Alors que ma tête souffre d’un mal de crâne insupportable et que j’ai l’impression d’avoir un gong qui y résonne, je hoche le menton d’un air sérieux et finit de signer les derniers papiers, paraphant en chaque bas de pages, exposant chacune d’entre elles les termes de mon contrat mais aussi les propos de confidentialités. Après tout, on n’entre pas dans l’agence Angel Entertainment aussi facilement. Le directeur déballe toutes ses conditions et autres termes compliqués et inutiles, m’expliquant toutes sortes de problèmes que je pourrais rencontrer en tant que manager. J’avais beau lui dire que ce n’était pas ma première fois, que j’avais déjà fait ce métier dans le monde du rock indépendant, il s’entêtait à me rappeler qu’une idole a beaucoup plus de merdes qu’un rockeur, et c’est ainsi que j’ai appris que j’ai dû très bien faire mon boulot pour protéger la vie de mes anciens artistes drogués et dépendant sexuels durant toutes ces années. C'est sûrement en parti quoi on m'a engagé ici à dire vrai, on dit beaucoup de bien de moi...  

« Ne vous inquiétez pas Mr. Moritarou, je prendrai soin de Nikita et Sehen comme il se doit, et franchement, l’univers underground est bien plus sale que vous ne pouvez l’imaginer. Vous avez lu mon C.V, n'est-ce pas ?» Répondais-je dans un rire étouffé, ne voulant pas offenser mon patron.

Mais il paraissait réellement sérieux lorsqu’il m’exposa ses différents avertissements, comme quoi ses poulains pouvaient être de vrais chieurs, qu’ils aimaient faire tourner en bourrique les nouveaux et qui… En général, n’appréciait pas qu’on change leur staff ainsi, encore moins le manager. Il m’a dit de surtout faire attention à Nikita qui, malgré ses airs de gentil minet, pouvait être une vraie commère peste et déjantée. Cependant, qu’une fois qu’on le connaît, ce serait un amour de « choubidou ». Il faut savoir l’amadouer.  

Pour ma part, j’ai surtout été surpris d’entendre que Sehen serait sûrement celui qui me donnera le plus de fil à retordre. Bien que je le sache déjà, il m’affirma qu’il détestait qu’on change ses routines, qu’on touche à ses affaires ou qu’on se mêle de sa vie privée. Je ne pense pas que je puisse respecter toutes ses règles étant donné qu’on risque d’avoir plus d’une fois des discussions pimentées. De plus, le connaissant, il ne doit pas apprécier qu’on change son manager sans lui donner le quelconque choix, car les célébrités ne l'ont pas, et qu’en plus, on y colle son ex-petit-ami…

Même si j’aimerai bien que cela lui fasse plaisir, je sais à quoi je me frotte, et je risque de m’y piquer beaucoup. Je l’ai quitté et, selon ses parents, je l’ai assez brisé pour qu’il aille carrément au Japon pour me fuir… J’aurais espéré que cela se passe autrement, je veux dire, il aurait pu vraiment mal finir au Japon s’il n’avait pas été recruté… Pourquoi avoir quitté son école et finir ici ? Je me souviens très bien des mots que la famille Kim m’a balancé à la tronche et il n’y avait rien de bien gentil là-dedans… Nous finissons de remplir les derniers papiers inutiles et comme si tout était réglé à la minute près, j’entends quelqu’un frapper à la porte.

Mon cœur s’accélère tellement, j’en ai peur, et si rien ne se passait comme prévu ? Et s’il refuse de me voir, de m’adresser la parole ? Bien sûr que je m’y attends toutefois, au fond de moi, je n’ai jamais cessé de l’aimer et la seule chose que je crains c’est que je sois le seul dans ce cas. Que je sois le seul à vouloir partager de nouveau ces sentiments.

Il doit me haïr.

Ma cage thoracique me fait mal quand je vois la main du boss tourner la poignée.

Il doit m’en vouloir, me tenir responsable et il en aurait toutes les raisons au monde.

La porte enfin ouverte en grand, j’aperçois des cheveux roses, une silhouette longiligne et des mains que je n’avais pas vu vieillir.

Je suis tellement idiot d’être venu ici, mais je suis tellement amoureux aussi…

Alors que je me lève doucement, montant mon analyse des chaussures à sa tête, je sens mes jambes tremblées et le costume me paraît si serré, si étouffant. Je brûle d’envie de courir dans ses bras et pourtant, le visage placide, nos yeux se trouvent, se verrouillent et mes pupilles se dilatent, je jure même sentir des larmes venir gonflées mes paupières. Sehen. Ô Sehen, nous avons vécu un tel orage, pourquoi t’ai-je laissé partir ? Pourquoi n’as-tu point compris ? Je ne pouvais pas briser ton rêve, je ne pouvais pas briser mon rêve. Je ne pouvais que briser notre amour. Notre doux, notre tendre, notre merveilleux amour. Je t’aime encore tu sais, je t’aime. Et plus le temps fît cortège et plus le temps fît tourment. Je me sens déchiré sous le sourire qui s’incruste sur mes joues, je me sens mourir sous ce faux rictus et ma voix se voulant forte et fière.

« Bonjour Kim Sehen, j’imagine que nous vous avons mis au parfum, je me présente, Han Yu Jin. » Je tente de reprendre mon souffle, présentant le siège à côté du mien tandis que Moritarou reprend le sien derrière le bureau en ébène ciré foncé. « Je suis ravi de vous rencontrer et j’espère que nous ferons du bon boulot ensemble.  Je suis encore une fois désolé du changement de dernier minute.» Terminais-je en tendant ma main, ravalant ma salive rien qu’à l’idée qu’on puisse avoir un contact après tant d’années. Le monde tourne tout autour de nous, je n'ai néanmoins l'impression de ne voir que lui.

Dire qu’il ne devait pas s’y attendre doit être un euphémisme, cependant penser que cela ne me fait rien serait mentir. Être à moins d’un mètre de lui après plus de quatre ans ne fait rien de bon à mon cœur et, même si je l’ai déjà vu plus d’une fois en concert et en photos, je peux assurer qu’il est deux, non trois fois, voir dix fois mieux en vrai. Sa peau si crayeuse et ses cheveux si brillant, il n’a pas perdu sa beauté d’antan, il grandit si bien… Je dois paraître misérable dans ma veste cintrée et mes chaussures chères, j’ai dû tellement changer, ça se trouve je ne dois même plus lui plaire. Enfin, ce n’est pas vraiment le but de ma visite, même si je suis venu en quelque sorte regagner son cœur, je ne me donne pas de faux espoirs, rien ne promet que cela sera faisable… Je mords nerveusement ma lèvre inférieure et plonge de nouveau mon regard dans le sien, une chaleur me prenant et des papillons s’installant dans mon bas-ventre. Un terrible sentiment me prenant, et si venais-je donc encore de faire une gaffe ? Saura-t-il me pardonner ? Combien allais-je perdre cette fois-ci ? J'ai tenté de vivre sans lui, mais mon avenir me criait Sehen. Et si je le perdais de nouveau, que deviendrais-je donc ? La vie paraît si fade et grise, je crois que j'ai besoin de ce « rose » pour revoir les couleurs et la lumière que j'ai perdue de nouveau...

Les couloirs de la Angel Entertainment étaient toujours remplis, il y avait les membres du staff qui couraient dans tous les sens comme si chaque seconde comptait, puis les célébrités qui marchaient, s’arrêter et discuter les uns avec les autres. Ça fait maintenant un peu plus de quatre ans que je parcours cet environnement quotidiennement, je connais beaucoup de monde et j’ai une certaine réputation, je me suis fait une place dans cet endroit qui, quelques années auparavant m’était totalement inconnu, c’était à peine si je pouvais faire une discussion sérieuse en japonais.

Le directeur m’a annoncé subitement le changement de manager, apparemment l’ancien a eu quelques problèmes et a soudainement été rétrogradé à un autre poste. Je n’aime pas ça, je ne connais pas la personne qui va prendre sa place mais il était mon manager depuis mes débuts et d’un coup changement de programme ?

C’est d’un pas décidé que je me dirige vers les bureaux administratifs pour faire comprendre au directeur ma désapprobation. Changer un membre de mon « équipe » sans m’avertir à l'avance est vraiment quelque chose d’agaçant. J’arrangeais mon pull et toqua à la porte. Bien entendu j’étais à des années-lumière de me douter de ce qui m’attendait à l’intérieur.

