Alors qu’il était sous la douche des vestiaires des garçons une illumination soudaine pris possession du jeune chinois, qui sous le choc s’empressa de sortir de la douche, les cheveux encore trempés et le corps tout couvert de mousse. Il pénétra alors dans les vestiaires à toute vitesse rejoignant son cassier pour y taper le code et en sortir avec empressement et maladresse ses vêtements qu’il enfila à la vitesse grand V, à tel point qu’il manqua même de sortir avec un t-shirt à l’envers. Pourquoi Min Hui agit comme ça me dites-vous ? Pour la simple et bonne raison qu’il avait complètement oublié qu’il était de service au Ni No Kuni ce soir, beaucoup trop absorbé par son entrainement tardif pour y penser ne serait-ce qu’une seule minute. Une fois vêtu de ses vêtements, le jeune homme quitta les vestiaires rangeant rapidement son équipement dans le hangar prévu à cet effet et il reprit une marche assez rapide pour abandonner momentanément l’enceinte de la Royal Private School pour rejoindre la bouche de métro la plus proche.

C’est donc essoufflé qu’il pénétra in extremis dans le wagon sous le regard ahuri des rares personnes encore présentes ce soir. Il afficha alors un petit sourire gêné tandis qu’il se retourna pour cacher son visage légèrement rouge de s’être fait remarquer ainsi. En temps normal Min Hui n’était pas un grand timide mais se faire juger de la sorte par deux trois petits vieux et un jeune homme plutôt beau gosse ma foi, ça le rendait très mal à l’aise. Ainsi, Min Hui était resté collé à la l’une des barres de fer sans oser bouger ne serait-ce qu’un orteil, jusqu’à ce que la voix robotique d’une femme ne l’informe qu’il était arrivé à destination. Aussi rapidement qu’il était monté dans le wagon, il en était descendu pour se mettre à courir à toute allure vers le bar où il était serveur.

Pénétrant dans celui-ci il se dépêcha de rejoindre le comptoir claquant violemment ses mains sur celui-ci pour se retenir et ainsi empêcher ses pieds de glisser sur le sol. Être en retard et faire une chute de merde juste après n’était pas une option à ses yeux. « Je suis en retard je sais ! » hurle-t-il à l’intention de son collègue tandis qu’il retire ses mains du comptoir pour venir passer l’une d’elles dans ses cheveux encore légèrement mouillés. « Je viens juste de sortir de l’entraînement, je n’avais pas vu le temps passer excuse-moi. » lui dit-il alors avec un japonais plus que parfait, mais un accent très prononcé tandis qu’il affiche un petit sourire désolé. « Je ferai la vaisselle pour me faire pardonner. » lui dit-il avant de passer le comptoir pour aller enfiler son uniforme et son tablier, avant de rejoindre Nasagi. « Rassure-moi, je ne suis pas si moche que ce que la glace de la salle de bain me renvoie ? Je n'ai pas eu le temps de me préparer. » le questionne-t-il avec sérieux, assez agacé de ne pas avoir eu le temps de se maquiller avant de partir. Min Hui était tellement blanc à cet instant même qu’il aurait pu passer pour le fils de Dracula sans soucis, et ça, ça avait le don de l’énerver comment allait-il pouvoir draguer avec une tête pareille ?

Cela faisait une semaine que je vivais une situation compliquée, après la crise de jalousie de Takumi l’autre jour, sa violence était montée d'un cran et j’avais même était obligé de prendre quelques jours pour ne pas afficher les traces qu’il avait laissées sur ma peau, entre autres celle autour de mon cou qui m’avait abimé la voix durant plusieurs jours après m'avoir étranglé avec une force écrasante. Autant dire que je n’avais pas pu mettre un pied à l'agence non plus durant ce laps de temps, prétextant une vilaine angine pour qu’on ne me le reproche pas. Mentir était devenu aisé pour moi, trouver des excuses, trouver des solutions, c’était ma routine et malgré toute la souffrance que mon petit ami me faisait subir je lui pardonnais et revenait vers lui. Ne suis-je pas idiot ?

Installé derrière mon comptoir, aujourd’hui signé mon retour au service du bar, j’avais eu des jours de congé au rabais, étant un gros travailleur je ne prenais presque jamais de vacances donc c’était l’occasion de jouer dessus pour que personne ne se pose de questions sur mon absence. Les clients étaient toujours aussi ponctuels, je reconnais aisément les habitués qui me salut naturellement, un barman est un peu le confident de ces gens qui ont besoin de parler et même ici cela arrive assez souvent. Bien que ce soit un établissement gay cela n'était pas bien différent des autres bars fréquentés contrairement à ce que beaucoup pourraient penser. Bien entendu je garde toujours une barrière entre moi et eux, je prête seulement une oreille et je sers des verres, quand l’un d’eux me drague je lui fais rapidement comprendre d’arrêter et autant dire que ça arrive assez souvent, alors quand Takumi est dans les parages ça ne m’attire que des ennuis.

Mon collègue est en retard, du coup je m’occupe de servir les clients en attendant qu’il arrive, espérant qu’il ne tarde pas car ce n’était pas aisé d’être sur deux fronts en même temps. Un sourire soulagé se dessina sur mes lèvres quand je le vis arriver. « J’ai presque cru que tu nous avais oubliés. » Le principal c’est qu’il soit là, je ne suis pas du genre à chercher la petite bête pour quelques minutes de retard, ça peut arriver à tout le monde, même à moi. « C’est si gentiment dit, comment refuser. » Je le taquine, mais c’est vrai qu’après le service on a toujours de la vaisselle à faire, bien que je m’occupe au fur et à mesure du service de laver ce qui m’est rapporté dès que j’ai une minute, c’est un temps à gérer et une organisation, à force on trouve vite ses repères. Le regardant quand il m’interroge sur son apparence, je le juge sérieusement comme si ce qu’il m’avait demandé était important, mais je ris finalement en secouant la tête. « Je ne pense pas que « moche » soit le mot, les cheveux mouillés ça donne un air assez sexy. » Heureusement que mon copain ne m’entend pas, car même si c’est pour « plaisanter » avec un collègue il aurait surement pris au sérieux mes mots et j’ai déjà bien assez de marques sur le corps pour en vouloir d’autre dans l’immédiat. « Aller beau gosse, mets-toi au boulot, y a des commandes à prendre. » Je prépare déjà les prochains verres des clients qui sont au comptoir, mais il y a tous ceux qui se trouvent dans la pièce, installés aux tables qui attendent également.

