Meeting with the devil
 
 

  

Tenue - Parfois, il y avait vraiment des moments où on pouvait avoir l’impression de toucher le fond. Comme si notre existence n’était qu’une longue descente en tombant toujours de Charybde en Scylla. C’était exactement la métaphore peu rayonnante qui occupait mes pensées depuis quelques temps, si bien que j’avais à peine eu conscience d’être passée en troisième année récemment. Pour une raison que je n’expliquais pas, ma vie paraissait prendre une toute autre tournure depuis que j’étais à la Royal Private School, comme si jusque-là j’avais toujours nagé dans la tranquillité, à l’abri des éventuelles choses stupides que je pourrais commettre, et que j’avais depuis commises. Rien que d’y penser, j’eus un frisson d’horreur et chassai ces vilaines pensées de ma tête. Je n’étais pas certaine que mon professeur appréciât mes rêveries pendant son cours, d’autant que je somnolais déjà à moitié car, pour une raison inconnue, j’étais terriblement fatiguée ces derniers temps et ce, sans avoir une masse de travail supplémentaire par rapport à d’habitude. Peut-être fallait-il simplement en déduire que les entraînements des pom-pom girls étaient plus ardus que ceux que j’avais pu avoir dans le club de danse. Ou que je n’avais pas entièrement survécu à la période hivernale de l’année. Ou à l’évidence que j’étais suffisamment contrariée pour ne pas avoir eu un vrai sommeil réparateur depuis des semaines.

Mon petit numéro mental de Calimero achevé, j’entrepris de me ressaisir un minimum pour concentrer toutes mes forces sur les cours qu’il me restait. Non pas qu’il m’en restait beaucoup mais j’avais de plus en plus de mal à me focaliser sur mon travail en ce moment, pour des raisons évidentes. Enfin, une raison évidente en particulier, cette fameuse soirée qui revenait toujours en tête et qui me faisait me sentir mal un peu plus à chaque fois. Au moins, j’avais pris une résolution non négligeable pour m’épargner de nouveaux ennuis : ne plus jamais, jamais, au grand jamais, boire avec un professeur, peu importait les circonstances. Je préférais encore prétexter que je devais aller voir ma famille, même si ça devait m’amener à voir mon détestable de père pour cela. J’étais donc tombée bien bas sur les mesures de repli à adopter, tout comme le fait de ne suivre uniquement que mes cours officiels pour l’heure. Eviter le centre de ses soucis c’était lâche et ça ne réglait rien, mais j’avais vraiment besoin de penser à autre chose, trouver une distraction, encore au moins pour quelques temps, le temps de trouver la volonté d’affronter ma sublimissime bêtise. Ce n’était pas pour demain.

Au moins, mes journées étaient plutôt bien organisées. Après les cours, j’avais souvent mon entraînement de pom-pom girl, histoire de bien pouvoir cracher mes poumons et me défouler par la même occasion. C’était ainsi pour moi la chance de vider littéralement mon esprit de tous mes problèmes, puisqu’à part songer aux mouvements à effectuer et à la façon de ne pas faire tomber mes camarades, je n’avais pas tant de place dans mon cerveau pour  penser à autre chose. Même si ce n’était que temporaire et que sitôt la plage horaire du club prenant fin, j’étais de nouveaux assaillie par mes problèmes, avec des idées parfois encore plus noires qu’avant. Un cercle vicieux qui ne semblait pas vouloir prendre fin de sitôt. Mais alors, j’étais toujours sauvée par un élément essentiel de mon emploi du temps : mon travail. Non seulement il me permettait de mettre de l’argent de côté, mais il s’était dernièrement révélé être une source incroyable d’apaisement et de mise entre parenthèses de diverses contrariétés. Disons simplement que les différents petits problèmes qui survenaient au travail permettaient de camoufler les autres. Ce n’était pas une solution finale mais ça me permettait de progressivement prendre du recul par rapport à la situation. Dans la mesure du possible.

Et il advint qu’il fut rapidement temps pour moi de me rendre à ce fameux job, avec la meilleure volonté du monde. J’avais même trouvé la force de mettre une robe, une que je n’avais en plus pas mise lors d’un cours d’informatique. C’était plus sage pour enterrer de façon provisoire les vieux démons. Les conditions s’avéraient donc optimales et mon moral bien remonté quand je franchis les portes des dortoirs, mon sac sur le bras. Je n’avais alors pas conscience que ma petite routine bien installée allait être soudainement perturbé par un facteur que je n’aurais jamais soupçonné survenir dans l’équation.

 

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Tenue ⋆ Un nouveau jouet sous la main, voilà qui est fait, j’ai de quoi m’occuper pendant un petit moment, je me demande d’ailleurs s’il a bien respecté l’ordre donné, si je le croise sans son collier autour du cou, je l’attache à un rocher et le balance à la mer... Sérieux, je déteste la désobéissance, mais pour le moment ce n’est pas à lui que je pense, installé dans ma voiture pendant qu’un membre de la station-service remplit le réservoir à fond, je m’occupe de donner la carte d’un de mes petits privilégiés qui s’occupera de payer la note pour moi alors je ne vais pas me priver de faire le plein. Démarrant pour m’éloigner rapidement, je fonce comme si j’étais le seul sur la route me fichant bien de paraître pour fou, n’est-ce pas ce que je suis ? Je respecte le Code de la route, pour le reste il ne faut pas trop m’en demander. Je finis par passer devant un lieu qui me parle, même si je n’y ai jamais mis les pieds pour moi, plusieurs de mes esclaves font partie de cette école, tout comme certaine de mes proies sur un sujet plus physique. Regardant ma montre, j’ai un peu de temps devant moi, trouvant une place éloignée sur le parking privé, je sors mon portable en main, j’attire les regards, mais pour moi ce sont tous des petits caniches à dompter et dresser, rien de bien intéressant. Adossé au mur à l’entrée de l’établissement, je me demande qui je vais croiser, comment réagiront mes victimes en me voyant là, ne pouvant surement assumer d’obéir aveuglément à Lucifer en personne, qui croirait en me regardant, mon physique de mannequin que je suis le plus gros enfoiré qu’ils pourraient tous croisé dans leur misérable existence ?

Les minutes passent et je commence à perdre patience, je me permets de rentrer sans chercher à savoir si j’ai le droit de trainer dans le bâtiment, si c’est ouvert c’est que c’est autorisé, marchant autour de l’université, je pose l’épaule contre un mur quand je tombe sur le club qui semble être des pom-pom-girls, les jolies petites minettes en tenues légères. Un petit sourire sadique s'affiche sur mon visage quand mon regard se pose sur « elle » je fais demi-tour, je sais qui je vais attendre patiemment maintenant. Revenant à ma place initiale, je sors une cigarette, les mains dans les poches, je m’imagine déjà un projet pour le reste de la soirée, ce qui m’empêche de voir le temps défiler et finalement ça semble être l’heure pour elle de sortir, regardant en coin chaque personne passant le portail, je me pose sans un mot devant elle lorsqu’elle entre dans mon centre de vision. Me tournant face à elle, je jette ma clope au sol, l’écrasant d’un geste rapide, croisant son regard que j’ancre toujours aussi franchement dans le sien.

« Yo. Ça fait longtemps. » Gentil ? Non ne vos faites pas d’idée, quand je dis ce genre de chose, c’est que j’ai une idée derrière la tête, il ne faut pas se fier à ce que je peux afficher, mais plutôt a ce que je suis en train de penser. Elle me connaît, une chance pour moi. « Je ne t'ai pas trop manqué ? » Dis-je en rapprochant mon visage du sien, sentant déjà les regards autour de nous, une autre rumeur qui risque de circuler rapidement, mais qui s’en préoccupe, personne ne me connaît. Ah, j’oubliais que j’étais un danseur professionnel, mais même ça... C’est qu’un détail sans importance. « Tu me suis ? » Elle ne peut pas refuser après tout ce temps n’est-ce pas ? Un fin sourire sur les lèvres, je sors les clefs de ma poche, je sais comment convaincre les gens et je n’ai pas tout le temps besoin de les commander sans pitié.

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Je devais vraiment avoir un mauvais karma. En général, quand les choses n’allaient pas forcément bien, et qu’on commençait à relativiser et à se sentir un peu mieux dans sa peau, on finissait par remonter la pente petit à petit. Un boulet ne dévalait pas à toute vitesse pour vous écraser et vous ramener encore plus bas que terre. En général. Pourtant, je n’avais pas le sentiment d’avoir été ingrate envers le destin récemment ou même sur l’ensemble de mon existence, alors je ne savais pas comment expliquer cela. Je faisais même preuve de bonne volonté pour outrepasser ce léger écart de conduite, cette erreur de parcours dirons-nous, et tenter de reprendre une bonne petite existence d’étudiante sérieuses en bonnes et dues formes. J’allais en cours, je faisais mes devoirs, je travaillais même à temps partiel pour mettre de l’argent de côté par prévention, notamment dans l’idée de pouvoir être indépendante financièrement ne serait-ce que pour ma dernière année d’études. Alors certes, je reconnaissais nier le fait que j’aimais parfois bien l’idée de monter sur scène pour danser et chanter, mais ce n’était pas un drame en soi qui méritait punition. Ce n’était pas un crime de renoncer à une passion pour en choisir une autre, n’est-ce pas ? En tout cas, les choses ne jouaient pas en ma faveur.

