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Be Our Guest, Be Our Guest

J’ai tendance à m’emporter un peu trop facilement mais je crois que ça n’aura jamais été aussi flagrant que ces derniers mois. Ce bébé non désiré, ces aveux involontaires que j’ai fait à Mi, notre mariage, ma rechute dans l’alcool après avoir revu Hikari. Au final, c’est peut-être fait exprès pour me mettre à l’épreuve ? J’aimerais me dire que c’est ça, que tout ce qu’il m’arrive est simplement un moyen de vérifier ma force morale ou je ne sais quoi. Reste que cela échouerait lamentablement. Non, vraiment, j’ai l’air d’un imbécile incapable de gérer une situation simple là… La blague. Et le pire dans toute cette histoire est que j’essaie sans cesse de faire de mon mieux pour résoudre mes ennuis, mais que cette tentative vaine ne fait que m’en attirer encore plus. Dans le rôle du poissard par excellence, je devrais obtenir un oscar, vraiment. Mais non, il n’y a pas de récompense pour celui qui essaie de rétablir une situation, il n’y a rien de plus que des espoirs qui se voient déçus et des échecs lamentables alors que je tente l’impossible. J’aimerais bien parvenir à atteindre mon objectif un jour, mais pour cela il faudrait déjà que j’arrive à passer au-dessus des si nombreux obstacles qui se dressent sur mon chemin sans arrêt. Je doute que cela arrive un jour, malheureusement.

Alors, pour oublier tout ça, je bois, je fais la fête, je me perds des heures durant dans les jeux vidéos, les codages, le graphisme, le développement. Si cela ne m’amusait pas, je crois que ma vie serait encore plus merdique. Je fais de mon mieux pour être bon dans ce que j’entreprends, pour être un professeur pas trop mauvais, pour donner un enseignement de qualité à mes étudiants, même s’ils n’en sont pas dignes. Au final, pourquoi faire autant d’effort si c’est pour être récompensé par un échec ? J’ai l’impression de perdre mon temps, de m’attarder sur des bêtises et de n’avoir au final rien de plus que l’envie de m’enfuir, de m’isoler, de retrouver un endroit où, avec un peu de chance, je pourrai être tranquille et ne pas avoir à supporter le regard de ceux qui me prendront simplement pour un raté qui passe sa vie à errer sur le web sans posséder la moindre compétence. Je suis professeur, j’ai étudié cette putain de matière, celle que j’enseigne, j’étais sur le point d’en faire mon métier quand un connard a décidé de partir avec tout ce que j’avais. Est-ce qu’ils peuvent comprendre ça ? Parfois j’ai l’impression d’être le seul à  vraiment être au courant de cette histoire et, dans un sens, ce n’est peut-être pas faux. J’en ai vaguement parlé à Yun Hua, l’autre jour, lorsqu’elle a décidé de venir m’avouer qu’elle avait menti et qu’elle portait encore cet enfant, mais à part elle le nombre de personnes au courant doit être réduit à mes parents, Roy et moi. Ce n’est pas comme si j’en avais parlé à Mi, ce n’est pas comme si d’autres personnes avaient vraiment l’utilité de le savoir, alors je m’étais tu à ce sujet, comme toujours. Pourquoi passer mon temps à me plaindre d’une chose que je ne pourrai pas changer ? Si cela ne minait pas mon quotidien à l’heure actuelle, je crois que les choses seraient beaucoup plus faciles à expliquer, en fait.

Si je n’avais pas revu Hikari, si je n’avais pas eu l’idée folle d’essayer de discuter avec elle, d’essayer de comprendre ce qu’elle faisait, pourquoi elle agissait d’une façon aussi odieuse envers moi, je n’en serais certainement pas là aujourd’hui. Je n’aurais pas eu la mauvaise idée de boire comme un idiot en rentrant chez moi, le jour où Yun Hua et moi avons couché ensemble pour la première fois, elle n’aurait pas été enceinte de moi, je n’aurais pas du la garder auprès de moi dans cet appartement parce qu’elle a un putain de problème de tension, quant à Mi… Je me demande parfois si j’ai vraiment les moyens d’expliquer notre relation à l’heure actuelle. Je veux dire, on ne se parle plus, c’est tout juste si on se croise, et elle m’a demandé de l’oublier lorsque j’ai essayé de prendre de ses nouvelles la dernière fois. Je fais peut-être semblant de rien, mais ça me blesse profondément parce que, même si je n’ai pas du le dire de la manière que j’aurais espéré, même si je suis le plus gros imbécile du monde et que ce mariage à Vegas était une erreur de calcul parce que je n’ai pas été capable de gérer la situation correctement, je l’aime. Il m’aura fallu longtemps pour l’admettre, mais je l’aime. Ce simple fait me rend la situation actuelle d’autant plus compliquée et difficile à supporter. Quand on sait que je ne suis pas foutu de me protéger moi-même, à en juger par l’accident que j’ai eu à cause de l’alcool l’autre soir, peut-on vraiment imaginer que je devienne un jour un adulte responsable et capable de s’occuper d’une autre personne ? De l’aimer et de la chérir jusqu’à ce que la mort vous sépare ? Je m’énerve tout seul à la simple pensée que cela me soit impossible. Je ne suis pas le héros que j’aimerais être. Je suis juste un homme qui passe son temps à rater ce qu’il entreprend ou à s’attirer des ennuis avec les mauvaises personnes, même en essayant d’éviter. Et j’en ai assez.

Décidé à ne pas empirer les choses, j’ai donc pris place devant l’ordinateur en autorisant Yun Hua a utiliser ma télévision et mes consoles.  Comme je compte préparer mes prochains cours, chose que je fais très rarement, par ailleurs, je n’en ai pas besoin et j’imagine qu’elle ne va pas continuer à se tourner les pouces comme elle le fait depuis le début. Quand on y réfléchit bien, il n’y a pas grand-chose à faire chez moi. Il y a juste cette télévision, mon ordinateur, mes consoles, puis ce synthétiseur que j’utilise à l’occasion, lorsqu’un élan artistique me prend. C’est-à-dire assez rarement, en vérité. En fait, je l’utilisais beaucoup plus lorsque Hikari était encore avec moi. Une fois encore, ça me fait bizarre d’y penser, mais je n’ai pas pu m’en débarrasser, comme pour le chat. À cette pensée, un soupir m’échappe et je glisse une image dans le dossier que je devrai zipper et envoyer à mes étudiants pour qu’ils puissent préparer le prochain travail que j’ai à leur donner. J’ose espérer qu’ils comprendront, pour une fois que je me casse le cul à préparer quelque chose un peu plus sérieusement qu’en mode « alors les jeunes vous allez faire ça et tant pis si vous êtes pas contents. » Ils devraient réaliser à quel point je suis sérieux dans mon boulot, parfois. Grâce à la musique, je parviens même à faire abstraction des conneries de Yun Hua, réalisant juste qu’elle vient de faire du bruit derrière moi. Avec ma chance elle s’est faite mal et elle va m’accuser. Allez ! Je crois que je commence à avoir l’habitude d’être tenu responsable de choses que je ne provoque pas, à force. Mais Ryû, pourquoi t’as une table au milieu de ton salon, hein ? Elle est apparue là comme par hasard en plus. Non, vraiment, je devrais arrêter de me moquer. Remarquez que je trouve ça assez drôle. Et le fichier est zippé. Reste à contacter les étudiants pour leur envoyer les consignes et préparer le travail du prochain groupe. Avec un peu de chance ils…

« Hm ? »

J’enlève mon casque et lève les yeux vers Yun Hua. Qu’est-ce qu’elle veut cette fois ? Elle a faim ? Soif ? Elle doit faire pipi ? Non parce que je suis prêt à tout entendre là, je sais que ça me fera chier de toute façon et, en l’entendant, je hausse un sourcil, perplexe.

« Bah, normalement il y a encore des emplacements libres. »

Oui, « normalement » hein. Je sais que je n’ai pas utilisé toutes les sauvegardes dont dispose le jeu, alors j’ai un peu de mal à comprendre pourquoi elle me pose cette question. Je fronce les sourcils durant un instant, essayant de réfléchir à ce qu’elle me veut, posant ensuite les yeux sur elle plus précisément, interpelé par la façon dont elle a l’air de s’appuyer sur mon bureau.

« Tu te sens mal ? »

On reparle de ma capacité à être dur et sévère lorsque quelqu’un va mal ? Je sais même pas pourquoi j’ai pris la peine de poser une telle question à Yun Hua alors que je sais parfaitement qu’elle risque de faire la fière et de me dire que non, tout va parfaitement bien. Si elle le fait, elle me prend clairement pour un con. Enfin, dans l’attente de sa réponse, je m’éloigne un peu du bureau après avoir posé le casque dessus et je me redresse pour prendre la manette et regarder l’écran, parcourant l’écran des sauvegardes du regard. Hm, le problème, ce n’est pas qu’il y a pas de sauvegarde libre sur mon jeu, mais que ma console commence à saturer avec toutes les parties que j’ai pu sauvegarder dessus. Il va donc falloir que je sacrifie l’une d’entre elles. Un sacrifice de plus, à vrai dire, parce que j’ai clairement l’impression de passer ma vie à en faire depuis que nous sommes là. Entre ma garde-robe et le reste. Je suis plus à ça près. Trouvant enfin une partie à peine commencée, je laisse le curseur dessus et lance mollement la manette sur le fauteuil.

« Tu peux utiliser la douze. » Déclaré-je avant de reprendre, quelques instants plus tard. « Tu devrais t’allonger, aussi. »

Comme je suis attentionné, les amis. Faut quand même pas oublier que si j’ai accepté de la prendre chez moi, même si c’est un peu à contre cœur, c’est parce qu’elle a un problème de santé. J’aimerais pas que Nae Ra me maudisse sa vie entière pour avoir laissé quelque chose de mal arriver à son enfant. Quand bien même cette enfant est insupportable et arrogante.

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Be Our Guest, Be Our Guest

Très sincèrement, je crois que moi-même je n’arrive plus à suivre la logique de mes raisonnements ou de mes actes, à supposer qu’il y ait encore une logique là-dedans. Je regretterais presque, non en fait je regrette carrément le temps où j’étais simplement angoissée par l’idée d’avoir pu coucher avec mon professeur, qui n’est pas vraiment officiellement mon professeur, détail à ne pas oublier, ce serait dommage que ce soit clair dans une partie de l’histoire. Parce qu’en y réfléchissant bien, ma foi, ça n’aurait pas eu des conséquences désastreuses, du moins elles auraient été minimes par rapport à maintenant, puisque s’éviter ouvertement jusqu’à convenir que c’était sans importance, eh bien cela aurait été un jeu d’enfant avec le recul. Même si à l’époque j’avais envie de m’enterrer six pieds sous terre parce que je me sentais mal à chaque fois que je l’apercevais, même de loin, quelle ironie. On peut dire que la partie où, ô malheur en fait j’ai une chance encore plus pourrie au point de tomber enceinte pour ce seul et unique écart moral, a ouvertement complexifié les choses. Et forcément, cela ne pouvait pas arriver dans un cadre idéal, où j’aurais été entourée et soutenue par mes deux parents, bien sûr que non. A se demander si je ne passe pas mes nerfs sur Ryû pour évacuer la frustration générée par ce concours de circonstances bien dérangeant, je devrais méditer là-dessus.

Ce qui explique certainement pourquoi je commence à me montrer un minimum conciliante à l’égard du brun depuis quelques minutes. Enfin, ce n’est pas la lune non plus, par « conciliante », j’entends démontrer un peu de politesse et ne pas chercher la petite bête sans arrêt. Mine de rien, c’est déjà beaucoup, non ? Disons que de mon point de vue et avec les antécédents à l’esprit, c’est déjà un pas en avant. Mouais, non, on va dire qu’on stagne plutôt que de continuer à reculer à la vitesse grand V, c’est plus exact je pense. Mais à mon avis, la raison qui explique que je ne recherche pas systématiquement le conflit, c’est tout simplement que je n’en suis pas en état. Accentuer mes maux de tête en provoquant Ryû n’est assurément pas ce qu’il y a de plus judicieux et aussi excédée suis-je par le fait de devoir demeurer chez lui pour la semaine, j’en suis bien entendue tout à fait consciente. Même si en apparence l’atmosphère est glaciale à souhait, je suppose que c’est la meilleure façon de procéder pour nous deux, histoire de ne pas finir en dépression au bout du temps imparti. Merci Maman pour cette superbe initiative, rappelle-toi d’incendier tes employeurs à l’occasion.

C’est donc sans me démonter – du moins mentalement – que j’informe le brun de mon dilemme actuel, priant pour qu’il ne pique pas une crise parce que je suis décidément trop envahissante. Ce n’est pas ma faute si ma mère a eu la bonne idée de songer à lui pour m’héberger ni s’il a accepté dans un instant d’égarement. Pas plus que le fait que je suis obligée de rester un maximum à l’intérieur, sans trop bouger, ce qui n’est pas sans m’agacer, rien que le fait de devoir m’appuyer sur son bureau pour ne pas vaciller m’irrite. Je fronce les sourcils en l’écoutant affirmer qu’en principe il ne devrait pas y avoir de problème parce que soi-disant il y  aurait des emplacements libres, mais malgré tout, je ne suis pas encore devenue myope, alors je sais pertinemment que j’ai vu sur l’écran que ce n’était pas le cas. Je ne me serais pas permise de le déranger sans avoir vérifié au préalable, il ne faut pas exagérer non plus. D’autant qu’un bref coup d’œil à son écran me permet d’observer qu’en effet il travaille, sur un prochain cours de surcroît. Quand je pense que me rendre en jupe à celui-ci était le pire de mes soucis à une époque, ça me fend presque le cœur. Je me reprends bien vite, détachant mes yeux de l’écran à l’entente de sa question. Si je me sens mal ? Je m’apprête à rétorquer que non, je vais parfaitement bien, mais comme une piqûre de rappel intempestive, ma tête se met à tourner. Oh et puis zut, j’ai bien le droit de ne pas jouer les super-héros une fois dans l’année, non ?

