tenue > J'évite souvent de me demander ce que serait ma famille si mon père ne nous avaient pas abandonnés, et si ma mère était encore en vie. Mon père se serait reprit en main, ma mère aurait trouvé du travail. Mon frère aurait pu aller à l'école, et on aurait grandi avec insouciance. Je serais certainement devenue moins timide qu'aujourdhui, et Charlie aurait menacé les garçons me tournant autour de les tabasser s'ils restaient près de sa sœur. J'aurais peut-être eu une chambre à moi. Je serais devenue une élève moyenne, normale, avec des amies normales, des discussions banales, comme toute les ados de mon âge. Peut-être aussi que jamais je ne serais rentrée à Royal, je n'aurais jamais rencontré Hazel ou Yukine, parce que la danse n'aurait pas tant d'importance pour moi. Je serais devenue secrétaire dans un cabinet d'avocat, où j'aurais rencontré mon mari, un homme gentil, charmant, drôle. On aurait prit un crédit pour notre maison, on aurait eu deux enfants et trois chiens. Peut-être qu'au fond, ce sont mes erreurs, mes blessures, les difficultés que j'ai eu à surmonter, qui m'ont amenées là où je suis aujourd'hui. Je ne sais pas si c'est une mauvaise chose au fond. Je suis là, et à cet instant, j'observe la nuque de Yukine qui m'emmène dans sa chambre. Je traverse le couloir avec lui, et je n'ai pas peur, je me sens bien, juste bien. Je ne souhaite pas être ailleurs ; je sais qu'avec lui je suis en sécurité. Je ne me soucie plus de ses parents, de mon agression, de demain, de mon frère, de la danse. Tout ce que je sais, c'est qu'il tient mon bras dans sa main, et que je m'apprête à en savoir un peu plus sur lui. Je le crois quand il me dit que seulement peu de gens sont venus dans sa chambre ; c'est pareil pour moi. Ma chambre, dans mon appartement, c'est ma pièce. Même Charlie y rentrait rarement, quand j'avais des crises de larmes par exemple. Sinon, c'est mon lieu de solitude. Pourtant, reconnaissante, je suis prête à y inviter Yukine. Je blague en affirme n'être pas « n'importe qui », et l'aplomb avec lequel il me plussoie me fait instantanément rougir. Pourquoi j'ai le cœur qui bat là? Je repense à la discussion que j'ai eu avec Amy à son sujet, et je ne peux m'empêcher de laisser mon cœur s'emballer un peu plus. Je n'avais pas calé, mais clairement entre son sauvetage de tout à l'heure et ses mots à l'instant, on se croirait dans un film romantique. Ressaisis-toi, Maylie!

Il me présente ensuite Baymax, un petit robot qui lui tiens compagnie, apparemment. Je ne peux m'empêcher de me sentir mal pour lui ; son seul ami ici est un robot, dénué de vie humaine? En même temps, il a raison, il ne risque pas d'être déçu par ce petit être. J'accepte ensuite rapidement sa proposition de douche ; j'en rêve, à dire vrai. Je me sens sale, laide, j'ai l'impression d'être une loque. Une des qualités de Yukine que j'apprécie particulièrement, c'est le fait qu'il me traite comme tout le monde. Pas comme une petite orpheline pauvre et blessée ; je reste Maylie pour lui, et rien ne changera ça. Je trouve ça agréable, je me sens « normale » à ses côtés. J'évoque la possibilité de sa robinetterie en or, ce qui semble le faire beaucoup rire. Il me semble avoir vu ça dans un film, je crois. Yukine me contredit, précisant ne sachant comment l'exprimer dans mon « langage ». Quel langage? Je ne suis pas sûre de savoir comment je dois le prendre là. Je le remercie tout de même, pour tout ce qu'il vient de faire pour moi. Il me dit que c'est rien en me tendant une tenue d'homme. Je prend les vêtements dans mes mains, et le regarde, surprise devant sa prévenance. « Non, non, ne la dérange pas ! », répliquais-je un peu vivement à mon goût. « C'est très bien, c'est parfait, vraiment. », lui-dis-je plus doucement, dans un murmure presque. Je détourne le regard vers la salle de bain, un peu curieuse je dois le dire. J'hoche la tête, et lui informe que je m'y rend l'instant d'après. Une fois la porte poussée, mes yeux clignèrent plusieurs fois. Je me mordis la lèvre, et me retournais vers la chambre de mon sauveur, ne parvenant pourtant pas à le voir. Quel idiot, cette salle de bain est vraiment immense! Je ferme la porte derrière moi, un peu intimidée devant la taille de son bain. Gosh, comment se truc fonctionne? Je dépose les affaires, et me rapproche de l'engin.

Après quelques essais infructueux, j'ai finalement réussi à faire fonctionner le système, et à avoir de l'eau à bonne température. Je soupire de soulagement, et me déshabille pour enfin laisser le pommeau rincer les traces des mains de mon agresseur de mon corps. Pas besoin de gel douche, le simple contact de la chaleur permet à mes muscles de se détendre et à tout mon être de s'envelopper de douceur. Quelques minutes plus tard, j'éteins la robinetterie, et attache mes cheveux avec le chouchou que je garde toujours autour de mon poignet. Je regarde autour de moi avant de me claquer la tête avec la paume de ma main. « Quel idiote, je vous jure... ». Pas. De. Serviette. Pas moyen de me sécher, sans ça. Je n'ai même pas pensé à en demander à Yukine. Et là, je suis nue dans sa salle de bain, je commence à avoir froid, et je ne sais pas quoi faire. Je me résigne à appeler d'une petite voix, un peu cassée par la gêne : « Erm, hum... Yukine? Yukine, t'es là? Je... j'ai pas de serviette... ». Et là, je suis toute rouge. Je prie intérieurement pour qu'il m'entende, parce que là, je dois être la personne la plus gênée de la Terre entière.

tenue > Je n'ai jamais imaginé ma vie autrement. Que ce soit avec mes parents, sans eux ou avec d'autres. Que je sois riche, pauvre ou dans la moyenne. Que ma passion ne soit pas la danse, que mon cerveau ait été tourné vers un domaine différent ou que je sois simplement un digne hérité d'un riche homme. Que je sois marié, père ou divorcé. Que j'ai des animaux, rien du tout, une maison de luxe ou même pas une tuile pour m'abriter de la pluie. Je n'ai jamais songé à cela, ni même maintenant tandis que j'entraîne Maylie vers ma chambre, loin de mes agaçants parents qui en rajoutent toujours trop quand il ne le faut pas. Ils sont sympa, amusants, mais je préfère que la demoiselle ne soit pas trop en contact avec eux. Elle pourrait devenir triste à l'idée qu'ils soient ensemble et que je sois leur enfant, donc que ce soit une belle famille malgré tout. Elle m'a déjà recalé tout à l'heure quand j'ai voulu lui faire profiter d'un instant familial, autant dire que je n'ai aucune envie de remettre les pieds dans le plat. Plus loin nous sommes deux, mieux nous nous porterons ? Je présume, puis je m'en fiche. J'en ai décidé ainsi, fuyant dans ma vaste « demeure » auquel cas l'appartement de Maylie aurait pu y tenir dix fois. C'est marrant, pas prise de tête et j'aime beaucoup plaisanter avec elle. C'est gentil de sa part de m'inviter alors qu'elle n'a jamais fait ça avec personne auparavant. Serais-je un peu différent des autres à ses yeux ? Question idiote, je dois être super banal pour elle, un pote incongru, inattendu. ça me fait sourire de penser à notre première rencontre, même si j'ai été le pire des enflures. à présent, nous nous comparons à des « pas n'importe qui » qui prennent un sens étrange quand je m'y attarde légèrement, puis elle rougit et je me pose des questions. Ai-je dit un truc qu'il ne fallait pas ? Si j'étais un minimum dans sa tête, peut-être que j'aurai pu comprendre sa comparaison à un film romantique. Pour moi qui suis un mec, je ne vois pas trop cela de la même manière. En fait, je ne sais pas comment je pourrais le voir, ni le comparé.

Baymax. Il a l'apparence d'un substitue, un réceptacle pratique qu'en cas de vide, quand mes parents n'étaient pas à la maison. Un ami, un objet de bonne compagnie, mais il ne faut pas croire que je possédais que lui. L'école m'était en tout point favorable, puisque je me suis fait une belle brochette de pote, certains sont restés, d'autres non. C'est la vie, mais je suis nullement à plaindre. Elle a dû vivre pire que moi, pourquoi irais-je chouiner sur des trucs qui ne m'ont jamais perturbés ? Je suis un bonhomme, un dur de dur. Puis au final, je lui propose une douche qu'elle accepte volontiers, à mon plus grand plaisir. J'ignore si j'aime rendre service ou simplement parce que ça me fait plaisir qu'elle se mette autant à l'aise avec moi, chez moi. Pourquoi devrais-je la mettre à part ? C'est une fille, une bonne amie et elle mérite d'être traité normalement comme tout le monde, sans pitié. à sa place, je n'aimerai pas cela et je serais ravi d'être vu à travers des yeux sûrement différents. Une robinetterie en or, puis quoi encore ? Une baignoire en marbre ? Non sérieusement, je suis riche mais je reste dans la normalité malgré tout, bien que ce soit une baignoire à remous qui vaut tout aussi cher. Outre le fait que je la nargue, mes vêtement seront sûrement un peu large pour elle. « Je ne pense pas que cela la dérange. » La rassurais-je sans vraiment insister pour autant, comme elle voudra. Si c'est parfait, alors je n'ai rien à redire de plus. Un hochement de tête et j'approuve tout simplement sa décision. Après cela, je la laisse à sa découverte de ma salle de bain pour vaquer à d'autres occupations.