A vrai dire, je reconnus à peine Dakota quand il se posta devant moi. En même temps, ce n’était pas comme si on traînait souvent ensemble ou qu’on se connaissait depuis qu’on était petits. Il dut ainsi sans doute se vexer quand je me mis à le dévisager pendant plusieurs secondes sans comprendre avant d’ouvrir la bouche et de la refermer, comme la pire des idiotes. Il fallait dire que la Royal Private School était sans doute le dernier des endroits où je pensais le rencontrer car, même si je ne savais pas grand-chose à son sujet, ce n’était pas le genre de lieu qu’il fréquentait et je ne me rappelais même pas avoir mentionné que j’y étudiais. Sans compter que je ne voyais pas bien ce qu’il me voulait, on avait sans doute été « proches » pendant quelques heures, ça n’expliquait pas pourquoi il venait à ma rencontre à l’école. Je me mis ainsi à froncer les sourcils quand il me salua d’une façon assez normale et conventionnelle à vrai dire. Une fois de plus, je n’étais pas la meilleure personne pour analyser Dakota mais je savais que ce n’était pas ses habitudes et je me préparais alors au pire. Ce dont j’étais certaine, c’était qu’il était tout à fait le genre d’individu avec lequel il fallait s’attendre à tout. Tout ce que j’espérais, c’était qu’il n’était pas venu trop faire de vagues, parce que mine de rien, sa seule présence suffisait à me mettre de mauvaise humeur. Allez savoir pourquoi.

J’arquai un sourcil quand il me demanda s’il ne m’avait pas trop manqué en se rapprochant un peu plus. Plaît-il ? Je ne savais pas qu’il était dans ses habitudes de s’attacher, pour ma part, je me portais très bien sans lui à vrai dire. Ce n’était pas comme si une soirée en boîte avec un peu trop d’alcool dans le sang qui m’avait fait déraper par la suite signifiait beaucoup de choses à mes yeux. En fait, je devrais arrêter de boire, voilà, c’était un signe du destin pour me montrer les conséquences de mon ivresse. Pauvre de moi.

« Non. Par contre, on dirait que toi tu ne peux plus te passer de moi, énonçai-je avec sarcasme, ça a dû te prendre du temps pour me trouver. »

L’idée même de me trouver en présence du jeune homme en des circonstances différentes me faisait froid dans le dos. J’avais plus ou moins compris que ce qu’il faisait n’était pas très net, ce dont il s’agissait précisément, je n’en savais trop rien, mais au vu des regards de certains élèves, je me doutais que ce n’était pas très moral, voire pas très légal. Le problème étant que Dakota était un danseur plutôt connu, plusieurs petits groupes, de filles notamment, commencèrent à se former dans les environs. Moi qui espérais passer aussi inaperçue qu’un brin d’herbe, me voilà bien. Je me mis à jurer intérieurement contre mon vis-à-vis, priant pour qu’il ait la bonne idée de partir, ne voulant que passer vite fait. Eh bien non. Je croisai les bras et le dévisageai de haut en bas suite à sa proposition. A quoi jouait-il ? C’était quoi cette soudaine envie de me voir et de m’emmener faire un tour ?

« Je ne sais pas ce que tu as en tête mais oublie. C’est pas parce qu’on a eu un moment que je vais te suivre comme ton petit toutou. D’ailleurs, je peux pas, je dois aller travailler moi. Mes horaires sont pas aussi flexibles que les tiens tu vois. »

Et une petite réflexion sur le milieu des idoles même s’il ne faisait que danser derrière eux. Enfin je crois. Joignant les actes aux paroles, je le contournai pour prendre le chemin de la sortie, espérant oublier ce court et fâcheux épisode au plus vite.

 

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Tenue ⋆ Être gentil, on dirait que les gens en profitent quand on se montre légèrement « aimable » je dois bien avouer qu’avec les filles, même si je ne fais pas de discrimination de sexe quand je choisis un esclave sont surtout celles qui ont la malchance de m’aider à vider mes couilles pour parler franchement. Même si là aussi le genre m’importe peu, en soirée il est plus facile de tirer une ficelle féminine que masculine et cette nana-là était l’une d’entre elles. Pourquoi je m’en souviens, pourquoi je lui parle ? Toutes les personnes que je rencontre peuvent être utile, l’ennui est un ennemi tenace et aujourd’hui je voyais en elle une possibilité de m’amuser, voilà tout. Dans ma vie tout est une question de jeu et de domination, si on pense pouvoir me prendre de haut, je coupe la corde pour faire tomber ses fourmis dans un trou, plus qu’un sadique, je suis un psychopathe, si les profiler devait faire mon profil en entrant dans ma tête, ils prendraient surement peur de ce qu’ils y trouveraient. Je ne suis pas un voyou de quartier, faire du chantage aux gens haut placé est un crime, mais intérieurement je suis capable de bien pire et je le sais... Ma seule limite est la mort, je préfère des souffrances éternelles à devenir un meurtrier.

J’ai voulu l’aborder sans user de mon habituel tact inexistant pour qu’elle se sente plus apte à accepter mon « offre » devant les regards se posant sur nous, mais face à sa remarque, je ne peux que me rendre compte de l’erreur commise, je ne supporte pas les gens qui me résistent ou encore une fois pense avoir le droit de me tenir tête, si elle n’est pas mon jouet ou mon esclave comme Raylai et tous ceux qui attende patiemment que je leur rendent leur liberté, j’ai décidé qu’elle serait ma partenaire pour cette fin de journée. Je pensais naïvement je dois l’avouer qu’elle comprendrait la situation, mais il faut croire que non. Le silence pèse lourd dans la balance, mon regard ancré dans le sien, c’est un simple sourire peut rassurant qui vient étirer mes lèvres, ils étaient tous les mêmes.

« Je ne sais pas si tu es courageuse ou naïve. » Une phrase qui peut prêter à confusion je dois l’avouer, me posant souvent la question. Mais j’aime jeter le doute sur mes intentions, c’est une façon plus légère d’entamer la procédure d’une torture psychologique. Mes mains dans les poches, je ne peux m’empêcher d’avoir des tas de scénarios qui défilent dans ma tête, comme une machine sélectionnant le plus intéressant, depuis que je suis petit, mon intelligence s'est développée avec mon sadisme et mon besoin d’être le maitre. Même la justice je la tiens dans le creux de ma main, les gens en me voyant ne pourraient penser au pouvoir que j’ai et elle, en a-t-elle vraiment conscience ? Je ne m’attache à personne, je n’aime personne, je ne cours après personne... Je donne des ordres et additionne des esclaves, c’est comme si j’étais dans un vidéo game où je suis le maitre du jeu.

« Personne ne sait ce que j’ai en tête, donc c’est normal. » Brr. Mon comportement a changé et le ton de ma voix aussi, mais je garde ce sourire sur mes lèvres, donnant l’illusion d’une conversation amicale. « Si je voulais que tu sois mon « toutou » j’aurais procédé autrement. » En clair qu’elle ne pense pas ne pas pouvoir l’être, tout le monde a des secrets pour lesquels ils se mettraient à quatre pattes et ma spécialité est de les trouver.

« Mes horaires sont flexibles parce que je le décide. Mais d’accord, va travailler, je te suis. » Ça, ça me ressemble mieux.

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Fuir me paraissait la meilleure option à suivre pour l’instant. Je ne savais guère ce qu’il manigançait ou ce qu’il projetait de faire mais très sincèrement, je ne tenais pas à le savoir. Ma vie était bien assez mouvementée sans que Dakota ait besoin de fourrer son nez dedans. S’il y avait bien une personne dont je ne souhaitais pas qu’elle soit au courant de mes problèmes récents, c’était bien lui. J’ignorais ce dont il était capable de faire avec des informations sur les gens mais une petite voix me disait que je n’avais pas envie de le savoir à mes dépends. Non, je souhaitais simplement qu’il fasse comme avant, m’oublier et faire comme si on ne s’était jamais rencontrés. Il fallait croire qu’il y avait pas mal de choses dans ma vie que j’aimais bien enterrer et faire comme si elles n’avaient jamais existé et qu’elles ne s’étaient jamais produites. Ce serait si pratique si on pouvait réellement faire disparaître ses problèmes de la sorte mais je ne savais pas pourquoi au moment précis où je m’apprêtais à aller un minimum de l’avant, il s’amusait à faire irruption dans ma vie, sans prévenir, dans le but de faire on ne savait quoi. Ce qui comptait, c’était qu’il me rappelait que je n’avais pas attendu le mois dernier pour commettre ma première erreur concernant mes relations au lit une fois que j’étais ivre. Peut-être devais-je songer à me retirer dans un couvent pour un temps.