« Un peu, oui. Un peu beaucoup en fait, je confesse dans un élan de pure faiblesse, c’est mon hypertension, ça provoque des migraines, c’est pour ça. »

Un parfait aveu sans se plaindre que le poids du monde s’abat sur mes épaules, je mériterais une médaille. En chocolat oui, comme les enfants. Mes confessions révélées, je me décide donc à m’adosser sur le mur d’à côté, qui constitue ma foi un fort meilleur appui que le bureau. Maintenant qu’il est au fait que je ne suis pas une coquille indestructible, incroyable révélation me concernant je sais, je peux bien me le permettre en l’observant aller regarder l’écran de la télé par lui-même, tout en me triturant nerveusement les doigts. Je ne sais pas si c’est vraiment une bonne chose de lui en parler, mais je me dis qu’après tout, pour une fois, laisser transparaître la pure vérité ne peut pas faire de mal au vu des conséquences de mes derniers mensonges. Je crois que le fait de savoir que je ne vais pas bien ne peut en soi pas signer mon arrêt de mort pour le coup. Ravie de voir que je pourrais finalement jouer au jeu désigné, je me dirige à nouveau vers le canapé, sur lequel il vient de jeter négligemment la manette. Nul besoin de préciser que je m’appuie au mur autant que possible. J’arque un sourcil à la mention du conseil de Ryû, pour le moins étonnée que cela le préoccupe autant. Bizarre, j’étais persuadée que j’aurais beau m’étaler sur le sol, il ne sourcillerait même pas. Ouah. J’en reste muette.

Je me pince un peu les lèvres, décontenancée par cette réaction inattendue. Je veux dire, en y repensant, c’était quand la dernière fois que quelqu’un s’est soucié de mon état ? Si on ne compte pas mon médecin ou ma mère bien entendu. Pire encore, c’était quand la dernière fois qu’il a montré un peu de préoccupation à mon égard ? Bon, les fois où je me suis écroulée en pleurs ne comptant pas, je devais sûrement faire trop pitié. Honnêtement, il faut que je sente mes jambes être sur le point de me lâcher pour finalement me décider à me rasseoir sur le canapé et songer à apporter une quelconque réaction.

« Heu…, oui il y a un bug dans mon esprit, c’est officiel, super pour la sauvegarde et heu… merci pour le conseil ? »

Mon hésitation est clairement due à ma surprise, que je peine à contenir. Je crois que je ferais mieux de vite me mettre au jeu, passer mon temps à tuer des Sans-Cœur est bien plus facile que de trouver un sens à tout ceci. Je saisis donc la manette pour sélectionner la sauvegarde sur lequel le curseur se trouvait déjà, avant de mettre en pratique le conseil de Ryû et de m’allonger sur le canapé, la tête tournée vers l’écran. J’espère que mes prouesses de joueuse n’en seront pas affectées.

« Tu crois que c’est faisable de jouer comme ça ?, je reprends avec une neutralité parfaite. »

Simple curiosité. Personnellement, je n’ai jamais essayé, du moins pas ainsi, je m’affalais juste dans mon lit et j’avais le visage face à l’écran. C’est un peu une nouveauté donc. Enfin bon, le temps que la cinématique passe, me voilà dans la peau de Roxas à vagabonder dans les rues de la Cité du Crépuscule. Je suppose que je vais rapidement voir si mes réflexes sont aussi bons que d’ordinaire.

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Be Our Guest, Be Our Guest

Les choses seraient différentes si j’avais été plus malin. Quelques mois plus tôt, j’aurais du éviter de boire, aller voir Roy et discuter de tous ces problèmes avec lui au lieu de me prendre la tête avec Yun Hua et de coucher avec elle. Non, parce que de base, j’ai quand même été à l’origine du problème. Si je n’avais pas bu j’aurais évité la catastrophe et nous ne nous poserions aucune question par rapport au bébé. Évidemment, cette phrase signifie que j’ai encore des questions par rapport à tout ça. Oubliez. Ce n’est pas comme si j’avais vraiment envie de savoir quelque chose à ce sujet, comme si je me sentais encore concerné alors que mademoiselle semble avoir décidé de vivre sa petite vie toute seule dans son coin. Elle a voulu aller en Corée, elle est partie, et elle est revenue parce qu’elle avait des problèmes de santé et que sa mère ne pouvait pas s’occuper d’elle. Contre son gré, je précise. Cette simple idée m’énerve profondément parce que je sais que ce n’est pas par rapport à moi. Ce n’est pas parce qu’elle a la moindre considération envers l’homme qui l’a foutue enceinte et dont elle refuse toute aide. Putain. Je n’ai aucune idée de pourquoi ça m’énerve à un tel point, mais je suis furieux en y pensant.

Heureusement, travailler me permet de me sortir ces conneries de la tête, de penser à autre chose, même si ce n’est pas forcément plus agréable, et je dois avouer que ça me fait un bien fou à cet instant. Très sincèrement, je pense même que je n’ai jamais été aussi heureux d’être professeur que maintenant. Non, parce que j’ai eu beaucoup de chance de conserver mon job alors que j’aurais du abandonner tout ce que j’avais si mon emploi m’avait été enlevé. Parce que j’aurais pu perdre mon boulot à cause de Royal Shit, à cause de Yun Hua qui a décidé de garder ce bébé et… Il faut vraiment que j’arrête de penser à tout ça, même si elle est actuellement dans mon salon en train de squatter ma télévision parce qu’elle va passer la semaine avec moi. Non, sérieusement, je suis capable d’en faire abstraction ou pas ? Parce que là j’ai clairement l’impression que la moindre pensée que je peux avoir me ramène inéluctablement à elle et à cette foutue grossesse. Tout ça pour une histoire d’ADN, putain. J’devrais pas autant penser à ce bébé. De toute façon, il sera adopté lorsqu’il sortira, hein. Adopté par des gens que je ne connaitrai pas et à qui je ne pourrai jamais demander de nouvelles puisque ça ne sera pas mon enfant officiellement. Officiellement non, biologiquement, oui. C’est pas l’autre ducon qui aura mes gênes. Déplorable.

Je fronce les sourcils lorsqu’elle confirme mes craintes. Qu’elle s’allonge si elle va mal, putain. J’ai pas envie qu’elle s’effondre au milieu de mon salon comme une crêpe et que je sois incapable de faire quelque chose. Genre, j’ai pas envie qu’elle meure, même si elle m’énerve au plus haut point et que ma première envie serait de lui foutre deux claques pour lui remettre les idées en place. C’est quand même de la mère de mon gosse qu’on parle. Je devrais arrêter de l’appeler ainsi d’ailleurs, ça va me jouer des tours. D’un autre côté, je sais que c’est vrai, dans le fond. Cela m’arrache un soupir avant que je me décide à lui indiquer une sauvegarde à utiliser et comment s’installer. Je ne réagis même pas à son merci, à vrai dire. Genre, c’est un peu normal, non ? Vous feriez quoi si quelqu’un se sentait mal, vous lui conseilleriez de faire sa vie normalement ou vous lui demanderiez de s’allonger dans l’espoir que ça passe ? Je vois pas en quoi je mérite un merci, là, j’ai rien fait d’héroïque et, franchement, je l’aurais fait pour n’importe qui. Et le pire c’est que ça a l’air de la surprendre. Please, j’suis pas un monstre !

« Ouep, c’est testé et approuvé par moi-même. Enfin, pour ce que ça vaut. » Réponds-je en un haussement d’épaule. « Mais attends, tu vas te faire mal comme ça. »

Je me dirige vers la chambre sur ces quelques mots, allant récupérer l’oreiller sur lequel elle a du dormir cette nuit pour lui apporter. C’est plus pratique si elle n’a pas envie de se péter la nuque en jouant. On s’en l’expérience, quand même. Certes, ça ne sera pas le plus agréable, mais ça lui permettra au moins de se reposer un peu. Enfin, ça, c’est sans compter l’entrée en scène de la reine de cet appartement.

« Arisu, pssh. »

Fronçant les sourcils, je fais signe à l’animal de déguerpir alors que je m’approche de Yun Hua pour lui donner le coussin que je viens d’aller récupérer, mais celle-ci est déjà en train de grimper sur la résidente temporaire pour aller prendre place sur son ventre où elle piétine un peu avant de se lover. Cela m’arrache un léger sourire, bien que ça me rappelle une fois encore la grossesse dont j’essaie de faire abstraction - on se demande comment, d’ailleurs - car j’ai l’habitude d’être victime de ce genre d’attaque affectueuse avec elle.

« Bon bah elle a trouvé une remplaçante. »

Les animaux ont quelque chose pour les femmes enceintes ? J’en sais rien mais je trouve la scène assez amusante, dans le fond. J’abandonne le coussin près de Yun Hua et passe derrière le canapé afin de rejoindre la cuisine pour me resservir un soda, administrant au passage une caresse à Arisu qui redresse légèrement la tête et commence à ronronner. Ce chat n’est qu’amour, j’vous jure. D’ailleurs, je trouve ça assez drôle qu’elle se colle autant à Yun Hua. Genre, c’est pas la première fois qu’elle s’en approche comme ça. C’est juste fou.

Un soupir m’échappe alors que je me sers un soda et, une fois de retour au salon, accompagné de mon fidèle verre, je regarde l’écran, une question stupide me traversant l’esprit.

« Tu l’as déjà terminé ? »

On rappelle que j’étais ivre la première fois qu’on en a parlé ? Enfin, j’veux dire, cette volonté de jouer à Kingdom Hearts suffit à me distraire de mon travail, faible homme que je suis. De toute façon, j’ai envoyé le message à mes étudiants alors, dans le fond, j’ai déjà fait pas mal, non ? Je préfère essayer d’être un peu plus humain, tout ça. À croire que le rôle du grand méchant ne me réussit pas vraiment.

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Be Our Guest, Be Our Guest

C’est officiel, je n’y comprends plus grand-chose à cette histoire et peut-être serait-il bon de rembobiner le magnéto pour savoir exactement à quel moment Ryû a décidé par la volonté ultime du destin qu’il était logique et préférable de se soucier de moi. Parce qu’aux dernières nouvelles, je me rapprochais plus de la pire des ordures que de la fille enceinte sur laquelle il fallait veiller. Alors oui, je suis pour le moins surprise qu’il se soucie, même vaguement, de mon état de santé, c’est presque si je n’en viens pas à me demander si j’ai l’air mourante. Je sais bien qu’il est supposé m’héberger et veiller sur moi comme ma mère a expressément dû le lui recommander, mais je ne me serais pas offusquée le moins du monde s’il s’était contenté de me trouver une sauvegarde disponible sans faire la moindre réflexion. C'est pas vraiment comme si les gens s’intéressaient à moi ou à ce que je ressens habituellement, lui le premier vu comment il était énervé la dernière fois. Si je devais m’attendre à une réaction de sa part, j’aurais plutôt misé sur le fait qu’il m’aurait narguée en appuyant bien sur le fait que finalement je ne suis pas aussi forte que je le pensais. Mais non, rien de toute cela, une simple question sur mon état et accompagnée d’un conseil quelques minutes plus tard. C’est déjà Noël ?

D’où le fait que je ne suis plus tellement d’humeur à jouer les fortes têtes et que je préfère reconnaître que j’ai un épisode de migraine, ce qui peut s’avérer positif, dans le sens où ça le dissuaderait de hurler si jamais j’ai le malheur de commettre encore une bêtise sans m’en apercevoir. Sait-on jamais. De toute façon, je ne suis pas en mesure de jouer à qui a raison dans cette histoire à l’heure actuelle, en fait, je crois que je vais renoncer au fait de jouer les forteresses impénétrables dans les mois à venir, vu qu’il paraît que c’est moi qui crée les impasses toute seule. Au point où j’en suis, je pense que changer de stratégie ne peut pas être pire vu les dernières discussions que j’ai eues, reste à savoir si les effets s’en feront ressentir. Je pourrais méditer tranquillement là-dessus en jouant, vu que ce n’est pas bien compliqué pour moi, même si je préfère choisir le mode « Normal » comme à l’accoutumée, n’ayant jamais trouvé le courage de tenter le mode « Expert », ou alors tout simplement parce que je n’en voyais pas l’intérêt. Je joue pour me divertir, pas pour prouver au monde entier que c’est moi qui suis la meilleure en la matière, surprenant n’est-ce pas ? Sans compter que je me décide à jouer dans une nouvelle posture, peut-être ne faut-il pas surestimer mes capacités, même si Ryû affirme qu’il a testé et approuvé.

