Shika

TENUE ••• Un mariage, vraiment. Je ne dirais pas que je déteste les fêtes ce serait faux, je trouve que c’est intéressant et amusant aussi, mais même si je fais partie de cette famille et que je serais toujours le fils Tenjoh pour la majorité de ces personnes, je sais au fond de moi que je ne suis pas à ma place. Je le ressens encore plus depuis que j’ai revu mon grand frère en réalité. Nous n’avons pas grandi ensemble, nous ne nous connaissons même pas... Pourtant, les souvenirs de mon passé, de ma jeune, très jeune enfance avant d’être élevé par ma famille actuelle sont revenue à la surface comme une bouée flottant dans la mer. Je ne regrette pas ma vie, ce que je suis ni même pourquoi je suis ici. Je pense que la seule chose qui me pousse à tout remettre en question ce sont mes sentiments, une part de moi a envie de connaitre Ash, cette même partie qui a envie de dire la vérité à Shiki, lui dire que cet homme est mon frère et alors le mis sur la voie de ma fausse identité. S’il venait à le découvrir est-ce qu’il arrêterait de me protéger ? Est-ce qu’il voudrait toujours être à mes côtés ? Je ne sais plus quoi pensée, parce qu’il y a cette autre partie qui veut juste oublier. J’aimerai ne plus me souvenir de rien et même oublier cet amour qui me fait douter, je ne devrais pas et je le sais... Pourtant, même si on sort ensemble j’ai l’impression de ne faire que des pas en arrière avec lui au lieu d’avancer et quand on avance vraiment, on finit encore par reculer, tout devient si compliqué que ça me rend fou. Être ici, dans la résidence me permet aussi de réfléchir et de ne pas avoir à m’expliquer sur mes actes, sur cette distance entre nous, parce qu’ici nous ne sommes que maitre et garde du corps, rien de plus.  Je donne mes ordres et il obéit, il me surveille en silence et je garde mes distances. Les préparatifs du mariage se sont passé sans encombre, je peux souffler désormais, sortant dehors j’ai juste besoin de marcher dans le jardin, de m’éloigner un peu de l’ambiance, des gens, de « ma » famille. Je sais pourtant qu’un homme me suit comme mon ombre, où que j’aille, quoi que je fasse, mais je laisse toujours cette distance et ne parle que pour dire des mots formels, des phrases sans vie, des remarques de maitre et non de petit ami. Je ne le regarde pas, ne le touche pas, ne lui montre aucun signe affectif comme j’aurais pu le faire par le passé. Cette tension ne date pas d’hier, depuis cette rencontre avec Asher ça ne s’est pas arrangé, troublant notre quotidien, notre relation, tout ce qui pouvait sembler solide et inébranlable. Tout comme ce silence entre nous qui n’est pas normal. Éloigné de la demeure, je retrouve des endroits que j’affectionne, entouré de natures seulement et de rien d’autre, m’asseyant dans l’herbe, je ne m’occupe pas des gestes de Shiki, le laissant faire ce qu’il veut...
   