« Moi oublier que mon plus beau collègue revient aujourd’hui ? Jamais. » répondit le jeune homme en lui faisant un clin d’œil à la fois aguicheur et moqueur. Bien qu’il ne voulait pas le montrer explicitement outre que par des taquineries parfois dragueuses Min Hui aimait énormément son jeune collègue. Peut-être même que le chinois était en train de commencer à le considérer comme une bonne connaissance, non un ami plutôt, son seul ami au Japon. En effet, Min Hui n’était pas très sociable mais en compagnie du jeune japonais toute son asociabilité disparaissait en moins de temps qu’il en faut pour dire sushi. Ainsi, le jeune chinois affiche un petit sourire tandis qu’il retire doucement ses mains de sur le comptoir avant de promettre à Nagisa de faire la vaisselle pour se faire pardonner son retard. « N’y prends pas trop vite goût Nagisa, je ne le proposerais pas une deuxième fois » lui avoue-t-il en ricanant, avant de se diriger vers l’arrière du bar, s’empressant d’enfiler son uniforme pour ensuite rejoindre le barman pour de suite le questionner sur son apparence.

Sous ses mots le jeune chinois ne peut s’empêcher d’afficher un petit sourire sincère, passant exagérément sa main dans ses cheveux tout en murmurant d’une voix diaboliquement rauque et sexy « ce n'est pas faux, surtout sur un homme aussi sexy naturellement que moi. » , à nouveau il lance au Nagisa un petit regard taquin avant d’écarquiller les yeux sous ses mots ne pouvant s’empêcher de rejoindre le barman pour passer son bras autour de ses épaules « Beau gosse ? Tu me trouves à ton goût mon cœur ? » le questionne-t-il avant de lui asséner une légère pichenette sur le front « Sur ces mots je vais aller prendre les commandes, ne pense pas trop à moi durant mon absence. » lui murmure-t-il avant de prendre son calepin et passer le comptoir pour se diriger vers les tables n’ayant pas encore commandé.

C’est donc après quelques petits sourires et quelques petits mouvements dans ses cheveux que le serveur revient un immense sourire aux lèvres pour tendre les commandes à son ami. « Le patron va être heureux ce soir, la soirée commence très bien. » lui apprend-il en faisant référence au nombre impressionnant de boissons qu’avait commandé une certaine table. « Il faut dire que j’ai quelques pouvoirs de persuasion. » dit-il plein de sous-entendu, avant de mordiller nerveusement sa lèvre inférieure, quelque peu inquiet de questionner Nasagi. Mais finalement il ne put  s’empêcher de lui demander la raison de son absence; reprenant calmement la parole « Tu étais malade cette semaine ? » le questionne-t-il profitant qu’il prépare les boissons pour en savoir un peu plus sur ce qui avait bien pu le faire s’absenter. Le japonais n’était que très rarement absent et ne pas le voir de la semaine avait été assez surprenant pour l'étudiant. Et pour être tout à fait honnête, Min Hui s’était surtout ennuyé à mort sans lui bien que ça il ne comptait pas l’avouer de si tôt. Se reconcentrant alors sur Nasagi, le sportif ne peut retenir son regard qui descend lentement le long du corps de son collègue, le scrutant dans les moindres détails afin d’y déceler une quelconque trace de blessures. De plus ce n’était pas la première fois que le jeune homme faisait cette inspection régulière depuis qu’il avait remarqué quelques coups maladroitement camouflés par son ami. Ne trouvant rien aux premiers abords, il redresse alors son visage avant de venir ancrer son regard dans celui de son ami, lui avouant avec la plus grande sincérité du monde. « Tu sais, tu peux tout me dire à moi. Je suis là pour toi, même si je ne te le montre jamais. »

C’était parfois difficile d’agir librement quand on a un petit ami qui saute aux conclusions bien trop rapidement. Il suffit d’un regard, d'une tape amicale, d’un geste taquin pour que Takumi y voit quelque chose de mal, comme si j’étais capable de le tromper avec n’importe qui ou le premier venu… J’ai souvent rompu avec lui parce que je ne supportais plus cette violence injustifiée et que nous étions en désaccord, sauf que je ne peux simplement pas vivre sans lui, c’est quelque chose qui est ancré dans mon esprit comme si… j’étais programmé ou un truc du genre. Je dois être maso, mais l’amour n’a pas d’explication, puis à force je me suis convaincu que j’étais aussi coupable, n’est-ce pas là aussi le syndrome de l’homme battu ? Toujours à me dire que je le mérite ou que j’ai surement fait quelque chose de mal, pourtant je ne suis pas quelqu’un de faible. C’est un peu frustrant, mais qu’est-ce que j’y peux, c’est comme ça. Aujourd’hui je suis content de reprendre le boulot et de retrouver mon collègue, bien qu’on ne fasse que bosser ensemble, ça créé des liens et j’apprécie Min Hui et son côté charmeur, voir dragueur qui est ressorti très vite quand je l’ai rencontré, le voyant faire avec les clients. Ça m’amuse assez, mais je sais aussi que Takumi peut voir ça d’un mauvais œil, alors quand il est là je tente de garder mes distances, c’est idiot, mais même si je ne fais rien de mal je ne veux pas qu’il pense le contraire et revivre encore ce que j’ai vécu cette semaine. Les coups c’est une chose, bien sûr ça fait mal, ça laisse des traces que je dois camoufler, mais perdre ma voix alors que je suis chanteur, ce fut clairement un des pires instants de ma vie, la peur de ne plus retrouver ma voix ou encore de ne sentir les doigts de mon petit copain se resserrer autour, j’ai encore la sensation par moments de les sentir même si les marques ont disparu aujourd’hui. Finalement je préfère éviter d’y penser et plutôt profiter de la soirée sans me prendre la tête. Les paroles de Min Hui m’amusent toujours autant, ses petites remarques taquines, mais je suis aussi doué pour suivre le rythme, quand je ne me sens pas observé et jugé du moins. « On verra bien, tu sais que s’il n’y a jamais deux sans trois, il n’y a pas non plus un sans deux ? » Je ris, me disant que les proverbes on peut vraiment en faire tout ce qu’on veut.

