TENUE ➤ L'auberge est calme, la plus part des clients dorment en attendant le chant du coq qui annoncera le début de cette nouvelle journée et celle du petit-déjeuner. Dans les cuisines, les employés s'activent à préparer de quoi manger et mettre à disposition des gens. Viennoiseries, pains, gâteaux, beurre, confiture, thé, chocolat, café et ainsi de suite jusqu'à satisfaire tout le monde. Comme à mon habitude, je suis debout avant le levé du soleil, programmé comme une horloge depuis mon plus jeune âge. Je suis lavé, habillé et prêt à débuter ma journée, mais aujourd'hui c'est différent. Je ne serais pas seul à faire mes tâches, Ying Tao sera avec moi. Je dois juste aller le réveiller, bien que cela m'en coûte de le déranger si tôt, alors que l'horizon s'illumine à peine d'une douce lueur matinale. Quittant ma chambre, je vais toquer doucement à la sienne, sans réponse. Peut-être qu'il dort encore, non c'est même sûr. Il a eu une mauvaise journée après l'accident, je suppose qu'il n'a pas quitté son lit depuis que je l'ai laissé hier. Mes doigts sur la poignée, je tourne celle-ci pour entrer dans la pièce, sans un bruit. Il est toujours dans son lit, je m'en doutais. Il doit être crevé, je devrais peut-être le laisser tranquille pour aujourd'hui. Malgré tout, je m'approche de son lit et m'assois au bord, me tournant à moitié vers lui pour toucher ses cheveux, un sourire au coin des lèvres. « Ying Tao ? » L'appelais-je doucement, sans vouloir le brusquer ou le réveiller de force. Je ne veux pas le traîner s'il n'a pas envie de bouger, ce n'est pas mon rôle, surtout pas avec un blessé. D'ailleurs, je sors une boite de médicament de ma poche, la gardant à la main tout en lisant le nom. Ce sont des anti-douleur que j'ai récupéré à l'infirmerie ce matin, ça lui sera sûrement utile. « Le petit-déjeuner ne va pas tarder à être prêt, tu as encore le temps. » Fis-je en déposant la boite sur la table de chevet, puis je me relève de son lit sans même regarder s'il a ouvert les yeux. Je n'ose pas trop le secouer, s'il veut venir avec moi, il me suivra par lui-même.

 TENUE ➤ C’était difficile, cette nuit je n’ai pas réellement réussi à dormir, en fait je ne savais pas à quoi je pouvais penser, à quoi je pouvais rêver, rien ne me venait à l’esprit alors que mes yeux étaient fermés, je tournais en rond, je sentais bon grâce à la douche que j’avais prise avant de dormir, je paraissais propre et neuf d’un point de vue extérieur, malgré mes blessures cachées par les vêtements qu’on m’a prêtés, j’avais de nombreuses plaies et des égratignures aussi, mais je ne me souviens même pas de cette « accident » j’en suis ressorti vivant certes, mais je suis « mort » de l’intérieur... Une coquille vide, quand je suis seul ainsi dans une pièce je me tourmente, je réalise à quel point s'est compliqué, c’est dur de se rappeler, je suis Ying Tao... Mais qui suis-je réellement, j’aimerais le savoir, sauf que c’est sans succès... J’ai faits les cent pas dans la chambre, je regardais par la fenêtre durant des heures, la veilleuse constamment allumée, l’obscurité était aussi effrayante que ma mémoire perdue, je suis comme un gosse perdu sans réponse, sans assurance. C’est lorsque mes yeux se sont fermés tout seul que j’ai pu atteindre un sommeil lourd, écroulé, épuisé, j’ignore l’heure qu’il était, mais le principal c’est que j’ai enfin réussi à fermer les yeux, dormir ne peux me faire que du bien, c’est certain. Le lendemain le son de la porte s’ouvrant me réveiller instantanément, je n’ai pas encore les yeux ouverts, mais le moindre bruit me paraît si proche, comme si à travers ce monde restreint mes sens s’élever malgré tout. Je suis encore fatigué, j’ai mal à la tête et je peine à exécuter le moindre mouvement, mais la voix de Yulian me rassure, comme une berceuse c’est la seule que je reconnaisse, la seule que je connais. Sa caresse me fait du bien, je pourrais rester ainsi un bon moment, c’est apaisant, mais il s’éloigne et mes paupières se relèvent pour le suivre du mouvement... « Ah, attends. » Je ne veux pas rester ici tout seul, je me lève forçant sur mes membres engourdis, je n’ai pas de vêtements à moi, mais je trouve une tenue surement laissée là par mon hôte, l’enfilant je le rejoins. « On va faire quoi ? » Je ne sais pas ce qu’il a prévu aujourd’hui, mais je suis certain qu’il va m’apprendre des tas de choses.

 TENUE ➤ Qu'est-ce que je pense réellement de cette situation ? Un garçon tombé du ciel tel un ange. Suis-je égoïste de vouloir le garder pour moi ? Je le connais à peine mais j'ai la sensation d'être attiré par lui à toujours vouloir l'aider ou à toujours être derrière lui. Je crains qu'à force de lui prêter main forte, je m'attache trop à cet humain et termine par regretter mon attention débordante. ça ne m'empêche pas de venir le réveiller en douceur, glissant mes doigts dans ses cheveux blonds et fins, un faible sourire aux lèvres. Il est beau quand il dort, on ne dirait pas le même garçon qu'hier, celui qui était affolé et hébété, qui ne savait plus qui il était ni d'où il venait. Là, il se contente d'être reposé et loin de ces soucis, plongé dans les songes vaporeux de son esprit endormi. Je lui ai ramené des anti-douleurs, lui indiquant aussi que le petit déjeuner serait bien prêt s'il voulait manger. C'est bien un repas que je néglige jamais pour tenir ma matinée, mais je ne force pas Ying Tao à faire de même. J'allais partir pour le laisser dormir encore un peu quand je l'entends et m'arrête, tournant mes yeux vers lui. Il ne dormait pas ? Cette idée me surprend un peu, j'ignore pourquoi mes joues rosissent de la sorte à l'idée qu'il est pu sentir mes caresses... De toute façon, il ne doit rien comprendre. Ying Tao quitte son lit non sans des grimaces, trouvant des vêtements que je lui avais laissé la veille, au cas où. Dois-je comprendre qu'il m'accompagne ? Un sourire inexplicable se placarde sur mes lèvres et j'hoche doucement ma tête. « Je dois m'occuper des animaux, ce matin. » L'informais-je, me doutant qu'il serait sûrement content de voir à quoi ils ressemblent, mais j'ajoute avant tout chose. « Mais avant, faut qu'on mange. On peut se servir dans la salle à manger et déjeuner dehors ? Je vais te passer une vieille veste. » Pour ne pas qu'il se salisse inutilement, puis ce sont mes vêtements surtout. Je lui souris et lui indique de me suivre, l'amenant dans ma chambre pour récupérer des vestes me servant à bosser à l'extérieur. « Tiens, je te la donne. Elle tient chaud et tu peux la salir aussi. » Comme si ce serait hunger games dehors, mais je ne doute pas que pour une première fois, il s'en mette partout. De la boue, de la terre, de l'eau, tout ça quoi.

