Les yeux rivé sur son téléphone, Arthit traversait les couloirs silencieux de la Royal sans même prêter attention à ce qui se trouvait autour de lui. Tous les jours, il faisait le même trajet, tous les jours il restait jusqu’à tard pour fermer les salles de classe et de clubs. Ça ne le dérangeait pas tant que ça en réalité. Il pouvait se poser dans un coin de son bureau et dessiner. Sinon, il passait un peu de temps avec son frère ou sa sœur, des choses comme ça. Et puis ça déchargeait ses collègues qui avaient sûrement des tas d’autres trucs à faire.

À présent, il ne lui manquait plus qu’une aile du bâtiment et il aurait fini. Le surveillant avait déjà mis dehors tous les traînards des différents terrains de sport, c’était désormais au tour des musiciens et théâtreux. Logiquement, ils étaient déjà partis et il lui suffirait d’un tour de clé pour signer la fin de sa journée. Un sourire satisfait aux lèvres, il verrouilla la porte d’une salle de classe vide tout en surfant sur internet pour aller trouver le webtoon de Moe. Depuis qu’elle lui en avait parlé pendant les vacances d’hiver, il s’était intéressé à son travail avec attention et lisait toujours les derniers chapitres sortis.

D’ailleurs, il ne savait pas trop comment se placer vis-à-vis de leur relation. À bien y réfléchir, elle occupait une place importante dans son cœur, comme un membre de sa famille ou un ami très proche comme Sora. Mais n’était-ce pas trop pour une simple élève ? Quand bien même c’était l’une de ses chouchoutes, l’attention était peut-être un peu déplacée ? Il n’en savait rien honnêtement et cela le troublait un peu. En plus, il lui arrivait de penser de temps en temps à cette ambiguïté qui existait entre eux. Celle qui le faisait rougir d’un coup, sans préavis. Sûr que ses collègues devaient le croire malade à piquer un fard sans prévenir.

Enfin bref, il ferait mieux de terminer vite son travail sans s’y attarder plus longtemps. C’était certes la technique de l’autruche mais elle avait son utilité. Qui sait, ce n’était peut-être qu’une simple passe et dans deux semaines il la regarderait comme tout autre élève. Soupirant doucement, il quitta le site du webtoon pour lancer l’application instagram. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas posté de photos. Devrait-il y remédier ? Soudain, son oreille fut attirée par un son de piano. Qu’est-ce que c’était encore, un étudiant n’ayant pas vu l’heure ? Le thaïlandais afficha une petite moue désespérée et secoua la tête avant de se diriger vers la source de la musique. Qui cela pouvait-il bien être ? Encore un artiste timide et incompris qui n’osait rien faire devant les autres ?

La main sur la poignée, Arthit fit glisser la porte et s’arrêta net. Confortablement installé – du moins il supposait – sur sa chaise roulante, Aislan son collègue, était au piano, enchaînant jolies notes sur belles mélodies. Comment faisait-il ça ? Depuis quand le secrétaire de la Royal savait-il jouer et composer de la musique. Car c’était bien ce qu’il faisait non ? Conquis, le trentenaire restait adossé contre le mur, sans un mot, à observer son collègue jouer. Vraiment, il était étonné par cette situation. Jamais il n’aurait imaginer une telle chose. Alors, dès qu’il y eut un petit moment de blanc, il se redressa et applaudit avec rigueur. « Ouah ! C’était grandiose Aislan, vraiment. J’ignorais que tu savais jouer du piano. Et comme un chef en plus. » Le sourire aux lèvres, il s’approcha pour poser ses mains sur les épaules de l’handicapé. « Bravo mon vieux, t’as bien su garder le secret ! » Ce n’était pas méchant, juste il ne comprenait pas pourquoi il ne le découvrait que maintenant.

Il était heureux.. Heureux que Raï ait pu chanter et ce, pour lui. Sa voix lui avait terriblement manqué. Il avait l’impression qu’ils avaient fait un pas en avant même s’il s’était permis de l’embrasser sur la joue. Peut-être qu’il aurait mieux fait de se retenir ? Il ne sait pas. En tout cas, cela n’avait rien changé entre eux.. Il préférait ça qu’un rejet. Pourtant, s’il s’était laissé aller ainsi.. Ne serait-ce pas un signe qu’il avait de plus en plus de mal à retenir ses sentiments ? A force d’emmagasiner, peut-être que son coeur et son corps commence à montrer des signes de fatigue ? Il ne saurait le dire. Il soupire doucement… En tout cas, il ne lui avait toujours pas dit qu’il était compositeur ou bien parolier pour Angel Entertainement.. Trouver des excuses comme ce soir, pour travailler, devenait de plus en plus compliqué. Toutefois, Raï avait beau avoir chanté à nouveau, il ne voulait pas le bousculer. Il allait l’encourager et le soutenir du mieux qu’il peut. Toutefois, il espérait vraiment que cette rumeur comme quoi Dreamin allait faire une audition, pousserait son meilleur ami à se remettre en selle. Quelque part, il voulait vraiment trouver une agence, des personnes compétentes qui sauront recadrer son meilleur ami, l’entourer aussi à sa place.. Avec tout cela, il avait pris un peu de retard, mais au moins il avait trouvé l’inspiration pour composer une chanson pour un anime. Alors, avant de le perdre, il avait pris son enregistreur, et avait commencé à jouer une mélodie sur le piano. Il adorait le son qui sortait de cet instrument. Tout comme pour le violon. Bien que le violon soit vraiment puissant sur des chants ou des mélodies tziganes. Sûrement, parce que cet instrument était bon pour réciter un requiem ?

