UNIFORME SCOLAIRE  † Le père de Yuzu était spécial. Elle avait l’habitude. Mais elle ne pensait pas un jour qu’elle entendrait ce genre de phrase venant de sa part. Elle était sans espoir. Stupide, ignare, loin d’être humaine. Quoi ? Mariage ? Elle ne revenait pas. Encore plus quand elle vit la photo du gars. C’était l’homme grenouille. Celui avec qui, elle avait eu une aventure torride dans la piscine. Le monde est petit. Enfin, ce n’est pas lui, qui la dérangeait. Mais c’était la façon dont son père le lui avait dit. Pour ton bien. Pour que tu sois quelque chose dans ta future vie. Ah parce que sinon, elle serait rien ? N’était-elle pas déjà quelqu’un ? L’argent faisait-il le bonheur ? Elle vivait très bien sans argent. Elle savait se débrouiller ! Même elle, qui jusqu’à présent, penser ne pas se salir les mains, venait à bosser pour se faire un peu d’argent. Cet homme, ne connaissait même pas sa fille. Il préférait s’occuper. D’un garçon, de son nouveau fils. Qui s’avérait être son meilleur ami. Quelle ironie, putain.  Yuzu, quitta l’école. Sous la haine, elle fila de l’autre côté du portail, chez les étudiants, à la recherche de ce garçon, qu’elle n’avait plus vu depuis… Le bar. En mauvais terme, elle doutait fortement qu’il soit ravi de la chose. Elle non plus ne l’était pas. Mais si elle pouvait un peu l’embêter, elle le ferait. Il ne lui avait rien fait, et elle doutait que ça soit lui qui l’ait choisi. Manquerait plus que ça tiens. La chaleur étant, elle s’était arrêtée à la cafétéria pour prendre un granité aux litchis avant de voir le principal intéressé. Allant vers lui, elle lui bloqua la route avant de lui sourire en coin. « Salut chéri. Il paraît que toi et moi y’aurait un bon feeling. » Elle le fixa avant de rouler sa tête en arrière et soupirer. Montrant malgré tout ce qu’elle en pensait. « Bon, au moins, je connais tes compétences au lit. J’ai plus qu’à apprendre à te connaitre. » Bah quoi ?

TENUE  † La peine de mort. En discuter en cours avait donné des sueurs froides à Yuto, alors qu’il imaginait les conséquences qu’aurait pu avoir le meurtre de son père. Il ne s’imaginait pas pendre au bout d’une corde, et encore moins condamné à une peine de prison, en vérité. Ce qu’il avait fait, il l’avait fait pour venger toutes les personnes qui avaient souffert à cause de Seito. Tous ceux à qui il avait fait du tort. C’est ce qu’il se répétait sans cesse depuis l’événement, mais n’était-il pas en train de se jeter de la poudre aux yeux ? Lorsqu’il avait discuté avec son père, dans ce bureau, et qu’il lui avait annoncé la nouvelle au combien déplaisante d’un mariage arrangé, n’avait-il pas uniquement pensé à son propre intérêt, celui de Hashimoto Yuto, le fils unique qui ne souhaitait pas être mêlé à ses histoires une fois encore ? Il n’était peut-être pas aussi différent de son père qu’il ne l’avait toujours pensé. Il était aussi capable du pire.

Alors qu’il essayait d’échapper à ces pensées peu agréables, une voix féminine attira son attention, l’y arrachant sauvagement, alors qu’il se trouvait bloqué dans sa progression. « Chéri ? » Il baissa les yeux et les laissa tomber son regard sur nulle autre que cette fille. Yuzu. Qui a dit que lorsque la vie te donne des citrons, il faut en faire de la limonade ? C’était à cause d’elle, tout ça. Non. Ce n’était pas véritablement à cause d’elle ; elle était sûrement dans la même situation, obligée d’épouser quelqu’un dont elle ne voulait pas, simplement pour le plaisir de ses parents. Compte tenu de leur dernière conversation, Yuto n’avait aucun doute là-dessus. Pourquoi aurait-elle demandé un mariage pareil ? Le regard de l’étudiant s’arrêta brièvement sur le granité qu’elle tenait dans les mains, puis sur le visage de la lycéenne. « On m’a dit la même chose, figure-toi. Une ‘occasion rêvée’. » Mais si son père avait pu être capable d’épouser quelqu’un par intérêt, ça n’était pas de son goût. Pourquoi était-il mort? Désormais, il n'avait pas d'autre choix que d'honorer cet accord. Le contraire aurait été trop suspicieux. « Je ne savais même pas que mon père connaissait le tien, c’est dire. » Sortant de son sac une petite bouteille d’eau qu’il avait achetée dans le courant de la journée, il la porta à ses lèvres en un soupir. « Qu’est-ce que tu fais ici, d’ailleurs , t’es entrée à la fac ? » Mais combien de temps s’était-il écoulé depuis la dernière fois ? Il peinait à s’y retrouver.