 TENUE ➤ Peu importe que je doive recommencer à zéro, bien sûr que c’est difficile, enfin ne rien savoir donne ce sentiment de vide permanent, cette impression d’être toujours en quête d’informations, de mots à mettre sur nos visions, je me retrouve perdue et démunie dans un monde dont je ne sais rien, mais malgré tout j’ai trouvé une main tendue vers moi qui me permet de m’accrocher, trouvant ainsi le courage et la force de me relever même si je dois tomber à plusieurs reprises. Habillé, je veux sortir avec lui, voir ce qu’il fait, faire ce qu’il fait, découvrir comment tourne cet endroit et remplir mon esprit de souvenirs, comblant tous ceux que j’ai perdus. « Des animaux ? » Mes yeux brillent de cette lueur qui montre mon envie de les voir, il m’a parlé des chèvres aussi. Riant assez détendu malgré tout, mon ventre fait un bruit énorme, j’ai l’impression d’avoir toujours faim... Ma main posée dessus je ne peux pas lui dire que je saute le repas, ça serait aller à contresens, je veux manger et rester avec Yulian le reste de la journée, je ne veux pas être seul. « D’Acc ! » Je le suis jusqu’à sa chambre pour qu’il me donne la veste, je l’attrape en la jugeant du regard. « c’est ce que tu mets pour t’occuper des animaux ? » Je risque de poser de nombreuses questions, mais pour comprendre et ne pas rester dans le flou je suis obligé de demander, de mettre des mots, des objets, des vêtements sur chaque situation, comme si je remplissais les cas un à un avec toutes les informations qu’ont me fais parvenir. « Merci ~ » Je l’enfile en le fermant, elle me va bien, en même temps je porte ses vêtements donc toutes ses affaires m’iront autant qu’à lui. « Il y a quoi à manger ? »

 TENUE ➤ Cet endroit porte le nom d'auberge, mais je le vois beaucoup plus comme une ferme. Mes parents ont achetés au fur et à mesure plusieurs sortes d'animaux pour donner un côté authentique. Des chèvres et des vaches pour le lait, des poules pour les oeufs, un âne pour aider dans le potager, des chiens pour veiller sur les bêtes et sur la propriété, des chats pour le plaisir et le réconfort, ainsi que des chevaux. Ceux-ci nous servent pour bon nombre de tâche tel que retourner la terre mais aussi pour les balades et la détente. Il y a tellement de chose à faire ici, Ying Tao serait étonné de voir autant de boulot en un endroit aussi reculé et petit. Je lui ferais découvrir en temps voulu mais pour le moment il faut manger, nous ne pouvons pas commencer une journée sans se mettre quelque chose dans l'estomac et le siens semble bien éveillé à présent. Il est d'accord avec moi, m'arrachant un fin sourire. Au passage, je récupère des vestes pour traîner dehors, dans la terre ou avec les animaux. Il ne risque rien avec ça, ni contre le froid, ni contre la saleté. ça se lave facilement en plus. « Oui, je m'en sers justement que pour ça. » Pour me salir seulement, ça n'a rien d'une veste de costard. Ying Tao se pose énormément de question mais je suis là pour l'aider à y répondre. Même si le sujet est parfois simple et enfantin, ça ne me dérange pas de faire des leçons pour enfant. Un nouveau sourire se peint sur mes lèvres quand il me remercie, ce n'est pas grand chose. D'un signe de main, je lui indique le chemin à suivre en me dirigeant vers la salle à manger. Il m'a demandé ce qu'il y avait à manger mais je l'amène directement devant la grande table où sont déposé les plats. « Ce que tu veux, pain, beurre, confiture, céréales, lait, café, biscuits, gâteaux, chocolat, miel... » Et tant d'autre met, il peut aussi prendre du fromage, de la charcuterie ou qu'importe. Tout se mange à cette heure-ci. Pour ma part, je prend du pain avec du miel et un verre de lait frais. « Tu peux goûter à tout si tu veux, fais-toi plaisir. » Dis-je en lui désignant le banquet.

 TENUE ➤ Je ne faisais pas la différence entre une auberge ou une ferme, de toute façon j’apprenais tout sur le moment, tout ce que j’avais compris c’est qu’il y avait des animaux et que j’étais impatient de les voir, j’avais envie de mettre des images sur les mots que j’ai pu entendre, genre la chèvre déjà, puis j’avais l’impression que j’allais aimais ça, donc ça me motivé davantage. Veste en main je me pose beaucoup de questions, mais c’est normal en même temps et je ne peux les poser qu’à Yulian, je sais qu’il répondra et ne me tournera pas le dos, j’ai besoin de réponses pour avancer, je suis isolé, loin de tout où je n’ai qu’une personne sur qui compter, mon esprit est seulement porté sur ce soutien, ce visage que j’ai vu en ouvrant les yeux. J’ai faim et mon ventre ne se prive pas de le faire remarquer, je me demande ce qu’on peu mangé si tôt le mâtin, en fait c’est étrange parce que je ne me souviens même pas si je mangeais quoique ce soit avant et encore moins ce qu’on peut ou ne peux pas dégusté au réveil, je fais confiance à mon hôte pour ça et je me retrouve bien vite devant une table, un buffet où il y a plusieurs plats, mes yeux naviguent de l’un à l’autre jusqu’au bout, tout me semble délicieux, même si je me demande encore quel gout ont les aliments, je n’ai qu’à gouter pour m’en faire une idée. Je connais déjà le miel, le fromage il me semble, mais je suis intrigué par les gâteaux et les biscuits, puis le chocolat semble être une chose délicieuse, mes yeux s’arrêtent sur chacun d’eux hésite quelque peu. « ok ! » Je ne me fais pas prier pour prendre un peu de tout, ça rassasiera mon estomac et mes connaissances. Le morceau de chocolat me fait briller les pupilles. « C’est bon ! » Je devais aimer ça avant, c’est certain ! « On mange toujours comme ça le matin ? » Je vais être impatient de me lever alors.

