TENUE †La nuit était déjà tombée dans les rues de Tokyo. C’était le week-end, et j’avais un peu envie de me changer les idées. Il faut dire que depuis quelques temps, Eden, ne quittait pus trop mes pensées. Ça m’ennuyait. Pas que ça soit dérangeant, au contraire, mais voilà, c’était un lycéen. Un gamin, un mineur. Je ne vois pas comment, je peux penser à lui de façon un peu trop… Intime. Je le voyais comme un homme. C’est sûr, il en est un, je n’en doute pas un seul instant. Mais voilà. Ça me rend tout aussi triste que si je n’avais personne en tête. A croire que je dois toujours me compliquer la vie… Sortant de chez moi, je décidais de me changer les idées. Radicale comme fille, je me retrouvais bien vite dans une boite d’échangiste. Je regardais les gens, s’amuser, se toucher, s’embrasser, parfois, aller dans des chambres pour pousser les choses bien plus loin. Certaines s’amuser à regarder, sans rien faire. Je fis de même. Je n’avais pas la tête à coucher, ou à m’amuser avec un homme. Je voulais juste… Regarder. Fantasmer sur un homme qui n’a pas la tête d’Eden. Cette pensée me fit culpabilisée. Rien que de penser ça, je me pensais criminelle. Pédophile ouais. Buvant quelques verres, je soupirais en ventilant un peu mon visage. Déjà qu’il faisait chaud dans la boite… Sentant un bras se loger autour de ma nuque, je regardais le mâle qui semblait être intéressé par mon physique. Lui souriant gentiment, je refusais ses avances avant de quitter ma chaise. Il se faisait tard, il était tant que je rentre. Et puis, je n’avais rien mangé, l’alcool commençait à me faire un peu tourner la tête. Sortant dehors, le froid me fit longuement frissonner. Talons haut aux pieds, j’essayais de me débarrasser de ce type, qui osa me suivre dans la rue. Il s’accrochait à moi, à mon bras, il me collait à lui. C’était l’un des défauts de ce genre de boite. Une fois bourré, certains hommes ne savaient plus se contenir. « Va-t’en. » Dis-je sans trop m’énerver. De toute façon, j’avais du mal à élever la voix. J’étais un peu fatiguée. Pourtant, il me bloquait avec sa force. Et ça commençait à m’énerver.

TENUE †A l’intérieur de la bibliothèque, je n’avais pas remarqué qu’il faisait déjà nuit. Ce n’était que lorsque le bibliothécaire nous a annoncé que la fermeture approchait que j’ai pris conscience de l’heure tardive. Il nous laissait encore une vingtaine de minutes avant la fermeture mais j’ai décidé de partir sur le moment. Je rangeai mes nombreux cahiers et livres dans mon sac à dos puis mis mon manteau. Je n’ai pas oublié de mettre l’écharpe que m’a offert Sensei autour de mon cou. Prêt à braver le froid, j’ai salué poliment le bibliothécaire avant de traverser les portes et de descendre dans la rue. L’hiver était toujours présent, je le sentais. Et la nuit n’y était pas pour rien non plus. J’ai mis mes mains dans les poches. Je marchais en direction du dortoir. Sur le chemin, je me suis arrêté dans une superette ouverte 24h sur 24.  J’avais eu soudainement envie d’y faire un petit tour. Je regardai les divers plats préparés avec envie. J’ai faim. C’est vrai, je n’avais pas mangé ce midi. Après quelques secondes à hésiter, je me suis pris deux onigri aux bœuf mariné et une boisson chaude à la vanille. Repas terminé, je sortis de la superette. Cette fois ci, j’allais rentrer pour de bon. Je pressai le pas car je ne voulais pas m’attarder dans les rues froides de Tokyo. Sauf que quelque chose m’interpella au loin. Une femme se faisait suivre par un homme. Ils ont disparu dans le coin de la rue. Je ne savais pas ce qu’il se passait mais je ne pouvais pas non plus ignorer ça. Je devais au moins m’assurer qu’il n’y avait rien de grave. Je me mis à trottiner jusqu’à eux. J’avais bien fait car cette situation n’était pas normale. « Hey !  » L’homme, visiblement saoul, se tourna vers moi. J’aperçu le visage de l’autre personne. « Sensei ?!   » Je me ruai sur eux pour la séparer de l’homme. Elle aussi, semblait être sous l’emprise de l’alcool. Est-ce qu’on l’a droguée ? Je sortis mon portable. « Allez vous en si vous ne voulez pas finir en prison.  » Même si j’avais parlé poliment, mon ton exprimait la gravité de la situation. Je n’étais peut être qu’un lycéen mais il ne fallait pas me chercher dans ces moments là. L’homme nous insulta à plusieurs reprises mais se résigna à partir. « Vous allez bien ?  » Elle empestait l’alcool.

