Katsura Ryû, premier du nom, détenteur du mystérieux poissouvoir, mélange de pouvoir et de poisse, pour ceux qui ne l'auraient pas compris du premier coup, et grand seigneur des royaumes de la bêtise et de l'immaturité. Si vous voulez mon avis, ça donnerait un magnifique rang de personnage dans un jeu vidéo, mais je doute que quelqu'un ait vraiment envie d'être comparé à moi, quand on voit ma façon de foutre en l'air ma vie depuis quelques temps. Pourtant, j'devrais aller bien ! J'veux dire, j'ai un appartement correct, un boulot vachement bien payé pour ce que je fais, j'ai tout ce dont devrait rêver un homme – à l'exception peut-être d'une femme, mais bon, c'est pas forcément une bonne chose, ça – alors on devrait être heureux d'être moi ! Oui, enfin, on pourrait l'être si je n'étais pas champion hors catégorie lorsqu'il s'agit d'être irresponsable et d'agir sans réfléchir.

Pour ma défense, je dirais que ce n'est pas de ma faute si, par le plus grand des malheurs, j'ai croisé mon ex il y a peu et que, comme j'ai autant de jugeote qu'un alpaga en extrême déshydratation, j'ai décidé de finir ma journée en bougonnant sur ma console, une bouteille à la main. Plusieurs bouteilles, d'accord, mais c'est pas forcément important à mentionner, si ? En vrai, je sais parfaitement qu'il s'agit de l'une de mes plus grosses conneries, et les conséquences me confirment cette idée avec l'efficacité d'un électrochoc sur un condamné à mort. Et du coup, quoi de plus normal qu'empirer les choses en recommençant à boire comme un imbécile, hm ? J'crois vraiment que je devrais faire quelque chose pour ça.

Hey. J'tiens quand même à dire que j'ai arrêté de fumer, au moins (tu veux quoi, une médaille pour ça ?) c'est déjà pas mal. J'crois que le problème c'est que je compense un peu beaucoup. Un peu trop même. Mais je doute qu'on ait quelque chose à dire à ce niveau, vraiment. De toute façon ça change pas grand chose à ma situation depuis quelques années, j'ai commencé à partir en vrille depuis quoi, cinq ans ? Ouais, ça doit être ça, environ. Depuis que cette conne est partie. Génial. J'suis sûr que les choses auraient été bien différentes si j'avais essayé de m'en sortir seul pour monter ma boîte, et si je m'étais pas attaché à elle, aussi. Mais bon, on peut pas tout avoir dans la vie, parfois on fait le con et on merde, comme moi avec Yun Hua. Bref.

Ce soir, tout ce qui compte, c'est de me changer les idées. J'ai besoin de penser à autre chose, ou de voir du monde, tout simplement, mais j'ai pas envie de voir n'importe qui, alors je crois que le choix est vite fait. Je pousse un léger soupir alors que je me débrouille pour sauver les apparences dans mon appartement, remettant à sa place initiale la litière d'Arisu qui passe son temps à rouler sur le dos en réclamant de caresses pour je ne sais quelle raison. Ce chat me tuera un jour, je le sais. Cela fait, je me redresse et envoie un message à Roy. Étrangement, je n'ai pas envie de parler de tout ça, mais je sais que le voir me permettrait de me calmer un peu. De toute façon, s'il veut vraiment savoir ce qui ne va pas, il n'aura qu'à demander ; je sais qu'il fait partie de ceux qui me connaissent un peu trop bien.

« Hey Roy ! Je sais pas si tu te rappelles encore de mon adresse depuis le temps, mais tu peux venir si tu veux, mon frigo est plein, j'ai besoin de ton aide pour le vider.  »

Ouais, je me vois mal lui dire que j'ai simplement besoin d'un ami à qui parler. Ça fait un peu adolescent en manque d'amis, vous voyez? De toute façon, je doute qu'il pense vraiment que j'ai besoin de lui pour une histoire de réfrigérateur trop plein.

Si la vie de Roy avait déjà été à plaindre, elle l’était moins dernièrement. Il n’avait rien à redire et vivait heureux avec son fils. Il avait conscience de s’enfermer dans son petit monde, d’en oublier un peu trop son entourage parfois mais malheureusement, on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a n’est-ce pas ? Lui se plaisait très bien ainsi et d’un certain point de vue, peut-être que c’était égoïste. Certes, il envoyait des messages à sa famille, à ses amis, les appeler de temps en temps afin d’avoir des nouvelles mais entre le boulot et Haru, le jeune homme peinait à gérer ses sorties. Il n’aimait pas laisser son fils dans les bras de sa baby-sitter ou qui que ce soit d’autre d’ailleurs. On lui avait déjà dit que voir d’autres têtes était bon pour l’enfant cependant allez raconter ça à un garçon qui s’est toujours battu corps et âme pour le bonheur de son gamin. Entre les deux, Roy était certainement celui qui pouvait moins se passer d’Haru que le contraire. Tant pis. Il était comme ça et si on lui reprochait d’accorder trop d’attention à son enfant, moins à lui-même, le professeur répondait que ça lui allait ainsi. Après tout c’était normal que la vie de son fils passe après la sienne non ? Qu’est-ce qu’il y pouvait lui si dés qu’il sortait, il s’inquiétait, se demandait si la baby-sitter s’occupait de lui comme il le fallait, si elle n’avait pas oublié de lui donner à manger (mais bien sûr !) et qu’elle ne l’effrayait pas trop. Le jeune homme devait se faire violence pour ne pas trop se tourmenter et ne pas envoyer des messages constamment. Ce n’était pas la solution ni pour lui ni pour son fils donc il lui arrivait parfois de prendre sur lui. Hors à choisir Roy préférait sortir lui-même avec Haru, il préférait que ça soit lui qui mange avec lui le soir, il préférait être le plus présent possible. Et malheureusement l’apporter en soirée n’était pas souvent possible. Ah, la vie d’adulte, c’est triste.

Sa journée fut des plus banales et c’était après s’être changé dans les vestiaires en fin d’après-midi que le jeune homme avait prit la route afin d’aller chercher son fils à l’école. Comme à son habitude, il s’excusa du retard avant de l’interroger sur ce qu’il avait fait en cours aujourd’hui. Main dans la main, les deux discutaient tranquillement, Roy ne pouvant s’empêcher de sourire tendrement face à l’entrain du bonhomme. Il était toujours assez vif d’esprit et savait déjà beaucoup de choses pour son âge. Mais c’était probablement la génération qui voulait ça.

Début de soirée, alors que l’enfant s’amusait dans sa chambre, le professeur s’apprêtait tout juste à faire à manger quand son téléphone sonna. Machinalement son visage s’inclina sur le côté en lisant le message. Quelque chose clochait. S’il avait d’autres amis, ceux-ci n’étaient rien comparé à Ryû. Ils s’étaient connus il y a de cela plusieurs années maintenant et s’ils se chamaillaient souvent, cela n’empêchait pas le fait qu’ils étaient particulièrement proches. Ils n’avaient pas besoin de se dire les choses pour se comprendre, encore moins pour remarquer que ça n’allait pas. Et en revanche, là, ça n’allait pas. Enfin, peut-être que Roy se trompait - et il préférait se tromper - mais il avait le sentiment que non. Les sourcils froncés, il soupira tandis qu’il essayait de deviner ce qu’il se passait tout en dévisageant son téléphone. En soit, une technique qui ne fonctionnerait pas grandement. Répondre serait mieux... Et c’était ce qu’il fit, déclarant qu’il déposait Haru chez sa soeur et qu’il arrivait.

Il aurait pu emmener son fils avec lui cependant s’il avait envie de discuter calmement avec son ami, il était préférable que le garçon ne soit pas là. Ca l’embêtait un peu mais il avait confiance en sa frangine puis mine de rien, cette histoire l’inquiétait réellement.

Voilà pourquoi un peu moins d’une heure plus tard, le professeur se retrouvait devant la porte de son collègue - parce que non, il n’avait pas oublié son adresse - et attendait que ce dernier daigne lui ouvrir.

- Hey ! Dit-il ensuite, en rentrant sans gêne dans l’appartement de son ami.

