▹▸▹▸ Camille ne se sentait pas d’humeur aujourd’hui, et la pluie qui tombait dehors n’était pour l’aider à se sentir mieux. En d’autres mots, la soirée se prêtait parfaitement à une petite déprime annuelle.
Elle était affalée sur son canapé sauf que le dessous de ses cuisses reposait contre le siège du sofa et que sa tête pendait à l’envers là où une personne normalement constituée y aurait mis ses pieds. Le sang pouvait bien lui monter à la tête elle s’en fichait pas mal : de toute façon son karma était déjà malfichu. « Je voudrais dédier cette chanson à la femme de ma vie. » Camille appuya sauvagement sur le bouton de la commande et éteignit la radio. « Yah ! On peut même plus écouter de la musique tranquillement ? Dictature de l’amour ! Si t’allais sauver des bébés baleines ou planter des fleurs dans le désert ? » Elle se redressa si rapidement qu’elle perdit l’équilibre et tomba du canapé comme une crêpe au sol. Décidément. L’univers tout entier avait décidé de se liguer contre elle !
Elle resta dans cette position plusieurs minutes et fixa le plafond en silence. On aurait pu croire à une nouvelle forme de méditation, toute empêtrée dans ses couvertures qu’elle était, si elle n’avait pas répondu à son téléphone lorsque celui-ci sonna un peu plus loin sur la table basse. « Hmmm. » C’était Asuna. « Dis... tu sais s’ils sont en rade de bonnes sœurs au Vatican ? Je suis certaine que si je trouve la foi, je leur serai d’une aide précieuse. » Elle n’était pas sérieuse à première vue mais l’idée était séduisante. Heureusement la réaction d’Asuna lui remit les idées en place et la brisa dans son élan mélodramatique en lui arrachant un petit sourire. « Bien sûr que tu peux passer. Tu m’aideras à faire mes bagages, peut-être que dans le pire des cas il recrute encore pour l’armée. Le code de la porte est toujours le même. » Elle raccrocha et alla se servir un verre d’eau à la cuisine. Le ciel était tout gris et de fines gouttes de pluie s’écrasaient contre la grande baie vitrée. Il ne lui manquait qu’un peu de lumières pour se remettre les idées en place. Elle voulait des pensées gaies ! Ses yeux se rouvrirent automatiquement et elle alla poser son verre sur le plan de travail. Elle traîna des pieds jusqu’au canapé et alla s’y aplatir face contre les coussins. Comment voulez-vous qu’elle ait la moindre pensée gaie alors qu’elle venait d’apprendre que ce gars mignon sur lequel elle avait flashé était gay ? Si ni le couvent ni l’armée ne voulaient d’elle, elle irait s’isoler sur Mars.

Dans l’entrée, elle entendit le digicode céder le passage et la porte se refermer derrière le visiteur qu’elle savait être Asuna. Camille alla se planter en plein milieu du salon et ouvrit grand les bras avec une mimique proche de la tête d’un pikachu tout chagriné. Elle la scruta de la tête au pied en attendant plus qu’un câlin réconfortant avant de déballer sa pitoyable histoire – ça allait devenir une habitude après Dakota qui s’était bien payé sa tête juste pour la “sauter” comme on dirait dans le jargon. Et elle repéra instantanément un sac dont elle connaissait bien le forme et elle pointa du doigt : « oh, c’est quoi ? » Tu parles qu’elle savait ce que c’était, ses yeux pétillaient déjà. Mais ce n’était pas plus mal qu’Asuna soit têtue comme une mule pour venir la voir, parce que Camille avait besoin d’un bon coup de pieds aux fesses pour enrayer la production de son soap-mélodrame mal tourné.