Lorsque mon patron m’ouvrit la porte j’allais directement lui faire part de mon mécontentement, mais mes yeux se posèrent sur la personne derrière lui. L’espace d’un instant j’ai cru a une illusion, mais c’était réel, ma bouche légèrement ouverte sans qu’aucun son n’en sorte, mon corps avait décidé de ne plus bouger. C’était quoi ça. Un coup monté ? C’était bien lui pas vrai… Non bien sûr que c’était lui, même si mes yeux ne voulaient le croire mon cœur lui l’avait fait à ma place. Il battait si vite, depuis combien d’années n’avais-je pas ressenti ça ? Je ne comprenais rien de ce qui était en train de se passer, mais ce qui était certain c’est que Han Yu Jin se trouve devant moi.

Les années étaient passées et j’avais maintes fois essayées de l’oublier sans succès, même aujourd’hui je l’aime tellement, il n’a pas beaucoup changé, il a grandi et ça fait vraiment bizarre de le voir dans un costume… Mais il est toujours aussi beau. Pourtant je ne peux pas lui sourire comme il le fait, je ne peux pas faire semblant. Il m’a laissé partir, il ne m’a pas retenu alors qu’est-ce qu’il fait ici !? « Bonjour Kim Sehen, j’imagine que nous vous avons mis au parfum, je me présente, Han Yu Jin. »

Mon cœur se serre, cette façon de me parler si distante comme s’il n’y avait jamais rien eu entre nous. Je ne devais pas me laisser emporter par mes sentiments, surtout pas devant le directeur qui jugera chacune de mes réactions. Je décide de m’assoir à côté de lui sans même le regarder, croisant mes jambes adossées au siège. « Je suis ravi de vous rencontrer et j’espère que nous ferons du bon boulot ensemble. Je suis encore une fois désolé du changement de dernière minute.»

Cette voix, je l’aimais tellement. Et même sans l’avoir entendu durant toutes ses années je ne l’ai jamais oublié et m’en souviens parfaitement… Mais les mots qui sortent de sa bouche me font mal, pourquoi faut-il qui réapparaisse devant moi si c’est pour me blesser encore une fois ? Je n’ai pas assez souffert, il faut que ça recommence.

Je veux dire au directeur que ce changement ne m’arrange pas ! Je veux lui dire que je ne suis pas d’accord, mais mes raisons seraient différentes de celle que j’avais lorsque j'étais en chemin. Je veux être à ses côtés, mais comment lui pardonner ? Yu Jin… pourquoi es-tu ici ? Pourquoi reviens-tu près de moi après tant d’années et pourquoi ne m’as-tu pas retenu il y a quatre ans ? J’aimerais te demander, mais je ne peux pas. Je regarde la main qu’il tend vers moi et rencontre ses yeux sérieusement.

« Pensez-vous être à la hauteur pour prendre soin de moi monsieur Han ? » Demandais-je simplement. Le directeur me demande alors de ne pas faire ma tête de mule et d’accepter le contrat. Je soupire et approche ma main de la sienne. Lorsque nos mains se frôlent et entrent en contact c’est un sentiment nostalgique qui me parcourt. Tout ce qui est en train de se passer me semble être un de ces rêves où je le vois revenir vers moi.

« J’espère aussi que vos capacités dépassent celle de mon ancien manager, je suppose que vous savez que je n’aime pas quand on change les membres de mon équipe pas vrai ? Alors pardonnez-moi d’avance si je suis désagréable pendant les jours à venir. » Je lâche sa main lorsque le directeur reçoit un appel et quitte les lieux le premier. Le silence s’installe dans la pièce et je finis par le briser.

« Han Yu Jin... mon manager? Quelle blague est-ce? »

Si on m’avait dit que je pourrais revoir ce visage qui m’a tant manqué après tant d’efforts et de sacrifices, je n’aurais pas pu y croire. Après toutes les horreurs que l’on m’eut offertes au départ de Sehen, je ne sais pas si je suis digne de tout ça. La culpabilité et l’amertume m’ont démunis et se sont moqué de moi durant toute cette terrible absence, me laissant désemparé et vulnérable. J’en étais redevenu ce pathétique paysan tremblant et angoissé dès qu’il se retrouve en dehors de sa ferme, comme si le monde entier lui en voulait. Quel misérable enfant ai-je fait lors de mes 18 ans.

Heureusement, j’ai bien grandi depuis, je suis redevenu dynamique et plein de vie, cependant j’ai perdu à contre cœur mon innocence. Dans un sens tant mieux, j’ai grandi, j’ai mûri. Tout paraît maintenant plus fourbe et malicieux et c’est comme cela que ça marche, au diable ma candeur passée, je ne suis plus l’adolescent découvrant l’amour et l’amitié. J’ai eus maintes et maintes fois mon cœur brisé et j’ai pourtant, toujours réussi à me relever ! Parce qu’on m’a montré que tout n’était pas si gris, que tous ne veulent pas que mon malheur. Non, certains veulent au contraire me soutenir et m’accompagner, me tenir la main dans les moments difficiles et la seule difficulté, c’est de l’accepter.

Sehen fait partis de ces gens-là, et c’est pour pourquoi je suis ici maintenant. En face de lui, à faire comme si de rien était car, si je laissais libre cours à mes émotions comme je le ferai normalement, je serai simplement en larmes le suppliant de me pardonner (Du moins, je l’imagine ainsi). Toutefois nous sommes en ce moment même en plein travail et il est important de rester neutre ici. Comme je l’ai déjà dit, je ne suis pas là que pour l’amour non plus, sinon j’aurais refusé de prendre Nikita sous mon aile aussi. Il y a en jeu une carrière musicale et une paye à la fin du mois, ce n’est pas un Monopoly pour grand-mères lisant des Arlequin sur lequel je me suis engagé.

Malgré tout, les mètres sont si moindre en cet instant et, hélas, je me sens si loin à la fois, si distant, ses yeux étaient si prenant, j’aurais pu me noyer dedans s’il n’avait pas rompu le contact. Et entendre sa vive voix après si longtemps, je sens mon poitrail faire des loopings et s’alourdir de chagrin. Comment ai-je pu le laisser partir ? Tous ces souvenirs que nous avons ratés, tous ces souvenirs que nous aurions pu nous forger. Ensemble… Ce ne sont rien d’autres que quatre années gâchées.

A sa requête, je sentis comme un pique me traverser de tout son long, bien sûr qu’il ressassait le passé. Bien sûr qu’il me mettait au défi, comme si je pouvais m’occuper de lui après l’avoir fait souffrir. Je perds un instant ma mine sérieuse mais la retrouve quand le patron me rappelle sa présence. Autant ne rien dire, ce n’est que de la provocation et y répondre n’amènerait pas forcément beaucoup de bien. Surtout pas dans cette situation. Je le sens bien, qu’il est énervé cependant qu’il se retient. Et un Sehen agacé n’amène à rien de bon ! Oh non croyez-moi, avec le peu de disputes qu’on a eu, j’en ai gardé des traces ! Mais c’est ce qui a construit notre histoire…

Et quand nos deux mains se rencontrent et se tournent autour comme deux lions en chasse, je sens mon cœur palpité jusqu’à l’explosion, nos doigts se tenant les uns les autres, salive s’embouteillant dans ma gorge, dîtes moi que je ne suis pas mort, c’est trop beau pour être vrai, trop merveilleux. Mes pupilles sont si dilatées de plaisir que mes yeux me brûlent et la seule chose que j’ai envie de faire c’est de serrer cette paume si chaleureuse et douce et la tirer vers moi pour enlacer tendrement cet être cher qui s’y trouve au bout.