Shika

TENUE ••• Je sais que j’ai fait une grosse erreur. Je ne devrais pas agir ainsi mais je ne peux pas ne pas être ainsi. Je suis tiraillé entre mon statut de garde du corps et le statut de petit ami de Mika. Depuis que je suis enfant, on m’a formé pour être le parfait garde du corps. Et aller à l’encontre de ce que j’ai appris, c’est comme renier ma propre existence. Mais Mika m’a clairement dit qu’il voudrait que j’agisse plus comme son petit ami, que je sois plus humain. J’aimerais tellement pouvoir être comme il le dit, mais c’est au delà de mes capacités. J’aimerai pouvoir me faire pardonner mais j’ignore comment. Surtout que Mika ne me laisse même plus l’occasion de m’approcher de lui. Il est distant et froid avec moi. Et ce n’était pas le retour à la résidence qui le rendait comme ça car il « m’évite » depuis que je l’ai vu avec cet homme, Ash. C’est un professeur de médecine. J’ai fait quelques recherches sur lui mais je ne vois pas ce qui pourrait avoir rapproché ce professeur de Mika. Leur lien me rend curieux. Je veux savoir ce qu’ils cachent. Je ne devrais pas mais je n’arrive pas à m’interdire de savoir. Je suis toujours en contradiction avec moi-même. Est-ce que c’est ça d’être humain ? Mais plus que la relation qu’ils entretiennent, je voudrai surtout savoir comment me réconcilier avec Mika. Même si je parais indifférent, cette atmosphère est pesante, même pour moi. Mais comme nous ne sommes plus seuls, je ne peux pas aller le voir. Je n’ai plus ce droit car ce serait louche. Depuis que mon père m’a fait un rappel à l’ordre sur mes sentiments envers Mika, il me surveille d’autant plus. D’un côté, la froideur de Mika envers moi apaise les inquiétudes de mon père. C’est un bien pour un mal, même si j’aurai préféré que ça ne se passe pas ainsi. La journée s’est passée sans encombre. Je protège Mika de loin, dans l’ombre, comme je suis sensé le faire. Quand mon maitre s’éloigne de la demeure, je le suis. Il ne m’accorde pas un regard. Ça fait mal d’être ignoré mais je l’ai un peu cherché. Mika s’assied sur l’herbe. Toujours pas un regard. Après tout, qui chercherait à regarder son ombre ? Pourtant, il le faisait avant. Je serre discrètement le poing. Ça fait tellement mal. Le temps passe sans que nous nous parlions. Les nuages deviennent gris. Il va pleuvoir. Je le sens. Discrètement, je me rends dans la pièce pour récupérer rapidement un parapluie. C’est une initiative que je me suis permis de faire parce que nous sommes dans la demeure. Juste avant que la première goutte tombe et que le torrent suive, j’ouvre le parapluie à temps pour protéger mon maitre. Ça doit faire un bon moment que je n’ai pas été aussi proche, physiquement, de Mika. Je le fixe. J’ai tellement de choses à lui dire. Pourtant, ma bouche reste fermée. J'attends qu'il me parle ou qu'il me cris de dessus. Pour que je puisse m'excuser.

   

Shika

TENUE ••• Je pensais que je pouvais accepter Shiki tel qu’il est et je n’ai pas voulu le changer même si on aurait pu croire le contraire. Je sais qu’il a été élevé ainsi et je suis malgré tout tombé amoureux de lui, de la personne qu’il est, de ce qu’il a bien voulu me montrer. Quand j’ai su que lui aussi m’aimé je me suis senti si léger, à ses côtés je me sens en sécurité, protéger, mais cette petite folie qui le fait aller contre les règles me manque. Comme quand nous étions jeunes, s’embrasser sous la pluie dut le début de cette histoire et pourtant il a changé ensuite, je ne savais plus sur quel pied dansé avec lui... Garde du corps, faux petit ami, petit ami... J’en viens à me demander ce qu’il pense qu’il est, si ça semble évident pour moi je doute que ce le soit pour lui, il ne me voit que comme un Tenjoh qu’il doit protéger envers et contre tout, il ne raisonne pas comme mon copain et c’est blessant d’avoir le sentiment d’être le seul à faire un pas en avant en regardant l’autre reculer. Ces mots ont été blessants, il n’a pas dit ce que je souhaitais entendre, je suis surement fautif pour attendre plus de sa part, mais ça m’a fait prendre conscience que j’avais aussi besoin de temps, d’espace pour réfléchir et savoir ce que je suis censé faire. Ici je n’ai besoin d’aucune excuse pour être distant avec lui, je le suis simplement. Même à l’abri des regards je ne le regarde pas, je ne lui parle pas et finalement le temps commence à se gâter sans que je ne le remarque, bien trop perdu dans mes pensées. Ce n’est qu’en découvrant cette protection au-dessus de ma tête et la pluie commencer à tomber que je le réalise. Attrapant le parapluie, je ne regarde toujours pas Shiki, me contentant de dire : « Tu es trop proche, je peux le tenir seul. » Je me redresse et m’éloigne pour mettre de la distance entre nous. « Fais gaffe à la façon dont tu me regardes, on pourrait s’imaginer des choses. » Petit pique, je suis tellement frustré que je deviens désagréable, mais c’est compliqué, Shiki ne peut pas être un jour mon garde du corps et l’autre mon petit ami, il faut savoir à la fin... Je veux des bases solides pas celle qui peuvent flancher selon son humeur.
   