UNIFORME SCOLAIRE  † « Chéri ? » Elle hochait la tête, comme pour confirmer la chose. Il ne semblait pas trop d’accord avec ça, tant pis, elle, elle l’était. Bon, juste pour le taquiner. Elle n’était pas non plus des plus ok, avec ce mariage arrangé. Elle était quelqu’un, et elle pouvait très bien faire sa vie, sans lui. Ça elle le savait. Et elle pourrait même le montrer quand elle le pourrait. Bon, là elle était encore lycéenne, elle avait redoublé, alors forcément… « On m’a dit la même chose, figure-toi. Une ‘occasion rêvée’. » Une occasion rêvée… Yuzu, ne put s’empêcher de rire brièvement. Qu’est-ce qui était rêvé dans cette occasion-là ? Elle voulait bien avoir une réponse pour le coup. « Je ne savais même pas que mon père connaissait le tien, c’est dire. » Elle haussa les épaules. « Pareillement. Le monde est petit. » Oui, trop petit, de toute façon, comment aurait-elle pu le savoir, quand son père l’a abandonné depuis tant d’années ? Depuis combien de temps n’était-elle pas allé chez « elle » ? S’il faut, il a même déménagé… Elle avait bien envie de vérifier, mais il est clair qu’elle a un peu peur de la réponse… « Qu’est-ce que tu fais ici, d’ailleurs , t’es entrée à la fac ? » La jeune fille haussa les épaules. « Je suis venue ici pour te voir, t’es bête ma parole. » Dit-elle en soupirant, avant de boire une gorgée de sa boisson. « Je voulais voir l’homme avec qui je dois me marier, sois disant. M’enfin, tu n’as pas tant changé que ça depuis la dernière fois qu’on s’est vu. » Elle soupira avant de regarder certaines personnes qui se demandaient ce qu’une lycéenne était venue faire ici. De toute façon, ce n’était pas la seule, elle pouvait en voir plus loin. « Qu’est-ce qu’on fait alors ? » Genre elle a besoin de sa réponse.

TENUE  † Les propos de son père lui revenaient en tête. Cette fille est parfaite, disait-il. Il fallait qu’il l’épouse, même si elle était jeune, car s’entourer d’autres puissants était un avantage pour les affaires. La dispute qui avait suivi s’était soldée par la mort du plus âgé, et Yuto avait énormément de mal à accepter les événements. Tuer un autre homme ne lui serait jamais venu à l’esprit. Surtout pas son propre père. Ce qu’il s’était passé dans ce bureau n’était rien de plus qu’un accident. Un accident auquel il ne pouvait rien changer. « Surtout le nôtre. » Les affaires, c’était un monde oligarchique. Une poignée de leaders surpuissants qui piétinaient les autres pour arriver à leurs fins. Il aurait fallu être fou pour le nier. « Je ne connais pas ta vie, qu’est-ce que j’en sais ? demanda-t-il à la réponse de Yuzu, outré par l’adjectif qu’elle avait utilisé.  À ton âge, tu pourrais déjà être en première, en plus. » Et elle ne l’était pas.

Yuto peinait à comprendre comment son père, adepte de l’excellence, avait pu imaginer la lycéenne à son bras. L’argent, sans doute. C’était la seule chose qui comptait, en dehors de la perfection de ses enfants. Un soupir échappa à l’étudiant, à la réflexion de la jeune femme. Il n’avait pas besoin de changer. Il était trop tard pour ça, dorénavant. « Ce qu’on fait… » C’était de loin la meilleure question qu’elle aurait pu poser. « On honore leur accord ? » Sa voix sonnait d’une ironie contenue. L’idée ne l’enchantait pas, mais avait-il le choix ? « Au vu des circonstances, je ne pense pas pouvoir aller contre la volonté de mon père. » Il savait parfaitement à quel point il aurait été suspect d’annuler cet arrangement, juste après la mort de son père. Servir un mobile aux enquêteurs sur un plateau d’argent aurait été une idée stupide.