Si Takumi m’avait entendu dire que mon collègue est « sexy » je crois qu’il m’aurait tué sur place, heureusement je ne pense pas que cela remontera à ses oreilles d’ici qu’il arrive ou que je le vois. « Tu as aussi une grande confiance en toit mister narcisse. » Je me moque de lui et de son manque de modestie, mais c’est toujours amical et à prendre aux seconds degrés forcément. Automatiquement j’eue un léger geste de recul lorsqu’il passa son bras autour de mes épaules, plus ça va et plus les gestes soudains me surprennent ou me mettent mal à l’aise. Heureusement que je suis un bon acteur pour ne pas que ce soit trop flagrant.

« Si c’était le cas, tu me draguerais comme tu aimes tant le faire avec les clients. » Je souris, en le sommant de se mettre au boulot, on a du monde donc autant ne pas les faire attendre, si lui prend les commandes, moi je sers ceux aux comptoirs et prépare les boissons qu’ils ramènent aux tables, ça marche de paire. « Tant mieux, faut croire qu’on est plus de gay qui s’assume que l’on croit. » Bah quoi, c’est la vérité. Ceux qui viennent ici ne cachent pas leurs penchants et ce n’est pas plus mal, se retrouver dans un environnement avec des personnes qui vivent le même combat au quotidien face à la société. « Ah ouais, c’est quoi ton pouvoir ? Laisse-moi deviner. » Prenant une fausse pause du penseur avant de faire style qu’un éclair de génie m’a traversé. « Ton sourire de tombeur ? » Je me retiens de rire, j’ai trop de boulot pour me permettre autant de liberté, m’occupant de toutes les commandes qu’il a ramenées, posant les verres sur des plateaux un à un. Je garde le silence à sa question, hochant simplement la tête comme pour confirmer ses mots, lorsque je me retourne pour croiser son regard, je garde mon esquisse. « Ma voix était partie, j’ai surement chopé une angine, assez violente pour m’empêcher de bosser. » Je le dis d’une façon légère, prétextant que c’est réellement le cas, en fait je crois que je tente toujours de me convaincre moi-même que mes « excuses » sont réelles pour éviter de faire face à la réalité.

« C’est gentil, mais je vais bien, je t’assure. » Je lui montre l’un des plateaux terminé et ajoute. « Je t’ai tant manqué que tu es inquiet pour moi ? »

Surpris par la réplique de Nagisa le jeune chinois reste quelques instants totalement muet, l’observant de longues secondes son ami avant de siffler d’agacement« T’as toujours une réponse à tout toi ! » lui dit-il avant d’afficher un immense sourire et de lancer d’une voix chaleureuse « On verra bien si tu mérites que je t’aide à faire la vaisselle. » suite à ça Min Hui s’empressa d’aller se changer avant de revenir auprès de son collègue n’ayant de cesse de passer ses mains dans ses cheveux couleur corbeau. Il n’y pouvait rien, il avait une énorme confiance en lui ce qui n’était pas plus mal dans un sens, mais qui dans l’autre pouvait lui valoir des remarques désobligeantes et des idées fausses sur sa personne. Mais honnêtement, il n’en avait que faire ainsi les mots de Nagisa lui arrachèrent un petit sourire tandis qu’il vient mordre un peu trop sensuellement sa lèvre inférieure, tout en murmurant « Il faut bien un narcisse pour illuminer tes soirées de mon magnifique sourire. » lui dit-il avec toujours ce ton taquin dans la voix tandis qu’il se rapproche de lui pour venir passer amicalement son bras autour de ses épaules.

Bien entendu, le léger mouvement de recul qu’opère le japonais n’échappe pas au regard aiguisé de Min Hui qui ne fait rien paraître de sa surprise. Il retire alors son bras  pour passer derrière le comptoir, ramassant son carnet et son stylo avant de reposer son regard sur son collègue souriant à nouveau. « Qui te dit que je ne te drague pas ? » lui demande-t-il avant de marquer une légère pause et reprendre la parole « Non, tu as raison je ne te drague pas même si tu es totalement à mon goût. J’ai beaucoup trop de respect pour les mecs en couple, et je n’ai aucune envie de me faire tabasser à mort par ton mec. » lui dit-il sans le lâcher une seule seconde du regard, analysant la moindre de ses expressions parce qu’après tout il n’avait pas lancé cette expression au hasard. Loin de là.

S’éloignant alors du comptoir, Min Hui se dirige vers les tables ses pensées n’ayant de cesse de miroiter autour de son collègue. Voilà déjà plusieurs mois qu’il avait remarqué quelque chose d’étrange avec lui, et plus les jours passaient et plus Nagisa semblait perdre de sa superbe. Il le trouvait trop calme, trop distant lorsque son petit ami était dans les parages, et aujourd’hui beaucoup trop sensible aux moindres de ses gestes. Une sensibilité qu’il avait tant bien que mal essayé de cacher aux yeux du chinois, mais qui visiblement ne lui avait pas échappé une seule seconde. Ainsi, lorsqu’il revient à ses côtés comme si de rien n’était Min Hui se contenta de l’écouter son regard ne pouvant pas quitter le corps du jeune homme, jusqu’à ce qu’il ne l’interrompe en émettant des hypothèses sur ses fameux pouvoirs de persuasion et cette fois-ci encore Nagisa lui arracha un sourire sincère. « Et mon visage d’ange, n’oublie pas mon visage d’ange. »rectifia-t-il avant de refiler son carnet à son collègue qui commença alors à préparer les commandes sous le regard attentif de Min Hui.