TENUE † La situation était un peu chaotique, il faut dire que j’avais bu énormément, peut-être même un peu trop. J’étais euphorique, lourde, endormie, j’étais littéralement dans un état second. Et pour couronner le tout, j’avais un type qui me suivait, me collait, pour qu’on aille dans un hôtel du coin, se faire plaisir. Or je n’avais pas envie de me faire plaisir, pas avec lui du moins. Certes j’étais allée là-bas pour tenter d’oublier et de ne plus penser à ce sale morveux qui envahissait mes pensées… Mais voilà, ça ne voulait pas dire que je devais aller aussi loin. C’était peine perdu je crois. Je le repoussais tout en riant toute seule. Si en plus je deviens folle. Pourtant, sa voix se mit à résonner dans ma tête. Je mis quelques secondes à comprendre qu’en fait, c’était pas dans ma tête, mais qu’il était bel et bien là. Eden était à mes côtés, il prenait ma défense. Du haut de ses trois mètres, au moins, il me fit pencher ma tête en arrière pour mieux le voir. Je sais pas si c’est l’alcool, mais qu’est-ce qu’il est beau ce soir. J’ai ce sourire stupide sur le visage pendant qu’il parle au type qui lui aussi nous parle. Ou nous insulte. Je ne sais pas trop. Je ne vois que Eden. J’ai des étoiles pleins les yeux, des papillons plein le ventre, j’ai qu’une envie c’est de le prendre dans mes bras. Aussitôt pensé, aussitôt fait. Je me jetais sur lui. Bras enroulés autour de son cou, j’enfouissais ma tête pour me cacher dans son cou. Son odeur m’enivrait. J’en aurais presque la tête qui tournait… « Mon Eden est là. » Dis-je en le serrant un peu plus fort. Je n’étais pas plutôt en train de l’étouffer ? J’en sais trop rien. « Onee-chan est contente de te voir. » Dis-je en le lâchant pour reculer. Manque de pot, mon talon haut ripa et je me retrouvais au sol. Qu’est-ce qu’il est grand Eden.

TENUE †J’aurai apporté mon aide à n’importe qui dans une telle situation mais je ne m’attendais pas à voir Sensei bourrée. Elle tenait à peine sur ses jambes et tremblait de partout. Voir une telle scène ne me donnait pas du tout envie d’être saoul. En fait, ça ne me donne pas envie de boire de l’alcool. Mais qu’est ce qui l’a poussé à boire autant ? Les adultes se saoulaient pour beaucoup de raison mais je ne pouvais m’empêcher de me demander quelles pourraient être sa ou ses raisons. Je chasse l’homme tout en restant courtois. Heureusement, il part sans créer de problème majeur. J’ai à peine eu le temps de voir l’homme partir que Sensei me saute dessus. Elle me colle et ne me lâche plus. Je soupire. J’ai beau essayé de la détacher de moi, elle restait collée comme une sangsue. « Mais oui, je suis là. Mais maintenant lachez moi…  » Si non, j’allais mourir étrangler sous son étreinte ! Je ne sais pas si c’est parce qu’elle est saoule, mais elle a une sacrée poigne ! Heureusement, elle finit par me lâcher. Elle tombe par terre. Je soupire encore une fois. Elle me rend fou. Je n’ai jamais eu à gérer ce genre de situation. S’occuper d’une personne enivrée est trop compliqué. Je n’allais clairement pas la laisser dans la rue comme ça. Je lui tire les bras pour la relever. « Pourquoi avez-vous bu ?!   » Je n’attendais pas forcément une réponse. C’était plus une plainte qu’une question. « Il faut rentrer chez vous.  » Mais il ne faut pas que des personnes de Royal la voit dans un tel état. Ce n’était pas professionnel et qui sait les conséquences qu’elle pourrait avoir. « Vous pouvez marcher ?  » Je la tiens par le bras pour la soutenir.

