Le ciel était d’un bleu éclatant malgré la saison, seuls quelques nuages recouvraient l’espace néanmoins un vent frais soufflait sur la ville. Les mains dans les poches, j’avançais tout en regardant autour de moi, constatant que la capitale ne m’avait pas tellement manqué. Rien n’avait changé et si Sapporo était un lieu extrêmement peuplé, ce n’était rien comparé à Tokyo. En silence j’appréciais cette brise qui soulevait mes cheveux et caressait mes cheveux tandis que je prenais malgré tout plaisir à redécouvrir ma ville natale. J’avais l’impression que cela faisait des années que je n’avais pas remis les pieds ici alors que cela ne faisait que quelques mois. Et rien n’avait changé. Tout était toujours aussi développé et le silence de mon village me manquait. Il n’y avait pas de panneau publicitaire, pas de clip incrusté dans d’immenses bâtisses et pas de bruit. C’était calme, posé, facile pour se relaxer alors qu’ici tout allait plus vite... Tout le monde était pressé, on ne pouvait pas prendre son temps et se prélasser. Et surtout, ici, on me connaissait.

J’étais à peine rentré dans un café à Shibuya qu’un groupe d’adolescent m’avait déjà reconnu malgré le fait que je n’étais pas présent dans l’équipe en ce moment. Je n’avais su comment réagir, me contentant de leur sourire gentiment et de signer les autographes auxquels tous aspiraient. Je ne pouvais pas répondre à leur question, leur dire pourquoi j’étais en pause et si j’avais l’intention de revenir. « Pas pour l’instant » était ce que j’avais rétorqué posément et heureusement ils n’avaient pas insisté.

J’ignorais sincèrement si je reviendrais vivre ici un jour. Il y avait Sae Ra, et c’était d’ailleurs la raison pour laquelle j’étais ici aujourd’hui, néanmoins j’avais encore le coeur serré tandis que je marchais dans les rues. Maintenant que j’avais pu discerner un nombre incalculable de choses, la douleur que je n’avais jamais éprouvé auparavant revenait en masse à présent et la surmonter s’avérait être plus difficile que ce j’imaginais. Mais psychologiquement, j’étais quand même plus fort, j’avais plus confiance en moi et je crois que j’aimais la personne que j’étais. Je n’en étais pas sûr à cent pourcents, je ne le serais certainement jamais cependant elle me manquait tellement que je ne pouvais plus accepter un jour de plus sans la retrouver. Je ne lui avais rien dit et au premier avion, j’avais volé jusqu’à Tokyo. Je l’avais eu au téléphone comme promis, de temps en temps et même si ce n’était jamais très long, cela faisait toujours du bien de l’entendre.

Voilà pourquoi je restai là à traîner dans les rues, à me promener pour essayer de me remémorer des bons souvenirs et effacer les mauvais. Sae Ra travaillait certainement donc en attendant, je m’occupais. J’avais appelé Natsuki, demandant s’il était possible que je passe moi-même chercher notre fils à l’école et j’avais été content qu’elle accepte. Je ne m’étais pas attendu à une telle réaction, à ce qu’il me saute dans les bras et ému, j’avais ris aux éclats en sa compagnie, l’emmenant se balader à l’air de jeu près de l’école. Quitte à être ici, autant profiter de lui également non ? Il m’avait raconté des tas de choses qu’il ne me disait pas au téléphone et je lui avais promis de passer du temps avec lui pendant les prochaines vacances scolaires. Il viendrait passer une semaine à la maison et pour sûr qu’on allait s’amuser. J’étais papa et comme tout père qui se respecte, j’avais envie d’enseigner à mon fils un grand nombre de choses pour que lui aussi, en grandissant, il soit fier de moi. Le ramenant ensuite chez sa mère, je n’étais pas de suite rentré à l’appartement. Ce n’était qu’en début de soirée que je m’y étais rendu et qu’après m’être douché, j’avais enfilé les vêtements que je m’étais acheté en ce jour. Parce que si je restais habillé de mon style d’Hokkaido, j’avais bien peur de ne pas réussir à la charmer comme je le voudrais. Ou plutôt, disons que pour des retrouvailles, j’avais vraiment envie d’être parfait. Rien que pour elle.