Néanmoins, mes fantasmes et le concret sont deux concepts bien différents, ici je suis manager et lui mon coéquipier et nous voilà à devoir travailler en duo. Dans un cadre strictement professionnel. Je devrais me maudire moi et mon cerveau sous-développé, mais de toute façon, je suis trop impulsif pour comprendre ce qu’est le réfléchi. Terminant notre poignée de main avec fermeté et délicatesse, le lien maintenant terminé : Et c’est comme une sensation de vide qui me prend. Il est bien devant moi, n’est-ce pas ? Je ravale tous ces nœuds installés dans mes tripes et inspire discrètement pour reprendre mon souffle avant de peinturlurer mon sourire quelque peu forcé, à dire vrai, trop crispé et répond d’un ton fluet :

« Ne vous inquiétez pas Sehen, Ô combien ce prénom sonne si tendre et mélodieux dans ma bouche. « Je suis bien connu dans le milieu, j’ai mis en route plusieurs groupes de rock indépendant déjà. Mais je me ferai un plaisir de recevoir de vos conseils si certaines différences vous sautent aux yeux. Et cela ne me dérange pas de vous faire part de ma propre expérience non plus. »

Ma tête se tourne vers le directeur maintenant au téléphone puis se courbe légèrement pour s’excuser et quitte la pièce… Quel froid glacial, je crois que mon sang vient de stopper toute circulation… Je sens mes cuisses frissonner et de la sueur froide recouvre ma nuque. Je n’ose même pas tourner le menton vers mon ex-petit-ami. Mais garde le regarde haut Yu Jin, tu ne peux pas te laisser te décourager ainsi ! Tu n’es pas venu ici pour le regarder se faire encore de fausses idées. Hochant la tête plus à moi-même qu’en réponse à la terrible réplique, je me penche vers lui et arbore un rictus coincé, entre l’agacement et l’incompréhension… Et un brin de maîtrise de soi :

« Sehen. Pourquoi es-tu parti aussi loin ? Je veux dire, ça ne te suffisait pas qu’on ne se voit plus, il fallait aussi déménager et partir au Japon ?! »

Mes mots sont partis bien plus agressifs que je ne l’aurais pensé, en même temps, pas de surprise venant d’un ancien colérique, qui dû suivre un traitement pendant trois ans. Je roule des yeux, bravo pour l’approche ?

« Je veux dire… Je pensais que tu rêvais de rentrer dans cette école et donc… T’as risqué gros de venir comme ça, sans rien prévoir. » Réussis-je à sortir de façon beaucoup plus civilisée.

Je n’ai même pas remarqué combien mes doigts se sont raccrochés à mon pantalon de coton et que je suis revenu sur mon siège à fixer droit devant moi, raide comme un piquet. J’aurais vraiment dû préparer un meilleur plan que ça… Cette horrible impression de faire quelque chose de travers me hante, une bonne baffe règlerai le problème vraiment, c’est ce qui me remet souvent dans le droit chemin… Ou ce qui commence une bagarre générale. Peut-être que ce ne serait pas très fin de ma part.

« Je sais que je t’avais déjà quitté à l’époque… Mais… Je suis désolé de t’avoir autant fait souffrir… Tes parents m’ont racontés et je… Je… »

Je t’aime encore et toujours et essaye de le voir un peu bon sang ! Je sens que je vais craquer ; que je vais juste fondre en larmes et retourner une table ou deux pour me passer les nerfs. Littéralement, tous mes membres sont en feu et remuent sans MÊME que je leur demande ! Sehen. S’il te plait. Aide moi encore une fois, je ne sais pas comment te faire comprendre. Je ne sais pas comment t’expliquer… Tout ce que je ressens encore pour toi.

Han Yu Jin si seulement il savait combien de fois j’ai voulu revenir en Corée pour essayer de comprendre pourquoi il m’a laissé partir si loin de lui sans avoir essayé de me retenir. Je me remémore chaque souvenir qu’on a partagé depuis le lycée, tout ce qu’on a vécu me semblait quelquefois trop beau pour être vrai, mais je ne pensais pas que tout se serait arrêté si brusquement. Mon cœur a tellement souffert que j’avais l’impression de mourir enfermé dans ma chambre les jours qui ont suivi notre séparation. En quittant le Pays je pensais ne jamais recroiser son chemin, je ne voulais pas ressentir de nouveau ses sentiments qui malgré les années ne daignent vouloir disparaitre.

J’ai plus d’une fois essayé de l’oublier dans les bras d’autres personnes, mais c’était vain. Quatre ans loin de lui et mon cœur à peine après avoir recroisé son regard semble tout à coup se rappeler comment battre. Mais malgré tout ça je ne peux pas affirmer avec certitude que je serais capable de dissimuler ce que je ressens en face de Yu Jin. C’est pourquoi malgré ma surprise de le rencontrer ici je préfère jouer la carte de la sécurité et paraître froid et distant, alors qu’une seule envie me traverse l’esprit, lui sauter dans les bras.

Pourquoi ? Pourquoi j’ai ce genre de penser alors que cet idiot est celui qui m’a quitté ! Pourquoi est-ce que je veux tant être à ses côtés alors qu’il m’a simplement abandonné et regardé partir sans regret. Si seulement il m’avait montré un signe, s’il m’avait regardé et fait comprendre que cette séparation n’était qu’un cauchemar. Mais non. Je lui en veux tellement, je l’aime et pourtant je le hais tant… Il a pris possession de mon cœur pendant tant d’années et je n’ai pas le mode d’emploi pour le récupérer.

Yu Jin a mûri. Il ne répond pas à ma provocation et cela m’embête fortement, la seule manière que j’ai de communiquer avec lui est justement celle-ci. Je ne suis pas assez calme et serein pour avoir une conversation sérieuse avec lui, je ne suis pas aussi fort. Nos doigts, lorsqu’ils entrent en contact je ne souhaite qu’une chose c’est de la tenir fermement et de lui gueuler haut et fort « pourquoi tu ne m’as pas retenu avec cette main ! Pourquoi ? » Mais j’ai peur d’entendre la réponse et puis n’est-ce pas trop tard ? Les années sont passées et je suis probablement le seul à pleurer encore lorsque je pense à nous, à souffrir de solitude et à vouloir revenir dans le passé. « Ne vous inquiétez pas Sehen, je suis bien connu dans le milieu, j’ai mis en route plusieurs groupes de rock indépendant déjà. Mais je me ferai un plaisir de recevoir de vos conseils si certaines différences vous sautent aux yeux. Et cela ne me dérange pas de vous faire part de ma propre expérience non plus. » L’entendre prononcer mon prénom me rappelle ses nuits folles où il le chuchote à mon oreille tellement de fois que je ne pouvais les compter. Cruel. Me souvenir de ses détails est insupportable. J’ai l’impression que je vais craquer, par chance le directeur de l’agence reçoit un appel et quitte la pièce. Je soupire en posant ma main sur mon cœur, le patron ne doit se douter de rien.

Plus besoin de faire attention aux mots ni au vocabulaire ou de paraître de parfait inconnu, il n’y a plus que nous deux dans cette pièce et Yu Jin l’a bien compris. Avant même que je ne puisse surenchérir sur mes propres paroles. Son regard posé sur moi me déstabiliserait presque, mais tout comme lui j’essaie de garder la maitrise de mes actes et de mes émotions. « Sehen. Pourquoi es-tu parti aussi loin ? Je veux dire, ça ne te suffisait pas qu’on ne se voit plus, il fallait aussi déménager et partir au Japon .! » Mes yeux se posent sur lui, surpris non pas du ton qu’il emploie qui n’est pas des plus calmes, mais plutôt de ses mots qu’il prononce. Qu’est-ce qu’il vient de dire au juste ? Pourquoi je suis partie ? Il essaie de me détruire ou de me faire rechuter en demandant quelque chose comme ça, de plus parlait de notre rupture aussi facilement, je me sens con.

J’ai envie de pleurer, vraiment… Les larmes je les sent monter tout comme ma colère que je ne serais pas capable de canaliser bien longtemps. « Je veux dire… Je pensais que tu rêvais de rentrer dans cette école et donc… Tu as risqué gros de venir comme ça, sans rien prévoir. » Je sers mon pantalon si fort entre mes doigts que j’ai l’impression que je vais le déchirer. Yu Jin… tu es vraiment sadique. « Je sais que je t’avais déjà quitté à l’époque… Mais… Je suis désolé de t’avoir autant fait souffrir… Tes parents m’ont racontés et je… Je… » S’en ai trop, d’un mouvement brusque je quitte mon siège et attrape Yu Jin par le col avant de le pousser contre le mur, je ne me savais pas si brutal, je me fais peur moi-même devant cette réaction, je déteste pourtant la violence alors pourquoi est-ce que je réagis ainsi ? Je tremble… Mes mains tremblent, je n’arrive même pas à resserrer mes poings. D’une voix tout aussi vacillante, je finis par lui hurler.