 TENUE ➤ Il y a tant de chose à voir ici, à apprendre ou à découvrir. Ying Tao n'est pas au bout de ses peines, il risque de perdre plus de temps à réapprendre les éléments de cet endroit qu'autre chose. Que ce soit les animaux, les objets ou les créations de la nature telle que les plantes ou les fruits légumes. Je pourrais passer des journées à l'extérieur pour lui montrer tout cela, comme quand on apprend à un enfant les trucs de la vie. Mais pour l'instant, faut manger. Il n'est pas en reste quand j'entends son ventre, signe qu'il a autant faim que moi. ça me fait tendrement sourire, tandis que nous prenons le chemin vers la salle à manger où ils exposent les différents plats et boissons. On peut manger de tout, sucré comme salé. Ici, nous ne privons pas les gens de leurs coutumes ou de leurs envies. S'ils veulent manger de la saucisse avec du pain, ils peuvent. Même des oeufs avec du bacon, suffit de demander pour avoir. Je laisse donc Ying Tao examiner le buffet sans dire un mot, sauf pour l'inviter à prendre ce qu'il désire. Cet endroit est un peu comme une part de paradis, nous y faisons ce que nous voulons. Du moins, pour moi qui ait grandi et vécu dans cette auberge, je peux la comparé à quelque chose de surprenant et d'enviable. Même si j'aime tout autant la ville et que celle-ci m'attire à mainte occasion. ça ne semble pas une mince affaire pour lui de choisir, quant à moi je me suis déjà servi un morceau de pain avec du miel tartiné dessus, ainsi qu'un verre de lait que je commence à siroter pendant qu'il se décide. Un petit rire m'échappe quand je le vois se servir un peu partout, manquant de boire de travers. Il aime le chocolat apparemment, pas étonnant. « Oui, tant qu'on a tout ça, on le sert. Certains veulent autre chose, mais nous ne refusons jamais de le faire. » ça arrive qu'il manque, mais on comble toujours les trous. Du coup, je mange sur place, croquant dans ma tartine. « Viens, ce serait mieux de manger à table. » Les tables sont disposés de sorte à faire des longues rangées, ne mettant personne à l'écart. à cette heure-ci, il n'y a pas beaucoup de monde, je peux donc choisir un coin de table vide pour nous deux. Je dépose mon verre après m'être assis sur le banc, lui montrant la place en face de moi. « Tu peux te resservir si tu as envie. » Comme il lui plait.

 TENUE ➤ C’est étrange, les gens autour ne doivent pas se douter une seconde de ce que je vis, du vide dans ma tête, les voir sourires et manger si librement je me sens à la fois jaloux et envieux, j’ignore ce genre de sentiment, mais ça me prends à l’intérieur comme une douleur indescriptible, j’aimerais pouvoir me souvenir pour ne pas ressembler à une coquille vide, mais grâce à Yulian je peux combler doucement les trous de ma mémoire, certes c’est loin d’être énorme, mais petit à petit je redécouvre des choses qui m’ont surement été familières dans le passé, les gouts, les couleurs, la nourriture, même les sensations, celle de la fatigue, de la faim, ça semble idiot mais jusqu’à ce que je puisse les ressentir elles me sont inconnues. Devant le buffet je reste légèrement émerveiller sur le choix, j’ignore quoi prendre, je ne suis pas habitué... Quoiqu’en fait je l’ignore, peut-être que j’avais aussi autant de choix chez moi, j’avais surement aussi des préférences, des choses que j’aimais plus que d'autres, mais ici, aujourd’hui, j’ignore quoi. Je veux gouter chaque aliment, retenir la saveur pour pouvoir classer les choses dans deux colonnes « j’aime » ou « j’aime pas », simplement pour ne plus être indécis et me recréer à travers cet espace sombre et froid. « Je comprends pourquoi les gens viennent ici. »  Enfin je crois comprendre, mais je peux sentir que ce lieu est apaisant et vraiment serviable pour les autres, je ne sais pas encore tout, je vais surement découvrir beaucoup, mais je remercie le ciel d’avoir perdu la mémoire dans cet endroit qui m’a ouvert les bras. Je prends une assiette avec un peu de tour et je le suis jusqu’à un coin de table, m’installant en face de lui le sourire aux lèvres. Je commence à manger en hochant la tête, je pourrais surement faire que ça, manger, manger encore et me gaver de choses et d’autres. Les minutes passent et je termine en regardant le buffer, mais je tapote mon ventre... « Je pense que je mangerai plus tard. » J’ai bien dégusté pour l’instant, je suis surtout curieux de ce qu’on va faire maintenant.

 TENUE ➤ Je ne réalise pas à quel point cela doit être dure pour lui de redécouvrir la vie qu'il connaissait si bien auparavant. Les jours se ressemblent pour moi, je vis à chaque fois la même chose comme une habitude, il m'est difficile d'oublier une sensation, le nom d'un objet, d'un animal ou le visage de quelqu'un que je vois souvent. Comparé à lui qui a subit un burn out total, même s'il sait toujours parler et comprends rapidement. Une chance qu'il n'est pas régressé jusqu'à l'âge primitif, je ne me voyais pas devenir professeur de coréen, ni de chinois. Après l'avoir récupéré dans sa chambre, nous sommes descendu manger au rez-de-chaussée où j'ai dû lui expliquer encore quelques trucs banals. Avoir le choix doit le rendre encore plus hésitant, mais je n'ai pas pensé à ça en l'emmenant ici. D'ailleurs, chaque personne doit se confronter à cette dureté, même si la solution peut paraître simple. Ying Tao n'a qu'à se servir, se faire plaisir ou au contraire, se dégoûter. Il redécouvre la vie et les goûts, autant qu'il en profite tant qu'il est là. « Pourquoi ? » Demandais-je plus pour discuter que pour savoir. Je sais moi aussi pourquoi ils viennent à l'auberge, on se croirait dans un film rien qu'avec le décor et la dégaine des gens, mais c'est davantage plaisant et agréable comme aventure. Le temps de se servir et nous nous installons à une table pour manger, même si je passe plus de temps à l'observer qu'autre chose. Je termine avant lui, vu que j'ai pris moins de chose à manger mais je prends mon temps pour boire mon lait. « Oui, tu as tout le temps pour ça. » Je confirme, nous ne sommes qu'au premier jour après tout. Je récupère son assiette et dépose la mienne dessus avec mon verre, pour les réunir sur une table vide servant à regrouper les couverts sales. Cela fait, je me tourne vers lui et fais un signe de tête vers la porte. « Allons-y ? On commence par nourrir les poules. » Le plus simple en premier, y a juste à préparer des seaux de graine dans la cabane proche de leur enclos, puis de semer le tout parmi les volailles.