Ce n’était pas comme s’il n’était pas un habitué de toute manière.

- Comme je suis gentil, je t’ai ramené de la bière et même des apéritifs ! Tu me remercieras plus tard !

Le sourire aux lèvres, il lui tapota l’épaule avant de débarrasser ses achats du sac et de tout installer sur la table du salon. Oui, ce gars faisait vraiment comme chez lui. Cependant s’il était ici ce n’était pas pour vider un frigo mais pour changer les idées à un ami n’est-ce pas ? Et pour cela, il n’y avait rien de mieux qu’un bon pack de bière et des apéros. Certes, il était strictement contre le fait que Ryû finisse ivre mais ce n’était pas quelques petites bouteilles qui allaient l’achever.

- Alors, ton réfrigérateur est vraiment trop plein ou il y a autre chose ? Demanda Roy avant de se laisser tomber sur le divan et de décapsuler une des boissons, non pas sans le quitter des yeux, Tu vas bien ?

C’était plus fort que lui. Cette histoire l’intriguait et il n’était pas du genre à tourner autour du pot pendant cent ans. Si son camarade ne souhaitait pas en parler, il ne le forcerait pas toutefois il avait tenu à poser la question.

En fait, je pense que mon problème est d'avoir trop de fierté pour accepter que non, je ne vais pas bien et j'ai besoin d'en parler. J'ai jamais besoin de parler, jamais besoin de dire ce que j'ai sur le coeur, rien du tout ! Si je ne suis pas un super-héros, je n'en suis pas loin, enfin... Dans mes plus beaux rêves, sûrement. Ou alors nous dirons plutôt que même les plus grands héros ont un talon d'Achille, un moment de faiblesse, eux aussi, et il se trouve qu'il y  toujours une solution dans ce genre de cas. La mienne porte le nom de Kasahara, si vous voulez tout savoir, et je ne sais pas ce que je ferais à l'heure actuelle si je ne l'avais pas.

C'est quand même fou ce que le temps peut passer vite, quand on y pense, car j'ai encore l'impression que c'est hier que l'on s'est rencontrés lui et moi, dans ce bar où j'étais totalement déchiré, prêt à faire absolument n'importe quoi, qu'il m'a écouté, subi aussi, je pense, qu'il m'a ramené chez lui et aidé... En fait, on a été rapprochés par des emmerdes et, maintenant, je pense que même ma propre mère en sait moins sur mon compte que Roy. C'en est presque effrayant, mais d'un autre côté, je préfère que ma mère ne connaisse pas tout ce que je peux faire de ma vie, de mes nuits, enfin... vous aurez compris. Le plus beau, c'est que l'inverse est vrai également.  Pourtant, nous sommes du genre discret au niveau de nos vies privées. J'imagine qu'il y a toujours des exceptions.

L'envie de boire me taraudant depuis quelques heures désormais, je pousse un soupir et me diriger vers le réfrigérateur afin d'en sortir une bière en canette, consultant la réponse de celui qui est certainement l'homme de ma vie tandis que je reviens m'affaler, une fois encore, sur le canapé, sous le regard empli d'amour d'Arisu qui semble avoir compris que ce n'était pas le moment de me traîner dans les pieds. J'adresse un sourire au félin alors que celui-ci s'approche de moi, puis j'ouvre ma bière avant qu'il n'arrive réclamer une caresse directement à ma main libre en s'y frottant allègrement la tête.  Adorable. Je crois que ce chat m'aime d'amour, et celui qui osera dire que les chats ne ressentent pas la détresse de leur maître ne connaît certainement pas Arisu. Mais c'est bon, c'est pas comme si j'allais faire une connerie ou je ne sais quoi ; j'ai dépassé ce stade depuis longtemps désormais.

En fait, j'ai juste besoin de discuter un peu, de parler de tout, de rien, même de l'indigestion d'Arisu, s'il le faut, quitte à passer sous silence mes véritables problèmes. Malheureusement, je sais que je ne parviendrai pas à cacher tout ça à Roy et, dans un sens, il est peut-être le mieux placé pour m'aider à gérer cette situation de crise, non ? Après tout, il a déjà un enfant, lui. De toute façon, je ne pourrai me réjouir qu'au moment où il franchira la divine porte de mon divin appartement. J'ai hâte. Vivement qu'il soit là, que je puisse lui raconter avec qui j'ai baisé sur le canapé où il va s'asseoir.  Roy sera tellement fier de moi. Un profond soupir m'échappe alors que cette soirée me revient en mémoire et je reste là, assis avec ma bière à la main, à écouter l'incessant ronronnement de ce chat tigré.

Quand un bruit attire mon attention, j'ignore totalement depuis combien de temps je suis en train de phaser dans ce fauteuil,  une demi-bière à la main. Je pousse un nouveau soupir et me lève après avoir délogé le chat à contre-coeur et, sans attendre plus longtemps, je me dirige vers la porte pour l'ouvrir à l'amour de ma vie... Après Arisu, vous avez suivi ! Suite à son annonce, c'est un large sourire qui vient fendre mon visage tandis que je l'aide à vider le sac qu'il a amené.

« T'imagines pas à quel point je t'aime, mon coeur. Je te remercie de mon corps quand tu veux, où tu veux !  »

Oui, enfin, on va éviter, mais l'avantage avec Roy, c'est qu'il sait que je ne suis pas sérieux lorsque je fais ce genre de propositions. J'espère. Non, parce que vous me faites douter, là, avec votre air perplexe. Dans tous les cas, s'il avait des boobs et un vagin (car oui, je suis l'homme des deux, c'est l'évidence même), je l'épouserais sur le champ, cet être presque aussi parfait que moi qui me ramène des bières et à manger. J'ai déjà de la bière, bien sûr, mais plus beaucoup. Quelle tristesse. Heureusement que cet homme pense à tout !

Lorsque tout semble à sa place sur la table basse, je me laisse tomber sur le canapé à nouveau, à côté du chat à moitié endormi qui sursaute de peur face à tant de violence, et non loin de Roy également, puis je porte la bière mi-vide mi-plate à mes lèvres en souriant faiblement à la question qui vient de m'être posée.

«  Quoi, tu me crois pas  quand j'te dis qu'il est plein ?  » Je ris un peu à l'absurdité de mes propos, puis je reprends, un peu plus sérieux. «  Y a pas que ça, mais je t'en parlerai après. Toi, comment tu vas ? Et Haru ?  »

J'ose croire qu'il ne me jugera pas si je lui raconte tout ce qui me préoccupe, mais c'est pas dans mes habitudes de me jeter à son cou comme une veuve éplorée afin de réclamer attention et amour. T'façon, je sais que j'dois pas vraiment réclamer, et j'ai assez d'attention comme ça, ces temps-ci. Peut-être juste pas le bon type, ou pas de la bonne personne. Enfin, ... vous comprenez. On va pas commencer à parler de sentiments maintenant, je crois que j'ai mieux à raconter, de toute façon, et plus sérieux aussi.

«  Eh ! Tu vas être fier de moi, mon amour, j'ai arrêté de fumer !  »

Cette fierté incroyable. Enfin, je doute de pouvoir en être vraiment fier, vu comment je vide la canette que je tiens avant de jeter un oeil aux bouteilles qu'à apporté Roy. Allez. On va attendre un peu, histoire de ne pas ressembler au pauvre malheureux qui n'a pas d'autre choix que boire pour se tenir chaud. Putain, mais quelle vie je mène moi.

Il ne savait même pas pourquoi il avait posé la question alors qu’il connaissait la réponse. Ryû n’allait pas bien et ce n’était pas parce qu’il l’appelait « mon amour » ou « mon coeur » que ça convaincrait Roy du contraire. Il ne s’en plaignait pas et s’amusait lui-même bien souvent de cette situation, de ce lien qui les unissait et qui pouvait en faire douter plus d’un cependant ils se plaisaient très bien ainsi. Ils n’étaient assurément pas prêt de changer ça d’ailleurs, que cela soit dans les bons comme les mauvais moments, ils seraient toujours le mari de l’autre n’est-ce pas ? Il fallait vraiment qu’ils aillent faire un tour à Vegas un de ces quatre. Enfin, c’était peut-être une mauvaise idée. Les connaissant, même pour la bêtise, ils seraient capables de s’y marier. Cette pensée le fit sourire discrètement, les traitant mentalement d’idiot, alors qu’il se calait plus confortablement contre le canapé, laissant une place à son camarade qui venait de le rejoindre.

