propos désopilants. Maylie aussi a un caractère bien à elle, du genre timide, renfermée, sensible et sûrement fragile. Je n'ai vu que cela jusqu'à présent, comme si je la confrontais à ses défauts en mettant les miens en avant. Après tout, la première chose qu'elle a pu voir de moi était détestable, à couper au couteau. à ce moment-là, elle n'a fait que s'écraser, se taire, sans donner l'aperçu d'un caractère fort. Il a fallut qu'elle insiste sur mon état de santé pour sembler moins cassable et à prendre avec des pincettes. Quoi que, je ne l'ai jamais fait avec elle. J'ai rarement été sympathique et doux, même maintenant. Bien que je ne refuse en rien ses demandes, que mes parents soient présents ou non. En quoi cela l'inquiète t'elle ? C'est bien le genre à fuir quand la situation empire, mais je l'empêche d'ouvrir la portière en la verrouillant. Elle a peur de mes parents, de leur jugement ou de leurs regards. Elle a tord de s'inquiéter autant, alors qu'ils ne sont pas bien méchant. Mes parents pensent énormément à leur boulot, à l'avenir de notre famille, mais même s'ils m'ignorent parfois et me laissent souvent seul, ils ne sont pas horrible ou indigne. Quand ils sont là, ils font attention à tout, de leur fils jusqu'à la maison. Maylie n'a pas à avoir peur d'une famille, elle peut même tester les effets d'être autour d'une table pour un repas à plusieurs. Je suis sincère, elle pourrait y goûter un temps.

Elle-même l'a dit, elle n'a jamais vu de parent de sa vie. Je suppose que les siens en font donc partie. Néanmoins, elle le prend mal et je le ressens dans sa voix, dans sa façon de parler. J'ai fait une gaffe en voulant être gentil, ça m'apprendra. « Je l'ai déduis, tout simplement. » Je me contente d'une simple réponse, perdant doucement mon sourire. évidement que je ne sais pas, j'ai toujours eu des parents, une famille, de l'argent. Nous sommes beaucoup trop différent, finalement. J'aurai dû me taire, moi aussi. Toujours à l'ouvrir quand il faut pas, et après ça interprète mal mes paroles. Je ne voulais pas être désagréable pour une fois, ni faire croire à de la pitié. Tant pis, j'abandonne pour me concentrer sur la route, oubliant la discussion précédente. Maylie en relance une autre, pas des plus géniales par contre. Cette histoire du royal shit m'est toujours passé par-dessus la tête, mais pas par la siennes. Qui pourrait bien croire que je sors avec ma professeure de danse, sérieusement ? J'aurai pu m'en étouffer tellement c'est hilarant et sans intérêt, à la place, je donne un brusque coup de frein. Elle croit franchement à ça ? C'est stupide, et faudrait vraiment qu'elle le sache. « Tu crois vraiment ces débilités, toi ? » Où sont les preuves de notre relation ? Une photo ? Des témoins ? Encore, si nous nous étions embrassés, je n'aurai aucune défense, mais ce n'est pas le cas. Pas de preuve, pas d'affirmation. Je ne suis pas flic, ni détective, mais je sais à quoi m'en tenir avec ces trucs-là.

Reprenant la route, je manque un deuxième coup de frein quand elle rectifie ma remarque. Parfaite ? Hazel ? Je pouffe de rire, incrédule. « Quoi ? Tu l'admire ? Ne me dis pas que tu es fan d'elle ou un truc dans l'genre ? Par pitié, c'est une folle. » Gentil ? Je n'ai jamais dit l'être. Avec Hazel, c'est une histoire de danse avant tout, mais ça ne m'empêche pas d'être vache avec ma professeure. Les rues défilent et nous arrivons rapidement dans mon quartier, puis vers ma maison. Je garde ma voiture le long du trottoir, cherchant mes clés dans l'une de mes poches. Le petit portail s'ouvre avec une clé, tandis que le grand est électrique et à distance. Pour ce soir, je laisserai ma Jeep dehors. « Ne prends pas peur et relaxe. Je n'ai pas de chien, si cela peut t'inquiéter davantage. » Je lui fais signe de me suivre après avoir déverrouillé les portes et quitte la voiture en premier, rejoignant de trottoir qui se trouve de son côté. Encore deux pas et nous sommes devant le portail. J'attends qu'elle soit dehors pour verrouiller ma voiture et ouvrir manuellement la porte en fer qui donne sur un grand jardin japonais. Niveau déco et style, y a de quoi faire.

tenue > Je sais pas à partir de quand on pourra se considérer comme « proches », tous les deux. Ça faisait longtemps que je n'avais pas parlé avec un garçon aussi naturellement. Avec Andrew, bien sûr, ça nous arrive. Mais c'est pas du tout la même relation. Je me sens comme en lien avec Yukine, j'ai besoin de l'aider, d'être proche de lui, d'être sûre qu'il va bien. Je ne sais pas pourquoi. Il réveille une sorte d'instinct maternel chez moi. Pourtant, aujourd'hui, c'est l'exact inverse qui vient de se produire. C'est lui qui vient de me sortir des griffes du loup. De me prêter sa veste. D'accepter de rester avec moi pour éviter que je ne me ressasse ce mauvais passage de ma vie en boucle. On a souvent l'impression qu'on est tout seul. Je vais pas mentir, ça m'arrive souvent, très souvent. Mais quand on a une passion, comme la mienne ou celle de Yukine, on ne reste pas bien seul longtemps. On rencontre des gens comme nous, qui nous comprennent. Ou simplement le fait de pratiquer notre art, de danser, nous comble bien plus qu'une présence à nos côtés. C'est mon simple point de vue, mais j'ai remarqué ça, à force de pratiquer. Je ne souffre plus tellement de la solitude en salle de danse. Le soir, au travail, c'est pas la même. Je m'ennuie, donc je me rappelle de pleins de choses, je broie du noir ; la fatigue doit y jouer beaucoup aussi, hein. Mais toujours est-il que là, je ne suis pas seule, pas maintenant. Cette main qui reste dans la mienne n'a pas l'air décidée à me lâcher, et ça me comble de bonheur, vous ne pouvez même pas imaginer.

Mes réactions, parlons-en. Avec Yukine, je suis tellement différente de d'habitude. Lors de notre première rencontre, c'était pas vraiment la joie, mais je me suis quand même un peu « révolté », on va dire. J'ai osé hausser la voix à un certain moment ; chose que je ne fais jamais. Même le pervers qui est loin, très loin maintenant, je n'arriverais pas à l'engueuler correctement, je crois. La dernière fois, j'étais beaucoup plus détendue, plus naturelle avec lui. On a plaisanté, j'ai vraiment eu l'impression que quelque chose de positif s'est déroulé. Mettre nos préjugés sur la tapis, ça nous a fait du bien. Et ce soir, après avoir pleuré comme une enfant, rougis, réagis étrangement, me voilà à le taper comme si on se connaissait depuis super longtemps. Gamine? Alors celle-là on me l'avait jamais faite! Tentant vainement de cacher mon sourire face à sa réplique, j'essayais de prendre un air sérieux en lui disant : « Je suis pas une gamine! C'est plutôt toi le gamin, là! ». Nouvelle tape sur l'épaule. Oui, parce que le frapper, c'est le meilleur argument, dans l sens où c'est lui qui a raison, là. C'est moi la grosse gamine, pas lui. « Et puis j'ai jamais dit que j'étais une adulte! », lançais-je, avouant à moitié qu'il avait raison. « Culpabiliser parce que tu gâche ta soirée avec une fille comme moi alors que tu pourrais t'amuser en boîte avec des gens certainement beaucoup plus intéressants. ». Toujours les bras croisés, la tête rivée vers la route qui ne se mouvait pas encore, je venais de lui dira ce qui me tracassait dans cette situation. Oui, je suis ce genre de fille qui fait un tout d'un rien ; au lieu de supposer qu'il reste avec moi parce qu'il en a envie, j'élimine cette idée de mon esprit, me disant qu'il doit se sentir responsable, vu qu'il m'a aidée. Je ne peux pas imaginer que l'on souhaite ma présence. Je me trouve tout simplement ennuyante, désespérante, chiante. Quand j'étais petite, je me disais souvent que ma mère était morte parce qu'elle savait au fond qu'elle ne pourrait pas supporter une fille comme moi à ses côtés. Je me disais que mon père était partit pour les mêmes raisons. C'est en grande partie pour ça que la famille, ça me fait peur. J'ai toujours grandi en essayant de ne pas prendre de place, de m’effacer le plus possible. Je voulais qu'on oublie ma présence, ne pas être un poids. Être une jeune fille modèle. C'est que je j'ai fini par devenir, à force. Maintenant, j'ai peur qu'on l'on ne souhaite pas ma présence parce que je ne suis pas assez expansive. Des fois, je me force à rire, à parler, pour paraître plus sociale. Mais je ne le suis pas, je n'y arrive pas. L'exception avec Yukine, c'est justement le fait que je m'exprimer de façon si fluide, si naturelle, sans avoir peur de ce qu'il pourrait de moi. Pas une seule seconde je n'aurais pu penser qu'être entourée par une famille pourrait me faire du bien. Je crois que ce qui me fait peur, c'est l'inconnu, aussi. Je ne sais pas ce que c'est, je ne peux pas m'empêcher de flipper comme une enfant, encore une fois.

Sa réponse ne m'enchante pas, et je lui fais comprendre. Ce n'est pas tellement sa faute, le problème c'est moi en fait. Je crois que c'est la simple évocation de ce sujet qui me rend sèche comme ça. S'il savait ce à quoi tout ça me ramenait ; à des années en arrière, en Amérique. A la pauvreté, le froid, la faim. Il ne sait pas, il ne saura jamais. Il est né avec une cuillère en argent dans la bouche, mais c'est pas mon cas. Une nouvelle fois, en le voyant perdre son sourire, je m'en veux. Je me sens bête d'avoir pu être à ce point sur mes gardes avec lui. Il l'a déduit. Je me mords la lèvre, empêchant la suite de mes larmes de couler. Je ne réponds rien ; parfois mieux vaut garder le silence. Il ne pensait pas à mal, j'en suis sûre, et c'est ça le pire. Un jour, je m'excuserais, je le promet. Mais là, si je le fait, il va définitivement se rendre compte de mes larmes, et ça je ne suis pas d'accord. Une fois calmée, je met le Royal Shit et autre rumeurs sur le tapis. J'avais déjà été surprise par le fait qu'Hazel et Yukine s'entraînaient ensembles, donc c'est bien plausible qu'ils soient ensembles, non? On est pas dans la tête des gens, hein... Ils ont des caractères de feu, tous les deux, je me dit qu'ils doivent bien s'entendre. Le coup de frein et l'air dépité de Yukine font partir mes doutes en fumée ; c'est bon, j'ai comprit, c'est faux. Je fronce les sourcils face à ses mots, me demandant pourquoi il est vexé à ce point. « Je sais pas trop, je.. je ne le lis jamais normalement, mais là je suis tombée sur l'article... je tout le monde en parlait, alors j'ai cru... ». Je baisse les yeux, honteuse, et rougis. Décidément, je ne marque pas des points, aujourd'hui. Il doit me prendre pour une enfant naïve, immature et pitoyable. Super.