Fronçant les sourcils, je l’observe se diriger dans la chambre, après avoir énoncé que j’allais me faire mal ainsi, et me redresse légèrement par la même occasion. J’ai même le réflexe de mettre le jeu en pause. Je ne comprends pas trop ce qu’il a en tête et au moment où je m’apprête à le lui demander, il est de retour dans la pièce, accompagné d’Arisu, avec un oreille en mains. Ouah. Nouveau bug cérébral. Je rêve ou il est allé chercher expressément un coussin pour que je sois à l’aise ? Ok, c’est officiel, la méthode « Je ne me cache plus derrière des murs » est définitivement attestée. Il me suffit de reconnaître un état de faiblesse pour que le destin m’envoie un signe pour m’informer que je suis enfin sur le bon chemin. Enfin, au tout début, je dois avoir une moitié de pieds dessus dirons-nous.

« Merci, mais t’étais pas obligé, je…, je commence avec gêne. »

On ne saura jamais ce que j’allais dire puisque je suis soudainement interrompue par une petite boule de poils, qui a décrété que mon ventre était l’endroit idéal pour se poser. Sérieusement ? Donc ne plus jouer les fières m’apporte aussi l’affection des animaux ? J’ai beau m’y prendre comme un manche avec les animaux – comme on a pu le voir la dernière fois – je ne peux m’empêcher de la trouver terriblement craquante et de la caresser timidement, appréhendant un peu qu’elle puisse me mordre. Mais elle n’en fait rien. J’émets un petit rire amusé suite à la remarque de Ryû, qui pourrait s’apparenter à de la jalousie. Pas sûr qu’elle renonce à son propriétaire pour moi.

« Je crois qu’elle apprécie juste le fait que mon ventre soit rond comme un ballon, je m’en voudrais de m’interposer, je lâche d’un air taquin. »

Pause. C’est moi ou on a réussi à communiquer sans froideur ou reproche implicite et que j’en viens même à plaisanter ? Miracle. Pensive, je m’empare du coussin qu’il est allé me chercher et le cale comme il faut dans mon dos, afin de m’installer de la manière la plus confortable qui soit. Je dois avouer que je suis sacrément bien comme ça, Ryû est un génie, et Arisu a l’air de penser la même vu la façon dont elle prend ses aises sur mon ventre. Je ne sais pas vraiment si le jeu va l’intéresser mais peu importe, du moment qu’elle a un terrain agréable sur lequel se poser, je pense que ça ne lui importe pas trop ce qui peut apparaître sur l’écran. Allez, il est temps de reprendre la partie et j’apprécie que Ryû ne passe pas devant l’écran une fois revenu de la cuisine, même si en soi, aller parler à des gens pour leur expliquer que je n’ai rien volé, même pour récupérer un chat perché sur un toit, ne demande pas une concentration optimale. Mais vu que je peux enfin commencer à taper quelqu’un, à savoir ce Seifer qui semble avoir aussi bien compris les bases du style vestimentaire que Roxas qu’il se trouve dans une copie digitale de la ville, c’est mieux de ne pas avoir d’obstacle dans mon champ de vision. Même si ça ne m’empêche pas d’avoir une conversation en même temps, à vrai dire, il faut plutôt que je fasse attention de ne pas trop bouger pour ne pas déranger Arisu.

« Oui, plusieurs fois même, je réponds en esquivant et en portant un nouveau coup à mon adversaire, le visage concentré, mais jamais à cent pour cent, j’ai jamais eu le courage de faire plus que de suivre l’histoire principale. »

On l’aura remarqué, je ne suis pas très patiente, alors passer mon temps à chercher des objets cachés en bonus, très peu pour moi. Je ne peux réprimer un petit son joyeux une fois le plouc de première catégorie vaincu, même si je me retrouve désormais en train de courser un Simili dans les bois. Super. Dommage qu’on ne puisse pas passer directement à la partie du jeu avec Sora, même si Roxas est de mes personnages préférés, ce prologue n’en demeure pas moins profondément ennuyeux à mes yeux. Et je pense que ça doit se voir à ma mine crispée alors que je commence le combat contre ce satané Simili.

« Comme si le taper avec une batte allait fonctionner…, je lâche en roulant des yeux, tellement ça me paraît absurde. »

Heureusement que la fameuse Keyblade finit enfin par montrer son nez, j’aurais été bien à continuer de taper dans le vide encore pendant plusieurs minutes. Est-il nécessaire de préciser que je suis souvent plongée dans les jeux au point de les commenter en permanence pour passer mes nerfs ? J'en remarque à peine que ma migraine a fini par passer, un comble.

« T'avais pas du travail à faire ?, je demande soudainement, prise d'un doute. »

Je m'en voudrais d'interrompre son labeur, simplement parce qu'il s'inquiéterait que je ne sois pas suffisamment à l'aise, même allongée dans son canapé. Le travail c'est important après tout, c'est bien connu.

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Be Our Guest, Be Our Guest

Oui, bon. Je sais qu’il n’est pas très malin de se comporter comme je le fais avec une personne que je suis supposé détester, mais je n’ai pas pu m’en empêcher. Elle ne se sent pas bien, je trouve ça tout à fait normal de m’en faire et de tenter d’arranger les choses. Dans le fond, même si je m’attire un nombre incroyable d’emmerdes en tout genre, je passe mon temps à essayer de réparer ce que je brise, même si cela semble terriblement compliqué. C’est un peu le cas pour cette grossesse. Je ne peux pas faire disparaître les soucis d’un claquement de doigt, mais je veux faire de mon mieux pour éviter les complications. Si encore on me laissait faire d’habitude, ça serait plus facile. D’ailleurs, que Yun Hua me précise que ce n’était pas obligé, je ne peux m’empêcher de rire un peu. Comme si j’avais besoin d’être obligé pour ça…

Souriant un peu au comportement d’Arisu, je ne peux m’empêcher de sourire un peu plus à la remarque de Yun Hua. Oui, bien sûr, elle s’interpose dans la relation incroyablement passionnelle que j’ai avec mon chat. Enfin, parfois, je me dis quand même que la perte de cette boule de poil me serait tout simplement insupportable, mais je ne suis quand même pas bizarre à ce point, hein. Cela ne m’empêche évidemment pas de sourire au commentaire de mon invitée.

« Ça doit être ça. »

Quelques instants plus tard, je reviens donc avec mon soda que je sirote tranquillement en jetant un œil à l’écran, glissant une question à Yun Hua qui semble avoir choisi de jouer au deuxième jeu. J’ai passé tellement de temps à tourner en rond dans ce jeu, à trouver tous les objets dissimulés, à récolter les différents objets nécessaires à la création des objets mogs et à l’accomplissement des quêtes secondaires. En fait, je crois que je connais le jeu par cœur à force de l’avoir recommencé. Si vous voulez savoir, je fais partie de ces personnes qui n’arrêtent de jouer à un jeu qu’une fois qu’elles l’ont parfaitement terminé, dans toutes ses quêtes, dans tous ses inventaires, totalement, quoi. C’est juste fou.

« Oh, je vois. » Oui, bon, je tente de faire la conversation comme je peux, hein.

Je suis du regard ce qu’il se passe à l’écran, souriant un peu au commentaire qu’elle fait par rapport à l’autre idiot et, alors que je reporte le soda à mes lèvres, sa question m’arrache un léger rire. Du travail ? Le travail c’est un truc de faible, quand même.

« Je l’ai fini. » Commencé-je avant de réfléchir. « Enfin, en grande partie, mais j’aime pas préparer mes cours à l’avance, j’me sens coincé après. »

Enfin, elle a du comprendre que je ne m’organisais pas vraiment lorsque je venais donner mes cours du temps où elle était faussement mon étudiante, non ? En fait, j’ai toujours pris le temps d’expliquer les choses correctement aux étudiants, sauf exceptions, mais je n’ai pas pour autant l’habitude de préparer tout ce que je vais expliquer.

« Au pire, ils se débrouilleront, hein. De toute façon la moitié des étudiants en ont rien à foutre. »

Un soupir m’échappe alors que je me pose dans le fond de ma chaise, poussant un profond soupir alors que mon regard passe sur l’écran de mon ordinateur. Non, vraiment, j’ai mieux à faire, que perdre mon temps à expliquer mille fois des choses à des étudiants qui, demain, me diront encore qu’ils n’avaient aucun mail dans leur boîte. C’est juste l’évidence même, j’ai l’habitude. Du coup voilà, je préfère encore regarder l’écran.

« Tu joues à d’autres jeux comme ça ? »

Je devrais me taire au lieu d’essayer de faire la conversation. Je veux dire, elle s’en fout sûrement de parler de jeux alors qu’elle essaie de progresser dans l’un d’entre eux, non ? Je soupire un peu alors que cette pensée me traverse l’esprit, puis je prends une gorgée de soda, décidant de simplement observer la partie en silence, depuis ma chaise de bureau, ne cessant de me faire des réflexions par rapport au déroulement de sa partie, sans vraiment les exprimer à haute voix, parce que je n’ai pas forcément envie de la vexer. Une pensée me traverse soudain l’esprit et je me tourne vers elle.

« Si t’as besoin de quelque chose, dis-le hein. »

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Be Our Guest, Be Our Guest

Je ne saurais dire combien de temps ma récente – et jusque-là judicieuse – résolution va tenir, mais pour l’instant, je suis décidée à changer de tactique, avant tout dans l’espoir de ne pas réduire mon refuge actuel à néant, et aussi parce que de toute évidence, cela n’apporte jamais rien de bon avec Ryû quand je fais de mon mieux pour essayer de gérer la situation comme une grande, en le tenant un maximum à l’écart. Je dirais qu’au fond, ça m’est bien égal et qu’il peut penser ce qu’il veut, et que je me contrefous royalement du fait de me le mettre à dos avec la liste déjà conséquente de personnes dans ce cas, mais ce serait clairement mentir. S’il y doit y avoir une personne sur terre que je dois essayer de ne pas m’aliéner, autant que ce soit le père de l’enfant qui grandit dans mon ventre, non ? C’est certainement dû aux dernières confidences de ma mère concernant cette période qui a été également assez éprouvante pour elle si j’en crois ses dires, mais le fait est que je n’ai plus la force, ni la volonté, de me battre éternellement avec lui, encore moins pour pouvoir rester seule dans mon coin. Je me suis suffisamment morfondue sous ma couette ces dernières semaines, avoir un contact social, même très limité, m’empêcherait certainement de devenir folle. Et puis je n’ai pas non plus envie qu’il me mette à la porte parce qu’il en aura marre de moi, parce que je sais pertinemment qu’il le fera, envers et contre tout, si jamais il est à bout. Si ce n’est pas moi qui pars la première. Autant faire quelques conciliations pour que la cohabitation se passe bien, du moins correctement. Sans compter qu’avoir l’opportunité de jouer à Kingdom Hearts II est loin d’être la pire des consolations pour se distraire et que la compagnie d’Arisu n’est pas la plus désagréable, tant qu’elle ne me griffe pas.

Cela dit, je dois reconnaître que je suis loin d’être un génie né quand il s’agit de faire la conversation à quelqu’un, encore moins avec des antécédents de tension non négligeables. Disons que me concentrer sur le jeu aide en quelque sorte, parler de cela m’est beaucoup plus facile que de relater mes problèmes personnels. Il suffit de voir combien les piètres tentatives de Roxas pour dégommer un Simili avec une batte m’exaspèrent. A croire que les créateurs ont vraiment pensé que des gens pourraient avoir l’idée saugrenue de jouer au deuxième volet sans être passé par le premier, ce qui est d’autant plus improbable qu’ils ne comprendraient strictement rien à l’histoire. Déjà qu’avec les éléments en tête ce n’est pas chose aisé, je n’ose même pas imaginer si je devais un jour résumer à quelqu’un l’intrigue de Kingdom Hearts. Il me faudrait un certain nombre d’aspirines je suppose.

Cela ne m’empêche pas de questionner Ryû quant au travail qu’il était censé faire tout en finissant par dégommer ce satané Simili comme il se doit. Je n’avais même pas remarqué qu’il avait fini son labeur et je ne peux retenir un petit rire alors qu’il m’explique qu’il n’aime pas tout préparer à l’avance. Il est vrai que je ne l’ai jamais comme certains professeurs qui en venaient à lire les cours qu’ils avaient tapés au mot près, tant mieux d’ailleurs, vu le nombre de fois qu’il a dû reprendre certains détails pour nous les expliquer. Si ça avait été le cas, je crois que j’aurais rapidement été larguée et que j’aurais déclaré forfait – alors que je déteste ça – dès le premier cours, ce qui en soi nous aurait épargné bien des complications. Ou alors il aurait dû me donner des cours particuliers plus tôt, et je ne sais pas si ça aurait été mieux. J’esquisse un sourire désolé en regardant dans sa direction alors qu’il montre, une fois de plus, sa déception quant au manque de motivation de ses troupes, car la cinématique – ô combien ennuyeuse – s’est lancée, me permettant de relâcher un peu mon attention.

