Les journées se ressemblaient malgré elle et si Karen ne l’avait pas vraiment montré ces derniers jours, cette histoire avec Shin l’avait chamboulé plus que de raison. Cela l’énervait de ne pas comprendre, de ne pas réussir à mettre des mots sur ses émotions et aussi, tout de même, de ne pas se souvenir. Elle aurait voulu savoir quel mal elle avait pu lui faire afin de ne pas commettre la même erreur aujourd’hui mais également pour pouvoir s’excuser sérieusement. Evidemment elle avait la hantise, la peur de retrouver la mémoire et qu’elle-même, ça la blesse au plus profond de son âme seulement au moins, elle pourrait cerner et peut-être avancer. Elle avait l’impression de stagner sur place alors que pourtant, elle avait toute une nouvelle vie qui s’offrait à elle. De toute manière, les regrets étaient inutiles, Karen en était consciente puisque même le médecin lui avait dit qu’il y avait une possibilité à ce que ses souvenirs ne reviennent pas. Alors elle essayait durement de cesser de se tourmenter mais c’était toujours la même chose, dés qu’elle allait bien, qu’elle n’y songeait plus, il y avait quelqu’un pour lui rappeler son accident et qu’autrefois elle n’était pas celle qu’elle était aujourd’hui. Lorsqu’elle pensait à Shin, elle se disait que le concernant, ce n’était pas très grave. Cela avait même été la première personne du passé que la jeune femme sembla avoir été contente de croiser. Certes, leur histoire l’intriguait néanmoins elle avait l’impression d’avoir rajouté quelques pièces au puzzle et surtout, d’avoir rencontré quelqu’un de bien. Il n’avait pas cherché à la brusquer comme les autres l’avaient fait et en sa présence, il y avait eu ce drôle de sentiment qui la rendait plus légère sans qu’elle ne puisse l’expliquer. A ses côtés, malgré toutes ses questions, elle s’était senti détendu, complètement elle-même aussi et cela lui avait fait beaucoup de bien.

Elle ne l’avait pas revu depuis cette après-midi et si le garçon lui avait fait une invitation sous-entendu, l’étudiante n’avait pas osé. Pourtant aujourd’hui, elle avait choisi d’y aller, songeant qu’elle n’était pas obligé de l’approcher. Elle pouvait simplement se contenter de le regarder jouer. Il l’avait vu danser, elle était tout autant curieuse quant au talent de son ex petit ami. Les cours étaient terminés depuis quelques temps déjà et les seuls élèves restant travaillaient à la bibliothèque, en tutorat ou comme elle s’entraînait dans une salle de danse, par exemple. C’était plutôt calme à cette heure mais ça aussi, c’était agréable de n’y entendre quasi aucun bruit. Rangeant ses affaires, elle partit prendre une douche aux vestiaires afin de se débarbouiller et de ne pas sentir la transpiration non plus. Cela risquait de ne pas être très agréable. Ensuite, elle avait pris la direction du gymnase où elle ne fut pas surprise de le voir s’échauffer à mettre des paniers. Shin ne lui avait pas menti et machinalement ça la fit sourire. D’un geste discret, la jeune femme se plaça dans un coin discret pour le regarder sans qu’il ne l’aperçoive hors un détail la marqua aussitôt. Ses sourcils se froncèrent alors qu’elle continuait de le contempler en silence et que le garçon ne parvenait pas à faire rentrer la balle dans le panier. Elle aurait pu en conclure qu’il était juste nul et que c’était la raison pour laquelle il s’entraînait si souvent néanmoins Karen n’éprouvait pas cette sensation. Il avait l’air... Triste. Peut-être même en colère. Elle n’avait sûrement pas choisi le bon jour pour venir et aurait mieux fait de faire demi-tour seulement, une part d’elle refusait de le laisser comme ça.

Ses pas s’avancèrent doucement vers lui puis s’abaissant pour ramasser le ballon, elle se plaça devant lui, l’objet en main.