 TENUE ➤ Burnout, c’est exactement ça. Mais malgré ça il me reste l’espoir de voir la lumière, de retrouver ma vie, même si à cet instant je ne le vois pas ainsi et que je me trouve déjà chanceux dans mon malheur. Être avec Yulian m’aide à accepter la situation, je peux découvrir de nombreuses choses, l’environnement, les animaux, y a tellement à voir, à apprendre et j’ai l’impression que pendant cette période ici je pourrais me soigner de cette ignorance qui me fait ressemble à un gosse découvrant le monde. Je ne suis ici que depuis hier, j’ai encore du mal à réfléchir, penser clairement et je risque de souffrir encore de cette absence de sentiments, de connaissance, de cette angoisse face à la solitude le soir ou de ce vide dans ma tête, mais d’un autre côté je me sens bien, les repas sont géniaux, je vois des couleurs, découvrent des gouts différents dès le réveil, je peux commencer la journée en me disant que j’ai des choses à faire, même sans savoir encore quoi exactement... L’ambiance est reposante, apaisante, je suis reconnaissant envers les personnes ici et Yulian de m’aider alors que je suis un inconnu, même si j’en suis un aussi à mes yeux c’est étrange de penser ainsi, mais au final je ne me connais pas moi-même, je me crée un rôle, une personnalité sans tenir compte du passé. Je souris à son pourquoi, ça me paraît évident, mais je ne sais pas vraiment comment l’expliquer, montrant seulement la pièce du regard ou le choix de nourriture. « On est bien. » Soufflais-je naturellement, en tout cas c’est mon ressenti actuel et autant dire que c’est dur de ressentir beaucoup de choses quand on est dans une pièce vide intérieurement. Je goute ce qui se trouve dans mon assiette, dégustant en mettant du gout sur le visuel, tentant de m’en souvenir, je ne veux plus rien oublier, ce que j’aime ou non, savoir si j’ai déjà mangé ça ou ça, je veux tout imprégner dans ma mémoire. Il y a de la place. Je termine et me questionne déjà sur la suite quand Yulian me dit qu’on va nourrir les poules ? Les poules ? « Quel nom bizarre. » Ouai, faut pas m’en vouloir...

 TENUE ➤ Quand je pense que ce garçon devait déjà connaître tout cela avant son accident mais qu'aujourd'hui il n'arrive même pas à se souvenir d'une malheureuse chèvre. ça fend le coeur, bien que je ne sois pas à sa place et que je ne peux le prendre en pitié. Je compatis sûrement, je l'aide au mieux, mais je ne veux le prendre pour un pauvre type. Il retrouvera bien sa mémoire un jour ou l'autre, en attendant je m'occupe de lui comme un chiot abandonné, lui offrant l'hospitalité et chaleur nécessaire. Tout est mit en oeuvre pour que les gens se sentent bien ici, Ying Tao ne devrait pas avoir de problème pour être à l'aise. Je ne doute pas de cela, je suis même content qu'il puisse sourire ou bouger après son accident. Nous sommes bien, comme il dit. Je me contente d'étirer mes lèvres tout en terminant de manger, regardant par moment les gens passer dans la pièce ou ceux qui mangent à la table d'à-côté. Oui, tout va bien pour l'instant. Nous ne sommes pas pressé par les événements, ni bousculé par nos tâches. Ying Tao verra ô combien c'est agréable de vivre dans une auberge, malgré le travail à effectuer. Le repas terminé, je débarrasse notre table et lui indique la porte pour sortir en parlant des poules. Il me fait rire, comme si c'était étrange. « Et encore, tu n'as pas vu à quoi ça ressemble. » Rigolais-je en ouvrant le lourd battant pour le laisser sortir en premier. Une fois qu'il est passé, je referme derrière moi et lui fais signe de me suivre le long du mur, pour nous rendre à l'arrière de l'auberge où nous avons tout installé. C'est grand, il y a plusieurs terrains aménagés pour les bêtes, il risque de s'y perdre à vu d'oeil. L'enclos des poules se trouvent directement en premier, avec une cabane collée au grillage. Du doigt, je lui montre les animaux qui picorent le sol en piaillant par moment. « ça, ce sont des poules. Nous les nourrissons aux graines et aux maïs, elles adorent cela. » ça semble simple, mais ce n'est pas si facile, surtout pour entrer dans l'enclos quand elles s'agitent en même temps, mais je suis là pour éviter les désastres.

 TENUE ➤ Bien sûr que c’est frustrant de me dire que je connaissais tout ça et qu’aujourd’hui c’est une découverte pour moi, les animaux, la nourriture, tout devient une première fois, une première saveur, mais même si c’est triste et désolant, ça a tout de même ce petit côté excitant, peut-être parce que justement je ne connais rien et que tout est nouveau, comme une perpétuelle surprise, voir quelque chose qu’on n’a jamais vu, gouter quelque chose qu’on n'a jamais mangé, enfin y a tellement de choses et étrangement j’arrive à mettre de côté le fait que ce soit horrible; grâce à Yulian je trouve le courage d’avancer, je ne le connais pas, tout comme je ne me connais pas, mais le peux que je sais, c’est que sans lui je ne serais pas là à me prendre en main et à accepter cette situation, ça c’est certain. Par contre les noms qui normalement ne me paraîtraient surement pas étranges, me sonnent vraiment... Enfin des poules, ce n'est pas un nom commun, ça me fait presque rire en fait, mais je suis encore plus impatient de les voir du coup et je suis Yulian à l’extérieur, mes yeux sont curieux de tout et se posent sur chaque petit détail, même le plus insignifiant. Au bout de quelques minutes on arrive apparemment devant l’enclos où elles sont et je m’empresse de regarder avant de sourire. « Encore plus bizarre ! » Riant naturellement j’imite des ailes. « Elles volent ? » Bah, j’ai perdu la mémoire donc on me pardonnera mes questions stupides, mais après pourquoi avoir des ailes si ce n’est pas pour voler ? « Il y en a un diffèrent non ? Le marron là » Il semble plus gros et imposant que les autres. « On envoie juste dedans et c’est fini ? » Pour la nourriture bien sûr.

