Tenue ★ N'importe quoi. Il ne rompait jamais le charme. De toute manière, il ne s'en servait pas sur Uriyel. À quoi bon la séduire, elle ne lui plaisait même pas et il ne désirait pas la mettre dans son lit. Il se comportait donc avec elle sans la moindre arrière-pensée et c'était peut être pour ça qu'il réussissait à être un peu plus lui-même en sa compagnie. Mais il se raidit en l'entendant lui demander si elle pouvait ramener quelqu'un chez lui. Il eut bien du mal à décrisper sa mâchoire pour lui répondre. D'ailleurs, pourquoi réagissait-il aussi violemment ? Qu'est-ce que ça pouvait lui faire dans le fond ? Elle ne lui appartenait pas. Enfin, techniquement si. « Hors de question. Je ne veux pas te voir ramener un pauvre mec chez moi. J'veux dire c'est encore chez moi quoi. » Il ne comptait pas admettre qu'il ressentait une pointe de jalousie rien qu'en imaginant Uriyel rentrer accompagné d'un autre mec. Il déposa délicatement sa veste sur les épaules de sa fiancée. Le temps se rafraîchissait alors que le soleil se couchait et son petit top ne devait pas suffire à lui tenir chaud. Il s'éloigna un peu pour masquer que cette marque d'attention le gênait et en profita pour photographier le ciel. Voilà quelque chose qu'ils n'avaient pas l'occasion d'admirer à Tokyo. Quand d'un coup, son visage ainsi que celui d'Uriyel s'affichèrent sur son écran. Il fronça les sourcils. Mais qu'est-ce qu'elle faisait ? Il baissa son téléphone. « J'peux savoir ce que tu fous ? » Gronda-t-il. « Tu crois que je veux ta sale tête dans mon téléphone. » Avec son index, il la poussa en appuyant sur sa tempe. Il n'avait jamais aimé les couples qui faisaient ça et n'en voyait pas du tout l'intérêt. Il se remit à marcher mais dans le sens inverse, reprenant la direction de l'auberge. « On ferait mieux de rentrer. » Ou bien Uriyel allait prendre froid, et il avait pas du tout envie de devoir s'occuper d'elle si elle tombait malade. Lui-même commençait à cailler, la preuve, il avait le nez qui coulait et reniflait régulièrement.

Tenue ★ L’absence spontanée de réponse de la part de son fiancé, ou du moins l’expression crispé qu’il affichait arracha un sourire railleur à la demoiselle. Un point pour elle, elle qui ne se doutait absolument pas de la pointe de jalousie qui traversait ce dernier. Ces murs froidement dressés autour de lui, à force de les côtoyer quotidiennement, elle ne remarquait plus les fissures lézardaient la pierre. La seule chose qu’elle remarquait, c’était cette petite porte qui commençait à s’entrouvrir, de jour en jour, elle avait l’impression d’avoir en face d’elle, un ami. Un ami un peu grognon qui levait peu à peu, son regard vers elle. « Dans ce cas, tu as ta réponse. » Des lueurs malicieuses s’animèrent dans son regard, elle criait doucement victoire dans son plus fort intérieur. Tout comme lui ne désirait pas déjeuner avec de parfaits inconnus, elle non plus n’avait nullement envie de partager une table avec ces filles. Pour autant, elle ne pouvait pas l’exprimer franchement, au risque de paraître encore une fois intéressée, alors en lui retournant la question elle trouva enfin une petite satisfaction. « Un souvenir voyons ! » murmura-t-elle l’air surpris, « Pft. Tu n’as qu’à me l’envoyer… je la veux en souvenir. Sauf si tu veux bien en reprendre une autre, mais avec mon téléphone ? » Quand elle le disait ringard, ce n’était pas pour rien. C’était le vieux romantique d’un temps révolu, aujourd’hui, place aux photographies. Même le polaroïd revenait en force. « Aie ! » chouina-t-elle, le sourire amusé, car au fond le contraire l’aurait surprise. Remarquant les petits reniflements de son fiancé, Uriyel lui attrapa le bras fermement pour éviter qu’il esquive comme il l’avait fait tantôt. « Mes talons me font mal et tu marches bien trop vite » prétexta-t-elle avant de mieux se coller à lui.