Shika

TENUE ••• Je l’ai froissé. Il m’ignore complètement. A ses yeux, je ne suis qu’un garde du corps comme les autres. Je n’aime pas cette sensation. J’aurai préféré qu’il s’énerve contre moi. Se faire ignorer fait mal. Mais je ne peux pas m’en plaindre, lui dire que je n’aime pas quand il m’ignore, qu’il me voit comme un étranger car je n’en suis pas un. Je suis son petit ami, la personne qu’il aime. Mais ai-je encore le droit de me proclamer de cette façon ? Et s’il ne m’aimait plus ? Cette pensée m’effraie car ça pourrait être possible. Je ne mérite pas l’amour qu’il me donne mais je mourrai de désespoir s’il ne m’aime plus. C’est contradictoire et tellement compliqué. Je ne peux pas faire d’effort pour changer mais je ne veux pas qu’il m’abandonne non plus. Je lui demande clairement l’impossible, j’en suis bien conscient. Je suis juste trop gourmand, et certainement trop égoïste. Pourtant, même en connaissant le problème, je suis incapable de le résoudre. Je ne peux que le suivre discrètement dans l’ombre, être là quand il a besoin de moi et obéir quand il m’ordonne de faire quelque chose. Mon père doit être rassuré en nous voyant aussi distant l’un de l’autre. Ça devrait me rassurer mais ce n’est pas du tout le cas. Au contraire, cette situation me rend encore plus nerveux. On ne parle pas, on ne s’échange pas de regard. Ce n’est que lorsqu’il commence à pleuvoir que je peux en profiter pour m’approcher de lui. C’est comme si, à chaque fois la pluie nous rapprochait. Est-ce que le miracle allait se passer une deuxième fois ? Non. Mika attrape le parapluie sans me regarder. Il s’éloigne exprès de moi. Mon cœur se serre à sa remarque. Ça fait mal. Je recule à mon tour, la pluie ne m’épargne pas mais je ne bouge pas. Je baisse le regard. « Mika… » Je fixe son dos. «Ne sois pas comme ça… s’il te plait…  » Murmurai-je dans la pluie. «  Cris moi dessus, frappe moi mais ne m’ignore pas.  » Je ne le supporte pas.

   

Shika

TENUE ••• Shiki n’est pas qu’un garde du corps... Si c’était le cas je ne serais pas blessé par son comportement et ses paroles. Je devrais simplement ne pas en tenir compte, mais il agit comme tel, à ses yeux je suis son maitre avant d’être son petit ami, il n’est pas capable de faire la différence au fond. La preuve, avec cette histoire de l’autre jour en compagnie de Asher, quand on s’est retrouvé seul, sa façon de me parler ou de ne pas me dire qu’il pouvait être jaloux ou autres, est-ce qu’il n’a pas saisi que c’est ce que j’aurais voulu entendre ? Être indifférent, me dire qu’il ne l’aurait jamais frappé, bien sûr que ça me rassure vu que c’est mon frère... Mais d’un autre côté, si j’avais été dans une situation différente, si on m’avait vraiment dragué, il serait resté de marbre ? Je doute aussi, je ne sais pas quoi faire quand mon petit ami se montre aussi insensible ou ne me prouve pas que je compte plus qu’un membre de la famille Tenjoh. Au fond, je suis content d’être ici, de pouvoir en profiter pour réfléchir et garder une distance et ne pas avoir à parler sentiments pour l’instant. Isolé, pensif, froid, je ne regarde ni ne parle à mon copain, c’est la pluie qui permet un rapprochement, remarquant le parapluie au-dessus de ma tête que j’attrape en lâchant une phrase surement inattendue. M’éloignant pour creuser à nouveau une distance raisonnable. Finalement Shiki décide de parler non en tant que protecteur mais en tant que petit ami, je ne le regarde pas, mais lui répond tout de même. « Ce n’est pas l’endroit pour parler de ça. » Je soupire et reprends. « Je n’ai aucune raison de te crier dessus et encore moins de te frapper. » Mes paroles sont distantes, mais je ne sais pas vraiment ce que j’espère au fond, peut-être qu’il réalise aussi que je peux vraiment être blessé moi aussi. « Je suis fatigué de ne pas savoir sur quel pied danser avec toi. » Un jour garde du corps, le suivant petit ami, j’ai besoin de savoir ce qu’il est vraiment. Quand nous sommes seuls bien entendu. « Au moins je sais qu’ici tu es mon garde du corps, donc agis comme tel. » Et qu’il ne me trouble pas avec son comportement ou ses mots.
   