« Et les bleus c’est à cause de l’angine aussi ? » lança-t-il soudainement avant de passer à nouveau derrière le comptoir pour s’approcher de Nagisa et attraper tendrement son poignet pour le forcer à se tourner vers lui, abandonnant ainsi ses préparations. « Ne me prends jamais pour un idiot, j’ai passé plus de trois mois à essayer de cacher des hématomes alors crois moi qu’ils ne passent pas inaperçus. » lui dit-il d’une voix plutôt faible, trahissant sa tristesse et son inquiétude vis-à-vis de ces blessures.« Je sais que ce n’est pas mes affaires et que je ne devrais pas m’en mêler. Mais si quelqu’un te fait du mal, parles-en Nagisa. »

Avoir réponse à tout hein ? Je suppose que c’est le cas, j’avais pris l’habitude de gérer toutes les situations et malgré tout j’ai toujours été de ce genre-là, qui réfléchissait vite et trouver tout le temps des solutions. Mes remarques, mes réponses n’étaient pas calculées, cela sortait simplement naturellement, sauf lorsque cela concernait des sujets plus sérieux où je prenais le temps de mesurer mes paroles pour ne pas m’enfourner dans une moule sans pouvoir en sortir. C’était amusant avec Min Hui parce que je savais qu’il n’était pas sérieux, ce n’était qu’une façon de plaisanter et de s’amuser ensemble et pourtant même ça, Takumi commencé à me le prendre petit à petit. La crainte qu’il arrive au mauvais moment ou encore que des commères racontées à mon copain de fausses rumeurs, toutes les raisons étaient bonnes pour mettre un peu plus de distance chaque jour avec mes amis ou mes collègues, pour l’instant ma relation avec le Chinois tenait bon, mais quand il s’approche ou passe son bras autour de mes épaules je ne peux pas empêcher mon corps d’avoir une réaction que je n’aurais jamais eue quelques mois plus tôt. Bien entendu je tente toujours de ne rien montrer face à ce qui se trame dans ma tête.

« Si tu me draguais j’aurais dû tomber sous ton charme depuis non ? » Je plaisante bien sûr, mais de toute façon j’ai un petit ami et cela ne servirait à rien de tenter, par contre ça m’amuse qu’il dise que je suis à son gout. « Oh vraiment ? » Je garde mon esquisse, mais la perds légèrement quand il parle de Takumi, se faire tabasser hein ? Au fond je pense qu’il ne risque rien, car peu importe qui me drague, le seul qui prendra des coups c’est moi. Ironique non ? Même si je plais à quelqu’un, mon erreur aux yeux de mon copain serait justement que je lui plaise, c’est idiot. Mon esquisse est donc devenue plus sérieuse et pensive, mais je suis resté silencieux, le laissant se mettre au boulot et continuant le mien. Min Hui est un beau gosse, je veux dire par là qu’il plaît facilement aux gens, il a un physique unique, un sourire à tomber, un regard charmeur, ça fait la recette pour attirer l’attention, mais si je peux l’embêter avec ça c’est bien parce que je le vois seulement comme un collègue, un ami, on arrive beaucoup mieux à se taquiner quand il n’y a aucune tension sexuelle ou autre de ce genre.

« Oui oui, je n’oublie pas ton visage d’ange, je te jure ! » Je ris, lui disant ensuite que je vais bien et qu’il n’a pas à s’inquiéter pour moi, je dirais ça à n’importe qui, parce que c’est ma façon de vivre mon histoire, caché et à l’abri des regards, du moins il faut croire qu’encore une fois je ne me suis pas aussi bien « caché » que je l’aurais pensé. Ces mots me stop net dans mon travail, sentant mon cœur accéléré, je cherche déjà une excuse en mode décryptable dans mon cerveau, mais il me perturbe en venant me choper le poignet et me faire face. « Je suis maladroit, qu’est-ce que tu vas imaginer ? » Je tente une échappatoire mais au fond j’ai l’impression que Min Hui est en train de lire en moi et c’est déstabilisant. « Mi Hui, tu as des commandes à apporter. » Je n’ai rien répondu au fait que l’on me fasse du mal, essayant plutôt de noyer le poisson, mais ça ne va pas être aussi simple… Je récupère mon poignet pour me remettre au boulot en silence, espérant qu’il n’insiste pas, je ne me vois pas parler de ce genre de chose ici, surtout où des oreilles se baladent en permanence pour entendre le moindre mot qui serait dit en trop, je ne veux pas prendre le risque. Un soupire plus tard et je me donne une claque mentalement en terminant de servir les verres… Pourtant, je me demande, quand est-ce qu’il a vu les marques ? Quand ai-je été aussi négligent ? Qu’est-ce qu’il m’arrive en ce moment ! Entre mon collègue et Keith, je deviens un peu trop transparent, ça ne va pas du tout, je dois me reprendre et vite…

«  Il faut croire que mes fantastiques techniques de dragues et mon magnifique sourire n’ont pas réussi à te faire tomber pour moi. » plaisante-t-il un tendre sourire aux lèvres, tandis que sous le questionnement du japonais Min Hui affiche un sourire plus grand encore avant de répondre franchement à son ami « Oui vraiment, t’es vraiment mignon puis je t’aime beaucoup. T’es vraiment un chouette gars, et si tu n’avais pas été pris je t’aurais déjà invité au cinéma ou une connerie dans ce genre là. » lui dit-il en faisant ressortir son romantisme sans faille avant de se souffler dramatiquement tandis qu’il se met à parler du copain de Nagisa. Et comme il s’y était attendu le jeune homme perd légèrement la douce esquisse qu’il avait sur les lèvres et celui-ci ne lui répond pas, l’air pensif. C’était donc ici le signal du départ du serveur, qui se met finalement au boulot sans arrêter de penser à son ami jusqu’à son retour auprès de lui pour se remettre à faire l’idiot et Nagisa à le taquiner.