Pendant qu'elle se douche, j'en profite pour me rendre dans la cuisine et prendre de quoi boire. J'ignore encore ses préférences, alors j'opte pour du jus de fruit, sans oublier des verres. Qu'est-ce qu'elle aime manger ? Je ne sais réellement pas, malgré les nombreux produits que je possède chez moi. ça a beau être la caverne d'Alibaba dans mes placards, ma tête est complètement vide, elle. Une fille, ça mange des trucs léger, non ? Fruits ? Non, c'est too much là. Tant pis, je prends un sachet de mochi à la pêche et reviens rapidement dans ma chambre pour déposer le tout sur mon bureau. Toujours pas de Maylie, elle doit sûrement adoré la baignoire. Cette pensée me fait doucement rire, jusqu'à l'entendre m'appeler. Sur le coup, je n'ai pas réagit de suite, l'écoutant parler alors que je devais lui répondre. « Eh ouais! Deux secondes, je t'amène ça. » Répondis-je quelques longues secondes après, partant fouiller dans l'un de mes tiroirs pour en sortir une grande serviette blanche pliée. « Je suis là, tu peux ouvrir pour que je te la passe ? » C'est plutôt gênant, non ? Je ne suis pas du genre à m'embarrasser vite, mais faut croire que mon cerveau a fait la part des choses. Pas de serviette, donc nue. Bravo Sherlock. Je tire une tronche d'abruti en me traitant moi-même d'idiot, attendant que Maylie ouvre un peu la porte pour lui donner la serviette à travers l'espace. Je ne peux pas faire mieux, à moins qu'elle préfère que je lui dépose la serviette par terre et tourne le dos ? J'en sais trop rien, ça semble nouveau pour moi ce genre de situation délicate. « Promis, je ferme les yeux. » Même si je garde une paupière à moitié ouverte pour m'assurer que la porte soit ouverte et que le tissu y passe.

tenue > On a pas vécu les mêmes choses, on est même très différents sur pleins de points... Alors pourquoi j'ai l'impression de le connaître? D'être proche de lui? D'être liée aux choses qui le concernent? Est-ce parce que nous sommes amis? Non, j'avais déjà ressenti ça à notre première rencontre, dans la salle de danse. Quand ses pas m'avaient rappelés ceux de Charlie, quelques années avant. Je m'étais dit que peut-être... peut-être ils se connaissaient? La fois où je l'avais aidé, je n'avais pas pu, pourtant, avouer que Charlie était mort et qu'il ne traînait plus dans les rues depuis longtemps. Je ne voulais rien savoir, au final. Même pas s'ils se connaissaient. C'était trop dur. Ça allait le devenir encore plus quand je saurais à quel point ils s'entendaient bien, tous les deux. Mais pour le moment, je reste dans cet état vague, entre deux eaux. Je profite d'un Yukine qui s'occupe de moi sans le dire vraiment. Qui s'inquiète silencieusement de mon état. Je crois que j'apprécie ses silences autant que ses paroles. Ils veulent dire beaucoup, ses regards, ses gestes. Son aide, sa veste, sa voiture, sa maison, ses parents, sa chambre et maintenant sa douche. Il m'en montre beaucoup. Sa famille heureuse, et son Baymax malgré tout. La vie est toujours en demi-teintes, et Yukine autant que moi, on en est le meilleur exemple.

Il me propose ses vêtements ou ceux de sa mère, et j'accepte les siens, rejouant notre dernière rencontre inversée. Je ne peux pas me résigner à porter ceux de sa maman... Je veux dire, ça serait étrange non? Enfin, pas autant que lui portant ceux de mon frère, après tout. Il n'insiste pas, comme s'il avait perçu mon malaise. Yukine, je suis si transparente que ça pour que tu sois si compréhensif, même quand je reste silencieuse? Je le fixe avec mes yeux marrons, en souriant doucement. Je me sens bien. Il me montre la salle de bain, et je m'y rend sans broncher. Une douche, c'est exactement ce dont j'ai besoin. Je suis loin, très loin d'être « fraîche et dispo ». Je suis sale, sale des mains et de la bouche de ce pervers. Après la surprise quand à la grandeur de sa baignoire (ce qui, au final, n'est pas si étonnant que ça), je me décide enfin à en profiter. C'est la première fois de ma vie que je découvre le « luxe ». Quand pour moi le luxe c'était de prendre des ramen instantanée à 400 yen plus cher que celles que je prenais d'habitude, là j'explore enfin la richesse. Je comprends pourquoi les gens courent après l'argent. Je laisse toute ses pensées me traverser alors que je me détend dans l'eau chaude. Quelques minutes plus tard, en sortant, je me rend compte que je n'ai pas de serviette. Nue, donc, j'appelle Yukine à travers la porte. Mon dieu, faite qu'il m'entende, je serais pas sûre de réussir à dire ça une deuxième fois. J'attends quelque secondes, gênée au possible, et prend une inspiration pour laisser ma voix s'exprimer une seconde fois quand il me répond enfin. « D'accord. », murmurais-je pour lui faire comprendre que j'avais entendu sa réponse. Je me lève, posant mes pieds mouillés contre le tapis de bain. Ouvrir? Je rougis instantanément. Je suis pas une experte, mais on vient de passer de film romantique à film porno, là non? Je m’approche de la porte sans réussir à l'ouvrir tout de suite. Mais merde, je suis nue, là! Je peux pas ouvrir cette porte, c'est trop, beaucoup trop gênant. Décidément, cette journée m'aura faite passée par toute les émotions possibles et inimaginables.

Il promet qu'il fermera les yeux, et j'entreouvre la porte, ne laissant voir que mon visage (rouge) et mon bras, et se saisi de la serviette en question. Bon, il a l'air autant mal à l'aise que moi... Je le remercie en détournant le regard et ferme la porte. Je soupire et me sèche rapidement, trop gênée pour être plus consciencieuse. J'attrape ensuite son t-shirt et son pantalon de jogging. Le t-shirt me tombe un peu sur les épaules, mais ça va encore. Je serre les ficelles du pantalon autour de mes hanches, et fait un ourlet avec les jambes. J'étend la serviette humide sur le présentoir, et sors ensuite de la salle de bain. Toujours aussi gênée, vous devez vous en douter. Je me rend dans la chambre de Yukine, sans oser le regarder. Je toussote autant pour faire acte de présence que pour briser ce silence gênant. Je regarde sur le lit et remarque un paquet de mochis à la pêche, et sur le sol, deux verres de jus de fruit. Je ne peux pas m'empêcher de trouver ça adorable. Je souris faiblement, soufflant un bon coup pour essayer de chasser le souvenir gênant de la salle de bain. Je m'assois sur le lit, et prend le paquet entre mes doigts. « Je sais pas comment t'a fais pour le savoir, mais ce sont mes préférés. J'adore la pêche. », lui confiais-je aussitôt pour faire dériver le sujet sur quelque chose de moins casse gueule. Je l'entend déjà dire « Je sais, j'ai un instinct incroyable », ou un truc du genre. Je regarde autour de moi, observe sa chambre, Baymax, et demande, tout simplement : « T'es né quel jour? Ton signe astrologique? Je suis sûre qu'on a des signes opposés, haha. ». Je me retiendrais presque de penser « les contraires s'attirent », puisque je ne connais pas le sien. J'ai juste entamé la conversation pour avoir quelque chose à dire, à vrai dire, c'est pas comme si c'était important. Tss. C'est cliché si je dis que ça en a quand même un tout petit peu pour moi?

tenue > L'un ou l'autre, nous  nous aidons à notre façon. Elle m'a déjà proposé sa douche aux dortoirs, puis les vêtements de son frère avant de me servir un chocolat chaud en poudre dont je m'en souviendrais toujours. à mon tour de lui rendre ses services en la laissant se laver chez moi et en lui passant mes vêtements, bien qu'ils soient beaucoup trop large pour une jeune fille aussi mince. Elle refuse ceux de ma mère, et je pense que c'est mieux ainsi. Sans insister, sans vouloir la forcer, je la laisse à son occupation en me détournant de la salle de bain une fois qu'elle s'y est enfermée. Cela fait, je me retrouve un peu sans rien, seul dans ma chambre à regarder les aiguilles de l'horloge murale tourner au ralentis. Je ne peux pas rester ainsi, pensais-je en me redressant. à la sortie de son bain, peut-être qu'elle voudra boire ou manger ? Je ne lui ai pas encore proposé quelques ravitaillements et je me doute qu'elle puisse avoir faim ou soif. Du coup, j'abandonne ma chambres pour me rendre dans la cuisine, des questions pleins la tête. Qu'est-ce qu'une fille aime manger ou boire ? Je ne me suis jamais posé la question jusqu'à présent, la tête dans  le frigo. Quand on sort avec les gars, elles sont à fond sur l'alcool, mais nous ne sommes pas en boite ici. Chez moi, ce ne sera pas à coup de vodka ou de champagne, même si j'en possède. Je ne tiens pas à pousser Maylie là-dedans, même si j'ignore son vécu pour ce genre de chose, et au final, je passe outre pour prendre des petits trucs à grignoter tout en restant soft dans mon choix. Jus de fruit et mochi à la pèche, ça devrait le faire pour se caler un peu l'estomac. Au pire, je lui demanderai directement si elle veut un truc à manger plus consistant que deux trois cadeaux miniatures.

De retour à la chambre, notre goûter improvisé déposé sur le bureau, j'entends la voix de Maylie m'appeler et me demander une serviette. J'ai complètement zappé ce détail, si bien que je me retrouve un peu idiot en cherchant de quoi lui convenir. Une serviette, une grande serviette immaculée que je garde en main jusqu'à atteindre la porte de la salle de bain et lui demander d'ouvrir légèrement le battant. Plusieurs minutes semblent défiler entre deux scènes et j'ignore à quoi peu bien penser Maylie dans cette pièce. Je ne compte pas regarder, si c'est celui qui l'inquiète. Je ne suis pas ce genre de pervers qui se rince l'oeil à la moindre occasion ou qui se joue des films dégueulasses dans sa tête, loin de là. Promesse faite, Maylie ouvre d'un cinquième la porte pour y passer son bras et je le donne ce dont elle a besoin en attendant qu'elle referme pour m'éloigner sans bruit. Ce n'était pas bien compliqué, finalement! Pourquoi on se stresse ainsi, franchement. J'ai à peine eu le temps de capter la situation qu'elle se termine en beauté, donc pas besoin de s'angoisser pour si peu. Le temps qu'elle se sèche et s'habille, je rapproche le « repas » du lit où nous serons plus à l'aise que sur deux chaises. Le sachet de gâteau sur le matelas et le reste au sol, j'attends tranquillement sur un coin de mon lit, allongé sur le dos pour fixer mon plafond sans grand intérêt. C'est le bruit de Maylie qui me ramène à moi et me force à quitter ma contemplation pour l'observer en silence. Elle rougit encore, signe qu'elle ne passe pas facilement à autre chose. Je me redresse rapidement pour m'asseoir en tailleur et l'invite à venir, un sourire en coin. Rassurant, Yukine, faut être rassurant.