Comme j’aurais aimé que mon intervention claire et nette suffise à le dissuader de rester près de moi et l’amène à retourner à ses propres affaires. Malheureusement pour moi, Dakota était quelqu’un de plutôt coriace, et apparemment très têtu aussi. Ses mots précédents m’avaient déjà fait froid dans le dos quant à ce qu’il projetait de faire. Je n’étais pas spécialement courageuse ou naïve, je n’avais simplement pas envie de le voir, là tout de suite. Au moins, il ne comptait pas me réduire en esclavage pour l’heure, du moins, d’après ses dires. S’il n’était pas venu pour me narguer ou jouer avec moi, qu’est-ce qui pouvait bien le pousser à venir me voir ? Il s’ennuyait donc tant ? Ou il s’ennuyait de moi ? Non, je rayai cette idée de ma tête, c’était tout à fait idiot. Il n’avait pas l’air de savoir ce que c’était de s’attacher à quelqu’un alors je ne voyais pas pourquoi ce malheur tomberait sur moi, même si le sort paraissait s’acharner sur moi pour une raison inconnue. Chose qui se confirma quand il m’annonça que, sans la moindre explication, il allait me suivre.

Je me stoppai net et le dévisageai de la tête aux pieds. Il n’était quand même pas sérieux ? Il allait vraiment faire le chemin jusqu’à mon lieu de travail ? Je pestai, me demandant ce que j’avais bien pu faire dans ma vie antérieure pour mériter un tel calvaire. Outre le fait que ce soit Dakota, je n’avais pas trop envie de discuter pour l’instant, je préférais m’occuper l’esprit en travaillant. Oui je devais aller travailler, mais je ne pouvais tout de même pas prendre le risque d’amener ce taré avec moi. C’était m’assurer un licenciement dans l’heure à coup sûr. Il n’avait donc vraiment rien de mieux à faire que de contrarier ma petite routine qui commençait tout juste à me rassurer ? Il faisait exprès de perturber mon équilibre psychologique ? Je ne me souvenais pourtant pas lui avoir fait de réflexion désagréable la dernière fois ou même d’avoir été désagréable tout court. Il devait ressentir un sadisme naturel envers l’espèce humaine, je ne voyais pas d’autre explication. En attendant, cela ne me laissa pas d’autre choix que de sortir mon téléphone portable et d’appeler mon patron, le dos tourné au garçon. Aux grands maux les grands moyens, je devais jouer la sécurité coûte que coûte.

« Allô patron ? Oui, excusez-moi, je ne me sens pas très bien, je viens de rendre mon repas, expliquais-je avec une voix faible qui mimait la fille malade à merveille, même si je ne mentais qu’à moitié, je crois que je vais pas pouvoir venir travailler. Ah, merci de votre compréhension. Je vous tiens au courant, à plus tard. »

Et voilà, cela faisait à peine cinq minutes que Dakota était là et il me faisait déjà passer pour une menteuse, même si en l’occurrence, je n’avais rien contre le fait de ne pas aller au travail. Quitte à l’avoir aux trousses, autant qu’il ne mette pas les pieds dans un lieu que je fréquentais habituellement ou même qu’il discute avec des gens que je connaissais. S’il voulait faire ses affaires, on pouvait très bien régler ça aussi. Je fis volte-face, le regard ancré dans celui de Dakota, les bras croisés et l’air visiblement contrarié. Je n’avais pas envie de parler avec lui, mais puisqu’il semblait plus qu’obstiné, jusqu’à me poursuivre pour cela, je n’avais pas vraiment le choix. Et je n’avais pas envie de tenter une course poursuite pour éviter cela.

« Bon, content ?, demandai-je d’un ton énervé, alors, qu’est-ce que tu me veux ? J’ai pas envie de me prendre la tête à essayer de deviner ce que tu peux bien me vouloir, alors sois direct et écourtons cet échange, veux-tu ? »

Mes neurones étaient déjà partiellement endommagés à cause des nausées fréquentes que j’avais, alors si je devais commencer à les stimuler deux fois plus qu’à la normale parce que j’avais l’équivalent du Joker en face de moi en matière de psychopathe, ça n’allait pas le faire. Malheureusement, je ne pouvais pas être certaine que mon vis-à-vis fasse preuve d’une aussi bonne volonté que moi.

 

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Tenue ⋆ J’avais cette fâcheuse manie de me trouver la où on ne m’attendait pas, c’est ce qui me plaisait quand je voyais leur regard surpris et parfois agacé ou alors était-ce de l’appréhension ? Je ne suis pas vraiment l’ami qu’on invite à des sorties, celui qu’on présente comme un allié garanti, je suis plus l’homme qu’on fuit, celui qu’on voudrait oublier en fuyant le danger. Ces personnes que je viens trouver devraient simplement être honoré que je me souvienne de leur existence, aussi minable et déplorable soit-elle, je n’oublie jamais un visage, alors forcément quand je tombe sur une de ces filles qui semble remplis de secret, je ne demande qu’à vouloir creuser, mais à cause de cette nuit qu’on a partagé je suis gentil et je vais le faire en toute discrétion, c’est plus facile à piéger. On pourrait simplement dire que je suis complètement timbré, mais ça ne serait qu’une vérité parmi tant d’autres. Elle refuse de m’accompagner, tant pis, je peux aussi visiter son lieux de travail, si elle croyait que cela allait m’arrêter elle se rend vite compte qu’il n’y a aucun moyen de s'échapper. Je suis comme un virus cherchant à détruire la vie des gens, un démon capable de créer le blackout dans l'instant, mais je reste simplement là, prêt à suivre le pas avant qu’elle ne finisse par craquer, oubliant l’idée d’aller bosser. Au moins elle sait jouer la comédie, les patrons sont trop crédules, croire tout ce qu’un employé vous dit et accepter sans rechigner qu’elle se fasse porter pale, l’incompétence à diriger son personnel, voilà tout.

Elle se retourne face à moi, me lance ce genre de regard qui me plaît, j’ai détruit ses projets elle ne peut que se résigner à m’accompagner, mais pour ma part je suis tout à fait satisfait, maintenant je devrai sélectionner dans mes pensées ce que j’allais lui proposer. Pourtant ses mots me donnent juste envie de lui rappeler que dans ce monde il faut parfois se méfier et savoir baisser le ton. Si je l’ai énervé ça me plaît, mais si elle me manque de respect je remets simplement les choses à leur place quitte à ce que je la choisisse comme victime de mes menaces. Mais je sais cependant me montrer calme malgré mon regard froid et mon expression peu rassurante. Ignorant ses paroles encombrantes je dis simplement en faisant le demi-tour sur moi-même lui tournant le dos.

« Maintenant tu me suis. » Si elle le fait pas je la suivrais, à elle de voir ce qu’elle préfère et qu’elle soit rassurée, je n’ai aucune envie d’à nouveau la bai*er, ce n’est pas comme si j’étais du genre à recycler, faut quand même pas déconner. Quelques pas plus loin je reprends tout de même. « Alors est-ce que je devrais deviner ce que tu essaies de cacher ? » J’étais fort à ce jeu-là, si elle ne pouvait pas deviner mes pensées, je peux deviner les siennes, on ne joue pas dans la même cour, pourtant mon but initial n’était pas de la victimiser, elle semblait bien trop sur ses gardes, mais je ne devrais pas la blâmer.

« On va manger. » N’avait-elle pas dit qu’elle avait rendu son repas ? Autant remplir son pauvre estomac, puis je ne suis pas en compagnie d’un de mes jouets, je veux simplement passer le temps, elle peut bien m’en accorder... Quoiqu’en réalité je ne lui en laisse pas vraiment le choix... Mais je pourrai peut-être me jouer de ses réactions lorsqu’elle se la pète fausse tigresse agacée.

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J’avais moi-même de la peine à croire que je venais d’annoncer à mon patron que je ne viendrais pas travailler, tout ça parce que Dakota s’apprêtait à me suivre, tel un stalker déchaîné. Ce n’était pourtant pas la fin du monde en y réfléchissant bien, au pire, il aurait vu que ma vie n’avait rien de très palpitant et il s’en serait allé sans faire d’histoire. Oui enfin, si on se fondait sur le comportement d’une personne « normale » pas d’un psychopathe dont il fallait mieux rester loin, très loin. Encore une fois, je n’avais pas eu de preuve concrète quant à ces certitudes, juste des brins de conversation par-ci par-là, dont je me rappelais vaguement, vu l’état d’ébriété dans lequel je me trouvais au moment où ma route avait croisé celle du jeune homme. Mais je savais pertinemment que l’être humain était capable du pire et je préférais être démesurément prudente avec lui, plus qu’avec quiconque. Il suffisait de voir la manière dont il m’avait retrouvée, rien que ça, c’était assez effrayant. Ok, il pouvait tout simplement passer à la Royal Private School par hasard, mais déjà, s’aventurer dans une école où on n’étudiait pas, c’était déjà louche en soi. Sans compter que cela signifierait qu’il était suffisamment tordu pour m’attendre, ou qu’il s’ennuyait au point de me sauter dessus dès que l’occasion se présentait. Au sens figuré, cela allait de soi.