Devant ma glace, je vérifiais une nouvelle fois que je n’avais rien oublié, réajustant mes cheveux que j’avais attaché. Un zeste de parfum et j’étais enfin prêt. J’avais choisi quelque chose d’assez simple, un jean noir clair, avec un tee-shirt blanc par-dessus lequel un veston long noir que j’avais fermé le recouvrait. Enfin, j’avais ajouté un blazer, dont je laissai cette fois-ci ouvert, à carreau noire et blanche qui arrivait à ma taille et qui s’assortissait avec le tout. Me tapotant les joues, j’essayais de me donner du courage alors que j’avais l’impression de ressembler à un adolescent de quinze ans qui se rendait à son premier rendez-vous amoureux. Mais c’était un peu ça.

Le temps passa lentement et je me trouvais désormais devant la porte de son appartement, penaud. Cela faisait déjà dix minutes que je poireautais à me dire que si j’avais envie de la voir, il faudrait peut-être que j’enclenche mon doigt sur la sonnette. Hors je restai planté là tel un idiot à bouger mes pieds par le stress. Comme si après tout ce qu’on avait vécu elle et moi, elle allait me claquer la porte au nez et me renvoyer à Hokkaido sans raison particulière. Je suppose que je me tourmentais trop puisque la suite de notre histoire se jouait aujourd’hui.

Sonnant enfin, j’avais l’impression que les secondes duraient des heures et que jamais la jeune femme ne viendrait m’ouvrir. D’ailleurs, que ferais-je si elle n’était pas là ? Et c’était sur cette pensée que la porte s’ouvrit et que je pus enfin voir son visage. Ses cheveux étaient aussi attachés et le fait qu’elle soit déjà en pyjama à cette heure là me fit sourire. Même vêtu de la sorte, je la trouvais extrêmement belle. Je n’étais pas objectif, je le reconnaissait néanmoins quand il s’agit de la personne qu’on aime, on la trouve jolie dans n’importe quelle circonstance n’est-ce pas ?

- Hey !! Dis-je alors, arborant une sublime esquisse bien qu’au fond j’angoissais toujours.

Un adolescent je vous dis. Un adolescent ! Quoi que même un adolescent n’était sûrement pas pire que moi. Je pouvais lire la surprise dans ses yeux et au bout du compte, ne lui laissant pas le temps de répliquer, j’entrai à l’intérieur puis fermant la porte de mon pied, je l’enlaçai de toutes mes forces. Autant prendre les devants... Elle ne pouvait pas me rejeter ainsi, si ?

- Tu me manquais... Avouais-je après un silence sans la lâcher pour autant, Alors me voilà.

Je l’aimais tant. J’en venais d’ailleurs à me demander comment on pouvait aimer et être autant dépendant d’une seule et même personne.

Elle me manquait. Enormément même. A un point que je ne pouvais plus supporter un jour de plus sans la voir. J’avais besoin de la sentir contre moi, de l’embrasser, de la toucher et tellement plus encore. J’ignorais combien de temps je resterais sur Tokyo... Je ne pouvais pas y rester éternellement puisque j’avais un travail qui m’attendais à Hokkaido. Même si Monsieur Akimoto m’avait dit d’un sourire chaleureux de profiter et de revenir quand j’en avais envie. Mais je ne pouvais pas leur faire ça, ils comptaient sur moi aussi bien qu’ils espéraient également que je reprenne le baseball un jour. Soit disant que lorsque je mentionnais mon passé, la passion que m’avait apporté ce sport, des étoiles de nostalgie brillaient dans mes yeux. Seulement ce n’était plus pareil... J’appréhendais le jour où je serais forcé de tenir à nouveau une batte entre mes mains. J’en tremblais presque. C’était fou de remarquer à quel point les autres ont eu le don de me terrifier. Peut-être était-ce cela leur objectif... M’en dégoûter à un tel point que je ne veuille plus jamais sentir un terrain frémir sous mes pieds. Bref, tout ça pour dire qu’ils m’avaient déclaré de prendre du temps pour réfléchir et de revenir quand je le souhaiterais. Toutefois je ne me sentais pas encore capable de rester trop longtemps dans la capitale. C’était à se demander si je le serais de nouveau un jour. Peut-être que lorsqu’elle travaillerait, je passerais discrètement au Tokyo Dôme, voir ce qu’il en était... Je crois qu’il y avait une partie de moi à qui ça manquait mais l’autre le refusait totalement. Si j’étais revenu, c’était pour Sae Ra et je savais pertinemment que si elle n’était plus là, je n’aurais plus jamais remis un pied dans cette ville.