Ses yeux s’étaient plissés instinctivement lorsque l’hôte répondit à sa question, lui faisant clairement comprendre qu’il avait des choses à raconter, des choses qui lui pesaient apparemment sur le coeur et ça ne faisait qu’accentuer l’inquiétude du professeur. Peut-être que ses réflexions étaient stupides, qu’il avait une vision de la vie un peu idyllique néanmoins il se doutait que tout ne pouvait pas être parfait, que la vie est parsemé d’embûche et que c’étaient ses mêmes embûches qui nous permettaient d’avancer. Seulement, il aurait simplement voulu que ses proches n’aient pas à trop se tourmenter, qu’ils aillent bien et soient heureux. Ce n’était pas possible. Tout le monde à ses problèmes mais Roy ne pouvait s’empêcher de songer cela malgré tout.

Lui n’avait pas à se plaindre dernièrement, il s’en sortait plutôt bien si on omettait le fait que son fils s’était battu à l’école récemment. Mis à part ça, sa vie était plutôt tranquille. Et il fallait dire qu’après tout ce que le garçon avait traversé, il était temps que ça se calme pour lui aussi bien qu’il se doutait que tout ne serait pas toujours rose non plus. Toutefois, il n’eut le temps de répondre au bout du compte que son « mari » avait enchaîné sur un autre sujet. Sujet qui fit écarquillé les pupilles de l’invité à cause de la surprise mais très vite, une esquisse sincère traça ses lèvres.

- Je suis fier de toi chéri ! Répondit-il alors, sa bière en main, Tu veux un bisou en récompense ?

Les gars, on devrait arrêter la connerie là. Vous allez peut-être un peu loin. Non ? Okay. Roy sourit avant de déclarer sérieusement qu’il était content que son camarade ait décidé d’arrêter de fumer comme un pompier. Cela ne faisait que bousiller sa santé.

- La prochaine étape, faudra essayer d'arrêter l’alcool hein ?

Il ne s’attendait pas à de grands efforts à ce niveau là cependant il avait toujours le droit d’espérer non ? Il avait tellement peur qu’on l’appelle un jour pour lui dire que son ami avait fini à l’hôpital car trop ivre, il n’avait pas été maitre de ses actes puis avait été victime d’un terrible accident. On ignorait ce qu’était capable de faire une personne saoule et si Roy ne parlait jamais de ses tracas à ce sujet, ça le tourmentait malgré tout.

- Sinon, t’es mignon de t’inquiéter mon ange mais je ne crois pas que je sois venu ici pour parler de mon fils et de moi. Nous, on va bien, Enchérit le professeur dans un sourire amusé, portant sa bouteille à ses lèvres.

Quoi qu’on dise, cette fraîcheur, ce liquide qui traversait et brûlait légèrement sa gorge faisait un bien fou immense. A nouveau, il se tourna vers son vis-à-vis, un brin de sérieux se reflétant dans ses pupilles tandis qu’il s’apprêtait à ouvrir la bouche pour parler.

- Alors ? Plutôt que tourner autour du pot pendant cent ans, tu ne veux pas t’expliquer ? Je ne te force en rien mais maintenant que je suis là, autant vider ton sac. Tu sais très bien que tu pourras toujours compter sur papa en cas de problème.

« Chéri », « Papa », « ami », il n’y aurait pas comme un léger souci là ? Il serait certainement temps de se mettre d’accord sur le lien qui vous unit. Roy ne paraissait pas trop s’en faire, si bien que sur ses paroles, il n’avait pas hésité à lui tapoter l’épaule amicalement. Il plaisantait cependant c’était sa manière d’alléger l’atmosphère et de motiver son camarade à se confier s’il le souhaitait. Quoi qu’il arrive, le jeune homme serait toujours de son côté et ne cesserait jamais de l’écouter même si cela devait prendre des heures. Ce n’était pas grave.

C'est quand même pas compliqué d'ouvrir la bouche et de laisser les mots sortir, pas vrai? Si plein  de gens arrivent à le faire, je ne comprends pas pourquoi je suis tout simplement incapable de  m'exprimer directement, sans être contraint et forcé de me plaindre, sans avoir bu un minimum  d'alcool. Un mystère qui restera sans doute à jamais irrésolu, mais ce n'est pas bien grave, tant que  j'arrive à parler aux personnes dont je suis proche. Enfin, proche, je crois qu'il n'y a pas une  personne en ce monde dont je suis aussi proche que Roy. C'est un peu mon frère, mon âme soeur,  en quelques sortes, et je n'ai aucun doute quant à l'affection que je peux lui porter. Je vous rassure  tout de suite, l'amour est hors champ, et on sait tous que mon intérêt pour les poitrines est assez  grand pour nier tout ça, en oubliant un certain dérapage récent. Dérapage que je n'oublierai probablement jamais.

Enfin soit, je pense que de toute façon, à un moment ou à un autre, je parviendrai à ouvrir ma grande bouche trop close et à exprimer enfin ce que j'ai sur le coeur à celui qui doit de loin, voire de très loin être mon meilleur ami et plus proche collègue. En attendant, un rire m'échappe quand il réagit à ma déclaration anti-nicotine. Évidemment que je veux un bisou! Enfin, un bisou, c'est pour les faibles et les personnes en manque d'attention: je préfère qu'il me bâtisse un temple à  la sueur de son front, quitte à utiliser son fils comme esclave et à lui faire accomplir tout le sale boulot! Katsura Ryû, le seul, l'unique, a réussi à arrêter la cigarette après des années passées le tube aux lèvres. Vous n'avez pas l'air de réaliser à quel point c'est une grande nouvelle. Ça le serait certainement plus si je n'avais pas arrêté à cause de tous mes problèmes qui m'avaient carrément fait oublier à quel point fumer  était relaxant. Stupide homme.

« Ça va, garde tes bisous pour plus tard, je suis pas encore assez ivre pour ça!  » Dis-je en souriant un peu, me saisissant d'une des bouteilles qu'il a apportées afin de l'ouvrir et de la porter à mes lèvres. «  Même si on sait que j'aurais pas besoin de ça avec toi. »

Mon sourire s'élargit quand il me "félicite" et je prends une gorgée de bière, la trouvant particulièrement agréable jusqu'au moment où Roy reprend. Je hausse un peu les épaules et reprendd'un ton faussement désolé.

« Ah, je crois que c'est pas encore au programme, ça. Faudra que je pense à l'ajouter un jour. Quand j'aurai moins la flemme. »

Ou peut-être jamais. Dommage. En attendant, il n'a pas encore répondu  à ma question, hein, et j'aimerais savoir si lui et son fils vont bien ! J'ai toujours eu une passion presque malsaine pour la vie des autres. Ça me rappelle certaines conversations que je peux avoir sur skype, quand les gens m'expliquent toutes des choses qu'ils trouvent sans intérêt et que j'écoute sagement. Chacun ses passe-temps, hein. Après, je vous avoue qu'il y a parfois des choses qui ne m'intéressent pas du tout, ou des choses que je préférerais ignorer, mais on ne va pas s'étendre sur le sujet, parce qu'on risque d'arriver sur des conversations vraiment, mais alors vraiment étranges.

«  Hm...  »

Voilà qui résume parfaitement mes problèmes! Je m'étonne d'être aussi loquace et aussi... doué pour m'exprimer? Je porte une nouvelle fois la bouteille à mes lèvres en faisant signe à Roy d'attendre quelques secondes, le temps que je me prépare mentalement à lui annoncer qu'il n'est plus le seul dans ma vie. Oui, enfin, on se comprend. Une infidélité de plus à l'homme de ma vie, il va vraiment finir par comprendre qu'il n'est pas mon genre. Enfin... Aaaah. Je ferme les yeux un instant et repose la bouteille sur la table basse avant d'ouvrir un paquet d'apéro pour en prendre un peu et les porter à ma bouche.