Assise sur le lit, les mochi en main, Maylie me confie que ce sont ses préférés. L'ai-je deviné ? Non, mais me connaissant, je pourrais bien faire croire le contraire. « Je suis aller voir une voyante pour ça. » C'est tellement ridicule que je pouffe de rire. En fait, j'ai pris ça au hasard sans chercher à savoir si c'était réellement à son goût ou non, mais je vais le garder pour moi. Pendant que je me redresse pour prendre la bouteille et les verres au sol, je l'entends m'interroger sur plusieurs points. « vingt trois mars et je suis bélier. Tu crois ? Je te retourne tes questions, à toi de me dire ton signe et ta date de naissance. » On se croirait sur un site de rencontre pour jeunes célibataires, c'est super amusant. Un verre en main, j'en verse le jus de fruit dedans et le tends à Maylie. Faisons comme si c'était un rencard mal organisé, même si je doute que l'idée plaise à la demoiselle. Une fois son verre en sa possession, je m'en sers un à mon tour et le cale entre mes jambes croisés, piochant dans le paquet de mochi pour en piquer un. « C'est ma mère qui fait les courses, en fait. Je ne savais même pas qu'on avait ça chez nous. » Je l'avoue, je ne sais même pas ce que je mange en vivant ici, mais je m'y suis toujours accommodé depuis des années. Le goût n'est pas si mauvais, même si je ne suis pas amateur de pêche, mais c'est plutôt bon. « Dis-moi si tu veux manger autre chose ? Je peux commander n'importe quoi et le faire livrer ici. » La facilité, mais qui ne fait pas ça de nos jours ? En temps normal, quelqu'un cuisine pour nous et fait notre ménage, c'est ça être riche. Malheureusement, ce n'est pas l'heure pour cette personne d'être à notre disposition, faudra faire avec les moyens du bord, si elle a réellement faim.

tenue > Sans vraiment savoir pourquoi, j'ai envie que ça se passe bien nous deux. J'ai jamais vraiment eu d'amis garçons, je sais pas trop ce que c'est. Les hommes, pour moi c'est mon père qui nous a abandonnés, mon frère qui s'est toujours occupé de moi comme de la prunelle de ses yeux, et les garçons bizarres qui me demandent de les suivre, comme le gars chelou que Yukine a rembarré. J'ai pas d'autre modèle. Le gars drôle et ouvert qui me propose de me doucher chez lui ou le mec agaçant qui parle de la danse classique comme si c'était de la merde, ça fait pas partie de mes basiques, on va dire. Il est différent. Il n'est pas trop protecteur, ni sur mon dos, mais il est là, il me sourie, il me rassure rien que par sa présence. Il me fait rire mais un mot de lui peut me mettre hors de moi. Je devrais être perdue face à tant d'informations et pourtant j'agis naturellement, le plus simplement du monde à ses côtés. Je ne sais pas ce qu'il pense, mais ça ne me fait pas peur. Je suis une fille normale, qui peut refuser ou accepter n'importe quoi sans se sentir gênée par la politesse ou autre chose. Il change ça en moi. Bon, ça ne m'empêche pas d'être gênée comme je sais pas quoi quand je me rend compte qu'il manque une serviette, hein. Je ne peux pas sortir nue pour en chercher une, c'est contre mes principes, tout mes principes. Je l'appelle d'une petite voix en priant pour ne pas que sa mère ou son père ne viennent à sa place ; là, ça serait encore plus gênant m'voyez? Mais il arrive, le preux chevalier fidèle à son poste. J'ouvre très peu et très doucement la porte pour attraper l'objet tant convoité. Bah, c'était pas si compliqué au final. Toujours sous le choc malgré tout, je ne profite même pas de la douceur de la serviette et m'habille en vitesse. En revenant dans la pièce, rouge de gêne, je ne sais comment interpréter son sourire. On va pas épiloguer là dessus, ou je vais me transformer en tomate, genre vraiment.

Je suis très surprise de le voir avec des mochis à la pêche. La pêche, c'est genre toute ma vie vous voyez? L'ice tea à la pêche, la glace à la pêche, les tartes à la pêche, tant que y a de la pêche dedans je trouve ça bon. Je sais pas d'où ça vient, depuis que je suis petite c'est comme ça. Enfin, je vais pas m'en plaindre parce que du coup c'est parfaitement dans mes goûts. Une voyante? « T'es bête. », pouffais-je en le poussant un peu par son bras, histoire de prouver mollement mon mécontentement. Si on peut appeler ça comme ça, hein. Je pioche un mochi que je mors aussitôt avant de le laisser fondre un peu sur ma langue. C'est. Bon. Trop. Bon. Miam. « Aah je te jure c'est délicieux ~ », lâchais-je sans pouvoir m'en empêcher. Je me détend peu à peu, oubliant que je suis dans sa maison, avec ses parents en bas, et que j'ai manqué de me faire violer il y a quelques heures. Comme c'est étrange la vie. Les bons et les mauvais moments s'enchaînent sans que l'on ne puisse vraiment y faire quelque chose. Je le questionne sur son signe astrologique, un peu curieuse. Je manque d'éclater de rire quand il me dit qu'il est bélier ; je tousse à cause du morceau de mochi encore dans ma bouche. « J'aurais pas dit mieux, ça te va trop bien d'être bélier! Têtu comme ça, mon dieu... ». J'attrape le verre qu'il me tend alors qu'il me retourne la question. Oui, bah je suis bien loin de me rendre compte qu'on dirait de la drague ou un jeune couple qui commence à se connaître. Je suis pas dans cette optique là avec Yukine, vraiment pas. Pourtant, à bien y regarder, tous les ingrédients sont réunis... « Le 25 décembre. Va-y, fait toute les blagues que tu veux, genre « t'es la fille du père Noël », ou « ah, t'es pas un cadeau pourtant », j'ai l'habitude haha! », lançais-je en blaguant. Je vous assure que ça, ça m'a poursuivie quand j'étais gamine. « Je suis capricorne, du coup. ». Je me rend compte en lui répondant, qu'au final, même si nos signes ne sont pas du même ordre, les capricornes et les béliers s'entendent bien malgré leurs différences. J'avale une gorgée de jus de fruits, perplexe et lui répond : « Bah en fait... Ce ne sont pas des signes si opposés que ça, le Bélier est un signe de feu et le capricorne un signe de terre. Ils sont différents mais pas tant que ça, et arrivent très bien à vivre ensemble. ». Je me rend compte que c'est plutôt vrai, et le remercie, un peu en retard pour le jus de fruit, le sourire aux lèvres.

« Ta mère a bon goût, alors. », dis-je en souriant toujours. Je me sens bien là, je vous jure. Je me rappelle pas la dernière fois où je me suis sentie détendue comme ça. Nous faire livrer? C'est pareil, je ne me rappelle pas m'être déjà faite livrée quelque chose. Les pizzas, ce genre de choses, je n'en mange pas tellement. « Ne t'en fais pas, je n'ai pas vraiment faim, ça suffira. Mais commande quelque chose, si tu as faim toi. ». Je n'ai jamais vraiment faim. Je ne suis pas une grande mangeuse ; la nourriture me dégoûte vite. Charlie finissait toujours mes assiettes. « Les garçons ça mange beaucoup non? », lançais-je en rigolant presque. J'examine ensuite la pièce, le grand lit sur lequel je suis installée, les murs, les fenêtres. Peut-être ferais-je mieux de rentrer pour aller dormir, finalement? Non, je ne peux, je n'y arriverais pas. Dormir seule, ça va être impossible ce soir. La gorge sèche, d'une voix fluette et sans oser le regarder, je demande : « Tu veux bien dormir avec moi ce soir? En tout bien tout honneur, bien sûr. ». Ne pas rougir, Maylie. J'espère qu'il va pas trouver ça bizarre comme proposition, et qu'il va refuser. Je sais bien que quand je lui ai demandé de m'amener chez lui, dormir dans le même lit c'était pas dans le contrat, mais là je vais faire une nuit blanche si on fait autrement.

tenue > C'est la première fois que ma salle de bain reçoit la présence d'une fille, ou de quelqu'un d'autre que moi. C'est une première qui devrait m'étonner, mais dans un sens je suis plutôt gêné par le fait qu'elle puisse oublier de demander une serviette avant d'entrer sous la douche. C'est des trucs qui ne m'arrive jamais, parce que même si j'oublie un truc, je peux me balader librement dans ma chambre. Au pire des cas, je ferme la porte à clé et m'enferme dans mon jardin secret que peut-être cette immense pièce. Pourtant aujourd'hui, elle accueille une nouvelle présence qui réchauffe doucement ces murs froids et blancs. ça change de l'accoutume, ça embellit même les lieux. Ici, ça manque cruellement de couleur mais Maylie apporte sa petite touche avec ses joues rouges et son regard parfois fuyant. La situation a dû l'embarrasser plus qu'à moi, mais c'est sûrement normal. Je ne suis pas prude, j'ai déjà vu des filles se mettre en sous-vêtement devant moi -aka la professeure de sport qui se fout à l'aise pour danser- mais de là à la voir complètement nue, non. La douche terminée et Maylie vêtue, elle revient dans la chambre où j'ai ramené de quoi grignoter et boire. Je ne pensais pas qu'elle puisse autant aimer ce fruit, surtout quand c'est un coup du hasard que je retourne en fatalité. Bête ? Je souris à son geste et ajoute: « Faut de tout. » Pour faire un monde, mais elle doit connaître l'expression, même si ça sonne comme une bonne excuse pour pardonner les cinglés. Je ne suis pas fou, faut pas abuser non plus. Idiot, mais pas timbré pour autant. Maylie ne perd pas de temps pour prendre un mochi et mordre dedans, complimentant le bon goût du gâteau. Je n'en doute pas, bien que je ne sois pas un ferveur admirateur des sucreries. « Tu peux en manger autant que tu veux. » L'informais-je pour ne pas qu'elle se prive, quitte à finir le paquet, ça ne me dérange pas. Apparemment, mon signe astrologique colle bien à mon caractère. Têtu comme un bélier, bout en train comme l'animal à corne. Je devrais être offusqué de son commentaire, mine de rien. « Et ça te fait rire, idiote ? » ça m'amuse aussi, mais je le cache à travers une mine désabusé.