« Tu te fous de moi !? Yu Jin dis-moi que tu n’as pas vraiment demandé ça? Est-ce que tu sais ce que je vis à cause de toi ? Est-ce tu peux seulement imaginer combien je souffre chaque jour à cause de toi ? Et… pourquoi je suis partie... Pourquoi… ? As-tu seulement essayé ou même voulu me retenir ? » Je baisse la tête pour cacher le fait que je suis sur le point de chialer comme un bébé. Reprenant un minimum mon calme en le lâchant et en laissant mes bras chuter le long de mon corps.

« Yu Jin, pourquoi m’as-tu quitté ? » Demandais-je alors bien que je sois plus que terrifié d’entendre la réponse. Je ne comprends pas et j’ai besoin de savoir. Relevant la tête pour croiser son regard de nouveau, je m’apprête à lui dire quelque choses lorsque la porte du bureau s’ouvre et je vois le directeur nous regarder avec un air quelque peu déconcerté. Je le salue et m’incline, il retourne alors à son appel sans rajouter quoi que ce soit. Je soupire de soulagement, il faut dire qu’on n’a pas vraiment choisi le meilleur endroit pour régler nos comptes… Je profite de cette intervention pour me ressaisir.

« Je ne suis pas parti pour te fuir, je t’aimais tellement que j’aurais abandonné n’importe quoi pour rester à tes côtés, mais on m’a proposé un contrat pour entrer dans cette agence et tu venais de me quitter, je pensais que si je ne pouvais pas être avec toi, alors m’éloigné serait la meilleure solution pour t’oublier… Mais… » Je coupe court à ma phrase et retourne m’assoir sur mon siège, cachant mon visage avec mes mains, la tête baissée… grommelant à mon attention. « C’est trop dur. »

Le panel de sensations et d’émotions qui m’envahissent et m’inondent sont bien trop différentes et aux antipodes. Je me sens perdu en pleine mer, un marin d’eau douce sans boussole, prêt à se jeter dans l’eau par désespoir. Et si jamais j’étais le seul en tort dans cette histoire ? Et si j’étais le seul en faute pour avoir fait couler le navire ?

Je sens mon cœur pulser fort contre ma cage thoracique, mon sang tape violemment contre mes tempes et j’ai cette atroce impression que mon cerveau risque de fondre si je continue de réfléchir autant. Je suis un homme d’impulsions, d’actions, pas de réflexions ! Notre conversation était à proprement dit seulement professionnelle au départ, mais tout est allé si vite et nous voilà à savoir pertinemment que l’affaire n’est pas si claire, ni facile que ça. De qui est plus blanc que l’autre, de qui est plus abruti. Un espoir de pouvoir rejeter la culpabilité sur quelqu’un, de rejeter sa responsabilité sur l’autre. Et bien que je ne sois pas du genre à vouloir ne pas assumer mes erreurs, j’aimerai qu’on m’annonce qu’il y a magouille et quiproquo et qu’on me rende mon amour qui m’a été volé. Qu’on me rende mon chanteur coréen remplis de talents, au lieu de l’envoyer loin au Japon !

Cependant, je le remarque bien, je ne suis pas le seul bouleversé par tout ça, et lorsque Sehen passe de la surprise à la tristesse, une plaie se rouvre béante au plus profond de moi et je sens que j’ai poussé le bouchon trop loin avec mes derniers mots. Mais je n’arrive pas à me contrôler, rien ne me paraît logique, ni sensé. Nous étions si bien ensemble, si parfait. Parfaitement parfaits. Et tout a été gâché pour une question de rêve et de… rêve. Je n’en ai jamais eu. Alors j’avais décidé que si je n’avais pas d’ambition, je pourrai la donner à mon petit-ami et eut décidé de prier pour qu’il réalise les siennes. Je priais pour qu’il soit célèbre et qu’il soit cette étoile dont tout le monde parle. Et maintenant que son souhait ait été réalisé, le mien aussi. Et je suis venu lui dire, combien mon erreur nous a servi à nous deux.

Je l’ai blessé, je nous ai blessé mais j’ai réussi à nous donner de la maturité, à me donner un objectif dans la vie: à travers les regrets, les doutes et la douleur. Ce fût pénible, terriblement pénible, cependant j’espère que les larmes laisseront place à l’amour. Qu’il soit nouveau ou identique à celui d’antan, j’aimerais lui dire combien il m’a manqué et combien je l’aime et que je me suis inquiété pour lui. Toutefois, lorsque la colère prit place dans ses yeux, je n’ai pas le temps de dire quoi que ce soit, et me voilà maintenant plaqué contre un mur : L’adrénaline est montée d’un coup et je ne pouvais que serrer fort ses poignets entre mes mains, grinçant des dents en écoutant sa voix accablante. Et dans ma tête, des millions d’images me traversèrent, je voulais le retourner, le frapper et l’embrasser, tout cela en même temps et mon sang ne fît qu’un tour. Je suis fou de rage et fou de lui, chacune de mes cellules s’électrifiant à le sentir si proche, si agressif et si vivant. Le monde tournait et moi je suis complètement détaché, sentant mon rythme cardiaque me lâcher, j'ai l'impression de me noyer, de tomber. Ah... Je ne peux que soupire de soulagement lorsqu'il me lâche...

Sehen est la seule « chose » de précieuse que j’ai eue dans ma vie. Et je l’ai abandonné. Les larmes qui s’étaient logées sous mes paupières tentèrent une échappée mais je les essuyai discrètement avant qu’elles ne soient repérées.

« Et tu penses que tu es le seul qui en a bavé ? Tu ne te trouves pas un peu égoïste à m’accuser comme si j’étais le seul coupable ici ?! » Chuchotait-je avec hargne, le fixant avec colère et envie. Un mélange de bipolarité, un désir de l’enlacer et l’embrasser, un désir de le gifler et lui hurler dessus ; Pleurer et vomir, mourir et sourire, aimer et pourrir. Et puis nos sombres pupilles se croisèrent de nouveau et par réflexe, j’avance mon visage près du sien, réclamant presque un baiser non mérité, la question de la rupture passant comme une évidence : Je ne t’ai jamais quitté. Le temps lui-même nous à séparé. Et si je pouvais le défoncer lui, je l’aurais déjà fait. Ces lèvres roses me paraissent si douces, si tendres, autrefois aussi je les voyais ainsi, maintenant après si longtemps, elles m’ont l’air encore plus appétissantes, plus savoureuses. Et plus je ronge les millimètres entre nos visages, mon regard se perdant dans le sien, plus j’entends ces deux bouts chaires crier mon prénom, me réclamant. Si je le pouvais, je foutrai mon pied au cul à ce connard de Temps.

Sauf que quelqu’un ouvrit la porte et, croyez le ou non, le directeur avait l’air mi-étonné, mi-indifférent à notre position plus que… Euhm. Étrange. Je m’incline aussi légèrement et racle ma gorge, quelque peu gêné d’être interrompu ainsi. Il repart comme si de rien était et la tension qui avait stagné pendant ces secondes revient au galop, elle n'attendait que le signal de départ, le feu vert. Et toute ma retenue ne tient que par un fil, mes poings sont verrouillés sur eux-mêmes, mes ongles se plantant dans ma paume. Tous mes muscles ne peuvent que se crisper encore plus quand cette succulente bouche se met à faire sortir cette voix agaçante et enivrante à la fois. Si je pouvais vous citer les raisons du pourquoi je ne suis pas encore en train de crier ou je ne sais quoi, je ne suis pas sûr de savoir l’expliquer. J’ai cette impression de ne plus être là, un vide intersidéral s’est logé dans mes entrailles et mon visage brûle de devoir garder autant d’émotions et d’atrocités dessous. Je baisse le menton maladroitement et n’arrive plus à entendre quoi que ce soit, seul le son de mon souffle irrégulier et saccagé ne résonnent dans mes oreilles. J’inspire un bon coup et expire lourdement. Tu peux y arriver Yu Jin, ne te laisse pas abattre, courage, tu peux y arriver.