 TENUE ➤ Être avec Ying Tao, c'est un peu comme être avec un enfant qui découvre la vie. Il ne sait rien sur ces choses que je côtoie tous les jours, il ignore les formes, les couleurs ou les odeurs de ces animaux que je mentionne depuis hier. C'est frustrant tout en étant amusant, parce que je me sens vraiment comme avec les enfants vivants aux alentours, ceux qui viennent voir leurs grand-parents ou juste visiter l'endroit. Après notre petit déjeuner, je l'amène directement à l'extérieur et derrière l'auberge, où se situe les enclos et lui montre celui des poules. Il trouve le nom étrange mais il serait étonné de voir à quoi ça ressemble. Un vrai gamin, je rigole en le voyant bouger. « Ah non,  sinon elles s'échapperaient trop facilement. » Et c'est triste de voir un animal en cage, je déteste voir ça. Nos animaux sont tous en liberté, même si c'est entre des barrières pour éviter qu'ils s'enfuient et se blessent. J'ignore pourquoi les poules ont des ailes si ce n'est pour voler, peut-être pour l'esthétique ? « Lui, c'est le coq. Le mâle, c'est celui que tu as dû entendre ce matin. » Répondis-je calmement, j'attrape un seau et le remplie de graine. « On entre dedans, plutôt. Viens, je vais te montrer. » Je lui fais signe de me suivre, débloquant la porte pour entrer en premier et faire passer Ying Tao en seconde, refermant derrière lui. Les poules sont occupés dans leur coin, mais dès qu'un grain atteindra le sol, ce sera la débandade. « Tu es prêt ? Prend une poignée et dépose par terre. » En même temps que je parle, je le fais pour montrer l'exemple. C'est l'instant où les poules gloussent et se précipitent dans nos jambes pour manger les grains. Je fais en sorte d'éloigner les tas de nourriture pour éviter qu'elles se marchent dessus ou qu'on leur marche dessus. « ça va ? Tu t'en sors ? »

 TENUE ➤ Je n’ai pas vraiment conscience d’être comme un enfant parce que justement j’ignore vraiment ce que ça veut dire, tout ce que je sais actuellement c’est que je suis vide, de souvenirs ou de sentiments, de connaissance ou d’intelligence, je suis juste comme un terrain plat sur lequel il faut bâtir des fondations et les fondations commencent à prendre forme doucement grâce à Yulian, peut-être que c’est encore rien du tout, juste un avant-gout, mais pour moi chaque détail, chaque information est un nouveau pas en avant, m’éloignant de ce point de départ apocalyptique et solitaire. Quand il me parle de poule j’ai envie de rire tellement le nom me laisse perplexe, mais je suis encore plus impatient de voir à quoi ça va ressembler et j’avoue qu’à leur vision je ne peux pas m’empêcher de rire et inconsciemment de me moquer d’elles, reproduisant des ailes dans mon dos pour demander si elles sont capables de faire pareil, mais apparemment non, tristesse. « À quoi ça leur sert alors ? » D’ailleurs je viens de me rendre compte que le fait qu’elle puisse « voler » m’est venue naturellement, comme les ailes... On dirait que malgré ma perte de mémoire ma conscience pioches des informations dans ce subconscient que j’ai oublié. « Le coq ? » Je répète ce qu’il dit comme pour m’imprégner des mots.  « Il est cool. » Contrairement au poule, il semble si fier. Je le suis, ne sachant pas trop ce que je dois faire je lui fais entièrement confiance, déjà prêt à agir selon mon occupation. Je me retrouve dans leur enclos, m’accroupissant en espérant qu’une s’approchera, mais non, elles s’éloignent les vilaines... Je regarde Yulian quand il me demande si je suis prêt avant de me redresser pour m’exécuter, prenant une poignée avec le sourire, déposant les graines sur le sol naturellement sans penser à ce qui pourrait arriver même si j’en ai eu l’exemple avec son premier lancé. « Elles sont affamées elles aussi ! » Je ris en restant malgré tout à proximité de l’agitation. « Parfait, t’inquiète pas. » Je gère, même si elles me picorent, je gère ! « Après on doit s’occuper de quoi ? »

 TENUE ➤ Je n'ai jamais été très doué pour la construction de cabane, mais je prends ce rôle de bâtisseur très à coeur. J'ai espoir que Ying Tao ou qu'importe son vrai prénom, reprenne conscience et retrouve sa mémoire oubliée. En attendant, je lui fais découvrir mon monde sans me douter qu'un jour, il pourrait aussi l'oublier. Dans le fond, j'espère aussi qu'il s'en souvienne et revienne me rendre visite de temps en temps, sans connaitre le vrai lui. Il pourrait être un garçon très occupé, riche à ne plus savoir quoi faire de son argent ou tout simplement arrogant, mais tout cela n'entre pas dans mes hypothèses. Il a l'air tellement sympathique que je ne parviens pas à le voir autrement qu'ainsi, gentil et serviable. Quelle gourde, je vous jure. J'en reviens à mon boulot, celui que je tente d'apprendre à Ying Tao sans que cela soit une corvée à ses yeux. Certes, c'est fatiguant mais je le fais toujours de bon coeur. Il me fait rire à imiter la poule, mais je brise tout espoir sur l'utilité des ailes que possèdent les poules. « Elles peuvent voler mais disons que ce serait plutôt équivalent à un gros saut, pour se percher dans les arbres ou ailleurs, à basse altitude. » Mais bon, elles ne pourraient jamais voler haut dans le ciel tel un aigle ou un canard, puis j'ajoute en faisant un ciseau avec mes doigts pour faire semblant de couper mon poignet. « Normalement il faut leur couper une aile pour ne pas qu'elles s'échappent. » Heureusement, nous ne le faisons pas. Je trouve ça cruel de couper une aile à un animal sous prétexte qu'il pourrait « voler » par dessus l'enclos. Le coq a l'allure d'un leader, il est fier et droit, quant à son plumage il est beaucoup majestueux que celui uniforme des poules. Celui possède des reflets bleu vert dans sa partie noire, magnifique. Tout en expliquant les démarches à Ying Tao, je m'exécute à mon tour sans me douter qu'il le ferait en tentant de toucher une poule. « Ne reste pas aussi près! » Ils va se faire mal sinon, mais je ne le force pas à s'éloigner pour autant. Si ça lui plait, autant qu'il profite. « Les chèvres. Il faut les faire sortir de l'étable et les guider dans le champ à côté, puis on fera pareil pour les vaches. » La prochaine fois, je lui montrerais comment les traire. « Ensuite faudra nourrir l'âne et les chevaux, ainsi que les chiens. Ils pourront être brosser ce soir, une fois dans leurs box. » Il y a tellement à faire, sans oublier les plantes à arroser. « Les chiens nous aident à réunir les bêtes pour ne pas qu'elles s'enfuient. » D'ailleurs, en parlant d'eux... J'en vois un gros blanc à poil long attendre devant l'entrée de l'enclos des poules, tout en battant de la queue.