Mais, non content de m’avoir fait mentir et pas du tout intimidé par mon ton autoritaire, Dakota ne paraissait pas disposé à jouer cartes du table, du moins pas tout de suite. Il se contenta de me tourner le dos et de me demander de le suivre. Enfin, « demander » était un bien grand mot, « ordonner » conviendrait mieux et ce même si ce n’était pas vraiment explicite. Sa phrase n’avait rien d’une invitation, elle résonnait davantage comme une menace dans mon esprit, un peu comme « Suis-moi, sinon tu verras ce qui se passera ». Le truc avec lui, c’était qu’on n’avait pas besoin de lui demander pourquoi il avait décidé de se teindre les cheveux en rouge, l’explication coulait de source. Ce mec s’amusait à incarner le diable en personne, si je n’étais pas si rationnelle, je dirais même que c’était un démon que j’avais en face de moi et non un être humain, mais ce serait franchement absurde. Je n’avais même pas besoin de tirer sur lui pour m’assurer qu’il était fait de chair et de sang comme tout le monde. Ahem.

Ce fut donc en soupirant que je me résignai à suivre Dakota, rattrapant ce dernier par la même occasion. Même si l’idée de mettre dix pas entre nous ne me dérangeait aucunement – au contraire ! – je n’étais pas certaine qu’il veuille que je le suivre simplement pour être derrière lui. Je n’avais aucune idée concernant ses intentions mais je me doutais bien que ce n’était pas pour avoir la satisfaction de se trouver en ma compagnie, ce serait trop… Pas Dakota en résumé. Je ne le voyais rendre visite aux gens simplement parce qu’il avait envie de les voir, non, c’était plutôt le genre d’individus à s’adresser aux êtres qui l’entouraient dans le seul but d’obtenir quelque chose d’eux. Sauf que je ne voyais pas bien ce que je pouvais faire pour lui en l’occurrence, je n’avais pas de secret d’état à lui révéler. Je me mis ainsi à rouler des yeux quand il demanda, plus pour lui-même qu’à moi à première vue, ce que je pouvais bien tenter de cacher. Sérieusement ? Il était là pour essayer de trouver une information croustillante sur moi ? C’était presque s’il me décevait.

« C’est tout ? Tu n’as rien de mieux à faire qu’essayer de concurrencer Royal Shit ?, lançai-je avec cynisme. »

Je ne pensais pas lui apprendre ce qu’était Royal Shit, lui qui savait tout devient bien être au courant de ce blog qui étalait tout et n’importe quoi sur les étudiants de la RPS. Je l’imaginais bien se délecter de nos malheurs en prime, devant son ordinateur, un paquet de pop-corn dans les mains. En parlant de nourriture, Dakota m’informa que nous allions manger. En plein après-midi ? Depuis quand invitait-il les gens à manger ? Ah. Il comptait certainement manger à mes frais, c’était certain.

« Je te préviens, j’ai pas d’argent à jeter par les fenêtres pour ton bon plaisir. Alors si ton idée c’est de m’arnaquer pour que je paie le repas, n’y pense même pas. »

Ok, j’étais peut-être excessivement sur mes gardes. Mais si j’avais bien appris une chose dans la vie, c’était qu’il valait mieux trop se méfier des gens que trop leur faire confiance. Quoiqu’il ait en tête, j’avais mon téléphone à portée si jamais il déraillait. Au final, c’était peut-être lui qui allait penser que j’étais bonne à enfermer.

 

Meeting with the devil
 
 

  

Tenue ⋆ Parfois moi-même j’en venais à me demander ce que j’attendais des gens, certes ce n’était pas dans le vrai sans du terme, mais plus dans le fait que je passe ma vie à donner des ordres, les rendant minable, croulant à mes pieds me suppliant les yeux larmoyant de les épargner, j’en ai eu des cas et j’en aurais encore parmi mes victimes, mais les autres. Je n’avais pas envie de me mélanger à ceux qui ne m’apporterait rien, je n’avais pas envie non plus que mon existence devienne aussi banale que la leur, mon monde était bien plus haut, autant que mes ambitions et le pouvoir que je fais grandir dans l’ombre entre mes mains. Je suis sadique, la compassion c’est comme une fourmi qu’on écrase sans même l’avoir remarquée, je n’ai pas de place pour des sentiments aussi insignifiants. Malheureusement la seule chose qui pourrait être négative est que je suis facilement ennuyé. Que ce soit par les personnes qui m’entour où le monde autour tout me semble souvent avancer aux ralentis, comme si je n’étais réellement pas à ma place, je n’aime pas faire semblant, j’agis comme je l’entends et je me fiche de ceux qui peuvent critiquer ce que je suis ou qui je suis. Une chose est sûre et ça je ne laisserai personne en douté, mais j’arrive toujours à mes fins, quoi que je désire je l’arrache de mes propres mains et le fait mien.

Pourquoi je réclame le temps de cette fille ? Parce qu’elle a simplement fait l’erreur de se trouver sur ma route, devrais-je me justifier ? Non, pas tant que je ne l’ai pas décidé. Mais encore une fois, aussi fou que cela puisse être elle va jusqu’à se faire porter pâle auprès de son patron pour me suivre, n’est-ce pas une autre victoire ? Ma réputation n’est surement plus à refaire auprès des gens que j’ai fréquentés, mais sérieusement ils sont de plus en plus culottés, pauvre jeunesse... Je pense que malgré tout, le fait que je ne montre pas les crocs telle qu’ils sont réellement faits qu’on pense pouvoir me tenir tête ou même me prendre de haut, c’est insupportable, mais une partie de moi trouverait presque ça amusant, je sais à quel point je suis « dangereux » mais eux, le savent-ils réellement ? Je me montre « gentil » avec cette fille car elle n’est pas ma victime comme peut l’être Rayai où tous ses idiots écervelés, bien que j’impose mes choix, je ne suis pas là pour la torturer, du moins pas physiquement... Qu’elle me compare à cet abruti qui semble devenu assez « populaire » sur internet ça me fait simplement soupirer, je la regarde, pour moi ce type caché derrière son ordinateur est un faible, un agneau inoffensif et un minable. Je ne m’occupe pas de ce qu’il raconte car ce que j’ai besoin de savoir je le découvre par mes propres moyens.

« Hum » lançais-je d’un ton nonchalant pour reprendre. « Est-ce que ce type est assez fou pour torturer ses victimes ? » Un sourire sadique, je fais passer un message plutôt clair non ? Bien que je sois calme et que je n’aborde aucune expression si ce n’est un visage neutre et impassible. Je lui propose de manger et elle est encore sur ses gardes, ah lala, désespérant... Je souffle en posant ma main sur le toit de ma voiture d’un air légèrement agacé.

J’abandonne ma voiture pour me poser devant elle, mon regard noir dans le sien. « Je t’ai dit « on va manger » et non « paye-moi à bouffer. » Même moi je suis capable de payer ma part, alors ne me fais pas passer pour un clochard. » De plus si je voulais qu'elle paye, elle payerait et ça je n'ai aucun doute là dessus quoiqu'elle dise. Lui faisant une pichenette sur le front sans aucune douceur ni retenue. « Abrutie. » Sérieux, j’aurais tout entendu... M’installant dans la voiture j’attends quelle face de même en montrant mon impatience à travers le pare-brise.

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Certes,  je voulais bien reconnaître que j’étais légèrement paranoïaque et excessivement sur mes gardes en cet instant, mais difficile d’ignorer que j’avais à coup sûr l’un des êtres les plus énigmatiques et impossibles à cerner de cette planète. Etant déjà de nature méfiante, on ne pouvait pas dire que des gens comme Dakota m’incitaient à changer ma ligne de conduite sur ce point. Je n’avais aucune envie de le voir là maintenant mais il paraissait prêt à me suivre où que j’allasse et je n’avais pas très envie de le voir me coller comme un chewing-gum, pour la simple et bonne raison que ce n’était pas le moment de fouiner dans mon quotidien. Je préférais encore le regarder dans le blanc dans des yeux avec une conversation sans intérêt, même si ça n’avait rien d’agréable non plus. C’était toujours mieux que de laisser ce type en apprendre plus sur moi, bien qu’en y réfléchissant, il n’était peut-être pas impossible qu’il m’eût pistée ou qu’il le fît à l’avenir si jamais l’envie l’en prenait. Voilà, désormais, j’allais passer mon temps à me retourner sans arrêt dans la rue pour être certaine de ne pas être pistée, merci Dakota. Parfois, j’en venais à songer que je devrais me réfugier dans un couvent pour de vrai, au moins, j’y aurais la paix et j’éviterais de faire des bêtises sans penser aux conséquences. Quelle vie.