La voir s’agiter, complètement paniqué m’amusait. Comme un idiot je restai planté là, une esquisse au coin des lèvres tandis qu’elle s’empressait de ranger. C’était justement pour la surprendre que je ne l’avais pas prévenu, cela n’aurait pas été drôle autrement n’est-ce pas ? Et je devais bien avouer qu’elle était réellement mignonne vêtu de la sorte. Haussant les épaules à sa rétorque de la belle et la bête, je l’accueillis de nouveau dans mes bras pour lui choyer tendrement sa chevelure brune.

- Je ne sais pas encore, Répliquais-je en renforçant l’étreinte, Mais certainement pas longtemps. Je voulais juste te voir.

Et autant dire que cela faisait tellement du bien. Je ne voulais plus la lâcher pourtant j’avais bien conscience qu’il allait falloir que je le fasse si je souhaitais profiter d’elle pendant mon séjour à Tokyo.

- Ca te dit, tu t’habilles et on sort ? A moins que tu veuilles aller manger en tant que chat ?

Je ne pouvais m’empêcher de la taquiner parce qu’elle ne m’avait pas habitué à la voir de la sorte. On aurait pu se caler tranquillement chez elle néanmoins je me disais que pour des retrouvailles, cela serait mieux de les faire en extérieur non ? J’attendis alors qu’elle se prépare puis lorsque ce fut fait, je ne pus que la regarder de haut en bas, constatant que j’avais vraiment de la chance de sortir avec une fille comme elle. Elle était sublime.

Si on disait de New York que c’était une ville qui ne dort jamais, je pensais à la même chose pour Tokyo. Le monde arpentait les rues et tout était décoré à l’image de noël qui approchait à grand pas. Il ne tarderait probablement pas à neiger non plus mais la température était bien plus chaude que sur Hokkaido. Le temps était d’une douce et j’aimais, malgré tout, l’atmosphère qui se dégageait des quartiers. Je ne songeais plus à la capitale mais à cette fabuleuse magie qui régnait et à ma petite amie présente à mes côtés, nos doigts entrelacés. De temps à autre on s’arrêtait devant des boutiques et je souriais comme je ne lui avais jamais souris auparavant. Ce qui me permettait de me rendre compte ô combien j’avais changé, j’avais toujours mes défauts bien sûr cependant j’étais plus ouvert d’esprit, moins froid et je souriais plus souvent.

Finalement, on rentra ensuite dans un restaurant qui m’avait paru agréable au premier coup d’oeil. Il n’était pas forcément luxueux néanmoins l’ambiance m’avait convaincu. J’appréciais plus les endroits familiales, traditionnels avec une atmosphère conviviale qui nous donnait l’impression d’être chez nous. On nous installa alors à une table, nous offrant le menu ensuite. Je choisis rapidement puis une fois tous les deux, je la contemplais en silence. Je pourrais réellement passer des heures plantés là, rien qu’à l’observer. Sauf que le but n’était pas de rester là à se regarder dans le blanc des yeux n’est-ce pas ?

- Je n’ai même pas eu l’occasion de te demander, comment tu vas ? Et tu fais quoi maintenant d’ailleurs ?

Puisque je ne le savais pas. Je savais juste qu’elle avait quitté l’hôpital, rien de plus. J’espérais simplement qu’elle n’éprouvait aucun regret et qu’elle était heureuse dans sa nouvelle voie. Je ne lui souhaitais rien d’autre que ça. Son bonheur.

