TENUE † Il devait être 19 h, je venais de finir mon travail au garage, parfois les journées me semblaient courtes et d’autres beaucoup plus longues... Aujourd’hui c’était d’une lenteur épuisante, peur de boulot, j’ai surtout arrangé les pièces et essayer de trouver de quoi m’occuper. Dès que je suis parti j’ai filé tout droit vers mon restaurant préféré, du poulet, que du poulet et encore du poulet ! L’odeur avait déjà le don de me rendre le moral et de chasser la fatigue. Acheté des cuisses et des ailes pour dix personnes, j’ai eu droit à deux canettes gratuites, pourquoi deux ? Surement parce que la vendeuse savait que je ne vivais pas seul ? Ou alors que ce repas était trop consistant pour mon unique estomac . Belle erreur. La remerciant, elle m’offrit son chaleureux sourire et me voilà à marcher dans cette rue, vers un appartement où je vis et qui pourtant ne me fait pas me sentir chez moi. Ouvrant la porte je retire mes chaussures, ma capuche et marche vers le canapé, croisant le regard de la jeune fille en gardant le silence. On cohabite, pourtant on ne sait rien l’un de l’autre, notre seul lien fut d’avoir été témoins d’un crime horrible et cauchemardesque. D’avoir été au mauvais endroit au mauvais moment ce soir-là. Nous sommes tous deux dans le même panier et cela même si on n’en a aucune envie. Ouvrant la boîte, la chaleur s’en dégage avec une odeur délicieuse, je prends la sauce et la pose sur le côté pour attraper une des cuisses et tremper dedans avant de le gober, aah, trop bon ! Je continue comme ça pendant plusieurs bouchées avant de regarder la jeune fille et de lui montrer la boîte. « T’en veux ? » Ok, je ne suis pas aussi égoïste que je pourrais en avoir l’air, si elle a faim je veux bien partager avec, même si pour moi le poulet c’est sacré !

TENUE † J’avais passé la journée à laver l’appartement. Vu qu’il n’était pas là, et que moi, je sortais bien moins que lui, autant en profiter. On pouvait clairement dire que l’appartement brillait de fond en comble. Même sa chambre je l’avais nettoyé. Armé de gant… Parce que hors de question que de toucher les saletés avec mes mains, j’avais entrepris le grand ménage. J’avais changé les draps, j’avais même lavé le canapé. Le frappant très fort pour enlever la poussière, j’avais acheté des produits pour le désinfecter et tuer les microbes qui pouvaient s’y installer. Tout. Absolument tout brillait et était comme neuf. Même le parquet, je l’avais désinfecté et ciré. Je n’avais pas fait ça à moitié. J’avais même acheté des moustiquaires que j’ai installées partout, sur toutes les fenêtres. Aérer c’est bien, mais sans que les insectes n’y entrent c’est mieux. Finissant par me doucher, je me passais plusieurs couches de savon sur le corps avant d’en sortir. Chaque serviette de la salle de bains avaient été bouilli et désinfectée. Hors de question d’utiliser la même serviette plus d’une fois. J’étais comme ça et ce depuis bien longtemps. La machine à laver marchait tous les jours avec moi. M’habillant, je me coiffais d’une grande couette, avant d’entendre la porte d’entrée se claquer. C’était Nawaki. Me redressant, je sortis de la pièce pour le voir, avec du poulet. L’odeur alléchait mon nez. Maintenant que j’y pensais, je n’avais pas mangé de toute la journée et mon ventre commençait bizarrement à gargouiller. Je le regardais s’asseoir sur le canapé. J’étais perplexe, entre le tuer pour manger sur la table basse que j’avais nettoyé et ciré… Ou le rejoindre pour manger… Sacrilège. « T’en veux ? » J’attrapais une paire de gants alimentaires transparents ainsi que des sets de tables et des serviettes en papier. M’asseyant à même le sol, je posais tout sur la table, pour pas qu’elle se salisse. Je lui tendis des serviettes avant d’enfiler des gants pour prendre une cuisse. Je mangeais dans le silence, avant de le regarder. Il serait peut-être tant qu’on fasse connaissance ? J’hésitais quelques secondes avant de me lancer. « Comment… était ta journée ? Pas trop dure ? » Il faut dire qu’il rentre tard. Donc je me demandais ce qu’il faisait toute la journée… A vrai dire, je ne savais même pas son métier ? Je ne connaissais de lui que son prénom. Et encore. C’était un faux… « Au fait… Tu fais quoi comme métier, du coup ? »