Retournement de question, tandis que je lui sers à boire. Je m'en fiche de passer pour un couple en apprentissage, entre amis, c'est normal d'apprendre à se connaître. Puis, c'est Maylie qui a commencé, ce serait malpoli de ne pas m'informer aussi sur elle. Le 25 décembre ? Pile le jour de noël, c'est marrant. « Je t'aurai plutôt demandé si tu as plus ou moins de cadeau ? » Bah quoi, c'est la question que tous se posent! Qu'est-ce qui passe en premier, noël ou son anniversaire ? Mais j'approuve, ce n'est pas un cadeau. Capricorne, je ne pense pas connaître un capricorne dans mes relations, à moins que je ne le sache pas. Comparé à elle, je ne peux pas lui coller une image particulière sur son signe. En vérité, je n'y connais rien sur l'astrologie. Maylie me parle d'un sujet qui m'échappe un peu mais je veux bien la croire si elle le dit. « L'astrologie, les étoiles, tout ça, ce n'est pas trop mon domaine de prédilection. » Encore une fois, je l'informe sur mes défauts et mes failles. Nous ne pourrons pas trop tenir un discourt là-dessus à mon avis, bien qu'elle puisse m'en apprendre plus de son côté. Quant au verre, je lui rend son sourire en me servant à mon tour. Manquerait plus qu'une bataille de coussin à la fin et ce sera la meilleure soirée pyjama de ma vie, ou la première.

Sûrement, pensais-je en souriant. Ma mère a bon goût pour choisir des cuisiniers aussi, ils sont formidables. J'en profite pour prendre un mochi et parler repas, vrai repas. Un truc qui cale l'estomac jusqu'au lendemain, quitte à téléphoner pour nous faire livrer un truc en vitesse et à domicile. « Pas vraiment, je peux m'en passer. » Puis je ne tiens pas à manger sous ses yeux, tout seul ou la laisser là pendant que j'irai me remplir le bide dans une autre pièce. Je préfère encore laisser tomber et rester sur les mochis et jus de fruit. « C'est un préjugé ? Je mange comme tout le monde, juste ce qu'il faut pour tenir jusqu'au prochain repas. » Dis-je avec un air boudeur et faussement contrarié. Moi non plus, je ne mange pas pour dix et me contente du plus consistant pour tenir des heures d'entraînements. Dormir avec elle ? Je hausse les épaules sans trop réaliser, acceptant trop rapidement. « Ouais, je pourrais ramener un matelas et dormir par terre. » Puisque la dernière fois elle a pioncé dans son fauteuil. Je suis loin du « dormons dans le même lit » même très loin de là. J'imagine encore qu'elle soit innocente et prude, préférant ne pas avoir la présence d'un homme à côté d'elle. Généralement, c'est comme ça les filles non ? « Ah! Je dois te rendre les vêtements de ton verre aussi. Ma mère les a lavés la dernière fois mais j'ai oublié avec les entraînements. » Tout en parlant, je me lève du matelas, le verre au sol et me dirige vers mon dressing où j'en sors un petit sac. Ils sont pliés et rangés, portant à présent l'odeur de la lessive. « Il a dû perdre l'odeur de ton frère, mais je pense qu'il pourra la remettre plus tard. » Si seulement je savais pour son frère, je ne l'aurai jamais dit. Sans savoir que ce même garçon est une personne qui a cruellement habité ma vie par le passé, y laissant une place vide et sans intérêt aujourd'hui.

tenue > Je m'imagine aisément que Yukine en a vu d'autres. Des filles je veux dire. S'il ne m'avait pas précisé que j'étais la première à mettre les pieds ici, je me serais dit que ça devait être dans ses habitudes de ramener des filles dans sa chambre ou sa salle de bain. Je n'ai jamais eu de petits amis, jamais de contact autre que fraternel ou amical avec des garçons. L'amour, le désir, je n'y connais absolument rien, je ne sais pas ce que ça veut dire. Je suis tellement dévouée à la danse que je n'y prête pas attention. Mais Yukine, il est différent ; c'est mon exact opposé. Je me doute qu'il a du en connaître, beaucoup je ne sais pas. Je me doute aussi que je dois paraître extrêmement différente d'elles. Je suis facilement gênée, trop polie, calme, coincée et j'en passe. Je ne suis pas du genre à porter des bas résilles ou des talons hauts. Alors je ne peux pas m'empêcher de rougir violemment en rentrant dans sa chambre, désormais habillée. Je sais aussi malgré tout que je peux lui faire confiance. Ce n'est pas le genre à rentrer alors que je me change, ou a aborder des sujets délicats pour moi. Je sais que ce n'est pas un « pervers », ni un dégénéré. On peut plaisanter sans problème avec lui, il ne prendra rien mal, ne sera pas rancunier. Je me permet de reprendre un mochi quand il me dit que je peux manger autant que je veux. Je suis pas trop le genre de fille qui mange beaucoup sans prendre de poids, au contraire. Alors j'ai appris à réduire mon appétit en même temps que ma taille. Maintenant, c'est une habitude, je mange comme un oiseau. J'éclate d'un rire franc quand il me dit être Bélier. C'est exactement le signe astrologique qui lui convient, vraiment, vraiment, vraiment. Je ne peux pas m'empêcher de rire tellement ça lui va. « Je crois que je vais même mourir de rire, là! », lançais face à sa remarque, en me tenant le ventre, essuyant quelques larmes qui me perlaient au coin des yeux.

Plus ou moins de cadeaux? Erm, j'ai pas souvent de cadeaux, à vrai dire. Surtout les deux dernières années ; Charlie était le seul à m'en offrir, maintenant qu'il est parti je ne reçoit plus rien. Mais quand j'étais plus jeune, il veillait à ça, à ce que Noël et mon anniversaire soient deux choses bien distinctes. J'avais un cadeau de Noël le matin et on fêtait mon anniversaire le soir en général. « Je dirais que je n'en ai ni plus ni moins, ma famille essaie de séparer les deux pour que je ne sois pas lésée, tu vois? », je lui lance un petit sourire avant de détourner les yeux. C'est compliqué de dire « ma famille » quand plus personne n'en fait partie désormais. Je vois bien que l'astrologie ça n'est pas son fort, je préfère m'arrêter là avant de passer pour une allumée. J'hoche la tête simplement pour conclure notre conversation à ce sujet. Je ne me rend pas bien compte que notre relation peut paraître étrange. Je veux dire, là je suis chez lui entrain de parler astrologie, après avoir prit une douche dans sa salle de bain et m'être fait raccompagné dans sa voiture. Sortit de son contexte on croirait presque... un couple? Le sujet dérive sur la nourriture, et je lui fait savoir que sa mère a bon goût (c'est vrai quoi, la pêche c'est vraiment trop bon). Il me demande si j'ai envie de commander quelque chose, mais je décline rapidement. Je le pousse à commander si lui a faim au contraire, mais il ne semble pas de cet avis. Je fronce les sourcils face à son air vexé presque. Un préjugé? Ah bon, d'accord, je ne savais pas. C'est pas comme si je connaissais suffisamment de garçons pour avoir un élément de comparaison. « Oh, pardon. », murmurais-je, sans savoir vraiment pourquoi je m'excusais. Quand je suis prise de court, c'est la seule chose que je trouve à faire. Je me sens désemparée, et mon manque de connaissance sur les relations sociales ne m'aide en rien. Ce n'est pas si grave, mais j'ai l'impression que je gâche tout dès que j'ouvre la bouche.

C'était déjà tellement gênant pour moi de lui demander de dormir avec moi, que devoir préciser ma pensée me gênait encore plus. Il hausse les épaules et je pensais que le message était bien passé, jusqu'au moment où il évoque le matelas pour dormir par terre. Je rougis un peu plus. La dernière fois j'avais dormi sur un fauteuil, mais la dernière fois je ne venais pas de me faire agresser par un pervers. Je n'ai pas le temps de répliquer qu'il me reparle déjà des vêtements de mon frère. J'hoche simplement la tête et le regarde fouiller dans son dressing pour trouver les affaires en question. J'avale ma salive quand il parle de son odeur. Je n'arrive pas à le regarder et fixe le sol en lui répondant d'une voix blanche. « Ne t'en fait pas, ça n'avait plus tellement son odeur de toute façon. Merci. » ; ça n'est pas sa faute, il ne sait pas. C'est plutôt la mienne pour avoir menti dès le départ. Je mérite le coup de poignard que je viens de me prendre dans le cœur. J'attrape le petit sac et le pose par terre, près de moi. Pense à autre chose Maylie, pleurer maintenant ne serait pas logique. Je l'interpelle, la voix cassée, en relevant la tête vers lui. « Yukine, je... tout à l'heure... », je prend une inspiration et ose redemander, toujours honteuse et gênée au possible. Mes yeux qui doivent briller sous le coup de l'émotion survenue lors du sujet « Charlie » rajoutent certainement un côté encore plus apeuré qu'avant à ma question. Je dois être ridicule, là. « Je... j'aimerais... Je me demandais si tu voulais bien... dormir avec moi. Tu vois, pas sur un matelas, mais... dans le même lit quoi... », je détourne le regard, beaucoup trop gênée. C'est vraiment bizarre dit comme ça, et je dois passer pour une fille louche, non? « Ecoute, oublie en fait, c'est idiot. ».

tenue > Sur ce point-là, nous nous ressemblons énormément. La danse prend beaucoup trop de place dans ma vie pour accorder ne serait-ce un centimètre pour des sentiments amoureux. Je ne sais même pas ce que cela veut dire, en fait. Amour ? Romantisme ? Douceur ? Quand on me voit danser du hip-hop, on se doute à l'avance que je n'ai jamais été tendre et guimauve avec qui que ce soit, ni même avec ma propre mère. à dire vrai, je suis un peu fermé sur ce terrain-là, parce qu'à mes yeux, l'amour bloque beaucoup trop de chemin. Aimer rend les gens égoïstes et seuls en eux, ce que je ne peux me permettre avec ma passion et mon avenir. Je ne peux pas considérer mon temps à une fille, surtout pas quand l’ultimatum me tombera au coin de la tronche: « Moi ou la danse? » dans ce cas-là, ce serait un coeur brisé et une relation dans le vide. La danse passe avant tout, c'est prévu d'avance. Du coup, c'est normal qu'aucune fille ne soit rentrés chez moi, ni dans mon coeur. à part des bisous après des soirées arrosées, je ne connais rien de plus dans ce domaine. Coucher avec une inconnue n'a aucun intérêt pour moi, c'est même une grosse perte de temps avec un emploi serré comme le miens. à peine debout que je m'entraîne, même manger passe en second plan. Maylie ne devrait pas juger trop vite, je ne suis pas bien différent d'elle, sans le caractère timide et renfermé. Je ne vais pas l'embarrasser pour autant, ni oser faire quoi que ce soit de déplacer. C'est une amie, je la met à l'aise pour ne pas qu'elle souhaite repartir de suite chez elle, surtout pas après l'épisode dernier dans la ruelle avec ce sale type. « Yah! ce n'est pas amusant! » Râlais-je en me retenant de reprendre le sachet de gâteau. Aish, être bélier ne veut rien dire, j'en suis sûr. J'aurai pu être balance ou vierge que cela n'aurait rien changé à ma vie.

