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« Mmh… oui, oui, je vois. » Son attention était ailleurs. Le visage fermé sur l’écran de son téléphone portable, AeRi plongeait loin de l’atmosphère de la Royal, loin de cette odeur de friture et de cet endroit bruyant. Le nez plongé dans des photos ne mettant rien d’autre en avant que son propre minois, la jeune femme travaillait très sérieusement afin de poster sa prochaine selca sur les réseaux sociaux. Pas moins de deux cent clichés avait été pris pour une même pose, au même moment. Alors comprenez-vous, il été ainsi à présent si difficile de choisir entre tant de prises de ce magnifique visage que la nature lui avait attribué. Son rêve de célébrité se concrétisait petit à petit, elle sentait un début, cette once de lumière au bout du tunnel. Depuis ce fameux photoshoot avec une star du mannequinat, la jeune coréenne gagnait chaque jour quelque admirateur, pour son plus grand plaisir. Et cela accroîtrait son taux de vanité, déjà bien élevé avant tout cela.
« Hein ? Mais oui ! » Le ton de voix légèrement plus élevé de son amie la réveilla soudainement.
« Et alors ? Il s’est passé quoi avec les smarties ? Quelqu’un s’est étouffé ? » Elle jeta un coup d’oeuil à son plateau plein, c’est à peine si elle avait avalé une cuillère de riz et touché au légumes d’accompagnement.
« La fête forraine ? » Ces deux mots résonnaient dans son esprit et gagnaient toute son attention. Elle lâchait enfin son appareil, et se tourna vers son amie. L’air hésitant, elle pencha la tête. L’idée ne lui semblait pas folle, mais l’idée lui semblait plutôt tentante. Sans savoir trop quoi dire, elle laisser encore la parole à sa camarade qui enchaînait. Ses paroles tentait de plus en plus la coréenne, après tout, qu’avait-elle à faire dans un cours
d’analyse d’œuvre ? Pourquoi ne pas s’amuser au soleil pendant que le temps le permettait encore ? Parce que oui, Jang AeRi se persuadait du fait qu’elle n’aurait bientôt plus une vie comme les autres puisqu’elle finirait par devenir une célébrité. Il serait alors difficile pour elle de marcher et sortir librement avec des amis, c’est ce qu’elle pensait.
« Faisons ça ! » Alors oui, après cette certaine réflexion, l’idée lui tentait. Et puis avec Yumiko, elle était sûre de passer un bon moment. Yumiko était presque sa seule amie, ici, au Japon. A vrai dire, la jeune femme n’avait pas tellement de proches et ne connaissait pas tellement la notion « d’amitié ». Mais à son retour au pays du soleil levant, c’est à Yumiko qu’elle avait pensé, et c’est Yumiko qui la retrouvait là, dans les couloirs de l’établissement, les bras grand ouverts et le sourire aux lèvres à la vue de son visage. Au-delà de s’idolâtrer, la coréenne avait la réelle conscience de cette chance qu’était d’avoir Yumiko comme copine. Avec une personnalité aussi forte et aussi inconsciente que la sienne, il n’était pas simple de nouer des liens avec d’autres humains, mais Yumiko avait réussi à s’ouvrir à elle malgré cela. AeRi prenait d’ailleurs de plus en plus soin à ne pas devenir trop imposante et trop ennuyante. Parce que consciente de la réelle gêne qu’elle procurait aux gens à sans cesse parler d’elle, aujourd’hui elle savait faire la part des choses et se contrôler légèrement. Elle travaillait dur sur cela en présence de cette camarade là, parce qu’elle comptait pour elle.
« Je suis venue avec ma voiture aujourd’hui ! Viens on y va ! » Tirant le bras de son amie, elle la guidait en direction de la sortie du restaurant universitaire, sans même faire attention aux plateaux, et sans même prendre de soin de savoir si la japonaise s’était suffisamment rassasiée.
Arrivées sur le parking, l’étudiante entrait fièrement dans sa voiture onéreuse que son paternel lui avait offerte en récompense de son obtention du permis de conduire. L’air se montrait printanier, quelques fleurs réapparaissaient devant les portes de la Royal, et le soleil encore légèrement timide ne tarda à se dévoiler petit à petit. C’était une belle après-midi, une parfaite occasion pour sortir entre copines et faire un break dans cette semaine d’étudiante chargée, (bien que dans son cas, AeRi ne travaillait pas tellement comme une folle -si ce n’était faire la courses aux auditions et cumuler les échecs-).
« C’est la première fois depuis mon retour qu’on sort ! J’espère que t’aimes les sensations Yumi ! » Pointant son doigt en avant, elle pressa la pointe de son pied sur l’accélérateur, profitant d’une longue route sans obstacles. Go !