Alors qu’on ne faisait que discuter, j’avais le sentiment d’être tombée dans un piège et d’être en danger. Ce fut comme une alerte rouge qui se mit à sonner dans mon esprit au moment où Dakota évoqua le fait qu’il n’était pas certain que Royal Shit torture ses victimes, sous-entendant que c’était son cas à lui. Chose peu rassurante quand on pensait que je n’avais aucune idée de la raison qui le poussait à me parler en ce moment même. Etait-ce ce qu’il comptait faire ? Je n’arrivais pas à savoir où il voulait en venir, au point de devoir formuler des hypothèses par moi-même quant à ce qui m’attendait. Aller manger ensemble sonnait bizarre dans sa bouche, alors je me prenais à imaginer qu’il comptait manger à mes frais. Dakota n’était simplement pas le genre de garçon que j’imaginais en train d’inviter quelqu’un à déjeuner comme ça, pour le plaisir. Il y avait anguille sous roche, c’était certain. Pourtant, ma réflexion parut le vexer, comme il me fixa avec un regard noir une fois arrivés à ce qui semblait être sa voiture. Je haussai les épaules en écoutant son argumentation peu convaincante, pas du tout rassurée pour un sou. Je savais bien que ce ne serait pas par nécessité financière, mais rien ne l’empêchait de me créer des problèmes.

Je ne compris pas quand il me donna une pichenette plutôt forte sur le front, comme si on était amis – c’était le comble – en me traitant d’abrutie. Non mais qu’est-ce qu’il lui prenait ? Pourquoi paraissait-il agir de façon amicale ? Je fis une moue en le voyant monter dans sa voiture, n’y comprenant plus rien. Ce type était tordu. Ce n’était certainement pas pour demander de mes nouvelles ou pour s’intéresser à ma petite vie nullement passionnante qu’il proposait d’aller manger. Je n’avais pas envie de monter dans cette voiture ni de me mettre à table en plein après-midi face à lui. Aussi songeais-je un instant à m’enfuir à toute allure, malgré son regard insistant à travers la vitre, me disant que je pourrais peut-être atteindre les dortoirs avant qu’il ne me rattrape. Mouais, dans l’état pathétique dans lequel je me trouvais, entre mes douleurs aux articulations, la fatigue et des vomissements de temps à autre, je n’étais pas certaine d’y parvenir. Et je n’avais pas non plus envie de me faire attraper et me faire traîner de force, ni de me faire porter comme un vulgaire sac à patates si jamais il était vraiment taré. Ce fut en déglutissant à cette pensée que je me résignai à ouvrir la portière côté passager et à monter dans la voiture du démon. Promis, la prochaine fois je porterais un jean décontracté et des baskets.

Si j’avais accepté de monter dans la voiture, je ne manquai pas de montrer mon absence totale d’enthousiasme à cette perspective. Je m’enfonçai dans le siège, comme pour chercher à me faire oublier, mais étant la seule personne présente dans le véhicule hormis le chauffeur, je n’étais pas sûre de l’efficacité de cette démarche. Décidément, rien n’allait comme je le souhaitais. J’étais si nerveuse que je préférais admirer le paysage par la vitre, histoire d’éviter tout contact, même verbal ou visuel, avec Dakota. Parfois, je me disais que je devrais peut-être aller aux alcooliques anonymes, me racheter une ligne de conduite et attendre sagement le prince charmant comme une bonne petite fille, car je n’en serais alors pas là, fuyant comme je pouvais le garçon assis à côté de moi. Je devrais peut-être consulter un psy, ça c’était une idée du génie. Cela dit, comme ma tolérance au silence était encore plus faible que ma volonté d’éviter Dakota au maximum, je faillis à nouveau.

« J’espère au moins que tu connais les bonnes adresses, lançai-je d’un air détaché, consciente que je venais un truc idiot et sans intérêt, j’ai l’estomac fragile donc… »

Donc rien du tout. J’essayais de broder un semblant de discussion dans le vent mais franchement, parler au jeune homme n’était pas la chose la plus aisée à faire. Je n’avais pas envie de lui dire que je n’étais pas bien en ce moment et encore moins pourquoi. A part parler de la météo éventuellement, il n’y avait pas beaucoup de sujets que j’avais envie d’aborder avec lui en même temps.

« Bon, oublie. Je suppose qu’on va pas discuter de nos vies comme deux bons amis qui se sont pas vus depuis longtemps, hein ?, repris-je avec sarcasme, alors en quel honneur le grand Dakota souhaite-t-il partager un repas avec moi ? »

Voilà, il n’y avait que l’ironie qui paraissait sonner correctement lorsque je m’adressais à lui. J’espérais que ça ne lui ferait pas faire de mouvements imprudents sur la route, je tenais tout de même à ma vie, bien qu’elle ne fût pas glorieuse en ce moment.

 

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Tenue ⋆ Je n’allais pas jouer les innocents et dire qu’elle avait tort de se méfier, pour moi c’est les personnes qui ne le font pas qui sont les plus idiots, tous ceux qui ont pensé que j’étais un gars agréable et adorable ont reçut une douche glacée digne de l’océan Atlantique le soir du naufrage du Titanic. Je n’ai pas de preuves à faire, si on pense que je plaisante ou si on me craint chacun est en droit de choisir ce qu’il verra, mais le seul capable de mettre les points sur les « i » en agissant en conséquence, c’est moi. Je suis certes loin d’être gentil, je pense que ce mot n’existe même pas dans mon vocabulaire ou dans mon dictionnaire, mais je n’ai pas que des victimes autour de moi, même si à mes yeux les gens sont tous les mêmes, que les humains sont inintéressants et que je me sens réellement différent de chacun d’entre eux, montrant ma domination à travers mes actions, je peux aussi ne rien attendre en échange d’un peu de compagnie pour passer le temps. L'ennuie et mon ennemi, le seul pour dire vrai, j’ai passé des années en solitaire, me débrouillant, enfermé, gagnant en maturité, personne ne s’intéresse à celui que j’étais ou comment je suis devenu ce que je suis, mais c’est bien parce que je ne leur donne pas envie de le découvrir. Ne ressentant ni pitié ni compassion, ni regret je peux agir sans jamais douter. Mais je ne veux qu’imposer crainte et respect, tel un tyran dans l’ombre je suis celui qui tire les ficelles et choisis ceux qui deviendront mes nouvelles proies, le monde est ainsi fait, être dominant ou dominé, manger ou être mangé, il n’y a toujours que deux solutions possibles, dans mon monde, « neutre » n’existe pas. Qu’est-ce que cela peut nous apporter d’être indécis, on doit être capable de choisir, d’être ferme et de ne jamais reculer, c’est ce que je fais et c’est pourquoi personne n’aura jamais aucun contrôle sur moi.

Cependant, ce que les gens ignorent c’est que si je n’ai aucune arrière-pensée, ça peut très vite changer. J’étais venue en « paix » quand j’ai croisé Yun Hwa, juste réclamer un peu de temps ce n’était rien de bien sorcier, surtout que j’avais fait l’effort de faire une approche plutôt « sympathique » au possible diront nous. Mais son comportement me donne envie de changer ça, je peux trouver un intérêt a finalement lui parlé, l’appréhension et le fait qu’elle veuille désespérément m’éviter me donne simplement envie de lui imposer ma présence et de l’embêter tout au long de la journée, peut-être que je trouverai des éléments intéressant, jouant de ses sentiments, je suis plutôt fort pour découvrir des choses, même celles que les personnes concernés ignorent. Je ne suis pas un maitre chanteur par chance, je le suis par talent. Finalement je lui dis qu’on va manger, n’est-ce pas ce que font les gens « normaux » sortir et s’installer autour d’un repas, tout en parlant ? Je pourrais presque en rire face à cette constatation, ayant parfois l’impression d’être simplement un alien dans cette communauté. Mais encore une fois elle ne peut s’empêcher de douter de ma proposition et d’un côté ça m’amuse, qu’on puisse autant avoir « peur » ou plutôt qu’on ne me fasse pas confiance c’était ainsi que ça devait se passer. De toute façon les personnes qui se mettaient à croire en moi finissaient par me détester parce que ne je ne trouvais satisfaction qu’à les briser. La douleur des uns, fait mon bonheur.