Il éclate de rire à ma remarque, et j'ai presque envie de le frapper une nouvelle fois. Hazel. Est. Parfaite. C'est tout, c'est non négociable. Un peu surprise par sa remarque, je fronce un peu plus les sourcils. Décidément. « Si, je l'admire. Et elle est loin d'être folle, elle est au contraire de bon conseil et lucide. Elle m'aide beaucoup, et j'ai cru comprendre que c'était ton cas aussi, alors ne soit pas si condescendant. ». J'avais dit tout ça d'une voix monotone, en détachant chaque mot. Hazel, c'est comme ma sœur, c'est la famille, on touche pas. Elle était dure, mais elle aimait son travail, et je savais qu'elle voulait simplement m'aider à progresser ; je ne la trouvais pas folle, bien au contraire. Je voyais venir les yeux de Yukine rouler, mais sa jeep s'arrêta sans que l'on ai pu approfondir plus le sujet. C'est pas plus mal, parce que c'est encore quelque chose qui nous met en désaccord ; et j'aime pas ça. Je regarde les alentours, hoche la tête à ce qu'il me dit. Les chiens ne me font pas vraiment peur, j'adore ça même ; je pourrais passer des heures chez Ji hyuk à jouer avec Ben & Nuts, je vous jure. Je sors à mon tour, le suivant silencieusement, observant le jardin qui se dessine devant nos yeux. Ouah. Ils sont vraiment riches, eux. Je m'approche de lui, attendant qu'il ouvre le portail en fer qui nous fait face. L'ambiance est malheureusement encore un peu électrique, et je n'ose attraper sa main à nouveau ; pourtant, c'est pas l'envie qui manque.. Je me décide à faire une remarque, marchant dans ses pas, tout à fait derrière lui : « C'est vraiment... très grand et.. beau. C'est, tu sais, comme à la télé ! ». Un sourire prit à nouveau place sur mon visage, heureuse d'avoir trouvé une comparaison valable. Mes yeux restent fixés vers le sol, je n'ose pas le regarder. La gêne, la peur se mêlent dans mon esprit, alors que ce dos rassurant face à moi, m'aide un peu à me détendre.

tenue > Arrêt sur image... Qui est l'aîné des deux ? J'ai tout les droit de la traiter de gamine, mais je ne permet pas qu'elle fasse de même avec moi, prenant un air faussement bougon. « Je suis plus vieux que toi, j'te ferai dire. » Oui parce qu'elle semble oublié que j'ai quelques années en plus. Combien exactement ? Je l'ignore. Je sais qu'elle n'a pas mon âge et qu'elle ne dépasse pas le miens, c'est largement suffisant comme déduction. En tout cas, elle apprécie bien de me taper, même si ce n'est pas douloureux, ni violent. Juste pour le geste, juste pour avoir le dernier mot sans le dire à voix haute. Ah, quel argument infaillible! « C'est bien c'que je disais. » Et je me retiens d'ajouter à nouveau « gamine ». Ses paroles me font hésiter, pas parce qu'elle a raison et que je pourrais cent fois plus m'amuser avec mes potes, mais surtout parce que je ne sais que dire pour ne pas qu'elle se dévalorise de la sorte. « Ce n'est pas la même chose, on va dire. Puis, tu n'es pas une mauvaise fille, ça ne me pose aucun problème de rester avec toi. » Que cela soit clair, je ne vais pas la lâcher et repartir avec ma bande sous prétexte qu'elle est ennuyante ou de mauvaise compagnie. Ce serait mentir, surtout en repensant à l'autre soir où elle m'a aidé. Je ne me force pas à rester avec elle, ni à la trimbaler avec moi. Je la force seulement à ne pas fuir, comme elle pourrait tenté à la moindre occasion. Je vais à l'inverse de son sens, au contraire de ses idées folles, de ses pensées négatives. Elle n'est pas une mauvaise personne, ni une mauvaise influence. C'est une fille comme une autre, une fille même plus douce et sensible que les autres. Comment pourrais-je vouloir la rejeter ? D'accord, je l'ai bien fait au départ, mais seulement pour une question stupide sur nos différentes danses. Aujourd'hui, j'évite de faire attention à ça, tant qu'on ne mélange pas les torchons et les serviettes. Dans un futur proche, cette idée risque de me coûter très cher.

La famille, c'est sacré. à mes yeux, si je suis là aujourd'hui, c'est grâce à mes parents. Peut-être qu'ils m'ont privés de certaines choses par le passé, mais ce n'est plus le cas à présent. Ils ne cherchent plus à me remettre des bâtons dans les rues, ni même à me changer ou à m'éloigner du danger. Ils ont compris à quoi je m'en tenais, ce que je voulais devenir et faire. Maylie devrait y goûter pour savoir le bien-être que ça fait. évidement, elle réagit mal à mes intentions et je me calme aussitôt pour ne pas enfoncer le couteau dans la plaie. Je suis bête. Elle me dit n'avoir jamais eu à faire avec des parents, et moi je la pousse brusquement vers une famille.  J'aurai dû prévoir le coup et lever le pied, pour ne pas l'écraser et la piétiner. Tant pis, je passe à autre chose pour ne pas m'attarder dessus et ne pas la rendre encore plus mal. Ce qui est fait, est fait. Le sujet change au bout de quelques minutes de silence, un prénom inadéquate résonnant dans l'habitacle de ma voiture. Hazel. Pourquoi parle t-elle de ma professeure de danse ? Je ne comprends pas de suite, avant qu'elle n'en vienne au fait. Hazel et moi ensemble, en couple, amoureux...  La bonne blague! Jamais de la vie je pourrais être amoureux d'une femme pareille. Je l'apprécie, mais y a une limite pour ne pas marcher sur une mine. Mon coup de frein est justifié, comme mon air renfrongé et ma façon de lui répondre. Si elle croit ces merdes, nous ne sommes pas sortis de l'auberge. « Tu crois mal. » Ce fut un peu froid pour le coup, mais je me reprends en soupirant bruyamment. Relaxe, Yukine. « Il n'y a aucune raison que je sorte avec elle, c'est juste mon entraîneuse de danse. » Elle m'aide à gravir les échelons, normal que l'on soit souvent ensemble pour bosser. Qu'importe, je préfère encore changer de sujet, reprenant la route pour ne pas m'attarder sur les rumeurs qui circulent. S'ils n'ont que ça à faire de leur vie, tant mieux pour eux. Personnellement, j'ai un avenir qui m'attends, pas besoin de ces conneries.

Ouais bon, difficile de passer à autre chose quand on me sort qu'Hazel est parfaite. J'en ris, je pourrais presque me plier en deux tellement je suffoque de rire. Quelle bonne blague, aaah ~ Une admiratrice d'Hazel, mais dans quoi me suis-je fourré, hein ? Elle va bientôt me sortir une banderole avec son nom et l'agiter devant moi telle une fan en délire. « T'en fais vraiment tout un plat, Maylie. Ouais elle m'aide, mais de là à être fan d'elle... Je vais éviter, tu m'excuseras. » Moi, ça me fait toujours autant rire. Je n'ai rien contre hazel, sauf peut-être une demi-dent contre elle sans raison, mais on se chamaille les trois quart du temps... Alors ce serait trop beau que mon comportement soit exemplaire et que je sois à la limite de lui envoyer des fleurs. Maylie devrait s'en douter, je me comporte avec notre professeure comme j'ai pu me comporter avec elle. Ma voiture garée dans l'allée de ma résidence, je clos le sujet en coupant le moteur et en assurant à Maylie de ne pas paniquer. De quoi pourrait-elle avoir peur ? Mes parents ? Ils ne sont pas cannibale, qu'elle se rassure. Finalement, nous quittons le véhicule pour franchir le portail et entrer dans mon jardin. Du luxe à perte de vue, mais ce n'est pas étonnant pour la plus part des élèves étudiant à la royal. Suivant le chemin en dalle, je la guide vers l'entrée de la villa, un perron qui amène à une énorme porte en bois vernis. « Une maison de riche, quoi. » Ajoutais-je à son commentaire, comme à la télé justement. C'est le genre de maison que l'on pourrait louer pour tourner un film, tellement elle est grande et belle. Je monte les quelques marches qui nous séparent de la porte massive et m'arrête avant de l'ouvrir. « Détends-toi, et garde ta tête haute. » Tourné vers elle, je peux l'observer un instant. Cette manie de fixer le sol m'agace, je ne voudrais pas qu'elle s'aplatisse devant mes parents alors qu'ils seront bien contents de me voir ramener une fille chez eux. Une fille avec un visage doux et un sourire chaleureux, rendant sa tenue presque inexistante.

Le temps de croiser son regard et j'en reviens à ma porte. Elle n'a vraiment pas à s'inquiéter, tout va très bien se passer. Je n'attends pas une minute de plus pour ouvrir la porte d'entrée et lui faire signe de me suivre, retirant mes chaussures devant un petit meuble avant de grimper une unique marche qui mène dans un couloir. Cette maison est immense, suffit de traverser le corridor pour déboucher sur une grande pièce, un salon et salle à manger. J'ignore encore où se trouve mes parents, mais ils ne doivent pas être bien loin. à juger l'heure tardive, ma mère doit regarder une série à la télévision et mon père profiter de son ordinateur. Ils ne m'attendent sûrement pas de si tôt, à ne pas en douter.

tenue > Je n'avais pas vraiment l'habitude de ce genre de choses ; se chamailler avec quelqu'un, ça ne rentrait pas tellement dans mes possibilités normalement. Parce que c'était bien se qu'on faisait non? On se chamaillait pour une broutille, hein? Je rentrais dans son jeu, tellement facilement que je me surprenais moi-même. Maylie, t'a enfermé ta timidité dans un placard, ou t'essaie de l'étouffer pour faire bonne figure devant Yukine? Hum, je crois que c'est plutôt ça, oui. Quoi que, je me surprend à réagir « naturellement », même si c'était comme si une autre personne parlait et agissait à ma place. « Pfff, plus vieux, j'ai aucune preuve. Ça se trouve t'a dix-huit ans. », je jette un coup d’œil au volant qu'il dirige, et me ravise : « Ouais, bon, sûrement plus que dix-huit ans, en fait. ». Erm. A moins qu'il ai eu son permis dans une pochette surprise, il doit avoir au moins 20 ans. Je détourne le regard, après avoir répliqué d'une tape et d'une phrase que je regrettais aussitôt après l'avoir prononcé. Maylie, Maylie. Tu racontes n'importe quoi, ce soir. J'admet qu'il a raison d'un soupir mi-agacé mi-amusé. Je lance ensuite le sujet de ma culpabilité grandissante au fil du temps qui s'écoule, et tourne la tête vers lui, surprise face à sa réplique. Yukine fonctionne beaucoup par double négation, j'ai remarqué. Au lieu de faire un compliment ou de dire un truc positif, il nie quelque chose de négatif. Par exemple, au lieu de me que je suis quelqu'un de bien, il dit que je ne suis pas une mauvaise fille, m'voyez? C'est pour nuancer son propos, rester dans son rôle de bad boy solitaire. Un petit sourire m'échappe à cette pensée ; je suis touchée, au fond. « Merci. », murmurais-je quelques secondes après, détournant le regard par la suite. Je ne peux pas m'empêcher de me dire que Yukine agit ainsi avec moi parce que je l'ai aidée la première. Il se sent redevable? On dirait pas, mais bon, on sait jamais hein. Je sens toute petite face à lui, lui qui semble avec un avis sur pleins de choses, et n'avoir aucun problème à l'exprimer. Quand j'étais plus jeune, pour entendre le son de ma voix fallait se lever tôt. En grandissant, j'essaie de m'adapter plus aux autres, histoire de ne pas être un poids. Hazel m'apprend à prendre confiance, à m'affirmer. Je crois que j'ai encore du chemin à faire, mais un jour j'y arriverais. Je me demande à quoi ressemble un cours entre Hazel et Yukine... Je veux dire... Il a l'air un peu « insolent », et elle, elle a du caractère et de la répartie. Ils doivent s'en mettre plein la tête, nan?

Je devrais être touchée par la prévenance de Yukine, mais je n'y arrive pas, je me braque directement. Je vais certainement mettre un moment avant de réussir à lui parler famille et fratrie. Déjà avec Hazel, j'ai peu évoqué mes origines, alors lui... Il s'arrête aussitôt, se tait, me laisse avec ma réaction nulle et mes idées noires. Je chasse tout ça de ma tête, et m'autorise cette fois-ci à ne pas culpabiliser. Il n'y a rien, moi je n'ai rien, personne avec qui vivre, personne qui me consolera de mes cauchemars, personne qui m'attend quand je rentre le soir. Plus personne. Fin de l'histoire. Le sujet dérive finalement sur le Royal Shit, et ça ne semble pas l'enchanter plus que ça. Je panique d'aller chez lui à cause de sa relation avec Hazel, et visiblement tout ça c'est n'importe quoi. Son coup de frein et son air effaré me le font comprendre. Il me répond froidement, et je peux sentir tout le mépris que cette histoire lui inspire dans son regard. Je ne peux plus le soutenir, et je baisse les yeux, lâchement, comme je sais si bien le faire. « Pardon, je voulais pas.. excuse-moi. », concluais-je en regardant mes doigts entremêlés sur mes genoux. Je passe pour une idiote naïve, une victime crédule et parfaite pour ce genre de revues. Je me mordille la lèvre, avant de protester tout pour défendre ma professeure. J'ai beaucoup de respect pour Hazel, jamais je ne pourrais la dénigrer comme il le fait. Je me fais rembarrer sans surprise, puisque visiblement j'en fais tout un plat. Je choisis de me taire, de clore cette conversation sans piper un mot. Je regarde par la vitre, laissant sans m'en rendre compte l'atmosphère devenir pesante. Je n'ai pas envie d'arriver, mais j'ai hâte de sortir pour respirer l'air frais.