Je peinais à croire qu’elle était là, avec moi. Cela me paraissait tant inconcevable qu’effectivement je me demandais si je ne rêvais pas. J’étais extrêmement chanceux qu’elle m’accepte à nouveau dans sa vie, qu’elle pardonne mes choix stupides et qu’elle comprenne. Ce n’était pas donné à tout le monde. Vraiment. Je ne pouvais que la contempler discrètement, m’apercevoir qu’elle était bel et bien là et que peu importait ce qu’elle portait, elle était toujours aussi sublime.
Même dans le restaurant où nous nous trouvions désormais, la magie de noël pouvait se faire ressentir et certains entraient rien que pour boire une bonne tasse de chocolat chaud afin de se reposer après avoir effectué quelques courses pour les fêtes. Je me demandais d’ailleurs ce que je pourrais bien lui offrir pour noël... Je lui avais déjà acheté un collier, qu’est-ce qui pourrait lui faire plus plaisir ? Vu que je ne resterais certainement pas jusqu’à ce jour, je pourrais peut-être l’inviter à passer quelques jours à la maison ? Mais n’était-ce pas trop tôt ? Bien que j’avais changé, je n’en restais pas moins un piètre homme quant au relation amoureuse et comment agir ? Je n’avais pas envie de presser les choses cependant je la voulais malgré tout près de moi. Cela m’avait paru si long sans elle, si difficile, que j’aimerais pouvoir rattraper tout ce temps perdu en la gardant à mes côtés le plus longtemps possible. Notre relation se ferait à distance puisqu’elle ne s’en irait pas de Tokyo et moi, je n’avais pour l’instant pas l’intention de déménager d’Hokkaido donc je suppose que c’était normal si elle venait passer quelques jours chez moi. Je pourrais prendre plus de temps pour lui montrer les beautés de cette île, les paysage à voir, les endroits merveilleux... Néanmoins, il fallait sérieusement que je réfléchisse à quel genre de cadeau je pourrais lui offrir pour ce jour qu’on considère pour les amoureux au Japon. Ce serait bel et bien la première fois que je ne le fêterais pas en famille. Ma mère risquait de ne pas être contente ou bien elle me proposerait de l’amener à notre grand dîner, ce que je refuserais catégoriquement. Non pas par peur cette fois-ci mais puisque j’avais profondément envie de passer cette soirée seul à seul avec celle que j’aimais et qui m’avais tant manqué.

Un sourire traça mes lèvres lorsqu’elle répondit à ma question par une autre question. Honnêtement je n’en avais aucune idée, ce qui me faisait me rendre compte que finalement, je ne connaissais pas tant de choses que ça d’elle. Je savais qu’elle avait été malade par le passé, qu’elle était infirmière, qu’elle avait malheureusement perdu un enfant... Bon si, je savais des trucs quand même toutefois quant à ses goûts, ses objectifs et ses envies, j’avais l’impression d’être un misérable petit ami. Il allait également falloir remédier à ça.
Portant le verre d’eau à ma bouche, je souris doucement en l’entendant me dire ce qu’elle faisait à présent et que malgré tout cela semblait lui plaire. Sauf que, je recrachai aussitôt ce que je venais de boire, manquant de m’étouffer à cause du choc. Moi ? Rencontrer ses parents ? Maintenant ? Elle n’était pas sérieuse. Déjà qu’à l’origine j’en aurais été paniqué, je l’étais encore plus désormais. Au vue de ce qu’elle avait du souffrir, ces derniers devaient me maudire... J’avais blessé et fait pleurer leur fille... Je n’étais pas encore prêt à ça. Probablement plus tard.

Je tapotai doucement ma main contre mon thorax afin de me remettre de mes émotions puis je ne sus quoi répondre à la suite de sa rétorque. Elle allait finir par me rendre totalement muet à me prendre de si court... Je m’étais préparé à ça, au fait qu’elle me pose la question et j’avais aussi imaginé ce que je lui dirais cependant j’avais l’impression que rien de tout ça ne sortirait. Si cela se passait bien pour moi, la réponse était oui. Si le baseball me manquait ne serait-ce qu’un petit peu, je crois que ce serait non. Le baseball que j’avais connu quand j’étais gosse me manquait, l’adrénaline que je ressentais aussi mais aujourd’hui j’étais effrayé de tenir à nouveau une batte entre mes mains donc cela s’avérait compliqué.

- Pas vraiment, Rétorquais-je alors en souriant légèrement, L’image que j’en avais a été complètement détruite tu sais ? J’ai peur de pratiquer à nouveau. A force, je jouais par obligation et non plus par envie ou par passion. Ca m’a longtemps sauvé et j’étais réellement fan de ce sport. A ce qui paraît quand j’en parle, j’ai mes yeux qui brillent.

Sur ses dires, je ne pus m’en empêcher que j’en ris subtilement.