« J-Je suis... Terriblement désolé... » Venais-je de déplacer une montagne, ma voix est à peine audible et mon corps se remet de tout cet ébranlement tout doucement... «Je t’ai quitté à l’époque parce qu’on ne se voyait plus et je… »

Je tentais d’être fort et rester fier mais l’avoir entendu dire qu’il m’aimait me brisa et les pleurs étaient revenus, un sanglot étranglé résonnant dans la pièce, marquant le début de ma chute et de celle de mon épée de Damoclès.

« J’avais l’impression que tu m’abandonnais mais, si je disais quelque chose, ça n’aurait été qu’égoïste. »

Je tiens du mieux que je peux mon sang froid et m’assois à côté de lui en respirer plus calmement, mes jambes s’évanouissant quand mon corps se retrouve soutenu par la chaise. Les paroles défilent et serpentent hors de ma bouche comme si j'avais espéré de les dire depuis si longtemps, j'en suis devenu désespéré. Et désespérant.

« Et puis. Lorsque nous nous sommes séparés, je n’arrivais plus à venir te parler, je pensais que c’était déplacé parce que… Je… Je savais bien que j’avais fait la plus grosse connerie de ma vie… »

Ca n’a jamais été mon genre de tourner autour du pot, toutefois, j’espère d’abord mettre à plat les choses et éclaircir mes idées avant de commencer dans le dramatique et lui dire combien je suis amoureux. Encore. Et combien j’espère il voudra bien me reprendre auprès de lui.

« Je suis allé chez toi pour prendre de tes nouvelles une fois, et tes parents m’ont annoncés que tu étais parti loin, très loin. Pour me fuir. Simplement pour me fuir. »

Apparemment, sa famille n’avait pas aimé mon comportement, ni l’effet de notre rupture sur leur fils. Je peux les comprendre et je ne leur en veux pas, mais m’avoir menti autant de temps n’était vraiment pas la solution pour le protéger… Ça nous aurait épargné beaucoup. Je suis devenu manager sans vraiment savoir qu’il était devenu idole, je savais que j’étais fait pour ce métier. Puis par la suite,  je l’ai vu à la télévision et on m'annonça enfin où il était. C’est de là que me vint cette farfelue pensée de venir ici. Et voilà le résultat… Concluant ? Pour le moment, j'hésite encore.

Je me sens mal, j’ai envie de m’enfuir de ce bureau et de rentrer chez moi, je veux partir d’ici et oublier. J’ai l’impression que cette blessure due à notre séparation ne s’en ira jamais, c’est comme une blessure marquée au fer rouge, comme si me l’avait faite à l’intérieur, je suis fatigué de l’aimer et pourtant je ne peux m’en empêcher. Depuis toutes ses années il a été le seul et j’ai l’impression que quoique je fasse ça sera toujours ainsi. C’est comme si le fil rouge, l’ « Akai Ito » comme disent les Japonais nous avait reliés par cette magie invisible et que rien ne pouvait le détruire. Je pense que cette rencontre n’est pas le fruit du hasard, le fait qu’il soit là devant moi ne peux pas tirer d’un simple « je voulais être manager et on m’a envoyé ici pour être le tient. » je veux dire, ça me semble trop gros, les coïncidences de ce genre c’est… enfin j’y crois pas. Je suis énervé, je veux lui faire part de ma colère, lui dire à quel point je le déteste et que je ne lui pardonnerais pas de m’avoir laissé, je veux qu’il sache à quel point j’ai été blessé et à quel point je souffre, je veux qu’il ressente cette douleur.

Toute ma vie j’ai eu peur de la solitude, mais en fait j’en connais réellement le sens que depuis qu’il m’a quitté. Je ne sais pas ce qu’il pense, je ne sais pas ce qu’il ressent ni même quel est son but, mais je me sens perdu et je maudis mon cœur de battre la chamade juste après avoir posé mes yeux sur lui. « Et tu penses que tu es le seul qui en a bavé ? Tu ne te trouves pas un peu égoïste à m’accuser comme si j’étais le seul coupable ici ! » Le suis-je ? Suis vraiment égoïste. Peu importe le nombre de fois que je me remémore le passé, je n’ai jamais voulu ça, je n’ai jamais compris sa décision et je voulais juste vivre avec lui, alors suis-je égoïste ? Est-il vraiment coupable ? Je suis perdu, dans ma tête c’est clair, c’est sa faute ! C’est lui qui a rompu, c’est lui qui ne m’a pas donné d’explications et qui ne m’a pas retenu ! Je… voudrais savoir, pourquoi, pourquoi m’a-t-il quitté ?

Son visage… je pouvais presque sentir son souffle, cette vapeur chaude qui sortait d’entre ses lèvres, ses mêmes lèvres que je rêvais d’embrasser encore et encore de nouveau tous les soirs, comme un poison, une addiction. Mon corps bat vite, beaucoup trop vite. Je me sens l’espace d’un instant totalement absorbé par Yu Jin, mais la porte et l’entrée du directeur me fait revenir à la réalité. Qu’étais-je en train de faire au juste ? J’allais le laisser m’embrasser. Non… Je ne peux pas, sérieusement je me sens con et honteux. Il va finir par comprendre que je suis toujours aussi amoureux de lui ! Je ne pense pas être doué pour le cacher devant lui de toute façon, mais les choses sont plus compliquées qu’elles n’en ont l’air. Assis la tête dans mes mains je ne le regarde plus, je ne veux pas pleurer, je retiens mes larmes du mieux que je peux, je n'ai aucune envie de me montrer faible devant Yu Jin, mais entre ce qu’on voudrait et la réalité des choses sont parfois différente. « J-Je suis... Terriblement désolé... » Ses mots que j’entends à peine, mais que j’ai compris me font souffrir. Il est désolé. Désolé pour quoi ? Pour m’avoir quitté ? Ou parce que j’ai l’air pathétique.

Je ne sais pas.  

Je finis par relever la tête pour le regarder et le visage de Yu Jin me surpris, il semblait souffrir autant que moi, l’expression de son visage qui se retient de pleurer et le même que celui que j’essaie de lui cacher. «Je t’ai quitté à l’époque parce qu’on ne se voyait plus et je… J’avais l’impression que tu m’abandonnais mais, si je disais quelque chose, ça n’aurait été qu’égoïste. » Attends. Deux secondes, c’est quoi ça. Je me suis senti abandonné toutes ses années et je sais la souffrance que ça engendre, je joue les forts et je tente de faire bonne figure dans toutes les circonstances, mais tout mon être est pourri par la douleur et la noirceur de mes sentiments qui m’ont été enlevés. Est-ce que notre séparation est ma faute ? Est-ce pour ça que je semble égoïste pour lui ? Plus on avance dans les révélations et plus je me sens perdre pied, comme si j’avais vécu dans un mensonge et au milieu d’un quiproquo gigantesque. Je tremble, mon corps frisonne et me semble si froid, ma gorge se noue et mes yeux me piquent dès que j’essaie de rassembler tous les morceaux. Lorsqu’il s’assit à mes côtés je n’ose pas le regarder. « Et puis. Lorsque nous nous sommes séparés, je n’arrivais plus à venir te parler, je pensais que c’était déplacé parce que… Je… Je savais bien que j’avais fait la plus grosse connerie de ma vie… » Mensonge… Quatre ans, est-ce que pendant toutes ses années à souffrir serait en fait une erreur ? Je veux lui parler et lui poser pleins de question, mais j’essaie avant de faire le vide, de mettre au propre mes idées bien que je ne sois pas sure d’y arriver. « Je suis allé chez toi pour prendre de tes nouvelles une fois, et tes parents m’ont annoncé que tu étais parti loin, très loin. Pour me fuir. Simplement pour me fuir. » Je le regarde surpris et m’exprimes presque immédiatement d’un ton étonné.

« Te fuir? N'importe quoi! » Ma famille semble avoir mal digéré ma séparation avec Yu Jin, mais en même temps suite à ça je suis devenu comme une coquille vide pendant plusieurs jours, je restais enfermé dans ma chambre et ne manger rien, ils ont dû souffrir de mon état à l’époque. Je soupire et me lève pour m’assoir sur le bureau en face de Yu Jin, j’ai pris mon courage a deux mains pour lui faire face, je ne suis pas du tout confiant et mon corps ne répond pas à mes attentes, je tremblote toujours, mais je veux le regarder droit dans les yeux et essayer de mettre des raisons et des réponses à mes points d’interrogation et aux siens.

