La solitude… Une nouveauté pour moi pourrais-je dire. Je crois que je ne m’étais jamais senti aussi seul. Même si j’ai des amis que je pourrais aller voir, ce n’est plus pareil. Les deux personnes les plus chères à mon cœur sont parties, et je sais que je ne les reverrais pas avant bien longtemps, voire jamais pour l’un d’entre eux. Enfin, c’est vrai que ça faisait quelques mois déjà que je ne les voyais plus beaucoup, mais au moins je les savais encore proche, géographiquement parlant, et je pouvais les apercevoir ou les croiser, parler un peu avec. Maintenant ce n’est plus le cas, et je comprends à présent ce que ressentent ceux qui parlent de solitude.

Mes cheveux blonds camouflés sous une casquette, des grosses lunettes masquant mon visage, une écharpe fine complétant le déguisement, je suis à présent installé sur un banc dans un parc non loin de notre maison. Les yeux perdus dans le vague, le temps s’écoule sans que j’y fasse attention. Par moment, mon attention se fixe sur des personnes passant non loin de moi, ou sur un groupe d’enfants jouant joyeusement, puis je me perds à nouveau dans mes pensées, des souvenirs s’imposant à moi. Des souvenirs heureux pour la plupart, qui me font sourire sans vraiment de raison. Des souvenirs de mon enfance dans cette grande maison, avec mon frère et des amis qui venaient parfois chez nous. Des souvenirs plus douloureux pour certains ou, tout au moins, moins heureux.

Cette rétroprospection intérieure m’occupe un bon moment, plus que je ne l’aurais pensé, et je ne me rends pas vraiment compte que le jour commence à décliner. Levant les yeux vers le ciel, je me rends compte qu’il a pris de jolies couleurs chatoyantes roses et violettes, signe que le soleil allait bientôt disparaitre derrière l’horizon. Ce couché de soleil est vraiment joli, malgré les gratte-ciel de la ville empêchant d’en profiter pleinement. La lumière mordorée teinte les feuilles des arbres d’une touche chaleureuse. Un petit sourire doit en ce moment fleurir sur mes lèvres, je le sens, j’ai toujours aimé regarder les couchés de soleil, c’est toujours des moments magiques.

Quelqu’un s’assoit sur le banc à mes côtés, je sursaute légèrement avant de me tourner, espérant que ce ne soit pas une fan hystérique. Un soupir de soulagement m’échappe, ce n’est qu’un jeune homme – garçon ? – qui ne pas le moins du monde hystérique, même si on m’a toujours appris à me méfier des apparences. Il est assez mignon, kawaii même, ce petit jeune, et très poli. Je réponds à sa phrase dans un sourire.

« Bonsoir. Non, non, ça ne me dérange pas du tout. » le regard plongé une nouvelle fois sur le paysage cuivré, je continue ma réponse. « Oui c’est magnifique… J’adore venir ici quand j’ai le temps pour voir le couché de soleil et voir le parc changer de couleur. C’est apaisant je trouve… »

Après avoir répondu au jeune homme, je me replonge dans la contemplation du jour qui décline. Le ciel, paré de son manteau chamarré orange, violet, rose même, s’assombrit de plus en plus alors que le soleil se cache derrière l’horizon. Il est probablement l’heure de rentrer à présent, mais je n’en ai pas encore envie. Pourtant le spectacle est presque fini ce soir, bientôt il n’y aura plus rien ici que le noir de la nuit et la pâle lumière des réverbères. Peut-être que les étoiles pointeront leur nez comme le ciel est dégagé. Il risque de ne pas faire bien chaud si je reste jusqu'à attendre les étoiles.

J’entends alors la réponse de mon voisin de contemplation. Sa phrase me fait sourire, elle me rappelle des moments agréables de mon enfance. Le père de notre ami d’enfance répétait souvent ce genre de phrases, et nous, gamins, nous l’écoutions comme s’il nous révélait les plus grandes réponses de l’Univers. Je me souviens qu’à l’époque je ne comprenais pas toujours ce qu’il disait quand il sortait ce genre de phrases. Un petit rire m’échappe à ces souvenirs.

« Haha … Quand ‘étais enfant, le père d’un ami aimait sortir ce genre de phrases… C’est nostalgique… » Je laisse moi aussi planer quelques secondes avant de reprendre, un sourire un peu triste sur les lèvres. « Il faut croire que je suis assez transparent, un livre ouvert ? J’avoue, je me sens un peu triste… Dernièrement, des personnes qui me sont chères se sont éloignées de moi et j’avoue avoir encore un peu de mal à accuser le coup. »

Un nouveau silence s’empare du lieu quelques instants, nous enveloppant des légers bruits de la nature. C’est vraiment calme et apaisant. Je soupire doucement et derme un peu les yeux avant de les rouvire quand mon voisin reparle.

« Asano Akihiro… Je suis moi aussi à la RPS en arts, mais je suis déjà idole haha. » Ainsi ce petit bout de chou tout mignon veut suivre mes traces ? je vois déjà ses fans kyatter de kawaiitude en le voyant. Mais, ses paroles réveillent d’autres souvenirs et surtout son nom… « Kazuma ? Minipouce ? Ah désolé… Ca me rappelle un ami d’enfance qui s’appelait ainsi… On le surnommait suovent minipouce mais on s’amusait bien ensemble. »

Nostalgie encore.

Repenser à Minipouce me renvoie une nouvelle fois dans mon enfance, en ces temps si agréables ou tout n’était qu’amusement, douceur et légèreté, l’insouciance de l’enfance. Etre avec mon frère suffisait à mon bonheur et je pense que je suffisais au sien. Maintenant qu’il est parti, ces moments me manquent tellement. Et il y avait le petit bout de chou qui venait tout le temps chez nous, on s’amusait tellement ensemble tous les trois. Est-ce vraiment possible que le petit mignon assis à côté de moi sur ce banc soit le même Kazuma que je côtoyais étant enfant ? Pourtant à le voir ainsi, il ne semble pas avoir plus de quinze ou seize ans. Je me souviens qu’alors, minipouce était déjà petit et adorable… Peut-être l’est-il encore maintenant. Un petit sourire fleurit sur mes lèvres en regardant le petit gars à côté de moi.

« Akira ? C’est mon frère… C’est lui qui vient de partir à l’étranger. Alors c’est toi Kazu Minipouce ? Ca fait tellement longtemps… Depuis quand t’es revenu dans les parages ? »

Un geste d’habitude que j’avais pendant notre enfance, ma main va ébouriffer les cheveux du petit gars à côté de moi avant d’éclater de rire devant sa bouille décoiffée et sans doute contrariée.

« T’as pas beaucoup grandi depuis la dernière fois qu’on s’est vu… Toujours aussi kawaii… Qu’as-tu fais de beau depuis tout ce temps ? Comment ça se fait que tu es revenu ? »

Un groupe de jeune fille passe alors devant nous en parlant bien trop fort dans un lieu si paisible. Au milieu de leur piaillements, j’entends de la musique, une de mes chansons, sortir d’un lecteur mp3, je baisse alors la tête, me cachant derrière ma casquette en attendant qu’elles s’éloignent. Ouf, j’ai de la chance ce soir, elles ne m’ont pas reconnu.

« T’as pas une petite soif ? On va boire un verre ? T’as bien l’âge qu’il faut maintenant non ? haha. »