TENUE † Je bossais toute la journée donc je ne rentrais dans cette maison que pour manger le soir ou dormir, je ne m’y sens pas chez moi et honnêtement je doute pouvoir ressentir une telle chose un jour. Dès que je passais la porte d’entrée je soupirais presque, ne faisant pas attention au fait que tout était propre, en fait je n'étais pas du genre à être attentif au truc qui m’ennuyait. Pas maniaque pour un sou, j’étais plutôt du genre à m’affaler sur le canapé et à poser les pieds sur la table, enfin façon de parler. Mangeant mon poulet je proposais à la jeune fille d’en prendre si elle souhaitait, sauf qu’elle me sort toute un tas de trucs, elle va vraiment manger avec des gants ? Je la juge une seconde... Je pensais pas rencontrer des personnes comme elle, mais après tout elle fait ce qu’elle veut, je ne l’a connait pas et quand cette histoire sera finie on pourra reprendre chacun notre route. Croquant dans une nouvelle cuisse, j’en avais rien à faire de me salir ou de manger vite et sans manière. Ma journée ? « Ennuyante et longue. » Il n’y avait pas eu grand-chose à faire, je préférais quand j’avais une tonne de boulot au point d’en oublier de rentrer et de pouvoir m’occuper l’esprit toute la nuit. Elle lançait la conversation pour en découvrir plus sur mes occupations, ce n'était pas une mauvaise idée de discuter, sauf que je prenais quand même le temps de mander mon poulet avant de répondre. « Mécanicien. » J’étais doué pour tout ce qui était manuel, la mécanique comme des tas d’autres choses, mais réparer c’était un peu un jeu pour moi. J’adore redonner vie à des objets ou travailler sur des voitures pour les remettre en état de marche, c’était plaisant une fois terminé de voir qu’on avait fait du bon travail. « Et toi, tu ne sors pas beaucoup non ? » Elle doit travailler d’ici j’imagine ou pas travailler du tout ? Je n'en sais rien.  

TENUE † Je le regardais manger. J’étais fixée sur sa bouche. Parce que je le regardais mâcher, mais aussi, je regarder ses lèvres, couverte de graisse de poulet. Je me retenais de prendre une serviette pour les lui essuyer. Ce ne serait pas bien venue de ma part. On était pas assez proche et puis il ne semblait pas trop comprendre mon addiction à la propreté. Moi-même parfois, je me trouvais extrémiste, mais je n’y pouvais rien. J’étais devenue complètement barge depuis l’incident. Il est vrai qu’avant j’étais maniaque et tout ça, mais ça c’était empiré depuis. J’en venais même à me faire saigner des mains, tellement je frottais tout, constamment. Je baissais la tête, en mangeant mon poulet par de petite bouchée. Je ne voulais pas m’en mettre partout. Je sortais de la douche. « Ennuyante et longue. » Comme la mienne, même si je ne l’ai pas trop vu passer non plus. « Mécanicien. » Ah, en gros il répare les voitures. C’est pas mal comme concept. Puis ça lui allait bien. Je mordillais mes lèvres en prenant une serviette pour essuyer ma bouche. Mordillant le poulet, je le regardais manger à une allure bien plus rapide que la mienne. Comment il faisait pour manger si vite ? N’avait-il pas mal au ventre ? « Et toi, tu ne sors pas beaucoup non ? » Je secouais la tête négativement. « Je travaille ici. Pas besoin de sortir. » Même si pour faire les courses et autre, je devrais bien sortir à un moment donné. Je n’allais pas lui imposer de les faire alors qu’il rentre déjà relativement tard… Finissant de manger enfin la peau qui couvrait la cuisse, je m’attaquais à la chair. Juteuse et bien délicieuse. Ce poulet était très bon. « Tu aimes le poulet, je me trompe ? » On vivait ensemble depuis seulement quelques jours mais j’avais l’impression qu’il en avait mangé tous les jours. « Tu… Aimes quoi d’autre ? » J’essayais, tant bien que mal, d’apprendre à le connaître. Je ne sais pas combien de temps on sera amené à vivre ensemble, mais autant que je puisse mieux connaître mon colocataire.