- Je ne crois pas que le panier t’ait fait quelque chose pour que tu t’acharnes autant sur lui, Déclara la demoiselle d’une voix tendre, un brin taquine, Je peux essayer ?

Ce n’était probablement pas la meilleur tactique pour aborder un jeune homme énervé toutefois elle ne s’imaginait pas non plus lui demander ce qu’il le tracassait. Parce qu’elle était la première à détester les questions dans ces moments là et que si Shin était là ce soir, c’était car il n’avait certainement pas envie d’en parler. Alors elle avait songé que lui changer les idées, faire comme si de rien était aurait peut-être pu lui arracher une légère esquisse au coin des lèvres.

Sans attendre de réponse de la part du garçon, Karen s’était mise face du panier puis s’appuyant sur la pointe des pieds, de toutes ses forces, elle lança son ballon qui n’arriva même pas à la hauteur du filet et s’écrasa plus loin sur le sol. Son regard se tourna vers son voisin qu’elle contemplait avec une mine des plus confuses, voir gênée de ne pas être autant douée qu’elle ne l’était en danse.

Elle ne savait pas jouer au basket, et alors ? On ne pouvait pas être doué en tout malheureusement. Elle avait au moins l’honneur d’avoir essayé. Ses joues s’étaient gonflées timidement, une mine boudeuse se lisant sur son visage alors qu’elle observait le ballon qui roulait au loin. Ce n’était décidément pas juste. Elle aurait pu avoir plus de classe, ne serait-ce que savoir bien viser quitte à ce que la balle touche le carré pour s’écraser au sol ensuite. Mais non, elle avait fait pire que ça. Probablement qu’elle ne ferait jamais partie de l’équipe féminine sauf si on souhaitait les faire perdre volontairement. Ce qui en soit était peu probable. Elle se satisferait donc de la danse, c’était préférable. Une légère esquisse orna ses lèvres alors qu’elle devait se retenir de le taper - gentiment - à cause de sa moquerie. Elle l’avait compris ça qu’elle était nulle. Ce n’était pas nécessaire de le lui répéter mais plutôt que s’en vexer, Karen s’en amusait. Il était vrai que son lancée était des plus pitoyables seulement elle mettrait la faute sur sa taille parce qu’elle était petite et que les joueurs de basket étaient grands non ? Shin était un homme et il devait faire au moins dix centimètres de plus qu’elle. C’était facile pour lui. Il ne pouvait pas comprendre, non. Mauvaise foi ? Absolument pas. Bon, peut-être un peu. D’où le fait que la jeune femme n’avait pu s’empêcher de rire doucement avant d’hausser les épaules. Elle ne savait clairement pas jouer, elle l’admettait. En même temps, depuis qu’elle était sortie de l’hôpital, elle n’avait pas mis une seule fois les pieds au gymnase et elle ignorait si par le passé, elle avait assisté à ce genre de match ou non. Dans tous les cas, elle ne devait pas être douée à l’époque non plus sinon certainement que ses automatismes seraient revenus n’est-ce pas ?

Le garçon risquait réellement de s’en prendre une s’il continuait de raconter des tas de bêtises. Il fallait vraiment être idiot pour venir se perdre dans un tel lieu. Souriant, la demoiselle ne lui répondit pas de suite, le détaillant de haut en bas avant de remarquer le bandage autour de sa main et de grimacer subtilement. Qu’est-ce qu’il avait bien pu se faire ? Sans raison précise, Karen s’en inquiéta encore et la question de savoir s’il s’était blessé lui brûla les lèvres néanmoins elle choisit de rester silencieuse à ce propos pour le moment.

- En fait, je cherchais une salle de danse plus grande et je me disais que justement, le gymnase ferait très bien l’affaire ! Expliqua-t-elle en employant un ton des plus sérieux.

Elle se demandait si des questions stupides comme celle-là, Shin en avait d’autre. Cependant, elle n’en dit rien, se contentant d’élargir l’éclat de ses lèvres qui montrait clairement qu’elle se moquait de lui.