 TENUE ➤ Si les autres ignorent comment j’ai pu être avant l’accident c’est aussi mon cas et autant dire que je ne peux même pas m’imaginer mon caractère, ma vie, ma richesse, mes responsabilités, mes amis, ma famille, tout ça me semble inaccessible à cet instant et je préfère tenter de recréer quelque chose de concret que de simple supposition à m’en blessé et ruiné le moral parce que j’ai tout oublié, une fois seule je le fais déjà bien assez, alors en présence de Yulian je veux mettre de côté les mauvaises ondes, les inquiétudes, les choses qui pèsent lourd et découvrir son monde; peut-être qu’un jour j’aurais de nouveau le mien en mémoire et que je pourrais lui faire découvrir en retour, mais pas aujourd’hui, ce n’est encore qu’un rêve lointain, une pensée tout aussi éphémère que mon passé et mes souvenirs. Je suis curieux un peu sur tout simplement parce que je ne connais pas, quand on veut savoir on demande et c’est ce que je fais, pourquoi les poules ont des ailes si ce n’est pas pour voler ? Quelqu’un a voulu se moquer d’elle c’est pas possible... Enfin je comprends ce qu’il veut dire et garde mon sourire, c’est triste pour elles quand même. « Ça doit être frustrant. » Leur couper une aile ? « C’est horrible. » Je ne me souviens pas que le monde est aussi cruel envers les animaux, petit à petit j’apprends et réalise lentement, mais surement. Je m’amuse avec les poules en les nourrissant sans tenir compte du fait qu’elles bécotent presque ma peau à être si proche. « Je vois. » J’ai tout entendu et je suis tout aussi impatient de passer à la suite, en tout cas c’est une activité qui prend du temps tout en étant amusante et fatigante, de quoi m’occuper l’esprit et puis y a plein de chose à voir et à découvrir, j’ignore même si mon ancien moi a déjà fait un truc pareil, peut-être que oui, peut-être pas, mais je m’amuse en tout cas et ça c’est grâce à Yulian. « Tous les jours tu fais ça ? » Là il m’explique, me montre, mais si c’est le cas on pourra le faire ensemble et je saurais quoi faire, j’apprends vite. Le fait d’avoir la tête vide doit être une bonne chose pour y faire rentrer toutes les informations rapidement. Je vois la bête devant l’enclos, sortant pour m’accroupir devant lui. « Comment il s’appelle ? »

 TENUE ➤ Ce n'est pas plus horrible que son accident et sa perte de mémoire, pourtant il vit avec... Comme les poules. Je ne peux pas lui vouloir de ressentir de la pitié ou de la tristesse pour ces animaux, moi-même je n'aime pas tellement quand elles souffrent, mais ce serait hypocrite de dire que c'est affreux en sachant qu'on les mange quand même. « Ce n'est pas plus horrible que les manger. » Présumais-je sans paraître offusqué ou déplaisant, je ne suis pas le genre de garçon à voir le mal partout, surtout pas dans nos assiettes. Faut pas se mentir, les animaux ont une place bien basse comparé à l'humain. C'est comme ça, nous sommes supérieur à eux et eux, ils ne pigent rien à tout ça. Ying Tao s'amuse avec les poules, me donnant l'opportunité de l'observer en silence, malgré mon conseil précédent. Il ne va pas mourir pour si peu, mais ça ne doit pas être agréable pour les coups de bec. Je termine de disperser les tas de graine un peu partout dans l'enclos, laissant les poules manger en même temps que j'explique le programme à mon nouvel ami. « Oui, quand je ne vais pas la journée en ville. » Là, ce sont mes parents ou d'autres personnes qui s'occupent de tout ça. Je ne suis pas seul dans cette auberge, je le fais simplement parce que ça me plait. Parlant des chiens, l'un d'eux nous attends joyeusement devant la porte de l'enclos, saluant Ying Tao en léchant ses mains. « Pygmalion, mais on le nomme Pyg. » Certains pensent qu'on le surnomme « cochon », mais c'est seulement l'abréviation de son nom. Qu'importe, ça résume la bravoure de cette bête. « C'est un peu le chef de bande, mais il est très gentil. » Dis-je en venant caresser le pelage blanc de l'animal. Il doit être content d'avoir de la compagnie, autre que la mienne. « Tu viens ? Il va nous aider à sortir les chèvres. » Je tends ma main à Ying Tao pour se redresser, pendant que le chien s'éloigne doucement de nous, direction l'étable. « Nous n'avons qu'une dizaine de chèvre, mais évite de rester au milieu quand j'ouvre les portes. » Qu'il ne se fasse pas rentrer dedans, quoi.

 TENUE ➤ Ah, c’est vrai. Peut-être que j’ai oublié qu’on les mangeait et c’est pour ça que je trouve ça horrible, j’ignore un peu tout, mais les bêtes comme ça n’ont pas de chance, elles vivent bien jusqu’à ce qu’on décide de leurs sorts, je me sens assez identique à cet instant, je ne sais pas ce qui va advenir de moi, pour l’instant je suis ici et aidé par Yulian, mais il ne pourra pas le faire pour toujours... Et si je ne retrouvais pas la mémoire ? C’est effrayant de voir les choses de cette façon, certes ils ne vont pas me manger, mais tout ça peut être éphémère, comme mon existence me semble l’être aujourd’hui. Je soupire devant ses pensées quelque peu négative, mais pourtant essentiel, je dois me préparer et me dire que rien n’est acquis, il va falloir que je fasse tout ce que je peux pour devenir autonome et ne pas être un fardeau dans la vie de mon hôte. En ville ? Peut-être que si j’y allais je comprendrais davantage de choses. « Emmène-moi la prochaine fois. » C’était une demande toute simple, un léger sourire sur les lèvres, je ne veux pas rester sans rien faire, peut-être qu’ont me reconnaîtra ? Mais tout ça est vite mis de côté quand je vois le chien devant l’enclos, demande son prénom, il est gros et doux, je m’amuse à le caresser pendant qu’il lèche mes doigts. « Je vois ça » Il n’a pas l’air du tout méchant, de toute façon qu’est-ce que je pourrais lui faire ? Je suis comme un gosse, il doit le sentir aussi. « Ok. » Je me redresse pour le suivre jusqu’à l’étable, hochant la tête affirmativement pour lui répondre, je ne resterai pas au milieu. « C’est grâce à elles que tu fais le fromage c’est ça ? »

