TENUE ☽ La bibliothèque était un endroit qu’Alak appréciait beaucoup. La vue de tant de livres l’émerveillait et c’était un endroit qui inspirait le savoir et l’intelligence. Le jeune Thaïlandais était avide de connaissances, il s’intéressait à tout. Les cours par correspondance étaient intéressants mais ça n’avait jamais suffi à Alak. Il voulait découvrir des choses différentes que celles que son professeur lui apprenait, du moins, il voulait les apprendre d’une tout autre manière. Par exemple, il aurait bien aimé faire un projet de groupe, passer à la bibliothèque et rechercher toutes les informations qu’il y avait sur le sujet. Il avait une vision assez traditionnelle de la chose puisqu’il n’était pas encore très habitué à utiliser l’ordinateur. Alors lorsque son ami lui proposa de l’aider dans un devoir à faire, il accepta sans tarder. Son japonais n’était pas encore au point mais il voulait absolument essayer. Alak était tellement impatient de faire partie d’un travail de groupe qu’il arriva à la bibliothèque bien plus tôt que l’heure prévue. Son nom n’allait pas apparaitre sur le devoir mais ce n’était qu’un détail pour lui. Ce qui comptait était le fait d’avoir, certes un peu officieusement, participé à un « projet ». Devant le grand batiment, Alak était impressionné par l’endroit. Il faisait froid mais il préférait attendre dehors pour ne pas louper son ami et son groupe. Il avait les mains dans les poches et bougeait de temps en temps pour ne pas avoir trop froid. Heureusement pour le Thaïlandais, ceux qu’il attendait arrivèrent à l’heure. On le traita d’idiot à attendre dans le froid et la seule réponse d’Alak fut un petit sourire. Le quatuor entra sans plus tarder dans le bâtiment et se plaça sur une des tables libres. Il eut un briefing rapide sur ce que chacun était censé faire et c’était parti. Comme Alak ne comprenait pas trop le sujet, il avait pour « mission » de trouver des livres qui étaient en rapport avec l’objet d’étude. Autant les livres en anglais il n’y avait pas de mal à les trouver, autant c’était impossible pour lui de repérer ceux qui étaient en Japonais. Ne voulant pas déranger ses amis, il se dirigea vers un bibliothécaire près du rayon de là où il était. Il était dos à lui et ne voyait pas son visage. « Excusez moi, je cherche le rayon sur l’astronomie. » Il essaya tant bien que mal de bien se faire comprendre en japonais. Mais en regardant plus attentivement la silhouette de la personne devant lui, il avait une sensation de déjà-vue. Rien que de penser à lui, sa main se mettait doucement à trembler. Il attrapa sa main pour stopper en vain les mouvements, c'était impossible de revoir cette personne, pas ici.

OUTFIT ☽ C'était encore une journée de plus, sans rien qui sorte de l'ordinaire, depuis son réveil, si parfaitement strident dès 8h du matin, sortant Nash d'un énième cauchemar, jusqu'à son riz du petit-déjeuné, trop cuit et terriblement pâteux, il ne s'était jamais vanté d'être un cuisinier hors pair, après tout, sa mère avait préparé le moindre de ses repas avant que tout ne tourne au drame, et il avait préféré abandonner le confort de la maison et des plats préparés par papa pour échapper à son regard trop douloureux à ses yeux. Il se retrouvait donc, comme à l'accoutumée, coincé entre deux rayons de sa bibliothèque, réfugié dans le confortable silence des lieux, sa solitude très rarement troublée par quelques instruits qui souhaitaient connaître l'emplacement de certains ouvrages. Ce boulot était étrangement confortable pour le métisse qui n'avait jamais eu l'occasion de véritablement recevoir une formation et avait sans doute reçu une aide divine en trouvant ce job, peut être Dieu avait-il eu pitié de cet agneau qu'il avait abandonné... Toujours était-il qu'il se trouvait en train de ranger les livres lorsqu'un Japonais laborieux valsa jusqu'à ses oreilles, la voix aussi douce que cruelle, glissant en lui un torrent de sentiments contradictoires, son cœur se serrant étrangement, ça ne pouvait pas être lui. « Astronomie ? Il n'y a que des ouvrages en... » Sa voix s'éteint contre ses dents, son regard figé dans celui de ce petit brun qu'il connaissait si bien, qu'il avait eu l'occasion de fréquenter, de connaître, et d'aimer, et qui avait été l'un des acteurs de sa transformation en monstre de foire. Il serre sa main sur le livre qu'il tient, ne sachant pas quelle position adopter, il n'avait qu'une envie : fuir, mais il ne pouvait abandonner son poste puisqu'il était le seul présent dans l'établissement et que sa patronne lui faisait confiance pour fermer le bâtiment, il ne pouvait pas se permettre de perdre ce travail.
« Alak... Tu... n'as pas changé. » Sauf sans doute pour le manque de marques d'amour logées au creux de son cou, Nash avait pris l'habitude de couvrir la nuque du thaïlandais de baiser et autres morsures de sorte à ce que tous se rendent compte que ce petit être occupait déjà la vie de quelqu'un, pas que cela aie suffi cependant. Il baisse le regard, incapable de discerner ses sentiments ; son esprit nage dans un tourbillon de rancoeur, de regrets, d'affection et de passion. Il décide finalement de lui tourner le dos. « Suis moi. Je vais te donner ceux en anglais. » Il a tant de questions à lui poser, tant de mots qu'il souhaite laisser échapper, tant de violence qui éclate en lui, mais son corps ne montre rien, son visage est fermé et il semble être revenu deux ans auparavant, lorsqu'il était encore lui même, lorsqu'il avait le courage de tenir sa main, et la lâcheté de lever la main sur ses traits angéliques.