- Parce que quand j’ai découvert le baseball, je n’étais encore qu’un novice et je me suis tant investi dedans. Je consacrais presque ma vie rien qu’à ça. Mais le monde professionnel est beaucoup plus terrifiant que ce que je pensais.

Probablement que j’étais trop jeune et trop naïf. A présent j’étais capable de réaliser que pas seulement dans le domaine sportif, mais dans le monde en général, tout est difficile. Il y a toujours des vauriens, des personnes qui essaient de nous « bouffer » et cherchent pas tous les moyens de réduire notre existence à néant. Mais j’avais réussi à m’en relever, quand bien même ils m’avaient retiré ce que j’avais de plus cher à une époque.

- En tout cas, je suis content que ça se passe bien pour toi. Enfin je veux dire si tu fais quelque chose qui te plaît, c’est le principal.

Et je lui arborai une tendre esquisse. Tout simplement.

Le baseball me manquait. Une partie du baseball me manquait. Rien que quand je passais devant un terrain puis voyait des jeunes s’entraînaient avec une batte entre les mains, je sentais la nostalgie gagnait mon coeur. Une sorte de mélancolie et je pensais à cette époque où c’était moi qui me tenait là à leur place, avec ce sourire radieux qui bordait mes lèvres. Bien sûr que ça me manquait. Ma passion en soit me manquait. Tout ce que j’avais pu éprouver autrefois et l’adrénaline qui montait en moi alors que je courais de base en base. L’acclamation du public lors de mon premier match, les cris de l’entraîneur, mon premier home run aussi... Seulement, désormais, j’en tremblais rien qu’à penser de tenir une batte ou de faire quelques lancées. J’ignorais si cela me passerait un jour parce qu’intérieurement, cela m’avait traumatisé. Peut-être que je devrais repartir du début et ne plus tenter de devenir professionnel cependant pour le moment j’étais incapable de songer à quoi que ce soit. Je voulais juste oublier tout ça, oublier le Tokyo Dôme, les Giants et le sport en lui-même. J’avais beau être plus fort à présent, je pourrais sûrement affronter avec plus de fierté les membres de l’équipe et pourtant je n’en avais pas envie. J’aimais bien ma vie comme elle l’était actuellement et je suppose que c’était cela le plus important non ?

Quand elle m’expliqua qu’elle ignorait encore si cela lui plaisait ou non, je l’écoutai attentivement avant d’hocher la tête. Je comprenais. Ce n’était pas facile de choisir sa voix et malheureusement je ne pouvais pas savoir pour elle. Je l’avais toujours connu en tant qu’infirmière et j’avais du mal à la percevoir autrement. Avec son fabuleux éclat qui traçait ses lèvres, la façon qu’elle avait de s’occuper de ses patients, cette force inéluctable qui m’avait toujours fasciné. Je l’admirais, oui. Bien qu’au début, j’étais obligé d’avouer qu’elle me faisait peur à me courir autant après... Mais ce n’était qu’une source de détermination et un caractère unique au monde. Il n’y en avait pas deux comme elle et aujourd’hui j’étais particulièrement heureux que Sae Ra m’ait poursuivit de la sorte. Je n’aurais jamais pu m’apercevoir que derrière ce visage se cachait une jeune femme formidable et qui méritait plus que tout d’être aimée.

Je pourrais rester là à l’écouter parler pendant des heures et des heures rien que pour entendre le son de sa voix. Je crois que c’était la plus belle des mélodies qui existaient sur terre... Mangeant doucement, je souris en la voyant réagir et sa réflexion me fit remarquer que non, je n’avais pas pensé au « après ». Je n’étais pas encore un professionnel dans le romantisme et je doutais l’être un jour en réalité.

- Ils vont bien, Lui répondis-je quant à sa question sur mes parents,Je les ai eu avant de partir donc je vais devoir passer les voir.

Ils ne m’en laisseront de toute manière pas réellement le choix.

- Pour après, honnêtement je n’y ai pas réfléchi. J’ai juste pensé à te surprendre et je n’ai pas vraiment pensé au reste.

Puis du moment que j’étais avec elle, le reste n’avait aucune importance.