- Je me suis simplement dit que peut-être tu serais là. Désolé, pour ne pas être venu avant, je n’osais pas vraiment.

Et cela se voyait à son expression qui avait changé, affichant un air plus timide et plus embarrassé que précédemment. Sur ses dires, elle s’en alla ramasser le ballon puis faisant face au jeune homme à nouveau, elle ajouta avec douceur et innocence :

- Tu m’apprends ?

Un peu embarrassée, Karen laissa le jeune homme la guider dans ses mouvements même si elle ne put s’empêcher de froncer les sourcils à ses explications. Est-ce que Shin la prenait pour une idiote ? Non parce que d’accord, elle ne savait peut-être pas jouer au basket mais elle en connaissait quelques règles. Plus que des matchs, elle en avait vu des dramas sur ce thème bien que dans buzzer beat elle était plus concentrée sur le physique du personnage principale que ses capacités à marquer des paniers. Seulement, ça lui avait permis d’en soutirer le but du jeu, les choses à faire et à ne pas faire. Et pour mettre un panier, encore heureux qu’il fallait vouloir viser le carré noir sinon il servirait à quoi celui-là ? Mais peut-être que Karen aurait du viser cette marque sur le mur au fond, elle aurait une bonne raison de paraître stupide. Enfin, elle se doutait qu’en vérité, c’était plus le jeune homme qui était un piètre professeur que le reste. Quand il en parlait, tout lui semblait si simple et si facile alors qu’il était le premier à rater ses lancés tout à l’heure. Hors, même l’étudiante avait pu comprendre que ce n’était pas de la faute du joueur - un peu certes - mais parce qu’il n’était pas dans son état normal. Il lui avait paru en colère et très triste. Tellement qu’en l’observant, le coeur de la demoiselle s’était compressé et qu’elle aurait voulu l’apaiser d’une autre manière qu’en jouant aux apprentis en cet instant.

- « C’est tout simple » ? Tu veux que je t’en mette dans ta tête des « tout simple » moi ? Râla-t-elle en le dévisageant, le ballon à la main.

Son sourire au coin des lèvres la trahissait cependant et elle ne put se retenir plus longtemps qu’elle se mit à rire légèrement. Mais c’était vrai dans ce qu’elle disait, viser et tirer correctement était bien plus compliqué que ce que racontait Shin. Si pour lui, c’était naturel, inné, ça ne l’était pas pour elle. Du moins pas en basket.

- Je sais très bien qu’il faut viser le carré noir, idiot.

Un brin familière ? Karen ne s’en souciait pas le moins du monde et puis le garçon l’avait mérité de toute manière.

- Tu es un très mauvais professeur, on te l’a déjà dit ?

S’amusant, avec toujours cette esquisse qui brillait sur sa figure, la jeune femme se recula pour commencer à faire rebondir le ballon sur le sol. Ah. Elle avait l’impression d’être plus doué sur ça que sur les lancés. Peut-être qu’elle saurait se débrouillait si elle n’avait pas le rôle de devoir mettre constamment des paniers. En défense, elle serait sûrement mieux.

- Allez, vient jouer ! Rigola-t-elle alors qu’elle attendait à ce que le garçon vienne lui prendre la balle.

Vraisemblablement, elle n’avait pas l’intention de tenter un lancé puisque ce n’était pas sa tasse de thé et qu’elle ne voulait pas se ridiculiser plus qu’elle ne l’avait déjà fait. Autant profiter à deux et se défouler sur ce terrain.