« Yu Jin, je te déteste. » Un frisson me parcourt lorsque ces mots sortent de ma bouche comme pour me rappeler que c’est un mensonge. Mais je le sais déjà… « Tu dis que je t’ai abandonné, mais si tu m’avais seulement dit tes sentiments à l’époque j’aurais pu comprendre et mon rêve de devenir une idole n’était pas le seul que je voulais réaliser. » Je serre les poings et continue. « Mon rêve principal était de vivre avec toi, je voulais rester à tes côtés toute ma vie, si je devais devenir fermier ou même un vendeur dans une supérette cela m’importait peu, je voulais seulement être avec toi… Pourquoi fallait-il que tu sois si stupide, pourquoi n’as-tu pas compris mes sentiments ? Je… » Je mords mes lèvres pour retenir mes larmes et ris pour éviter de montrer mon embarras. Je détourne le regard et continue.

« Ahaha, je sens que je vais craquer… Mais tu sais, même s’il est trop tard ou que de l’eau a coulé sous les ponts, tu as toujours été le seul pour moi. Pourtant je n’arrive pas à digérer que tu ne m’aies pas retenue, c’est comme si toutes ses années ensemble n’avaient pas compté, je l’ai pris comme une trahison et c’est difficile de tourner la page sur tout ça… » Je suis honnête, je veux lui tomber dans les bras, mais ça ne peut pas être si facile, je veux qu’il m’embrasse, qu’il m’étreint et qu’on vive ensemble, qu’on fasse des bébés… Enfin ça ce n’est pas possible, mais vous voyez ce que je veux dire non.

Je ris à cette pensée débile.

« Ta raison pour m’avoir quitté est nulle… vraiment. Je te devrais te frapper pour ça ! » Oui j’avais envie de le dire èoé.

Les minutes et les secondes s’effondrent et de vieux souvenirs viennent me hanter et me maudire, comme si la non-réticence de Sehen ne fait que prouver toutes ces mélodieuses et douces pensées. Frustration et obsession, je n’arrive plus à m’enlever l’image de la magnifique vue de son faciès, combien je le veux, combien il me manque. Combien il me manqua.

Vieux souvenirs et sales regrets, nos tendres années me paraissent si loin, mes mots ont l’air si amer et ses mains sur son visage font céder mes faibles os, comment puis-je lui faire endurer ça ? Mes paupières sont douloureusement gonflées, les larmes s’ameutant derrière les fines peaux pour accompagner mes déferlantes vocales. Chut… Yu Jin calme toi. Je peux tenir mes émotions. Je serre les poings et les dents : Je ne les laisserai pas m'envahir, je ne me laisserai pas aliéner, je ne redeviendrai pas cette bête immonde que j’ai pu être tout ce temps. Enfin, à dire vrai, je ne sais plus trop ce que je suis vraiment. N’ai-je pas en réalité toujours était cette atrocité ?

A voir dans quel état j’ose mettre le seul homme, que dis-je la seule personne que j’aime, je n’ai aucun droit de parler de moi en tant qu’humain. Cruel et colérique, violent et irresponsable, voilà bien les seuls adjectifs qui me vont le mieux. Et lorsque que mes yeux croisent les siens, je ne peux que me retrouver inondé par la culpabilité. Je l’ai rendu si misérable, et après tout ce temps, alors qu'il aurait pu tout comme moi guérir lentement, je reviens et l’écrase, espérant qu’on revienne ensemble… Pathétique comme raisonnement. Toutefois je ne peux pas m’arrêter, je ne peux m’empêcher de parler, je ne peux vivre sans lui. J’ai peur, j’angoisse, je crève. Je me mens en disant que je n’attends rien en retour, mensonge, mensonge, mensonge ! Certes, je suis en premier ici pour une explication, nonobstant, ne serait-ce pas stupide ne pas assumer mes réelles intentions ? De ne pas assumer les fautes que j’ai commises ? Si personne n'enfile le costume du mauvais garçon pour régler les problèmes, nous nous serions oubliés. Même si je doute pouvoir un jour l'effacer.

Alors des phrases m’abandonnent, des craintes passées, je ne me tairais jamais ? Quel stupide adolescent étais-je, toute ma vie je flippais et pensais que le monde entier me voulait du mal. Au fond, je suis celui qui a le plus fait souffrir. La vérité me frappe à grand-coup et je m’assois, de peur de m’évanouir ou encore réellement me mettre à pleurer. J’ai tellement envie de le prendre dans mes bras et lui faire comprendre toutes ces sentiments difficiles à transmettre. Non, calmement et avec civilité, je lui explique, je m’expose et raconte. Les critiques et les remarques blessantes qu’on me balança, les regards accusateurs et le manque de tact de la part de ses parents. Toutes ses insécurités qui me faisaient penser que j’étais différent, un pauvre paysan, un pauvre crétin qui aurait dû rester dans sa cambrousse. Après notre séparation, j’ai recommencé, je suis allé défoncer la gueule à-je-ne-sais-même-plus-qui, quel progrès ! J’ai fini au poste de police et même si maintenant les remords sont toujours là, je ne peux pas dire que je les ressentais ce soir là. J’avais besoin d’exprimer toute cette rage et cette incompréhension, de faire part de mon mal-être et puisque Sehen n’était plus avec moi, je n’avais personne d’autre vers qui me tourner.

En cet instant, mon corps tremble dans cette chaise et de la sueur froide trempe le long de ma colonne vertébrale, de terribles frissons et grelotements me font claquer des dents sous l'anticipation. Je ne suis pas le seul dans ce cas, et voir mon ex tituber jusqu’au bureau pour me fixer me fait perdre haleine et ma tête tourne. J’ai envie de lui tenir la main, la serrer et calmer ses nerfs qui ont l’air aussi à vif que les miens, mais tout et surtout rien me retient, je pourrai beaucoup perdre. Pfff ! Balivernes, qu’ai-je encore à perdre ?  Ma bouche est pâteuse, ma langue semble lourde et j’ai un arrière goût dégueulasse au fond de ma gorge sèche, mes doigts me piquent et mon cœur tambourine. Puis se fissure. Une grimace m’échappe. Quel contraste avec sa chaleureuse voix.

« Je crois que je le mérite celui-là... » Susurrai-je après la déclaration de haine… Qu’il me déteste ne me surprend même pas, même si j’aimerai que tout cela ne soit qu’un mauvais rêve, un cauchemar.

J’ose à peine lever le menton, nos pupilles se défigurant après autant d’absence, pour tout avouer, il n’a pas changé. J’y observe toujours autant de passion, toujours autant de flammes et de merveilleux mirages. Non, je suis en train de me faire de fausses idées ! Sehen ne peut plus m'aimer... N'est-ce pas ? Néanmoins, un sourire me trahit et les perles salées trouvent enfin chemin sur mes joues. Soulagement ou désillusion, je ne sais :

« J’ai toujours été un pauvre enfant lent et débile, tu le sais bien… » Continuais-je faiblement malgré la joie brûlant au fond de mes entrailles. Fausse allégresse, arrête cela ! Je ne te crois pas ! L’entendre me déclarer tout cela, même si le tout est conjugué au passé, me panse ces entailles que je m’étais infligées.

Enfin… C’était jusqu’à entendre son rire et voir ses brillantes mirettes se détourner de moi. Sa voix retentit et je n’y croise plus que de la peine et de la nostalgie. Je savais bien que j'allais dégringoler, encore une fois. Sans m’en rendre compte, j’avais même avancé ma paume pour la poser sur son genou, quel affront ai-je failli commettre. Rapidement, je range ce mouvement inapproprié et sent tous les murs qui venaient de se reconstruire s’effondrer. Il est trop tard ?

« Trop tard… » Redis-je encore une fois, une force invisible concassant ma cage thoracique, mon souffle devenant irrégulier.

Du bord de ma chemise, j’essuie mes pommettes et rit avec acrimonie, tentant d’éclaircir ma vision et reprendre ma vision.

« Frappe-moi alors. »

Sans prévenir, je me lève et me cale entre ses cuisses, attrapant son poignet pour jeter son poing sur mon visage, ma peau contre la sienne me paraissant si loin malgré leur proximité.