« C’est sûr que maintenant que je ne suis plus là, le niveau d’attention de la classe a dû être divisé par deux, je lâche d’un ton moqueur, lâchant un soupir en voyant Roxas et ses amis observer des photos avec fascination. »

Si ça ne tenait qu’à moi, je me passerais volontiers de ce long prologue, limite barbant et décourageant, qui ne sert en soi pas à grand-chose, pour ne pas dire à rien du tout. Des fois qu’on serait devenu amnésique entre les deux opus. Merci monsieur à la capuche noire de poser la question qui tue : pourquoi des Simili volent-ils des photos ? Comme s’ils n’avaient que ça à faire quoi. Heureusement que Ryû est disposé à me parler un peu plus et que ses dires sont loin d’être aussi stupides et insignifiants que certains aspects de cette phase de jeu.

« Oui, un peu, mais il reste mon préféré. Je joue aussi à Devil May Cry et Assassin’s Creed, même si je suis vite nulle quand il s’agit de s’infiltrer avec habileté, j’explique avec une petite grimace en songeant à mes piètres performances pour me faufiler dans un lieu ni vu ni connu, les jeux de bourrin c’est plus mon truc quoi, je conclue en haussant les épaules. »

A mes yeux, Kingdom Hearts est un compromis parfait entre la volonté de vouloir combattre comme il se doit et le souhait d’avoir un univers à explorer, où on ne se perd pas trop quand même, bien que cela me soit arrivé maintes fois dans le monde du Pays des Merveilles du premier jeu. Mais chut, après avoir rêvé des souvenirs de Sora et avoir enfin compris que l’espèce de grande clef de combat s’appelle une « Keyblade », voilà que Roxas n’a rien de mieux à faire que de balancer un bout de bois sur le monsieur en manteau noir. Bravo. Il est encore plus nul pour les rapports sociaux que moi. Profitant de la charmante – et combien mièvre à souhait – scène où ils se mettent à manger des glaces – je crois que les créateurs des jeux avaient un sérieux problème avec les glaces – je tourne de nouveau la tête vers Ryû qui prend de nouveau la parole.

« Ah heu… merci, mais ça va pour l’instant. Si à un moment je te demande des fraises tu me tapes ?, je demande avec une bouille d’ange. »

C’est plus fort que moi, la tentation était trop grande. Reprenant mon sérieux – parce que je vais enfin pouvoir reprendre le contrôle du personnage, youpi – me voilà partie à la découverte de la ville. Pour peu de temps cela dit, puisque ces jeunes gens vivant dans une ville tellement pourrie qu’ils sont obligés de prendre le train pour s’amuser, il me faut gagner des sous en effectuant quelques petits jobs. Oh, j’avais oublié à quel point je haïssais ce passage, mais genre vraiment. Ça se ressent au point que je me prends des murs en skateboard alors que je suis censée délivrer des lettres, que je ne suis pas capable de donner plus de cinq coups d’affilé dans un sac pour qu’il reste en l’air et je parviens à peine péniblement à caser le chariot avec le gros sac dans le garage, en un temps médiocre malgré tout. Mouais. A ce rythme, il va me falloir trois heures pour récolter l’argent désiré et vu mes joues gonflées, je n’y suis pas du tout résolue. Oh mais.

« En fait, j’aurais peut-être besoin de quelque chose, je lance tout à coup, cessant de faire la grimace, tu n’aurais pas des supers dons pour finir ces mini-jeux débiles rapidement par hasard ? Je te fais même de la place sur le canapé si tu es d’accord. »

Joignant le geste à la parole, je replie légèrement les jambes pour dégager un espace à l’autre bout du canapé, veillant néanmoins à ne pas incommoder Arisu, si bien installée sur mon ventre. Cela me dépannerait tellement s’il pouvait être doué en faisant ce passage en un rien de temps.

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Be Our Guest, Be Our Guest

Je ne sais plus exactement d’où l’incroyable idée de converser normalement avec Yun Hua m’est venue, mais je suis plutôt heureux de constater que je me sens bien plus en paix avec moi-même à partir du moment où je ne lui bouffe pas le nez dès que l’on essaie de parler. De plus, lorsque l’effort semble réciproque, les choses ne peuvent qu’aller mieux, non ? Ce n’est pas comme si nous étions dans une situation très ennuyeuse, dont nous ne pouvons pas nous sortir en un claquement de doigt, car il est clair que ce bébé ne peut pas disparaître par la volonté du premier venu. Quoi que l’on fasse, maintenant, ce bébé est là et nous ne pouvons plus vraiment faire demi-tour. En plus, le ventre gonflé de Yun Hua en témoigne plus clairement que jamais et, même avec des artifices, je doute qu’elle puisse vraiment le dissimuler maintenant. En fait, je comprends peut-être mieux pourquoi elle voulait partir en Corée jusqu’au terme, même si cela signifiait qu’elle m’aurait laissé là, sans la moindre nouvelle, ou du moins sans pouvoir être à ses côtés pour l’aider. Ça aurait peut-être été mieux, en vérité, quand je vois à quel point mes réflexions se tournent toutes vers cet enfant qui n’est pas encore né. La crise de la trentaine avec un an de retard, sans doute ?

Dans le fond, ce sont des questions que je ne me suis plus posées depuis que mon histoire avec Hikari s’est terminée soudainement. La famille, le mariage, les enfants. Ce sont toutes des choses que je n’ai plus imaginées depuis longtemps, bien longtemps. Pourtant, tout semble me revenir à l’esprit depuis que Yun Hua est tombée enceinte et que j’ai épousé Mi à Vegas. Certes, ce mariage ne vaut rien aux yeux de bon nombre de personnes, mais il signifie beaucoup de choses à mes yeux. Dans ma folie passagère, après quelques verres d’alcool de trop, j’ai été capable d’admettre que j’aimais une femme. Que je l’aimais suffisamment pour l’épouser. Rien que cette information me perd et, quand je pense à cet enfant qui grandit actuellement en Yun Hua, je ne peux m’empêcher de me demander si, si j’adoptais cet enfant, je serais capable de m’occuper de lui correctement. Je n'ai absolument aucune idée de la façon dont on élève un enfant, mais j’imagine que Roy pourrait m’aider. N’a-t-il pas déjà un fils, après tout ? Je me pose trop de questions, je risque de me faire du mal. Soit.

Les yeux rivés sur l’écran, je suis une fois de plus le début de l’aventure. Une histoire que je connais depuis si longtemps, que j’ai vue et revue, et encore revue. Pourtant, je ne parviens pas à me lasser de ces jeux. L’histoire vidéo ludique de ma vie, si j’ose dire. En fait, la solution, c’est peut-être d’épouser ma console et d’aller vivre au Pérou avec elle ? Je me demande si une loi autorise le mariage entre l’homme et la machine, parce que si c’est le cas je signe tout de suite, après des années de cohabitation agréable. Hm. Je divague. Il faut que je continue de suivre, je risque d’oublier un détail incroyablement croustillant de l’histoire que je n’ai jamais vue, hein. En fait, j’ai beau aimer l’histoire de ce jeu, son intrigue et les aventures qui y sont liées, j’ai toujours eu un mal de chien à supporter les didacticiels. On sait que la putain de touche sert à faire la putain d’action, s’il te plaît, pas besoin de nous l’expliquer à chaque début de partie ! Certes, c’est un plus pour ceux qui n’ont jamais joué aux jeux, mais pour les autres, on devrait pouvoir le passer, non ? Je crois que si je participe à la création d’un jeu, un jour, je ferai de mon mieux pour rendre cette partie du jeu dispensable.

« Hm, il y a toujours cette blonde, là.  » Sur ces mots, un ricanement m’échappe. « Ta grande amie. »

Oh, mes amis, que l’ironie est sensible en cet instant. En même temps, cette étudiante n’est clairement pas là pour écouter mes cours et apprendre des choses sur l’informatique, à en juger par son comportement vulgaire, les tenues qu’elle met pour venir en cours et ses tentatives vaines de participation et d’obtention d’un cours particulier. Un jour, peut-être les étudiants comprendront-ils que je suis un professeur qui tente d’être sérieux dans son travail. Certes, j’ai couché avec Yun Hua et dérapé gravement ce soir-là, mais je ne peux m’empêcher de le regretter depuis que c’est arrivé. Ce n’est pas, après tout, comme si mon but en lui proposant de suivre quelques cours particuliers était de la mettre dans mon lit et de la baiser. J’ai toujours eu beaucoup de mal avec les étudiantes qui affichaient un intérêt un peu trop appuyé pour mon cours, ou du moins lorsqu’il l’était de cette façon, et je n’ai pas changé. Oui, je suis un homme. Oui, je suis quelqu’un de sérieux dans mon travail, ou du moins autant que je le peux. Non, je ne cherche pas à tirer profit de ma position pour m’attirer les faveurs des étudiantes et en faire mon affaire. Les choses ne fonctionnent pas comme ça, quand bien même Royal Shit dit le contraire.

« Oh, ça va, t’as vraiment bon goût en fait. » Tant de sincérité dans un commentaire. Enfin, ma franchise n’est pas neuve, dans le fond.

Tant de volonté de faire la conversation en moi, aussi. Je me reconnais à peine. Dans un sens, j’ai toujours cherché à en savoir plus sur les personnes qui m’entourent, alors je ne m’en fais pas trop ; rien d’anormal dans mon comportement. C’est dans ma nature, j’ai toujours été curieux et j’aime en apprendre plus sur les autres, sans pour autant en dire beaucoup à mon sujet. J’aime écouter les autres raconter leur vie, les connaître un peu mieux. Sans raison. Après, il paraît que les choses que l’on aime et n’aime pas ne sont pas toujours justifiées. Soit. Je me perds à nouveau dans des bêtises sans nom. Je ferais mieux d’arrêter d’être aussi curieux avec elle…

« Des fraises ? Un melon aussi ? » Je ris un peu alors que je m’appuie un peu sur ma chaise, un soupir traversant mes lèvres. « Si tu demandes gentiment, peut-être. »

Très gentiment, même, parce que je suis une créature qu’il faut prendre avec douceur si l’on veut obtenir ce que l’on veut. Ryû Katsura, homme faible que tu es. Je n’ai jamais été un grand amateur de fruits, à vrai dire, mais si elle en souhaite vraiment, je crois que je peux essayer d’en trouver qui n’aient pas des prix trop exorbitants. Enfin, si vraiment elle en veut, mais j’ai comme un doute sur le sérieux de sa question, pour être honnête. En revanche, je ne peux m’empêcher de sourire suite à sa requête soudaine.

« Des supers dons ? Non. » Déclaré-je en prenant pourtant place sur le bout de canapé qu’elle vient de libérer, un sourire éclairant mon visage. « Par contre j’ai des heures d’entraînement.  »

Vous connaissez ce homme qui a passé des heures à faire, et faire, et refaire, et rerefaire ces mini-jeux, ce dans le seul but de parvenir à battre les records du jeu ? Et bien cet homme, c’est moi. Jetant un regard en direction de Yun Hua, je tends la main afin qu’elle me donne la manette, près à lui passer ces mini-jeux plus rapidement qu’elle pourrait le penser. Parfois, faire du leveling et essayer de terminer les jeux au maximum, ça aide quand même pas mal, non ? Après un moment de silence, je reprends la parole pour une question stupide, certes, mais qui fait parfaitement office de conversation pour l’instant.

« Et sinon, niveau série ? Tu regardes des trucs ? »

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Be Our Guest, Be Our Guest

On aura beau dire ce qu'on voudra, il demeure incontestable et immuable que j'ai toujours été l'une des élèves les plus attentives lors des cours de Ryû, alors que je n'étais même pas supposée y assister. Les mauvaises langues pourront colporter tout ce qu'elles veulent sur mon compte, j'ai toujours fait preuve d'un respect presque exemplaire pour le travail des professeurs de cette fichue fac et ce même dans un cours où je n'avais rien à faire, et ce n'était en rien lié aux beaux yeux du brun, malgré ce qu'on pourrait imaginer étant donné les circonstances. La simple évocation de la peste à qui je me ferais actuellement un plaisir monstrueux de déboîter la mâchoire suffit à me faire grincer des dents. Celle-là, étrangement, je ne l'ai pas recroisée depuis l'incident du test de grossesse, à croire qu'elle a deviné que même si l'université toute entière est probablement de son côté, je n'hésiterais pas à lui régler son compte si jamais elle a le malheur de se trouver sur mon chemin. Je me demande presque si en ayant eu vent de la rumeur elle ne redouble pas d'efforts pour attirer l'attention de l'enseignant, mais je ne suis pas assez curieuse ou impolie pour poser la question à ce dernier. Faire cours dans un tel contexte doit déjà être pénible, nul besoin d'évoquer d'autres points négatifs dans le tableau. Je me sentirais presque désolée pour lui. Si seulement j'avais eu la présence d'esprit de ne pas le suivre dans sa folie d'ivresse. Mais bon, s'apitoyer sur notre sort n'aidera pas à régler l'affaire de toute évidence, j'ai essayé pendant des semaines, ça n'a pas marché, alors bon.