Sûrement, quant au piano, on pouvait sortir plus facilement des messages et c’était très mélodieux. Evidemment, il s’arrêta et se reprit plusieurs fois.. Trouvant parfois l’air pas assez rythmé. C’était un travail long, mais il aimait créer de nouvelles mélodies ou des chansons. Les notes étaient des mots.. Des mots qu’il ne pouvait pas dévoiler. Des mots qui ne parviendraient peut-être que trop tard à l’élu de son coeur ? Pourtant, c’est en s’inspirant de son humeur, de son expérience qu’il essaie de se mettre à la place de ce personnage qui doit chanter cette chanson. Pour déclarer ses sentiments. Ce n’est pas simple. D’un autre côté, il comprenait mieux les sentiments du personnage. Quoi que même en chanson, il ne se sent pas coupable de lui avouer ses sentiments et puis, il est même pas certain qu’il comprenne le message aussi. Du coup, il était voué à terminer seul avec des chats. Il se demandait comment faisait Ryoma.. Il faudrait peut-être qu’il s’en inquiète. Il espérait qu’il avait pu reprendre contact avec Natsu.. Toutefois, quelque part.. Il était en train de se dire que c’était sûrement perdu d’avance. Du moins, il voulait quand même rester optimiste pour lui et puis, il lui avait dit qu’il le soutiendrait. Il devait jouer son rôle de fan jusqu’au bout comme on dit !

Finalement, il arriva à terminer sa mélodie, et il décida de la jouer entière après s’être repris à maintes reprises. Les yeux fermés, il décide de la jouer entièrement, s’enfermant ainsi dans sa bulle et ne faisant pas attention à ce qu’il y ait une personne qui le surprenne.. Ce n’est que lorsqu’il termina la mélodie, qu’il sursaute quand il entend la voix de son collègue Arthit. Il manque même de tomber de sa chaise roulante tant il est surpris. Il avait encore une fois, l’impression d’être un petit garçon pris sur le fait d’une bêtise. Il sursaute alors qu’il s’était crispé jusqu’à ce qu’il pose ses mains sur ses épaules..

« Euh… C’est un compliment ou ?… Merci.. Et euh.. Je.. Je n’aime pas exposer cela aux yeux des autres… Je.. Veux.. Dire.. J’ai.. Pas.. Confiance en moi.. Et puis.. »

La musique d’Aislan était une agréable surprise, il fallait l’avouer. Le voir jouer de façon si passionnée, lui le jeune secrétaire en fauteuil, c’était quelque chose. Alors ce fut vraiment sans aucune once de malveillance que Arthit s’approcha de l’artiste pour le féliciter, allant même jusqu’à poser ses mains sur ses épaules pour lui montrer à quel point il était fier. Parce qu’il était fier le trentenaire, ça oui. Il venait de découvrir un talent extraordinaire chez un de ses collègues et cela lui donnait envie de le soutenir jusqu’au bout du monde. « Euh… C’est un compliment ou ?… Merci.. Et euh.. Je.. Je n’aime pas exposer cela aux yeux des autres… Je.. Veux.. Dire.. J’ai.. Pas.. Confiance en moi.. Et puis.. »

Éclatant d’un rire franc, Arthit donna une petite tape amicale sur l’épaule d’Aislan avant de tirer un tabouret à lui pour s’asseoir. Le petiot n’avait pas de confiance en lui ? Que lui manquait-il au juste ? De son sourire aimant, le thaïlandais observa son camarade avant de lui poser une main réconfortante sur la cuisse. Puis, il lui désigna son piano du doigt et parla d’une voix claire et douce. « Mon petit Aislan… ça tu vois, peu de gens réussissent à parfaitement le maîtriser. Je n’y connais peut-être pas grand-chose mais une chose est sûre, tu as du talent. » Se penchant un peu vers lui, il lui adressa une petite tape toute gentille sur la joue avant de se redresser en croisant les bras sur sa poitrine. « Que tu n’aies pas confiance dans ce que tu ne sais pas faire, c’est normal. Mais là, dans la musique, la composition, je suis certain que tu peux faire carton. Parce que tu es doué, Aislan. Vraiment. »