Elle s’amusait comme une enfant, riant bêtement alors qu’elle provoquait son adversaire même si elle se doutait qu’il ne faudrait pas beaucoup à ce dernier pour lui chiper la balle. Pourtant, Karen continuait de dribbler, tirant la langue à Shin pendant qu’elle reculait et qu’elle tentait vainement de fuir cette main qui menaçait de s’emparer de l’objet. C’était son ballon, elle avait la ferme intention de le garder jusqu’à la fin et si le jeune homme le voulait autant qu’elle, il n’aurait qu’à lui passer sur le corps. Dit comme ça, cela pouvait sonner étrange, voir même très mal placé cependant l’étudiante ne pensait pas à mal lorsqu’elle avait songé ça. Elle ne réfléchissait qu’à l’instant présent, qu’à ce garçon qui se trouvait devant elle et qui paraissait être tout autant apaisé qu’elle. Toutefois, c’était plus fort qu’elle ne l’aurait voulu et tout en s’amusant à faire rebondir la balle au sol, Karen ne pouvait s’empêcher de garder ses yeux sur la blessure de son camarade. Ca l’intriguait et elle était terriblement curieuse quant à ce qu’il avait bien pu se passer. Mais pas que... Elle était inquiète également. Son coeur se serrait, ne lui donnant pas d’explications quant à ses émotions qui encombraient son être tout entier cependant, ça lui faisait de la peine. Parce qu’elle avait conscience que derrière son idiotie, Shin cachait assurément quelque chose. Il avait été le premier à lui parler de masque l’autre jour alors elle se demandait si c’était son cas à lui aussi. S’il avait un moyen de se protéger du passé ou de ses problèmes et que peut-être son sourire pouvait dissimuler un chagrin, une colère, qu’elle n’était pas capable de cerner en sa présence.

Sans effacer l’esquisse qui étirait joliment ses lèvres, Karen peinait à égarer ses yeux ailleurs que sur le visage du jeune homme, essayant d’y déceler quoi que ce soit seulement elle ne vit rien, si ce n’était qu’il avait l’air de s’éclater lui aussi. Alors elle choisit de ne pas trop se poser de questions pour le moment et de profiter du moment présent mais malheureusement, son instant d’inattention la fit baisser sa garder. La balle était tombée de ses mains, rebondissant sur le sol tandis qu’elle s’éloignait puis que des bras étaient venus s’encercler autour de sa taille. Elle aurait pu en être embarrassé cependant elle n’y songea pas qu’au lieu de riposter, la demoiselle se mit à rire aux éclats. La situation était des plus drôles mais l’atmosphère était particulièrement doux, agréable si bien qu’elle se surprenait elle-même à penser qu’elle aurait voulu rester ainsi un peu plus longtemps. C’était vraiment comme elle connaissait ce jeune homme depuis toujours, qu’ils avaient tout le temps était proche et que rien n’aurait pu briser un tel lien. Est-ce qu’elle ressentait ça aussi à l’époque ? Son coeur battait fortement contre sa poitrine, une flamme chaleureuse berçait son âme alors que quelque part Karen était frustrée de ne pas lui faire face et de ne pas pouvoir entrevoir son visage.

Son rire s’estompa peu à peu, préférant apprécier l’étreinte qui se faisait plus douce pendant que ses paupières se fermaient dans l’espace de quelques secondes. Mais, dés que Shin baissa sa garde à son tour, l’étudiante en profita pour se défaire et se placer devant lui, une distance infime entre eux. Ses prunelles se noyèrent au creux des siennes et elle ne put s’empêcher qu’elle lui sourit tendrement.

- Ca, c’était de la triche, Le taquina-t-elle gentiment, Je doute que ça soit autorisé durant un vrai match.

Ses sourcils s’étaient froncés, la jeune femme mimant ne pas être contente de l’attitude du garçon néanmoins, si elle s’était approchée de lui pour soit disant le gronder, elle n’en fit rien. A la place, ses lèvres allèrent se poser délicatement sur sa joue, lui offrant un vif et tendre baiser.

- Je suppose que je n’en apprendrais pas plus ce soir, Se moqua ensuite Karen avant de désigner, un peu hésitante la main du garçon, Tu t’es blessé ? Ca va ?

Elle ne lui demandait pas sur le comment il s’était fait ça, ne souhaitant pas le brusquer alors qu’ils se « connaissaient » à peine. Néanmoins, elle s’en inquiétait et espérait que cela ne soit pas trop grave. Ses pupilles reflétaient les tourments de la demoiselle puis d’un geste presque machinal, elle s’était saisi de sa main blessée pour l’observer avec plus d’attention. Le bandage était tout de même bizarre. Est-ce que Shin se l’était fait lui-même ? Ah. Ces hommes.