Mon index tapant contre le volant plusieurs fois impatient qu’elle daigne enfin grimper, je pouvais être un peu, vraiment un peu amical, mais fallait pas trop pousser le bouchon, cette fille a un bon instinct, on ne se connaît que pour avoir -vulgairement- baiser ensemble et pourtant elle arrivait à voir que je n’étais pas commode, mais elle ne devait surement pas savoir à quel point elle était encore loin de la vérité. Si ce que je suis lui donne envie de fuir... la réalité de ma personnalité l’achèverait. Finalement elle ose me rejoindre et c’est sans tenter de le dissimuler qu’un soupir remplit l’automobile, à une minute près je sortais pour la forcer à entrer, impatient que je suis, ça n’aurait pas été la même chose cela dit. Elle avait sauvé ses fesses de justesse.

J’aime le calme, donc le fait qu’elle ne parle pas ne me dérange pas, j’ai juste à conduire, si elle pense que le manque de conversation pourrait me gêner elle est bien loin de la vérité, surtout qu’au final elle brise le silence pour une remarque qui me paraît inutile.

« Tu n’auras qu’à vomir si ça te convient pas. » Je n’allais pas m’encombrer avec des détails, ce n’est pas comme si je voulais lui faire plaisir en l’emmenant dans un restaurant huppé juste pour l’impressionner, ça n’avait rien d’un rendez-vous, ni amoureux, ni amical, juste d’un usage d’intérêt face à mon ennui passager. Un nouveau soupire face à sa nouvelle intervention, je hoche la tête légèrement désespérée.

« Non en effet. Je n’ai pas de jouet pour m’occuper aujourd’hui, je comble juste mon ennui, soit honoré. » C’était suffisant comme explication ou peut-être voulait-elle que je détaille ? J’ai des doutes sur sa curiosité. M’arrêtant à une place « interdite » à côté d’un snack, je me fiche que l’on me reproche d’user d’un emplacement qui ne m’est pas autorisé, de toute façon qui allait oser rouspéter ? J’attends que la jeune fille sorte pour fermer la voiture d’une pression sur le bouton. Pénétrant dans l’enceinte du petit restaurant, des salutations a notre égard que j’évince d’un regard, je commande un simple menu avec une boisson avant de m’installer à une table du fond sans attendre que Yun Hwa ait passé la sienne. Quand elle réapparaît dans mon champ de vision, je demande sans hésitation.

« Sinon ta vie n'est pas trop pourrie ? » Dans la grâce et la bonne humeur les amis !

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« Mon voyage dans la voiture du démon » voilà qui pourrait être un titre atypique et plutôt vendeur pour un premier roman, je pourrais sans doute et ça résumerait à peu près correctement la situation, si on faisait abstraction du fait qu’il ne s’agissait pas de ma première rencontre avec Dakota. C’était à se demander si je n’avais pas une tendance légèrement excessive à vouloir volontairement le diaboliser pour me déculpabiliser, car, au fond, je ne connaissais vraiment pas grand-chose de lui et le peu que je savais était à censurer d’urgence, et de toute façon, cela ne me permettait pas d’établir un vrai jugement psychologique sur lui. Je venais à penser que si je voyais la présence du jeune homme à cet instant comme le mal incarné et l’horreur absolue, c’était probablement parce que, sans le savoir, il était une piqûre de rappel de toutes les idioties que j’avais pu commettre jusqu’à ce jour. C’était comme un bouton rouge qui s’allumait et clignotait en permanence à l’instant même où on parvenait à chasser à peu près le sentiment intense de culpabilité qui nous rongeait jour après jour. C’était comme si le sort s’amusait à s’acharner sur ma personne et je finissais par me dire qu’au fond, Dakota ne pouvait pas savoir qu’il tombait mal ou que je n’étais pas d’humeur à dresser le bilan de mes histoires d’un soir.

Aussi avais-je décidé de tenter, plus ou moins, d’apaiser un peu cette tension – qui n’existait certainement que dans ma tête cela dit – dans un piètre essai plein de désespoir de faire un brin de conversation, avant de me rendre compte que c’était idiot. On n’avait strictement rien à se dire en vérité, on n’était pas proches, chose que Dakota me rappela en affirmant qu’il se fichait complètement si je devais courir aux toilettes pour vomir mes tripes si c’était nécessaire. Quelle délicatesse. Sans compter qu’il ne cachait pas vraiment son agacement face à mes différentes prises de parole, à croire que je commençais déjà à lui taper sur les nerfs et j’eus un bref sentiment d’espoir à l’idée qu’il pût me déposer sur le trottoir parce qu’il ne pourrait plus me supporter. Mais non, il s’avérait que monsieur avait besoin d’un passe-temps, comme il l’expliqua, et qu’il avait jeté son dévolu sur moi pour remplir cette fonction en ce jour maudit. Magnifique. La dernière fois que j’avais voulu faire du bénévolat sur un coup de tête, cela ne s’était pas franchement bien terminé, et en comparaison, tenir compagnie à un professeur ivre paraissait plus aisé que tenir compagnie à Dakota, pourtant sobre. Il ne restait plus qu’à espérer que ça ne se termine pas aussi mal.

Le silence suffit à occuper le reste du trajet, je ne voyais à vrai dire pas très bien ce que je pourrais lui raconter d’autre. Je haussai un sourcil en remarquant qu’il se gara sur une place réservée aux personnes handicapées, le dévisageant de la tête aux pieds. Non, visiblement, il n’avait pas de difficulté physique majeure et il n’y avait aucun justificatif pour y faire croire sur son pare-brise. J’en déduisis donc simplement qu’il n’en avait rien à faire et qu’il n’avait simplement pas envie de passer trois heures à chercher une place où il n’aurait pas à se soucier de se prendre une amende. Décidément, monsieur n’aimait pas les règles. Ce fut ainsi en roulant des yeux que je me décidai à sortir du véhicule, rassemblant tout mon courage pour la suite des opérations, car je sentais bien que j’en aurais besoin. L'amabilité ne faisant pas non plus partie intégrante de Dakota, il snoba royalement l’accueil poli qu’on nous réserva et j’esquissai donc un vague sourire désolé à l’intention du personnel. Heureusement qu’ils n’étaient pas susceptibles !

Contrairement au jeune homme, je me contentai d’un cookie et d’une boisson, les burgers et les nuggets ne me faisant pas particulièrement envie en ce moment. L’arrivée de l’été très certainement, je ne voyais pas d’autre explication logique. Non surprise de voir qu’il n’avait pas daigné patienter à mes côtés, je me mis en quête de la table où il s’était installé, chose qui ne fut pas difficile en vérité. Il me suffisait de suivre les regards admiratifs des collégiennes et lycéennes présentes dans les lieux, j’en étais presque triste pour elle, si ce n’était pas moi la plus malheureuse dans l’affaire. Je sentis d’ailleurs leurs regards assassins peser sur moi au moment même où je posai mon plateau en face de Dakota, non sans lâcher un soupir, encore. « La fille qui soupirait » ferait aussi un bon titre d’ouvrage en y pensant. Fait qui ne s’améliora pas avec la question de mon vis-à-vis. C’était assez ironique, au point que je ne pus réprimer un rire nerveux en guise de première réponse. Comment dire ?

« Comme une vie à la Royal quoi, lâchai-je d’un ton blasé, en pire. En fait, je pense m’exiler un moment, ça me ferait pas de mal je pense… »

Confier ma misère d’accord, lui en expliquer les raisons, hors de question. Je n’avais aucune confiance en lui, je n’avais déjà pas confiance en grand monde, alors ce n’était sûrement pas avec lui que j’allais partager mes problèmes existentiels, il n’allait pas me réconforter. Au mieux, il se moquerait de moi, au pire, il m’enfoncerait encore un peu plus. Sirotant ma boisson gazeuse, je ne pus m’empêcher de me retourner vers les gamines jalouses – je préférais encore les regarder elles que Dakota – qui me fusillaient toujours du regard. Si elles savaient combien je donnerais pour être à leur place. Roulant de nouveau des yeux, je reportai mes yeux sur le jeune homme, m’enfonçant un peu plus dans ma chaise.

« Tu as amené ton fanclub officiel pour me lyncher en public, avoue, lançai-je avec ironie. »

Je me doutais bien que les petites filles innocentes dans leur genre ne devaient pas vraiment être son type, mais bon, je n’allais pas me gêner pour le narguer un peu moi aussi.

 

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Tenue ⋆ Il faut croire que même ceux qui ne me connaissaient pas vraiment était capable de remarquer rapidement que je n’étais pas un enfant de chœur, je ne me suis même pas demandé pourquoi elle me voyait elle-même comme le diable alors qu’on a très peu échangé, si ce n’est le plaisir un simple plaisir physique, le reste est resté assez vague, comme si je me liais avec toutes mes conquêtes d’un soir... M’enfin au moins je n’avais pas besoin de faire semblant, jouer les gentils pour amadouer les gens afin de finalement révéler notre véritable personnalité ça pouvait avoir un côté jouissif de voir la surprise dans leurs yeux et l’incompréhension, mais j’avais une préférence pour agir sans détour et m’afficher tel que j’étais dès que l’occasion se présentait. Alors oui elle pouvait tenter de faire la conversation avec moi, de parler nourriture ou je ne sais quoi, mais je n’avais que faire de son estomac, qu’il supporte ou non le repas ce n’était pas moi qu’était concerné et je suis sur qu’elle n’avait pas non plus besoin de moi pour le lui confirmer, m’enfin, au moins c’est fait.