TENUE ☽ Le bibliothécaire était dos à lui, mais Alak ne pouvait s’empêcher de faire le lien avec la personne qui lui hantait l’esprit. Ils avaient tous les deux cette grande taille, les épaules un peu plus large que la plupart des asiatiques et surtout ces même sensations qu’ils provoquaient en Alak. Le thaïlandais se demandait s’il n’avait pas fait une erreur en allant demander conseil au bibliothécaire, qu’il aurait mieux fait d’aller voir ses amis que d’avoir à nouveau le souvenir de son ex. Il voulait partir avant même qu’on ne lui réponde mais malheureusement pour lui, Alak était bien trop poli pour s’enfuir comme un lache. Alors, il prenait sur lui, attrapant sa main tremblante de son autre main qui n’était pas si différente non plus. Puis le son de la voix du grand brun confirma définitivement sa crainte. S’il avait su que la personne qui se trouvait devant lui était bel et bien Nash, il serait parti avant, comme un lache, comme un fautif, comme une victime. Les tremblements s’étaient propagés de la main jusqu’à son corps entier mais ayant peur que Nash ne le remarque, le garçon essaya de contenir toutes ces réactions involontaires. Ces yeux, sa voix…Il s’était pourtant dit qu’il y ferait un trait dessus pourtant, la réalité est autre. Tout comme les premières fois qu’il l’avait vu, Alak se sentait toujours attiré par tout ça, à la différence qu’il éprouvait maintenant de la peur. Or, la peur est un sentiment qui prime sur tous les autres. C’est ce qui éveille chez les êtres vivants l’instinct de survie. Et la volonté de vivre est souvent bien plus forte que celle d’aimer.

Ce serait mentir s’il disait qu’il ne s’était jamais posé de question sur ce qu’il s’était passé suite à son appel, qu’il n’avait jamais regretté d’avoir dénoncé les violences subites à la police. Alak était toujours submergé d’interrogations mais elles avaient toutes disparu à la vue du bibliothécaire. Il ne savait comment agir, c'est en voyant l'absence de question de la part de Nash qu'il essaya de jouer le jeu. « Toi…non plus Nash… » Cela faisait une éternité qu’il n’avait pas prononcé le prénom qu’il avait, par le passé, tant aimé faire. Le prénom qu’il avait l’habitude de sortir à tout bout de champs sonnait maintenant étrange pour lui. Il avait l’horrible impression de faire quelque chose qu’il ne devrait pas. Sa torture fut atténuée lorsque le bibliothécaire lui tourna le dos. Il n’était pas plus rassuré, mais il n’avait plus à se dire que les yeux de Nash le fixaient. Est-ce qu’il devait le suivre ? Alak hésitait. « Merci. » chuchota-t-il en anglais dans une voix peu confiante, mais signe qu'il allait le suivre. Nash semblait imperturbable, toujours aussi fidèle à lui-même et Alak espérait secrètement d’être comme lui, ignorant qu’il avait sa part de tourmente. A défaut de ne pas avoir de chocolat sous la main, il serrait discrètement le bas de sa veste pour évacuer le stress. Il n’osait pas lui demander s’il allait bien, ni ce qu’il avait fait pendant cette année. Il avait peur de parler à son ex, mais était obligé de parler à son statut de bibliothécaire. « …Est-ce que vous avez des rapports de chercheurs ? »  Alak avait spontanément utilisé l’anglais avec lui. Il n’avait jamais eu de mal à communiquer ensemble, l’anglais était une langue qu’Alak maitrisait parfaitement et c’était la même chose pour Nash. Mais même dans cette langue, le thailandais paraissait aussi hésitant qu’avec le japonais sauf qu’il gardait les craquements de voix au fond de sa gorge et parlait doucement pour ne pas se faire trahir.