Tenue ★ Quelle réponse ? Ethan fronça les sourcils sous l'incompréhension. Il percuta après quelques secondes. Elle ne voulait pas partager son petit déjeuner avec d'autres filles. Malgré lui, l'esquisse d'un sourire se dessina sur ses lèvres et il tourna la tête vers l'horizon pour le cacher à Uriyel. Mais s'il acceptait de lui prêter sa veste pour lui éviter d'attraper froid, il ne fallait pas non plus trop lui en demander. Avait-il une tête à se prêter au jeu des photos ? Il trouvait pitoyable les couples qui les collectionnait et les affichait comme des trophées. Alors il grimaça. Réaction naturelle. Puis il repoussa sa fiancée. « Un souvenir de l'enfer qu'on s'apprête à vivre ? » Il ne voyait pas ce qui valait la peine d'être immortalisé là. Quand elle lui réclama la photo, Ethan afficha un rictus mauvais. « Tu rêves là. Qu'est-ce qui me dit que tu vas pas balancer ça sur internet après ? » Il secoua son portable sous son nez avant de le glisser dans sa poche et se remit à marcher, mais cette fois-ci dans la direction de l'auberge. Il était temps de rentrer. Le soleil se couchait. Il allait faire noir. Ça se rafraîchissait. Et en plus il avait faim. Quand elle lui saisit le bras, l'anglais sursauta et baissa les yeux vers elle. Sérieusement ? Elle se foutait de lui là, ça n'était pas possible. « Bah oui, quel idée de mettre des talons pour aller à la campagne. T'es vraiment une idiote. » Il libéra son bras pour continuer à marcher tranquillement. Mais au lieu de la distancer, il s'arrêta après seulement quelques pas. Est-ce qu'il allait vraiment faire ça ? Il leva les yeux au ciel se demandant lui-même ce qui lui arrivait et s'accroupit alors. Visiblement, Uriyel ne comprenait pas le message. Alors il tapa sur son épaule pour expliciter son invitation. « Allez, monte avant que je change d'avis. » L'air de la campagne avait vraiment un effet étrange sur l'héritier. Ou bien était-ce la Saint Valentin répandait sa magie autour d'eux ?

Tenue ★  « Rooh, ne fais pas ton timide, tu es déjà sur internet ! » s’exaspéra-t-elle en pouffant légèrement de rire. Même sans être un acteur, un mannequin ou une idole, il était plus que connu et le nombre de followers qu’il avait sur Instagram ne pouvait le démentir. Sur ces mots, ils reprirent le chemin du retour vers l’auberge, contrairement à la capitale où la notion du temps semblait très vague avec toute la pollution lumineuse, la nuit tombait bien vite et s’accompagnait d’un chant terrestre complètement nouveau pour Uriyel. C’est ce qu’elle remarqua lorsqu’il dégagea son bras et qu’elle lui lançait des regards noirs, profitant qu’il ait le dos tourné. Avançant en traînant des pieds, elle se figea lorsqu’il s’arrêta, l’observant minutieusement pour anticiper toute attaque éventuelle. Du genre, s’il avait une soudaine envie de rancune, mais elle fut vite désarçonner. La surprise se lisait sur son visage, mais son expression se noircit rapidement. C’est dans des moments comme ça où elle repensait à tous ses repas copieux, son régime négligé malgré la reprise de ses entraînements. « T’as pas intérêt à râler ensuite ! » Sans se faire prier une seconde fois, elle enroula doucement ses bras autour du cou de son fiancé, sans pour autant trop serrer au risque de l’étouffer. « Let’s gooo ~ » souffla-t-elle, après avoir déposé sur la joue de son fiancé, un baiser en guise de paiement.

Tenue ★ Pas faux. Sauf que les clichés qu'il postait, il les choisissait. Et quand les sites à scandales parlaient de lui, ils utilisaient les photos officielles. Enfin, il était venu le temps de retourner à l'auberge. En l'entendant râler, il ne put s'empêcher de souffler. Pourquoi elle portait des talons d'abord ? Elle pensait participer à un défilé de mode dans les champs ou quoi ? Bien décidé à avancer sans elle, il s'arrêta pourtant après quelques pas et s'agenouilla. Il ignorait lui-même ce qui le poussait à s'abaisser à ça. Elle grimpa sur son dos et il passa ses mains sous ses cuisses pour la soulever sans trop de difficulté. Ethan restait un homme assez sportif. Néanmoins, malgré la mise en garde sa fiancé, il ne retint pas un petit pique. « T'es plus lourde que prévu. J'pense que je vais me péter le dos. » Mais au cas où il l'aidait de descendre traverserait l'esprit d'Uriyel, il la maintint avec force. En y réfléchissant bien, c'était la première fois qu'ils étaient aussi proches physiquement parlant. À son baiser, Ethan sentit ses joues le picoter et il se força à ne surtout pas sourire. Il manquerait plus que ça. « Profite, ça ne se reproduira pas. » Il marcha doucement. Pas parce qu'il ne se sentait pas capable d'aller plus vite mais peut être parce qu'au fond de lui, il voulait profiter de ce moment. Et en même temps, il était gêné. Il avait l'impression d'être de plus en plus docile avec elle. Comment faisait-elle ? Ils arrivèrent devant l'auberge et Ethan se baissa pour la laisser regagner le sol. Il se massa l'épaule en prenant volontairement une grimace de douleur. « Aaah, j'le savais. Tu m'as démoli le dos. J'ai trop mal. Comment j'vais faire pour dormir ? » Il espérait la faire tomber dans le panneau tout en se disant qu'elle ne pouvait pas être aussi naïve.