Noël ou son anniversaire, je me demande ce qu'elle choisit en priorité ou si elle pense aux deux ? Après tout, ça doit être ennuyant d'être né ce jour-là, en pleine fête d'hiver. D'après elle, c'est deux choses différentes et je trouve ça normal. « C'est une bonne chose, je pense. Faut pas confondre le jour de ta naissance et celui d'un autre. » Noël, ce n'est pas le jour du christ ou un truc comme ça ? J'y connais rien, je ne suis pas croyant. Outre l'astrologie où je n'y connais rien non plus -mes connaissances sont restreintes, avouez-le- le sujet nourriture me paraît plus abordable, surtout pour avouer que ma mère est la cause des placards et frigo bien remplie. Ce n'est pas elle qui fait la cuisine, mais elle prend un peu de son temps pour les courses. Quant à moi, je peux toujours commander à manger si la faim se fait sentir. Perso, je n'ai pas l'appétit d'un ogre non plus. Avec la danse, j'ai appris à gérer mes rations pour n'être jamais en manque de quoi que ce soit, sans pour autant me goinfrer et prendre du poids. Comparé aux filles, je n'ai pas la taille guêpe et la capacité d'engloutir un big mac sans dégât. « Ne t'en fais pas. J'ai une sorte de régime à suivre. » Est-ce une blague ou pas ? Je me tâte à me répondre à moi-même. Ce n'est pas vraiment un régime, mais je ne me lâche pas non plus. Surtout depuis qu'Hazel m'a dit d'arrêter les écarts comme alcool et cigarette.

Les informations montent difficilement à mon cerveau, mais Maylie a dû s'en rendre compte avec cette histoire de matelas et de dormir ensemble, dans la même pièce, pas dans le même lit. Je suis un peu à la ramasse, mais nous avons déjà eu à faire avec la même situation la dernière fois. Je m'en fais pas plus pour cette histoire, parlant rapidement des vêtements de son frère. à mes yeux, il ne doit pas être bien loin, elle pourra toujours lui rendre pour que tu sois en ordre, mais son comportement me laisse à douter. « ça va ? » ça m'inquiète son timbre de voix et sa manière de préciser que cela n'avait plus tellement son odeur. Dans son cas, elle ne le voit pas si souvent ? Où est-il ? Si je persiste, je suis sûr de mettre les pieds dans le plat. Du coup je me retiens d'en demander plus, hochant la tête quand elle reprend la parole. Mieux vaut changer de sujet pour le moment, peut-être qu'elle m'en parlera plus tard, avec un peu plus de confiance. Est-ce qu'elle a peur d'un truc ? J'ai l'impression qu'elle va se mettre à pleurer dans deux secondes, ça me foutrait mal de la pousser aux larmes sans raison. Le même lit ? Ah. Je ne l'avais pas interpréter comme ça... Je ne m'en serais jamais douté. « Ah, ça ne me dérange pas si tu veux dormir avec moi. C'est juste que la dernière fois... Tu voulais rester dans ton fauteuil, alors je pensais que là aussi. » Ouais non, je suis bête parfois. Je n'avais juste pas compris son sous-entendu. « Je suis d'accord. Je ne compte rien fait, si c'est cela qui te dérange. Tu sais bien que je  ne suis pas le loup, non ? » On avait déjà parlé de ça la dernière fois. Je souris doucement pour la rassurer, buvant une autre gorgée de mon jus de fruit. C'est calme, mais ça repose en même temps. « Tu es déjà fatiguée ? » Demandais-je en me redressant pour récupérer la bouteille de jus et la déposer sur mon bureau, laissant les verres vers nous.

tenue > Je n'ai jamais réfléchis à ce que je ferai une fois en couple. Après, c'est sûr que la danse passe et passera avant tout quoi qu'il se passe. C'est toute ma vie. La seule personne pour laquelle j'aurais pu tout abandonner est morte. J'ai du mal maintenant à me dire que quelqu'un d'autre que Charlie pourrait m'aimer suffisamment pour vouloir faire sa vie avec moi. Et j'ai du mal aussi à me dire qu'un jour j'aimerais suffisamment quelqu'un pour vouloir le garder à mes côtés jusqu'à ma mort. C'est trop abstrait comme concept. Je ne me trouve pas attirante, ni séduisante ou autre adjectif du genre. Je ressemble à une gamine qui a mal grandi, qui s'habille comme une nonne et parle comme une princesse. Je me trouve ridicule, on dirait une héroïne de contes pour enfants. Certainement pas une adulte en devenir. Je ne comprends pas que l'on puisse me trouver jolie. Et inversement, je n'ai jamais trouvé quelqu'un tellement beau ou tellement « sexy » que je serais prête à tout pour qu'il m'aime en retour. C'est trop bizarre de penser comme ça. Je n'y connais rien aux gens, à l'amour, au sexe, etc. Je ne comprends pas qu'on y porte tant d'importance. La danse c'est tellement mieux que tout ça. En parlant avec Yukine de notre passion commune, la dernière fois, j'ai comprit que je n'étais pas toute seule. Et qu'aimer un art avec tant de force ça n'était pas étrange. Ça m'avait fait le plus grand bien pile au moment où j'en avais besoin. Pour ça aussi, je lui en suis reconnaissante. Je peine à calmer mon rire face à sa nouvelle remarque, mais j'y parviens finalement. Je n'avais pas autant ri depuis des lustres.

Je réponds à sa question qui me surprend un peu, mais dans le bon sens du terme. Il s'inquiète de savoir si l'on fête bien ces deux fêtes séparément. Et aussi loin que je m'ne souvienne, Charlie faisait des efforts pour concilier les deux le même jour. J'hoche la tête en souriant. C'est vrai que pour ça aussi, ça a été un grand frère exemplaire. On dérive sur la nourriture. Je suppose vaguement qu'il a faim puisqu'il me propose de commander quelque chose. Je décline son offre, mais le laisse commander ce qu'il souhaite s'il en a envie. Les garçons ça mange beaucoup non? A la télé, dans les livres, ils sont réputés pour manger plus que les filles. Quand j'étais au foyer, ici à Tokyo, je me souviens qu'ils engloutissaient des assiettes entières. Mais je dois avouer qu'a part ces éléments de comparaison un peu foireux, j'y connais rien. Je suis pas le genre de fille qui fréquente beaucoup de garçons. Loin de là. Alors quand il nie mon affirmation, je me braque et me tais. Je m'excuse, encore, comme il doit en avoir l'habitude maintenant. J'hoche la tête simplement, une nouvelle fois, sans tiquer sur le « régime à suivre ». Je suppose qu'il fait attention à sa ligne, et puis je ne veux pas mettre les pieds dans le plat une nouvelle fois. S'il ne m'en parle pas lui-même, je ne poserais pas de questions.

Il te demande si ça va. Répond, Maylie. Ça va paraître louche sinon. « Oui, ne t'inquiète pas. », soufflais-je sans m'étaler plus, avant de cligner plusieurs fois des yeux en observant la pièce. Je sais que tu en as envie, mais pleurer maintenant ne fera que l'inquiéter encore plus. Alors stop. Le pauvre, il doit me voir passer d'une émotion à l'autre, sans comprendre ce qu'il m'arrive. Quand je suis avec Yukine, j'ai l'impression que Charlie vit encore un peu. Je lui dirais la vérité un jour, mais je n'en ai pas la force maintenant. Il comprendra, j'en suis certaine. J'apprécie malgré tout sa prévenance et le fait qu'il n'insiste pas. Changer de sujet, alors euh... Les sujets. Bon, c'est gênant, certes, mais ça m'empêchera de sentir mon coeur se comprimer un peu plus dans ma poitrine ; le lit. Je lui ai demandé si l'on pouvait dormir ensemble, mais je crois que l'information est pas bien passée. Je suis rouge, mais ça l'empêchera au moins de trop réfléchir à mon comportement d'il y a quelques minutes. Je lui explique en bafouillant ce que j'entendais par « dormir ensemble » avant de lui dire de laisser tomber. Ce n'est pas si important, et puis ça peut paraître bizarre comme conversation. On est juste amis, et je le supplie presque de dormir dans le même lit que moi. Il accepte malgré tout, et je relève la tête vers lui, soutenant son regard. « Je sais... pour la dernière fois... mais là, je... j'ai peur. », avouais-je d'une petite voix en laissant mon regard dériver vers la fenêtre. Je me retourne vivement à sa question net réplique aussitôt : « Bien sûr! Je sais bien que tu n'es pas... comme ça. Je te fais confiance. Et puis je me sentirais plus en sécurité si tu dors avec moi. Ce n'est pas de toi dont j'ai peur c'est de... » … tout le reste. Le monde extérieur. Les gens susceptibles de m'agresser dans la rue. Mais avouer ça de but en blanc, j'ai un peu de mal pour le moment. On va s'en tenir à ça. Je lui rend son sourire, et m'étale sur le lit, juste histoire de soulager mon dos endolori par la position assise. « Ah, euh.. non non, ça va, j'ai de l'énergie encore. », souriais-je en me relevant sur mes coudes pour le regarder. « Et toi? ». Je regarde la chambre et tombe sur son ordinateur, posé sur son bureau. « On pourrait regarder un film et se laisser le droit de s'endormir devant si c'est trop long? », proposais-je, amusée moi-même par ma tournure de phrase. Je n'ai jamais fait ça, je n'ai pas vu beaucoup de films dans ma vie, mais je crois que les gens font ça. A la télé du moins. Depuis que je la regarde dans les dortoirs, c'est devenu ma bible de vie, en quelque sorte.

tenue > Au Japon, Noël n'est pas une fête que l'on fait généralement en famille. Les jeunes en profitent pour sortir, certains trouvent le moyen de se déclarer durant cette période là, mais c'est aussi la fête des amoureux en quelque sorte. C'est le moment pour se faire un beau cadeau, pour être ensemble et vivre un moment magique. J'ai toujours passé noël avec des potes à sortir dans les rues de Tokyo, du moins quand j'ai été en âge de sortir à pas d'heure, sinon je restais cloîtrer chez moi à ne rien faire de particulier, sans parents, sans amis. je mangeais des trucs devant la télé ou je dansais avec la musique à fond. Bref, je n'ai pas des « bons » souvenirs de cette fête, alors que Maylie doit en avoir des tonnes grâce à son anniversaire qui tombait le même jour. Ce doit toujours être la même, bien que le temps soit passé et que les années se sont écoulés. Que demande-t-elle à noël ou pour son anniversaire ? à moins qu'elle laisse faire sa famille ? C'est étrange de me poser autant de question, sans réelle raison. Puis on change de sujet, à savoir si elle a faim ou désire commander. Apparemment, ce n'est pas son cas, le miens non plus. J'ai proposer pour savoir, au cas où. Je ne mange pas des masses comme les garçons dans les films, séries ou manga. J'ai un appétit contrôlé dû à un régime alimentaire, je ne dois pas dépasser telle quantité de calorie, ni en manquer pour autant. Sur ça, je suis sérieux et oublie souvent de manger, sautant un repas au détriment de mes entraînements. Est-ce que Maylie est comme moi ? Après tout, elle danse beaucoup aussi. Nous partageons la même passion, à des points différents, mais certains doivent bien se ressembler quand même. Régime, temps d'entraînement, persévérance, tout ça on doit l'avoir en commun mine de rien. De toute façon, Maylie peut bien me demander ce qu'elle veut, je ne le prendrais pas réellement mal. J'ai l'air d'être un gars facilement susceptible, mais ce n'est pas le cas. Au contraire, il m'en faut beaucoup pour m'énerver ou me faire dire des trucs méchants, comme avec mes préjugés sur la danse classique. Une grosse histoire, quoi.