Il se gare, j'ouvre ma portière et prend une grande inspiration avant d'observer les alentours. Tout est plongé dans l'obscurité opaque du soir, et pourtant on distingue le raffinement du jardin. Je commente vaguement la beauté de la maison, et mon guide me répond simplement. Ouais, c'est ça, une maison de riche. Je le suis, l'angoisse monte un peu, l'électricité dans l'air ; j'ai l'impression de l'agacer et ça me rend mal à l'aise. J'ai envie de m'excuser encore, mais j'ai peur de l'embêter encore plus. Je fixe le sol en reprenant la respiration, avant de m'arrêter à sa hauteur, comme lui. Mon visage se relève vers le sien et une vague de chaleur emplit mon cœur soudainement. Ses « encouragements » me font plaisir, je me force donc a ne pas observer les marches une nouvelle fois. Je lui souris faiblement en hochant la tête, mes batteries rechargées à bloc. J'enlève mes chaussures à sa suite, regardant attentivement l'agencement de cette maison spacieuse et richement décorée. C'est incroyable comme on se croirait dans un film, sérieux. Mon appartement doit rentrer au moins vingt fois dans cette maison, si ce n'est plus! Je suis mon hôte du jour, peu assurée. Je relève mes cheveux et continue de garder la tête haute ; en même temps, avec tout ce qu'il y a voir ici, c'est difficile de faire autrement. Une question me vient à l'esprit, et j'attrape la manche de Yukine pour attirer son attention. Je me rend alors compte que je porte encore sa veste et m'exclame aussitôt : « Tu veux reprendre ta veste? ». On est plus dehors, et en plus on est chez lui, ça paraîtrait normal qu'il ai envie de la récupérer.

« Tu es né ici? Je veux dire, c'est la maison de ton enfance? », c'est ce que je me demandais tout à l'heure. Je le fixe attendant une réponse, n'ayant pas jugé ma question trop « indiscrète ». J'essaie de renouer le dialogue, ma façon de m'excuser sans le faire. Il a du recevoir pleins de remarques désobligeantes sur sa pseudo relation avec Hazel, et moi j'en rajoute, juste après avec été froide avec lui ; problème de timing. Je lui souris, continuant de marcher à ses côtés. Oui, je ne pense plus tellement à ses parents, là.

tenue > Dix-huit ans ? Je rêve où elle me traite ouvertement de gamin ? Je suis majeur et vacciné, pas un petit merdeux qui dépend encore de ses parents pour sortir et vivre. Je fis mine d'être vexé en lui lançant un regard plutôt noir, avant de lâcher un « hmpf » faussement contrarié. Heureusement que je fais plus de dix-huit ans! La honte sinon. « Tu sous-entends que j'ai la tête d'un gamin ? Je ne pourrais pas conduire si j'avais dix-huit ans. » Veut-elle voir ma carte d'identité et juger par elle-même que j'ai raison ? Bref, de toute façon le sujet change rapidement et j'en viens à lui répondre bizarrement -pour ne pas changer-. Je pourrais lui dire des trucs sympathiques et acquiescer la moindre de ses paroles, mais non. Je trouve encore le moyen d'être de son côté en restant du miens. C'est une fille bien, mais je préfère dire qu'elle n'a pas l'air méchante, ni mauvaise. C'est un peu ma façon de communiquer, elle devrait s'en rendre compte depuis le temps, non ? Ce n'est que la vérité, pourquoi me remercier ? J'ai toujours dit les choses qui me passaient par la tête clairement et avec une netteté à ne pas négliger. Je suis franc, quelque peu insolent mais c'est grâce à cela que je tiens aussi facilement dans les quartiers chauds et malfamés de Tokyo. Un caractère qui ne donne pas envie de s'y frotter, comme un porc-épic. La seule qui s'y risque comme une panthère aguerrit reste Hazel, la professeure de danse classique et underground. Elle sait éviter mes attaques, sans se piquer face à mes dards. à part capituler ou attendre la bonne occasion de riposter, je ne peux que suivre le courant sans vouloir remonter à contre sens. De tout manière, on s'entends mieux depuis quelques temps déjà. Une entente étrange mais pacifiste, qui n'est pas si étonnante à dire vrai. Les fauves se sont calmés, ils ont passés un accord commun sur la manière de partager un territoire pour en rester chef à leur manière. Mais à la moindre incartades, ça risque de repartir en bataille acharnée.

Parler famille n'est pas la meilleure chose à faire avec Maylie, je devrais m'en douter et surtout le savoir à l'avenir.  C'est un sujet que je clos par moi-même et range dans un dossier à ne pas ouvrir de nouveau. La prochaine fois, je ne ferais pas la gaffe, à moins de vraiment vouloir la blesser et cela intentionnellement. Je ne suis pas un mauvais garçon, mais quand je connais les points sensibles des gens, j'ai tendance à m'en servir pour les réduire au silence, quasiment à néant. Prendre le dessus, c'est souvent mon truc. Mais on dérive sur un sujet qui me ferait presque rire, le royal shit. Une belle merde, comme son nom l'indique. D'après lui, je sortirais avec Hazel ou elle serait enceinte... Mais bien sûr! Et le chocolat met la marmotte dans le papier alu'. Un coup de frein et je tente de mettre les choses au claire sur cette stupide histoire de couple et de bébé. Je n'ai jamais rien fait avec mon aînée, et je ne compte jamais rien faire avec. Maylie s'excuse, mais je ne peux pas lui en vouloir de croire ces idioties. « Qu'importe, ce n'est rien. » Et je passe pour mieux critiquer Hazel, même si je l'apprécie dans le fond. C'est plus fort que moi, je dois m'imposer des barrières à me montrer si désagréable avec elle. à nous voir, on dirait deux chiens qui se disputent un morceau de viande, à qui aura la meilleure dentition pour se l'accaparer. Maylie lâche l'affaire avant moi, résignée à se taire. Pff, j'aurai dû m'en douter qu'elle n'aimait pas les conflits et que le silence reste la meilleure option pour ignorer l'autre. Tant pis, je resterai tête quoi qu'il arrive.

Arrivé dans mon quartier, je me gare à mon emplacement habituel et  laisse la miss quitter la voiture pour la refermer derrière nous. à voir comme ça, j'habite vraiment dans une maison de luxe. Un jardin à la japonais, une maison moderne et puant la richesse. Bref, rien de comparable avec les boursiers de l'école, je suppose. Maylie commente l'habitat comme si c'était la maison d'une star ou d'un président, et pourtant ce n'est rien de tout cela. Je l'invite donc à me suivre dans mon palace, ignorant complètement ses angoisses et ses peurs. Elle n'a rien à craindre, si ce n'est se faire interroger par mes parents plutôt curieux de savoir avec qui traîne son adorable fils. Ils ont eu droit à des versions non fréquentable de mon entourage, alors voir une charmante fille à mes côtés... Ils vont adorer. Sa peur n'est pas loin de m'atteindre si elle continue à trembler de la sorte. J'en profite pour la rassurer et l'encourager, surtout parce qu'elle n'a pas lieu de s'inquiéter. Ce n'est que ma famille, que mes parents. Au pire, ils vont m'accuser de ramener une fille trop bien pour moi, les connaissant. Avant que je puisse faire un pas de plus, Maylie m'arrête et je tourne ma tête vers elle. « Garde là si tu as encore froid, j'en ai d'autre. » Elle risque d'avoir encore besoin en quittant ma maison, surtout pour sa tenue en piteuse état. Finalement, je lui fais signe de la garder. « Je n'ai jamais déménagé, si c'est ce que tu veux savoir. J'habite ici aussi loin que je m'en souvienne. » Répondis-je simplement, entrant dans le salon où une paire d'oeil se pose sur moi, puis sur Maylie.

« Salut M'man, je ramène une amie. » Sur le coup, elle semble surprise et tente rapidement de se recoiffer, sûrement pas prête à accueillir de la visite. « Ah Yuki! Tu aurais pu prévenir avant! » Mais maman, on s'en fiche de tes cheveux. Elle porte encore sa tenue du boulot, un tailleur tiré par quatre épingles. Quant à mon père, il quitte son fauteuil avec un grand sourire, le visage rayonnant malgré son allure de scientifique fou. « Bonsoir demoiselle, je suis le père de ce cancre, enchanté. » Voilà à quoi ressemble mes parents en réalité, des babacool. D'un soupir, je m'excuse en silence auprès de Maylie. Encore quelques minutes et nous pourrons filer dans ma chambre pour avoir la paix.

tenue > Oups? Je devrais réfléchir plus avant de dire des choses comme ça. Mais il fait jeune, c'est pas de ma faute quand même... Je le fixe, interdite, observant attentivement ses réactions. Il semble vexé, grogne presque, et moi je ne sais pas quoi faire. La tête d'un gamin? J'ai envie de rire, un peu nerveusement je dois le dire, mais je me retiens. Si je lui dis qu'il est mignon, je vais m'en prendre une sévèrement, non? « J'ai si bien sous-entendu que ça...? », je le fixe toujours, retenant mon éclat de rire, avant de le laisser sortir finalement. Ma main sur ma bouche ne l'empêche en rien de comprendre ce que je fais. Il va mal le prendre non? Tentant de redevenir sérieuse, je le charrie tout de même une dernière fois : « Raaaaah écoute-moi ~ Tu es, hum... un peu... enfin là tu vois au volant tu fais viril! », comment se rattraper en deux leçons. Ou pas, clairement. Je rigole franchement, espérant qu'il en fasse de même par la suite. Le pauvre, je le taquine mais j'ai rien à dire... Le sujet dérive, encore. J'aurais presque pu rougir en comprenant le sous-entendu de sa phrase à lui. Si je n'étais pas une mauvaise fille, ça voulait dire que j'en étais une « bien », non? Aux yeux de Yukine, j'étais « bien », moi? Je fronçais les sourcils, un peu surprise ; mais touchée surtout, le remerciant dans la foulée. Charlie me répétait toujours que j'étais un ange, Hazel me considère aussi positivement. Amy m'aide aussi à rebooster. Ces derniers temps, mes batteries sont à bloc. Je me recharge de positivité par le monde qui m'entoure. Mais sans comprendre pourquoi, venant de Yukine qui me connaît moins bien finalement, ça me fait encore plus plaisir ; au delà du préjugé, on arrive à s'entendre. Sur certains points, du moins. Pas tout, ça serait trop facile.

Avec qui, quand arriverais-je à devenir moins agressive au sujet de la famille? J'estime que Yukine n'a rien à dire à se sujet, possédant encore deux parents à ses côtés. J'ignore tout de sa vie familiale, mais je me l'imagine aisément ; ai-je déjà dit que certains clichés restaient ancrés entre nous? Ce garçon, pour moi, c'est une star de sitcom en fait. A ce titre, je lui interdit de même penser pouvoir comprendre une seule once de moi à ce sujet. A tord, certainement. Mais j'en ai rien à faire, la famille chez moi, on touche pas, c'est tout. Ça doit être la seul chose qui pourrait me faire sortir de mes gonds vraiment vraiment beaucoup. Mes parents, mon frère, c'est ma blessure la plus profonde. L'abandon, de tous les côtés de ma vie. Il ne sait pas ce que c'est. La douleur lancinante qui compresse mon cœur en permanence, en dépit de la douleur physique. En contre partie, il a compris, je pense du moins, une partie intouchable de mon être. Sûrement que jamais plus cette histoire ne reviendra sur le tapis. Ou peut-être que si. Qui sait de quoi l'avenir est fait? Certainement pas moi. Je sais à quel point l'avenir peut être cruel. Le Royal Shit est mit sur le tapis, et l’agacement de Yukine par la même occasion. Oups, deuxième du nom. Comprenant à quel point cette histoire le chiffonne, je finis par m'excuser, m’aplatir, comme toujours. Je sais tellement bien jouer les papiers peints, il serait surprit. Nouveau point de divergence ; Hazel. Cette fois-ci, je défend ma professeure, avant de lâcher le morceaux une nouvelle fois. Je ne veux pas de conflit, plus maintenant, pas ce soir. Je n'ai pas envie de contredire Yukine partout. Je n'ai pas besoin que l'on me dise que j'ai tord. Je préfère qu'on s'arrête là avant que je laisse des émotions trop négatives me submerger.