« Papa d'amour, tu vas être grand père.  » Meilleure annonce du monde, cher camarade. « Enfin, c'est compliqué.  »

Oui, en soit, Yun Hua a décidé de faire adopter le bébé et m'a ordonné de nier en bloc, mais je ne peux pas, je ne peux juste pas, et encore moins quand je pense qu'il s'agit de mon ADN également. Je fronce les sourcils pendant quelques secondes avant de reprendre, vachement emmerdé par cette histoire.

« J'ai foutu une meuf en cloque. Enfin, une étudiante. J'sais pas quoi faire. »

Et c'est peu dire, car entre cette fille dont je ne connais que les compétences en cours - et maintenant le corps, mais on ne le rappellera pas - et mes sentiments pour une seconde que l'on ne nommera plus, je crois franchement qu'on a décidé de me mener la vie dure. Sérieusement, pourquoi il a fallu que je me mette dans un pétrin pareil, hm? Parce que j'ai revu une ex? Génial! À cause d'une femme, je me retrouve dans les ennuis avec deux autres. La solution, c'est certainement de me tourner vers les bananes. Enfin, je doute que tout le monde soit partant, moi premier.

Un fin sourire avait tracé ses lèvres lorsque Ryu lui avait fait comprendre que ce n’était malheureusement pas demain la veille qu’il arrêterait de toucher l’alcool. Roy était loin d’être idiot et s’en doutait sans même que son ami n’ait besoin de répondre quoi que ce soit seulement, malgré tout, il ne pouvait s’empêcher d’inquiéter. Arrêter la cigarette était quelque chose de grand cependant il ne fallait pas sous-estimer l’alcool non plus... Cela pouvait être autant néfaste que le tabac. Il y avait une différence entre boire quelques bières et boire à ne plus se souvenir ce qu’on a fait de notre soirée, à en avoir un mal de crâne affreux. Mais... Tant pis. Il n’y avait plus qu’à espérer qu’un jour le jeune homme s’en aperçoive de lui-même et arrête tout ça. Personne ne pouvait le forcer. Le professeur n’avait alors pas répondu, se contentant de lui arborer une faible esquisse avant de tremper ses lèvres dans sa bouteille et d’attendre en silence que son camarade daigne lui expliquer ses problèmes. Il n’était pas le genre à tourner autour du pot pendant cents ans et puis ça le tracassait, il avait besoin de savoir ce qui pouvait autant tourmenter son vis-à-vis.

Et puis, malgré lui, ses paupières avaient papillonné à plusieurs reprises, ses pupilles le fixant d’un air complètement choqué lorsque Ryu s’était mis à parler de plus bel. Il s’était attendu à tout sauf à cela et il ignorait comment réagir en vérité. Le féliciter était une mauvaise idée parce que la situation ne portait pas à cela... Il était plutôt partagé entre rester calme ou s’emporter contre l’inconscience de son meilleur ami. Evidemment, s’il y avait bien quelqu’un de placé pour ce genre de circonstance, il s’agissait de Roy. Ce qu’il avait vécu avec son fils était loin d’être similaire toutefois ces dernières années lui avaient permis de se rendre compte de nombreuses choses. Il aimait son fils plus que quiconque et ferait tout pour lui seulement il n’avait pas sa mère. Un enfant avait toujours besoin de sa mère pour grandir tout comme en réalité, il avait besoin d’un père. Et avant de prendre une décision, il fallait principalement penser à l’avenir de ce bébé. Il connaissait son camarade, il se doutait qu’à la différence de lui, tout ceci n’était qu’un accident...

Incapable de rétorquer quoi que ce soit sur l’instant, le professeur l’observa en silence, ne pouvant retenir le soupir discret qui avait traversé sa bouche. C’était compliqué. Il aurait pu dire à Saori de faire adopter Haru, qu’il ne s’imaginait pas s’en occuper tout seul mais ça avait été plus fort que lui, il ne s’était pas vu abandonner ce petit être dans lequel coulait son sang. Il avait aimé cette femme et il savait pertinemment qu’il aurait pu tout autant aimer cet enfant. Si elle avait été en mesure d’avorter et qu’elle l’aurait voulu, il n’aurait pu aller contre son choix mais quelque part, Roy aurait assurément souhaité garder ce garçon. Pour Ryu, les choses semblaient plus complexes. Tout d’abord, ils étaient loin d’avoir le même caractère... Ensuite, il n’y avait certainement pas tous ces sentiments derrière... Ce professeur se tracassait trop. C’était à se demander si ce n’était pas lui qui n’allait pas devenir père à nouveau.

- Est-ce qu’elle veut le garder ? Demanda-t-il subitement, sans le quitter des yeux.

Il aurait pu poser une autre question, ne pas être aussi directe dans ses paroles toutefois plus que tout, Roy avait besoin de savoir ça. Après tout, tout débutait de là.

- Je ne sais même pas quoi te dire en réalité... Vous devez juste réfléchir à ce que vous voulez faire et ne surtout pas vous hâter. Un enfant, ça change tout dans une vie...

Et en plus, il ne s’agissait pas de n’importe qui. Mais d’une étudiante. Ryû avait réellement fait n’importe quoi cependant ce n’était pas le moment de le réprimander à ce niveau... Il devait déjà probablement se rendre compte de tout ce que cela avait causé comme problème. Du moins, le professeur l’espérait.

- Je n’ai pas à te juger ni à te dire quoi faire de toute façon. Le seul conseil que j’ai à donner c’est de ne pas être impulsif dans vos choix, c’est tout. Pour le reste, je serais là quoi qu’il arrive. Et si jamais je dois être grand-père, promis, je prendrais bien soin de mon petit fils.

Sur ses dires, il lui adressa un sourire réconfortant tout en lui tapotant amicalement l’épaule. Certes, il l’avait déclaré sur le ton de la plaisanterie cependant Roy était dés plus sérieux dans ses paroles. Jusque là, il ne l’avait jamais laissé tomber alors ce n’était pas près de changer.

- Ca va aller, d’accord ?

Il n’aimait pas ça. Savoir que son ami pouvait se tracasser, qu’il pouvait aller mal et que lui n’était pas capable de faire grand chose pour l’aider.

Malheureusement, j'ai toujours manqué de volonté par rapport à mes bonnes résolutions. Chaque année, c'est la même rengaine. Je me fais des promesses que je ne tiendrai pas. Pourtant, j'essaie, je fais des efforts incroyables, par moment, afin de ne pas boire comme un idiot à chaque fois qu'une bouteille se présente, je tente d'agir comme si j'y étais totalement indifférent mais non. Non. Absolument rien n'y fait. Et au goulot, que je te la vide en quelques minutes parce que je ne suis rien d'autre qu'un misérable verre sans fond, incapable de se contrôler. Si encore je parvenais à maîtriser mes pulsions, mes délires, et que j'arrivais à gérer le comportement déraisonnable que je peux infliger à des personnes qui ne le méritent pas, les choses seraient mille fois plus simples ! Mais c'est visiblement trop demander. Je ne suis qu'un ivrogne notoire.

À l'heure actuelle, l'alcool est le cadet de mes soucis, de toute façon. Après avoir bu comme un trou un soir où j'avais prévu un cours particulier afin d'aider une étudiante qui ne maîtrisait pas les outils, j'ai fini par la mettre enceinte. Si encore je pouvais y changer quelque chose, avoir un moindre rôle à jouer dans la suite de ce scénario grotesque digne du plus mauvais drama du monde, j'aurais certainement plus facile à accepter la situation. Mais il n'y a rien que je puisse faire si ce n'est attendre, voir si Yun Hua décide de m'écouter et de me tenir au courant de la suite des événements ou si elle préfère se la jouer solo, puisque cette gamine semble souffrir d'une légère obsession à ce niveau. J'vous en ficherai moi, des je me débrouillerai bien toute seule.