UNIFORME SCOLAIRE  † « Surtout le nôtre. » Il n’avait pas tort, mais Yuzu s’en fichait bien. De toute façon, qu’est-ce qu’elle pouvait faire de plus ? Son père l’abandonnait. Tout ce qu’il ferait à la rigueur c’est de lui extorquer de l’argent, si elle venait à se marier avec lui. Pathétique. Elle était écœurée de tout ça. Fuir ? Ou ne pas fuir ? De toute évidence, quoi qu’elle fasse, son père ne sera jamais là pour elle. Il préférait s’occuper d’Ichigo. « Je ne connais pas ta vie, qu’est-ce que j’en sais ? » Il était toujours aussi grincheux, rien ne changeait apparemment. Yuzu ne s’attendait pas à plus. « À ton âge, tu pourrais déjà être en première, en plus. » Il plissa ses lèvres sous un air ronchon. « Ça va, j’ai redoublé et alors ? Tu ne vas pas m’emmerder pour ça quand même. Je suis majeure. » C’était déjà pas mal. Bon non. Elle l’est dans plusieurs pays du monde. Mais elle n’ pas encore dix-neuf ans. Mais ils avaient déjà couché ensemble. Au pire, ils s’en foutent non ? C’est pas comme si au japon ils étaient très regardant sur ce point-là. Mais Yuzu voulait savoir ce qu’ils devaient faire, tout simplement. Parce qu’elle était un peu paumée. Dans le fond elle faisait la grande, mais elle était encore un bébé. « Ce qu’on fait… On honore leur accord ? Au vu des circonstances, je ne pense pas pouvoir aller contre la volonté de mon père. » La jeune femme soupira avant de balancer sa tête en arrière. Elle était un peu paumée. Dans le sens ou… Elle ne pouvait pas nier, qu’elle avait encore Satoshi dans son cœur. Ce con de coréen. Voilà pourquoi les japonais disaient de ne pas leur faire confiance. Elle se tourna vers lui, tout sourire. « On va faire ça. Ou du moins faire semblant ? Je ne suis pas stupide, t’as pas envie, et moi non plus… On ne se connait pas. Ni rien ce n’est pas chose facile. » Elle marqua une pause avant de se rapprocher dangereusement de lui avant de poser sa main libre sur sa hanche. « On peut tout de même se faire plaisir. Après tout… Ca ne sera pas la première fois. Je n’ai pas envie qu’un de nos pères nous surprennent à coucher avec un autre. » Bon Yuzu c’était calmé sexuellement parlant. Mais ses envies étaient toujours là.

TENUE  † Yuto détestait l’idée d’un mariage par contrainte, mais il ne pouvait que s’y plier, dans les circonstances actuelles. La mort de son père ne faisait que compliquer les choses. Tout refus d’honorer un marché qu’avait conclu son père était un pas de plus vers l’arrestation, et l’étudiant en droit ne connaissait que trop bien le système juridique dans lequel il évoluait. La quasi-totalité des personnes inculpées finissaient condamnées, et il n’était hélas pas aussi habile que son père pour dissimuler la vérité. S’il faisait un faux-pas, son existence entière basculerait. Accepter ce mariage, c’était cacher un mobile. Qu’il s’agisse de Yuzu était dès lors un détail.

« Non, j’étais juste curieux. » Il avait bien d’autres problèmes que la présence de la lycéenne dans les bâtiments de l’université. Son esprit tout entier essayait de répondre aux questions qu’il s’infligeait, de trouver une solution qui ne soit pas néfaste pour lui ou pour Yun Hua. Monsieur Tanaka avait déjà subi les conséquences de ses premiers mensonges, mais il ne souhaitait pas entrer dans les rangs de ceux qui profitent des autres pour leur survie. Pour cet homme, les remords étaient moindres : il avait pendant très longtemps été proche de son père. Nul doute qu’il l’avait assisté dans l’une ou l’autre de ses sombres affaires. Ce n’était que nettoyer les eaux usées.