A nouveau Min Hui ne peut s’empêcher de laisser sa bonne humeur s’afficher lorsqu’il rejoint le rire cristallin du japonais lorsque celui-ci lui assure qu’il n’oubliera pas son visage d’ange. Entre eux c’était une entente amicale, Min Hui se sentait bien à ses côtés et plus le temps filait et plus il l’appréciait. Et aujourd’hui il était inquiet, inquiet de ce qu’il avait précieusement emmagasiné dans sa mémoire depuis des semaines, inquiet de voir l’un de ses rares amis perdre son sourire jour après jour, terriblement inquiet de le voir se tendre à la vue de son petit ami. Leur relation n’était pas saine, pourtant Min Hui savait qu’il ne devait pas s’en mêler, mais aujourd’hui ce fut plus fort que lui et il lança la bombe sans y préparer le japonais.  « Je le suis aussi et pourtant je ne reviens jamais avec autant de blessures. » lance alors froidement le serveur avant de venir glisser délicatement sa main sous son menton l’invitant à le regarder dans les yeux tandis qu’il murmure « Tu as peur ? C’est pour ça que tu t’éloignes de moi dès qu’il est dans les parages ? » lui demande-t-il avant d’être subitement interrompu par le garçon qui le somme d’apporter les commandes, et il n’insiste pas plus.

Le regard triste et certainement déçu le chinois laisse son ami récupérer son poignet tandis qu’il attrape le plateau tournant les talons sans un regard pour le garçon. De retour dans la salle, il sent son cœur s’accélérer brusquement, ses doigts se resserrent sur son plateau et sa mâchoire se contracte de plus en plus. La colère était là. Il était tellement en colère. Il sentait son sang s’échauffer à toute vitesse dans son corps tandis qu’il dépose les boissons sur la table sans écouter ce qu’essaye de lui dire le client qui sans doute ne désire qu’obtenir son numéro. Il tourne alors les talons, mais lorsque celui-ci vient lui agripper le poignet Min Hui perd tout contrôle. Il se retourne, agrippe soudainement le col de la chemise du jeune homme et le  force à se lever de sa chaise sous son regard effrayé et surpris. « Ne me touche plus jamais connard ! » hurle-t-il en serrant les poings, à cet instant précis il avait tellement envie de le frapper, mais il n’en fit rien le repoussant violemment avant de quitter précipitamment la salle, repassant derrière le comptoir pour regagner la salle de repos. Il se dirige alors vers son casier tentant de l’ouvrir en vain, ses doigts étaient tremblants et la prise difficile à garder. C’est donc un violent coup de poings qui s’abattit sur celui-ci à plusieurs reprises accompagné d’un cri de rage et de nombreuses insultes. Finalement la tension retombe petit à petit et il se laisse alors tomber le long du mur, fermant les yeux pour se concentrer sur sa respiration et ainsi se calmer totalement de peur de faire une énorme bêtise.

Il est bête, mais ça même si c’est idiot cela me fait rire. Je suis tombé amoureux de Takumi il y a longtemps, mes parents m’ont rejeté à cause de ma sexualité et je me suis retrouvé à fuir la maison, Taku m’a offert son toit et sans lui j’aurais été perdu, pourtant, même si je l’aime, j’aurais aimé tomber amoureux d’une personne capable de me faire confiance et de ne pas faire usage de violence, sauf qu’on ne choisit pas qui son cœur veut, qui son corps réclame et pour ma part je suis prisonnier d’un amour aussi beau que destructeur. « Quel dommage. » Plaisantais-je à mon tour. « Arrête, tu vas me faire rougir avec autant de compliments. » mon sourire s’agrandit alors que je secoue la tête, il est vraiment beau parleur celui-là, normal qu’il arrive à draguer n’importe qui même si son physique fait déjà beaucoup. Après j’apprécie énormément Min Hui, malgré ses grands airs c’est quelqu’un qui dit les choses franchement, avec moi en tout cas et parfois un peu trop direct, comme à cet instant en parlant de mes bleues… Je trouve rapidement une excuse, mais ça me déstabilise, devenir transparent m’inquiète, comme vais-je gérer ça si mes proches devinent que je suis battu ? Comment je peux vivre en passant pour ce genre d’homme, une victime, un faible, je suis honteux non ?

J’ai beau parler de maladresse, j’ai la sensation que mon ami a déjà la réponse, il sait, j’ignore comment, mais il sait… Je n’ose pas le regarder, puis je choisis d’éviter la question, de fuir en lui rappelant qu’il a du boulot. Comment pourrais-je en parler ? Que ferait-il si jamais il est au courant ? Je ne veux pas d’histoire, je ne veux pas qu’on me juge, je me sens déjà assez mal comme ça. Quand il s’éloigne je soupire, un client doit me rappeler au moins deux fois pour que je l’écoute, perdu dans mes pensées. Je reprends le boulot, mais mon esprit est ailleurs, je réfléchir, je jette de rapide coup d’œil à mon collègue, je n’entends pas ceux qui me parlent ou me drague, je les ignore clairement, puis le dos tourné à la salle, je prépare d’autres boissons, jusqu’à entendre une agitation inhabituelle.

« Min Hui ! » Que se passe-t-il ? J’observe la scène à distance, mais l’autre garçon file en salle de repos alors que la salle s’est calmée nette, reprenant doucement vie, je ne sais plus trop quoi faire, demandant à l’autre serveur de me remplacer le temps que j’aille voir ce qui se passe avec notre collègue et mon ami. Allant dans la pièce cachée des regards curieux et des oreilles indiscrètes.

« Min Hui... » Dis-je en m’approchant de lui, remarquant le coup dans le casier. « Tu… Qu’est-ce qui t’arrive ? » Je m’accroupis en regardant sa main, il a subitement changé de comportement, est-ce à cause de ce client, est-ce ma faute ? Je le regarde en quête d’une réponse, avant de laisser tomber mes fesses au sol. « Tu as dit que tu avais déjà tenté de cacher des marques toi aussi, pourquoi ? » Est-ce qu’il a déjà vécu ce que je vis ou est-ce totalement différent ?