OUTFIT ☽ Nash n'avait rien de paisible si ce n'était sa façade, son visage figé dans une expression presque douloureusement indifférente car incapable de savoir quel sentiment devait dicter son langage corporel, créant confusion quant à savoir quel visage il devait afficher devant le jeune artiste. Son propre corps, raidi par la proximité à la fois terriblement dérangeante et apaisante d'un fragment important de son passé, avait du mal à résister tant à l'envie de prendre ses jambes à son cou que de se jeter sur le plus petit pour enlacer son corps comme il avait eu le privilège de le faire par le passé. Mais aucune de ces réactions n'aurait été très maline et moins encore digne d'un adulte en pleine possession de ses moyens ; quoiqu'à 20 ans, Nash se demandait s'il pouvait véritablement être considéré comme un adulte malgré les factures qui tombaient à chaque fin de mois, rendant chaque fois plus dur sa survie en solo. La voix même de l'acrobate n'avait pas changé, glissant un énième couteau dans son cœur en lui affirmant que lui aussi était resté le même, s'il savait... S'il avait la moindre idée à quel point leur rupture l'avait changé, principalement physiquement puisqu'il portait désormais les stigmates de sa punition, imprimés sur sa peau comme pour lui rappeler qu'il n'était rien de moins qu'une sorte de monstre. Il retient admirablement le rire sarcastique qui manque de lui échapper une fois arrivé devant le rayon ciblé, ne voulant pas créer de malaise et prolonger son entrevue malhabile avec le joli brun, évitant surtout ainsi une avalanche de questions sur la raison de ce sarcasme mal placé qui l'aurait sans doute pousser à devoir révéler la vérité qu'il avait tant de mal à accepter lui-même.
Son regard scrute le petit être lorsqu'il se tourne enfin vers lui, décelant sa nervosité dans le moindre recoin de son être, son angoisse, et le remord grandit, en même temps que la colère, alors il a peur de lui ? Il soupire en se détournant vers l'étagère, tirant sur l'échelle amovible pour grimper un ou deux échelons, ses gestes plutôt lents malgré son envie de se sortir de cette situation. « On a pas énormément de trucs. » Il attrape quelques livres qu'il pose sur le rebord du meuble, principalement des livres scientifiques, terriblement ennuyeux et théoriques. Ses yeux parcourent les rayons et il dépose en plus deux archives de revues scientifiques avant de prendre un dernier livre, plus poétique et romancé, pensant qu'il plairait peut être plus à Alak. Mais lorsque son regard tombe à nouveau sur la forme timide et apeurée de celui qu'il avait aimé à en perdre la raison, il sent l'amertume remonter, alors après une relation de cette intensité, tout ce qu'il retenait était les éclats qu'il avait pu avoir. Charmant. Il se sentait lésé, comme s'il était le seul à souffrir de leurs souvenirs heureux, de l'image des yeux du Thaïlandais, brillant de cette lueur spéciale qui n'appartenait qu'à lui. Il redescend donc de son perchoir et se détourne. « Voilà. Si tu as besoin d'autre chose, tout est là. » Il n'a pas envie de faire le premier pas, il souhaite à tout prix garder une image positive de leur relation, et voir l'acrobate dans une telle position lui semble bien trop réel, il n'avait jamais été celui qui affronte la vérité, la réalité, bien trop effrayé de la claque que celle-ci risquait de lui infliger s'il lui tenait tête.

TENUE ☽ Alak avait peur de Nash pour différentes raisons. Il va de soi que la principale cause est qu’il gardait en mémoire les souvenirs éprouvants des moments de colère de son ex. Le Thaïlandais avait une mémoire courte mais il n’était pas prêt d’oublier ce qu’il avait ressenti, physiquement mais aussi mentalement, quand il se faisait frapper par la personne qu’il aimait, de sentir ses sentiments amoureux changer en des sentiments négatifs tels que la peur ou la colère. Il l’avait tellement aimé que la déception était de taille. La chute faisait mal et Alak ne s’était toujours pas remis. Nash était son tout mais aussi son bourreau. Mais il était aussi le sien. C’est lui qui avait appelé la police pour le faire arrêter. L’artiste savait parfaitement que les choses allaient changer en faisant son appel, il a hésité à plusieurs reprises, regrette plus ou moins, mais il l’a fait. Alors il avait peur des représailles qu’il pourrait y avoir. Même si Alak pouvait jurer que Nash n’était pas ce genre de personne  - car le métisse qu’il connaissait n’était pas ainsi -  il était effrayé par l’infime possibilité que cela arrive pour de bon. Après tout, Nash avait fini par utiliser la violence alors qu’il était la seule personne qui lui avait donné autant d’amour. Le thaïlandais aurait aimé détester du fond du cœur son agresseur, sa façon d’être avec Nash aurait été plus simple et il ne serait pas victime de tous ces jugements contraires. L’acrobate ne pouvait être résigné à faire un trait sur le bibliothécaire même s’il efforçait de le faire. C’était impossible de pouvoir le re aimer sans qu’il ne le pardonne mais il ne pouvait l’oublier non plus car même s’il avait de mauvais souvenirs, il en gardait aussi de très bons.

Alak regarda les moindres gestes du plus grand, c’était un mélange entre la crainte et l’envie de poser de nouveau ses yeux sur lui. Nash lui prenait ses livres comme le ferait n’importe quel bibliothécaire. Est-ce qu’Alak attendait quelque chose de plus venant de lui ? Non, pas spécialement. Il se sentait mieux si personne n’évoquait la rupture même s’il pressentait que ça pouvait lui tomber dessus à n’importe quel moment. Finalement c’était une sensation encore pire que s’ils en parlaient. Alak prit les revues dans ses bras, le poids de tous ces livres l’étonna mais il pouvait les porter jusqu’à la table. Il hocha la tête pour lui signalait que c’était tout ce qu’il voulait. Ses amis ne lui avaient demandé que de ramener les livres. Il ne s’y connaissait rien à ce sujet donc il ne pouvait prendre de décisions seul. Il hésita un moment avant de se retourner et sortir du rayon. C’était douloureux de faire comme s’ils étaient de parfaits inconnus alors qu’il lui avait tout donné par le passé. Aucun des deux n’osait faire le premier pas alors ils faisaient tous les deux semblants d’être forts. Cela marchait plus ou moins bien pour Nash car Alak avait l’impression qu’il ne ressentait plus rien pour lui, qu’il était le seul idiot à repenser au passé.