« Comme pour bon nombre des mariages d’intérêt… » souffla-t-il malgré lui. La petite avait cruellement raison. Cependant, lorsqu’elle s’approcha, il baissa les yeux sur sa hanche, avant de les reposer sur le visage de la lycéenne. Elle n’avait pas changé à ce niveau, visiblement. L’étudiant resta silencieux un instant. « On reparlera de ça, d’accord ? » Pas que Yuzu était déplaisante, mais comment aurait-il pu songer à ce genre de choses alors qu’il venait de perdre son père ? Ses propos venaient, en plus, de rouvrir une blessure bien trop récente. « C’est pas vraiment le moment. » Le savait-elle seulement ? Il reprit la parole plus gravement. « Mon père est mort, alors j’ai d’autres choses en tête. » Son cœur se serra douloureusement à cette pensée. Peu importe les horreurs qu’il avait pu organiser, il ne pouvait s’empêcher d’y penser. Son père. Sa dernière famille, à l’exception d’une demi-sœur. Il en était responsable.

UNIFORME SCOLAIRE  † « Non, j’étais juste curieux. » Bon, il avait le droit, elle allait lui pardonner, parce qu’elle en avait un peu marre qu’on la prenne que pour une lycéenne. Elle n’était pas un bébé et ce depuis bien longtemps. Fallait que les gens grandissent un peu, et ne voit pas que sa tenue d’écolière. Elle trouvait ça chiant d’ailleurs. A cause de cette loi d’uniforme, elle ne pouvait pas passer pour une étudiante. Pfff. En tout cas, elle s’avança vers lui. Si elle pouvait profiter de ça, qu’elle en profite. Elle n’était pas pour ce mariage arrangé. Mais Yuzu, s’était sacrément calmé. Satoshi en était responsable, et cet enfoiré l’avait abandonné. Même si elle ne disait rien, elle avait le cœur lourd. Voilà ce que c’était que d’ouvrir son cœur. Les conséquences sont énormes. Valait mieux ouvrir ses cuisses, là, y’a pas de répercussion. Mais même ça, elle n’en avait pas le cœur. Alors avec lui, qu’elle connaissait. Intimement parlant, ça ne la dérangeait pas. « Comme pour bon nombre des mariages d’intérêt… » Il avait raison, mais avec leur pères, elle se doutait qu’ils n’avaient pas le choix. En tout cas son père était prêt à tout. Et dans un sens même s’il l’abandonnait, au moins il lui donnait une porte de secours. Bon, une porte de secours merdique mais quand même. Pas qu’elle n’appréciait pas Yuto, non loin de là, c’était juste le concept de sa porte de survie qui l’agaçait. « C’est pas vraiment le moment. Mon père est mort, alors j’ai d’autres choses en tête. » Elle resta figée en entendant ça. Elle ne s’y attendait pas. Le pauvre… Tout à coup, elle avait l’impression de découvrir un nouveau Yuto. « Je… Je suis désolée. » Et c’était terriblement sincère. Elle avait perdu sa mère, elle savait ce que ça faisait de perdre un parent. Elle lui attrapa la main pour le réconforter avant de lui tendre sa boisson. « Tiens bois un peu ça te fera du bien t’es tout pâlichon. » Surtout qu’elle se doutait que ça devait être frais… Puisque le mariage avait été annoncé y’a peu de temps… « Tu sais j’ai perdu ma maman aussi y’a quelques années…C’est pas facile mais le temps panse les blessures… Moi j’étais seule pour surmonter ça. Mais toi tu ne l’es pas. Je suis là maintenant. Alors n’hésite pas si tu veux te vider la tête, à m’appeler. » D’ailleurs la petite Yuzu fouilla ses poches pour attraper le téléphone du nippon pour lui noter son numéro.