En revanche, faire la conversation normalement et sans chercher des noises, cela semble plutôt bien fonctionner pour mettre un semblant de bonne humeur dans ces murs. Je suis même étonnée de le voir réagir si positivement à mes annonces, autant par le fait qu'il approuve mes choix de jeux de référence que par son intention de vouloir me trouver des fraises si je le lui demande comme il se doit. On fête le premier avril en retard cette année ? Franchement, il sait que le coup des fraises était une élucubration dénuée de sens de ma part n'est-ce pas ? Enfin, je crois avoir compris qu'il a saisi l'aspect humoristique de la chose, en revanche, je suis un peu moins certaine qu'il ait conscience du fait que je n'ai en rien l'intention de lui réclamer cela un jour. Je ne reste ici que pour une semaine après tout, je peux bien trouver le courage ultime de me passer de fraises, si jamais j'en ai envie, pour quelques jours, non ? Ou alors il croit vraiment que je suis une sale gamine qui n'a aucune patience pour rien. Ce qui ne m'empêche pas de profiter qu'il soit sur une si bonne lancée de dévouement pour quémander son aide face à mon problème présent, à savoir exécuter ces mini-jeux aussi vite que possible pour passer à la suite de l'histoire. Enfin, du prologue avant l'histoire.

Ravie de le voir accéder à ma requête, je ne peux retenir un « Yosh ! » de victoire, chose plutôt rare chez moi pourtant, lui léguant la manette de bonne grâce. En plus d'avoir une passion terrible pour les jeux vidéo, j'apprécie également le fait de regarder quelqu'un prendre la partie en mains, je suis assez conciliante sur ce point, tant mieux, ma mère aurait été triste de ne pas s'essayer à mes différents jeux, même si je dois reconnaître qu'elle est plutôt mauvaise. D'où le fait que je m'amuse aussi à regarder des Walkthroughs sur Internet à mes heures perdues, notamment quand je ne trouve pas le courage de me mettre à un jeu mais que l'histoire m'intéresse tout de même. Ce qui est souvent le cas ces derniers temps vu que je suis vite fatiguée. Par contre, le fait que Ryû entame une nouvelle conversation sur ce que je regarde à la télévision me surprend quelque peu. Il compte écrire ma  biographie dans peu de temps ? Ou mon portrait ? Ou il a vraiment peur de s'ennuyer ?

« C'est un interrogatoire ?, je demande avec amusement, d'une mine faussement outrée, tu es à court d'idées à ce point sur ce que tu pourrais regarder ? Ah non je sais, tu veux être sûr que le bébé a des gênes de bon goût, c'est ça ? »

Je ne sais pas pourquoi je m'amuse à évoquer cela tout à coup, mais en parler avec plus de légèreté que d'habitude n'est pas un crime, si ? C'est toujours mieux que de dramatiser indéfiniment la chose je pense, comme on dit, mieux vaut en rire qu'en pleurer et au stade où j'en suis, je crois que plaisanter à ce propos ne peut pas me faire de mal. Reprenant mon sérieux, je me mets à caresser doucement le poil d'Arisu, qui se met à ronronner doucement, tout en espérant ne pas avoir causer de malaise particulier par inadvertance. Vite, une réponse.

« Mais sinon oui, je regarde la télé, je suis pas si anormale que cela, monsieur, je reprends avec un rire nerveux, je regarde souvent les dramas qui passent de temps en temps. Si ça t'intéresse, en ce moment je regarde « Sassy, go go ! »… Ah, mais tu ne dois pas connaître, c'est un drama coréen, je précise alors, prenant conscience de ma bêtise. »

Il est vrai qu'il m'arrive fréquemment d'alterner entre les dramas japonais et coréens, si bien qu'à force, je ne distingue pas toujours de quelle nationalité est celui dont je parle à quelqu'un. Non pas que j'en parle souvent d'ailleurs. Ce qui me fait penser qu'en vérité, je regarde beaucoup plus de dramas provenant de mon pays natal, ce qui est largement compréhensible en soi. Sauf que si un jour je veux me débarrasser du micro accent qu'il me reste, il faut bien que je m'y mette un peu.

« Du coup, j'y pense, mais tu n'aurais pas de bon drama japonais en tête ? Genre un récent qui passe en ce moment ou qui est passé il n'y a pas longtemps. Je refuse de savoir ce que tu regardais à l'époque où tu regardais les photos de ma mère, je nuance avec une petite grimace. »

On ne va pas non plus me reprocher cette petite taquinerie, si ? Je préfère tout de même spécifier à mon hôte que je préfère tout de même les séries un peu plus actuelles, ce qui me fait aussi songer que ce pourrait être bien de ne pas me cantonner au Japon ou à la Corée. Ce n'est pas comme mon anglais n'avait rien d'exceptionnel et je devrais peut-être songer à travailler cela aussi à mes heures perdues, ce qui devrait être largement faisable pour les semaines suivantes.

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Be Our Guest, Be Our Guest

Dans ce genre de moments, je réalise qu’enseigner à la RPS n’est peut-être pas aussi désagréable que j’ai toujours voulu le dire. Je prends pas mal de mon temps pour venir en aide à mes étudiants, au lycée comme à l’université, et je mentirais clairement si je disais que c’est un véritable enfer à chaque fois. Ce ne l’est pas vraiment, en réalité. Pourtant, il n’est pas rare de m’entendre me plaindre assez fort de ce job. Je suis sans doute bien plus paradoxal que ce que je voudrais penser. Après, si je pouvais ne pas avoir autant de problèmes avec les étudiants de l’établissement en eux-mêmes, les choses iraient sûrement mieux et je n’aurais pas à me préoccuper de tout ça. Donc pas à m’en plaindre. On devrait me remettre le prix du meilleur professeur, à vrai dire, je suis persuadé qu’on est capable de faire ce genre de choses, non ? Je le mériterais tellement.

À défaut, un prix du meilleur joueur de Kingdom Hearts devrait le faire aussi. Quoi ? Je peux plus rêver, maintenant ? Non, parce que j’ai un peu l’impression d’être jugé, là. C’est de ma faute si j’ai passé des heures dans cet appartement, à jouer à ce putain de jeu, à le refaire encore et encore même si je connaissais l’histoire ? Je crois que je squatte un peu trop mes consoles, à vrai dire, mais j’ai l’impression de parler comme ma mère en disant ça. Elle a toujours pensé que j’y restais trop longtemps. Quand les parents s’inquiètent, malheureusement, on n’y change rien. Enfin, ça ne m’empêche pas d’être adulte, maintenant, hein. Je pense qu’on s’inquiète toujours plus pour nos proches… Et pas que, d’ailleurs.

« Pas vraiment, non. » J’entreprends de vraiment récupérer l’argent dont ont besoin ces idiots, haussant un peu les épaules. « Je suis juste curieux, c’est tout. »

Ah, ma curiosité légendaire, on en parle ? J’ai toujours aimé apprendre de nouvelles choses au sujet de mon entourage, plus largement au sujet des personnes qui croisent mon chemin. Je sais qu’il ne s’agit pas forcément d’une qualité et que certains détestent voir un inconnu chercher à en savoir plus sur eux, mais j’ai comme un doute quant à la possibilité d’y changer quelque chose. Je suppose qu’il faut m’accepter comme ça, un point c’est tout. De toute façon, je n’ai aucune envie de changer, et je doute que quelqu’un soit capable de m’aider. Pourtant, la réponse de Yun Hua m’arrache un léger soupir. Comme si ramener cette histoire au bébé était nécessaire… Il vaut mieux que je me concentre sur le jeu.

« J’en ai aucune idée, franchement. Je regarde rarement la télé, j’suis plutôt du genre DVD et autre bout du monde, tu vois ? »

Je suis une créature des téléchargements et des DVD, certainement pas de la télévision. Puis bon, j’ai toujours accordé plus d’attentions aux séries américaines qu’aux productions locales. Ce qui doit expliquer pourquoi je m’en sors mieux en anglais qu’un bon nombre de locaux. Soit. Internet n’aura jamais fini de me sauver la vie, je pense. Et de la ruiner aussi, mais c’est une autre histoire. Enfin, elle a pas des camarades pour la conseiller à ce niveau ? Ou alors elle leur a aussi dit qu’elle pouvait se démerder sans eux ? Aucune idée. Trop de questions. Je vois même pas pourquoi je me les pose.

Alors que je rumine les différents commentaires qu’elle vient de me faire, je me concentre comme je peux sur la partie et, au bout d’un moment de souffrance vidéo ludique (pas vraiment, mais je fais genre, hein), ma curiosité revient au galop, me poussant à poser la question qui me brûle les lèvres depuis quelques secondes, sans pour autant détacher le regard de l’écran afin de ne pas être trop embêté, ni d’avoir l’air trop concerné.

« Au fait, t’en sais un peu plus sur le bébé ? J’veux dire, son sexe, tout ça. »

Comme si ça changeait vraiment quelque chose, hein ? Je sais que ça ne change rien à la situation, mais vu qu’elle a osé plaisanter au sujet des gênes de ce bébé, j’imagine qu’on peut en parler un peu, non ? Non, en vérité, j’ai simplement envie de savoir ce qu’il en est. Juste pour savoir, quoi, la curiosité, tout ça. Quelle vie. J’aurais tellement plus facile si j’avouais simplement que je veux en savoir plus sur ce qu’il se passe. Ce n’est pas la bonne technique pour garder mes distances et ne plus penser à cet enfant, mais j’imagine que je n’ai pas trop le choix… Pourtant, au bout de quelques micros secondes, je me sens terriblement idiot. Elle doit bien se foutre de ce que je pense de ce bébé, pas vrai ?

« Hm, oublie ça, j’ai rien dit. »

J’aurais du continuer à jouer sans parler, puisque visiblement je suis incapable d’ouvrir la bouche sans prononcer une bêtise sans nom. Si seulement oublier ce bébé était possible également, faire comme si de rien n’était. C’est impossible, malheureusement, et j’ai peur que, doucement, ce besoin d’en savoir plus se renforce et ne me pose un sérieux problème. M’enfin, c’est pas comme si j’en avais déjà des tonnes, hein… Je crois que le mieux pour moi est de me reconcentrer sur cette partie et d’essayer d’imaginer que ce n’est pas de moi que Yun Hua est enceinte. Impossible, encore.

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Be Our Guest, Be Our Guest

On ne va pas se mentir, je n’apprécie pas spontanément les successions de questions en tous genres, même sur des sujets a priori bateau. Sans doute parce que je redoute toujours que fournir la moindre information sur moi à quelqu’un pourrait signer ma perte, même si avec le recul, cela peut paraître un peu farfelu. Autant dire que cela me fait bizarre de discuter de tout et de rien de manière à peu près normale pour une fois, je mériterais presque un prix pour bonne conduite, d’autant plus que le contexte n’est pas particulièrement favorable. Sohlan pourrait être fier de moi, lui qui paraît si intéressé par le cas social que je semble être à ses yeux. Si dans un premier temps c’était par simple volonté d’éviter tout conflit potentiel en essayant de développer une atmosphère à peu près vivable pour cette fameuse semaine, je me surprends à trouver cela presque naturel et divertissant. Constater que j’ai quelques points communs avec Ryû est peut-être rassurant dans le sens où il est possible que nous parvenions à trouver certains terrains d’entente au lieu de créer des conflits en permanence comme à chaque fois. Et pas simplement sur le plan de la nourriture. Peut-être que si je passe mon temps devant la télé à jouer à Kingdom Hearts on pourra cohabiter en paix ?

Evidemment, il ne fallait pas espérer que tout soit parfait et je ne m’attendais pas réellement à ce qu’il soit aussi fan de dramas que je le suis, à bien y réfléchir, non, je ne le vois décidément pas se poster devant son écran pour regarder le dernier épisode de telle ou telle série japonaise qui passe en ce moment. Alors sa réponse ne me surprend pas tellement, tant pis, j’aurais essayé, on ne pourra pas dire que je n’aurais pas fait l’effort de tenter de m’intéresser un peu à la culture japonaise, en dehors des bons petits plats. Ce qui me rappelle que je suis privée de poisson cru, ce qui n’est pas sans me désoler profondément. Encore quelques mois et je pourrais me ruer sur un plateau de sushis comme il se doit. Cela dit, n’empêche pas de piquer ma curiosité sur ce qu’il peut bien se trouver dans sa bibliothèque de DVD mais je suppose que j’aurais l’occasion d’y jeter un coup d’œil au cours des prochains jours. S’il est prêt à aller me chercher des fraises si je suis sage, il pourrait bien m’offrir le luxe de découvrir quelques films ou séries si je ne suis pas trop chiante, non ? Aussi me paraît-il judicieux de le laissant se concentrer sur cette partie – ô combien exécrable et éprouvante – du jeu, non sans surveiller les potentiels mouvements d’Arisu. Sait-on jamais.

Je détourne le regard de la télé pour le fixer, interloquée par sa question, pour le moins inattendue. Je suis bien consciente d’avoir évoqué la première le sujet du bébé, cependant, je ne pensais pas un instant que cela susciterait la moindre réaction de sa part. Je veux dire, bien sûr que je me doute que cela ne lui a pas échappé, mais je pensais qu’il ferait comme si de rien n’était, pour ne pas transformer son appartement en champ de bataille par exemple. Alors oui, je suis carrément surprise et oserais-je le dire, agréablement surprise. Mon cœur se met à tambouriner dans ma poitrine, un peu comme si un poids venait de se décharger de mon corps et je peine à réprimer le léger sourire qui vient orner mes lèvres. Est-ce un signe de trêve officielle ? J’ose espérer le croire. Cela dit, je ne suis pas assez réactive, sans doute parce que je crains de tout foutre en l’air, encore, et je fronce légèrement les sourcils en l’entendant me dire d’oublier cela. Comment pourrais-je ne serait-ce qu’essayer d’oublier, alors qu’il s’agit du bébé qui se trouve actuellement dans mon ventre ? Même Arisu ne semble pas disposée à en faire abstraction à bien y regarder. Tsss.