J’aime le silence et c’est ce que j’ai eu le restant du trajet, ce dernier fut assez rapide jusqu’à une place d'handicapé devant le restaurant en question, une preuve qu’encore une fois je n’en faisais qu’à ma tête, si on me met une amende je sais comment la faire sauter, si on me fait une remarque je sais comment les contrer, je suis « intouchable » c’est peut-être exagéré, mais je sais me débrouiller pour me sortir de toutes les situations et ça, c’était un avantage qu’il ne fallait pas négliger.

Les fausses salutations amicales je préférais les éviter sans y porter la moindre attention, tant pis si cela les dérangé, après tout j’étais là pour commander et pour manger, pas pour sourire et parler ni me créer de nouvelles amitiés. Je ne m’occupe pas d’attendre Yun Hwa, ni de voir ce qu’elle commande, ayant déjà commencé à manger quand elle finit donc par me rejoindre. Elle faisait dans la retenue, soit, c’est son problème. Un question « normal » franchi la barrière de mes lèvres alors que je mange quelques frites avec les doigts, sa réponse me laisse perplexe et me rend tout aussi curieux, mais je ne montre rien qui pourrait trahir ses pensées.

« Quoi, tu as un problème avec un homme et tu veux le fuir ? » Comment je pouvais dire ça ? Simplement parce que généralement quand il y a un souci ça concerne une histoire de mec ou de sexe. Enfin je ne rentre pas dans les détails, mais : « Tu n’es pas du genre à prendre ton temps, donc pourquoi jouer les prudes innocente, reste donc où tu es. » Que je sois dans le vrai ou non je m’en fiche, j’aimais faire mes recherches de cette façon en balançant des situations et lires les réactions pour me rapprocher de la vérité, c’était simplement une tactique comme une autre pour piéger les gens, sauf qu’elle je n’étais pas encore certain de vouloir la victimiser justement. À sa nouvelle question, je lève le regard vers ces filles qui m’observent.

« Je n’ai pas vraiment besoin de petite vierge seulement bonne pour piailler et pleurnicher, mais peut-être que je devrais les utiliser maintenant que tu m’en as soufflé l’idée~ »

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En fait, j’en venais à penser que la situation aurait pu être bien pire. J’aurais pu me retrouver séquestrée dans la voiture, au milieu de nulle part, un pistolet sur la tempe afin d’être obligée de suivre les ordres de mon kidnappeur. Au final, me retrouver à la table d’un fast-food en face de Dakota n’était donc peut-être pas la pire qui eût pu m’arriver en ce jour, ce n’était simplement pas la meilleure non plus. Cela me mettait plus mal à l’aise que cela ne m’inquiétait, car il m’était presque impossible de ne pas faire le parallèle avec la situation épineuse dans laquelle je me trouvais sans qu’il ne le sût, bien que certains détails la rendent un peu plus complexe. Si Dakota finissait par venir me voir au bout de plusieurs mois sans raison apparente, je pouvais d’ores et déjà décréter qu’il faudrait moins de temps pour avoir une confrontation avec Ryû. Brrr, rien que d’y penser, ça me faisait frissonner, j’avais vraiment besoin de songer à autre chose pour me sortir cet épisode fâcheux de la tête. Je m’occuperais plus tard de savoir comment j’allais m’y prendre pour arrondir les angles et trouver le courage de retourner clandestinement en cours d’informatique. La compagnie de Dakota me paraissait tout d’un coup étrangement bien moins désagréable.

Mais si de mon côté je voulais oublier à quel point mon existence méritait de faire le scénario d’un bon drama, il ne semblait pas être du même avis, me demandant des nouvelles à sa manière. Oui ma vie craignait terriblement, j’avais envie de m’enterrer en me levant chaque jour à cause de la bourde phénoménale que j’avais commise à cause de mon idiotie qui battait à l’heure actuelle tous les records. J’en étais certaine, il savait que Royal Shit ne m’affectionnait pas en ce moment et il voulait me tirer les vers du nez pour son plaisir personnel, dans quel but, je ne m’étais pas encore décidée sur ce point. Même s’il affirmait qu’il ne souhaitait que se distraire en ma présence, je ne me voyais pas bien lui raconter mes malheurs et les questions existentielles qui les accompagnaient uniquement pour le sortir de son ennui. Il y avait des choses qu’il valait mieux taire, et en ce qui me concernait, chaque élément perturbateur ne pouvait être étalé devant n’importe qui. Entre les histoires familiales démentielles et mes propres bêtises, je n’avais pas franchement le loisir de penser à une jolie anecdote à lui servir pour détourner son attention.

Cela dit, ma mine abattue à l’évocation de son hypothèse concernant mes embrouilles devait plus ou moins suffire à lui montrer qu’il avait visé juste. Garder le silence et siroter mon verre ne lui fourniraient pas de détails mais il était incroyablement capable de réduire les différentes possibilités de lui-même. Ce mec devait être soit devin soit puissant au point d’avoir des espions dans tous les coins de la ville. En fait, j’en venais à me demander s’il ne connaissait pas déjà la réponse et qu’il cherchait à me cuisiner pour voir combien de temps je mettrais avant de passer aux aveux. En fin de compte, ce n’était peut-être pas lui le plus tordu de nous deux. Au point que j’eus la brillante idée de vouloir changer de sujet en évoquant les demoiselles qui n’arrivaient pas à détacher leur regard de mon vis-à-vis, le vénérant tel un dieu vivant, chose qui n’aiderait probablement pas mes nausées à s’envoler. Je ne pus m’empêcher de rouler des yeux à l’écoute de la réponse de Dakota, voyant qu’il était apparemment prêt à tout pour s’amuser à mes dépends. Super.

« Non merci. Enfin tu fais ce que tu veux, mais tu me laisses en dehors de ça si c’est le cas. Je m’attire assez d’emmerdes toute seule, j’ai pas besoin d’un coup de main pour ça, répliquai-je en soupirant. »

Mais à force de refuser de lâcher plus de deux phrases à chaque fois, je vins rapidement au bout de ma boisson. Zut. Il ne me restait plus que le cookie pour m’occuper mais là, d’un coup, je n’en avais vraiment plus envie. Super. Ce fut donc avec la meilleure volonté du monde que je le tendis à Dakota, telle une offrande sacrée, et la déposai sur son plateau. Il allait finir par croire que je faisais la grève de la faim par sentiment de culpabilité.

« Sinon je vois que tu as un bon sens de la déduction. Mais crois-moi, tu es bien placé pour savoir que mes déboires avec les hommes ne valent pas la peine d’être racontés, repris-je avec un sourire en coin, sinon toi ça va ? Le groupe, tout ça, pas d’ennui à l’horizon ? »

En fait, je m’en fichais un peu mais je ne voyais pas pourquoi je serais la seule à devoir raconter ma vie dans l’histoire. Je me doutais plus ou moins qu’il n’allait pas me faire l’étalage de ses mésaventures à lui mais puisque nous étions partis pour blablater, autant que ça ne ressemble pas trop à un interrogatoire.

 

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Tenue ⋆ Combien de temps j’allais la garder, combien de temps allais-je user de son temps pour occuper le mien, je n’en avais aucune idée et même si nous n’avions aucune conversation, sa présence était déjà une occupation, je pouvais m’amuser à lire toutes sortes d’émotions sur son visage et plus encore j’avais surement les cartes en mains pour lui soutirer des choses intéressantes, a contrario je n'aurais qu’à la renvoyer d’où elle vient, mais là encore j’espère pouvoir en profiter un peu avant ! C’était le but après tout, qu’elle m’occupe, pas qu’elle m’ennuie. Au restaurant, enfin au snack plutôt, il n’a pas fallu longtemps pour que je l’agresse un peu sur sa pauvre et misérable vie, vu comme elle avait réagi plus tôt je pourrais penser sans problème que ce n’est pas vraiment une bonne période, ce qui en toute honnêteté m’arrange. Le bonheur et tout ce qui rend heureux me donne envie de vomir, c’est faux, ça pu, c’est nul et au final les gens font ça simplement pour rentrer dans une routine, qui a dit qu’on était obligé d’aimer dans notre vie ? Je ne pense pas avoir lu un manuel disant que la vie parfaite était mariage, bébé, travail, pour mourir en paix... ahah, très peu pour moi, je préfère encore mourir d’une façon ridicule que me dire « ouai mec, j’ai vécue une belle vie, je n'ai rien à regretter » ... c’est beau de se voiler la face, tant mieux alors qu’ils crèvent heureux ces idiots.