- D’ailleurs si possible, j’aimerais qu’on ne parle plus du baseball. Je comprends ton point de vue mais pour le moment je veux juste penser autre chose. Même si ça me manque, j’en tremble dés que je pense à retourner sur le terrain. Toi qui a décidé d’essayer de te lancer dans un métier différent, tu devrais comprendre non ? J’ai moi-même envie de découvrir d’autres trucs... Tu sais quand j’étais petit, je n’avais que le baseball pour avancer. Aujourd’hui ce n’est plus le cas et je me rends compte que je suis malgré tout passé à côté de nombreuses choses.

Comme profiter. Je n’avais jamais su profiter et à présent que j’avais enfin saisi ce que c’était de vivre, je voulais pouvoir faire tout ce que je n’avais pu faire avant. Tout en l’ayant elle à mes côtés. Parce que si elle n’était pas là, plus rien n’avait d’intérêt. C’était grâce à elle si j’en étais là aujourd’hui et je me demandais si elle s’en rendait compte.

Une patinoire ? Elle n’était pas sérieuse quand même ? Vraisemblablement si. Je pouvais être doué en baseball et certainement dans beaucoup d’autres sports qui demandaient de l’endurance néanmoins m’avait-elle bien regardé ? Moi, sur des patins ? J’en riais d’avance tant je n’osais même pas imaginer la tête que je devrais avoir si j’en faisais. Je serais à peine capable de franchir dix mètres que je m’écroulerais sûrement à terre. Mais ça pouvait être une expérience à tenter et puis on était deux, l’importance était là n’est-ce pas ? Quand j’étais petit, je me rappelle que ma mère m’avait emmené au marché de noël et il y avait une patinoire. Appuyé contre la rambarde, en silence, j’observais les enfants et les grands dansaient sur cette glace suivant le rythme de la musique qui résonnait à l’extérieur. J’étais fasciné puisque je savais que moi-même je serais incapable de patiner bien qu’il ne s’agissait de quelques mètres, je ne pensais pas en avoir la faculté. Et de toute façon, ma mère m’avait répété que ce n’était pas pour moi, que j’allais me blesser et que les garçons ne faisaient pas de patins à glace. Pourtant il y en avait cependant je n’avais pas relevé, me contentant d’hocher la tête avant de la suivre et de retourner à notre balade. Maintenant que j’y réfléchissais, je crois qu’elle s’inquiétait pour moi et qu’elle me pomponnait un peu trop. Peut-être que si elle m’avait laissé, je serais tombé plusieurs fois, je me serais sûrement fait mal cependant au moins je me serais amusé et j’aurais appris quelque chose. Alors finalement, je me disais « pourquoi pas ». J’avais raté tant de choses qu’à présent j’étais plus entrain à franchir les limites que je m’étais toujours posé. Je ne voulais pas rester ancré dans mon petit monde et découvrir le reste avec ma bien aimé auprès de moi. J’étais certains qu’on était pas à bout de nos surprises et qu’on avait un long parcours à établir.

Par contre j’étais tout autant pour de la petite soirée dans les bras de l’autre devant un film. Cela m’avait également énormément manqué bien que je doutais qu’on reste sagement à regarder la télévision. Ce n’était pas une question d’être obsédé ou d’être entièrement prude puisque c’était vrai qu’avant, j’aurais été gêné d’aborder un tel sujet. Je l’étais toujours un peu toutefois il fallait se rendre à l’évidence que c’était quelque chose qui m’avait aussi manqué. Je l’aimais, plus que tout au monde, et je ne désirais pas que ses lèvres. Je désirais tout d’elle. En guise de réponse, j’avais souri, disant que c’était comme elle voulait, que moi tout me convenait.

J’avais envie de lui dire que je ne faisais que ça : Réfléchir. Constamment. Pas seulement à mon avenir et au baseball mais à nous également, à mon demi-frère, mes parents, ma vie à Hokkaido. Je pensais à de nombreuses choses, encore plus lorsque je revenais ici. J’avais la tête emplis de doute et de questions mais je survivais. Parce que je savais également qu’il fallait un temps d’adaptation, un temps à ce que je tourne la page complètement. Et elle était là pour m’y aider.
Cognant mon verre au sien, je lui arborai une nouvelle esquisse et recueillis son baiser avec plaisir bien que je ne répondis pas à sa déclaration. Pas de suite. Malgré tout, malgré ce changement, je n’en restais pas moins réservé. Je préférais le dire au bon moment, quand je le sentais plutôt que de rétorquer un simple « moi aussi ». A mes yeux si j’agissais de la sorte, cela perdait de sa valeur.