Il retrouva ses amis étudiants et posa les livres sélectionné par Nash sur la table. Il avait retrouvé un sourire pour ne pas se faire questionner sur ce qui lui était arrivé. Il étala un à un les livres et remarqua qu’il y avait un intrus dans le lot. Chose qui ne passa pas inaperçue par son ami qui le taquina de l’avoir pris pour combler son ennuie. Il est vrai que sa place n’était pas du tout indispensable, il était même inutile. Pourtant il avait tellement voulu travailler à la bibliothèque que ça ne le dérangeait pas. Appelez ça une perte de temps mais pour lui, c’était ce genre de petites choses qui le rendait heureux. Il avait gardé soigneusement le livre que lui avait confié Nash près de lui sans l’avoir ouvert une seule fois. Le Thaïlandais était maintenant chargé de faire des photocopies des pages. Il récupéra les deux gros livres étiqueté de post-it et se dirigea vers une photocopieuse. Devant la machine, il n’avait aucune idée de comment cela fonctionner. Il n’avait que très peu d’expérience avec la paperasse.

OUTFIT ☽ D'aussi loin qu'il pouvait se souvenir, Nash avait toujours été celui qui posait les problèmes, celui qui n'hésitait pas à mettre les pieds dans le plat, il avait même parfois été celui qui les inventait, par crainte, par incertitude, par jalousie, les réglant même à l'aide de la force lorsqu'il ne contrôlait plus le torrent d'émotions dont il s'était longtemps cru incapable. Il regarde le jeune acrobate s'éloigner avec la documentation demandée, ne lui accordant pas même le plaisir d'entendre sa voix pour le remercier du service rendu, repoussant une poignée de mèches hors de son visage, faisant de son mieux pour ne pas se remémorer des éclats de rire du plus petit, de ses mouvements envoûtants qu'il n'exerçait que pour le séduire, de sa voix le matin, susurrée au creux de son oreille pour le réveiller, de ses yeux émerveillés lorsque Nash démontrait son amour pour lui. Mais rien n'y fait, et à la pensée que ces moments ne sont plus à lui, qu'il est possible qu'il donne ses jours, ses sourires à quelqu'un d'autre, lui glace le cœur, forçant une autre plaie à se rouvrir, dire qu'il avait fait du si bon travail en pansant cette blessure affective. Il prend quelques instants pour se reprendre, ses yeux courant sur les reliures de diverses formes et couleurs, tâchant de se dire qu'il n'avait plus à le revoir maintenant qu'Alak était au courant qu'il travaillait là, il éviterait sans aucun doute la bibliothèque comme la peste.
Il se décide finalement à sortir du rayon, son corps encore raide, comme si ses muscles ne souhaitaient plus fonctionner de concert avec sa personnalité maintenant qu'il avait retrouvé l'acrobate, comme si chaque jour passé loin de lui avait endormi certaines de ses fonctions motrices et qu'elles se réveillaient douloureusement après leur hasardeuse rencontre. Il ne manque cependant pas de regarder le jeune homme plus loin, planté devant la photocopieuse comme s'il s'agissait d'une machine terriblement compliquée et inventée par le diable. Un léger sourire glisse au coin de sa bouche alors qu'il lève les yeux au ciel en le rejoignant devant ladite machine. S'il devait tout avouer, le service était payant et réservé aux détenteurs de la carte de la bibliothèque, mais il n'avait pas le cœur de faire payer celui qu'il avait tant fait souffrir. Nash est derrière lui en quelques enjambées et tend un bras pour glisser sa carte de bibliothécaire dans la fente réservée à cet effet, non sans en profiter pour inhaler discrètement l'odeur du jeune homme, celle-ci glissant une étrange nostalgie dans le cœur du métisse.
« C'est simple. Regarde. » Il se glisse sur le côté et lui prend doucement le premier livre, l'ouvrant sur le premier post-it pour le poser sur la glace, mettant en marche la machine en deux ou trois pressions habituées sur les boutons de la machine. « Tu as besoin de plusieurs copies ? » Il se doutait que l'étude des astres n'était pas une passion soudaine qu'il venait de se découvrir et qu'il devait sûrement faire des recherches pour d'autres personnes, d'où la possible nécessité de plusieurs exemplaires. Nash tente de se focaliser sur la photocopieuse afin de ne pas avoir à le regarder, juste pour ne pas revoir la douleur et la peur au creux de ses iris, terriblement peu immunisé à leur douce couleur d'incompréhension. Sans qu'il ne l'avoue, son cœur s'est glissé dans sa gorge, et il ne maîtrise toujours pas ce mélange de sentiments qui gronde au fond de lui, alors, pour ne pas effrayer d'avantage celui qui avait partagé ses jours et ses nuits auparavant, il se contente de proposer cette image sage et calme, raisonnable, de lui. Même s'il était tout sauf raisonnable.