Est-ce qu'elle va bien ? J'ai dû taper dans un point sensible en parlant ? J'ai l'impression qu'elle va se mettre à pleurer sous peu, alors que je ne pense pas avoir dit un truc dégueulasse ? J'ai dit bien pire sans qu'elle ne tire cette tête, comme les fois où je la croisais dans les premiers temps, sans se connaitre. Il y a tellement de zone d'ombre que je ne sais quoi dire, ni penser.  Est-ce pour son frère qu'elle s'est vaguement mise dans cet état ? Je voudrais bien lui poser la question, mais je sais d'avance que je mettrais les pieds dans le plat. Autant m'arrêter là et suivre son rythme quand elle décide de changer de sujet, revenant à cette histoire de dormir ensemble. J'ai cru dans la même pièce, parlant directement d'un autre matelas pour dormir pas loin mais Maylie n'a pas été très précise. Ce n'est pas ça, faut croire. Je me sens bête, pensant encore à la dernière fois dans sa chambre d'université. Oublier ? Mais ça ne me dérange pas de dormir dans le même lit. Nous sommes... Amis, non ? Les amis ne devraient pas hésiter, je pense. Peur ? De quoi peut-elle avoir peur ? Elle est à l'abri en étant dans ma chambre, dans ma résidence même. Personne ne peut entrer ici, elle n'a rien à craindre. « De quoi as-tu peur ? Il ne va rien t'arriver, je te rassure. » Être rassurant, c'est la seule chose que je peux faire pour elle à ce moment-là. Je l'ai déjà débarrassé de l'autre type, protégé de cette enflure, maintenant il ne me reste plus qu'à la rassurer. De toute façon, je ne serais pas le méchant loup. « De ? » J'insiste réellement pour savoir, haussant un sourcil.

La bouteille posée dans un coin, je vois qu'elle n'a pas tellement envie d'en parler non plus. Ce ne doit pas être facile après ce qu'elle a vécu dans cette ruelle, je le conçois bien. Je passe, la regardant s'allonger sur le lit. Elle n'est pas crevée, qu'elle dit. Je la crois, je peux tenir encore quelques heures. « Je suis résistant. » Répondis-je en pouffant d'une manière faussement hautaine. Dormir, ce n'est pas trop dans mes fonctions, comme manger. Je suis programmer pour me fatiguer, pour m'épuiser à travers la danse, rester debout ne devrait me poser aucun soucis. Son idée me plait, un sourire s'étalant doucement sur mon visage. « Pourquoi pas ? Je dois avoir de quoi faire dans mon ordi. » Je peux toujours télécharger en vitesse au pire, j'ai un compte premium sur un site, ce sera rapide. Je récupère mon PC portable au passage et reviens me poser sur le matelas, ouvrant l'appareil pour l'allumer. « Tu veux voir quoi ? Dis moi et je le télécharge aussitôt.» Genre comme si j'avais des supers pouvoirs avec mon ordinateur. J'attrape les coussins à la tête de lit pour les remettre droit, tapotant dessus pour qu'elle s'y cale bien. à mon tour en place, j'attends qu'elle choisisse un film pour lancer la recherche, partant pour m'endormir devant l'écran dès que la fatigue se fera sentir. Sûr, si elle me propose un film à la titanic, je vais dormir rapidement sans l'attendre ou la veiller.

tenue > Étrangement, j'ai des souvenirs plus précis de mes Noëls à Seattle qu'au Japon. J'étais si jeune à l'époque. Je n'avais pas conscience de ce qu'était le monde. Je ne savais pas ce qu'étais un président, qui était Madonna, ce que danse classique voulait dire ou ce qu'étaient des sushis. Je savais que j'avais froid, que j'avais faim. Que je me sentais très triste, et très seule. Même si ces mots n'étaient alors pas ceux que je mettais sur mes émotions. Je savais aussi que mon cœur se réchauffait quand Charlie revenait dans notre cachette. Que j'oubliais l'espace d'une heure mes pieds engourdis et ma faim tiraillante. Souvent à Noël, il parvenait à se procurer des sucreries et je les mangeais silencieusement, en l'écoutant me raconter sa journée. Il devait mentir, maintenant que j'y pense. Enjoliver les choses pour ne pas me faire peur. Mais ça n'avait pas d'importance, parce que c'était mon frère, qu'il s'occupait de moi et qu'il m'aimait de tout son cœur. Je crois qu'on peut dire que j'étais heureuse. Parce qu'on était deux dans cette galère. C'est d'ailleurs un 25 décembre qu'il m'avait annoncé notre départ pour le Japon. Je m'ne souviens encore. Il riait de bon cœur et il avait de la neige plein les cheveux. Qu'il était beau mon frère. Je suis bien loin de savoir quelles questions assaillent Yukine. Ce que je demande comme cadeau? Je n'ai toujours reçu des cadeaux que d'une personne et je n'avais rien réclamé. Ça n'est pas mon genre, même si c'est logique pour les gens « normaux ». Je refuse de manger, je n'ai pas vraiment faim, et je me prend les pieds dans un préjugés que je n'avais jamais identifié comme tel. Je veux dire, c'était tellement sûr et certain pour moi... enfin, je suppose que c'est le but, avec les clichés. Penser à ça me rappelle notre première rencontre, à Yukine et à moi. Je me rappelle l'état perturbé dans lequel je me trouvais, l'incompréhension et la colère presque, qui m'avaient saisie face à lui. Tout est si différent désormais. Je recherche sa compagnie, je m'y sens bien. Pour rien au monde je n'échangerais ma place.

Je dois avoir l'air d'une gamine, non? Je me soucie tellement de ce Yukine pourrait penser de moi, c'en est déroutant. J'ai les yeux brillants, le souvenir de mon frère me fait trop mal. Et jouer la comédie pour ne pas avoir à avouer mon mensonge à Yukine, c'est encore pire. Je préfère encore me gêner toute seule en remettant cette histoire de lit sur le tapis plutôt que de devoir épiloguer là-dessus. Je lui explique ce que j'entendais par « dormir ensemble », et il semble surprit. Faut dire que la dernière fois, je ne lui avais pas vraiment laissé le choix en m'installant sur le fauteuil. Mais ça me paraissait logique, alors que là... là je suis tout sauf logique. Je suis une boule de sentiments, je suis à fleur de peau. Je n'arrête pas de passer d'un extrême à l'autre, et là, je suis terrorisée à l'idée de dormir seule dans un lit. Sans vraiment peser mes mots, je l'avoue à Yukine, et il semble encore plus surprit. Je dois avoir l'air folle à débiter des âneries pareilles. De quoi j'ai peur? Il insiste et je tente malgré moi de mettre des mots sur ce qui m'angoisse. Tout ce que je sais, c'est que je veux qu'il reste à mes côtés. « D'être toute seule. », avouais-je d'une petite voix, cassée par les sanglots qui menaçaient de sortir depuis quelques minutes déjà. « J'ai peur que quelqu'un rentre et qu'il réussisse à me faire du mal, parce qu'il sera discret et que tu restera endormi par terre. Et j'ai aussi peur de m'endormir, parce que je sais que je vais faire des cauchemars abominables. ». Voilà, c'est dit. Je me mords la lèvre inférieure et regarde mes doigts. Je dois tellement l'agacer à être aussi pleurnicharde. Parce que oui, les larmes qui tombent sur mes mains, là, je les avaient pas vu venir.

J'aime ça chez lui. Il ne force rien. Pas moi, pas lui, pas les choses. Il laisse couler. S'il voit qu'il a touché un point sensible, il le contourne simplement sans s'y attarder plus que ça. Et c'est ce qu'il fait une fois de plus. Je vais lui devoir des explications sérieuses, un jour. Je pouffe de rire en l'entendant dire qu'il est résistant. « J'adore quand tu fais ça. », lançais-je en souriant, sans peser vraiment mes mots. Quelle idiote. Je rougis encore, et préfère rester allongée à moitié sur son lit, pour ne pas lui montrer mon visage cramoisi. Je couvre ma tête de mes mains, honteuse. Avec lui, ça sort toujours tout seul, comme ça. Je propose un film pour détourner son attention, et le sourire qui orne ses lèvres me fait comprendre que j'ai bien de partager cette idée. Désormais un peu redressée, je réfléchis à ce que j'aimerais voir. Je rigole un peu face à son « je le télécharge aussitôt », en mode « tes désirs sont des ordres ». Il est mignon, même s'il fait comme si c'était faux. Je le laisse préparer le lit (je me rentiens de penser « notre » lit, histoire de pas rougir comme une adolescente à nouveau), et me redresse vivement quand une idée me vient. « Yukine! », m'exclamais-je, « Ça serait une si mauvaise idée de regarder un film sur la danse? Bon, Black Swan je l'ai vu quinze fois, et il fait peur, donc on va zapper. Euuuuh... Billy Elliot? », je réfléchis quelques seconde en m'imaginant Yukine devant ce genre de film. Ridicule, ça ne va pas lui plaire du tout. Et puis c'est du classique en plus. « Mouais, non. », sans m'en rendre compte, je réfléchis à voix haute depuis tout à l'heure. « Quelque chose comme Sexy Dance? », je relève les yeux vers lui. Je ne l'ai jamais vu celui-là, mais j'ai déjà vu la bande annonce ; et ça me fait vaguement penser à nous, le côté histoire d'amour en moins. Je me demande ce qu'il va dire.

