1988. Une naissance hors mariage. Enfin, pas réellement. Mes parents s’aimaient d’un amour tendre, mais, mon père avait dû marier la fille d’un grand dirigeant à sa majorité et laisser ainsi de côté son premier amour. L’amour tendre. L’amour sincère. Celui que nous n’oublions jamais vraiment. Cette première femme lui donna un fils, Jae Kwang, un frère de trois ans mon aîné. Un héritier mâle de côté. Un époux souvent en déplacement sur la capitale, et rapidement, la relation d’une adolescence oubliée revint au galop. Il n’y eu ni divorce, ni pleurs, ni haussements de tons. Ma mère me mit au monde, mon père me reconnut comme son second fils et ma vie débuta ainsi.

1990. Entre nous, je n’ai aucune idée de la période exacte de notre déménagement sur Séoul. Pas plus que je me souviens de mes premières années à Daegu. Tout ce que je sais est que je vivais avec ma mère, dans une maison secondaire. Ma mère était, et sera toujours, la femme de ma vie. Une dame aimante, douce et sans doute trop naïve pour son propre bien-être. L’épouse Kang n’était pas mauvaise, mais, il y avait une sorte de guerres froides entre les deux que j’étais bien incapable de comprendre à l’époque.

1993. Les premiers souvenirs de haine envers mon aîné débutent à cette période. J’avais cinq ans. J’étais un gamin plutôt rieur, débrouillard et débordant d’énergie. Mon frère, lui, était studieux, calme et terriblement colérique. Il avait cette manie de tourner toute situation à son avantage, ce qui me valait de nombreux coups. C’était frustrant. Très jeune déjà je commençai à développer à son égard une envie de vengeance douce et lente. Je ne savais pas ce que je ferai, car évidemment, déchirer ses devoirs était ma seule capacité à l’époque. C’était à partir de ce moment-là que j’ai commencé à cultiver, tout tranquillement, mon idée qu’un jour il sera mon tour de tourner la situation à mon avantage sous ses yeux.

1997. La Chine. Un grand pays et le souvenir de déchirement qui l’accompagnait. Bien décidé à développer son business dans toute l’Asie, Monsieur Kang – comme nous nous devions de l’appeler à la maison, avait décidé d’emmener sa femme et ses deux fils avec lui à Shanghai. Ma mère devait rester à Séoul. J’avais neuf ans, et j’étais incapable de comprendre pourquoi l’être qui m’était le plus cher m’était retiré sans vergogne. Mon père était bien décidé à mettre un cadre à mon éducation que cette concubine était incapable de me donner. J’allais dans une école privée et recevait sans doute plus de punitions qu’il était raisonnable de recevoir tant j’étais indiscipliné. Je passais mon temps à faire rire mes camarades. C’est à cette époque que j’ai découvert mon attrait pour la magie, pour le feu, pour l’illusion. Embarqué dans un univers distrayant, j’étais loin de penser aux responsabilités que pouvaient imposer le fait d’être le second fils d’un grand dirigeant.

2000. Les Etats-Unis. Tout allait vite et la solitude qui m’enveloppait alors m’amena à développer la personne que je suis aujourd’hui. Jae Kwang passait énormément de temps avec notre père, profitant de chaque minute de temps libre à le suivre dans son entreprise nouvellement implantée en Californie ; bon exemple du fils modèle, prêt à tout pour prendre les rênes.
Petit à petit je compris que pour me sortir de cette situation morne et injuste dans laquelle je me trouvais, il me faudrait jouer intelligemment et avec bon sens. Je ne pouvais plus vraiment être un enfant. Il me faudrait trouver des jeux qui me feraient paraître grand. Il me faudrait donner à chacun l’image qu’il voudrait que je fus. Ainsi commencèrent mes premières magouilles. Je prenais plaisir à mentir ouvertement au marchand du coin, à cette dame dans le bus, à cet enseignant dans le couloir. Des petits détails qui, au fur et à mesure, m’aidèrent à construire une confiance en moi. J’appris à regarder les gens dans les yeux, à leur raconter des choses folles et à les voir me croire avec étonnement.