Min Hui était un beau parleur il n’en faisait aucun doute, mais il était étonnement sincère avec son ami et ses mots n’étaient pas simplement des compliments lancés au hasard. Alors lorsque celui-ci lui demande d’arrêter de peur de se mettre à rougir, le chinois sourit visiblement très fier de lui et de son pouvoir de séduction. Mais malgré tout Nagisa était avant tout son ami, alors il aborde un sujet qu’il n’aurait peut-être jamais abordé en temps normal celui des bleus qu’il a entraperçu au fil des semaines. Et évidemment la réaction du japonais ne se fait pas tarder, son sourire se fane et le voilà qui se cachent derrière de fausses excuses, et ça Min Hui le sait très bien. A nouveau il tente de le rassurer, de l’inciter à lui parler, de lui prouver qu’il pouvait lui faire confiance mais tous ses efforts sont soudainement réduits à néant lorsque le barman se libère de son emprise pour retourner à son boulot. Le chinois soupire alors, abandonnant l’idée de le faire changé d’avis pour retourner travailler. Il voulait vraiment l’aider, mais comment pouvait-il aider quelqu’un qui ne le voulait pas ? Ceci lui semblait impossible et pendant quelques instants ses pensées convergèrent vers l’adolescent qu’il avait été il y a huit ans déjà. Il se rappela de l’enfant blessé, de l’adolescent effrayé, du garçon qui avait besoin d’aide mais qui l’avait refusé durant tant de mois ; et tous ses souvenirs firent doucement leur chemin de croix, la colère, la peur, les souvenirs … Tout se mélangea et il commit une bien triste erreur. Fou de rage il peina à se contrôler tandis que doucement ses doigts vinrent se resserrer autour du col de la chemise du pauvre client, ayant osé le toucher. Puis tout aussi soudainement que sa colère avait explosé, sa bonne conscience vint l’inciter à le lâcher, et c’est ce qu’il fit avant d’aller se réfugier dans la salle de repos sans jeter un regard à Nagisa qui crie son nom

Le corps tremblant, la vue devenue trouble sous la colère et le cœur battant Min Hui avait laissé éclater sa rage sur son pauvre casier sans penser aux dégâts qu’il allait causer. C’est donc une fois entièrement défoulé sur la boîte de fer, qu'il se laissa retomber le long du mur, les jambes repliées contre son torse et les poings encore serrés. Il se concentra alors sur sa respiration dan le but de se calmer et celle-ci était-elle qu’il n’avait pas entendu le japonais passer le pas de la porte. Ainsi, lorsque son regard croisa celui de son ami il afficha une mine surprise tandis qu’il vient déplier lentement ses jambes, desserrant doucement ses poings pour se concentrer sur lui. « Rien. Va travailler. » murmure-t-il en venant masser ses phalanges blessées du bout des doigts. Bien sûr, le barman n’était pas décidé à obéir et celui-ci se laissa glisser aux côtés de Min Hui qui vient se décaler légèrement par pure réflexe de précaution ; il ne voulait pas lui faire de mal.

Silencieux; le sportif reste donc de longues secondes sans répondre à la question de son ami et c’est tandis qu’il se redresse pour ouvrir son casier qu’il murmure sans véritable expression dans sa voix. « Parce qu’on a voulu me tuer. » répond-t-il tout simplement avant d’extirper une boîte de médicament de son manteau, il prend alors une gélule qu’il avale avec un peu d’eau avant de se tourner vers Nagisa. « C’est qu’un couteau et les mains d’un inconnu laisse des marques sur un adolescent … » souffle-t-il entre ses lèvres avant de fermer les yeux, inspirant bruyamment pour retenir ses larmes avant de reprendre « S'il te plait retourne travailler, j'ai pas envie qu'on soit deux à se faire passer un savon ce soir. » lui demande-t-il en fermant son casier sans lancer un regard à son ami.

On a tout notre secret, chacun vit avec tout simplement. Ils sont parfois lourd, parfois impossible à avouer, mais au fond le jour où on en parle c’est parce que soit on en ressent le besoin, soit on a confiance à la personne en face de nous. Je ne veux pas parler de mon « secret » pour ne pas impliquer des gens auxquels je tiens dans mes histoires, mais j’ai peur aussi. J’ai peur de ce qu’on pensera de moi, peur que l’ont ne finisse par me regarder que comme une victime, peur qu’on me juge parce que je suis incapable de fuir mon copain ou de lui résister, peur de tellement de choses qui erre dans ma tête, dans mon esprit que je rejette ceux qui veulent m’aider, c’est plus fort que moi. Alors quand j’ai vu cette réaction chez Min Hui, j’aurais pu l’ignorer, mais je ne pouvais pas. Un barman me remplace donc ce n’est pas grave si je prends une pause, il y a des choses plus importantes dans la vie et si Min Hui tente d’être présent pour moi, je veux aussi l’être pour lui. Il me repousse, mais ça ne m’étonne pas. Je ne m’en vais pas pour autant, me mettant à ses côtés, je le questionne, puis l’observe en silence. Il se lève et je le suis du regard, sa réponse me surprends, évidemment, qui cela ne surprendrait pas ?

« Te tuer ? » Je l’observe légèrement bouche bée, je ne m’attendais pas à ce genre de chose, mais encore une fois, on a tous notre histoire et même si je connais Mi Hui, j’ignore encore beaucoup de choses sur lui. Je ne sais pas quoi dire, compatir ?  Ce serait idiot, il ne veut surement pas une chose pareil, du coup je reste silencieux et ne réagit qu’une fois qu’il me demande de retourner travailler. « Je ne veux pas. » Soufflais-je avant de me relever et de m’approcher de lui, attrapant sa main blessée. « Tu devrais mettre de la glace, ça va enfler sinon. » Je garde les yeux baissés sur ses phalanges alors que je mets un certain temps à reprendre, soupirant, je prends du courage pour finalement lui avouer. « Tu as raison. Sur mon compte. » Il va surement trouver ça évident vu qu’il l’a deviné, mais en parler est compliqué pour moi, je préfère essayer de le faire petit à petit. « C’est juste qu’il est jaloux, je devrais plutôt être heureux qu’il soit aussi possessif non ? » Je tente de plaisanter dans cette situation pour ne pas alourdir le sujet, mais avec ce que viens de m’avouer Min Hui je ne peux pas fermer les yeux et continuer de lui mentir, même si je ne rentre pas dans les détails ou que je minimalise la situation.