tenue > Cette conversation est étrange, maladroite et un peu embarrassante pour Maylie. Dormir ensemble n'est pas dérangeant, je ne suis pas ce genre de garçon prude ou facilement gêné, bien que son « explication » me prenne légèrement au dépourvu et me surprenne. Dormir ensemble, ce n'était pas l'ordre des choses, ni dans mes plans. Quand est-ce qu'elle a changé ? à une époque, elle préférait dormir dans un fauteuil à s'en casser le cou, plutôt qu'être à l'aise sur le même matelas que moi. Certes, mon lit est deux fois voir trois fois plus grand que le siens, sûrement est-ce la raison de sa confiance. Nous ne serons pas serré dedans, ni réellement proche ou collé l'un à l'autre. Même si je dors à côté, au sol, Maylie ne serait toujours pas rassurée. Pourquoi ? Ce n'est pas comme si je la laissais seule dans la pièce, et pourtant elle m'avoue avoir peur. Là encore, ça m'échappe. De quoi ? Avoir peur de quoi ? Je reste un peu stupide, attendant une réponse claire pour saisir ses craintes. Peur d'être seule. Juste par solitude ou cela cache quelque chose ? Maylie ne tarde pas à répondre aux autres questions que je me pose silencieusement dans ma tête. Normal quand j'y pense, elle a été violenté par un ivrogne quelques heures plus tôt. « Je comprends. Personne ne te fera rien ici, puis je suis là alors ils n'oseront pas venir t'embêter. » Je lui promet avec un sourire, hochant doucement la tête. Ah, elle pleures. Je ne sais que faire quand ça arrive, sauf faire genre de rien. « Je t'ai protégé une fois, je peux le refaire encore. » Dis-je pour la rassurer et espérer qu'elle sèche ses larmes.

à force de parler avec elle, d'être en « contact » fréquent, je commence à comprendre sa façon de fonctionner. Quand ça ne va pas, je le vois. à ce moment-là, j'y vais avec légèreté, contournant les problèmes en trouvant des solutions moins embêtantes ou brusques. à une époque, je n'étais pas comme ça. à une époque, je m'en fichais d'être doux ou compatissant, j'y allais tête baissée pour la blesser ou lui rentrer dedans. Est-ce que j'ai mûri depuis notre avant-dernière rencontre ? Peut-être, je ne peux pas juger par moi-même, juste... Je crois que je m'attache de plus en plus à Maylie, au point de vouloir la protéger contre la pire enflure que les ruelles peuvent cacher. Quand je fais quoi ? J'hausse un sourcil, mais ne pose aucune question. Elle semble gênée, ce serait enfoncer le couteau dans la plaie. C'est marrant. Elle est gênée, s'en cache avec ses mains, mais du coup ça se voit deux fois plus. Je passe à nouveau, pour ne pas l'agacer avec mes questions ennuyeuses. Finalement, on en vient à parler de film. Ce n'est pas une mauvaise idée, puis j'ai de quoi faire avec mon ordinateur portable. Ce n'est pas le truc qui occupe le plus claire de mon temps, mais quand j'ai des heures de libre, j'en profite sur plusieurs autres points que la danse. Regarder un film ne me dérange pas, au contraire. Puis, si elle peut s'endormir plus facilement avec ça, ce n'est pas plus mal comme idée. C'est même très bien, pour nous deux.

Son exclamation me fait relever la tête et croiser son regard, attentif. Un film sur la danse ? Ce n'est pas comme si nous vivions principalement de cela, aurais-je envie de dire. Black Swan ? Jamais vu. Billy Elliot, oui. Je l'ai vu une fois et je n'ai pas tellement aimé, si vous voyez où je veux en venir. « Ouais, non. Tu as raison. » Je fais une mimique vaguement renfrognée pour éloigner le Billy Elliot de ses choix. Sexy Dance ? Oh, c'est bien le genre de film que j'ai dû voir des milliers de fois, quitte à retourner à chaque nouvelle séance de cinéma. « C'est l'un de mes films préférés, sûrement ceux qui m'ont le plus donné envie de danser. » Je ne relevé ni pour l'intrigue des films, ni pour la ressemblance avec nous. En fait, je crois n'avoir rien interposé comme elle le fait mentalement. Je me contente d'ouvrir un dossier « film » et de chercher dans les S pour trouver directement tout les films. Au moins, nous les avons directement sans attendre. « Je lance le premier, avec un peu de chance, on aura le temps de tous les voir. » Même si ce n'est pas ce soir, ou demain. Calé dans le lit, le PC entre nous, j'attends qu'elle s'installe correctement pour appuyer sur lecture et lancer le film. ça débute déjà, plongeant doucement dans l'histoire de la dance de rue, continuant sur un mélange de classique. Je n'ai jamais vraiment réalisé que je regardais l'un comme l'autre, sans juger pour autant. à ce moment-là, j'au dû m'en rendre compte. Le classique n'est pas un gros défaut, c'est juste moi qui n'est jamais accepté de partager la danse sur d'autres domaines que le miens, le Hip-hop.

tenue > Ce qu'il s'est passé tout à l'heure m'a traumatisée. Je crois que c'est normal, du moins j'essaie de m'en persuader ; heureusement que Yukine est là et veille au grain pour ne pas que je me prenne trop la tête. Je lui fais tellement confiance, si vous saviez. J'ai l'impression que j'ai vraiment trouvé quelqu'un sur qui me reposer sans me sentir de trop ou être gênée. Tout est toujours très naturel, normal. Et si j'insiste autant pour dormir avec lui, c'est aussi parce que je sais qu'il n'est pas du tout du genre à profiter de la situation. C'est moi qui ai réclamé à venir chez lui, il était prêt à me ramener chez moi, lui. Il est réglo. Je sens qu'une relation amicale très forte est entrain de naître. On pourrait croire que ça y ressemble, mais pourtant j'ai l'impression que c'est différent avec Yukine. Pour mon frère, j'ai toujours été sa sœur, un membre de sa famille qu'il aimait comme la prunelle de ses yeux. Mais je sais différencier l'amour fraternel de l'amitié ou de... l'amour, tout court. Yukine est mon ami, le seul garçon avec lequel je ne suis pas gênée, avec qui j'ai envie de rester pendant des heures sans me sentir mal. Il n'essaie pas de me draguer, il ne me fait pas rire intentionnellement, il est juste lui, et ça me plaît comme ça. Il me traite comme tout le monde. Et ça fait chaud au cœur. C'est pour ça que même si ça m'écorche la bouche de devoir dire ce qu'il me pèse sur la conscience, je le fais. Il ne me jugera pas, il commence à savoir comment je fonctionne. J'ai presque envie de me nicher dans ses bras quand il prononce les mots que j'ai besoin d'entendre. Il est là, il me protégera. Je n'ai pas à avoir peur, c'est fini. Et je me rend compte de la tension énorme que j'avais sur les épaules quand elle disparaît peu à peu. « Merci. », soufflais-je en hochant la tête, étouffant un sanglot et séchant mes larmes au passage. Je déteste pleurer devant lui, mais je ne peux pas m'en empêcher.

Je remarque de plus en plus des détails chez lui, des gestes qu'il répète souvent, des habitudes qu'il a. J'adore l'entendre faire le gros dur, je trouve ça plus mignon qu'autre chose. Et mes pensées s'engouffrent dans ma bouche aussitôt, sans que je parvienne à rien stopper. Pas de filtre entre ma tête et ma langue, c'est mal. Me voilà gênée une fois de plus. Que pense t-il? Il doit me trouver ridicule, non? Je suis sûre que je suis ridicule. Heureusement, je parviens habilement à changer de sujet pour parler films. Ça va me détendre avant de dormir d'en regarder un, j'aurais pas des flashs qui me passeront devant les yeux avant que je ne m'endorme comme ça. Il accepte en souriant, pour mon plus grand plaisir. La danse, c'est notre passion à tous les deux ; regarder un film en lien, c'est une bonne idée non? Je savais que Billy Elliot n'était pas en haute place dans son cœur, et je ris face à sa réaction. On est déjà loin des larmes de tout à l'heure. C'est l'effet-Yukine, ça. Sexy Dance, je les ai jamais vus, c'est la bonne occasion. « Ouah, ça me donne encore plus envie de les voir, alors. On part sur ça. », affirmais-je en souriant, me penchant pour le regarder faire sur son ordi. C'est pareil, je n'en ai pas, je n'ai aucune idée de la façon dont ça fonctionne. A part la danse, je ne connais pas grand chose, vraiment. Il me semble par contre que l'intrigue de ces films ressemble un peu à « nous ». Le classique contre le hip-hop, même si ça n'est pas aussi simple en réalité. Je hoche la tête. Je suis prête à regarder tous les films qu'il veut, vraiment. Je m'installe sous la couette, posant mon dos contre l'amas de coussin qu'il a préparé. C'est si confortable, si doux, si chaud, je risque de m'endormir bientôt. Je laisse le film se dérouler, poussant un petit soupir d'admiration face au talent en danse classique de l'actrice -ou de sa doublure, peu importe, elle danse bien quoi-. Les passages de hip-hop me rappellent mon enfance, mais je fais tout mon possible pour me concentrer sur l'histoire sans laisser mes souvenirs déborder. C'est beaucoup plus prenant que ce que je m'étais imaginé.