« Ça me dérange pas, t’as parfaitement le droit de poser des questions, j’énonce en haussant les épaules, pour ce qui est du sexe, non, je ne sais pas, je n’ai pas demandé à savoir. Mais je pourrais le faire la prochaine fois si tu veux… »

Il ne m’est pas venu à l’esprit que ce pourrait être une information utile, surtout si je reste sur ma position initiale, à savoir faire adopter l’enfant. Qu’il s’agisse d’un garçon ou d’une fille ne sera alors pas bien important à mes yeux et de façon générale, je n’y prête pas une grande attention, sans doute parce que je ne me vois définitivement pas devenir maman du jour au lendemain. Même s’il serait grand temps de m’y préparer. En vérité, sa question me rappelle soudainement que je suis supposée prendre rendez-vous cette semaine. Que  ma mère devait m’envoyer un message avec le numéro. Et que mon téléphone est dans mon sac à mains, lequel est resté près de la table de chevet dans la chambre. Oups.

« Ah, je lâche en me pinçant la lèvre, un peu embêtée par la situation, d’ailleurs, ce n’est pas que je veuille interrompre ton périple très intéressant, mais je dois appeler pour mon rendez-vous de cette semaine. J’ai laissé mon téléphone dans mon sac à main dans la chambre…, j’expose en prenant une petite voix et une petite mine désolée. »

Ce n’est pas que je suis incapable de me lever en soi, mais déloger Arisu serait comme commettre un crime contre la communauté féline, non ? Il peut même terminer son labeur avant, je m’en fiche, disons simplement que je préfère l’en informer avant d’oublier, ce serait idiot. D’autant que c’est important, vu que je dois avoir une consultation chaque semaine au vu de mes problèmes de santé, histoire de ne prendre aucun risque. Je mets un peu de temps c’est vrai, mais je finis par avoir la brillante illumination qu’il voudrait peut-être se sentir concerné.

« Je… Si tu veux venir, je peux essayer d’avoir un créneau où tu n’as pas cours, je suggère sans trop savoir comment m’y prendre, non pas que tu sois obligé hein, mais… Juste si ça te dit… »

Je ne m’offusquerais pas si je dois y aller en métro toute seule, là n’est pas la question. J’ai simplement le souvenir qu’il n’avait pas trop apprécié que je décide de tout dans mon coin, alors je pense que c’est peut-être la bonne occasion pour essayer de me rattraper. En priant pour que je ne m’y sois pas une fois de plus prise comme un manche et qu’il se braque.

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Be Our Guest, Be Our Guest

N’étais-je pas censé en vouloir à Yun Hua pour la décision qu’elle avait prise ? Pour avoir décidé de partir en Corée seule, même si c’était pour revoir sa mère, sans me laisser la moindre chance de jouer un rôle durant la grossesse qu’elle doit subir par ma faute ? J’ai parfois l’impression d’être un paradoxe à moi tout seul, incapable de me tenir à mes propres résolutions à moi d’avoir une bonne raison pour cela. En vérité, c’est peut-être tout simplement que sa présence ici change un peu de mes habitudes ; je suis toujours tout seul, avec Arisu qui fait remarquer sa présence de temps à autre, mais qui dort assez souvent. C’est juste différent, ça change de la routine. Quelque part, avoir quelqu’un à qui parler est peut-être plus agréable que je le penserais. Reste à voir si ce climat durera ou pas. Ça m’arrangerait si la semaine pouvait se passer sans énorme accrochage, comme on semble avoir le don de se prendre la tête pour tout et n’importe quoi depuis cette foutue soirée où tout est parti en vrille. Au pire, je la laisserai au salon avec la console plus souvent, ça l’occupera et on ne se prendra pas la tête.

Je tente de progresser dans cette partie assez pénible et inutile du jeu en essayant de ne pas trop penser à la question que j’ai osé poser à Yun Hua. Ce bébé ne doit pas être important, je ne devrais même pas y penser. En fait, je dois agir comme si je n’étais pas le père de ce petit être qui grandit doucement en elle, faire comme si de rien n’était, comme si je me moque tout bonnement du fait qu’elle est enceinte. Sauf que ce n’est pas le cas et que j’en ai de plus en plus conscience. Elle porte un enfant, mon enfant, et je ne peux pas m’empêcher de me poser des questions à ce sujet. Que va-t-il advenir de ce bébé lorsqu’on l’aura fait adopter ? Est-ce que sa famille sera capable de s’en occuper ? Certes, ils risquent d’en être bien plus capables que je ne le serai jamais, mais rien ne me dit qu’il sera heureux, pas vrai ? Non, mon but n’est pas de l’adopter et de lui apprendre à boire, je sais parfaitement que ce n’est pas le genre de choses que l’on fait avec un enfant, mais d’un autre côté je ne peux que m’interroger. Est-ce que j’ai vraiment envie de le laisser partir comme ça, sans avoir essayé ? Adopté ou non, il restera toujours mon enfant, de toute façon.

« Je veux bien… » On vient pas de dire qu’il faut arrêter d’y penser ? « Ça m’intrigue. »

Pourquoi ? J’ai envie d’avoir quelque chose à dire à mon enfant si j’en ai un autre un jour ? Genre, « tu sais, t’aurais pu avoir un grand frère ou une grande sœur, mais il a été adopté parce que j’en voulais pas. » Je me sens encore plus con à cette pensée. Imbécile. Heureusement qu’elle a la merveilleuse idée de me distraire avec une requête à peine formulée. Je fronce un peu les sourcils en me demandant pourquoi elle me déclare la chose d’une telle manière et, après un bref regard jeté en direction du félin qui semble confortablement installé sur son ventre, je souris un peu et décide de me redresser, posant la manette non loin d’elle afin qu’elle puisse la reprendre.

« Je vais le chercher, au pire termine toi, il doit y avoir genre un mini-jeu à faire pour avoir le minimum demandé. »

Ouais, bon, je vais pas aller chercher son sac et en plus faire tout le travail pour elle, hein, je suis pas un pigeon non plus. Enfin presque pas, quoi. Je m’attarde un peu pour caresser le chat qui semble plus qu’heureux à sa place, vu comment il étire ses pattes en ronronnant gracieusement pour témoigner de sa gratitude, et mon regard se pose sur Yun Hua quand j’entends sa proposition. Un moment où je n’ai pas cours ? Euh… Je ne sais pas si c’est vraiment une bonne idée, à vrai dire (on ne va pas se leurrer, je sais même parfaitement qu’elle est terriblement mauvaise, cette idée), mais je finis par hocher la tête avant de me redresser et de m’approcher de l’endroit où j’ai posé mon téléphone, ouvrant l’agenda où je répertorie mes heures de cours avant de l’apporter près de Yun Hua et de lui tendre.

« Mes heures sont notées là-dedans. Pour les heures à l’université, c’est rien : c’est l’avantage d’être prof là-bas. Par contre fais gaffe à celles du lycée. Elles sont en rouge. »

Quelle organisation, mes amis. Faut pas croire, mais lorsqu’il s’agit de mes cours, je suis on ne peut plus sérieux. Certes, les cours de la fac sont parfois un peu bordéliques, mais je manque rarement une classe le reste du temps. Les pauvres, je leur manquerais bien trop. Une fois certain qu’elle ne risque pas de tout effacer de mon emploi du temps (oui parce que ça serait un peu la merde, qu’on se le dise, hein), je me dirige vers la chambre où je dois chercher un moment afin de dénicher le graal que je rapporte à la demoiselle après quelques minutes, reprenant la place que j’ai abandonné un peu plus tôt en jetant un œil à l’écran pour voir ce qu’il s’y passe, reposant distraitement le regard sur Yun Hua.

« T’as une idée de ce que tu voudrais manger ce soir ? »

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Be Our Guest, Be Our Guest

Il est rare que je tienne autant à me racheter auprès de quelqu’un et que je reconnaisse même en quelque sorte mes torts vis-à-vis de quelqu’un. Est-ce parce que je suis plus ou moins contrainte de faire preuve d’un peu plus de maturité car la vie d’un enfant est en jeu ? Ou ai-je finalement appris à me soucier réellement de ce que peuvent ressentir les gens quand je fais tout pour les tenir à l’écart ? Enfin les gens, en soi, Ryû est loin de représenter la totalité de l’humanité en général et je peine à comprendre pourquoi au fond c’est tombé sur lui. Même si j’ai dû venir chez lui sous la contrainte et par le biais d’une ruse de ma mère, rien ne m’oblige à me montrer plus sympathique à son égard que d’ordinaire, je pourrais très bien faire comme s’il n’existait pas et me murer dans ma solitude, comme j’ai toujours si bien su le faire. Alors, pourquoi changer son fusil d’épaule si soudainement ? Est-ce seulement parce qu’il s’est montré compréhensif une fois que j’ai admis que non, je n’allais pas spécialement bien à cause de mon hypertension ? Ou, par miracle, ai-je pris conscience que je préférais l’avoir comme allié plutôt que comme adversaire ? Pire encore, me serais-je finalement décidée à admettre que non, il ne ressemble en rien à mon paternel et n’agira ainsi jamais de la même façon ?

Les choses ont beau évoluer de façon relativement positive, j’ai l’impression que dans ma tête en revanche, c’est un peu le fouillis. J’ignore si c’est le soudain intérêt de Ryû pour l’enfant qui a le don de me m’emmêler les pinceaux – classique pour une étudiante en arts, mon dieu, mon humour est en chute libre – ou bien si cela annonce le retour d’ici quelques minutes d’une migraine, je n’y vois simplement plus très clair. C’est presque plus facile quand j’étais convaincue qu’il me détestait et que ça ne changerait jamais, quoi que je fasse. Et qu’il ne comptait pas intervenir en quoi que ce soit dans les décisions à prendre pour le bébé. Mais voilà qu’il aimerait savoir s’il s’agit d’une fille et d’un garçon, non sans affirmer que cela l’intrigue en me répondant. Je ne vois pas bien pourquoi mais après tout, cela peut se comprendre, enfin si on fait abstraction du contexte chargé bien entendu. Peut-être est-ce tout simplement une manière de rendre cela plus concret dans son esprit ou que cela pique réellement sa curiosité, il s’intéresse bien à ce que je regarde alors c’est probable. En tout cas, je ne vais pas me voiler la face, pour une fois, cela me fait assez plaisir qu’il soit disposé à en parler avec moi, je n’aurais pas pensé que ma petite blague déboucherait sur des préoccupations aussi sérieuses.

A peine ai-je le temps de songer quel mini-jeu j’allais pouvoir lancer – dilemme cornélien par dégoût – qu’une nouvelle surprise pointe le bout de son nez. A vrai dire, je ne suis fixée sur la signification de son hochement de tête qu’au moment où il me tend ce qui semble être un agenda, enfin un genre d'emploi du temps affiché sur l'écran de son téléphone plutôt. Késako ? J’en reste bouche bée. Honnêtement, je sais bien que c’est moi qui ai suggéré l’idée, très maladroitement au passage, mais je ne m’attendais pas à une réaction si spontanée, au mieux, je pensais qu’il m’annoncerait qu’il y réfléchirait. Ouah. Bon, je n’oublie tout de même pas de tenir compte de ses indications, ce serait dommage de devoir lui demander de réexpliquer, surtout pour ce qu’il me reste d’amour propre. Je songe à entourer ce jour en rouge dans mon propre agenda, voire d’y coller des petites étoiles, quelque chose dans le genre. A condition que tout ne finisse pas par s’écrouler sans prévenir. Bon, en attendant, j’ai une bande de branquignoles à aider pour prendre le train et au final, taper dans un énorme sac à ranger dans un garage me paraît être l’option la moins difficile.

Timing parfait, j’ai fini mon court passage de torture à l’instant même où le brun revient dans le salon et me ramène mon précieux téléphone. Il ne me reste plus à souhaiter pour qu’il n’en ait pas profité pour fouiller dans mes affaires, même si je peine à l’imaginer en agent secret digne de ce nom. Comme attendu, ma mère n’a pas manqué de m’envoyer le numéro du gynéco que j’avais égaré dans un autre de mes grands moments de gloire, et quelle surprise, elle s’inquiète de savoir si tout se passe bien. Je serais presque tentée de lui dire que Ryû m’a cloîtrée dans la chambre sans eau ni nourriture et surtout sans ordinateur, mais elle pourrait y croire. Je n’ai pas vraiment envie qu’elle l’appelle pour voir si c’est vrai. Je relève les yeux après lui avoir répondu, suite à la question de mon hôte. Je ne savais pas qu’il était déjà temps de s’inquiéter du dîner, mais pourquoi pas ?

« Hm, voyons voir, qu’est-ce qui pourrait t’embêter le plus…, je déclare en prenant une mine pensive, un couscous ? Non en vrai, je m’en fiche un peu, faut juste éviter les trucs gras et les viandes et poissons crus. »

Autant dire que c’est franchement l’ironie du sort quand on est au Japon et qu’on raffole de sushis et sashimis. Heureusement qu’il existe plein d’autres bons plats avec de la viande cuite et des légumes, sinon je crois que je sombrerais dans une déprime royale. Analysant donc scrupuleusement les horaires de l’enseignant, je compose en même temps le numéro du médecin, enfin de son secrétariat plutôt. L’appel prend à peine une minute, ils sont au courant de ma situation, je n’ai pas besoin de m’étaler sur les détails, même si la secrétaire ne manque pas de me rappeler de bien ramener tous mes résultats d’analyse pour la énième fois. Je vous jure.