TENUE † Je n’étais pas compliqué comme garçon, j’avais mes habitudes certes, mais je n’avais pas de manie ennuyante ou de comportement déplacé ni de jugement sur autrui. J’ai toujours été un mec sans embrouille, entouré par ma famille et ma copine, jusqu’à ce que cette soirée-là arrive et ruine toute ma vie d’un coup. Je n’avais peut-être pas le comportement d’un traumatisé, mais pourtant ça ne m’a pas laissé indemne et je trouvais cette situation vraiment gênante. Je ne connais rien de la jeune fille avec qui je vis, si ce n’est qu’elle a apparemment un gros problème avec la propreté ou l’hygiène, de mon côté je n’allais pas changer ma façon d’être, parfois bordélique. Mangeant mon poulet je lui ai proposé de manger avec moi, faut bien faire les premiers pas, avoir une ambiance lourde ou distance sans savoir combien de temps on va passer dans cet endroit ce n’était pas la meilleure idée. Habituellement mes journées pouvaient être très remplies et occupé des heures de mon temps, mais pas aujourd’hui. L’interrogeant en retour, j’apprends qu’elle travaille d’ici donc forcément, elle n’a pas besoin d’aller dehors, je suppose qu’elle se sent mieux enfermée dans cette maison que d’affronter l’extérieur, je ne suis pas idiot, avec ce qu’on a vu et notre situation fallait rester discrète, surtout qu’on en est venu à changer notre identité, ce n’était pas pour rien. « Hum, je vois » dis-je en croquant dans mon nouveau morceau. « J’adore ça, je pourrais en manger tous les jours. » C’est d’ailleurs ce que je fais en fait... Réfléchissant à sa question, j’en profite pour attraper un papier et m’essuyer les lèvres, jetant ce dernier sur la table, je vais encore l’utiliser. Je réfléchis à sa question, ayant plusieurs centres d’intérêt, je ne pouvais pas les sortir comme ça, terminant d’abord ma cuisse jusqu’à l’os. « Ma famille, ma copine, les chiens. » Pour ce qui est « humain », je m’essuie les doigts et pioche dans la boîte, ayant encore la place d’en dévorer une dizaine et plus encore.  « Et toi ? Il y a un plat que tu préfères ? »  

TENUE † « J’adore ça, je pourrais en manger tous les jours. » Il me faisait penser un peu à un enfant, qui voulait toujours manger le même plat parce qu’il aimait ça. Donc ça te faisait un peu sourire. Au moins, il n’était pas compliqué. Pour lui faire envie, je n’aurai qu’à lui commander du poulet, j’avais même rien à faire. Je dépiautais tranquillement ma cuisse, me nourrissant tel un petit moineau, n’osant pas trop manger devant l’inconnu. J’essayais d’apprendre à le connaître. Alors je posais des questions. J’espérais seulement que ça ne le dérange pas… Mon but n’était pas de l’enquiquiner… Bien au contraire, mais je voulais juste apprendre à le connaître. Et je pense que lui aussi, viendra un moment où il me posera des questions. « Ma famille, ma copine, les chiens. » Le fait qu’il dise qu’il avait une copine me serra la gorge. Je n’étais pas au courant… Autant la famille ça devait lui manquer, mais soyons honnête. On doit aussi faire notre propre vie. Et sa copine, était plus importante, sûrement, que sa famille. Elle devait lui manquer… Je me mordillais les lèvres en le regardant. « Je suis désolée. » De quoi ? Ce n’est pas comme si c’était moi qui l’avais poussé dans la ruelle à voir le massacre. Au contraire, il avait été là avant moi. Il m’avait même sauvé, si je puis dire… « Et toi ? Il y a un plat que tu préfères ? » Je mâchouillais mon morceau de poulet en réfléchissant un peu. Pas vraiment… Maintenant que j’y réfléchissais… « Je ne crois pas… J’aime beaucoup des ramens. Ou les nouilles coréennes. Mais plus parce que c’est rapide à cuisiner… » Je n’étais pas au Japon depuis très longtemps, alors forcément… Et puis la cuisine et moi, j’allais toujours au plus simple et au plus rapide. Ou j’achetais tout prêt… « Mais j’aime faire le ménage. » Bon, je crois qu’il l’avait vu et compris. La maison brillait presque plus que le soleil. « En fait… C’est plus une obligation. Je ne sais pas trop de quand ça date, mais je suis devenue obsessionnelle de ça… Parfois ça me ronge, parce que si je sors sans avoir nettoyé un truc, je m’en rends parfois malade… » Même au niveau de mes mains, je me les lavais constamment, trop souvent, avec une brosse au point de parfois, m’arracher la peau.