TENUE ☽ Alak ne comprenait pas comment cette machine fonctionnait. Il était parti confiant mais en se retrouvant devant l’imprimante, cette confiance s’envola en un clin d’œil. Il analysa plusieurs fois la forme de l’objet sans succès. Au cirque, il n’avait pas besoin d’aller faire des photocopies, il ne s’occupait pas de l’aspect administratif, il n’avait été formé que pour ses numéros. Pendant qu’il était en train de se battre mentalement avec la machine, il vit une carte s’insérée dans le lecteur associé à l’imprimante. Alak tourna la tête et remarqua Nash. Il sentit son cœur s’accélérer d’un coup. Il était si séduisant, si charmant que c’était difficile pour la thaïlandais de rester indifférent. C’était sûr, son cœur battait encore pour lui mais son cerveau lui disait de fuir. C’était cette contradiction qui empêchait le brun de savoir comment se comporter avec lui. Il ne pouvait retourner à Nash et ce, même s’il en mourrait certainement d’envie. Mais le thaïlandais était persuadé qu’il finirait par l’oublier, il le devait. Il s’efforça de ne regarder que les gestes du bibliothécaire, sans être absorbé par ses mains qui l’ont caressé tant de fois. C’était dur mais il réussit plus ou moins bien. Il avait repéré les boutons qu’il fallait appuyer. « Oui, trois. » Sa voix semblait moins hésitante. Voir le comportement calme et distant de Nash avait rassuré le plus petit. Il n’était pas totalement serein, mais il allait un peu mieux. « Merci de m’avoir appris. » Il ne se doutait pas qu’il était en train d’utiliser le quota de photocopies du bibliothécaire. Ses amis avaient surement posé la carte sur la table mais il était parti tellement vite qu’il ne l’avait pas remarqué. Alak changea les pages à photocopier et reproduisit les mêmes gestes que Nash. Le bruit de la machine qui s’activa prouva à Alak qu’il n’avait pas mal appris. Un petit sourire s’afficha sur son visage mais qui se perdit lorsque son regard croisa celui de Nash. Le Thaïlandais n’arrivait plus à sourire devant lui.

OUTFIT ☽ Il esquisse un sourire aux mots d'Alak, le jeune homme avait toujours été délicat, bien appris, malin et aussi doux, le bibliothécaire n'a aucun mal de se souvenir des raisons pour lesquelles il avait craqué sur le brun autrefois, et s'il l'avait rencontré aujourd'hui, il en serait retombé sous le charme pour toutes ces raisons à nouveau. Pourtant, lorsque son regard croise celui du thaïlandais et que son sourire s'affaisse, il sent une pointe d'amertume et d'agacement le gagner, bien sûr, il sait qu'il a blessé l'artiste, physiquement autant que mentalement, mais dans l'histoire, il ne s'en était pas non plus sorti indemne. Alors il se détourne, la mâchoire crispée, luttant pour ne rien dire. « Ne me regarde pas comme ça. » Il n'a pas envie de se fâcher contre lui, il sait que cela n'aidera en rien, qu'il ne fera qu’envenimer les choses, que l'acrobate se méfiera encore plus de cet homme brutal qui lui avait déjà brisé le cœur une fois. Malgré cela, les mots sont simplement trop lourd sur son cœur et il lui tourne le dos, faisant deux pas vers le comptoir de bibliothécaire avant de s'interrompre. « Si c'est pour me regarder comme ça, autant regarder ailleurs. Ne crois pas que tu es le seul à avoir souffert. » Il s'éloigne alors, poings serrés, sa carte depuis longtemps oubliée sur la photocopieuse, ses pensées gravitant simplement autour d'Alak, de leur passé et de leur présent, incapable de se laisser imaginer un futur alors qu'il se laisse tomber sur sa chaise dans un grognement mécontent, attirant les regards d'un groupe de filles un peu plus loin. Il leur accorde un sourire désolé, légèrement charmeur avant de passer ses mains sur son visage, soupirant longuement pour tenter de délasser son corps engourdi. Alak avait toujours fait déferler en lui cette tourmente de sentiments et il fallait qu'il revienne alors qu'il pensait avoir laissé tout cela derrière lui, mais il fallait croire que son propre passé était impossible à fuir et que le destin, sadique et terriblement sournois, avait décidé de le torturer de la plus amère des façons pour lui.

TENUE ☽ Alak n’arrivait jamais à savoir si ce qu’il faisait était bon ou pas et était souvent tiraillé par plusieurs envies divergentes. Il était versatile et bien souvent peu sûr de lui. Mais lorsqu’il était avec Nash, ce garçon, pleins d’hésitations, savait pratiquement toujours ce qu’il voulait : être avec lui. Son caractère volteface était toujours palpable mais il se sentait différemment. Il était particulièrement heureux avec le métisse. Mais à présent, tout était différent. Il ne savait plus s’il voulait être avec Nash ou s’éloigner de lui. Un jour, il se disait qu’il devrait l’oublier et un autre jour il regrettait d’être parti sans un mot. Mais dans tous les cas, le pardonner ne sera pas facile, même pour une personne telle qu’Alak. Et tant que ce ne sera pas fait, le thaïlandais ne pouvait sourire devant son « ex ». Le sourire qui disparait n’était pas volontaire, ça s’est fait naturellement et c’est peut être ça qui est pire dans l’histoire. Son corps était en contradiction avec certaines de ses pensées. Il eut un petit sursaut lorsqu’il comprit que Nash l’avait remarqué. Ses mots font mal. Alak se sentait à la fois honteux et blessé. Honteux car Nash venait de lui avouer qu’il avait été souffert à cause de lui et blessé car pour Alak, le métisse n’avait pas le droit de se plaindre. C’était lui qui les avait amenés jusqu’ici, dans un point où leur futur commun n’existait plus. Le Thaïlandais regarda le bibliothécaire s’éloigner de lui. Il se sentait mal. La phrase du plus grand ressassait dans sa tête. Il termina de faire les photocopies et récupéra la carte. Il ignorait s’il avait le courage de la redonner à son propriétaire. Il déposa les photocopies et les livres sur la table de travail. Ses amis l’interrogèrent sur la façon dont il avait réussi à faire les photocopies sans leur carte et Alak expliqua que le bibliothécaire lui avait prêtait la sienne, ce qui n’était pas totalement faux. Il avait eu droit à de petites remarques moqueuses mais rien de méchant. Mais s’ils connaissaient l’histoire d’Alak, ils se seraient aperçus que ça ne faisait pas rire le Thaïlandais, au contraire. Il demanda à un de ses amis d’aller rendre la carte à sa place mais personne ne lui accorda ce souhait. Carte à la main, il quitta la table de travail. Alak ne voulait pas y aller, pas après la remarque que Nash lui ait faite. L’acrobate aurait très bien pu se mettre en colère et lui répondre mais il n’en avait pas le courage. Il s’assit dans un coin un peu en retrait de la bibliothèque, sur un des poufs. Il hésitait encore sur sa prochaine étape, rendre ou pas la carte et surtout, comment la lui donner. Petit à petit, ses yeux se fermèrent et il ne voulait pas dormir mais simplement essayer de faire le vide dans sa tête.