En parlant d'émotions négatives ; la peur me remplit à la vue de la maison de mon sauveur. Une vraie maison, avec un dîner sur la table, des parents amoureux, des photos accrochées au mur? Ce n'est pas pour moi. Je n'ai pas vraiment de maison, je n'en ai jamais vraiment eu. Toujours en cavale, d'un pays à l'autre, de la rue au foyer ; l'appartement que je possède à Shinjuku, je le loue. Il n'est pas vraiment à moi, mais je ne peux pas m'en séparer. Il reste trop de Charlie dedans. Le dîner, même chose, je ne suis pas vraiment le genre de fille qui mange à sa faim tous les jours. Des parents amoureux, on repassera. Mon père est un connard égoïste et ma mère est morte en couche, seule, loin, très loin de ce type. Pas de photos de famille pour nous ; et je n'ai qu'une photo de Charlie, précieusement rangée dans une boîte, où je n’apparaît pas. On était pas du genre à faire des selfies ou à s'acheter un appareil photo, vous vous en doutez bien, hum. Donc oui, ça me fait peur, même si je conçois très bien que Yukine ne comprennes pas tout ça. Il n'a pas tous les éléments de l'histoire non plus. Ses encouragements me réchauffent le cœur , tellement que je me propose de lui rendre sa veste maintenant que l'on rentre à l'intérieur. Ah oui, il en a d'autres. L'espace d'un instant, j'avais oublié le fossé social entre nous deux. Est-ce parce que je me sens plus proche de lui, maintenant que j'ai un pied dans sa maison? Ma question sur cette maison justement me fait penser à autre chose le temps que l'on arrive dans son salon ; je ne m'en étais pas rendue compte. Il habite ici depuis toujours, hum. Je vois.

Mon cœur loupe un battement sous la surprise quand je sens le regard des parents de Yukine sur ma personne. Je rougis immédiatement, ne parvenant pas à soutenir leurs yeux, gênée au possible. Je fixe le sol quelques seconde avant d'entendre les paroles de Yukine résonner de nouveau dans ma tête ; « garde la tête haute ». Mes yeux se dirigent vers lui, rougissant de plus belle en entendant le mot « amie ». Oh, je m'y attendais pas à celle-là. Autant heureuse que surprise, je me résigne à regarder finalement les deux adultes en face de moi. C'est tellement étrange! Ses parents lui ressemblent. Mon cœur se serre quand je me demande si ma mère et mon père me ressemblent également. Sa mère le réprimande de ne pas avoir prévenu, et son père, très chaleureux, me salue aussitôt. Le surnom « cancre » m'aurait presque fait rire si je n'étais pas aussi tendue. « Enchantée. », arrivais-je à articuler, un faible sourire sur les lèvres. Je m'incline légèrement, respectant avec raideur les gestes de politesse requis par les « bonnes manières ». Ça n'est pas si terrible finalement ; en plus, retrouver des traits communs entre ces adultes surprenants et Yukine me rassure. Si ce sont ses parents, à lui, ça devrait aller. Ils sont plus polis que lui, c'est déjà ça. Mon sourire s'agrandit à cette pensée. Je replace mes cheveux derrière mon oreille et me présente, d'une petite voix, plus assurée tout de même que tout à l'heure : « Je m'appelle Maylie. ». Je jette un dernier regard à Yukine, ma bouée de secours dans cette situation ; il avait raison, je n'avais pas tant de raisons de m'inquiéter.

tenue > « Seulement au volant ? J'sais pas si je dois prendre ça comme un compliment. » Dis-je d'une façon hasardeuse. D'abord elle me traite de gamin, maintenant de mec viril mais seulement au volant de ma Jeep. En dehors de ce contexte, je suis toujours un môme, c'est ça ? Je devrais lui prouver que ce n'est qu'une illusion et qu'en réalité, je suis viril tout le temps. à voir plus tard, je n'ai pas très envie de commettre un accident de la route pour une preuve qui peut attendre. Je ne le prends pas mal, j'en souris même. ça reste un demi-compliment quoi que je dise. Comparé à moi, Maylie est quelqu'un de bien. Une bonne fille gentille et aux airs sympathiques. C'est vrai que je n'ai pas été agréable avec elle la première fois, alors qu'elle a une bouille d'ange, mais depuis que je suis passé outre mes préjugés, j'ai réussi à plutôt m'en sortir avec la demoiselle. Comme Hazel, quoi. Cette folle-furieuse qui me donnait envie de gâcher chacun de ses cours, remplaçante ou pas. Suffit de prendre sur soit pour y arriver, ce n'est pas bien compliqué. Pourtant, on trouve toujours un sujet épineux comme celui de la famille. Je ne sais même pas comment Maylie a pu vivre jusqu'à aujourd'hui. Je ne connais rien de son histoire, de son passé, de ses parents, et... Et voilà, quoi. Je suis sûrement dans le faux et j'en rajoute en essayant de la comprendre. C'est mon erreur, j'aurai dû m'en rendre compte avant de gaffer de la sorte. Comment puis-je lui offrir une seconde de vie familiale, alors qu'elle n'a peut-être jamais eu droit à cela. Je suis bête parfois, vraiment gamin et irréfléchi.

Maylie a cette fâcheuse manie de ramener notre aînée sur le tapis, ainsi que les rumeurs qui courent sur nous. Ce n'est pas évident de démentir, mais je sais encore ce que je fais de ma vie et de mes journées. Ouais bon, je passe beaucoup de mon temps avec Hazel, mais c'est seulement pour une question de carrière, d'avenir, de danse. Qui pourrait m'en tenir rigueur et m'accuser de quoi que ce soit, hein ? Je suis innocent, je ne plaide pas coupable. Sur ce point-là, on ne s'entends pas du tout. Elle la défend, je l'enfonce. Maylie tire d'un côté et moi de l'autre. Bref, pas la peine d'insister quand on sait que je ne lâcherai pas l'affaire et garderais mon opinion envers et contre tout. Finalement, le sujet est mit à la trappe, tant mieux. Nous arrivons rapidement aux abords de chez moi, et je sens ma camarade se remplir d'émotion négative comme la peur, l'inquiétude, l'hésitation sûrement. Est-ce l'effet de devoir affronter mes parents ? Ou les choses sont-elles beaucoup plus compliqué que cela ? Je ne demande pas, me contentant d'avancer sans trop parler. Ma maison de riche garde ses portes ouvertes pour mes « amis » et je peux officiellement considérer Maylie comme telle. Une amie, une camarade, une colocataire de chambre. Elle n'a pas à s'en faire, rien de méchant se cache chez moi, ni venant de mes parents, ni des meubles ou de la décoration. Certes, ça pue le luxe. Comme cette façon de dire que je possède plusieurs tenues, et qu'une veste en moins ne pourrait pas m'attrister. Qu'elle en fasse bon usage, si elle tient à la garder. Je ne suis pas contre l'idée qu'elle la garde, en fait. Quant à sa question, j'ai toujours vécu dans cette maison... Du moins, aussi loin que je m'en souvienne.

Maintenant, c'est l'heure de la vérité. Mes parents captent mon retour, mais aussi la présence d'une inconnue sous leur toit. C'est de mon devoir de la présenter, même si je la désigne comme une amie, sans donner un nom. J'aurai dû, que suis-je bête. Au moins, Maylie ne fuit pas devant mon père et ma mère, eux-mêmes dans des états bien différents. Ma mère est égal à elle-même, toujours après son apparence alors qu'on s'en fiche complètement. Mon père, bah il est bien content que je ramène une fille chez eux, je pense ? Avec la bande de garçon qui me sert d'ami, il commençait à douter sur mon orientation. Elle parle, amen. J'ai eu peur que l'espace d'une seconde, elle fonde en larme devant mes vieux. J'entends mon père dire à ma mère qu'elle est adorable, quand celle fit entreprend d'être polie dans ses gestes. ça semble bien se passer, même si mon père n'arrête pas de commenter la façon « mignonne » que Maylie a de se présenter. « Enchanté, Maylie. Yukine ne t'embête pas trop ? Il ne t'a pas forcé à venir ici, au moins ? » Là, ça m'embête. Quand mon père commence à parler, ce n'est jamais bon. C'est le genre d'homme qui passe ses journées avec des robots, à les démanteler ou les édifier, alors la vie humaine doit un peu lui échapper. Je prends des mesures de précaution en attrapant le bras de Maylie pour qu'elle me suive. « Excusez-nous, mais on a des devoirs à faire! » Mentis-je en l'entraînant dans un couloir à gauche, celui qui mène vers « mon côté ». L'autre couloir est à mes parents, chacun son intimité comme ça. Ce couloir mène à une chambre, mais aussi à une salle de bain et à une pièce vide -que je me sers pour danser-. Encore une fois, ça pue le luxe. « Désolé, ils n'ont pas l'habitude de voir du monde chez eux... Je ne ramène jamais personne ici. » Parce qu'à leurs yeux, mes potes sont une mauvaise fréquentation. Maylie est donc la première à poser les pieds chez moi, et dans ma chambre en plus. Une pièce immense, bien rangé. Un lit deux places -voir trois- au centre, un dressing dans un coin, un gros bureau dans l'autre, et de l'espace à perte de vue. Bref, ça pue le luxe.

tenue > « Tu sais, j'ai jamais été douée pour les compliments, donc... », … oui, c'est un compliment; Mais bon, il peut le prendre comme il veut, hein. Je suis pas vraiment la fille la plus douée pour s'exprimer sur Terre, j'apprends doucement à communiquer comme les filles de mon âge. Si ça me paraissait plus simple avec Yukine, faut croire que le naturel revient vite au galop. Même avec lui, j'arrive à perdre mes moyens, à mal me faire comprendre. Je ne sais pas si le fait que l'on ne sache presque rien l'un sur l'autre était positif ou négatif. C'était certainement positif dans un sens, parce qu'il n'agissait pas avec moi comme les autres, il ne me prenait pas en pitié ; d'un autre côté, qu'il connaisse les tenants et les aboutissants de ma vie ou non, je ne pense pas que ça soit son genre d'être compatissant à ce point avec les autres. Négatif, aussi, sûrement, car des préjugés persistent, et les gaffes arrivent vite. Je ne pense pas en avoir encore fait avec lui, mais ça ne saurait tarder. Après tout, j'en sais rien, je le trouve encore bien mystérieux. Et puis même si j'avais fait une gaffe, je ne sais pas si je l'aurais remarqué, du coup. L'ai-je sincèrement blessé en le traitant de gamin, ou alors il s'en fiche royalement? J'en sais rien, je suis perdue, ce garçon me déstabilise autant qu'il me rassure. Il a merdé sur mon passé, mais c'est pas comme s'il pouvait savoir non plus. Après, je pars du principe que quand on ne sait pas, on ne parle pas, surtout pas en essayant de régler un problème comme ça. Je ne lui en veux pas, bien sûr que non, comme si je pouvais. Mais je préférerais passer ce sujet à l'avenir.

Je n'ose même pas imaginer le comportement de Yukine avec Hazel. Sérieux, il doit être horrible, surtout s'il se comporte comme avec moi la dernière fois... Après, je ne me fais pas vraiment de soucis pour ma professeure, elle sait très bien se défendre toute seule. C'est une femme forte, alors c'est certainement pas un gars comme lui qui arrivent avec ses grosses baskets de rappeur qui va l'intimider. Elle devient notre point de divergence, évidemment, mais je préfère quitter le champ de bataille avant lui. Je ne suis pas d'humeur à tergiverser sur un sujet pareil, pas de discorde, pas ce soir. On arrive chez lui, la fameuse maison des Miyaki, l'endroit tant redouté. Pour quelqu'un comme moi, cet endroit est un mystère total, une série familiale dans laquelle j'allais rentrer pour la première fois de ma vie. Une famille, une maison... ce ne sont pas des choses qui rentrent dans mon quotidien, aussi étrange que cela puisse paraître. J'aurais pu regarder cette maison avec un regard plus impressionné encore si je n'étais pas terrorisée par tout ça. Décidément, c'était ma soirée aujourd'hui. Yukine me surprenait pour une fois ; je l'imaginais dans un studio, à la limite une coloc' avec des potes à lui, pas du tout vivant encore chez ses parents. Casser le mythe? Non, c'est pas vraiment ça. Disons juste que ça l'épaissit un peu plus. Il me rassure comme il sait si bien le faire, me laisse garder sa veste pour ne pas que j'attrape froid, me répond qu'il a toujours vécu ici. Je n'ai aucun mal à l'imaginer, enfant, courir vers ce salon...