« Sehen, je t’en prie, tape moi, énerve toi sur moi. Insulte-moi autant de temps qu’il te faut ! »

J’agrippe plus fort sa fine articulation et le fait entrechoquer maintenant mon poitrail en flammes et irrégulier, les coups résonnant. J'en peux plus, je sens que je vais imploser ! Comment je fais pour toujours creuser alors que je suis au fond ?!

« Je regrette tellement ! Je regrette tellement tout ça et je… » Je ne sais pas si j’ai continué dans mon patois ou que mon charabia est devenu incompréhensible, cependant, tout devient sourd et me voilà comme dans un étau.

« Je n’aime que toi. Même maintenant encore je n’aime que toi. Je sais que… Que je ne devrais pas... Mais... Je suis venu au Japon pour te retrouver. Qu’est-ce que je peux faire maintenant ? Eclaire-moi... »

J’inspire un bon coup et me détache malgré que tout en moi me dit le contraire, me rasseyant, les coudes sur les jambes et la tête enfournée, attrapant mes cheveux et tirant fortement dessus. Découragé, éreinté et surtout, tout espoir parti en fumé. Je n’arrive même plus à compter tout ce que j’ai pu perdre depuis ce fastidieux jour. Depuis cette terrible rupture… Ce n'était pas qu'une simple amourette, qu'un simple amour passager. Cela peut paraître écœurant pour certain de me voir en faire un drame, cependant je n'en ai que faire. Je n'y arrive pas, ce n'est pas faute d'avoir essayé... Je n'arrive pas à me détacher.

« Sehen... Je t'aime encore. Je t'aime. Est-ce que... Vraiment, est-ce que ce ne serait pas possible d'être de nouveau ensemble ? »

Peut-être est-ce là ma dernière tentative, peut-être est-elle futile et complètement bête et irréfléchie... Qu'importe. Je préfère tout de même essayer.

Tout ce qui était en train de ce passé me rendait totalement confus, j’étais perdu et j’avais juste l’impression d’être dans une tornade sentimentale. Je ne savais plus trop quoi pensé, quoi dire, quoi croire. Le voir devant moi réveille tellement de choses, mes battements de cœur qui se rappelait comment passer la vitesse supérieur après toutes ses années et mes souvenirs qui se superposent dans mon esprit alors que j’avais tout fait pour les oublier. En moins d’une heure, la page que j’essayais de tourner s’était remis en place. C’est dur de faire confiance après avoir eu ce sentiment de trahison envahissant tout ce temps, mais ces mots me transpercent, chacun d’eux me touche. Je le déteste pour m’avoir abandonné, mais je l’aime tellement pourtant que tout est contradictoire, je suis au bord d’un précipice où j’ai le choix entre sauter et faire demi-tour… Si je décide de ne plus le voir, de ne pas faire face à ce que mon cœur me dicte et que je saute… ça reviendrais simplement à mourir. Comme les années passées loin de lui ou je me suis jeté dans le boulot et dans les relations sans lendemain pour ne pas penser à cet imbécile qui m’a arraché le cœur il y a longtemps sans avoir l’intention de me le rendre. Je veux faire ce pas en arrière, je veux lui tomber dans les bras et tout recommencer, mais… est-ce que c’est si facile ?

Lui dire que je le hais me tue, mais je veux qu’il comprenne la souffrance à laquelle j’ai dû faire face loin de lui, cette souffrance que j’aurais voulu ne jamais connaitre et ressentir. La vie n’est pas un conte de fées, je le sais… Il y a des hauts et des bas, des couples qui se forment et d’autres qui se séparent, des vérités et des mensonges. De l’amour et de la haine … Je sais que ça le blesse de m’entendre prononcer des mots pareils à son égard, mais ce mensonge qui sort de ma bouche est passager, car à part Yu Jin tout le monde sait que je l’aime, oui je l’aime tellement que ce n’est même pas assez pour décrire ce que je ressens. Les larmes qui coulent sur ses joues me donnent envie d’arrêter tout ça, de ne plus chercher d’explications, de ne plus mentir. Je sais à quel point c’est un idiot ! J’aurais surement dû lui exposer mes choix et mon intention de vivre avec lui quoiqu’il arrive plus clairement ! Mais j’étais si désappointé et abattu par notre rupture que j’avais peur de lui faire face, peur peut être de découvrir que c’était réellement fini, qu’il ne m’aimait réellement plus… J’ai été lâche et je suppose que c’est ma faute aussi pour être parti si loin. Mais je n’avais pas vraiment d’autre alternative en tête à cette époque.

Parler du passé, je suis sur le point de craquer… Je veux m’enterrer dans un trou pour pouvoir crier et pleurer, lâcher prise et revenir vidé de tous ses sentiments qui m’oppressent et m’envahissent. Sa main s’approchant de moi sans terminer sa route me surprends et je voudrais tant l’attraper et la serrer contre moi, lui dire qu’il peut me toucher. Mais mes souhaits et mes actes sont en total désaccord. « Frappe-moi alors. » Ces mots qu’il prononce me laissent perplexe, il est sérieux ? Je n’ose pas parler, sans comprendre ce qui se passe, sa main qui étreint mon poignet et ce dernier qui tape contre son visage… Je suis  dans l’incapacité de réagir. « Sehen, je t’en prie, tape moi, énerve toi sur moi. Insulte-moi autant de temps qu’il te faut ! » Je le fixe, tandis que mon poing se desserre, j’ai l’impression que mes forces me quittent l’espace d’une seconde, je n’avais pas imaginé Yu Jin réagir de cette façon et j’ai mal. Tellement mal. « Je regrette tellement ! Je regrette tellement tout ça et je…  Je n’aime que toi. Même maintenant encore je n’aime que toi. Je sais que… Que je ne devrais pas... Mais... Je suis venu au Japon pour te retrouver. Qu’est-ce que je peux faire maintenant ? Éclaire-moi...» Ma bouche légèrement entrouverte, ma poitrine se serre et j’ai l’impression que ma respiration devient courte. Je n’arrive pas à penser, juste certains de ces mots qui résonne dans ma tête et avant que je ne le remarque il a repris sa place sur sa chaise… La position qu’il aborde me fait comprendre sans peine l’état d’esprit dans lequel il se trouve. « Sehen... Je t'aime encore. Je t'aime. Est-ce que... Vraiment, est-ce que ce ne serait pas possible d'être de nouveau ensemble ? » Mon cœur bat tellement vite, je ne sais même pas si je suis capable d’aligner des mots corrects et de lui parler clairement, mais je suis tellement heureux d’entendre sa voix familière me prononcé de nouveau ces mots. Suite à ça je me lève et viens poser ma main sur son épaule, attrapant le tissu de son haut entre mes doigts restant muet pendant quelques secondes. Et d’un geste rapide je finis par me placer derrière lui et l’enlacer fortement comme je l’avais désiré jusqu'à maintenant sans pouvoir le faire.  
Un mouvement qui se passé de mots et d'explications.

« Tu  es réellement un idiot Yu Jin. » Je serre un peu plus mon étreinte. « Je t’aime aussi! Peut importe toutes mes tentatives pour te faire disparaitre de mes pensées, mon cœur t’as toujours appartenu. Tu devrais pourtant le savoir... » Son odeur et ce contact, j’aimerais pouvoir profiter de cet instant plus longtemps, mais c’est comme si j’avais un compte à rebours avec un temps limité et une petite voix pour me dire de ne pas lui retomber dans les bras aussi aisément. Je me trouve idiot de faire toutes ces manières et d’aller à l’encontre de ma volonté, mais je pense qu’au fond j’ai besoin de ça pour ne plus avoir cette image de Yu Jin me disant « c’est terminé » et me relevé totalement. Mes pas me conduisent face à lui et tandis que j’attrape son menton pour qu’il relève la tête vers moi et que nos regards se croisent de nouveau, j’affiche un léger sourire et lui donne une claque. En douceur...

« Tu penses que je peux te frapper? Si tout pouvais être arrangé en te balançant mon poing dans la figure je le ferais... Mais ce n'est pas le cas. » Sincèrement j’ai peur de souffrir … Peur de le voir me tourner le dos à nouveau, quelles certitudes ai-je qu’il ne me laissera pas encore « pour mon bien» ?