TENUE † « Mais oui, je suis là. Mais maintenant lachez moi… » J’étais ivre, alors forcément, je ne savais pas trop ce que je faisais. Enfin, si, mais le temps de le réaliser, c’était pas forcément génial. Je m’agrippais à lui, tel une moule à son rocher, ou un koala à sa branche, que sais-je. Il venait de me sauver, alors oui, forcément, je ne le lâchais plus. Et puis, c’était Eden… Mon Eden, celui que j’essayais d’oublier, mais qui apparaissait devant moi, comme une espèce de karma ou de destin douteux. Mais tant pis, puisqu’il est là, autant en profiter. « Ne sois pas fâché… » Je voyais bien qu’à son ton, il n’était pas très content. Pourtant, je le lâchais, pour me retrouver sur le sol, froid, trop froid à mon goût. Mais je faisais avec. J’avais l’impression, d’être une petite fille qui allait se faire gronder par son père. Sauf que là, ce n’était pas mon père en face de moi, mais Eden. Un garçon. Un jeune garçon, qui semblait trouer mon cœur pour s’y loger. Pff. Comme s’il avait le droit. Eden par-ci, Eden par-là. Ça faisait bien longtemps que ça ne m’était pas arrivé. Tout ça, c’est la faute de ce foutu voyant. Trouve ton arbre qu’il m’a dit. Ben à vouloir chercher par curiosité, me voilà foutu. Il m’aidait à me relever, je le laissais faire. « Pourquoi avez-vous bu ?! » Je sursautais. Pas si fort bon sang. Monsieur était vraiment en colère. Je le pointais du doigt pour le désigner coupable avant de rire nerveusement. « J’essaie d’oublier quelqu’un. » Soufflai-je d’une voix à peine audible. Tentant de tenir droit, je soupirais longuement. Qu’est-ce qu’il est grand. « Il faut rentrer chez vous. Vous pouvez marcher ? » J’hochais la tête en passant mon bras autour du sien. « On n’est pas loin de chez moi, je crois. Tu me ramènes ? » Autant en profiter un peu.

TENUE †Je n’avais encore jamais eu l’occasion de m’occuper de personnes ivres. Etant lycéen, je n’ai pas de contact avec l’alcool. Les personnes que je connais ne peuvent pas boire non plus et je ne vois pas souvent mes parents pour voir des adultes boire. Mais il suffit d’un peu de jugeote pour comprendre que Sensei était mal au point. Elle ne tient pas sur ses jambes et s’accroche durement à moi. On m’a toujours dit qu’il ne faut pas écouter ce que les personnes ivres disent car elles n’ont pas toute leur tête. C’est pour cette raison que j’essaye de ne pas trop m’énerver. Ça ne sert à rien car elle est sous l’influence de l’alcool. Mais j’avoue facilement que je ne voulais pas m’occuper d’une personne ivre. Sauf que je ne pouvais pas non plus laisser Sensei seule. Qui sait quel ennuie elle allait s’attirer. Elle tombe par terre. Je soupire. Mais qu’est ce qui a bien pu se passer pour qu’elle soit ainsi ? Elle pointe le doigt en ma direction. Elle murmure quelque chose. Je peine à entendre ce qu’elle dit. Mais si j’ai bien entendu, il me semble qu’elle a parlé d’oublier quelqu’un. « Ce n’est pas avec l’alcool qu’on oublie quelqu’un.  » Alcool n’est pas une solution magique. Mais mine de rien, je suis quand même curieux de connaitre son histoire. Elle s’accroche à mon bras. «  Evidemment que je vous ramène. Je ne vous laisse pas dans cet état. » Je lui enlève son bras du mien pour la poser sur mes hanches. « Vous aurez plus d’appuie ici. » Je passe mon bras derrière son dos puis l’attrape par son épaule. « C’est parce que vous êtes saoul que je vous autorise à me tenir comme ça. » On sort de la ruelle. « Vous savez où est votre maison ? » Je crois bien qu’elle habite à Royal mais il existe plusieurs bâtiments. Bref, autant l’amener jusqu’au campus et on verra bien où elle nous mènera.