2007. Finalement de retour en Corée, j’étais devenu un garçon tout à fait fréquentable aux yeux de nombreuses personnes – même mon père finit par y croire. J’avais encore quelques difficultés à me mettre Jae Kwang dans la poche, mais gardais espoir que cela finisse par arriver un jour. J’avais trouvé un attrait – purement pratique – pour les études. Il me fallait emmagasiner le plus de connaissances possibles afin de pouvoir tenir une conversation avec n’importe qui, n’importe quand. Je découvrais les magies de la psychanalyse et tombait éperdument amoureux de l’Art. Oui, celui avec un grand A. L’Art ancien de préférence. Les sculptures aux formes voluptueuses et blanches de la Grèce. Les poteries usées du Japon Ancien. Les figurines en jade pure de Chine. Etc. Je virevoltai dans un monde qui, alors que je n’avais pas vingt ans, me donnait plus de plaisir qu’aucune autre chose – jusqu’à ce que je la rencontre, elle.
De longs cheveux ébènes. Des jambes finement sculptées. Une nuque pâle et des lèvres roses. Elle était une pièce unique et fabuleuse. Une pièce qui m’était offerte gratuitement par un mariage arrangé. J’étais le plus ravi des hommes, et pourtant le plus frustré aussi car je n’avais pu la gagner. Je n’avais rien eu à faire. Je n’avais pas eu à jouer de malice, de douces paroles. Rien. Elle avait été présentée à moi comme un contrat à signer et je ne pouvais passer outre cette frustration qui me submergeait alors.
Malgré tout, nous eûmes une relation plutôt positive. Fiancés assez rapidement, nous passions de longues journées ensemble et j’appréciais sa compagnie. Cependant, elle était trop curieuse. Elle posait des questions sur mes absences, sur ces recoins de mon appartement où elle n’avait accès, sur ce téléphone que je gardais sans cesse sur moi sans qu’elle en connaisse le numéro. Il y avait beaucoup de questions sans réponse, souvent tout allait dans un sens – je m’en rendais compte, mais avais bien du mal à faire autrement. Mon plan final n’était pas encore prêt, elle ne pouvait être mise au courant pour le moment.

2011. Comme la vie m’avait arraché à la première femme de ma vie, cette fois-ci j’avais supplié la vie de m’arracher la seconde. Une fuite, pure et simple dissimulée sous l’opportunité – bien qu’obligatoire – du service militaire. Je profitais de cette coupure pour me recentrer sur mon objectif : détrôner mon aîné et le descendre plus bas que terre avec subtilité et élégance.
Après pas loin de vingt-quatre mois à servir un pays dans lequel j’avais vécu à peine la moitié de ma vie, j’avais réussi à peaufiner ce qui me tenait à cœur. J’avais fait des rencontres, écouté des histoires, m’étais inspiré de nombreux dires et copié nombre d’habitudes. J’étais ressorti grandit, et pas peu fier de pouvoir retrouver mon patrimoine culturel jusque-là dissimulé entre les quatre murs de mon appartement. Les années qui suivirent se ressemblèrent énormément, bien que mes poissons fussent de plus en plus gros. Je n’avais plus peur de passer les portes de grandes entreprises, en me faisant passer pour le conseiller juridique de Monsieur X, ou encore le rendez-vous commercial de Madame Y. Rares étaient les fois où j’agissais seul. Je savais m’accompagner de bons camarades, de personnes douées, intelligentes et discrètes. Je déménageais plus que mesure, et changeais de nom et de visage comme l’un change de chemise. Puis, arriva le jour J.

2014. J’entrais dans le bureau du Directeur Adjoint. Les caractères Kang Jae Kwang se lisaient sur la petite plaque droitement posée sur le large bureau. Un homme, élégamment vêtu d’un trois pièces m’accueillit avec un large sourire, naïvement. L’échange fut rapide. Les paroles échangées étaient brèves, directives et mon regard n’avait pas un seul instant lâché celui de mon cadet qui n’avait pu me reconnaître tant ma posture était différente de d’habitude. Puis, s’en suivit quelques clics, quelques débits et une chute en bourse.

2016. Je n’ai pas réussi à faire avec brio ce que je souhaitais. C’était comme un avertissement. Aujourd’hui encore je me remémore le regard perdu de mon cadet alors que je lui avouais avec un large sourire ce qu’il venait de faire sous ma requête. L’illusion perdue. Le choc. L’étourdissement. Cela avait été un délice, mais, ce n’avait pas été assez. C’était trop tôt. Il méritait plus.
Alors, j’avais quitté le pays et voilà bien un an et demi que je suis au Japon. Je continue mes magouilles. Ah ! Et, j’ai été embauché dans une université. Entre nous soit dit, je ne suis pas certain d’être un bon enseignant. Je déblatère pendant des heures sur des œuvres, mais, je doute avoir affaire à des oreilles attentives. Et puis, ce qui m’importe vraiment ce sont des noms… Afin de pouvoir m’amuser un peu plus dans ce monde de grands.

■ pseudo: jyi ■ âge: toujours un quart de siècle ■ presence connexion: 5/7 ■ presence rp :  3-4/7■ Personnage inventé ou scénario: inventé

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<span class="botinsym">▲</span> <font color="#e98ab0">Kim Woo Bin </font> [u]»[/u] Kang Jae Hyun