Tout en grognant pour moi-même, je prends quelques biscuits apéritifs pour les porter à ma bouche. Il paraît que bouffer aide à se calmer, dans certaines situations. J'aimerais tellement que ça soit pareil pour moi, là, tout de suite, parce que je commence sérieusement à avoir l'impression que le monde entier a décidé de se payer ma tête. Quoi ? J'ai juste mis une étudiante enceinte ! Rien que ça ! C'est déjà beaucoup en réalité, trop pour que je puisse le garder pour moi indéfiniment, et c'est pour cela que j'espère que Roy ne me jugera pas trop sévèrement quant à cette histoire. Il sait que mon passé sentimental a été plutôt chaotique, que j'ai connu de grosses difficultés après ma dernière rupture, alors j'espère qu'il comprendra que ce n'était pas volontaire.

Alors que je repose le paquet de biscuits sur la table, un soupir s'échappe de mes lèvres que je pince légèrement quelques instants plus tard. Je sais que Roy ne peut pas approuver la situation et, même si je tente de faire passer la nouvelle comme on place une blague nulle, j'ai beaucoup de mal à l'accepter moi-même. Que suis-je exactement, si ce n'est un imbécile fini qui n'a pas été capable d'empêcher un désastre ? Les coudes appuyés sur les genoux, je joins mes mains devant mon visage, pinçant légèrement l'arête de mon nez.

«  J'en sais rien. Aux dernières nouvelles, elle voulait le garder et le faire adopter à sa naissance.  »

Un mauvais plan à mes yeux. Une mauvaise idée aux yeux de n'importe quelle personne censée qui pourrait pu comprendre qu'une fille de son âge ne pourra pas continuer ses études et porter un enfant dans le même temps. Sérieusement, à quoi elle pensait ?

«  Elle m'a demandé de rester en dehors ça et de nier en bloc, Roy. Elle s'en fout pas mal de ce que ça peut changer. J'ai juste à accepter qu'elle ponde un putain de chiard avec mon ADN dans quelques mois.  » Reprends-je sans même chercher à dissimuler mon agacement.

Un enfant avec mon ADN, qui me ressemblera peut-être lorsqu'il grandira et qui ne me connaîtra même pas. J'ai vraiment du mal à l'accepter. D'un autre côté, je ne parviens pas à me dire qu'elle va avorter non plus. Peut-être que le problème est simplement le faire que cet enfant s'en aille avec de parfaits inconnus qui me dérange, au final. Ce n'est pas le moment pour ce type de questions. Je soupire à nouveau avant de me redresser pour saisir ma bière et la porter à mes lèvres.

«  Je pense qu'elle ne m'écoutera pas, quoi que je dise.  » Sur ces mots, je pose la bouteille et je reprends quelques biscuits. Ça me distrait un peu, au moins. « On n'a même pas parlé de pourquoi c'est arrivé. »

Qu'aurais-je pu lui dire, de toute façon ? Que j'étais tellement déprimé que ma seule envie avait été de m'enfermer chez moi à boire et à jouer aux jeux vidéos et que, incapable de m'en rappeler à temps, j'avais oublié d'annuler notre rendez-vous ? Merveilleuse idée ! Comme si cela allait changer quoi que ce soit à cette foutue histoire. J'crois que je ferais mieux de m'enfermer pour de bon, oui.

« Je sais pas si ça va aller, Roy,  j'ai l'impression de revenir cinq ans en arrière... »

Et c'est une impression plutôt désagréable, croyez-moi. J'ai le sentiment d'être retourné à ce moment où j'étais totalement perdu, sans savoir quoi faire, sans savoir vers qui me tourner pour m'aider à affronter les problèmes qui me tombaient dessus les uns après les autres. Cette foutue rupture, l'alcool, la cigarette et toutes les conneries que j'ai pu faire pour arrêter d'y penser, la perte de mon projet, de mes chances de faire ce que je voulais vraiment dans la vie, et de pas mal d'argent au passage. Cette pétasse avait vraiment tout ruine.

Quoi que dise Ryû, Roy lui était sûr que ça irait. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas vu son ami dans un tel état néanmoins ce dernier ne devait pas oublier qu’il n’était pas tout seul. Le professeur comprenait son désarroi, le fait que tout ceci n’était pas simple et qu’en plus, la porteuse de l’enfant ne semblait pas plus entrain que ça à une discussion. Malheureusement, on ne pouvait pas forcer une femme à avorter si ce n’était pas son souhait et ce qui compliquait les choses était qu’apparemment Ryû n’avait pas de relation stable avec cette fille. Ce n’était pas comme lui et Saori qui s’aimaient au départ mais que le développement des évènements avait fini par séparer. Ce qui les rapprochait les deux garçons étaient autant leurs différences que leurs points communs toutefois sur de nombreuses choses, ils ne se ressemblaient pas du tout. Tout d’abord, ils n’avaient pas le même caractère, ils n’avaient pas la même vision de la vie non plus néanmoins c’était aussi ces distinctions qui faisaient qu’ils étaient aussi proches et s’entendaient aussi bien à l’heure actuelle. Seulement Roy ne pouvait pas lui donner n’importe quel conseil parce que si lui agirait d’une telle façon, il ne devait pas omettre qu’on ne parlait pas de lui et que Ryû n’avait pas obligatoirement la même force d’esprit que lui à ce niveau là. Il avait un fils de cinq ans, il connaissait mieux que personne ce que c’était d’éduquer un enfant, les avantages et les inconvénients que ça avait. Cependant, encore une fois, d’un certain côté, Roy ne pouvait pas comparer son histoire à celle de son camarade. Un soupir discret s’échappa de ses lèvres avant qu’il ne détourne son attention vers son vis-à-vis et lui adresse un sourire réconfortant. Pendant ce temps, sa main quant à elle vint se poser délicatement sur l’épaule du jeune homme, la tapotant doucement comme pour lui montrer qu’il n’avait pas à autant s’inquiéter, que si son ami disait que ça irait, il ne s’agissait pas de paroles en l’air.

- Je ne te laisserais pas retourner cinq ans en arrière, Déclara le professeur d’un ton plus que sérieux.

La conviction de ses mots se reflétaient dans ses pupilles alors qu’il ne laissait plus voir la moindre trace de plaisanterie. Ils avaient grandi depuis, ils étaient devenus de véritables adultes et des responsabilités, ils en avaient désormais des tas. Ryû n’avait pas le droit de flancher et de toute manière, s’il venait à tomber, Roy n’hésiterait pas une seule seconde à le rattraper puis le résonner s’il en avait besoin.

- Tu n’es pas seul, Ryû. N’oublie jamais ça. Tu ne peux pas forcer cette fille à avorter et je pense que quoi qu’elle décide, tu n’as pas d’autres solutions que de respecter son choix. Sauf, si tu es prêt et que tu te sens capable d’élever cet enfant.

C’était stupide de déclarer cela car le garçon se doutait que prendre une telle décision était assurément le principal tracas de son camarade. Hors, était-ce une raison pour rester silencieux et ne rien dire ? Lui songeait que non. Ils étaient grands et en parler aiderait peut-être l’autre enseignant à réfléchir avec plus de facilité.

- Ce n’est pas quelque chose à prendre à la légère mais tu sais... Il y a cinq ans, c’était également l’année de naissance de mon fils. Je sais que tout ça n’est pas simple pour toi mais on est des adultes Ryû, on ne peut pas se débarrasser des responsabilités aussi facilement. Peut-être que le faire adopter et une bonne idée si vous ne vous estimez pas capable de prendre soin de cet enfant tous les deux. Mais peut-être que tu peux aussi prendre tes responsabilités en choisissant de l’élever. Un enfant ce n’est pas uniquement un « putain de chiard », ça peut apporter beaucoup de choses. C’est sur ça t’en prive de beaucoup d’autres mais quand tu y réfléchis, lui, il n’a pas demandé à être là. Alors, essayez d’agir tous les deux, toi et cette fille, comme deux adultes. Et n’oublie pas que si besoin, je suis là. Je n’ai pas envie de te faire la morale seulement je n’ai pas envie que tu choisisses la solution de facilité. C’est quelque chose que tu pourrais regretter plus tard.