… où sont ses parents actuellement. Je me crispe aussitôt, un peu surprise d'être coupée dans mes pensées par deux regards intrigués sur ma personne. Je rougis, évidemment, pour changer. Comme si je savais faire autre chose. Yukine me présente comme une amie, et déjà ça me fait chaud au cœur. Sa mère se recoiffe, visiblement troublée par la venue d'une inconnue sous leur toit, et le père m’accueille à bras ouvert. J'ai exactement les deux être humains qui forment Yukine en face de moi. Il ressemble autant à sa mère qu'a son père, s'en ai presque touchant. Je me force à répondre à l'exclamation enthousiaste de son paternel, me permettant dans la foulée de me présenter. La moindre des choses, c'est bien de leur donner mon prénom, au moins un des deux. Je m'incruste chez eux quand même. Je n'entends pas ce qu'ils disent tout bas, j'ai les oreilles qui bourdonnent à cause de mon cœur qui bat la chamade. Je me recoiffe légèrement, signe de ma gêne profonde. Je suis un peu plus détendue que tout à l'heure, c'est déjà ça. Son père m'interpelle une nouvelle fois, et je relève subitement la tête vers lui, surprise par ses questions. Je jette un œil à Yukine ; il semble agacé, et prend mon bras sans me laisser le temps de répondre. J'ai l'impression qu'aux yeux de ses parents, ça va passer pour de la culpabilité, mais bon. Je me suis pas faite kidnappée, je serais entrain de pleurer sinon... aucun doutes là-dessus. Le comportement de mon guide me fait sourire ; on a tout sauf l'air d'avoir des devoirs à faire. L'excuse bidon la plus cramée de l'univers. Mais je me laisse entraînée, doucement, dans ce long couloir remplit de portes. Yukine m'avoue ne jamais ramener personne chez lui. Mes yeux s'agrandissent. Vraiment personne? Il a fait une exception pour moi ce soir, alors? Je ne sais que répondre, rentrant simplement à sa suite dans sa chambre. Le rouge aux joues, je lui réponds finalement : « Sérieusement? Ouah, je suis honorée alors. ». Et c'est sincère. Je laisse mon regard vagabonder dans la pièce, observant la taille de son lit, son dressing, son bureau, le tout tellement espacé que c'en est hallucinant.

« Tu sais qu'on peut faire tenir mon appartement rien que dans ta chambre? C'est immense, je crois même que c'est plus grand. », le sourire au lèvres, comme une enfant, je regarde le plafond, et tourne soudainement ma tête vers lui. « Moi non plus, je.. je n'invite jamais personne chez moi. Si tu veux, un jour... Tu pourras venir? C'est pas très grand, mais je suis pas loin de tous ces spectacles de rue à Shinjuku, ça devrait de te plaire. ». Erm. Si l'on ne savait pas à quel point je pouvais me montrer spontanée et sans arrière pensées, on aurait cru à un rencard. C'était presque ça dans le fond, mais pas dans ma tête du tout à ce moment-là. « Tu es sûr que tu n'a pas de frères et sœurs? Y a moyen de tenir à dix au moins ici ! », j'éclate franchement de rire, essayant tant bien que mal de détendre l'atmosphère, de montrer une facette plus ouverte que moi. Jamais pour autant je n'oserais lui dire que j'ai vraiment tenu à dix dans un espace comme celui-là, au foyer, en arrivant au Japon. Ça nous mettrait mal à l'aise tout les deux.

tenue > J'ai cru voir ça, mais je ne vais pas lui en tenir rigueur. Je ne cherche pas non plus à avoir des compliments, ni à gonfler mon égo. Jusque là, j'en ai rarement reçu d'elle ou de Hazel, et je m'en contente parfaitement sans tirer la tronche. C'est leur manière de faire, de vivre, d'agir et je m'en accommode quoi que je puisse dire. Maylie s'est rattrapé, même si j'hésite à prendre cela pour un compliment. Que l'on se connaisse ou non, je pense que cela ne changerait rien à mon comportement. Je suis d'une nature brusque et souvent impitoyable, je ne fais pas attention à mes paroles et c'est souvent trop tard quand je m'en rends compte. Un peu comme maintenant, alors qu'on parlait famille. Je me doute que Maylie n'a pas eu la vie facile, de là à la prendre en pitié, ce serait exagéré. Quand mes amis vont mal, je les aide. Quand ils ont des soucis, j'essaye de les régler avec eux. Si Maylie manque quelque chose, je pourrais toujours tenter de lui apporter. Je ne suis pas compatissant, mais pas non plus inhumain pour autant. Tant que c'est dans mes moyens, tant que je peux permettre un instant d'oublier et de penser à autre chose, alors tant mieux. Je ne compte pas la regarder avec un air de chien battu, ni lui proposer l'impossible en croyant l'aider. Par contre, je ne l'abandonnerai pas non plus sous prétexte que je n'ai aucun droit avec elle. Si je me considère tel un ami, je m'en fiche des barrières entre pitié ou altruisme, tant que ça lui redonne le sourire et qu'elle puisse mieux se sentir. à la longue, je vais finir par me transformer en guimauve, j'vous jure.

Le sujet Hazel ne dure qu'un court instant, juste pour se dire que nos points de vue sont bien différents. J'apprécie beaucoup Hazel, c'est une femme forte et une combattante dans son domaine. Elle a beaucoup de mérite à avoir pour sa carrière, puis elle me promet une bonne place à l'avenir, mais... Je suis un mec. Macho sur les bords, incapable de réaliser quand il aime bien quelqu'un ou pas, toujours piégé dans ses préjugés à la noix. Bref, si nous nous entendons pas là-dessus, c'est seulement parce que je suis un homme et que je voudrais pas lancer autant d'éloge sur une femme. De toute façon, nous arrivons rapidement chez moi et qu'importe le sujet, il aurait été clos avec le mouvement. Comparé à Maylie, je rentre ici quasiment tous les jours et cela sans même penser que d'autres n'ont pas ce luxe. Certes, parfois je suis seul parce que mes parents travaillent, mais j'ai toujours un toit sous lequel vivre, de la nourriture à ne plus savoir quoi en faire et pleins d'autres choses que certains ne possèdent pas. J'ai une avance à être né dans une famille riche, même si ce n'est pas le plus important pour moi. Leur argent ne me promette pas une place sûre dans une agence, premier point à noter. De toute façon je ne tiens pas à dépendre du fric pour construire ma vie. Quitte à choisir, je donne cette richesse à qui la voudra, tant qu'on me laisse ma passion et mon talent. Pourquoi irais-je m'encombrer d'un studio avec des colocataires ? Je suis nourris, blanchis et logé en prime. Rien à débourser, si ce n'est pour me faire plaisir quand j'en ai envie. De là à dire que je suis un fils à papa, c'est complètement faux. Après tout, je crèche aussi dans les dortoirs de la royal pour échapper à cette solitude en l’absence de mes parents.  

Mes parents ne sont pas des monstres, bien au contraire. Même si ma mère semble se soucier de son aspect, elle  n'est pas mauvaise et sourit beaucoup... Surtout face à la clientèle. Quant à mon père, il a sa part de mystère mais je ne l'ai jamais vu s'énerver ou réellement se plaindre, même quand j'ai eu ma période « crise d'adolescence ». Au poste de police, il a su garder son calme en parlant avec les officiers, puis aussi quand il m'a ordonné d'être droit durant le collège. La colère, ce n'est pas son fort. Il ne crie jamais, puis je crois que ça se voit sur sa tête. Maylie n'a pas à avoir peur, ce n'est pas mes parents qui risquent de la séquestrer ou quoi. Ils sont gentils avec elle, surtout mon père qui s'avance dans un dialogue, quitte à la gêner d'avance. Bon, ça devient quand même lourd et je ne tiens pas à devoir subir un moment embarrassant avec eux, du genre à sortir les photos de famille ou de moi en étant gosse. à cette idée, je préfère fuir rapidement. Le bras de Maylie entre mes doigts, je m'excuse auprès de mes parents en sortant une réplique réchauffée puis m'échappe dans le couloir qui m'est destiné. C'est bien la première fois que j'emmène quelqu'un avec moi, surtout une fille. « Tu devrais, c'est plus qu'un honneur! » Même si je surjoue et que je ne suis pas du tout sérieux. Bref, en un rien de temps, on termine dans ma somptueuse chambre. Le genre super grand, super spacieux, super riche. Maylie ne tarde pas à faire un commentaire et malgré moi, j'approuve. « C'est si petit chez toi ? » Raillais-je avec un sourire faussement moqueur. Comme moi, elle n'invite jamais personne chez elle. Est-ce pour le faire que ce soit petit ? Ou parce qu'elle vit à Shinjuku ? Mais je me sens ravi, un sourire aux lèvres. « C'est sympa, merci de m'inviter. Si un jour l'occasion se présente, ce sera avec plaisir. » Je ne vais pas non plus taper l'incruste chez elle, suffit que l'occasion se présente puis.. J'adore des spectacles de rue, surtout pour participer à des battles. Sa remarque me faire rire, mais je l'évince d'un signe de tête négatif. « Le seul truc qui me tient compagnie ici, c'est ce petit robot. » Fis-je en lui montrant une sorte de figurine grosse et blanche posé sur mon bureau. Baymax, la création de mon père pour s'excuser de n'être jamais là, et mon premier ami depuis gamin. « Mais tu veux te doucher ? J'ai des vêtements à te passer, y  a aucun soucis. » Après tout, elle devrait se sentir mieux après une douche ou un bain... Surtout après cette scène traumatisante dans la rue, quelques minutes auparavant.

tenue > Le temps passe, vite, tellement, tellement vite que je ne m'en rend pas compte. Dire qu'une heure avant j'étais entrain de me faire agresser par un pervers pour la première fois de ma vie ; dire que deux heures plus tôt j'étais au travail, avec mes collègues, que l'on parlait vaguement de la pluie et du beau temps. Maintenant je suis assise à côté d'un des nombreux riches qui fréquente mon école, personnage que d'habitude je prend grand soin de fuir. Avec qui je m'évite des problèmes, et qui vient de m'en sortir d'un plutôt gênant. J'ai envie d'apprendre les arts martiaux, nous y voilà. Ça m'éviterait de devoir jouer les princesses en détresse dans une situation comme celle-ci. Je veux dire, j'étais tellement paniquée de rester seule, que j'ai supplié Yukine de m'emmener chez lui... sans réfléchir à la présence ou non de ses parents. Je ne m'attendais à rien, mais vraiment pas à ce qu'il vive encore chez eux ; il se donne tellement un genre, dans ses mots, son style, que c'était une possibilité effacée de mes pensées. Je dois aussi avouer que j'ai du mal à imaginer les parents des autres. Quand j'étais enfant, à mon arrivée à Tokyo, j'ai mis un certain temps à comprendre que ce n'était pas ceux qui avaient des parents le problème ; c'était moi, moi qui n'en avait pas. Ce jour-là, j'avais passé la soirée à pleurer dans les bras de mon frère. Le pauvre, il en avait déjà tant à faire... une sœur collante comme moi n'était pas vraiment un cadeau. Je me souviens des préoccupations que j'avais à l'époque ; qu'allais-je manger sur mon riz ce soir? Y aurait-il au moins du riz? Mon frère serait-il fatigué? Blessé? Des gens allaient-ils encore venir nous réclamer de l'argent? Mon enfance n'avait pas été de tout repos, et Yukine ne sait rien de tout cela. Prétendre comprendre ne sert à rien, il ne peut pas savoir. Je lui fait comprendre, et il s'arrête immédiatement. Il est respectueux, c'est au moins ça. Je me doute qu'il n'est pas doué pour ce genre de cas délicat, et ça me touche d'autant plus. Sujet clos.