« Bon, ça c’est fait, dis-je d’un ton soulagé une fois que j’ai raccroché, j’ai pris le mercredi à dix heures, ça te va ?, je demande en lui tendant son portable pour qu'il le reprenne. »

C’est un peu bête de lui poser la question après l’appel mais je me voyais mal lui demander son avis en faisant patienter mon interlocutrice, même pour quinze secondes. Pour une raison que j’ignore, ils ont toujours l’air extrêmement pressés d’écourter le dialogue. Sur ce, je lance enfin la cinématique pour poursuivre le jeu, ces imbéciles ayant enfin cinq mille munnies pour prendre le train. Non sans une merveilleuse intervention de l’homme à capuche pour contrecarrer ce joli projet, ahlàlà quelle vie.

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Be Our Guest, Be Our Guest

Il est rare que je fasse autant d’efforts afin d’empêcher une catastrophe chez moi. Je fais souvent des conneries, je me prends la tête avec la première personne qui passe dans les trois quarts des cas, mais je n’ai pas vraiment envie de perdre mon temps de cette façon cette fois. Yun Hua a déjà suffisamment de problèmes de santé pour que je vienne la stresser en plus et, sincèrement, j’ai besoin d’une pause, moi aussi. Je ne suis pas un héros, je n’ai pas les nerfs en acier trempé et, doucement, j’essaie de remonter la pente, alors ce n’est clairement pas en essayant de déclencher une petite guerre entre nous que je serai plus heureux. Il faut que les choses se calment, que ma carrière reprenne sont rythme normal et que je recommence à vivre normalement. Comme avant de revoir Hikari. Tout simplement. Parfois, je me dis que j’aurais peut-être mieux fait de ne jamais recroiser son chemin. Après tout, mes problèmes actuels sont tous partis de là et, si je n’avais jamais eu le malheur de l’avoir de nouveau sur ma route, j’aurais pu éviter les plus gros ennuis qui m’arrivent actuellement. Pas d’étudiante ivre chez moi, pas de professeur bourré ingérable, pas de bébé. Je crois que ça serait mieux.

Malheureusement, les choses ne se contrôlent pas comme on indique une action à un ordinateur. Il ne suffit pas d’un cliquer-glisser et d’un vidage de corbeille pour parvenir à effacer les choses qui n’arrivent pas quand elles le devraient. On ne peut pas simplement appuyer sur Contrôle z pour revenir au chapitre précédent mais, à l’instar d’une machine, on a des difficultés à gérer les informations lorsqu’elles arrivent en trop grande quantité. C’est un peu ce qu’il m’est arrivé récemment, à vrai dire. Sauf que je ne suis pas aussi doué qu’un ordinateur pour traiter tout ça et que j’ai rapidement été submergé, bien plus rapidement que cette calculatrice géante qui pourrait être ma femme si elle était vivante. J’ai toujours été bien incapable lorsqu’il était question de mes sentiments et de leur gestion. Comme quoi on ne peut pas être parfait, même en étant beau gosse. Oh, c’est bon hein. Enfin soit, j’aurais préféré être capable de faire tout ça, d’être maître des choses qui m’arrivent comme je suis maître de mes créations. La vie est décidément mal faite.

« Un couscous ? » Sur le moment, ça me fait un peu rire, mais je dois avouer que ça me tenterait un peu, moi aussi. « Je sais pas où trouver ça, mais si tu me trouves une adresse, j’peux aller en chercher. »

Doit bien y avoir ce genre de chose dans les environs, non ? Enfin, au pire, on pourrait commander aussi. Et comme j’ai une putain de flemme, si elle en a vraiment envie, je pense que c’est le mieux. Après, je note dans mon esprit l’information cruciale qu’elle vient de me donner : pas de trucs gras et pas de viandes ou poissons crus. Ok ? Bon, j’aime pas mal les sushis, mais on va éviter de s’attarder là-dessus, de faire la mauvaise tête, de râler encore (eh oui, encore, c’est ma petite passion), et simplement se dire que, au pire, les sushis seront pour la journée, quand je devrai rester à l’école. Faudra que je lui en parle d’ailleurs, quand elle aura raccroché. J’attends sagement qu’elle le fasse et je secoue positivement la tête.

« Ouep, c’est nickel. Par contre, je viens d’y penser, mais les jours où je passe le temps de midi à la fac, il faudra que tu te prépares à manger seule. Ça te pose pas de problème, j’ai cru comprendre ? »

Hello Ryû, t’en as déjà parlé dans la voiture ! Oui bon, je faisais la gueule alors j’ai pas vraiment imprimé ce qu’elle m’a raconté, c’est bon hein. Je reprends mon téléphone et j’entre le rendez-vous à l’heure et à la date qu’elle m’a donnée, réfléchissant un peu.

« On ira avec ma voiture, du coup. »

Ça semble évident, oui, mais je préfère toujours préciser, au cas où. Il est hors de question qu’on sorte comme ça. Enfin, j’ai déjà suffisamment de problèmes pour venir en plus confirmer ce que tout le monde pense tout bas. En plus, j’ignore encore comment la direction de l’université va réagir à la confirmation de la nouvelle, et je pense que je ferais mieux de me préparer moralement, là.

« C’est quand même un début de merde, quand on regarde. Pourquoi tu passes pas les cinématiques ? »

Oui bon, on comprend tout de suite que j’ai tendance à le faire, hein. Mais j’y peux rien si ça me saoule de devoir me retaper l’introduction furieusement relou ! J’adore ce jeu, j’adore cet univers, j’adore tout ce qui touche à Kingdom Hearts, en fait, mais putain de merde ce que le début peut être lourd !

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Be Our Guest, Be Our Guest

Il n’y a pas à dire, en observant les faits, il semblerait que mes souhaits alimentaires aient considérablement été affectés par ma condition actuelle. Entre la vanne des fraises et maintenant celle du couscous, on ne peut pas dire que ce soient des idées d’aliments particulièrement communes, on s’attendrait davantage à des ramens ou des takoyakis, histoire de faire simple. Même si je dois reconnaître que je ne cracherai pas dessus, loin de là, on a bien vu ma réaction devant une assiette de Gyozas, je n’ai pas du tout fait la difficile, pour ne pas affirmer que je me suis littéralement jetée dessus. Mais pour une raison obscure, il faut que je me mette à formuler des idées farfelues qui relèvent certes de la plaisanterie, mais qui ont tout de même eu le loisir de me venir à l’esprit, surtout en présence de quelqu’un avec qui je ne suis pas toujours en bons termes. Ce serait mentir que de dire que je n’ai pas du tout envie d’un couscous pour ce soir, seulement, je me vois mal infliger une telle besogne à mon hôte, qui a déjà eu l’amabilité de me faire à manger, de résoudre une partie épineuse du jeu duquel il a aimablement voulu me laisser disposer et de m’amener mon téléphone sans broncher. On ne va pas exiger la lune non plus.

Pourtant, cela ne paraît pas le déranger le moins du monde et je dois faire preuve d’un self-control hors du commun pour maîtriser mon étonnement alors que la sonnerie du secrétariat retentit contre mon oreille. Je ne m’attendais décidément pas à ce que Ryû se mette en tête de faire tant d’efforts simplement pour moi, je veux dire, au regard des derniers évènements, tout ce que je mériterais ce serait une assiette de pâtes avec un bout de jambon, non ? Il faut croire que dans son esprit cela n’a pas tellement de sens, tout comme le fait qu’il aurait largement pu m’envoyer bouler avec cette histoire de rendez-vous médical. Je pourrais finir par croire qu’il se préoccupe sincèrement de moi et je dois avouer que cette pensée est assez étrange. Ce n’est pas comme si je m’attendais à ce que les gens se montrent amicaux et compréhensifs envers moi d’ordinaire, alors je n’en espérais pas tant de sa part. Qui sait, au bout du compte, on pourrait en venir à ne pas trop se détester, à se tolérer, voire à s’apprécier ? Non, il ne faut pas trop rêver non plus pour le dernier point.

Ravie de voir que l’horaire choisi lui convient parfaitement, je reporte mon attention sur l’écran, pour un laps de temps très court cela dit, puisqu’il aborde ensuite immédiatement la question des repas du midi. Bon timing puisque pour le moment, le jeu ne requiert pas une attention hors du commun pour suivre le court de l’histoire. Que je connais déjà par cœur de surcroît.

« Oui ça ira ne t’en fais pas ! Du moment que le frigo n’est pas vide, je devrais pouvoir trouver de quoi faire, je lui assure en haussant les épaules, qui sait ? Peut-être que si je baigne dans un élan d’altruisme ou d’ennui je préparerais même quelques trucs pour le soir à l’occasion. »

C’est l’avantage d’avoir une mère souvent occupée, c’est qu’au bout d’un moment, on se lasse un peu de voir la nounou toujours préparer à manger et on a envie d’apprendre à faire la cuisine soi-même. Enfin de mon point de vue, disons que je préférais préparer mon assiette pour l’amener ensuite dans ma chambre, devant mon PC sans avoir à dépendre de qui que ce soit. Même si au début, il faut l’avouer, ce n’était pas fameux, mais on ne peut pas être un génie surdoué en tout n’est-ce pas ? Enfin, à supposer qu’on le soit déjà dans quelque chose bien sûr. Je me contente de hocher la tête quand mon interlocuteur déclare qu’il me fera la fleur de prendre sa voiture pour nous amener au rendez-vous. Parfait, cela m’évitera de faire une psychose toutes les cinq minutes dans la rue en me persuadant qu’un des sbires travaillant pour Royal Shit nous suit, au risque de me couvrir de ridicule au passage devant le brun. Je crois que je devrais peut-être faire quelque chose pour calmer mes élans de paranoïa chroniques, enfin du moment que je ne vois pas la moindre personne croisant mon chemin comme un ravisseur potentiel, on peut dire que je ne m’en sors pas trop mal. Enfin je crois.

Alors que je soupire devant une énième scène de dégustation de glace par les protagonistes, voilà que Ryû soulève un point intéressant et non négligeable. Pourquoi est-ce que je m’embête avec toutes ces cinématiques ? Certes, je veux bien reconnaître qu’elles sont assez ennuyeuses, encore plus quand on a déjà fait le jeu et quand bien même, je me souviens parfaitement avoir pesté un nombre de fois incalculables la première fois parce que je tenais à en finir au plus vite. Pourtant, même si cela me semble toujours assez pénible, les regarder ne me dérange pas plus que cela, d’autant que je n’ai rien de mieux à faire.

« Parce que j’ai du temps à tuer ?, je lance en regardant les fragments de souvenir de Sora dans le premier Kingdom Hearts défiler, je ne tiens pas à le finir au plus vite, j’ai une semaine à occuper je te rappelle. Et ce n’est pas si pénible. Ce sont plus les personnages qui sont plutôt stupides en fait. »

Je veux bien croire que Roxas étant amnésique, il ne peut pas deviner qu’il est porteur de la Keyblade qui permet d’éliminer les Sans-Cœur et les Similis et que lui-même est le Simili de Sora, mais zut, nous on le sait et c’est assez lassant de le voir tourner en rond. Surtout quand il est persuadé que la batte l’aidera à combattre de nouveaux Similis lancés à sa poursuite après qu’il a croisé Naminé. Non mais… Il lui manque une dizaine de neurones ou bien ?! Heureusement que sa copine est là pour le lui rappeler. Allez, comme d’habitude, nous voilà sur la superbe plateforme à l’apparence d’une espèce de vitrail et je me résigne toujours à choisir l’épée pour augmenter l’attaque du personnage. Je l’ai déjà dit, je me bats comme un bourrin dans les jeux, on ne s’en étonnera pas. Ce qui doit se sentir sur la manette de jeu quand j’ai – enfin – l’occasion de combattre à nouveau les Similis comme il se doit.

« Tu choisis la manière offensive aussi ou tu as une approche plus stratégique, monsieur le grand connaisseur ? »

Puisqu’on est partis sur la discussion du jeu, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? En plus, comble du bonheur, j’ai obtenu ma première potion, wouhou ! Allez, on est partis pour passer la porte et encore affronter quelques adversaires, quelle joie.

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Be Our Guest, Be Our Guest

Je suis tellement calme que je peine à me reconnaître moi-même. En fait, je suis peut-être tout simplement las de me disputer, de me prendre la tête pour des histoires de colocation alors qu'une vie est en jeu? Ce bébé n'a pas demandé à être là, il n'aurait sans doute jamais du l'être et, malgré moi, j'agis comme un imbécile, incapable de faire autrement. Enfin, j'agissais, puisque j'essaie de faire de mon mieux maintenant. Se disputer n'est pas le meilleur moyen d'arranger la situation, de toute façon, et il n'est plus vraiment possible pour moi de nier la grossesse de Yun Hua, même si l'accepter ne me plaît pas non plus. Elle porte mon bébé. Je suis biologiquement père depuis quelques mois. Et je recommence encore à y penser alors que je me suis promis d'arrêter il n'y a pas cinq minutes; vous y croyez, vous? Pourquoi suis-je aussi con?