OUTFIT ☽ Nash n'était pas généralement quelqu'un de très complexe. Il était facile de s'entendre avec lui et il ne posait pas trop de problème sur le plan psychologique, après tout, le bibliothécaire avait fait face à tant de complications qu'il était hors de question pour lui de se prendre la tête alors qu'il menait une vie aussi facile et n'avait à s'inquiéter que de savoir s'il pourrait payer sa facture d'eau en fin de mois. Mais avec Alak, rien n'avait jamais été simple, il avait toujours fallut que les deux rendent la plus simple des entrevues outrancièrement compliquée, soit en essayant d'en faire des tonnes pour plaire à l'autre, soit en faisant un problème énorme d'une pauvre petite bosse sur la route de leurs vies. L'esprit du brun n'avait plus rien de clair et une fois assis à son bureau, à se prendre la tête seul sur des questions qu'il n'avait pas eu à se poser depuis des mois, si bien qu'il lui fallut quelques minutes pour se rendre compte qu'il n'avait pas sa carte lorsqu'il voulut activer le pc. Il grogna en se rendant compte qu'elle était resté sur la photocopieuse, mais une fois rendu devant la machine, impossible de trouver ladite carte. Un frisson désagréable glissa le long de son dos, et si Alak était parti et avait emporté l'objet avec lui sans y faire attention ? Il devrait alors lui courir après pour récupérer l'identifiant, et clairement, leur relation ne lui permettait pas de s'inviter chez lui juste pour cette raison. Il regarde autour en grognant et finalement, son regard tombe sur le jeune artiste, installé dans un fauteuil de lecture, semblant endormi. Son corps se détend alors et il souffle en approchant doucement, faisant attention à ne pas trop faire de bruit. « Tu es toujours aussi mignon. » Il sourit doucement et glisse une main contre ses cheveux d'ébène avant de prendre délicatement la carte, espérant s'en sortir sans réveiller son ex.

TENUE ☽ Avachi sur le pouf, Alak ne voulait pas s’endormir. Il avait juste fermé les yeux pour mieux réfléchir. Et même si ça ne l’aidait en rien dans la résolution de son problème, il se sentait déjà un peu mieux. Ce n’était pas son genre à rester dans un coin alors que ses amis travaillaient. C’était un garçon qui avait toujours le sourire mais revoir Nash avait chamboulé les choses. Il croyait fortement pouvoir l’oublier mais ce n’était pas le cas. Ce fut très déstabilisant de le revoir après une année de séparation. Après quelques minutes à réfléchir, yeux clos, il entendit une voix qu’il reconnaissait parmi mille. Il décida cependant de ne pas bouger. Son cœur fit un bond au compliment. Il sentit ensuite qu’on lui caressa les cheveux. Cette façon de passer la main dans ses cheveux confirmait que c’était Nash qui était devant lui. Après ce petit geste, Alak était sûr d’une chose. Les caresses du métisse lui manquaient terriblement, surtout que la dernière fois qu’il l’avait touché n’était pas une marque d’affection aussi douce que celle-ci. Le Thaïlandais ouvrit doucement les yeux et plongea son regard dans celui de Nash. « J’ai besoin de savoir Nash… » Il hésitait à formuler sa question et détourna son regard pendant quelques secondes avant de le retrouver dans celui du bibliothécaire. « Est-ce que tu m’en veux ? » Nash lui avait avoué qu’il avait été blessé dans cette histoire mais la tendresse dont il venait de manifester montrait qu’il avait toujours l’air de s’intéresser à lui, qu’il ne le haïssait pas autant qu’Alak l’avait pensé. Cela ne se voyait pas dans cette soudaine détermination à avoir des réponses, mais le thaïlandais avait peur de ce qu’il allait entendre. Il espérait secrètement que la réponse sera un « non » et avoir un « oui » le détruirait de l’intérieur. Il avait conscience qu’il en demandait trop à Nash, car il ne l’avait, lui-même, pas encore pardonné qu’il espérait avoir le pardon de son ex. Mais que voulez-vous, l’amour rend égoïste.