Au final je la mets devant le fait accompli en essayant de deviner ce qui se passe et bingo, pas besoin d’attendre de réponse tout se lit sur sa réaction, ok meuf, un problème du mec... Aaah, j’aurais du m’en douter, c’est toujours un truc débile qui vous fait chier.

« Pitoyable en effet. » Elle me parle des nanas qui me relooke avec des perles brillantes à des kilomètres, ok je plais, je le sais, mais je ne suis pas désespéré pour me taper des gamines en chaleur, les pauvres rien que d’imaginer la torture que je leur ferais, je suis sûr que le quartier les entendrait crier. Bref.

« Dommage, mais je vais t’épargner pour cette fois, alors évite d’essayer de changer de sujet en me donnant des idées. » Comme si je n’avais pas deviné ce qu’elle faisait, elle m’a pris pour un idiot ou quoi ? Je souris en finissant mes frittes tout en regardant ce qu’elle dépose dans mon assiette. Levant les yeux vers elle.

« Quelle générosité~ décidément manque d’appétit, vomissement, il t’a mise enceinte cet abruti, Rip je déposerai des fleurs sur ta pierre tombale. »J’avais dit cela sans certitude ni arrière pensée, juste une intuition ou plutôt, une déduction comme elle disait, croquant dans mon sandwich comblant ma faim rapidement.

« Ne t'intéresse pas trop à moi, tu devrais savoir qu’il vaut mieux ne pas poser de questions si tu ne veux pas avoir de problème et je suis certain que tu ne voudrais pas savoir comment je comble habituellement mon ennui. » Léger sourire sadique, en effet valait mieux pas qu’elle tente de le découvrir pour sa propre sécurité.

Meeting with the devil
 
 

  

Être le jouet de quelqu’un n’était pas vraiment le statut le plus distrayant, rassurant et glorieux qu’on pût connaître. Certes, je n’avais vraiment rien de mieux à faire qu’à rester à cette table en face de Dakota maintenant que j’avais fait croire à mon employeur que j’étais souffrante mais j’étais à peu près certaine de pouvoir trouver une meilleure occupation en deux minutes, pas plus. Les magasins par exemple, simple mais efficace pour se changer les idées, et je n’étais pas obligée de divertir quelqu’un en supplément. J’avais l’impression que ma vie était à l’image des montagnes russes sauf qu’en ce moment, il n’y avait que des descentes interminables, qui s’enchaînaient quand je pensais avoir tout vu en matière de problèmes chiants et prise de tête. Mon karma devait décidément être bien pourri pour que tout cela s’enchaîne sous mon nez et que je ne puisse être qu’impuissante face à cela. Oui, parce que je ne voyais pas bien comment échapper aux griffes de Dakota sans y laisser des plumes, on ne dirait pas comme ça, mais quand il le voulait, il pouvait vraiment se montrer intimidant. Comme au moment où il avait suggéré qu’il pourrait bien utiliser les gamines qui piaillaient derrière nous pour s’amuser par exemple. J’étais bien mal tombée.

Heureusement, il apparaissait que monsieur se trouvait dans un élan de bonté en ce jour, chose louche, et décréta qu’il m’épargnait pour cette fois-là, ne manquant pas de préciser qu’il valait mieux pour moi ne pas changer de sujet si je ne voulais pas me brûler tel Icare au soleil. Super. Il ne me restait plus qu’à lui donner mon cookie dont je n’avais plus envie en signe de paix, mais là encore, sa réaction me fit l’effet d’une douche froide. J’en vins à penser qu’il n’était pas plus mal pour moi d’avoir fini ma boisson, sans quoi je me serais certainement étouffée suite à sa réflexion débile. Enceinte ? Il ne fallait peut-être pas pousser le bouchon trop loin non plus, j’avais une vie misérable mais ça ferait beaucoup quand même en termes d’accumulation de malchance, non ? Roulant, une fois de plus, des yeux suite à cette réflexion, je me contentai de lâcher un léger «  Crétin » d’un air dépité. Il n’y avait vraiment que lui pour imaginer des trucs aussi tordus, on ne nageait tout de même pas dans un scénario dramatique d’une série télévisée.

Accoudée sur la table, je n’avais rien trouvé de mieux qu’essayer de faire parler Dakota de sa propre vie, à défaut de vouloir tout lui confier de la mienne, sentant le traquenard approcher, mais malheureusement, il n’avait pas mordu à l’hameçon. J’étais maudite, ce n’était pas possible autrement. Visiblement, il n’appréciait pas mes questions bateau et faire un semblant de conversation pour que je ne sois pas la seule à parler ne l’intéressait pas non plus. Eh bien, ça allait devenir passionnant à force, on allait rire tiens. Il ne me restait ainsi plus qu’à l’observer manger tantôt son sandwich tantôt ses frites ou à scruter les environs, en quête de quelque chose de divertissant à observer. Quelle joie. Il n’y avait pas plus ennuyant à faire pour être honnête et je m’en lassai assez rapidement.

« Ok. J’ai pas envie de partager mes malheurs avec toi et t’as pas envie de me raconter quoi que ce soit, on fait quoi maintenant ? »

Non parce que s’il m’avait fait venir pour le regarder manger, ce n’était pas la peine tout de même. Gonflant les joues, je me résignai à m’affaler sur la table, accablée par le destin qui semblait s’abattre sur mes frêles épaules. Promis à l’avenir je resterais dans les dortoirs, j’étudierais dur, point. Il n’allait quand même pas me forcer à parler, je ne voyais pas comment il pourrait s’y prendre, à moins évidemment de me séquestrer dans sa voiture sur le chemin du retour, mais ce serait un peu gros quand même, même pour lui. Il n’avait personne d’autre à embêter ? La tête sur le côté, je m’aperçus que les gamines avaient sorti leurs smartphones dernier cri pour apparemment prendre des photos de leur idole adorée. J’espérais juste qu’elles n’étaient pas abonnées au blog de Royal Shit, pour le reste, ce n’était pas vraiment mon problème.

 

Meeting with the devil
 
 

  

Tenue ⋆ Le temps défile, si j’avais eu un de mes jouets sous la main je n’aurais pas honoré Yun Hwa de ma présence, mais pour le coup elle devait malheureusement faire avec, je ne comptais pas changer mes plans, sauf si vraiment je commence à trouver tout cela ennuyant, le but étant qu’elle me divertisse, parce qu'elle me donne envie de m’endormir devant son côté barbant à souhait. Elle ne mange pas et me gratifie même d’un désert supplémentaire, je sors alors une simple remarque qui m’est venue naturellement ne sachant pas à cet instant que j’avais touché dans le mille, j’ai trop de talent ! -Faites-moi penser à revenir lui dire dans quelques mois- elle me traite de crétin en guise de réponse, si elle veut, mais la seule qui s’en mordra les doigts c’est elle, pas moi. Finalement elle me questionne et je devis la réponse de manière à lui faire comprendre que cela ne sert à rien de venir creuser dans ma vie et mes occupations, lui raconter ce que je fais en temps normal serait dangereux pour elle, à part lui parler peut-être de mon boulot, je suis un danseur après tout, mais même ça je n’en ai aucune envie, donc je préfère sauter la casse « parle-moi de toi » rapidement. Et devant sa nouvelle question, je souris en montrant une fritte.

« Je mange. » Oui parce que bon, au cas où cela ne se voyait pas, j’étais encore en plein repas, reprenant rapidement. « Je te rappelle que je t’ai dis « on va manger » tu ne manges pas, moi oui, c’est ta faute. » Sérieusement elle avait qu’à se prendre un menu, ainsi elle ne poserait pas de question stupide. Mon regard se lève en direction des filles qui sont en train de nous prendre en photo, je continue de manger sans chercher à leur donner un sourire ou autres stupidité, elles m’ont pas demandé mon avis pour ça, gamines inutiles. Je termine mon burger et les dernières frittes, avant de m’attaquer au désert, mon ventre semble content, c’est une bonne chose. Regardant la jeune fille, je soupire devant cet ennuyeux échange...

« Tu es une distraction plutôt inutile. » Non parce que bon, frottant les deux paumes de ma main pour laisser les miettes des cookies s’éparpiller, avant de me lever.

« Ta vie misérable déteint sur toi, arrange ça vite, la prochaine fois j’aimerais que tu me divertisses un peu plus. » Parce que oui, je n'étais pas maso à vouloir jouer avec une nana ennuyante, je ne suis pas non plus du genre à rester si ça ne m’apporte rien d’intéressant à manipuler. M’éloignant je dis simplement. « Tu sais surement comment rentrer, bye et courage pour le bébé~ » Hahaha, vas-y que j’en rajoute une couche. Quittant le restaurant je m’en vais sans rien rajouter, j’ai plus qu’à trouver autre chose pour m’occuper.