TENUE  † Yuto aurait dû vouloir tuer Seito. Il aurait dû le faire en toute âme et conscience, afin de ne pas ressentir les remords qui lui tordaient l’estomac depuis qu’il avait réalisé que son père ne se redresserait plus. Quand il avait vu le sang couler sur son front et remarqué qu’il ne respirait plus, il était déjà trop tard. Et aujourd’hui, alors qu’il essayait de vivre comme si de rien n’était, il y pensait encore. Chaque porte qui s’ouvrait faisait naître une peur nouvelle : celle d’être arrêté, d’avoir à faire à la justice particulière de leur pays, qu’il avait appris à connaître durant ses études et qui ne faisait preuve d’aucune pitié envers ceux qu’elle jugeait coupable. C’était bien différent du confort dans lequel il s’était prélassé durant de longues années. Avoir un père aussi retors était soudainement devenu comme un prix à payer pour l’existence qu’il avait vécue. Ce que la culpabilité lui faisait penser.

C’est à cause de cette même culpabilité qu’il avait pris cette décision. Celle d’honorer le mariage dont son père avait discuté avant sa mort. Le même mariage qui avait marqué le début de leur ultime dispute. Sans cela, son père aurait encore été envie. À ses yeux, c’était la punition la plus évidente qu’il aurait pu s’infliger. Vu le comportement de Yuzu, c’était effectivement une façon de le punir.

Le regard de Yuto se posa sur la lycéenne dont la réaction l’étonna. Il se retint d’arracher sa main à la sienne. C’était inattendu. La plupart de ceux qui étaient venues lui présenter ses condoléances étaient des personnes froides, distantes ; des personnes qui, même si elles prétendaient être tristes, ne le semblaient pas vraiment, où le cachaient derrière un masque qu’il ne parvenait pas à percer. Coupable de la mort de son père, il paraissait plus à peine de mesurer la douleur qu’il ressentait. Comme si un autre que lui avait posé le coup fatal. Il aurait aimé s’en persuader, plaider la folie, mais il n’en était rien. Il avait juste perdu le contrôle.

Ses doigts se refermèrent sur la boisson de Yuzu. « Merci. » Il la porta à ses lèvres, en prit une courte gorgée, puis lui rendit sans un mot. Son cœur se serra davantage à la mention de la mère de la lycéenne. « Ma mère est morte aussi, quand je suis rentré au lycée. » Et s’il aurait aimé croire que le temps aidait la douleur à passer, il n’avait jamais réussi à faire son deuil correctement. « Mais c’est gentil. Tu n’es pas obligée. » Pas parce qu’ils allaient devoir se marier et vivre ensemble. Cette idée l’énervait, mais il avait accepté. « J’y penserai. » Son téléphone sorti, il fronça les sourcils, mais laissa Yuzu s’en saisir, réfléchissant un instant de son côté. Il n’était pas dans ses habitudes d’exprimer ce qu’il pensait, mais il savait avoir mal agi. C’était son personnage, la personne qu’il était devant les autres. Il y était obligé, pour survivre dans le monde où ils évoluaient. Les riches n’étaient pas des agneaux sans défense. « Par contre, je vais devoir y aller, j’ai cours dans quelques minutes. » reprit-il avec empressement, quand il réalisa que l’heure tournait, en rangeant son téléphone. « On se revoit bientôt. »

UNIFORME SCOLAIRE  † « Ma mère est morte aussi, quand je suis rentré au lycée. » Yuzu, ne savait plus quoi dire. Le pauvre, il se retrouvait orphelin, et elle, elle se complaisait dans son malheur car son putain de paternel ne voulait pas s’occuper d’elle. Il y avait bien pire dans la vie, et Yuto en était la preuve vivante. Elle se sentait un peu responsable de lui rappeler tout ça. Il ne méritait pas ça. Elle lui ferait bien un gros câlin, mais tout le monde les regardait. Bon, pas tout le monde, elle exagérait, mais une lycéenne dans l’université, ça ne passait pas inaperçu non plus. Malheureusement. La prochaine fois elle prendra des vêtements de rechange dans son sac. Oui, elle pensait déjà à la prochaine fois. « Mais c’est gentil. Tu n’es pas obligée. J’y penserai. » Il ne fallait pas qu’il hésite. De toute façon, ils étaient engagés, d’une manière ou d’une autre, donc bon… « T’as intérêt à me contacter, ce soir, pour que j’ai ton numéro. Je ne l’ai pas moi. » C’était sous une petite moue légèrement capricieuse, qu’elle lui fit comprendre, qu’elle voulait son numéro. Elle pourra le faire rire sous des conneries en sms ou autre. Elle y pensera plus tard. « Par contre, je vais devoir y aller, j’ai cours dans quelques minutes. On se revoit bientôt. » Hein quoi ? La jeune fille se redressa avant de lui emboiter le pas. « Attends, j’ai fini. Je viens avec toi. Ça me donnera un avant-goût de la fac. » Même si soyons honnête elle ne comptait pas y aller. « Enfin, ça te dérange si ta futur femme, ne compte pas aller à l’université ? » Ben quoi ? Elle préférait demander, ils étaient fiancés, elle se devait de savoir ce que voulait son futur mari. Elle était attentionnée non ?