Shika

TENUE ••• Je voulais frapper le professeur. Toutes les cellules de mon corps me disaient que je devais le faire mais je ne le pouvais pas. C’était déjà une première pour moi de l’avoir agrippé aussi violemment. J’avais profité de ma position de garde du corps pour le neutraliser car cet individu ne présentait pas de danger pour Mika. Même le plus sensible des gardes du corps comprendrait qu’ils étaient proches et qu’il n’y avait aucune raison d’intervenir. Mais moi, je l’ai fait. Je n’ai jamais eu à interagir avec des personnes de mon âge quand j’étais plus jeune. La seule personne avec qui j’ai grandi, c’est Mika. Il a été mon premier ami, le premier maitre qu’on m’a assigné, mon premier amour, mon premier baiser. C’est pour lui que j’ai développé pour la première fois des sentiments humains, pour lui que j’ai éprouvé de la peur. Je suis heureux quand je suis avec lui mais son comportement distant, qui n’est que la résultante du mien, me déstabilise. Je ne sais pas ce que je dois faire alors qu’avant, la question ne se posait pas. Ne pas agir tant qu’il ne m’a pas donné l’ordre. Mais je n’arrive plus à supporter cette situation. Et s’il ne m’aimait plus ? S’il en avait marre de moi ? Le pire, c’est que je le comprendrais parfaitement. Je ne lui facilite pas la tâche. Je ne serai jamais assez bien pour lui mais je tiens à être avec lui. Je me raccroche à lui parce que j’ai besoin de lui. Il est ma bouée de sauvetage alors que moi, je ne suis qu’une ancre qui le tire vers le fond des abysses. A cause de moi, nous sommes en une situation délicate. J’en ai bien conscience. Mais je ne suis qu’un peureux qui n’a ni la force de changer, ni la force d’abandonner Mika. La pluie est de plus en plus forte mais ce n’est pas sa froideur qui me glace, c’est celle de Mika qui ne me regarde pas. Je ne parle qu’à son dos. Je ne l’entends qu’à moitié. La douleur dans ma tête reprend mais je ne fléchis pas. Je veux entendre ce qu’il me dit. Si je ne le vois pas, je ne peux pas ne pas l’entendre. « Tu n’es que mon garde du corps donc agis comme tel. » C’est ce que j’ai entendu. Il veut que je ne le considère que comme mon maitre. Il venait de mettre fin à notre relation. Il est vrai que je n’ai pas la force d’abandonner mais si c’est Mika qui m’ordonne de le faire, je ne peux pas être si égoïste et continuer à le retenir. Je ne peux pas, n’est ce pas ? Je garde le silence pendant quelques secondes. Je serre le poing. « …Très bien. Je m’excuse de vous avoir dérangé avec mes problèmes. Ça n’arrivera plus, je vous le promets. » Je recule pour lui laisser l’espace nécessaire. Mon regard est vide. Mika a été clair. Il ne veut plus de moi.


   

Shika

TENUE ••• L’histoire est idiote, je me mets surement en colère pour pas grand-chose, bien que ce ne soit pas vraiment de la colère juste que ça me rend confus et que comme tout le monde j’ai aussi parfois ce besoin d’être rassuré par la personne que j’aime. Shiki n’est pas doué pour ça et j’en ai conscience, je sais comment il est je ne devrais pas le forcer à être autrement ou à agir comme je voudrais qu’il agisse. Pourtant, il a réussi à me blesser et j’aimerai qu’il en a conscience aussi. Je suis humain, certes, je peux relativiser et être positif presque tout le temps, mais je suis aussi un homme amoureux qui veux croire que je suis plus que ce que mon copain veut montrer. Suis-je juste son maitre ? A-il seulement envie de m’embrasser de lui-même ? De me tenir la main ? Est-ce qu’il a des désirs envers moi ? Ou tout ça est impossible . Est-ce qu’il peut être vraiment jaloux ? Ou à chaque crise il mettra ses actions sur le fait qu’il me protège et qu’il est mon garde du corps ? ça me perturbe et je suis perdu à force. Je suis peut-être un peu cruel, il fait un pas vers moi et je le repousse, mais dire que tout est ok serait trop facile, puis à l’extérieur on pourrait être vu et ciblé par n’importe qui, même si on est éloigné du manoir. Je lui demande d’agir comme un garde du corps et apparemment c’est ce qu’il décide de faire, exécutant mes ordres facilement à nouveau, il n’essaie même pas de me faire changer d’avis ou de parler... Il obéit simplement. La pluie tombe de plus en plus et ça cache ma frustration, je tourne la tête pour le regarder, les yeux brillant comme pour lui envoyer un message silencieux, encore une fois on fait du sur place. Je soupire et détourne à nouveau les yeux, m’éloignant avec mon parapluie pour marcher le long de la colline pour finalement retourner vers la maison. J’ignore que Shiki n’a pas entendu mes mots entièrement ignorants son problème, je me contente de garder les explications pour plus tard, s’il veut qu’on en parle quand nous serons seuls, mais il n’a pas répondu à mes mots, il ne m’a pas rassuré sur mes doutes, moi aussi je pense qu’il ne fait aucun effort pour me comprendre ou pour m’aider à ne plus douter, au fond on est dans une impasse et je ne sais pas comment on va en sortir.