OUTFIT ☽ Lorsque les yeux du thaïlandais plongèrent dans les siens, Nash sursauta et se figea, il avait l'impression que le brun pouvait voir au fond de son esprit, déchiffrant sans mal la moindre émotion qui le tiraillait, lisant avec la plus grande aisance ses plus sombres inquiétudes. Et enfin, une des question qui rendait leur proximité si tendue trancha l'air, lancée par le plus petit, sans prendre de gants. Le bibliothécaire sent l'air lui échapper, que devait-il répondre ? Lui en voulait-il seulement ? Leur relation avait été si passionnée qu'ils en étaient sortis tous deux terriblement blessés, mais avait-il vraiment le droit d'en vouloir à Alak d'avoir simplement voulu se protéger. « Non... » C'est à peine un murmure, à moitié un mensonge et il ne le regarde même pas en le prononçant, son cœur se serrant tandis qu'il songe qu'en effet, il ne lui en voulait pas d'avoir souhaité se défendre, il lui en voulait de l'avoir fait de cette façon là, forçant son triste destin. La question lui brûle les lèvres à son tour et avant qu'il ait pu s'en rendre compte, sa voix s'extirpe de sa gorge, comme étranglée : « Et toi ? Tu m'en veux ? » Il se sent faible, une fois encore comme à bout de souffle et son pouls s'accélère soudain, bien sûr qu'il lui en veut, il ne l'a pas vraiment traité comme il le méritait et n'importe qui de sensé aurait connu par avance la réponse à une telle question. Alors, paniqué, il relève la tête pour le regarder, se passant une main vive dans les cheveux pour les chasser de son visage. « Non ! Ne réponds pas, en fait, je ne veux pas savoir ça. » Il a si peur d'entendre une confirmation, un aveu douloureux, qu'il est incapable de garder la tête haute et secoue la tête, fourrant la carte dans sa poche tandis qu'il cherche désespérément une échappatoire, ne voulant pas fuir comme un lâche, sans explication, sans autre discussion. Alors il tente, pathétiquement, de faire diversion. « Tu... Es là avec le Happy Virus. Vous restez longtemps ? Je devrais venir vous voir ça fait un bail. » Pourtant, l'un comme l'autre savaient qu'il n'irait pas, il avait trop passé de temps caché dans un coin du chapiteau à admirer les acrobaties de son amant en Corée pour avoir le courage d'y retourner aujourd'hui.

TENUE ☽ Alak avait l’impression d’être dans les montagnes russes. En revoyant Nash pour la première fois, il voulait fuir cette bibliothèque, se cacher dans un coin et ne plus jamais réapparaitre. Puis après leurs premiers échanges, il semblait être animé d’une soudaine détermination qui surpris même son ex. Après lui avoir posé la question, ce fut une nouvelle descente, il pourrait trembler de peur s’il laisser son corps agir contre sa volonté, mais comme il ne voulait pas paraitre faible, il ne laissa rien apparaitre. Sa lueur dans ses yeux était toujours présente. Il m’imaginerait pas qu’il pouvait presque intimider son ex avec son regard. Le « non » devait le rassurer mais il ne se sentait pas autant soulagé qu’il ne le pensait. Peut être qu’il venait de prendre conscience qu’il s’agissait d’une cruelle question qu’il venait d’infliger à Nash. Le Thaïlandais ne s’attendait pas à ce qu’on lui demande la même chose. Il détourna son regard et me mordilla sa lèvre. Il était incapable de mentir mais il ne pouvait dire la vérité pour autant, ce serait trop inhumain. Nash le coupa et le thaïlandais n’eut pas besoin de parler. Mais son silence n’était pas comme un demi-aveu ? Alak regarda Nash. C’était la première fois qu’il avait l’impression que le plus grand paraissait fragile. Et s’ils n’étaient pas dans ce genre de situation, Alak n’aurait pas hésité à se blottir dans ses bras. L’acrobate esquissa un faible sourire - si on pouvait appeler cela un sourire.  «  On en a au moins pour 5 ans.   » L’artiste n’était pas du genre à faire attention aux contrats, il suivrait sa troupe n’importe où, sans rien demander. «  Tu y seras le bienvenu.   » Ça pouvait paraitre faux mais Alak ne mentait pas. Le Happy Virus était un endroit pour tous, même pour quelqu’un qui l’avait blessé. Le Thaïlandais était convaincu que tout le monde méritait d’être heureux. Le garçon était d’un brin optimiste et même s’il en voulait à Nash, il espérait secrètement que le métisse saura un jour, se faire pardonner. « Ça fait longtemps que tu travailles ici ?   » Il se redressa sur son pouf et essaya de continuer la conversation. C’était étrange car il regorgeait de questions mais n’avait juste pas le courage de toutes les poser.

OUTFIT ☽ Qu'importe à quel point Nash souhaitait mentir sur son affection pour le petit brun, l'attirance qu'il ressent encore aujourd'hui au moindre de ses gestes les battements de son cœur étaient la preuve qu'il ne pouvait décidément pas résister à l'acrobate, qu'il lui apportait autant de force que de faiblesse, c'était d'ailleurs sans doute la raison qui l'avait poussé à agir comme il l'avait fait, incapable de comprendre la tourmente de sentiments qui habitaient son esprit. Le manque de protestation d'Alak face à son refus de connaître la vérité plante un autre couteau dans son muscle vital et il peut presque sentir la douleur se diffuser dans son corps, rampant comme un serpent dans son sang. « Oh, cinq ans. » Il doit se distraire, détourner l'attention de son esprit de cette horrible impression de perdre pied. Son regard se repose alors dans celui de l'artiste, un peu moins tendre et fragile alors, fermant doucement le coffre qui avait si bien protégé sa vie jusque là, celui qu'il ressortait quand quelqu'un faisait la grimace devant ses cicatrices, celui qu'il emmenait partout sitôt qu'il était question de famille. « Okay alors, je suppose que je devrais venir un soir, j'inviterai des amis. » Il ment avec aise à ce point, un léger sourire glissé sur ses traits gracieux, comme sculpté dans la cire, apparaissant sur ces lèvres comme s'il avait toujours du être là mais glissant pourtant une pointe de froid dans leur rencontre, pas exactement de l'indifférence, plutôt un souhait d'ignorance. « Assez longtemps pour connaître la bibliothèque par cœur. » Il hausse une épaule en glissant sa carte dans sa poche, ses doigts jouant un peu avec le tissu pour se donner consistance, incapable de savoir comment se comporter avec le thaïlandais. « Je me plais ici. » C'est plus un murmure qu'une véritable tentative de discussion, comme s'il voulait rassurer Alak, lui dire que pour lui, ça allait, il se reconstruisait doucement, que même si ça n'avait jamais été son rêve, il parvenait à retomber sur ses pattes avec ce job. Il ne pouvait pas vraiment lui expliquer pourquoi il n'avait pas le courage de se lancer dans la carrière de mannequinat qu'il s'était si longtemps imaginé auparavant.