TENUE † « Ce n’est pas avec l’alcool qu’on oublie quelqu’un. » Je boudais un peu en entendant ça. C’est parce qu’il n’y connaissait rien. Et puis s’il était à ma place, lui aussi se mettrait à boire. Parce que franchement, c’était assez difficile d’admettre que je flanchais pour un gosse. Oui, un gosse. Parce qu’il n’était même pas majeur. C’était un lycéen ! Bon sang ! Comment il réagirait lui, s’il tombait amoureux de moi ? J’aimerais bien savoir tiens. Ça m’intriguait en fait. J’essayais de lui répondre, mais les seules choses qui sortaient de ma bouche, c’était des espèces de gazouillis et de bruits bizarres. Bref, j’étais vraiment atteinte. « Evidemment que je vous ramène. Je ne vous laisse pas dans cet état. Vous aurez plus d’appuie ici. » Dit-il en posant mon bras autour de sa hanche. Ce petit homme est maigre. Est-ce qu’il fait un concours de la maigreur ? J’avais l’impression de pouvoir toucher ses os. Mais je devais avouer qu’avoir le bras là, ça me plaisait bien. Et puis, son bras dans mon dos aussi me plaisait bien. Ça me rendait toute chose. « C’est parce que vous êtes saoul que je vous autorise à me tenir comme ça. » Je levais les yeux au ciel, fallait toujours qu’il ruine mes pensées. C’est dingue, ce gosse était irrécupérable. Depuis le temps, que je trainais avec, il sortait toujours ce genre d’excuse. Et si en fait, il sortait ça, parce qu’il ne voulait pas que je vois qu’il m’aime ? Je secouais ma tête. Arrêtons le massacre Joy, tu ne fais qu’empirer les choses en pensant cela. « Vous savez où est votre maison ? » J’essayais de voir où on était, mais avant même de répondre, il nous fit marcher. Je baillais longuement à la place avant de soupirer. Le plus simple était de rentrer au dortoir, avec lui. « Royal. » Dis-je simplement. En tout cas, j’étais littéralement dans mes pensées, avec l’alcool, je ne saurais dire si ça fait dix secondes qu’on marche ou dix minutes. Je suis totalement à l’ouest. « En tout cas… » J’avais un peu de mal à parler. « Merci. J’ai l’impression… Que tu es toujours là, quand je ne vais pas bien. » avouai-je en soupirant. Même si l’inverse était réciproque aussi.

TENUE †J’ai l’esprit clair et la tête hors de l’eau. Il est plus facile pour moi de lui « donner des conseils » sur son problème. Mais quelle que soit ce problème, il est évident que ce n’est pas en se bourrant qu’elle va réussir à le résoudre. Je ne comprendrais jamais les personnes qui utilisent l’alcool en guise de réponse. Peut être est ce parce que je n’ai encore jamais bu ? C’est vrai que j’ai tout de même hâte d’être majeur et de boire mon premier verre de sake, mais je ne veux pas finir dans le même état que Sensei. Elle avait frôlé la catastrophe. Heureusement que j’étais là pour elle. Même si je « regrette » plus ou moins à devoir m’occuper d’une personne saoule. Elle ne tenait pas debout et semblait être à l’ouest. Je n’imagine pas son mal de crane du lendemain. Je l’aidais à marcher droit. On n’était plus très loin des dortoirs. Elle me remercie d’une voix faible. Un petit sourire se dessine sur mes lèvres. Finalement, elle n’est pas si à l’ouest que ça puisqu’elle sait que je suis en train de l’aider. « Je devrais éviter de vous voir, comme ça vous ne seriez jamais mal.  » Disais-je pour plaisanter. « Cette personne ne mérite pas que vous vous mettiez dans cet état.   » Car si c’était le cas, ça aurait été cette personne, et non moi qui, devrait venir en aide à Sensei. Bref. Notre marche reprend et nous arrivons devant la résidence. Je nous mène jusqu’à devant sa chambre. «  Où sont vos clés ?  » J’attends qu’elle les sortes avant d’ouvrir la porte. « Sensei, nous sommes chez vous.  » J’enlève mes chaussures puis traine Sensei jusqu’à son lit. Je passe son bras par-dessus ma tête puis la laisse glisser doucement dans le lit. Je réussis avec beaucoup de difficulté à me détacher de sa prise. Je lui donne un coussin en guise d’otage puis mets une couverture sur elle. Je soupire. Ce n’est définitivement pas tout aisé de gérer une personne bourrée. La voyant affalé dans son lit, je lui enlève ses chaussures pour qu’elle soit plus à l’aise. Elle a l’air de dormir mais je l’entends marmonner des choses incompréhensibles. Comme ma mission est accomplie, je devrais partir et la laisser en paix. Mais avant, je lui prépare un verre d’eau chaude que je mets sur sa table de chevet. A son réveil, elle aura certainement très soif. Je mets un couvercle dessus pour que la tasse reste aussi chaude que possible. Je la regarde une dernière fois. Ce serait bien si elle pouvait être aussi calme que quand elle dort. Mais à peine cette pensée formulée qu’elle gigote dans tous les sens. Finalement, Sensei restera toujours Sensei. C’est sur cette pensée que je décide enfin à quitter sa chambre.