Bon, il avait peut-être parlé un peu trop, c’était rare qu’il en dise autant cependant c’était pour la bonne cause. Il ne voulait pas que Ryû fuit ses responsabilités, qu’il noie ses problèmes encore dans l’alcool comme par le passé et qu’il comprenne qu’être adulte, ce n’était pas que prendre des décisions mais également respecter celles des autres. Ce n’était pas toujours simple lorsque l’autre partie n’était pas d’accord avec nous cependant il ne pouvait pas obliger l’étudiante à faire ce que lui voulait qu’elle fasse. Cela serait trop facile et il fallait arrêter de vouloir sans cesse prendre des raccourcis pour que le chemin soit moins compliqué à traverser. Roy n’était pas là pour le juger, il était là avant tout pour le soutenir et il espérait que malgré tout ça, son ami le comprenait.

Je sais que boire n'est pas la solution à tous les problèmes et qu'il faut faire attention à ne pas exagérer pour ne pas se retrouver dans une situation compromettante, mais allez me dire ça alors que je suis déjà bien embarqué sur la voie de la débauche et que la seule chose que je cherche à faire est oublier les problèmes qui semblent me tomber dessus les uns à la suite des autres, hein? J'aimerais pouvoir vivre normalement, être capable de dire à Mi ce que je pense d'elle, dire à Yun Hua que ce bébé, j'en ai pas rien à faire, au contraire de ce qu'elle semble penser, mais je ne peux pas! J'ai peur de me retrouver totalement seul à nouveau, en vérité, et, paradoxalement, je fais tout ce qui est imaginable pour ne pas m'attacher à d'autres personnes. Pour mon plus grand malheur, cette tentative tient plus de l'échec que de la réussite, et ça me rend un peu malade. J'en peux plus d'être comme ça. C'est parce que je voulais pas rester seul à déprimer que j'ai demandé à Yun Hua de rester ce soir-là, et maintenant j'ai tout le loisir de constater à quel point j'ai lamentablement échoué dans ma tentative de gérer la situation.

Souriant un peu à mon ami, je peux voir qu'il ne compte pas me laisser tomber et cela me fait chaud au coeur. Je ne veux pas retourner en arrière de toute façon. Je ne peux pas. Et il a raison, je ne peux pas forcer Yun Hua à avorter, même si ce bébé est un problème, mais je n'ai pas non plus envie qu'elle le fasse adopter comme ça. Ce gosse aura mon ADN, il me ressemblera sûrement un peu en grandissant, je peux pas accepter ça, même si je ne me vois pas du tout parent non plus. J'aurais tellement l'impression de fuir mes responsabilités en la laissant assumer ça seule!

« J'ai essayé Roy. » Je soupire et prends une gorgée de bière. «   J'ai essayé, mais elle veut se débrouiller toute seule! J'vois pas comment on pourrait s'occuper de ce bébé ensemble. »

C'est pas comme si on était en couple ou je ne sais pas quelle connerie ! Sérieusement, j'ai trente ans, presque un en plus, alors qu'est-ce que je peux faire avec une fille comme Yun Hua? J'peux pas me ramener chez elle et lui dire "tiens, maintenant, on est ensemble, que tu le veuilles ou pas, et on s'occupe de ce bébé! Tu verras, on sera heureux comme jamais!"... Vous y croiriez, vous? J'ai plutôt l'impression qu'on va droit dans le mur. En plus elle a l'air de me prendre pour un idiot, ce qui n'arrange pas l'histoire. Je peux parfaitement réfléchir, organiser ma vie, tout ça, mais je peux pas forcément le faire lorsqu'on m'empêche de m'occuper des choses qui me regardent, comme un bébé qui porte mon ADN. Oui. J'insiste. Ça me dérange. J'aurais préféré que ça soit quelqu'un d'autre le père du gosse. Ou que la mère m'aime, au moins. Genre si la mère c'était Mi, les choses seraient plus faciles. Sauf que Mi, j'ose pas la toucher, elle a l'air trop pure pour ça et c'est limite si je vomis pas des arc-en-ciels quand je suis avec elle. Putain, j'en ai marre.

«   J'vais partir au tibet de devenir moine, Roy, j'suis certain que j'arriverai à trouver la paix intérieure là-bas. »

Ou pas? J'suis pas fait pour devenir prêtre, je crois que je devrais plutôt devenir, j'sais pas, gogo danseur dans un bar? NO FUCKING WAY. J'crois que j'vais m'en tenir à mon triste destin de professeur d'informatique dans cette foutue école de gosses de riches, ça implique moins de risques. Avec un peu de chance, d'ici quelques années, je serai assez raisonnable pour prendre épouse et avoir une vraie famille, avec une femme qui m'aimera, que j'aimerai, qui me poignardera pas dans le dos et qui tombera pas enceinte involontairement, puis qui me donnera un enfant presque aussi beau que moi! Et je serai deux fois papa, sauf que je m'occuperai que d'un seul d'entre eux! Ah, cette douce existence me fait tellement envie. Si seulement.

«   T'sais, j'ai pas envie de la laisser galérer toute seule, mais elle m'a dit qu'elle voulait pas que je l'aide. T'imagines s'il lui arrive un truc grave ? J'm'en voudrai toute ma vie d'être resté sans rien faire ! » Dis-je avec sérieux, terminant ma bière calmement. «  J'ai pas envie d'être le connard qui engrosse une meuf et l'envoie à la merde après. »

Sans compter que rien ne m'assure que je ne vais pas avoir des problèmes à cause de tout ça. Génial?

Ah. Ces femmes. Il faudrait inventer un dictionnaire pour être capable de les déchiffrer. Malheureusement, elles sont toutes différentes les unes des autres et un seul lexique ne suffirait pas pour les comprendre.
En silence, Roy écoutait son meilleur ami parler sans jamais l’interrompre tandis qu’il essayait de saisir les agissements de cette femme. C’était stupide de se comporter de la sorte alors qu’après tout, l’avenir d’un enfant était en jeu et il était préférable que ce dernier grandisse avec un père et une mère à ses côtés. Cependant son camarade avait expliqué qu’il s’agissait d’une étudiante, le problème venait peut-être de là... A leur âge, toutes ne peuvent pas être matures comme eux l’étaient désormais avec tout ce qu’ils avaient vécu par le passé et qui les avait forgé. On se persuade de pouvoir s’en sortir seul, que cela nous regarde seulement au fond, sans s’en apercevoir, on créait des doutes et des souffrances autour de nous. Ce n’était pas la solution. Son ami était prêt à prendre ses responsabilités et c’était déjà quelque chose en tant qu’homme. Cette fille devrait en prendre note parce que de nos jours, rares sont les hommes qui ne fuient pas ce genre d’évènement. Et lui ça l’agaçait de voir son camarade se tracasser autant et que personne ne lui laissait une chance de se racheter. Roy le connaissait mieux que quiconque, il savait à quel point Ryû pouvait être quelqu’un de bien s’il le désirait, qu’il n’était pas méchant mais qu’il avait juste été marqué par certains faits passé.

Les sourcils froncés, le jeune homme fixait son meilleur ami installé à ses côtés, bien décidé à ne pas laisser tomber. Quoi qu’il arrive, il n’avait nullement l’intention de l’abandonner et si pour cela, il devait lui remonter les bretelles alors il n’hésiterait pas une seule seconde à le faire.

- Dit Ryû, tu es un homme non ? Déclara le professeur sans le quitter des yeux et avec sérieux.

Ce n’était certainement pas la meilleure manière d’aborder la chose néanmoins Roy n’était pas le genre d’individu à passer son temps à tourner autour du pot. Autant être direct.

- Alor explique-moi depuis quand tu laisses une femme te dire ce que tu dois faire ? Parce qu’elle ne veut pas alors tu ne fais rien ? Si vraiment tu veux en discuter avec elle, tu vas la voir et tu insistes. Tu lui dis ce que tu viens de me dire et si elle n’est pas contente, elle n’a qu’à faire avec car après tout elle n’est pas la seule à avoir un rôle dans cette histoire. Elle n’a pas à choisir pour toi si tu as envie de l’aider et prendre tes responsabilités.

Sur ses dires, le garçon arbora un sourire sincère avant de lui tapoter à nouveau l’épaule et d’hausser les siennes.

- Et je doute que devenir moine change vraiment quelque chose. Tu n’auras jamais la paix intérieur tant que tu n’auras pas réglé correctement tout ça. Allez Darling, tu es plus fort que ça. Je sais que tu t’en sortiras et si tu n’y arrives pas, je viendrais te pousser à coup de pied au cul c’est clair ?