TENUE † Que je ressemble à un enfant ou non, le fait est que j’étais franc, j’adorais le poulet et parfois manger la même chose ne dérange pas quand on aime ça n’est-ce pas ? Après je ne mange pas QUE du poulet, mais c’est juste pour exprimer mon amour pour ce plat. J’ignore combien de temps nous sommes coincés ici donc évidemment il était temps de discuter un peu, c’est normal de ne pas être à l’aise, elle et moi sont des inconnus ayant un moment de notre vie en commun qui au final... nous a arraché momentanément notre existence. Manger en faisant connaissance ce n’était pas si mal et je répondais à sa question sans aucune hésitation, parler de ma famille ou de ma copine ne me pose pas de problème... Certes, ce n’est pas en tant que Nawaki, mais peu importe ce qu’ils pensent ou ce qu’ils font en ce moment, ils restent ma priorité et je veux rapidement retrouver mon identité pour les retrouver. Terminant ma cuisse, je la regarde lorsqu’elle s’excuse. « Tu n’as rien fait pour t’excuser. » Ce n’est pas sa faute, ni la mienne, on était simplement au mauvais endroit au mauvais moment... L’interrogeant en retour, je pioche un nouveau morceau, avec moi c’est rare qu’il en reste. Hum, les ramen, il y a un restaurant à côté de celui du poulet, je pourrais toujours lui en ramener la prochaine fois. Je ne suis pas un égoïste non plus. « Je t’en prendrais la prochaine fois. » Dis-je les yeux fixés sur ma cuisse que je déchiquette à pleines dents. Je jette l’os en posant mon regard sur elle quand elle parle de ménage. « J’avais un peu remarqué. » J’allais pas dire le contraire, ce n’est pas comme si ce n’était pas flagrant. « Certaines personnes ont besoin de trouver un truc j’imagine, je devrais m’excuser à l’avance pour le travail que je vais te donner. » Parce que je ne compte pas changer et je suis loin d’être maniaque de mon côté. « Tu l’avais avant « ça » ? » Je parle de notre vision d’horreur en commun évidement. 

TENUE † « Tu n’as rien fait pour t’excuser. » Il avait raison, mais voilà, c’était venu tout seul. Je me sentais surtout désolée pour sa famille et sa copine. La pauvre, elle devait être dans un état… Et sa famille n’en parlons pas… En tout cas, je lui souriais timidement, pour lui montrer qu’il avait raison. Mais ça ne m’empêchait pas de l’être. Apprenant à se connaître, je lui fis part de ce que je pouvais apprécier comme nourriture. « Je t’en prendrais la prochaine fois. » Je relevais le regard vers lui, avant de sourire franchement cette fois. « Chouette, je te filerai de l’argent, achète des bières avec. Autant boire un coup ou deux. Ou trois. » D’ailleurs, en parlant de boire, je pris une canette pour m’hydrater. Ça piquait un peu, les bulles s’étaient souvent traite, mais je faisais avec. Alors que lui, s’acharnait sur la énième cuisse, moi, je posais la mienne presque fini, mais les os encore pleins de chairs. Je n’osais pas ronger et puis, je n’avais pas envie de me salir les lèvres. Je lui parlais rapidement de mon souci personnel. A savoir que j’étais trop maniaque. Et il semblait l’avoir remarqué, bon faut quand même dire que je ne le cachais pas pour autant. C’était tellement puissant comme toc que bon… Mais je n’y pouvais rien, j’aimais la propreté, je n’aimais pas marcher, sur un sol sale. Donc autant le laver et le faire briller. Et surtout bien le désinfecter… « Certaines personnes ont besoin de trouver un truc j’imagine, je devrais m’excuser à l’avance pour le travail que je vais te donner. Tu l’avais avant « ça » ? » Je fis ressortir ma lèvre inférieure avant d’hausser les épaules. J’ai toujours été plus ou moins maniaque, ce n’était pas nouveau. Encore plus avec mon travail. Il était hors de question qu’un client parte avec encore un poil sur la zone épilée. J’étais minutieuse et maniaque. « Oui. Ça fait des années que je suis comme ça. J’ai grandi dans un environnement assez sale, je pense que ça y a joué. » J’étais passée d’un extrême à l’autre. C’est souvent comme ça de toute façon. Mais je me gardais de dire que depuis « ça » comme il disait, ben ça s’était tout de même empiré… « M’enfin bon. Tu vas t’habituer. C’est cool le propre et l’odeur du propre. » d’ailleurs j’en profitais pour prendre une serviette et me pencher pour essuyer ses joues et ses lèvres couverte de graisse de poulet.