Les bras croisés, les sourcils froncés, Karen le dévisageait si Shin avait l’intention de la prendre pour une idiote encore longtemps. L’excuse du « je suis tombé » tout le monde la connaît par coeur et au vue de l’air que le garçon avait affiché en émettant une telle remarque, elle doutait de la véracité de ces mots. Elle ne demandait pas qu’il lui raconte ce qu’il s’était passé ni ses problèmes, ça ne la regardait pas vraiment bien que ça l’inquiétait. Puis, elle était la première à ne pas apprécier à ce qu’on l’interroge lorsque quelque chose n’allait pas donc elle n’avait nullement l’intention de le forcer. Elle voulait juste s’assurer que ce n’était pas grave, que sa blessure ne risquait pas d’engendrer des conséquences assez dramatique puisque au vue de l’état de son bandage, elle n’avait pas l’impression que cela ait été fait par un médecin. En vérité, c’était même un peu catastrophique que si elle n’était pas aussi anxieuse, elle s’en serait certainement moquée.

Pour le moment, elle n’avait pas l’air de vouloir rigoler et son air sévère se reflétait au sein de ses pupilles alors que pour une fois, cette expression idiote qu’affichait le jeune homme, elle aurait voulu la lui arracher. Il l’énervait. Vraiment, il l’agaçait en cet instant si bien qu’aucune trace d’humour ne décorait son visage. Pas même une infime esquisse. Elle n’aimait pas qu’on se joue d’elle alors qu’il était évident que ses paroles étaient un mensonge gros comme une maison... Ah. Si elle ne se retenait pas, elle l’aurait très certainement claqué. Au lieu de cela, elle avait détourné son visage ailleurs dans le gymnase et claqué brusquement sa langue à son palet. Si Shin ne remarquait pas son agacement, c’était qu’il était bel et bien, un idiot.

- Je n’ai pas envie de crier ton nom, Répondit l’étudiante d’une voix sévère, noyant ses prunelles au creux des siennes, Encore moins de te dire « t’es le plus beau, t’es le plus fort ! » alors que t’es qu’un idiot qui croit que je vais gober ses conneries !

On la sentait sa colère maintenant ? Non parce qu’on ne rigolait pas d’une jeune fille inquiète qui n’attendait qu’une chose, qu’on la rassure et pas qu’on lui mente. Surtout qu’elle ne lui avait pas demandé de justification, simplement savoir si ça allait... Et si les mots du garçon étaient censés la réconforter, ça avait provoqué tout le contraire.

- Je ne voulais pas d’explications. Je me doute que t’as pas envie d’en parler et j’ai pas envie d’insister sur ça mais c’est pas la peine de me mentir pour me dire que t’es tombé car je sais très bien que ce n’est pas le cas ! Tu avais juste à me répondre que ça allait sauf que c’est pas vrai non plus, ton bandage est minable.

Sur ses dires, elle lui attrapa le poignet pour le mener à un banc et l’obliger à s’installer dessus, s’asseyant à ses côtés. Elle se saisit ensuite de sa main blessée, lui indiquant de ne pas bouger et surtout de ne pas riposter sinon elle le tapait. Avec délicatesse et concentration, elle lui retirant enfin son pansement pour grimacer face à ce qu’elle voyait. C’était pas très beau. Soupirant, elle jeta un coup d’oeil à l’heure et se levant, elle l’obligea à faire de même.

- On va aller à l’infirmerie. Y aura sûrement personne mais au moins, il y aura de quoi faire quelque chose de plus correcte et d’éviter une infection.

Elle ne souriait toujours pas et s’il parlait, elle ne l’écoutait pas vraiment. Se saisissant de son sac, elle l’emmena en dehors du gymnase pour entrer dans le bâtiment principalement où l’infirmerie se trouvait à l’étage. C’était ouvert mais il n’y avait plus personne dans les couloirs. Elle indiqua à Shin de s’assoir puis pendant ce temps se servit de désinfectant, coton et une autre bande. Ainsi, dans le plus grand des silences, elle s’occupa de sa blessure comme si elle avait fait ça pendant des années.