« C’est une longue histoire Nagisa … » murmure-t-il en fuyant volontairement le regard du barman de peur de craquer devant lui, il n’avait pas encore le courage d’en parler, pas ce soir, pas dans ces conditions. Ainsi, pour changer de discussion il s’empresse de lui demander de reprendre son boulot tandis qu’il avale une gélule avant de refermer le casier, seul le bruit de la porte que l’on claque vient briser le silence ayant envahi les lieux. Pendant un instant le chinois ne s’occupe plus de Nagisa, pensant qu’il allait lui obéir et rejoindre la salle mais bien sûr celui-ci ne le fait pas restant à ses côtés. Peut-être devrait-il se réjouir que son ami souhaite être à ses côtés mais dans le fond il voulait juste qu’il parte, il voulait rester seul un moment le temps que la pression redescende, le temps qu’il se calme sans risquer de péter un plomb à tout moment. Le cœur battant encore frénétiquement dans sa poitrine, le sportif sursaute violemment en sentant quelqu’un lui attraper les mains et il tente de reculer avant de s’apaiser à la vue de son ami. « Je … Ce n’est rien, ça passera. » lui dit-il tandis que ses mains dont les phalanges étaient devenues rouges sang se mettent à trembler dans celles du barman. Il ferme alors quelques secondes les yeux, respirant bruyamment avant de finalement ancrer son regard dans celui de Nagisa l’écoutant attentivement tandis qu’un maigre sourire se dessine sur ses lèvres. Dans un sens il était heureux que son ami ose enfin lui faire confiance, mais de l’autre entendre cette vérité des lèvres de son collègue le rendait tellement triste. « Jaloux ne veut pas dire violent. » lance-t-il froidement avant de retirer prudemment ses mains de la prise de Nagisa, venant croiser ses doigts entre eux pour se forcer à calmer définitivement ses tremblements. Chose qui semble marcher puisque petit à petit il retrouve son état normal, son visage se faisant moins crispés tandis qu’il vient mordre nerveusement sa lèvre inférieur. « Depuis combien de temps te frappe-t-il Nagisa ? » le questionne-t-il en venant de lui-même attraper ses mains pour les serrer tendrement entre ses doigts dans le but de le rassurer. Doucement il caresse le dos de ses mains effectuant de doux mouvements circulaires tandis qu’il reprend tout aussi calmement « Tu n’as pas à avoir peur de m’en parler, je ne te jugerais jamais Nagisa, ne l’oublie pas. »

Je ne m’attendais pas a ce qu’il me raconte toute son histoire, c’était surtout parce que cette simple phrase qu’il a balancée m’avait surprise, il faut dire que ce n’est pas tous les jours qu’on apprend qu’un de nos amis a failli se faire tuer, ce n’est pas courant et heureusement ! D’un autre côté, j’ai souvent cru que j’allais y passer aussi devant la colère de Takumi, sauf que ce genre de chose je ne peux le dire à personne, comment le pourrais-je ? Lorsqu’il m’a étranglé, j’en ai perdu l’usage de ma voix, il m’a tellement abimé de l’intérieur que ça a duré des jours pour que cela passe, je cache la marque encore aujourd’hui parce que j’ai peur d’un détail qui me trahirait, mais Takumi n’est pas tendre, je sais que c’est dangereux, mais savoir et agir sont deux choses différentes. Quand Min Hui me demande de partir je ne le fais pas, qu’il ait envie d’être seul ou non ce n’est pas le sujet, je ne veux juste pas quitter la pièce ainsi, je veux aussi partager une part de vérité, il s’est ouvert à moi alors je prends le risque d’en faire autant en espérant qu’on soit seul à entendre ce qui se dit ici, je ne me sens à l’abri nulle part pour être franc. Il va devoir soigner sa main, pendant que je regarde ses phalanges je lui avoue donc qu’il avait vu juste, il a deviné et même si je nie, ça ne sert à rien. Il marque un point, mais que faire contre ça ? « Il faut croire que certaines personnes ne peuvent pas séparer les deux. » Je le regarde avec un léger sourire. Depuis quand ? Trop longtemps. « Je ne saurais dire, il a toujours été comme ça. » Le laissant attraper mes mains ou me caresser le dos, ce sont des gestes tendres, mais que je ne connais que trop peu, j’imagine que je suis trop habitué à la violence de mon copain et à ce qu’il me fait vivre, surtout que généralement quand d'autres tente des approches je recule ou les évite par instinct. « Ce n’est pas quelque chose dont je suis fier, puis j’ai passé tellement d’année à le cacher que l’avouer est difficile pour moi. » Autant être honnête. « Je suis désolé de t’avoir menti, je ne voulais pas te prendre pour un idiot, mais malgré tout j’ai encore ma fierté tu sais… » Je ris un peu, mais c’est vexant d’être dans la catégorie des « victime » et de ne pas réussir à s’en sortir parce que la personne qui blesse est l’homme qu’on aime, je me sens juste idiot et je sais que les gens ne me comprendraient pas, me disant surement que je dois aimer ça pour rester avec lui ou encore que je devrais le quitter si c dur, sauf qu’aucun n’est à ma place. « Ne lui dit rien hein, même si tu sais tu ne dois rien faire Min Hui. » Au cas où, je préfère lui dire car ça ne ferait qu’envenimer la situation.

Ce n’était pas parce que Min Hui n’avait pas confiance en Nagisa qu’il n’avait pas voulu lui raconter son histoire, non loin de là il avait une entière confiance en lui. Il avait simplement peur, il était terrifié à l’idée de reparler de ça maintenant et dans de telles circonstances. De plus il savait pertinemment qu’il ne pourrait se retenir plus longtemps face à ce retour vers son passé. Alors il avait préféré se taire feignant que l’histoire était trop longue pour être conté maintenant, beaucoup trop longue. Désirant être seul quelques instants le sportif avait donc demandé à son ami de retourner travailler, mais celui-ci ne l’avait pas écouté et très vite il s’était retrouvé à ses côtés pour inspecter ses phalanges meurtries. Tout d’abord surpris, Min Hui s’était reculé de peur de le blesser avant de se laisser faire en prétextant qu’il était habitué à se blesser ainsi. Si seulement Nagisa savait l’entière vérité, il comprendrait les réactions de son ami et pourquoi il avait tant envie d’être seul. Mais aujourd’hui, tout était différent, il s’était calmé très rapidement sans aucun doute apaisé par son ami qui en profita alors pour s’ouvrir à lui. Cette simple révélation lui arracha alors un petit sourire mi-heureux qu’il se livre à lui, et mi-triste qu’il ait à subir ça. « Depuis combien de temps ? » voilà la question qui passa la barrière de ses lèvres en premier et la réponse qu’il reçu ne lui fit guère plaisir, mais il n’en dit rien venant simplement le réconforter du mieux possible, attrapant ses mains, massant sa peau et caressant tendrement son dos juste pour lui faire savoir qu’il était là. Qu’il n’était plus seul et qu’il ne le serait plus jamais.