TENUE † Je pensais tous les jours à ma famille, ma copine, mais je n’avais pas le droit d’avoir le moindre contact avec eux, je m’inquiétais de comment ils vivaient ma disparition, mais j’espérais simplement que tout cela se termine très vite et ainsi pouvoir les retrouver avec un sourire sur le visage disant « je suis vivant, je suis là » en les serrant très fort dans mes bras. Malheureusement, j’ignorais quand cette situation aller se terminer, quand je pourrais sortir de cette protection des témoins, de cette fausse identité qu’on m’avait donnée, je voulais retrouver ma vie... Mais je prenant mon mal en patience et m’occuper chaque jour pour que le temps passe plus vite. La jeune fille n’avait rien à se reprocher, elle était dans le même cas que moi et on n’avait pas choisi d’être ici ensemble coincé dans cette histoire complètement folle. Au moins je sais la nourriture qu’elle aime, je pourrais en prendre dès que je m’arrêterais commander mes poulets. De la bière ? « Ok » En ce qui concerne son côté maniaque, même sans avoir vécu longtemps avec ni passé mes journées enfermées dans cette planque je ne pouvais pas dire que je n’avais pas remarqué que c’était tout de même visible. Le fait qu’elle porte des gants, que ce soit toujours nickel, je ne pourrais jamais vivre de cette manière, c’est impossible pour moi. Que ce soit propre c’est cool, mais à être aussi extrême, j’ai surtout l’impression que ça ruine une vie, mais c’était ma façon de pensée, je ne jugeais pas la sienne.  « Surement, tu n’es jamais fatiguée ? » De toujours se protéger contre la moindre saleté. « Qu’est-ce qui te fait peur, les microbes ? » Je voulais juste comprendre ce qui lui passe dans la tête lorsqu’elle se retrouve confrontée à une tache ou un truc du style. Tout comme elle vint essuyer mes lèvres et mes joues. « Tu vois, moi j’enlève ça avec ma langue. » La graisse sur mes lèvres. Je n’avais pas besoin qu’elle m’essuies. « La propreté oui, mais quand c’est un peu trop j’ai surtout l’impression que ça peut devenir compliqué. » Moi je ne fais pas attention, elle si, on va surement être souvent en conflit.

TENUE † « Surement, tu n’es jamais fatiguée ? » Je secouais la tête négativement. C’était une question d’habitude. Je crois. Parfois c’est sûr que j’aimerais bien ne pas y penser, mais ce n’est pas si fatiguant que ça, faut dire que je ne bougeais plus trop, donc par rapport à mon ancienne vie, c’était largement moins fatiguant. « Qu’est-ce qui te fait peur, les microbes ? » Cette fois, j’hochais la tête de façon positive. « Mets ta main dans un microscope, tu verras le nombre d’insecte et de bestioles qu’on a sur nous. Ces fourbes ne sont pas visibles à l’œil nue. Ce ne devrait pas être permis. Berk. » Rien que d’en parler, un énorme frisson parcouru mon corps. C’était loin d’être agréable. Il était l’inverse de moi. Et pas qu’un peu… a dire vrai je devais être effrayante à ses yeux. Mais j’assumais. De toute façon, j’étais à prendre comme ça. Ma phobie n’était pas une option que je pouvais jeter à la poubelle. En tout cas, il semblait ne pas se soucier de tout ça, il mangeait son poulet comme un vrai Cro-Magnon. Je ne lui en voulais pas, loin de là, je trouvais ça à la fois viril et flippant. Avais-je déjà, dans mon passé, mangé de la sorte ? Je n’en sais rien, je ne m’en souviens pas. A dire vrai, j’ai plus tendance à me souvenir de quand j’ai commencé à flipper des microbes qu’autre chose… « Tu vois, moi j’enlève ça avec ma langue. » Instinctivement je me mis à déglutir. Ma peau me picotait, mon sang affluait à toute vitesse dans mon corps sous le stress. Ça venait de me retourner l’estomac. Rien que d’imaginer le délire. « La propreté oui, mais quand c’est un peu trop j’ai surtout l’impression que ça peut devenir compliqué. » J’arquais un sourcil. « Que ça va devenir ? Tu as peur que je te casse les pieds ? C’est ça ? Tu sais, je fais le ménage quand t’es pas là. Promis je ne toucherai pas ta chambre. » Je posais mon index sur mes lèvres avant de me raviser, mon regard changeant d’expression. « Sauf le sol. On marche pied nue alors, je laverai ton sol. » une fois. Ou deux, ou trois par jour. Il n’en saura rien, il travaille dehors. « D’ailleurs, tu me donneras tes vêtements d’aujourd’hui s’il te plaît. Je vais faire une machine ce soir. » Autant que ça soit laver sur le champ.