TENUE  † Yuto était désolé qu’une autre personne que lui ait également connu la misère de perdre une mère. Voir disparaître, du jour au lendemain, la femme qui vous avait toujours élevé était un événement particulièrement traumatisant. Il était à la base d’un grand nombre de décisions qu’il avait prises à ce jour. « Je le ferai, tu as ma parole. » Elle ne l’avait pas demandée, mais il hocha la tête pour confirmer ses propos, voyant la moue qu’elle arborait. Il peinait malgré tout à réaliser que cette fille était la même que celle avec laquelle il avait fricoté dans une piscine l’année précédente.

Mais il n’avait pas le temps de s’attarder sur de telles questions : les cours attendaient. Toujours particulièrement ponctuel, Yuto ne pouvait souffrir l’idée d’être en retard à une leçon, même si c’était la plus ennuyeuse du monde. Celui-ci ne le serait pas particulièrement ; il traitait des relations entre le Japon et le reste du monde, ce qui était plutôt utile quand on connaissait le nombre de touristes qui se rendaient dans leur pays chaque année. Hélas, il n’avait pas vraiment la tête à écouter.

« Tu es sûre ? Tu vas pas… t’ennuyer ? » Elle n’avait pas l’air de s’intéresser à ce genre de matières. L’idée qu’elle puisse simplement rester là ne lui traversa pas l’esprit. Son regard se posa sur la lycéenne quand elle lui posa une question. Rina l’avait déjà choquée en lui disant que les études ne l’intéressaient pas. Elle n’aimait pas ça. Il songea également à sa mère qui n’avait jamais étudié ni travaillé. Elle n’avait fait qu’accompagner son père, partout où il allait, jusqu’à ce qu’elle exprime le souhait de s’occuper de son enfant à la place de la nourrice. « Non. » Cela l’aurait dérangé, lui, de ne pas y aller. Mais si Yuzu devait devenir sa femme, amour ou non, il n’était pas question de la négliger comme son père l’avait fait. « Tu as le droit de faire ce que tu veux. »

Après un nouveau silence, Yuto poussa un bref soupir et lui indiqua le couloir d’un geste de la main. « C’est par là. » dit-il en l’emmenant jusqu’à la salle où se déroulait effectivement le cours. « Tu devrais enlever ça. » dit-il avant de pousser la porte pour entrer, en désignant la veste de l’uniforme qu’elle portait.