« Ça ira alors. » Normalement, j'ai passé outre la phase "mon frigo est plein de bière et il n'y a rien d'autre", alors ça devrait aller. Je hausse ensuite les épaules par rapport à sa mention du repas du soir.  «Si t'es motivée... »

En vérité, je m'en fous pas mal qu'elle fasse à manger ou non. Si c'est comestible, je mangerai, sinon, bah... Sinon bah j'irai au resto du coin et je commanderai quelque chose, tout simplement. Je serai juste un peu saoulé d'avoir du payer deux fois un repas, en quelques sortes, mais ce n'est pas grave hein, c'est la vie. Ce sera jamais pire qu'avoir du repayer ma voiture après l'avoir encastrée dans un putain de feuillu, si vous voulez mon avis.

«Y a moyen de faire tenir le jeu une semaine sans ça. » Réponds-je en un rire. «Fin après c'est clair que si t'aimes pas les quêtes secondaires. »

Par contre, je dois dire qu'elle a quand même raison sur ce point. Entre Roxas l'amnésique qui comprend pas qu'il y a un problème et Sora qui a vraiment pour seul but dans la vie de retrouver son copain gay, ce alors que le monde court à sa perte et que Donald et Dingo semblent vouloir le sauver,  je crois qu'on a beaucoup de choses à dire sur le niveau intellectuel des héros. Et pourtant on continue à y jouer. Encore, toujours. Je trouverais ça presque drôle, en vérité, cette tendance qu'on a à jouer à des choses pas aussi intéressantes qu'elles pourraient l'être, mais je suis moi-même dans cette spirale, alors bon.

En silence, j'observe encore la partie. Ah, je me rappelle aussi de cette putain de salle de l'éveil, dans le un, où j'ai perdu un temps fou à me poser des questions sur la façon dont j'allais configurer mon personnage, genre, choix le plus stratégique de ma vie : coucou, je vais prendre le bouclier et abandonner la magie, parce que je l'utilise juste pour soin et que, si j'ai une bonne défense, je perdrai moins de vie et je n'en aurai pas autant besoin. J'ai quand même réussi à terminer le jeu sans perdre une seule fois de cette manière, on ne juge pas!

«J’sais que j’en ai pas l’air comme ça, mais j’suis plutôt du genre stratégie que fonce dans le tas. » Je ris un peu à ces quelques mots, avant de reprendre. «Enfin, comme y a pas mal de mini-jeux, je passe beaucoup de temps à tourner en rond et à farmer mes niveaux. Les niveaux de fusions, aussi. »

Oh, les niveaux de fusion. Le truc le plus long et chiant à farmer du monde, si vous voulez mon avis. Non, parce que vous vous rappelez de cette condition débile qui fait que vous gagnez un point d’expérience par orbe de flux ramassée ? Il me semble que c’est pour la forme maîtrise, ça. Putain qu’est-ce que j’en avais chié. Comme l’histoire des points récoltés pour la forme souvenance, dans le putain de final mix. Non, genre, il m’avait fallu un moment avant de piger comment faire augmenter son niveau à celle-là !

«T’as déjà joué contre les répliques de l’organisation ? »

Ah, ces petites merdes que j’ai du mettre cinq ans à battre. C’est un peu de la merde, qu’on se l’avoue, hein, mais ça m’éclate tellement. Il y a tellement de choses à faire dans ce jeu que je trouve ça tout simplement fou. Genre, les puzzles, la grotte de la souvenance, ces choses qui n’étaient pas dans la version un et qu’ils avaient si justement ajouté. Comme ces putains de bolets numérotés, là ! J’ai tellement galéré avec ceux de Pirates des Caraïbes. Mais j’ai fini par vaincre, en bon héros que je suis. Ça me donne furieusement envie d’y rejouer, d’ailleurs, mais j’aurai tout le temps de le faire une fois que Yun Hua aura quitté l’appartement et sera rentrée chez elle. Je crois que, de toute façon, il n’y a rien de mieux à faire qu’attendre.

« Plus sérieusement, si tu t’ennuies vraiment, tu peux regarder un film aussi. Genre, les DVD sont là. Tant que tu les griffes pas, ils sont à ta disposition. »

On précise que, même si je suis particulièrement désordonné, habituellement, ils sont triés par ordre alphabétique et en parfait état ? Harry Potter, LOTR, Star Wars, et des séries aussi, beaucoup de séries. En fait, je pense que je passe ma vie à regarder des DVD, lorsque je ne suis pas sur l’ordi, et parfois même dessus, d’ailleurs.

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Be Our Guest, Be Our Guest

Les jeux vidéo ont toujours eu un effet apaisant sur moi, comme une sorte de canalisateur qui me permet d’évacuer tous mes problèmes et, surtout, la frustration qu’ils suscitent quand je me trouve démunie face à eux. Il est fort probable que j’aurais craqué et pété un plomb de nombreuses fois il y a quelques années si je n’avais pas eu le loisir de me réfugier avec une manette dans les mains dans mon petit cocon. On avait souvent eu beau dire que cela ne me rendait que plus asociale et plus curieuse aux yeux des gens, cela ne m’avait jamais vraiment travaillé et ce n’était pas ma faute si à l’époque la compagnie Sora et Riku m’était bien plus agréable que celle de mes camarades de classe, c’est dire. Oui, ils sont idiots, oui des fois je ne trouve aucune logique dans leur façon d’agir, mais au moins, ils sont mignons peu importe la façon dont on voyait les choses. Disons que ça m’aide à positive même quand j’ai l’impression d’avoir touché le fond et en l’occurrence, je ne dois pas en être très loin. Ce n’est pas dans mes habitudes de m’apitoyer sur mon sort et je suis bien décidée à ne rien lâcher malgré les difficultés, il faut cependant reconnaître que je me suis empêtrée dans une belle galère. Je pense qu’après m’être sortie de ce pétrin, je pourrais officiellement me considérer comme une warrior des temps modernes, quand bien même ça peut paraître futile comme Ryû n’avait pas manqué de me le faire remarquer au camp de vacances. Un autre charmant souvenir sur lequel je préférerais ne pas revenir à l’avenir.

Kingdom Hearts a beau me passionner, je ne suis effectivement pas fan des quêtes secondaires du jeu, je me contente de suivre l’intrigue principale, point. Aller voir Winnie et ses amis en parallèle ne m’a jamais effleuré l’esprit, et je préfère offrir la possibilité à la manette du brun de prospérer encore pendant quelques années si vous voyez ce que je veux dire. Il y a suffisamment de passages pénibles dans l’histoire de base pour que je n’aie jamais eu l’idée d’aller en chercher de nouveaux, contrairement à mon hôte si j’ai bien suivi. Alors non, cela ne me pose pas de problème d’avoir un certain nombre de cinématiques à subir, d’autant que de temps à autre, je m’amuse toujours à essayer de repérer quelques détails par-ci par-là, notamment concernant l’identité des deux hommes dans le labo, bien que ce soit vain. J’arque un sourcil suite à la réponse de mon interlocuteur, prônant davantage la stratégie à, je cite, le « fonce dans le tas ». J’aurais bien une réflexion peu subtile et assez sarcastique à lui formuler là tout de suite mais je me retiens, préférant ne pas ruiner ce semblant de climat pacifique. Je dois avouer qu’il a l’air d’avoir passé un temps fou sur ce jeu pour l’histoire des fusions, alors que de mon côté, je me contente du strict minimum pour pouvoir poursuivre l’aventure. Autant dire que je n’ai jamais eu le courage de gagner suffisamment de niveaux pour aller faire un petit coucou à Sephiroth. J’ai essayé une fois, je me suis prise une raclée, j’ai lâché l’affaire, point.  Ce qui explique pourquoi je lâche un petit rire en entendant la question du brun.

« Une fois. C’était pas glorieux, c’était même catastrophique. C’était contre Axel, il m’a presque one-shot en fait… »

Non je n’en suis pas fière c’est certain, je grimace encore à cette idée. C’était vicieux, j’avais réussi à lui mettre un coup critique et ce sale roux a profité de mon élan de joie pour me mettre une raclée. Enfin la réplique de ce sale roux, parce que l’original, je n’avais eu aucun problème à le battre. Il n’en demeure pas moins que son double avait sacrément porté un coup à ma fierté sur l’instant, avant que je ne comprenne que je m’en fichais royalement. Justement, voilà le premier boss qui entre en scène, youpi. J’ai toujours soupçonné certains boss du jeu de souffrir d’une sérieuse épilepsie, sans rire c’est quoi cette façon de bouger ?! Sans grande surprise, j’en viens rapidement à bout, ce qui me laisse ainsi le temps de répondre à la suggestion de Ryû.

« C’est gentil de proposer. Même si je n’y connais strictement rien en séries. Et ne t’en fais pas, j’ai fait mes ongles donc ils ne devraient pas trop griffer. »

On fait ce qu’on peut pour conserver un soupçon d’humour. Allez encore quelques flash-backs et c’est parti pour la compétition de Struggle, on est contents. Quelques combats insignifiants, on ne va pas se mentir et devinez qui apparaît ? Ce sympathique Axel justement, le premier combat à peu près intéressant de la partie. Avant de sombrer de nouveau dans une monotonie interminable où l’apparition de Kairi constitue l’unique point nouveau. Et ils finissent enfin par prendre le train ces abrutis. Pour une ville dont on se contrefout. Quelques petits efforts supplémentaires et ô joie, j’arrive enfin dans ce satané manoir – que je te torche parce que j’en ai assez de tourner en rond – et je peine à contenir un cri de joie en voyant enfin le « Kingdom Hearts » s’affiche sur l’écran. Hallelujah ! Le prologue, c’est fait. Allez, une pause s’impose.

« Putain, je croyais jamais en arriver à bout, je lâche en reposant la manette sur la table, j’en peux plus. Il est quelle heure ? On disait quoi pour le repas déjà ? »

Parce que dans mes souvenirs, ce passage prenait un certain temps tout de même alors j’avoue que j’ai peu perdu la notion à force de m’acharner sur mon idiot de personnage pour qu’il fasse au plus vite. C’est même à se demander comment Arisu a pu vouloir rester si longtemps sur moi, à croire qu’elle a des boules Quies imprégnées et qu’elle n’a pas eu l’idée d’aller se pose ailleurs entre-temps. Un vrai mystère les chats.

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Be Our Guest, Be Our Guest

Ah, Axel. Je crois qu’aucun autre personnage ne m’aura jamais pris la tête autant que lui ; il faut dire que sa réplique est particulièrement coriace comparée à celui que l’on doit vaincre au début du jeu. Cela explique mon rire quand elle m’annonce qu’il l’a pratiquement « one-shot ». Au moins, on parle la même langue par moment, ça fait plaisir à voir. Qui a dit qu’on était parfaitement incapables de s’entendre, hein ?

« Ça sera l’occasion de découvrir. »

Eh oui. Enfin, ça m’étonne quand même, dans un sens ; c’est pas un truc que les jeunes d’aujourd’hui aiment faire, pourtant ? J’sais pas, j’aurais pensé qu’elle regarderait des séries différentes des coréennes et japonaises. J’ai du avoir un peu trop d’espoir, pour le coup. Oui bon, dans tous les cas, elle sait qu’elle peut disposer de ma collection de DVD digne d’une vidéothèque miniature, vu que j’ai pas mal de choses. C’est peut-être fou, mais je suis très attaché aux supports disques. Peut-être parce que je suis plus âgé ? Aucune idée. Je me pose trop de questions, quand même.

« Hm, on a encore un peu de temps avant de manger. » Dis-je en riant un peu. « Bah, tu m’as proposé un couscous, alors je vais voir si y a moyen de s’en procurer ?  »

Ce n’est pas l’idée la plus géniale que j’aie pu avoir de ma vie, mais je n’en ai pas d’autre actuellement. En plus, manger exotique ne peut pas me faire de mal et j’ai un peu de mal à supporter l’idée d’être contraint de faire à manger aujourd’hui encore. Les gyozas, c’était déjà bien alors je pense avoir fait suffisamment d’efforts pour l’instant. Un sourire se glisse sur mon visage alors que je caresse Arisu entre les deux oreilles pour ensuite me redresser et enfoncer les mains dans les poches de mon jeans.

« J’vais te laisser au et m’occuper de ça. Tu m’appelles s’il y a un problème, de toute façon, ok ?  »

Enfin, ça me semble évident, mais il vaut mieux éviter d’imaginer qu’il y aura un problème, ça ne fera que me paniquer inutilement. Quelques instants plus tard, je me dirige donc à l’endroit où j’ai l’habitude de poser ma veste et, prêt à partir, je cherche les clés de ma voiture. Avec un peu de chance, nous parviendrons à survivre à cette semaine comme il se doit ? Je n’ai absolument aucune idée de comment les choses vont se passer, mais je compte faire des efforts pour que tout se déroule pour le mieux, même si j’ai parfois l’impression de n’être qu’un imbécile.

D’ailleurs, en sortant de l’appartement, mon regard se tourne une fois de plus vers la porte de ma voisine alors qu’un soupir m’échappe et que je referme derrière-moi. Je continue à espérer la croiser comme ça ? Il faudrait plutôt que j’aille la voir, un jour, que je provoque le contact, la discussion, mais je crois que je suis trop lâche pour ça.