« Je sais bien que c’est difficile d’avouer ça Nagisa, je sais aussi que tu ne veux pas être une victime aux yeux des autres et que tu as peur. Je sais tout ça Nagisa et surtout tu dois savoir que tu n’as pas à t’excuser de vouloir fermer les yeux sur ça. Je ferme les yeux sur mon passé moi aussi, mais nous savons tous les deux que nous faisons ça pour nous … Pour nous protéger. Alors, ne t’excuses pas de vouloir te préserver, mais dorénavant saches que tu ne seras plus jamais seul. D’accord ? Plus jamais ! » lui dit-il en relâchant doucement sa prise autour de son corps , il lui offre alors un sourire sincère avant de froncer les sourcils à sa demande, bien sûr celle-ci l’agace, sa mâchoire d’ailleurs se contracte légèrement avant qu’un souffle s’extirpe de ses fines lèvres et qu’il hoche la tête. « Je ne lui dirai rien. Pour l’instant. » lui dit-il avant de marquer une pause et reprendre « Nagisa … Il va falloir que tu te battes désormais, tu m’entends ? Aikawa Nagisa n’est pas une victime, alors tu vas te battre et ne pas te laisser aller de cette façon. Ça sera long, difficile, éprouvant certainement mais tu sortiras très vite de cet enfer parce que tu n’es pas faible. Et surtout que tu mérites de vivre une vie heureuse avec une personne qui n’oserait même pas te frapper avec une pétale de rose. »

Peut-être qu’un jour Min Hui m’expliquera ce qui lui est arrivé, mais jusque-là je ne demanderais rien, je n’insisterais pas pour découvrir son secret, son passé et tout ce qu’il a pu vivre. J’ai l’impression que d’une certaine façon nous sommes tous les deux des âmes blessés, sauf que moi, même si je pourrais m’enfuir et y échapper, bah je reste. C’est comme ça. Je lui ai avoué quelques trucs dont il se doutait, mais je ne peux pas en dire beaucoup, je ne veux pas entrer dans les détails, avouer déjà que les marques viennent de mon petit ami c’est beaucoup. Je me souviens de la première fois car ça m’avait surpris, je ne pensais pas qu’il s’en prendrait à moi a cette époque, mais cela remonte à loin, au début de notre relation, donc ce n’est pas comme s’il avait changé récemment, je subis cela depuis longtemps. Les paroles de mon ami sa réconfortante, d’une certaine façon j’ai l’impression qu’il me comprend et ça me fait sourire, hochant la tête.

« Merci Min Hui. » Dis-je avec sincérité, je ne sais pas de quoi est fait l’avenir, mais désormais je sais que je n’aurais plus à lui mentir et en cas de souci je pourrais m’appuyer sur lui, ce n’est pas si mal au fond, d’avoir quelqu’un pour aider. Cependant, je ne peux pas m’empêcher de lui rappeler de ne rien dire, de ne rien faire, je ne veux pas que Takumi sache pour tout ça, car s'il venait à savoir ce n’est pas min hui qui serait frappé, c’est moi. Me battre ?  Je ne peux pas quitter mon copain, pas pour l’instant, malgré tout je l’aime. Pourtant ça dernière phrase me fit rire. « Ça relève de l’imaginaire à mes yeux. » Plaisantais-je, une pétale de rose, c’est mignon. « Je m’en sortirais. » Pour l’instant ça paraît impossible, mais il à raison, je ne dois pas dire amen à tout. « On devrait retourner bosser, il y a du monde. » Ajoutais-je en regarde ses doigts. « Ça va aller ? Tu vas mieux ? » S'il est inquiet pour moi, c’est aussi le cas de mon côté envers lui.

Il était certain qu’un jour où l’autre Min Hui se livrerait à son ami, mais pour le moment il n’en était pas capable, ses souvenirs étaient beaucoup trop douloureux pour être ainsi partagés. Il afficha alors un petit sourire lorsque Nagisa ne semble pas vouloir insister et silencieusement il le remercie du regard, tandis qu’il abandonne son casier pour le barman. Il reste alors de longues minutes à lui parler pour le rassurer, lui faire comprendre que dorénavant il n’était plus seul, et touché par ses mots Nagisa le remercie avec une sincérité que Min Hui n’avait jamais vue. A nouveau un sourire vient se peindre sur ses lèvres, alors qu’il vient passer tendrement sa main dans les cheveux du garçon pour les ébouriffer légèrement. « Il y a toujours une possibilité d’atteindre l’imaginaire. » lui dit-il avant de le lâcher totalement pour hocher la tête « Tu t’en sortiras, j’en suis certain et je serai là pour t’y aider. » annonce le sportif avant de jeter un coup d’œil vers la porte.

Il mordille alors légèrement sa lèvre inférieure, l’air inquiet à l’idée d’y retourner et finalement il inspire bruyamment pour se donner du courage. « Oui, allons-y. Je n’ai pas tellement envie que l’on se fasse engueuler par le boss. » répond-t-il en riant, passant sa main dans ses cheveux cachant ainsi ses phalanges aux yeux du jeune homme « ça ira, c’est pas la première fois que ça m’arrive. Je soignerai ça en rentrant au dortoir ce soir, et tu verras demain ça ne sera qu’un vieux souvenir. » lui dit-il avant d’attraper tendrement les épaules du jeune homme pour le guider vers la sortie de la salle de repos et le reconduire jusque derrière le comptoir. Il reprend alors son carnet pour se remettre au travail, non sans remarquer que le petit groupe à qui il avait sans doute fait passer une mauvaise soirée n’était plus là.