UNIFORME SCOLAIRE  † « Je le ferai, tu as ma parole. » La petite fille hocha la tête, bien contente d’entendre ça. Elle allait l’attendre ce coup de fil. Elle serait sûrement allongée sur son lit, à attendre que son téléphone sonne, ou qu’elle reçoive un message de sa part. Elle allait le faire, quand elle était obstinée, on ne pouvait plus l’arrêter. Elle était comme ça, on ne la changerait pas. Quand elle a une idée en tête, elle ne l’a pas ailleurs de toute façon. En tout cas, elle était attristée d’apprendre tout ce qu’elle venait d’entendre de la part de Yuto. Il ne méritait pas ça. Même si y’a quelques mois, lors de leur dispute, dans ce bar, elle lui aurait sûrement dit : bien fait pour ta gueule connard. Mais là, elle ne disait rien, parce qu’elle avait de la compassion pour lui. Elle avait un cœur quand même. Oui, elle en avait un. D’ailleurs, elle lui proposa de venir en cours avec lui. Elle n’avait pas envie de le lâcher. Elle voulait rester avec lui, parce qu’il venait de se confesser et qu’il avait l’air tout triste. « Tu es sûre ? Tu vas pas… t’ennuyer ? » Elle secoua la tête en pointant du doigt son sac. « Si tu savais, toute la ressource qu’il y a dans ce sac, pour ne pas s’ennuyer en cours. Tu serais étonné. » Il a cru quoi ? Qu’elle soit dans sa classe ou dans une autre, ça ne changeait rien, elle ne bossait pas. Yuzu avait la flemme de bosser, elle pourrait, elle a les moyens, mais elle ne veut pas se les donner, tout simplement. « Tu as le droit de faire ce que tu veux. » Elle était ravie d’entendre ça. Elle tapa même dans ses mains. « Great. Un point pour toi. Je t’aime déjà, chéri. » C’était bien évidemment, un faux je t’aime, et elle savait qu’il le savait. Il n’était pas stupide. Enfin, elle croit ? « C’est par là. Tu devrais enlever ça.» Elle regarda, la veste de son uniforme, avant de l’enlever et la mettre dans son sac. Sans attendre, elle entra dans l’amphithéâtre et suivit son « fiancé » avant de s’asseoir à côté de lui. Elle admirait un peu la salle, c’était grand. Le prof ne pourrait jamais voir ce que font tous les élèves. Cooooool. Elle sorti sa tablette pour la poser sur la table, et lança son jeu. « Promis, je te dérange pas pendant le cours. »

TENUE  † Ils venaient à peine de se revoir et se faisaient déjà des promesses. Yuto lui-même trouvait ça stupide, mais il espérait que sa promesse avait un minimum de sens, même si ce n’était que celui de confirmer qu’il lui enverrait un message une fois rentré. C’était tout ce dont il était capable, sur le moment, ne trouvant pas utile de lui en envoyer un dans l’instant, et estimant qu’il n’était de toute façon pas nécessaire de se presser. Il n’y avait aucune urgence. Plus maintenant, en tout cas, à part celle de se rendre en cours et d’écouter les notions dispensées par un professeur qui passait son temps à digresser et à répéter les mêmes choses. Comme si les cours n’étaient pas suffisamment compliqués comme ça. Le droit n’était de toute façon pas aussi important chez eux qu’ailleurs.

Sa réponse lui fit arqua un sourcil. « À ce point ? » Il n’aurait jamais songé à emmener des choses pour se distraire en cours. Lui prenait juste ses cahiers, ses feutres, ses portes mines et, même s’il préférait ce format classique, son ordinateur en quelques occasions. Mais si Yuzu avait pris de quoi s’occuper, il n’avait aucune raison de s’inquiéter. Tous ne possédaient pas les mêmes intérêts ; c’était bien l’une des choses que Rina lui avait appris avant de disparaître soudainement. Comme si elle n’avait jamais existé, alors qu’il se souvenait clairement d’elle.

Coupé dans son élan par la remarque de la lycéenne, il lui adressa malgré tout un sourire. Ne commence pas, songea-t-il. Il n’était pas à ce genre de comportement, même si c’était pour de faux. Mais il garda cette pensée pour lui et ne laissa rien paraître, se contentant d’un conseil avant d’entrer dans la salle de cours et de trouver une place à mi-hauteur pour pouvoir entendre ce que racontait le professeur, à une bonne distance d’une étudiante qui avait la fâcheuse tendance de poser des questions à chaque pause et de contraindre les autres à se lever.

« Ici. » Son sac tomba sur le siège en un bruit de plastique écrasé qui lui arracha une grimace. Il l’ouvrit pour en sortir sa bouteille, prenant une longue gorgée d’eau avant de la poser sur son bureau et de sortir ses cahiers. Celui pour la terminologie, celui pour les notes en elle-même ; le tout sur des cahiers aux pages soigneusement numérotées à l’occidentale, d’une écriture fine, à peine italique. Sa propre écriture.