« J'aimerais savoir où j'en suis aussi... » Avais-je dis d'une voix basse. Soupirant pour moi-même, ma main quitte la joue de Yu Jin et finit par se balancer le long de mon corps. Je me retiens, je me retiens tellement. Si seulement il pouvait le remarquer, a quel point je l’aime et j’espère revenir auprès de lui. Ce combat, c’est contre moi-même que je le mène. Je m’auto-prive de sa chaleur et de ce nouveau bonheur qui pourrait commencer aujourd'hui pour des raisons de sécurité, et de manque de confiance mais je ne doute pas de mon amour pour lui, ce qui est surement encore plus blessant… Et incompréhensible devant la décision que je prends à sa dernière question.

« Je t'aime... mais ce n'est pas possible. Je suis désolé Yu Jin. » C'est aussi dur pour moi de le dire que de les entendre pour le manager... Mais je dois être franc, c'est trop tôt et je n'ai pas encore mes idées en place, ni envie que ça soit aussi rapide. Je peux paraitre cruel de ne pas lui laisser sa chance ou de ne pas plus argumenter, je sais aussi que je peux paraitre contradictoire et totalement en désaccord avec ma déclaration d'amour, mais mon choix n'est pas définitif après tout.

Peau contre peau, ce sont des millions de frissons et d’envies, des désirs et des tentations qui se bousculent et se renversent. Souvenirs et rêves me hantent à chaque pression, chaque caresse involontaire, me rappelant combien tout cela me manqua atrocement. Qu’importe les coups sur ma joue, ma main autour de son poignet suffit à écorcher tous mes nerfs, prêt à brûler sur place. Toutefois, j’ai ce pincement au cœur qui tourne la douceur en une vraie horreur et je crie et tombe entre désespoir et neurasthénie.

J’ai l’impression d’avoir déjà abandonné avant même d’avoir une réponse, je n’attends en réalité vraiment rien de lui, j’espère juste qu’il puisse comprendre combien je m’en veux, combien je suis en colère de l’avoir laissé partir ; même si je ne crois pas qu’il puisse m’aimer de nouveau, je préfère tenter et encore et encore. Qu'il n'y est plus cet affreux malentendu ou de mensonges entre nous. Et, peut-être, sait-on jamais, réussirai-je à le faire tomber amoureux de moi encore une fois ?

Je ne fais même pas attention aux larmes qui coulent le long de mes joues et inspire simplement un grand coup quand sa main agrippe mon costume au niveau de mon épaule, me laissant sentir toute sa chaleur et sa puissance dans sa forte poigne. Mon sang tape contre mes tempes et j’anticipe, j’anticipe ses mots et ses actions, ses pensées et son opinion. Même si je suis prêt à faire face à la dure réalité, l’entendre de vive voix me semble tout à fait différent maintenant. Fuir n'est toutefois pas la solution.

Puis tout se chamboule et tout s’effondre et je me retrouve envahit par une tendresse familière cependant nouvelle et rafraichissante, un amour que je n’avais plus senti depuis bien trop longtemps. Je déglutis et laisse un sanglot mourir au fond ma gorge tandis que mon corps se réchauffe et fond dans cet enlacement.

« Sehen… » Chuchotais-je après son insulte, qui en réalité ne me touche pas du tout. Je le sais très bien combien je suis un crétin. Combien j'ai moi-même tout ruiné de mon propre-chef.

Automatiquement, mes doigts s’accrochent à ses manches et plantent leurs ongles, mes yeux se fermant fermement et un déchirant pleur me trahissant pour la énième fois. « Je t’aime »… « Je t’aime ».« Je t’aime »! Ca résonne, ça rebondit dans ma boîte crânienne, une fois, deux fois, je ne compte plus et me perd dans ces deux mots oppressant maintenant ma poitrine. Je sais que si je tourne la tête je pourrai capturer son visage, je pourrai mieux sentir son doux parfum et goûter ses pulpeuses lèvres, la peur me garde de tout faux geste et le peu qu'il me donne me comble après autant d'absence. Les secondes passent et tout palpite, mon corps tremble de nouveau et son poids sur moi me ramène cinq ans en arrière, me perdant entre réalité et fantasmes.

Je ne sais combien de temps nous nous sommes gardés l’un près de l’autre, toutefois, je n’insiste pas lorsqu’il se décroche et je m’affale dans mon fauteuil, le regard perdu dans le vide, fixant quelque part entre mes pieds et le bureau. Tout ce qui vient de se passer et d’être déclaré me laisse perplexe et surtout complètement perdu. J’ai des papillons dans l’estomac mais je n’arrive pas à y croire. Sehen m’aime. Lorsqu’il me relève le menton, je bats des cils et le fixe, analysant son mielleux sourire jusqu’à ce qu’une vive mais soulageante douleur me prend sur la pommette gauche. Je retrouve mon souffle et mon esprit et mâchouille nerveusement ma lippe, ma salive me manquant de nouveau. J’ai les oreilles qui sifflent.

J’ai tellement l’habitude que tout se règle par la violence et la souffrance physique.

« Je vois… » Et quand sa voix baisse, la mienne suit, mes paupières se gonflant rapidement sous la révélation,  n’ayant même pas remarqué qu’il avait laissé jusque là sa paume sur mon faciès.

Je sais exactement où tout cela va mener et je n’ai pas besoin d’entendre la confirmation avec sa phrase suivante, hochant la tête en grimaçant. Mes oreilles n'écoutent plus rien.

« Je comprends parfaitement… » Je mens, brisé et complètement écrasé dans mon siège, mon énergie me quittant, ma vision se troublant. Je renifle et essuie tout ce que je peux avec ma manche, un soupire me faisant complètement lâcher prise, mon visage se tordant alors qu'un virulent geignement retentit, emprisonnant sa main dans la mienne immédiatement.

Je mêle nos doigts et le tiens, n’osant même pas le regarder, mon front cacher par mes cheveux. J’ai juste besoin de le retenir, savoir qu’il est là. Qu'il ne me quitte pas à nouveau malgré tout. Sehen a toujours eu cet effet apaisant sur moi, alors je préfère ça plutôt que de m’énerver. Je coince ses phalanges, faisant attention à ne pas les broyer et les garde quelques minutes, un profond et lourd silence décoré de mes larmes.

« Merci… » Je murmure finalement, abandonnant toute liaison pour me remettre droit comme un piquet, remettant en place ma chemise et mon veston.

Et comme si le timing est de mon côté, pas même le temps de dire « ouf » et le directeur rentre de nouveau, s’excusant de cet imprévu, un sourire à me donner la gerbe plâtré sur sa bouche.

« C’est rien monsieur Moritarou. Sehen et moi avons beaucoup discuté. J’ai pris aussi connaissance de certaines de ses habitudes et exigences pour ne pas trop changer sa routine et éviter de bêtes et inutiles conflits. »

Je lui rends son onctueux rictus, quoi que le mien est bien moins convaincant et tourne mon visage vers mon ex-petit-ami (Je ne suis pas trop sûr de comment je dois l’appeler…) et étire un peu plus mes commissures.

« J’espère que le changement de manager ne t’affectera pas beaucoup. Enfin, si tu me permets de tutoyer bien entendu. Je suis… Je suis ravi de travailler avec toi, cela a toujours été mon rêve. »

Sans même la moindre incertitude, j’étire mon avant-bras et lui offre une poignée de mains, mes pupilles encore humides plongeant dans les siennes. Et maintenant, il ne reste plus qu’à mon idole de signer ce bout de papier pour que tout soit scellé. Que tout ce que je n’ai jamais espéré soit enfin marqué et imprimé. Je n’ai peut-être pas eu la réponse que je voulais. Néanmoins, j’ai eu bien plus. J’ai retrouvé celui que je convois depuis si longtemps. J’ai retrouvé ma moitié. J’ai retrouvé mon seul et unique grand amour.

Un « non », un « impossible », ce n’est rien pour moi. Je suis Mr. Sunshine, qui osez-vous être pour en douter ? Je serai fort et patient pour lui. Je me suis battu pour arriver ici, j’ai ouvert des livres, envoyez paitre les aspirations de mes parents et parcouru des tas de kilomètres ! Si le destin pense que je laisserai tout tomber, c’est qu’il n’a jamais connu la terreur que peut-être Han Yu Jin. Du sang sur le pavé... Mais de l'amour