Et attention, c’était qu’il pouvait faire peur ce petit gars. Ou pas.

Un homme? Bah évidemment que je suis un homme! Sur le moment, je suis même tenté de baisser les yeux et mon pantalon pour prouver à mon collègue qu'il n'y a aucun dute à avoir sur la question, mais ma conscience finit par me rappeler à l'ordre, heureusement. Je suis trop bon, vraiment. Cette envie mise de côté, je laisse échapper un bref soupir, fermant les yeux en me préparant moralement à ce qui va suivre cette question purement rhétorique.

« Je peux pas m'imposer comme ça dans la vie de quelqu'un qui veut pas de moi. » J'ai toujours envie d'attention, mais pas à ce point,...Quoique. «  T'imagines si elle m'attire des ennuis par la suite?  »

Cette question me semble sonner faux. Atrocement faux, même. Ne suis-je pas le premier à m'incruster dans les soirées ou les groupes sans demander un avis? Le professeur qui a décidé que les étudiants n'auraient pas une seconde de répit tant qu'ils n'auraient pas atteint le sommet? Ce portrait aussi sonne faux, quand on sait à quel point j'ai baissé les bras lorsque Hikari est partie.

«   Tu sais, je crois qu'elle réalise pas très bien ce qu'il se passe. Enfin, on n'a pas vraiment parlé de ce qu'il s'est passé ce jour-là, j'veux dire... Avant qu'elle arrive chez moi. »

Si mon but avait été de me taper une étudiante, j'aurais pu sauter sur l'espèce de barbie contrefaite qui passe son temps à pourrir la vie de Yun Hua! Dans le genre idiot fini... Avec un peu plus de logique, j'aurais simplement gardé le silence en remarquant mon ex et j'aurais évité de nombreux ennuis. J'aurais appelé Roy pour lui en parler directement au lieu de tenter de gérer la situation par moi-même. Mais non! Non ! Au lieu de ça, j'ai fait mon bébé indigné et j'ai parlé à cette fille, j'ai cherché la merde. Imbécile.

«   J'ai croisé Hikari l'autre jour, pendant ma pause... Je m'y attendais pas vraiment.  » Et depuis, ma vie part en live. Parce que je suis débile, voilà. Ou peut-être trop marqué par cette séparation. «  Si cette fille est tombée enceinte, c'est parce que j'ai décidé de rentrer chez moi et que j'ai préféré boire au lieu d'en parler.  »

En repensant à cette journée plus qu'horrible, un soupir m'échappe. Je déteste parler de ça, mais je crois que j'en ai besoin maintenant et Roy doit être la seule personne à qui j'ai osé en parler jusque là. J'en ai besoin, vous comprenez? Je crois qu'on peut pas passer son temps à vivre dans le déni, de toute façon. Je suis pas prêt à revoir Hikari, j'étais pas prêt, et maintenant j'ai foutu en l'air ma vie et celle d'une autre. Génial.

«   J'ai pas envie qu'elle pense que j'en ai rien à faire de tout ça.  » Reprends-je en soupirant. «  Je suis pas juste un connard qui met sa graine et puis s'en va. Enfin, j'sais pas... J'aurais du retourner à Osaka au lieu de traîner dans cette ville après tout ça. »

Oui, sauf que si j'avais suivi cette merveilleuse idée, je n'aurais jamais rencontré Roy et ma vie serait peut-être encore plus nulle à l'heure qu'il est. L'air de rien, Royéphine ange gardien a quand même joué un grand rôle dans ma reconstruction, aussi incomplète soit-elle à l'heure qu'il est.

«   Tu penses vraiment que je dois la pousser à accepter mon aide? »

J'ai du mal à m'imaginer la forcer, à vrai dire... Ce n'est pas comme si on était vraiment ensemble et que cet accident était la suite prévisible d'une relation sentimentale... Au contraire, elle comme moi avons énormément à perdre à cause de cette histoire et nous ne sommes pas vraiment proches, pour ne pas dire pas du tout.

Roy avait été étonné de l’entendre mentionner Hikari et surtout d’apprendre qu’il l’avait croisé récemment. Certes lui n’y pouvait rien néanmoins il ne pouvait s’empêcher de s’en vouloir de ne pas avoir été là à ce moment. Peut-être que cela aurait évité tous les ennuis que se coltinait son meilleur ami ces derniers jours... Malheureusement, il n’était pas encore devin et ne pouvait pas prévoir que Ryû finirait par revoir son ex. Enfin, d’un certain point de vue, ce n’était pas étonnant toutefois, ce genre de choses arrivaient toujours quand tout allait bien. Et ça l’agaçait. Il aimerait tellement retrouver cette folle et lui cracher ses quatre vérités. Bien sûr cela ne changerait rien. Elle l’avait lâchement abandonné il y a cinq ans pour s’en aller avec un autre donc qu’est-ce qu’elle en avait affaire de la colère de l’un de ses amis. Lui ne comprenait pas comment on pouvait être aussi stupide et aussi cruel... Comment pouvait-on faire autant de mal volontairement ? Il se persuadait souvent que tout le monde était bon, que derrière chaque action, il y avait certainement une raison néanmoins il n’avait pu trouver quoi que ce soit sur cette fille. Probablement car en réalité il n’avait pas souhaité voir du bon en elle après la souffrance qu’elle avait infligé à son camarade et la considérait comme le diable incarné. Après tout, il l’avait déjà assez passé, on ne touchait pas à ses proches. De près ou de loin, on ne devait pas leur faire du mal sinon à son tour, il les détesterait probablement plus que les « victimes » elles-mêmes. Son côté noir, peut-être.

Pour que Ryû réagisse aussi excessivement, qu’il se mette à boire, c’était qu’évidemment, ça s’était mal passé. D’ou le fait que Roy n’avait pas insisté sur ce sujet là, ils auraient tout le temps d’en parler plus tard quand le garçon en éprouverait sincèrement l’envie. Certes, il fallait souvent lui sortir les vers du nez pour qu’il confie ses problèmes, lui-même se trouvait dans cette situation, cependant l’enseignant savait quand la situation était appropriée à la discussion et quand elle ne l’était pas. Alors en silence, il avait continué de l’écouter, hochant la tête par moment afin de lui montrer qu’il suivait mais il fronça les sourcils lorsque son ami mentionna Osaka. Cela ne servait à rien de ressasser le passé et songer à ces choix qu’on avait effectué à l’époque parce qu’on ne pouvait pas savoir comment aurait été notre vie si on avait pris une décision plutôt qu’une autre. Ca aurait peut-être été mieux mais ça aurait peut-être été pire.

- Evidemment que tu dois la pousser à accepter ton aide ! S’exclama l’enseignant, avec un peu trop d’entrain dans la voix mais ces mots étaient sortis du fond du coeur, Si tu tiens réellement à la soutenir, c’est ton devoir d’insister Ryû. Je ne connais pas votre relation mais le fait est que tu es le père de cet enfant alors c’est tout à fait normal et dans tes droits d’insister. Montre lui clairement ce que tu veux mais sans la brusquer par contre. Tu as juste à lui dire ce que tu viens de me dire... Que tu es prêt à prendre tes responsabilités et que tu n’es pas un connard pour la laisser tomber après ça, que tu t’inquiètes pour elle et que tu ne veux pas qu’elle galère seule.

Avouer ce qu’on pensait sincèrement n’était pas facile, lui-même en avait plus que conscience cependant dans une telle situation, c’était assurément nécessaire.

- Je te l’ai dit tu es un homme alors agit en tant que tel.

Son poings se cogna gentiment au niveau de son bras sur ses dires tandis qu’un sourire réconfortant étirait ses lèvres. Ryû était plus fragile qu’il n’y paraissait néanmoins Roy le connaissait et savait que s’il y mettait du sien, il pouvait être particulièrement fort. Il suffisait que ce dernier le comprenne et ait plus confiance en lui ainsi qu’en ses actes. D’ailleurs... Incapable de se retenir, le garçon le frappa amicalement derrière la tête avant de plisser ses yeux d’un air faussement menaçant.