J'ai bien cru comprendre que ma professeure de danse n'était pas tellement le type de Yukine, et après m'être enfoncée sur le Royal Shit, je préfère qu'on s'arrête là. Pas besoin de se prendre la tête pour des broutilles comme ça, je lâche l'affaire peu après. C'est pas mon genre de batailler, et il le sait ; j'en ai rien à faire de passer pour une lâche, une fille sans opinion, j'aime pas le conflit c'est tout. Si Yukine ne sait rien de ma vie, je ne sais rien de la sienne non plus. J'ai senti un manque, un vide sans mes parents à mes côtés, mais chez lui ça doit être encore pire. Moi je ne les connaissaient pas de toute façon, mais lui a du passer de longues soirées, enfant, à attendre leur retour. Alors oui, il possède exactement tout ce que je n'ai pas, mais ce n'est pas pour autant que je suis malheureuse, et ce n'est pas pour autant qu'il est heureux. Faut arrêter, le bonheur ne vient pas en même tant que la paye, tous les mois. En tout cas, je me suis fait un sang d'encre pour rien ; ses parents sont charmants, vraiment. Bien plus que lui sur certains point, tellement que c'en est surprenant. Son père est prévenant, et commence une conversation qu'il ne peut finir, étant donné que Yukine m'attrape et me tire dans sa chambre. Je ne sais pas depuis quand on en est venu tous les deux a être détendu à ce point l'un avec l'autre, jusqu'à se toucher sans aucune gêne. Venant de moi, si timide et réservée normalement, c'est d'autant plus surprenant. Et pourtant, tout ça avance sans que je ne m'en rende compte réellement.

« ça va, c'est pas comme si j'étais n'importe qui non plus ! », répliquais-je aussitôt, avant de rire une nouvelle fois. Il m'avait bien appelée son amie, non? Je sais qu'il fait exprès de dire des choses comme ça, provocantes, parce qu'il aime ça et que ça le fait rire. Jouer à ce jeu là, j'en ai pas l'habitude, mais tout sort tout seul de ma bouche dans des moments comme celui-ci. Dès que l'on rentre dans sa chambre, je ne peux m'empêcher de la regarder avec mes yeux de « pauvre », et de lui dire que mon appartement tient à l'intérieur de sa chambre. Il sourit, accepte ma proposition avec un air satisfait que je ne lui connaissais pas. Les danses de rue qu'il y a en bas de chez moi, c'est vraiment pour lui ; il a sûrement déjà été au pas de ma porte sans le savoir. Pas de frères et sœurs, mais un petit robot, que je toise, l'air surprise. Mes yeux se repose sur Yukine et je déclare : « Il est mignon. ». C'est vrai, je ne mens pas ! Je ris simplement parce que je me dis qu'il doit en avoir marre de m'entendre dire ça quand ça le concerne, de près ou de loin. Je frissonne face à sa proposition. Une douche, mon dieu, c'est tellement ce dont j'ai besoin. Je me suis lavée au travail, mais là, j'ai vraiment besoin de me rincer une nouvelle fois. Je peux encore sentir sa langue sur mes clavicules et ça me dégoûte au plus haut point. « Je suis pour. », acceptais-je en souriant faiblement, cachant mon désarroi en repensant à mon agression. « rassure-moi, c'est pas une robinetterie en or, ou un truc du style? », tentais-je de plaisanter, m'attendant à tout. « Et merci pour tout. », soufflais-je en baissant les yeux, avec toute la sincérité dont j'étais capable.

tenue > Hazel n'est définitivement pas le bon sujet de conversation entre nous deux. Je préfère qu'elle n'insiste pas et qu'on passe à autre chose, plutôt que se prendre inutilement la tête pour un rien. Nous sommes bornés chacun à notre manière et ce ne serait pas nécessaire de se disputer pour pas grand chose. Chacun voit Hazel comme il veut, dans mon cas je suis juste trop têtu pour avouer que j'apprécie ma professeure de danse, quoi que je puisse dire de désagréable sur elle. Maylie doit penser que je ne l'aime pas, alors que ce n'est pas ça. Les vieilles rancunes restent malgré tout, et ce n'est pas évident de les oublier d'un instant à l'autre, sans faire des efforts avant. Avec le temps, je pourrais me ranger de son avis et défendre son opinion, qui sait. Nous sommes différents l'un de l'autre, mais nous le savons quand même malgré nos paroles. Je suis un gosse de riche qui a vécut dans le luxe depuis sa naissance, mais qui manque d'une présente régulière dans sa vie de famille. Des parents qui rentrent tard, des parents qui oublient certains événements, des parents tête en l'air qui pensent plus au boulot qu'au reste. J'ai prit l'habitude de vivre ainsi, me fiant plus à mes amis et à cette bande qui ne me lâche plus depuis des années. Dans le fond, ai-je vraiment besoin de mes parents pour avancer ? Je me le demande souvent, tout en continuant à garder cette relation distante avec eux. Quand ils sont là, je parle de tout et de rien avec les deux, mais quand ils sont absents, je trouve autre chose à faire qu'attendre. ça fait bien longtemps que j'ai arrête de courir après eux. L'argent ne fait pas le bonheur, même si il y contribue. C'est bien pour faire des cadeaux, pour manger, pour sortir, mais ce n'est pas cela qui doit ramener les gens à soi. Sinon ce ne serait que du profit, de l'intérêt, rien d’authentique.

Mes parents ne sont pas les pires au monde, faut bien l'avouer. Ma mère fait très attention à elle, mais ce n'est pas une mauvaise personne. Mon père est plutôt bavard et a cette facilité pour mettre les gens à l'aise. Rien qu'à voir avec Maylie, tandis qu'il lui tape la discute sans soucis. Finalement, c'est moi que ça gêne. Je n'aime pas trop comment mon père pose ses questions et fait son curieux. Maylie ne les connait pas, ce serait trop bizarre de rester trop longtemps avec eux, surtout pour parler de moi et de mon comportement. Je préfère battre en retrait et laisser mes parents parler entre eux, même si c'est de nous ou de Maylie. Ils doivent la trouver charmante, sûrement à leur goût, mais je m'en fiche. Plus je suis loin d'eux, mieux je me porte. Ils doivent se douter que je ne compte pas rester avec eux durant des heures avec Maylie à mes côtés. Si nous sommes ici, c'est bien pour avoir un maximum de calme et avec eux, autant dire que ce ne sera pas le calme. Ma chambre a beau être grande, je n'invite que très rarement des gens, même personne avant Maylie. « C'est vrai, tu n'es pas n'importe qui. » Affirmais-je en souriant. Ma chambre est sûrement trop grande pour une fille comme Maylie, mais je ne vais pas retourner sur mes préjugés et juste faire comme si de rien n'était. Puis, ce n'est pas bien grave si nous sommes différents niveau point de vue social. Je suis riche, elle est pauvre. On pourrait faire un remake de film, le riche et la pauvre, ce serait cool. M'enfin, j'accepte volontiers qu'elle  m'invite chez elle et trouve ça superbe de pouvoir être au premier rang pour des battles de danse. Peut-être que je suis déjà passé devant chez elle sans même m'en rendre compte. Comment pourrais-je le savoir de toute évidence ?

Baymax, c'est mon premier ami. Je le présente à Maylie, bien heureux qu'elle le trouve mignon. C'est bien la seule « personne » qui n'est nullement susceptible de m'abandonner, puisque c'est un robot. Puis, je lui propose une douche. Après une telle situation, à sa place je voudrais me rincer et me nettoyer des sales mains de cet enfoiré. Je me suis mis à sa place, voilà le truc. Pour une fois, je me suis visualiser dans la vie de quelqu'un d'autre pour trouver une solution, chose que je ne fais jamais avec les gens, même mes amis. « Génial. » J'hoche doucement de la tête, j'ai vu juste quand même. Un rire m'échappe quand elle me parle de robinetterie en or et je secoue négativement la tête. « Non, t'inquiète pas! C'est grand et spacieux, mais la robinetterie est.. Normal ? Je sais pas comment vous dites dans votre langage. » Bon, je me moque un peu d'elle, mais pour me faire pardonner je vais chercher une tenue dans mon coin penderie. « Ce n'est rien. » Dis-je en lui donnant une tenue basique pour homme, ouais bon je n'ai que ça dans mes affaires... « Je peux prendre des vêtements à ma mère si tu veux ? Ce n'est pas trop à ta taille, maintenant que j'y pense. » Fallait y penser avant, surtout. « Sinon, la salle de bain est en face de ma chambre. » Je ne lui ai pas dit que la baignoire était ronde et à remous, incrusté dans le sol tel une mini-piscine, mais ça elle le verra par elle-même.

tenue > J'évite souvent de me demander ce que serait ma famille si mon père ne nous avaient pas abandonnés, et si ma mère était encore en vie. Mon père se serait reprit en main, ma mère aurait trouvé du travail. Mon frère aurait pu aller à l'école, et on aurait grandi avec insouciance. Je serais certainement devenue moins timide qu'aujourdhui, et Charlie aurait menacé les garçons me tournant autour de les tabasser s'ils restaient près de sa sœur. J'aurais peut-être eu une chambre à moi. Je serais devenue une élève moyenne, normale, avec des amies normales, des discussions banales, comme toute les ados de mon âge. Peut-être aussi que jamais je ne serais rentrée à Royal, je n'aurais jamais rencontré Hazel ou Yukine, parce que la danse n'aurait pas tant d'importance pour moi. Je serais devenue secrétaire dans un cabinet d'avocat, où j'aurais rencontré mon mari, un homme gentil, charmant, drôle. On aurait prit un crédit pour notre maison, on aurait eu deux enfants et trois chiens. Peut-être qu'au fond, ce sont mes erreurs, mes blessures, les difficultés que j'ai eu à surmonter, qui m'ont amenées là où je suis aujourd'hui. Je ne sais pas si c'est une mauvaise chose au fond. Je suis là, et à cet instant, j'observe la nuque de Yukine qui m'emmène dans sa chambre. Je traverse le couloir avec lui, et je n'ai pas peur, je me sens bien, juste bien. Je ne souhaite pas être ailleurs ; je sais qu'avec lui je suis en sécurité. Je ne me soucie plus de ses parents, de mon agression, de demain, de mon frère, de la danse. Tout ce que je sais, c'est qu'il tient mon bras dans sa main, et que je m'apprête à en savoir un peu plus sur lui. Je le crois quand il me dit que seulement peu de gens sont venus dans sa chambre ; c'est pareil pour moi. Ma chambre, dans mon appartement, c'est ma pièce. Même Charlie y rentrait rarement, quand j'avais des crises de larmes par exemple. Sinon, c'est mon lieu de solitude. Pourtant, reconnaissante, je suis prête à y inviter Yukine. Je blague en affirme n'être pas « n'importe qui », et l'aplomb avec lequel il me plussoie me fait instantanément rougir. Pourquoi j'ai le cœur qui bat là? Je repense à la discussion que j'ai eu avec Amy à son sujet, et je ne peux m'empêcher de laisser mon cœur s'emballer un peu plus. Je n'avais pas calé, mais clairement entre son sauvetage de tout à l'heure et ses mots à l'instant, on se croirait dans un film romantique. Ressaisis-toi, Maylie!

Il me présente ensuite Baymax, un petit robot qui lui tiens compagnie, apparemment. Je ne peux m'empêcher de me sentir mal pour lui ; son seul ami ici est un robot, dénué de vie humaine? En même temps, il a raison, il ne risque pas d'être déçu par ce petit être. J'accepte ensuite rapidement sa proposition de douche ; j'en rêve, à dire vrai. Je me sens sale, laide, j'ai l'impression d'être une loque. Une des qualités de Yukine que j'apprécie particulièrement, c'est le fait qu'il me traite comme tout le monde. Pas comme une petite orpheline pauvre et blessée ; je reste Maylie pour lui, et rien ne changera ça. Je trouve ça agréable, je me sens « normale » à ses côtés. J'évoque la possibilité de sa robinetterie en or, ce qui semble le faire beaucoup rire. Il me semble avoir vu ça dans un film, je crois. Yukine me contredit, précisant ne sachant comment l'exprimer dans mon « langage ». Quel langage? Je ne suis pas sûre de savoir comment je dois le prendre là. Je le remercie tout de même, pour tout ce qu'il vient de faire pour moi. Il me dit que c'est rien en me tendant une tenue d'homme. Je prend les vêtements dans mes mains, et le regarde, surprise devant sa prévenance. « Non, non, ne la dérange pas ! », répliquais-je un peu vivement à mon goût. « C'est très bien, c'est parfait, vraiment. », lui-dis-je plus doucement, dans un murmure presque. Je détourne le regard vers la salle de bain, un peu curieuse je dois le dire. J'hoche la tête, et lui informe que je m'y rend l'instant d'après. Une fois la porte poussée, mes yeux clignèrent plusieurs fois. Je me mordis la lèvre, et me retournais vers la chambre de mon sauveur, ne parvenant pourtant pas à le voir. Quel idiot, cette salle de bain est vraiment immense! Je ferme la porte derrière moi, un peu intimidée devant la taille de son bain. Gosh, comment se truc fonctionne? Je dépose les affaires, et me rapproche de l'engin.