TENUE ☽ Ce n’est pas facile de ne pas pouvoir pardonner la personne qu’il a tant aimé. Nash était sa plus grande force mais aussi la personne qui l’a le plus déçu. Il ressent aujourd’hui encore de l’attraction pour lui mais il ne pouvait ignorer les gestes qu’il a commis. Pourtant, ce n’était pas qu’il ne le voulait pas. S’il le pouvait, il aurait effacé de sa mémoire les souvenirs négatifs qu’il avait de Nash. Et même avec une petite mémoire telle que la sienne, c’était impossible. Il a été trop blessé parce qu’il l’a tant aimé. Le contraire semblait être vrai aussi. Au final, les deux ne se faisaient que se blesser mutuellement. Un amour parfait n’existe pas, du moins, ne dure pas. Les moments heureux étaient écoulés et il ne restait qu’à eux de voir si un futur commun existait. Pour le moment, aucun des deux semblaient en être persuadés. Alak essayait tant mal que bien de limiter les casses, d’adoucir la chute. Il essayait de s’imaginer ce qu’il aurait dit si ce n’était pas Nash devant lui mais une autre personne. Mais c’était impossible. Lui qui était d’ordinaire joyeux avait plus l’air d’être gêné qu’autre chose. Le Thaïlandais savait que Nash n’irait pas le voir mais il assista tout de même sur le fait qu’il restera toujours le bienvenu. Chose que Nash répondit par une simple formule de politesse. C’était difficile de devoir parler à Nash comme une personne lambda et surtout, d’être traité par celui-ci comme s’il n’était plus important pour lui. Ça lui faisait mal, preuve qu’il n’arrivait toujours pas à tourner la page. Alak était tiraillé par des envies contradictoires même s’il n’exprimait qu’une partie relativement calme de lui. La vraie question que l’artiste voulait poser était le pourquoi de sa venue ici, à Tokyo. Il n’arrivait pas à trouver la raison qui a poussé le métisse a quitté la Corée pour se retrouver enfermé dans une bibliothèque. Lui qui rêvait de partir visiter chaque pays, de se lancer dans une carrière de mannequinat, le plus petit ne comprenait pas. « Vraiment ? » Mais il n’eut pas le courage de le lui demander. Le mot était resté aux bords de ses lèvres. « Tant mieux. » Finit-il par dire en n’osant pas regarder Nash dans les yeux. Alak était un peureux et n’osait entrer dans ce sujet encore trop sensible. « Je crois que je vais y aller… J’ai disparu trop longtemps.  » Il déplia ses jambes pour prendre de l’élan afin de se relever. Il attendit juste que Nash se décale pour ne pas se relever sur lui.

OUTFIT ☽ Son cœur se serre devant l'apparente distance qui s'est installée entre eux, devant désormais l'observer de loin sans vraiment pouvoir s'intéresser à lui, ressentir sa chaleur ou encore sa simple présence, puisque le Thaïlandais était désormais hors d'atteinte. Nash se recule alors, tâchant d'ignorer la douleur de l'indifférence d'Alak vis-à-vis de sa situation actuelle, ignorant s'il s'agissait d'une façade ou si le jeune acrobate était réellement froid face à l'échec de ses choix de carrière dont ils avaient parlé à de nombreuses reprises au cours de leur passé. Il ne sait pas lui même s'il préférerait que l'artiste ne l'envisage plus du tout sous un angle tendre et favorable, favorisant ainsi leur éloignement, ou s'il aurait souhaité voir s'allumer au fond de ses iris un éclat de surprise, de tristesse peut être, à la possibilité qu'il n'ait pas poursuivi ses rêves. Il acquiesça simplement sans savoir s'il devait parler ou non, si son ex amant souhaitait qu'il lui parle, s'il avait même envie de pousser ses pensées au dela de ses lèvres, comme un lâche, celui qu'il avait pris l'habitude d'être depuis l'accident. « Tu as sûrement mieux à faire. » Il n'a pas réussi à garder ses lèvres closes, son esprit n'est pas parvenu à s'interdire de laisser l'amertume glisser et lacer son ton, comme un venin discret mais sournois, assénant une énième pique à la façon dont s'était terminée leur relation. Il regrette cependant immédiatement le sous-entendu qui pèse désormais et secoue une main devant son visage comme pour chasser cela et hausse une épaule en allant vers la réserve pour fuir une fois encore. « A la prochaine alors, Alak. » Et sans plus un mot, il s'empresse de faire les enjambées qui le séparent de la pièce réservée au personnel, devenu son havre lorsque la socialisation était trop dure à affronter, lorsqu'il n'avait plus envie d'affronter le monde.