- Ah et je t’interdis de dire que tu aurais du retourner à Osaka ! Parce que déjà, ça sert à rien de regretter un choix que tu as fait autrefois et ensuite parce que rester sur Tokyo est le meilleur choix que tu as fait de toute ta vie !

Car grâce à cela, ils avaient pu se rencontrer et se soutenir mutuellement. S’ils ne s’étaient pas connus, Roy n’en serait probablement pas là aujourd’hui non plus. Il ignorait s’il aurait été aussi combattif qu’il ne l’était à présent. Il ne le lui disait pas souvent mais il était content de l’avoir à ses côtés et avait besoin de lui plus que ce que son meilleur ami devait le penser. Voilà pourquoi prendre cette décision à l’époque avait été la plus judicieuse... Elle était le début de leur rencontre. Et ça, ça en valait la peine.

De toutes les choses qui ont pu m'arriver au cours des dernières années, je crois que la revoir aura été la pire chose qui me soit donnée de connaître. Pendant des années, elle était pourtant tout ce que j'avais de plus cher. Ma petite amie, ma confidente, ma moitié, celle avec qui j'imaginais faire ma vie, même si ça me semblait un peu absurde par moment. Si je n'avais pas été aussi con, tout aurait été différent. Mais je ne suis pas celui que j'aimerais être et la revoir m'a fait beaucoup plus de mal que j'aimerais le dire. Roy peut sans doute le comprendre; il a toujours réussi à m'aider et à comprendre mes faiblesses, en particulier lorsqu'il est question d'Hikari. Sûrement parce qu'il avait ses problèmes, lui aussi, et qu'ils n'étaient pas forcément plus faciles à gérer que les miens. Son fils a du en faire partie pendant un moment, d'ailleurs, même s'il a l'air plus proche que de lui maintenant et que j'envie presque sa situation. Encore plus maintenant que j'ai moi-même un problème de paternité à gérer... Si seulement j'arrivais à m'en sortir seul au lieu de demander sans cesse l'aide de mes proches. J'ai trente ans, plus vingt-cinq.

Déjà, si j'arrivais à arrêter l'alcool, ce serait une bonne chose. Je fais bien trop de conneries quand je suis ivre et, malheureusement, ça arrive trop souvent. Si seulement en avoir conscience était suffisant pour me faire arrêter! C'est sans doute trop facile, une fois quelques verres avalés. On se sent plus fort, on se prend pour un héros et on arrête de penser à ce qui nous inquiète et nous pose problème. Voilà pourquoi je n'arrive pas à arrêter. Un jour, il faudra vraiment que je fasse des efforts pour arrêter de déconner comme ça, pour redevenir un peu plus sérieux, comme avant toute cette histoire, comme avant le départ d'Hikari. Avec un peu de volonté, peut-être que ça pourrait marcher, non? Avec un peu de volonté ou une autre bonne raison, comme celle que vient de me donner Roy, peut-être. Il a peut-être raison, mais je n'ai pas vraiment de relation avec Yun Hua. C'est simplement une étudiante venue à un cours parce qu'elle aimait ça et qu'elle voulait s'améliorer. C'est aussi pour ça que je voulais l'aider, pas parce que j'avais des plans bizarres derrière la tête. Je pousse un léger soupir suite à son explication, encore en train d'y réfléchir.

« Je peux essayer... »

Je ne suis pas le plus doué pour expliquer ce genre de choses et j'ai plutôt tendance à forcer les gens à m'écouter plus qu'à essayer de m'expliquer, d'ailleurs, mais je peux certainement essayer. Il faut que je m'en persuade et, de toute façon, je suis certain que Roy ne me laisserait pas faire l'imbécile. D'ailleurs, je lui adresse un sourire quand il vient de cogner légèrement. Il me connait bien. Un peu trop bien d'ailleurs. Assez pour savoir qu'il me surprendrait en me mettant une tape derrière la tête, ce qui me fait froncer les sourcils alors qu'un "hey" mécontent m'échappe, juste avant que son geste s'explique.

« D'accord, d'accord! Mais c'est pas une raison pour me frapper hein, je proteste! »

C'est ça, je proteste. D'un autre côté, je l'ai méritée. Je vis un peu trop dans le passé depuis quelques temps. Comme si j'étais resté bloqué à la case vingt-six sans pouvoir en bouger.

« Quand j'aurai l'occasion, j'vais lui en parler. J'vais lui dire que j'veux pas qu'elle assume ça toute seule et qu'elle a pas le choix. » Et m'en prendre une, sûrement, mais c'est pas grave. « Et qu'elle ne me fait pas peur aussi. »

De toute façon, qui aurait peur, hein? C'est pas comme si elle allait me mordre ou je sais pas quoi encore.

« Je peux quand même venir pleurer dans tes jupons si jamais ça va pas, hein? Tu sais à quel point j'adore ça. » Sur ces quelques mots, je ris un peu avant de boire un peu.

J'pourrais aller pleurer dans ceux de Mi, mais elle comprendrait pas trop sa vie, puis j'ai pas envie de lui prendre la tête avec mes problèmes. En plus je me vois mal expliquer à ma voisine les déboires que je connais avec une étudiante. C'est pas comme si elle était particulière à mes yeux, mais un peu quand même, hein. On va éviter.

Il avait été rassuré d’entendre son meilleur ami enfin décidé de parler à cette jeune fille. Roy se doutait que ça n’allait pas être facile, que la situation risquait d’être des plus délicates mais il avait foi en son camarade, celui-ci s’en sortirait. Et si jamais il flanchait, qu’il ne s’inquiète pas, le jeune homme serait toujours là pour l’aider, pour le soutenir et le relever. Ca servait à cela aussi les amis non ? S’il y réfléchissait, ils se connaissaient seulement depuis cinq ans et pourtant, il avait tout le temps cette impression de le connaître depuis toujours. Depuis leur rencontre, il n’y avait pas eu une seule fois où l’un n’avait pas été présent pour l’autre. Autant dans la douleur que dans la connerie. Certes, c’était aussi vrai qu’ils avaient pas mal de différences cependant ils avaient également de nombreux points communs, se complétant sur d’autre. On peinerait assurément à crois que ces deux-là pouvaient être les deux meilleurs amis du monde, que la vie de l’un serait réellement fade sans celle de l’autre et qu’en fait, ils ressemblaient presque à un couple gay. En soit, ils l’étaient un peu - beaucoup - toutefois ça construisait la particularité de leur amitié. C’était la raison pour laquelle savait que jamais il ne le laisserait tomber et que quoi qu’effectuait son ami, il serait là pour le guider. Si pour cela il devait lui remonter les bretelles ou lui mettre des coups de pieds aux fesses, il n’hésiterait pas une seule seconde. C’est qu’il pouvait être violent le petit Kasahara. Mais on ne lui en tenait pas rigueur, c’était pour le bien de Ryû après tout. Celui-ci pouvait protester autant de fois qu’il le souhaiterait, Roy ne cesserait jamais de le frapper. Il se sentait puissant à chaque fois - un gosse, vraiment - d’ou le fait que le professeur n’avait pu se retenir de mimer un air innocent puis de rire à la réflexion de son interlocuteur. Il devait très bien savoir que son camarade n’arrêterait pas, pas tant qu’il ne serait pas devenu un homme vaillant et fort dont il pourrait être fier. En attendant, Roy serait toujours là.

- Un homme ça ne pleure pas chéri, Le taquina-t-il avant de lui ébouriffer amicalement ses cheveux, Mais oui, je serais là si besoin. Tu sais très bien de toute façon que mes bras te seront toujours ouvert !

Même s’il plaisantait, Roy n’avait pu s’empêcher de lui arborer un sourire sincère, cognant sa bouteille de bière contre celle de son meilleur ami. Il n’avait rien ajouté de plus au sujet parce qu’il n’avait pas l’impression qu’il était nécessaire de dire quoi que ce soit à nouveau. Le jeune homme avait compris ce qu’il lui restait faire à présent et son collègue l’encourageait vivement pour cela. Maintenant, ils avaient une soirée à commencer et vraisemblablement, un frigo à vider aussi. Cette réflexion n’était pas passé dans l’oreille d’un sourd puisqu’il ne fallait pas oublié que Roy, cet idiot, il avait toujours faim.