Après quelques essais infructueux, j'ai finalement réussi à faire fonctionner le système, et à avoir de l'eau à bonne température. Je soupire de soulagement, et me déshabille pour enfin laisser le pommeau rincer les traces des mains de mon agresseur de mon corps. Pas besoin de gel douche, le simple contact de la chaleur permet à mes muscles de se détendre et à tout mon être de s'envelopper de douceur. Quelques minutes plus tard, j'éteins la robinetterie, et attache mes cheveux avec le chouchou que je garde toujours autour de mon poignet. Je regarde autour de moi avant de me claquer la tête avec la paume de ma main. « Quel idiote, je vous jure... ». Pas. De. Serviette. Pas moyen de me sécher, sans ça. Je n'ai même pas pensé à en demander à Yukine. Et là, je suis nue dans sa salle de bain, je commence à avoir froid, et je ne sais pas quoi faire. Je me résigne à appeler d'une petite voix, un peu cassée par la gêne : « Erm, hum... Yukine? Yukine, t'es là? Je... j'ai pas de serviette... ». Et là, je suis toute rouge. Je prie intérieurement pour qu'il m'entende, parce que là, je dois être la personne la plus gênée de la Terre entière.

tenue > Je n'ai jamais imaginé ma vie autrement. Que ce soit avec mes parents, sans eux ou avec d'autres. Que je sois riche, pauvre ou dans la moyenne. Que ma passion ne soit pas la danse, que mon cerveau ait été tourné vers un domaine différent ou que je sois simplement un digne hérité d'un riche homme. Que je sois marié, père ou divorcé. Que j'ai des animaux, rien du tout, une maison de luxe ou même pas une tuile pour m'abriter de la pluie. Je n'ai jamais songé à cela, ni même maintenant tandis que j'entraîne Maylie vers ma chambre, loin de mes agaçants parents qui en rajoutent toujours trop quand il ne le faut pas. Ils sont sympa, amusants, mais je préfère que la demoiselle ne soit pas trop en contact avec eux. Elle pourrait devenir triste à l'idée qu'ils soient ensemble et que je sois leur enfant, donc que ce soit une belle famille malgré tout. Elle m'a déjà recalé tout à l'heure quand j'ai voulu lui faire profiter d'un instant familial, autant dire que je n'ai aucune envie de remettre les pieds dans le plat. Plus loin nous sommes deux, mieux nous nous porterons ? Je présume, puis je m'en fiche. J'en ai décidé ainsi, fuyant dans ma vaste « demeure » auquel cas l'appartement de Maylie aurait pu y tenir dix fois. C'est marrant, pas prise de tête et j'aime beaucoup plaisanter avec elle. C'est gentil de sa part de m'inviter alors qu'elle n'a jamais fait ça avec personne auparavant. Serais-je un peu différent des autres à ses yeux ? Question idiote, je dois être super banal pour elle, un pote incongru, inattendu. ça me fait sourire de penser à notre première rencontre, même si j'ai été le pire des enflures. à présent, nous nous comparons à des « pas n'importe qui » qui prennent un sens étrange quand je m'y attarde légèrement, puis elle rougit et je me pose des questions. Ai-je dit un truc qu'il ne fallait pas ? Si j'étais un minimum dans sa tête, peut-être que j'aurai pu comprendre sa comparaison à un film romantique. Pour moi qui suis un mec, je ne vois pas trop cela de la même manière. En fait, je ne sais pas comment je pourrais le voir, ni le comparé.

Baymax. Il a l'apparence d'un substitue, un réceptacle pratique qu'en cas de vide, quand mes parents n'étaient pas à la maison. Un ami, un objet de bonne compagnie, mais il ne faut pas croire que je possédais que lui. L'école m'était en tout point favorable, puisque je me suis fait une belle brochette de pote, certains sont restés, d'autres non. C'est la vie, mais je suis nullement à plaindre. Elle a dû vivre pire que moi, pourquoi irais-je chouiner sur des trucs qui ne m'ont jamais perturbés ? Je suis un bonhomme, un dur de dur. Puis au final, je lui propose une douche qu'elle accepte volontiers, à mon plus grand plaisir. J'ignore si j'aime rendre service ou simplement parce que ça me fait plaisir qu'elle se mette autant à l'aise avec moi, chez moi. Pourquoi devrais-je la mettre à part ? C'est une fille, une bonne amie et elle mérite d'être traité normalement comme tout le monde, sans pitié. à sa place, je n'aimerai pas cela et je serais ravi d'être vu à travers des yeux sûrement différents. Une robinetterie en or, puis quoi encore ? Une baignoire en marbre ? Non sérieusement, je suis riche mais je reste dans la normalité malgré tout, bien que ce soit une baignoire à remous qui vaut tout aussi cher. Outre le fait que je la nargue, mes vêtement seront sûrement un peu large pour elle. « Je ne pense pas que cela la dérange. » La rassurais-je sans vraiment insister pour autant, comme elle voudra. Si c'est parfait, alors je n'ai rien à redire de plus. Un hochement de tête et j'approuve tout simplement sa décision. Après cela, je la laisse à sa découverte de ma salle de bain pour vaquer à d'autres occupations.

Pendant qu'elle se douche, j'en profite pour me rendre dans la cuisine et prendre de quoi boire. J'ignore encore ses préférences, alors j'opte pour du jus de fruit, sans oublier des verres. Qu'est-ce qu'elle aime manger ? Je ne sais réellement pas, malgré les nombreux produits que je possède chez moi. ça a beau être la caverne d'Alibaba dans mes placards, ma tête est complètement vide, elle. Une fille, ça mange des trucs léger, non ? Fruits ? Non, c'est too much là. Tant pis, je prends un sachet de mochi à la pêche et reviens rapidement dans ma chambre pour déposer le tout sur mon bureau. Toujours pas de Maylie, elle doit sûrement adoré la baignoire. Cette pensée me fait doucement rire, jusqu'à l'entendre m'appeler. Sur le coup, je n'ai pas réagit de suite, l'écoutant parler alors que je devais lui répondre. « Eh ouais! Deux secondes, je t'amène ça. » Répondis-je quelques longues secondes après, partant fouiller dans l'un de mes tiroirs pour en sortir une grande serviette blanche pliée. « Je suis là, tu peux ouvrir pour que je te la passe ? » C'est plutôt gênant, non ? Je ne suis pas du genre à m'embarrasser vite, mais faut croire que mon cerveau a fait la part des choses. Pas de serviette, donc nue. Bravo Sherlock. Je tire une tronche d'abruti en me traitant moi-même d'idiot, attendant que Maylie ouvre un peu la porte pour lui donner la serviette à travers l'espace. Je ne peux pas faire mieux, à moins qu'elle préfère que je lui dépose la serviette par terre et tourne le dos ? J'en sais trop rien, ça semble nouveau pour moi ce genre de situation délicate. « Promis, je ferme les yeux. » Même si je garde une paupière à moitié ouverte pour m'assurer que la porte soit ouverte et que le tissu y passe.

tenue > On a pas vécu les mêmes choses, on est même très différents sur pleins de points... Alors pourquoi j'ai l'impression de le connaître? D'être proche de lui? D'être liée aux choses qui le concernent? Est-ce parce que nous sommes amis? Non, j'avais déjà ressenti ça à notre première rencontre, dans la salle de danse. Quand ses pas m'avaient rappelés ceux de Charlie, quelques années avant. Je m'étais dit que peut-être... peut-être ils se connaissaient? La fois où je l'avais aidé, je n'avais pas pu, pourtant, avouer que Charlie était mort et qu'il ne traînait plus dans les rues depuis longtemps. Je ne voulais rien savoir, au final. Même pas s'ils se connaissaient. C'était trop dur. Ça allait le devenir encore plus quand je saurais à quel point ils s'entendaient bien, tous les deux. Mais pour le moment, je reste dans cet état vague, entre deux eaux. Je profite d'un Yukine qui s'occupe de moi sans le dire vraiment. Qui s'inquiète silencieusement de mon état. Je crois que j'apprécie ses silences autant que ses paroles. Ils veulent dire beaucoup, ses regards, ses gestes. Son aide, sa veste, sa voiture, sa maison, ses parents, sa chambre et maintenant sa douche. Il m'en montre beaucoup. Sa famille heureuse, et son Baymax malgré tout. La vie est toujours en demi-teintes, et Yukine autant que moi, on en est le meilleur exemple.

Il me propose ses vêtements ou ceux de sa mère, et j'accepte les siens, rejouant notre dernière rencontre inversée. Je ne peux pas me résigner à porter ceux de sa maman... Je veux dire, ça serait étrange non? Enfin, pas autant que lui portant ceux de mon frère, après tout. Il n'insiste pas, comme s'il avait perçu mon malaise. Yukine, je suis si transparente que ça pour que tu sois si compréhensif, même quand je reste silencieuse? Je le fixe avec mes yeux marrons, en souriant doucement. Je me sens bien. Il me montre la salle de bain, et je m'y rend sans broncher. Une douche, c'est exactement ce dont j'ai besoin. Je suis loin, très loin d'être « fraîche et dispo ». Je suis sale, sale des mains et de la bouche de ce pervers. Après la surprise quand à la grandeur de sa baignoire (ce qui, au final, n'est pas si étonnant que ça), je me décide enfin à en profiter. C'est la première fois de ma vie que je découvre le « luxe ». Quand pour moi le luxe c'était de prendre des ramen instantanée à 400 yen plus cher que celles que je prenais d'habitude, là j'explore enfin la richesse. Je comprends pourquoi les gens courent après l'argent. Je laisse toute ses pensées me traverser alors que je me détend dans l'eau chaude. Quelques minutes plus tard, en sortant, je me rend compte que je n'ai pas de serviette. Nue, donc, j'appelle Yukine à travers la porte. Mon dieu, faite qu'il m'entende, je serais pas sûre de réussir à dire ça une deuxième fois. J'attends quelque secondes, gênée au possible, et prend une inspiration pour laisser ma voix s'exprimer une seconde fois quand il me répond enfin. « D'accord. », murmurais-je pour lui faire comprendre que j'avais entendu sa réponse. Je me lève, posant mes pieds mouillés contre le tapis de bain. Ouvrir? Je rougis instantanément. Je suis pas une experte, mais on vient de passer de film romantique à film porno, là non? Je m’approche de la porte sans réussir à l'ouvrir tout de suite. Mais merde, je suis nue, là! Je peux pas ouvrir cette porte, c'est trop, beaucoup trop gênant. Décidément, cette journée m'aura faite passée par toute les émotions possibles et inimaginables.