- Je te promets de ne pas avoir de regrets, Avouais-je d’une voix sincère, J’y réfléchis déjà et je ferais ce que j’estime le mieux. Mais fait de même pour toi d’accord ?

Lui souriant, on continua de discuter ainsi pendant quelques temps, prenant chacun un dessert. Elle, un plus gros que moi et je souris en voyant que c’était un trait qui n’avait pas changé chez elle. Et qui n’avait pas changé chez moi non plus puisque mon appétit était toujours aussi léger. Ensuite, nous étions sortis et je m’étais résigné à accepter la patinoire.

- Tu sais en faire toi ? Finis-je par lui demander, Personnellement, je n’en ai jamais fait.

Donc j’avais cette partie de moi qui appréhendait et l’autre qui était un peu plus excité. Peut-être que je m’en sortirais plutôt bien. Qui sait ? Les patins enfilés, nous voilà sur la piste et au bout du compte, je m’apercevais que ce n’était pas compliqué. Prenant rapidement mes marques tout comme cette fabuleuse jeune femme qui m’accompagnait, je me dirigeai vers elle et posai mes mains de part et d’autre de sa taille.

- Tu m’as manqué vraiment, tu sais ?

J’éprouvais comme le besoin de le lui dire maintenant. Parce que je le pensais. Et parce que j’étais heureux de partager cet instant avec elle. Comme on dit la roue tourne... J’avais ce sentiment que les jours qui suivraient seraient plus doux, plus chaleureux et plus beau aussi.
M’approchant d’elle délicatement, je scellai tendrement mes lèvres aux siennes avant de me reculer pour lui adresser un sublime éclat. Je l’aimais. Et tellement plus encore.

La patinoire ? Une catastrophe ! J’ignorais si je serais tenté de recommencer un jour néanmoins on s’était malgré tout bien amusé. Et bien retrouvé aussi. Ca avait été drôle. Pour la première fois de ma vie, j’avais expérimenté une chose que je n’aurais jamais pensé faire et avec la personne que j’aime en plus de cela. Ca avait été fantastique avec toute cette magie de noël, cette neige, avec elle tout court. Je m’en étais plus bien sorti et avait réussi à éviter toute chute. On s’était embrassé comme si rien autour n’existait et j’avais pu ressentir à quel point mon coeur battait rapidement, menaçant d’exploser par toutes ces pulsions qui gagnaient mon être. Et puis... Ensemble, on avait trébuché, comme deux beaux idiots. Je n’avais pu retenir mon fou rire. J’en avais même eu horriblement mal au ventre alors que Sae Ra peinait à se redresser et retomber sur moi à chaque fois. A nous deux, nous formions une belle bande de bras cassés mais ça avait été drôle.

Parvenant à me lever, je lui avais tendu ma main pour l’aider à faire de même et nous avions continué à patiner encore avant de s’arrêter, épuisé. Nos doigts entremêlés, nous avions marché en ville, regardant les décorations de noël. A Tokyo, elles étaient décidément magnifiques toutefois les illumination de la capitale étaient réputées pour ça. On avait croisé un père noël qui ne nous avait pas lâché et on avait fini par se faire prendre en photo avec, amusé.
Quand je retournerais à Hokkaido, je savais déjà que ma petite amie me manquerait. Elle me manquait déjà en réalité. J’aurais aimé qu’elle me suive cependant c’était compliqué. Elle avait son travail ici, sa famille, ses amis et je ne pouvais pas lui enlever tout juste par égoïsme. Je reviendrais. Je le lui avais promis de toute manière. Un jour, je n’aurais plus vraiment le choix. Je suppose que dés lors que je ne supporterais plus la distance, je serais de retour à Tokyo.

Je l’avais ensuite raccompagnée chez elle et au vue qu’on ne se voyait pas souvent, j’étais resté dormir. Juste dormir. Le reste viendrait plus tard. Même si je la désirais plus que tout au monde, même si je ne la voulais rien que pour moi, j’avais aussi envie de prendre mon temps et ne rien gâcher. Je restai jusqu’à noël donc nous avions tout le temps pour nous retrouver. La blottissant contre moi, je lui embrassai doucereusement le front puis après un « bonne nuit », je m’endormis quelques minutes après.

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