 TENUE ➤ C'est cruel de naître pour être exploité ou mangé, sans avoir réellement le choix. Rare sont les poules qui puissent vivre librement, sans une quelconque destiné. Pareil pour les autres animaux de ferme, beaucoup les traitent comme des steaks sur patte, sans se soucier de leurs sentiments. Ils diront que ce ne sont que des bêtes, mais ils ignorent qu'elles peuvent être comme nous. Du moins, c'est ce que je crois moi. Autant que je pense que les fleurs sont vivantes et me comprennent, mais là encore ce n'est que moi et mon imagination. Ying Tao n'a pas à s'en faire, je l'aiderai tant que je peux et autant que je peux. Il n'a pas à se poser trop de question pour le moment, tant qu'il n'a pas retrouvé la mémoire, je ne pourrais le lâcher dans la nature. Parler de la ville n'est pas une super bonne idée, il risque d'être encore plus perdu là-bas. « Tu es sûr ? » J'ai peur pour lui, peur que cela le blesse davantage et que ça ne l'aide pas. Pygmalion semble attirer l'attention de l'asiatique et ainsi, clore le sujet de la ville. Je remercie silencieusement la bête qui s'amuse avec le jeune homme. Je lui explique rapidement ce qu'on va faire et il acquiesce, le chien partant devant tandis qu'on le talonne d'assez près. « Oui, tu as vu juste. » ça me fait sourire, il se souvient de ça. Arrivé à l'étable, j'ouvre la porte principale qui mène à l'intérieur, où se trouve plusieurs autres enclos. D'un côté y a les chèvres, de l'autre les vaches. Nous ne possédons que trois vaches, mais c'est largement suffisant pour notre espace. « Viens, reste derrière moi. Je vais ouvrir et Pyg va les faire sortir jusqu'au près. » Ensuite, nous pourrons ouvrir les vaches et les guider au même endroit. ça paraît simple, mais la situation peut déborder si l'une d'entre elles fait la difficile. Deux autres chiens rejoignent le patou dehors, un australien et un colley.

 TENUE ➤ J’ignore exactement ce que ça représente ou ce que ces bêtes peuvent ressentir, je suis vide et sans réelles capacités pour m’en faire une vision élargie, je suis perdu sans savoir où je mets les pieds, pensant a des choses négatives simplement parce que je ne sais pas ce qu’il va advenir de moi, comme ses poules peut-être que demain je deviendrai inutile, je ne doute pas de Yulian et de son bon cœur à me soutenir dans cette épreuve, mais plus de moi-même. Et si demain ou les jours à venir je me rends compte que je n’ai vraiment de place nulle part, que mes souvenirs son perdu pour toujours, que je n’arrive pas à créer un endroit où être chez moi, je ne sais même pas ce que veux dire être chez soi... Je suis un enfant perdu ou plutôt un adulte . J’ignore mon âge exact, mais ça au moins je peux le deviner... Est-ce qu’on me cherche ? D’ailleurs ai-je des personnes pour me chercher ? Je n’en ai aucune idée et ça devient le bordel, c’est difficile de mettre les choses aux points quand l’esprit est complètement vidé de tout bon sens ou émotions habituelles. Je veux aller en ville avec lui pour savoir si je peux me rappeler, trouver quelqu’un qui me connaîtra, j’ignore si c’est une bonne ou une mauvaise idée, en fait y a-t-il quelque chose comme ça dans ma situation ? Je suis déjà sans rien, qu’ai-je à perdre ? Je n’ai pas vraiment le temps d’être sûr ou non face à sa question que le chien attire mon attention me permettant de mettre de côté ses doutes soudainement apparus. Il y a encore du boulot. « D’acc ! » J’obéis simplement en restant derrière, je découvre donc autant ne pas faire l’idiot. « Et tu les laisses ensuite ? »

 TENUE ➤ Je ne suis pas défaitiste, le « pire » n'existe pas vraiment chez moi. Ying Tao va forcément retrouver ses souvenirs, je ne peux pas penser autrement qu'ainsi. Je vois le bon côté des choses, en attendant que sa mémoire se recharge, il découvre une nouvelle vie. Il fait une autre expérience, un peu comme un stage de sensibilisation et plus tard, tout ira mieux. Je veux croire en la bonne chance et au fait que rien n'est perdu, c'est ça positiver. Ce n'est pas la peine de se prendre la tête ou de se torturer l'esprit, si ça ne doit pas revenir maintenant, ça reviendra plus tard. Autant s'occuper autrement pour l'instant et je suis là pour ça, tel un ange gardien descendu du paradis pour lui venir en aide. Bon, certes, je ne suis pas un ange et je ne viens pas non plus du ciel. On peut pas tout être dans le vie, c'est assez fatiguant d'être un aubergiste fermier. Finalement, je l'amène jusqu'aux chèvres où je ne cesse de parler de mon boulot, rajoutant toujours plus de tâche à faire. Ce sont des dures journées, mais c'est mon train de vie. « Hmhm. » Fis-je avec un hochement de tête positif et pour lui démontrer, j'ouvre la barrière et laisser filer les bêtes qui suivent le chemin, guidés par les chiens. L'étable se vide rapidement et quand je suis certains que la voie est libre, je libère aussi les vaches. « C'est une routine, même elles sont habituées à tout ça. » Faut voir comment les bovins quittent leur espace pour suivre les chèvres, sans aide. Nous faisons tous les jours la même chose, ça peut paraître lassant et ennuyant, mais j'aime ça. « Il reste qu'à nourrir l'âne et les chevaux, et nous pourrons faire autre chose. » Tout en parlant, je quitte l'étable pour me diriger vers un autre « bâtiment » en bois, les boxes. L'âne est déjà dehors, tandis que les boxes sont dans l'enclos des chevaux. Pas besoin de les sortir, ni de les promener, juste les nourrir et leur donner de l'eau. « Ce que j'aime le plus ici, ce ne sont pas les animaux... Mais les fleurs. » C'est venu de nulle part, sans raccord avec la situation mais j'ignore pourquoi j'ai voulu lui dire une telle chose.

 TENUE ➤ Positivé c’est une chose que j’ignore encore, je le fais malgré moi tout comme je doute malgré moi, tout ce que je ressens, vois, entends, apprends et une nouvelle chose, un nouveau sentiment, je dois continuer d’avancer, découvrir de nouvelles choses et me créer des souvenirs pour superposer les anciens oubliés. Je le suis dans chacune de ses tâches, je vois comment ça marche, je retiens et je pourrais l’aider tout les matins, de toute façon s’il ne se lasse pas de moi j’aimerais rester là, en attendant c’est la seule place que je connais et où je veux être. Je regarde les bêtes sortir en l’écoutant sans répondre pour autant, il nous reste encore une tâche à faire, j’ignore de quelle façon il occupe ensuite ses journées, mais je compte sur lui pour me guider, de toute façon je ne peux pas parler de « tuer le temps » car je suis différent, les jours peuvent me paraître aussi longs que courts, mais c’est ma première journée et si je me trouve une occupation peut-être que ça remplira ce « temps » justement. « Tu veux faire quoi ensuite ? » Je ne suis même pas sûr de savoir ce que ce sera quand il me répondra, n’ayant pas la mémoire et les connaissances très développées. Je le suis jusqu’à la prochaine destination, je peux voir les chevaux dans leurs box et mes yeux brillés un peu, sans demander si c’est d’accord ou dangereux je viens caresser la tête d’une des bêtes, c’est étrange. « Ils sont grands. » Sans blague, je ne sais même pas qu’on monte dessus en fait, mais je les trouve imposants et cool ! « Les fleurs ? » Je le regarde curieux par ses paroles. « Ça se mange aussi ? » Je ne sais pas, je demande.