Tellement prenant qu'on a du en regarder trois ou quatre à la suite avant que je ne tombe de fatigue. J'ignore s'il a rangé le pc ; en tout cas, je dors à point fermés sur son épaule, paisible comme je ne l'ai jamais été. Enfin, tout est relatif. Il ne me faut que quelques minutes -du moins j'en ai l'impression- pour que les rêves s'emparent de mon esprit. Les cauchemars, plutôt. Je suis dans cette ruelle de nouveau. Mais cette fois-ci, plusieurs hommes se jettent sur moi. Je me débat et parviens à voir un corps sur le sol ; Charlie. Il porte les vêtements que j'ai prêtés à Yukine. Un long cri m'échappe et je commence à pleurer. Est-il mort en essayant de me protéger, une fois encore? Yukine accourt vers moi sans que je ne réponde à cette question, et je lui crie de s'enfuir, je lui dit que c'est dangereux. Je ne veux pas qu'ils lui fassent du mal comme à mon frère. Mais il vient tout de même, et je les vois, horrifiées, battre mon sauveur à mort sans que je ne puisse rien faire. Je me débat de plus belle en vain. J'ai l'impression de revivre la même histoire. Je suis impuissante, je n'ai rien pu faire, et l'on se bat à mort pour essayer de m'aider. Je ne suis qu'un monstre, juste bonne à faire du mal à ceux qu'elle aime. C'est pour ça que personne ne doit m'approcher. Je me réveille en sursaut avant qu'ils ne l'achèvent, des larmes pleins le visage. « Yukine ! », apellais-je, encore dans un demi-sommeil ; avant de me rendre compte, essoufflée, que je suis simplement perdue dans l'obscurité de sa chambre.

tenue > C'est nouveau chez moi, de ne pas juger les gens quand il font un truc ou pense à quelque chose qui ne va pas dans mon sens, quand ils me paraissent faible ou bon à se moquer justement. J'en apprends davantage à être avec Maylie, à lui parler et à la rassurer comme je peux. à une époque, j'aurai très certainement été mauvais, avec une langue de vipère et des gestes brusques. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Je tente d'être délicat, même si ce mot a dû mal à me coller à la peau. Je suis rustre, pas doux. Pourtant je me contiens avec elle, j'essaye du moins. Maylie  ne semble ni déçue, ni perturbée. C'est un bon point, non ? Si ça aurait été ainsi à la première rencontre, peut-être que notre relation aurait été bien meilleur, ou peut-être pas. Je m'accorde le bénéfice du doute, tandis que les choses évoluent entre nous. Ce n'est  pas une solution d'être méchant avec quelqu'un qui a besoin d'aide, je m'en rend compte à présent. Maylie n'a pas besoin que je la bouscule, ni je gueule dessus. Juste être patient et calme, c'est déjà un gros effort de ma part. Finalement, ça se passe bien et qu'importe le fond de sa pensée, je ne le prend pas mal. Je suis résistant, j'ai tendance à dire ça pour tout et à tout le monde. Je suis résistant, peut-être pas l'un des plus forts au monde, mais je tiens parfaitement le coup. ça ne me dérange pas qu'elle brise un peu mon image que j'ai voulu me donner jusqu'à aujourd'hui, puis ça n'a pas tant d'importance en étant ici, entre ces quatre murs. Le sujet change et nous voilà déjà à choisir un film pour s'endormir devant. Je laisse le choix à la demoiselle, ayant déjà vu pas mal de vidéo à mes heures perdues, quand l'entraînement n'étaient pas de rigueur. ça m'arrive à moi aussi, d'avoir des coups de mou, des pauses sans but.

Billy Elliot. Elle sait que j'ai le classique en horreur, même si je me soigne depuis quelques semaines. Ce serait un trop gros effort pour moi de mater une telle horreur, alors non. Je préfère passer sur ce film, et chercher autre chose de plus... Plus convaincant. Sexy Dance, par contre, j'approuve à dix milles pour-cent. « ça marche, princesse! » Fis-je avec un sourire, tout en cherchant déjà les films dans ma base de donnée impressionnante de film. Le premier métrage colle parfaitement à notre situation. Le gars fan de hip-hop contre la jolie ballerine, bien qu'à la fin, les deux styles soient en accord. Serait-ce possible avec nous ? Pourrais-je un jour danser autre chose que ma danse de sauvage ? Ou est-ce que Maylie pourrait mettre les pieds dans autre chose que son ballet des cygnes ? Là est la question, mais pour l'instant, ça n'a aucune importance. Notre coin douillet prêt, j'attends qu'elle se place pour en faire de même, l'ordinateur entre nous pour mieux voir. ça commence et je détaille les scènes secondes par secondes, me demandant bien pourquoi j'ai aimé ce film alors qu'il traite aussi du classique. J'ai pas dû bien percuter, sûrement.

Les films s'enchaînent et Maylie n'a toujours pas piqué du nez, moi non plus d'ailleurs. J'ai les yeux grands ouverts sur les passages qui se déroulent derrière l'écran. J'adore Mouse, c'est d'enfer comme ce mec est talentueux et marrant. Voyant que Maylie a fini par céder, je met le film en pause en pensant continuer plus tard, puis je ferme le battant et le dépose par terre pour ne pas le casser dans un geste brusque. Je devrais dormir aussi, bien que je n'ai pas totalement sommeil. Je me contente de veiller sur la demoiselle à mes côtés, tête posée sur mon épaule et déjà au pays des rêves, ou plutôt des cauchemars. Mais comment pourrais-je savoir quand moi-même je commence à somnoler, les paupières closes et la respiration lente. Je suis entre deux mondes, conscient des choses qui m'entourent, mais assommé par la fatigue en même temps. Jusqu'à l'entendre crier et sursauter, ouvrant aussitôt les yeux en sentant mon coeur battre à tout rompre. J'ai eu peur, mine de rien. « Je suis là, qu'est-ce qu'il y a ? » Demandais-je doucement, sans cacher l'inquiétude qui m'est venu d'un coup. J'attrape mon portable pour allumer le flash, le posant sur le lit pour illuminer le plafond et donner un peu plus de clarté à la pénombre qui nous envahissait plus tôt. Ma main vient doucement s'écraser sur sa tête et je caresse ses cheveux pour la rassurer, comme faisait ma mère après un cauchemar invivable. « Calme-toi, je n'ai pas bougé... Je ne bougerai pas. » C'est bien la première fois que je suis aussi doux avec quelqu'un, glissant mes doigts entre ses cheveux avant d'abandonner mon geste. ça va, elle a juste fait un horrible cauchemar... Non mais qu'est-ce qu'il me passe par la tête pour me montrer si tendre, attentionné et délicat. « Rendors-toi, je te surveille. » Même si je doute qu'après ça, elle veuille encore fermer les yeux. En tout cas, je ne bouge pas de là, attentif malgré moi.

tenue > Je crois que je ne suis pas consciente à ce point de l'évolution chez Yukine. Il est clair qu'il est beaucoup plus présent, plus doux qu'avant, moins rentre dedans comme dans cette fameuse salle d'entraînement. Je ressens le besoin de m'ouvrir à lui un peu plus, et je compte bien lui parler de Charlie la prochaine fois qu'on se verra. Il a le droit de savoir, c'est une partie très importante de ma vie. Et puis plus ça va, plus je pense qu'en parler ne peut pas être une mauvaise chose. Se muer dans le silence, c'est pas quelque chose de vivable, surtout en plein deuil comme ça. Yukine est entrain de devenir un acteur important dans ma vie, sans vraiment que je ne m'en aperçoive. Je suis là, chez lui, à lui parler de mes peurs avant que l'on ne se retrouve devant un film, comme deux personnes normales, comme si rien ne c'était passé. Si il y a quelques semaine,s on m'avait dit que je dormirais dans le même lit que Miyaki Yukine, je crois que je l'aurais pas cru. Et pourtant nous voilà. Je suis tellement heureuse qu'il ai accepté de rester à mes côtés pour la nuit, je me sens véritablement soulagée. Sa présence est plus qu'importante pour la survie de sommeil, j'ai trop de démons qui me tournent autour.

On se met à parler film donc, choisissant au final Sexy Dance ; je ne voulais pas le mettre mal à l'aise en regardant un film qui pour sûr n'allait pas lui plaire (la danse classique, on avait comprit que c'était pas son fort), et puis celui-là je ne l'avais jamais vu. Je m'installe à ses côtés, essayant de ne pas relever le « princesse » qui sort de sa bouche. Pour tout vous dire, je me sens vraiment comme une princesse à cet instant. Je n'ai jamais dormi dans un lit pareil, avec un matelas pareil et des oreillers pareils. Je n'ai jamais pris ma douche dans une salle de bain aussi grande. Je n'ai jamais porté les vêtements d'un garçon autre que mon frère. Je suis dans un autre monde, mais je ne peux pas m'empêcher de rester Maylie avant tout. Je retiens mes soupirs d'admiration devant la technique des danseurs ; classique comme hip-hop, évidemment. Le mélange à la fin est tellement époustouflant, c'est comme une déclaration de paix entre Yukine et moi. Est-ce qu'Hazel avec son spectacle pensait à quelque chose du style? Je me surprend à divaguer en pensant à mon partenaire, mais me ressaisi bien vite. J'ai toujours travaillé seule, alors prendre en compte quelqu'un d'autre, ça va être tout nouveau pour moi. Danser du hip-hop aussi, d'ailleurs. J'ai du mal à m'y voir, mais je sais que ma professeure s'y prendra bien pour me mettre à l'aise, comme toujours. Elle connaît mes peurs, mes doutes, mes appréhensions mieux que moi-même. Je me reconcentre sur les films, qui s'enchaînent devant mes yeux, dévoilant une multitude de personnages drôles et attachants. J'adore, plus que ce que j'avais imaginé auparavant.

Mais mes peurs reprennent vite le dessus, malheureusement. Je ne me rend compte que je me suis endormie qu'à l'instant où je me réveille. En sueur, en sursaut, criant presque. Mon cœur bat la chamade, je suis toute chamboulée par ce rêve. C'était tellement réel... Il aurait pu être blessé, gravement blessé par ma faute. Indirectement, j'avais tué Charlie ; s'il a contracté tant de dettes, c'est en partie à cause de moi. Je ne voulais pas que l'histoire se répète, et ce rêve a concentré toute mes horreurs en une fois. Je suis terrorisée. J'ai déjà fais de mauvais rêves, mais celui-ci était juste le pire de tous. J'entends la voix de Yukine, son souffle près de mon visage, sa main dans mes cheveux. J'en tremble encore, incapable de pleurer ou de faire quoi que se soit. Je m'accroche à lui, heureuse de voir de la lumière ; il semble inquiet. Je le fixe et me mord la lèvre, avant de poser ma tête contre son torse pour la deuxième fois de la journée. Mes mains son agrippées à lui, j'entend son cœur, sa respiration.Il est là, il est vivant, tout va bien. Il n'est pas parti. J'inspire et expire fortement, histoire de me calmer. « Tu étais là, sur le sol, ils... ils t'avaient tué, et moi... je n'ai rien pu faire. ». Je chuchote, et me calme doucement dans ses bras, m'emplissant de sa douceur et de son odeur rassurante. Tout va bien, Maylie, c'est bon. J'hoche la tête à sa phrase, et en m'allongeant murmure : « Dors toi aussi. Excuse-moi de t'avoir réveillé. ». Je l'embête suffisamment comme ça. Je reste près de lui dans le lit, gardant ma main sur un pan de son t-shirt. Je ferme les yeux lentement, avant de m'endormir dans un profond sommeil, dénué de toute noirceur.