Le trentenaire secoua légèrement la tête avant de poursuivre. « C’est sûr, c’est plus facile à dire qu’à faire d’avoir confiance, mais il faut. C’est important tu sais. Tout le monde n’en est pas capable et c’est ça qui fait ta différence. C’est ça qui devrait t’apporter ton assurance. Aie confiance en ta musique, Aislan. Aie confiance en toi. » Puis il hocha la tête avant de la secouer avec une mine gênée. Une main dans les cheveux, le rouge aux joues, Arthit lâcha un petit rire. « Oups, je me suis peut-être un peu emporté. Désolé. » Le pire c’était qu’il n’était pas à sa première fois. À chaque fois qu’il croisait quelqu’un de peu assuré, il ne pouvait s’empêcher de lui tenir un discours pour lui prouver le contraire. Mais c’était pour le bien des autres qu’il faisait ça, uniquement pour leur bien.

« Dis, ça te dérangerait de me faire écouter autre chose ? Ne t’inquiète pas, hein, je suis quelqu’un de bien, jamais je n’irai crier ton talent sur les toits si tu ne le veux pas – même si il s’agit d’un gâchis total. » Lui adressant un large sourire, le surveillant pressa de la main le pianiste à jouer de nouveau.

Il sursaute au rire franc de son aîné. Ok.. Il avait envie de fuir la pièce. Il n’avait jamais eu l’occasion de tenir une longue conversation avec son collègue de travail, et au fond il aurait voulu que cela ne soit pas quand il découvre comme maintenant qu’il sait composer ou écrire des paroles. Son coeur loupe un autre arrêt, quand il le voit s’assoir près de lui et lui asséner une tape sur la joue après qu’il ait posé sa main sur sa cuisse. C’était comment dire ? Etrange, pourtant le sourire doux du plus âgé, lui permit de ne pas craquer. Il semblerait qu’il soit vraiment sérieux dans ses paroles. Quelque part, cela le touche aussi de voir qu’un collègue, autre que Haru le compliment sur ce qu’il venait d’entendre. C’était juste une chanson pour un anime à venir. S’il s’était crispé, il commençait à se détendre alors que les battements de son coeur étaient encore un peu plus rapides que la normale.

«Merci. Pourtant, je n’en suis pas satisfait.. Mais, ton avis me touche sempai. »

Il courba un peu la tête en guise de respect. Il était déjà reconnu en tant que Okami donc, il savait qu’il avait du talent sinon, l’agence l’aurait sûrement jeté depuis longtemps. C’est juste.. Qu’il se cache derrière un nom. Son état ne lui permet pas d’être vraiment fier de ce qu’il est capable de faire et de le dire ouvertement au monde entier comme on dit. C’était plus fort que lui. Ce n’est pas qu’il n’avait pas totalement confiance ou si.. Disons, qu’il n’a jamais briller ouvertement en tant que Aislan. Personne ne savait qu’il était Okami, et encore il y avait d’autres paroliers et compositeurs plus doués que lui.. Il resta coi devant le flot de paroles de son aîné. Il avait raison et quand il le vit le rouge aux joues et gêné, le trouvant adorable, il finit par rire faisant ainsi disparaître doutes et peurs. Disons que le discours tenu par le surveillant a bel et bien eu son petit effet sur lui et il finit par dire :

«Ne t’excuses pas. C’est juste que ma condition m’empêche vraiment d’assumer pleinement ce que je suis capable de faire.. Enfin, merci beaucoup, tu as raison. Toutefois, est-ce que cela peut rester entre nous ? Je n’ai pas envie que quelqu’un d’autre le sache.»

Que cela ne vienne pas jusqu’à l’oreille de son meilleur ami de surcroît. Toutefois, autant être honnête quand il y pense.. Il ne pourrait pas garder cela secret très longtemps auprès de son meilleur ami. L’affolement de son coeur avait disparu et les paroles de Arthit eurent raison de sa méfiance. Avec un sourire amical et chaleureux il finit par dire :

«Je préfère être dans l’ombre et y rester pour le moment. Mais, ce n’est pas comme si mon talent n’était pas déjà reconnu.. Juste que je reste anonyme.»

Il venait de lui révéler à demi quelque chose d’important.. Enfin, au moins, il a laissé glisser des grains de sable… ll n’en dira pas plus et avec un sourire timide, reposant ses doigts sur les notes il finit par dire :

«Avec plaisir. Pour toutes ces gentilles paroles, et parce que c’est si gentiment demandé par mon sempai, je ne peux pas refuser. »

Cela serait irrespectueux, mais même avant ça.. C’était aussi pour le remercier de ses paroles qui l’ont conforté dans le fait qu’il devait rester dans la musique même si, son contrat commençait à arriver à expiration. Fermant quelques secondes les yeux, il commença à enfoncer les touches pour se laisser emporter par la mélodie qu’il avait décidé de jouer. Really + Doll. Il avait en tête de jouer deux chansons tout en fredonnant.