 TENUE ➤ Ce n'est pas moi qui risque de me lasser, mais plutôt lui. C'est une vie fatigante que je mène ici mais les choses sont toujours les mêmes, à quelques exceptions près. Parfois il y a des événements inattendus, parfois c'est différent mais cela est tellement rare qui sera lassé avant de découvrir un nouveau truc. Ying Tao me suit de partout, découvrant peu à peu mon quotidien. Ensuite ? Je l'ignore. C'est à lui de me dire s'il voudrait faire autre chose, mais en même temps je sais qu'il n'est pas capable de réfléchir par lui-même pour le moment. De ce fait, j'hausse vaguement les épaules et secoue légèrement ma tête dans un geste d'incertitude. « Je ne sais pas, on pourrait continuer à s'occuper des animaux ? Ou se promener ? » Ce n'est pas très trépignant de vivre aussi loin de la ville, il n'y a pas grand chose pour s'éclater en dehors de la nature. Si moi je m'amuse d'un rien, pas sûr qu'il soit pareil. Mes pas nous mènent aux box des chevaux et je ne préviens pas de suite Ying Tao, le laissant caresser l'animal. « Tu peux monter dessus, mais ne passe jamais derrière un cheval. » Conseil important, ça peut être dangereux, voir mortel s'il donne un mauvais coup. Le sujet des fleurs n'était pas prévu mais je trouve ça intéressant qu'il le sache, puisque c'est ma passion. « Haha, non ~ Quoi que, certaines sont comestibles et d'autres servent pour les infusions ou les remèdes. » Bon là, ce sont surtout les plantes mais certaines fleurs aussi. Pour lui montrer, je m'accroupis proche d'un piquet formant la barrière de l'enclos pour cueillir une petite fleur jaune et me redresse, la tendant vers lui. « ça, c'est une fleur. Une fleur de pissenlit. » Expliquais-je en faisant tourner la tige entre mes doigts. « Certaines de ce genre sont blanches et se dispersent quand tu souffles dessus. C'est les taraxacums, elles n'ont pas de pétale mais des pappus, une sorte de petite touffe. » Dit comme ça, il ne va sûrement rien comprendre mais c'est amusant de souffler dessus. « Celle-ci a des pétales jaunes. » C'est le genre de fleur qui pousse partout, comme les pâquerettes. « Les tiges de pissenlit sont mangeables, en salade ou en bouillies. » J'en connais un rayon, ça pourrait prendre un temps fou à tout expliquer.

 TENUE ➤ S’occuper des animaux me va très bien et puis comment je pourrais me lasser alors que j’ai l’impression qu’il y a tant à apprendre ! Je ne pense pas pouvoir tout découvrir en quelques jours, même la nature semble vaste, qu’est-ce qu’il s’y trouve, qu’est-ce que je pourrais découvrir, je veux en savoir plus et encore plus, je deviens plus avide face a tout ce que Yulian m’apprends.  « Sérieux ? On peut vraiment leur monter dessus ? » J’imagine comme on doit se sentir grand sur le dos... « Mais ça doit être dur de grimper, ils se laisse faire ? » Je pose des questions qui semblent toujours aussi enfantines, mais je ne peux pas vraiment faire autrement, aussi bête soient elles c’est normal pour quelqu’un qui a tout oublier de questionner sur chaque détails, aussi étrange que cela paraisse. « Je pourrais monter dessus ? » Peut-être pas aujourd’hui, mais je veux essayer quand je comprendrais comment ça fonctionne, continuant de caresser la bête alors qu’il me parle de fleurs, je pense de suite que ça se mange peut-être, faut croire que je devient un vrai gourmand, la première chose que j’ai découvert c’est la nourriture en même temps, après Yulian et mon nouveau prénom.  C’est compliqué de suivre ses paroles, pour moi ses mots sont inconnu au bataillon, mais il me montre une de ses « fleurs » et je regarde en l’écoutant. « C’est jolie. » On en voit plein autour de la ferme, j’ai pu apercevoir des couleurs sur ce genre de fleurs, il doit en exister des tas de différentes.  « Ça a de drôle de nom quand même, je suis pas sûr de tout retenir. » Je dis ça, mais c’est déjà imprégné dans mon esprit, peut-être que j’étais un gars intelligent finalement !  « Et on trouve des taraxacums ici aussi ? »

 TENUE ➤ Un petit rire m'échappe quand il me pose sa question, tel un enfant qui découvre un cheval pour la première fois de sa vie. Techniquement, c'est un peu son cas mais il ne peut pas savoir sans mémoire. Sa remise à zéro est problématique mais je ne m'en inquiète pas pour l'instant, puisque c'est seulement le second jour après son accident. D'ailleurs, il s'en remet physiquement bien mais je ne devrais pas trop le fatiguer à courir à droite ou à gauche. Moins il en fait au début, plus il pourra en faire plus tard. « On les équipe pour ça. Une selle avec des étriers et un licol avec des rênes pour le guider. » Bon, dit comme ça il ne doit rien comprendre. « Je te montrerai plus tard. » Puis comme ça, on pourra se faire une balade dans les environs, y a tellement à découvrir ici. Forêt, prairie, montagne, plaine, champs, route en terre. C'est le paradis de la nature, sans frontière. « Bien sûr. » Je l'envisage, même. Peut-être pas aujourd'hui mais dans le courant de la semaine, si jamais rien ne s'arrange pour lui et qu'il reste à l'auberge. Suite à ça, je lui parle de fleur et lui explique des trucs plutôt compliqué, sauf que je m'emporte toujours sur ce sujet. Le coin de mes lèvres s'étirent et j'hoche seulement la tête. Oui, c'est jolie. Les noms sont compliqués mais généralement, peu les retienne. Pour eux, ce sont juste des fleurs. « Retiens juste que c'est un pissenlit. » Après pour les autres, je lui dirais plus tard. « Oui, sûrement dans un champs à côté. Elles sont blanches et touffus, comme Pyg. » Oui comme le patou. Bon avec le chevaux, on a quasiment perdu deux heures de la matinée, c'est un bon début. « Tu veux faire une petite pause ? » Lui demandais-je en fourrageant dans mes poches pour en sortir des bonbons à la menthe. Je tends ma main vers lui, si jamais il veut se servir.