TENUE † Je ne pouvais pas me mettre à la place de cette fille, sa façon de voir les choses, de craindre les microbes ou je ne sais quoi d’autres. Je n’ai jamais eu ce problème et il est difficile de comprendre ou cerner ceux qui sont « différents » ce n’est pas pour cela que je la juge ou lui tourne le dos, du moment qu’elle ne rend pas ma vie impossible je peux le supporter. Je l’écoute m’expliquer comment elle voit les choses, même ainsi ça ne m’empêche pas de relativiser, je me fiche de ce qui se trouve sur moi, je ne les vois pas et nous sommes tous pareil non ? Je souris en haussant les épaules. « Si je devais penser ainsi je crois que ça me rendrait fou, de toute façon il n’y a pas vraiment de moyen de vivre sans pas vrai ? » Quoi qu’elle fasse ils reviendront toujours. Vivre avec cette phobie ça doit être dur. Je ne comptais pas changer ma façon d’agir parce que mes gestes ou mon comportement pourraient être nauséeux pour elle. On doit vivre ensemble et cela sans trop savoir jusqu’à quand, donc j’aimerais autant qu’elle m’accepte comme je suis et je ferais de même, en espérant malgré tout que cette situation se termine vite, je n'ai pas non plus envie d’y passer des années dans cette maison au risque d’oublier qui je suis réellement... « Disons que ça peut le devenir pour toi, je ne suis pas du genre à faire attention aux mêmes trucs que toi, du moment que tu me laisses vivre comme je l’entends sans vouloir en faire trop il n’y aura pas de problèmes. » Dis-je pour éclaircir mes pensées, mangeant en retrouvant mon silence habituel, du moins jusqu’à ce qu’elle parle de lui donner mes vêtements. Je jette un œil à ce que je porte, puis relève les yeux sur la jeune fille. « Si ça peut te faire plaisir. » Je ne vois pas d’inconvénient, mais avant ça je compte bien finir de manger.

TENUE † « Si je devais penser ainsi je crois que ça me rendrait fou, de toute façon il n’y a pas vraiment de moyen de vivre sans pas vrai ? » J’haussais les épaules. Il n’avait pas tort, mais si je devais réfléchir, sur ce toc, ou cette maladie que j’avais, peu importe le nom qu’on pouvait lui donner, je pense qu’au final, ça m’envahit sans même que je ne me rende compte. C’est là, ça vient sa rampe sur moi et avant même que je ne me rende compte que ça me bouffe la vie, c’est ancré. Dans ma peau, dans mes veines, ça absorbe mon âme. Une sorte de monstre suceur de sang, en gros. « Je pense que quand on se rend compte qu’on a un souci, c’est trop tard. Enfin, je pense, hum. » Dis-je simplement. Je n’avais pas forcément envie d’entrer dans les détails non plus. Mais c’était là, mon point de vue… Je me pinçais les lèvres en enlevant mes gants, je venais de finir ma cuisse de poulet, ça me suffisait. Soupirant doucement, j’enveloppais les gants dans un bout de papier pour ne pas salir la table. « Disons que ça peut le devenir pour toi, je ne suis pas du genre à faire attention aux mêmes trucs que toi, du moment que tu me laisses vivre comme je l’entends sans vouloir en faire trop il n’y aura pas de problèmes. » Je souris faiblement. Nawaki semblait être un garçon agréable. Je ne le connaissais pas, mais ce soir, on peut dire qu’on a fait un pas en avant dans notre « relation » assez spéciale et peu commune. Hochant la tête pour ce qui était de son linge, je finissais par me relever en prenant mes affaires. « D’accord, merci pour le repas, c’était très bon. » Je lui fis un sourire, avant d’aller dans la cuisine pour jeter les saletés dans la poubelle et finir par me laver les mains malgré moi.