Il promet qu'il fermera les yeux, et j'entreouvre la porte, ne laissant voir que mon visage (rouge) et mon bras, et se saisi de la serviette en question. Bon, il a l'air autant mal à l'aise que moi... Je le remercie en détournant le regard et ferme la porte. Je soupire et me sèche rapidement, trop gênée pour être plus consciencieuse. J'attrape ensuite son t-shirt et son pantalon de jogging. Le t-shirt me tombe un peu sur les épaules, mais ça va encore. Je serre les ficelles du pantalon autour de mes hanches, et fait un ourlet avec les jambes. J'étend la serviette humide sur le présentoir, et sors ensuite de la salle de bain. Toujours aussi gênée, vous devez vous en douter. Je me rend dans la chambre de Yukine, sans oser le regarder. Je toussote autant pour faire acte de présence que pour briser ce silence gênant. Je regarde sur le lit et remarque un paquet de mochis à la pêche, et sur le sol, deux verres de jus de fruit. Je ne peux pas m'empêcher de trouver ça adorable. Je souris faiblement, soufflant un bon coup pour essayer de chasser le souvenir gênant de la salle de bain. Je m'assois sur le lit, et prend le paquet entre mes doigts. « Je sais pas comment t'a fais pour le savoir, mais ce sont mes préférés. J'adore la pêche. », lui confiais-je aussitôt pour faire dériver le sujet sur quelque chose de moins casse gueule. Je l'entend déjà dire « Je sais, j'ai un instinct incroyable », ou un truc du genre. Je regarde autour de moi, observe sa chambre, Baymax, et demande, tout simplement : « T'es né quel jour? Ton signe astrologique? Je suis sûre qu'on a des signes opposés, haha. ». Je me retiendrais presque de penser « les contraires s'attirent », puisque je ne connais pas le sien. J'ai juste entamé la conversation pour avoir quelque chose à dire, à vrai dire, c'est pas comme si c'était important. Tss. C'est cliché si je dis que ça en a quand même un tout petit peu pour moi?

tenue > L'un ou l'autre, nous  nous aidons à notre façon. Elle m'a déjà proposé sa douche aux dortoirs, puis les vêtements de son frère avant de me servir un chocolat chaud en poudre dont je m'en souviendrais toujours. à mon tour de lui rendre ses services en la laissant se laver chez moi et en lui passant mes vêtements, bien qu'ils soient beaucoup trop large pour une jeune fille aussi mince. Elle refuse ceux de ma mère, et je pense que c'est mieux ainsi. Sans insister, sans vouloir la forcer, je la laisse à son occupation en me détournant de la salle de bain une fois qu'elle s'y est enfermée. Cela fait, je me retrouve un peu sans rien, seul dans ma chambre à regarder les aiguilles de l'horloge murale tourner au ralentis. Je ne peux pas rester ainsi, pensais-je en me redressant. à la sortie de son bain, peut-être qu'elle voudra boire ou manger ? Je ne lui ai pas encore proposé quelques ravitaillements et je me doute qu'elle puisse avoir faim ou soif. Du coup, j'abandonne ma chambres pour me rendre dans la cuisine, des questions pleins la tête. Qu'est-ce qu'une fille aime manger ou boire ? Je ne me suis jamais posé la question jusqu'à présent, la tête dans  le frigo. Quand on sort avec les gars, elles sont à fond sur l'alcool, mais nous ne sommes pas en boite ici. Chez moi, ce ne sera pas à coup de vodka ou de champagne, même si j'en possède. Je ne tiens pas à pousser Maylie là-dedans, même si j'ignore son vécu pour ce genre de chose, et au final, je passe outre pour prendre des petits trucs à grignoter tout en restant soft dans mon choix. Jus de fruit et mochi à la pèche, ça devrait le faire pour se caler un peu l'estomac. Au pire, je lui demanderai directement si elle veut un truc à manger plus consistant que deux trois cadeaux miniatures.

De retour à la chambre, notre goûter improvisé déposé sur le bureau, j'entends la voix de Maylie m'appeler et me demander une serviette. J'ai complètement zappé ce détail, si bien que je me retrouve un peu idiot en cherchant de quoi lui convenir. Une serviette, une grande serviette immaculée que je garde en main jusqu'à atteindre la porte de la salle de bain et lui demander d'ouvrir légèrement le battant. Plusieurs minutes semblent défiler entre deux scènes et j'ignore à quoi peu bien penser Maylie dans cette pièce. Je ne compte pas regarder, si c'est celui qui l'inquiète. Je ne suis pas ce genre de pervers qui se rince l'oeil à la moindre occasion ou qui se joue des films dégueulasses dans sa tête, loin de là. Promesse faite, Maylie ouvre d'un cinquième la porte pour y passer son bras et je le donne ce dont elle a besoin en attendant qu'elle referme pour m'éloigner sans bruit. Ce n'était pas bien compliqué, finalement! Pourquoi on se stresse ainsi, franchement. J'ai à peine eu le temps de capter la situation qu'elle se termine en beauté, donc pas besoin de s'angoisser pour si peu. Le temps qu'elle se sèche et s'habille, je rapproche le « repas » du lit où nous serons plus à l'aise que sur deux chaises. Le sachet de gâteau sur le matelas et le reste au sol, j'attends tranquillement sur un coin de mon lit, allongé sur le dos pour fixer mon plafond sans grand intérêt. C'est le bruit de Maylie qui me ramène à moi et me force à quitter ma contemplation pour l'observer en silence. Elle rougit encore, signe qu'elle ne passe pas facilement à autre chose. Je me redresse rapidement pour m'asseoir en tailleur et l'invite à venir, un sourire en coin. Rassurant, Yukine, faut être rassurant.

Assise sur le lit, les mochi en main, Maylie me confie que ce sont ses préférés. L'ai-je deviné ? Non, mais me connaissant, je pourrais bien faire croire le contraire. « Je suis aller voir une voyante pour ça. » C'est tellement ridicule que je pouffe de rire. En fait, j'ai pris ça au hasard sans chercher à savoir si c'était réellement à son goût ou non, mais je vais le garder pour moi. Pendant que je me redresse pour prendre la bouteille et les verres au sol, je l'entends m'interroger sur plusieurs points. « vingt trois mars et je suis bélier. Tu crois ? Je te retourne tes questions, à toi de me dire ton signe et ta date de naissance. » On se croirait sur un site de rencontre pour jeunes célibataires, c'est super amusant. Un verre en main, j'en verse le jus de fruit dedans et le tends à Maylie. Faisons comme si c'était un rencard mal organisé, même si je doute que l'idée plaise à la demoiselle. Une fois son verre en sa possession, je m'en sers un à mon tour et le cale entre mes jambes croisés, piochant dans le paquet de mochi pour en piquer un. « C'est ma mère qui fait les courses, en fait. Je ne savais même pas qu'on avait ça chez nous. » Je l'avoue, je ne sais même pas ce que je mange en vivant ici, mais je m'y suis toujours accommodé depuis des années. Le goût n'est pas si mauvais, même si je ne suis pas amateur de pêche, mais c'est plutôt bon. « Dis-moi si tu veux manger autre chose ? Je peux commander n'importe quoi et le faire livrer ici. » La facilité, mais qui ne fait pas ça de nos jours ? En temps normal, quelqu'un cuisine pour nous et fait notre ménage, c'est ça être riche. Malheureusement, ce n'est pas l'heure pour cette personne d'être à notre disposition, faudra faire avec les moyens du bord, si elle a réellement faim.

tenue > Sans vraiment savoir pourquoi, j'ai envie que ça se passe bien nous deux. J'ai jamais vraiment eu d'amis garçons, je sais pas trop ce que c'est. Les hommes, pour moi c'est mon père qui nous a abandonnés, mon frère qui s'est toujours occupé de moi comme de la prunelle de ses yeux, et les garçons bizarres qui me demandent de les suivre, comme le gars chelou que Yukine a rembarré. J'ai pas d'autre modèle. Le gars drôle et ouvert qui me propose de me doucher chez lui ou le mec agaçant qui parle de la danse classique comme si c'était de la merde, ça fait pas partie de mes basiques, on va dire. Il est différent. Il n'est pas trop protecteur, ni sur mon dos, mais il est là, il me sourie, il me rassure rien que par sa présence. Il me fait rire mais un mot de lui peut me mettre hors de moi. Je devrais être perdue face à tant d'informations et pourtant j'agis naturellement, le plus simplement du monde à ses côtés. Je ne sais pas ce qu'il pense, mais ça ne me fait pas peur. Je suis une fille normale, qui peut refuser ou accepter n'importe quoi sans se sentir gênée par la politesse ou autre chose. Il change ça en moi. Bon, ça ne m'empêche pas d'être gênée comme je sais pas quoi quand je me rend compte qu'il manque une serviette, hein. Je ne peux pas sortir nue pour en chercher une, c'est contre mes principes, tout mes principes. Je l'appelle d'une petite voix en priant pour ne pas que sa mère ou son père ne viennent à sa place ; là, ça serait encore plus gênant m'voyez? Mais il arrive, le preux chevalier fidèle à son poste. J'ouvre très peu et très doucement la porte pour attraper l'objet tant convoité. Bah, c'était pas si compliqué au final. Toujours sous le choc malgré tout, je ne profite même pas de la douceur de la serviette et m'habille en vitesse. En revenant dans la pièce, rouge de gêne, je ne sais comment interpréter son sourire. On va pas épiloguer là dessus, ou je vais me transformer en tomate, genre vraiment.

Je suis très surprise de le voir avec des mochis à la pêche. La pêche, c'est genre toute ma vie vous voyez? L'ice tea à la pêche, la glace à la pêche, les tartes à la pêche, tant que y a de la pêche dedans je trouve ça bon. Je sais pas d'où ça vient, depuis que je suis petite c'est comme ça. Enfin, je vais pas m'en plaindre parce que du coup c'est parfaitement dans mes goûts. Une voyante? « T'es bête. », pouffais-je en le poussant un peu par son bras, histoire de prouver mollement mon mécontentement. Si on peut appeler ça comme ça, hein. Je pioche un mochi que je mors aussitôt avant de le laisser fondre un peu sur ma langue. C'est. Bon. Trop. Bon. Miam. « Aah je te jure c'est délicieux ~ », lâchais-je sans pouvoir m'en empêcher. Je me détend peu à peu, oubliant que je suis dans sa maison, avec ses parents en bas, et que j'ai manqué de me faire violer il y a quelques heures. Comme c'est étrange la vie. Les bons et les mauvais moments s'enchaînent sans que l'on ne puisse vraiment y faire quelque chose. Je le questionne sur son signe astrologique, un peu curieuse. Je manque d'éclater de rire quand il me dit qu'il est bélier ; je tousse à cause du morceau de mochi encore dans ma bouche. « J'aurais pas dit mieux, ça te va trop bien d'être bélier! Têtu comme ça, mon dieu... ». J'attrape le verre qu'il me tend alors qu'il me retourne la question. Oui, bah je suis bien loin de me rendre compte qu'on dirait de la drague ou un jeune couple qui commence à se connaître. Je suis pas dans cette optique là avec Yukine, vraiment pas. Pourtant, à bien y regarder, tous les ingrédients sont réunis... « Le 25 décembre. Va-y, fait toute les blagues que tu veux, genre « t'es la fille du père Noël », ou « ah, t'es pas un cadeau pourtant », j'ai l'habitude haha! », lançais-je en blaguant. Je vous assure que ça, ça m'a poursuivie quand j'étais gamine. « Je suis capricorne, du coup. ». Je me rend compte en lui répondant, qu'au final, même si nos signes ne sont pas du même ordre, les capricornes et les béliers s'entendent bien malgré leurs différences. J'avale une gorgée de jus de fruits, perplexe et lui répond : « Bah en fait... Ce ne sont pas des signes si opposés que ça, le Bélier est un signe de feu et le capricorne un signe de terre. Ils sont différents mais pas tant que ça, et arrivent très bien à vivre ensemble. ». Je me rend compte que c'est plutôt vrai, et le remercie, un peu en retard pour le jus de fruit, le sourire aux lèvres.

« Ta mère a bon goût, alors. », dis-je en souriant toujours. Je me sens bien là, je vous jure. Je me rappelle pas la dernière fois où je me suis sentie détendue comme ça. Nous faire livrer? C'est pareil, je ne me rappelle pas m'être déjà faite livrée quelque chose. Les pizzas, ce genre de choses, je n'en mange pas tellement. « Ne t'en fais pas, je n'ai pas vraiment faim, ça suffira. Mais commande quelque chose, si tu as faim toi. ». Je n'ai jamais vraiment faim. Je ne suis pas une grande mangeuse ; la nourriture me dégoûte vite. Charlie finissait toujours mes assiettes. « Les garçons ça mange beaucoup non? », lançais-je en rigolant presque. J'examine ensuite la pièce, le grand lit sur lequel je suis installée, les murs, les fenêtres. Peut-être ferais-je mieux de rentrer pour aller dormir, finalement? Non, je ne peux, je n'y arriverais pas. Dormir seule, ça va être impossible ce soir. La gorge sèche, d'une voix fluette et sans oser le regarder, je demande : « Tu veux bien dormir avec moi ce soir? En tout bien tout honneur, bien sûr. ». Ne pas rougir, Maylie. J'espère qu'il va pas trouver ça bizarre comme proposition, et qu'il va refuser. Je sais bien que quand je lui ai demandé de m'amener chez lui, dormir dans le même lit c'était pas dans le contrat, mais là je vais faire une nuit blanche si on fait autrement.