- Si ça ne cicatrise pas bien, passe quand même à l’hôpital...

Son regard s’égara sur son vis-à-vis sur ses paroles et une douce esquisse orna ses lèvres alors qu’elle reflétait en réalité toute l’inquiétude que Karen ressentait à son égard.

Elle n’avait pas pu se retenir. Outrée et vexée de son comportement, sa main était partie d’elle-même se cogner brusquement contre la joue du garçon. Oui, elle l’avait giflé et elle ne regrettait pas. C’était un sentiment étrange alors que Shin n’était censé être qu’un inconnu à ses yeux, elle n’avait pu s’empêcher de se sentir blessée par son attitude. Elle s’était fait du souci pour lui et elle n’avait pas pu faire semblant alors que l’état de sa main lui paraissait mal en point. Evidemment Karen était curieuse et aurait connaître le pourquoi du comment cependant elle n’en avait rien dit, gardant sa curiosité de côté pour ne pas brusquer son nouveau camarade. Elle avait fait de son mieux pour ne pas l’interroger puis se contenter de le soigner. Mais, il lui parlait sur ce ton. Il s’adressait à elle comme si elle avait mal agi et elle n’était pas idiote pour comprendre que le jeune homme ne voulait sûrement pas qu’elle se mêle de ça, qu’il voulait se débrouiller seul... Elle ne lui en tenait pas rigueur, c’était admirable de sa part de tenter de changer la donne derrière un sourire et de ne pas parler de ce qui le tracassait. Seulement lui ne se mettait pas à sa place non plus ni du fait que voir cet affreux bandage l’avait tourmenté et son coeur s’était serré à la vue de ces fines coupures sur sa peau... Il avait juste voulu bien faire, le soigner pour que ça soit plus propre, que ça ne s’infecte pas et que cela ne s’aggrave pas. Et en guise de remerciement, qu’est-ce qu’il lui offrait ? Un ton froid et des propos déplacés.

- Excuse-moi de m’inquiéter pour toi, Cracha l’étudiante sèchement.

Si jusque là Shin n’avait pas compris qu’il l’avait vexé, elle le lui montrait ouvertement et allait le faire regretter de s’être adressé à elle de la sorte.

- Je ne t’ai rien demandé à ce que je sache ! Je n’ai même pas cherché à savoir alors que j’aurais pu te questionner sur tout ça et sur tes mensonges grotesques ! Je ne l’ai pas fait, simplement parce que je ne m’estime pas en droit de le faire et aussi parce que je me doutais que tu n’aurais pas envie d’en parler ! Mais j’ai tenu à te soigner parce que je ne supportais pas de voir un truc aussi moche et que j’avais peur des conséquences ! Je n’ai fait que m’inquiéter et voilà ce que je reçois comme réaction ?! « Maman s’est bien occupée de moi », ne me fait pas rire s’il te plaît.

Un rire qui s’échappa nerveusement de ses lèvres tandis que ne pouvant se retenir, Karen fit claquer de plus bel sa langue à son palet sous l’agacement. Elle ne lui laissa même pas le temps de répondre que ramassant son sac au sol, elle ajouta ensuite :

- La prochaine fois je te laisserais te débrouiller et je ne viendrais pas te voir non plus si c’est pour me retrouver face à un gamin qui n’est même capable de voir qu’on s’inquiète juste pour lui ! Tu peux rater tes paniers autant que tu veux, je n’en ai plus rien à faire.

Shin pouvait bien vouloir le dernier mot, la jeune fille s’en fichait. Elle n’avait pas cherché à attendre une quelconque parole de sa part qu’elle avait quitté l’infirmerie, non pas sans fermer violemment la porte qui se claqua dans un fracas. Elle était énervée et vraiment, vexée. La pour sur que Shin était réellement le dernier des abrutis.