Mais alors qu’il suivait habituellement le bavardage de ce cher monsieur avec intérêt, cela s’avérait bien plus difficile ce jour-là. Son esprit était trop dispersé. Yuto se laissa tomber sur le dossier de son siège en un soupir contenu, avant de poser les yeux sur Yuzu et de laisser échapper un murmur. « Qu’est-ce que tu fais ? »

UNIFORME SCOLAIRE  † Yuzu était imprévisible comme prévisible, tout dépendait les thèmes, les sujets et autres. Pour ce qui était de l’école, franchement, elle était prévisible. Le coup de la tablette, et de jouer au tétris, au point d’avoir un score imbattable, ça c’est prévisible. C’est bien plus cool que d’écouter le cours, de le noter, ou de l’apprendre. Surtout que là, elle n’était pas dans sa classe, mais dans celle de Yuto, donc bon. Encore plus une raison de jouer. Elle coupait le son et le tour est joué. Parfois, elle regardait un peu vers Yuto. Il semblait écouter le cours. De profil, il n’était pas mal du tout. Dans sa tête, elle essayait de se souvenir de cette nuit dans la piscine de l’école. Cette flotte qu’ils avaient souillée de par la semence de ce jeune homme. A cette pensée, elle se mordit la lèvre inférieure. Parce qu’elle avait beau eu le narguer, elle en gardait un très bon souvenir. Parce qu’il l’avait bien prise ce soir-là. Elle avait aimé. Même si la sensation de l’eau avait été bizarre. Tout en jouant, elle se remémorait cette soirée, en se disant, qu’elle devrait peut-être se calmer. Oui, c’est le mieux. « Qu’est-ce que tu fais ? » Elle relevait la tête avant de le regarder et sourire en coin. « Je joue au tétris. Tu connais non ? J’adore ce jeu. Je vois jamais l’heure passer en jouant à ça. Parfois le soir, je me couche c’est vingt heure. J’arrête de jouer, c’est une heure. » Elle lui racontait sa vie. Il s’en battait peut-être, et sûrement, les couilles, mais elle le lui disait. De toute façon, faudra bien qu’il fasse avec. Elle aussi. Ils étaient fiancés. Futur mariés tout ça. Tant qu’il ne lui demandait pas d’accueillir un enfant. Mon dieu non. C’est encore elle-même une gosse. Son corps est trop petit pour porter un bébé. Elle ne préférait pas y penser. « Tu veux jouer ? »

TENUE  † Malgré la mort de son père, la routine suivait son cours. Elle était juste plus stressante, plus angoissante. La simple pensée qu’on puisse venir le trouver pour l’enfermer en prison lui donnait des sueurs froides et perturbait ses nuits. Yuto n’avait pourtant pas d’autre choix qu’accepter cette nouvelle réalité et essayer de ne pas passer pour une personne trop étrange, au risque de s’attirer des ennuis qu’il aurait préféré éviter. Après tout, certaines personnes étaient bien plus malignes qu’elles ne le laissaient croire, et il aurait été profondément dommage de gâcher ses chances de mener l’existence qu’il attendait depuis des années. Même s’il se retrouvait fiancé à une fille qu’il n’appréciait pas particulièrement, la situation aurait pu être pire.
Bien pire.

C’est vers la fiancée en question se s’était tourné le regard de l’étudiant, quand il avait constaté que ses efforts ne lui permettraient pas de suivre le cours dont il avait pourtant besoin. Elle semblait occupée, mais il ne savait pas trop à quoi. Un jeu à la console ? C’était la seule chose qu’il pouvait dire, à première vue.

« Tétris ? » Sa voix résonna, suffisamment faible pour échapper à la vigilance du professeur, suffisamment forte pour se faire entendre de Yuzu. « Je connais pas. Fin, j’ai jamais joué aux jeux vidéo… » Son père trouvait ça abêtissant, et il était rare qu’il ait l’occasion de jouer sur console lorsqu’il se rendait en boîte ou dans un bar. Il s’était toujours demandé ce que les autres trouvaient à ce genre d’occupations, peut-être plus par convenance qu’autre chose. Comme son père le lui interdisait, il préférait songer qu’il n’était pas intéressé. C’était pareil pour le reste.

« Hm, je sais pas, ça fonctionne comment ? C’est une énigme ? »demanda-t-il en se penchant légèrement vers Yuzu, espérant voir l’écran un peu mieux. Pour qu’elle y passe autant de temps, il devait y avoir un certain intérêt à ce jeu, non ? Il cessa de parler pour jeter un regard au professeur, toujours plongé dans son explication alambiquée. Il n’avait aucune envie d’écouter aujourd’hui, alors pourquoi pas ?