Tenue ★ Uriyel se mit à grommeler dans un langage inaudible, broyant du noir à la remarque de son fiancé. Il devait le savoir non ? Qu’il ne fallait jamais parler du poids d’une milady, surtout en face d’elle ou lorsqu’on la portait sur son dos. Elle voulut descendre mais il la tenait fermement, la brune se contentait alors de soupirer tout en souriant. « Tu n’es absolument pas charmant » chouina-t-elle au creux de son oreille. Parce que tout le monde connaissait la réputation de son promis, personne n’avait osé lui demander jusqu’à ce jour, quel genre de fiancé il était. «Hmm. » Elle ne demandait qu’un bras, il lui avait offert son dos. Son fiancé ? Une étrange créature, un barbe bleu anglais croisé avec un tsundere japonais. « Même si je ne pourrais vraiment plus marcher ? Tu me laisseras derrière ? » Dans sa tête, elle imaginait déjà sa réponse ronchonne, d’un magnifique non accompagné de petit éclats piquants pour toujours mieux se cacher. Le vrai lui ? Elle n’était pas certaine d’avoir encore fait sa connaissance, mais il se contredisait de plus en plus. Ses mots étaient acérés et ses gestes attentionnés, elle était perdue. Perdue, mais elle profitait de son errance pour mieux le connaître, enfin elle espérait ne pas trop tomber dans ses illusions qu’il créait pour elle. Espérance factice, elle commençait à s’inquiéter en le voyant grimacer et s’agiter ainsi. « Si je dois admettre que je suis lourde, tu dois admettre que tu es faible », sa voix était taquine mais son expression ne suivait pas, l’inquiétude étirait légèrement ses traits. « Je doute que tu me confies ton précieux dos » glissa-t-elle, en agitant ses doigts de la même façon que les pattes d’une araignée. Son sourire moqueur fendit de nouveau ses lèvres. « À tes risques et périls… périls surtout. »

Tenue ★ Il ne se considérait pas comme charmant. S'il ne la portait pas, il aurait haussé les épaules. Il se contenta d'une petite moue qu'elle ne put même pas voir. « Toi non plus. C'est qu'on s'accorde bien. » Mais voilà qu'elle poussait le bouchon un peu plus loin. Ethan se laissa le temps de réfléchir quelques secondes. Il mourrait d'envie de lui balancer une remarque cinglante pour la remettre à sa place. Et pourtant, il n'en fit rien. Les mots quittèrent sa bouche sans qu'il puisse les retenir. Il ne savait d'où ils venaient mais ils étaient là. Il en avait presque honte. « Non, je te laisserai pas derrière. » Curieusement, cette simple phrase portait bien des significations. Il laissait à Uriyel tout le loisir de l’interpréter. Il s'était habitué à elle. Il ne le voulait pas. Il aurait préféré éviter même mais il lui accordait une petite place dans sa vie. Il espérait néanmoins qu'elle ne s'étalerait pas trop. Il craignait de s'ouvrir. Il flippait à l'idée de la faire fuir. Toutes les femmes dans sa vie finissaient par foutre le camp. Il atteignirent l'auberge et Ethan lui servit une petite comédie digne de ce nom. « Moi ? Faible ? Tu plaisantes ? Je viens de transporter un éléphant j'te rappelle. » Il abusait. Il n'avait pas mal du tout et ne l'avait pas trouvé lourde non plus. Il secoua ensuite la tête. « Et ça c'est ma fiancée, hein. J'ai honte. Même pas capable de prendre soin de moi. » Il lui passa devant en faisant exprès de continuer à se tenir l'épaule pour la persuader du fait qu'il souffrait vraiment. Dans la pièce principale, sur les tables, le repas était déjà prêt. Ethan se trouva une place en bout de table avec Uriyel et ne perdit pas une seule seconde, se jetant sur le repas. Il mourrait véritablement de faim. « Donc, non seulement tu ne sais pas cuisiner mais en plus tu ne sais pas masser. Tu sers à quoi en fait ? » Lui demanda-t-il en mordillant sur sa baguette. Il n'aimait pas manger avec des baguettes. Il n'était pas très à l'aise.

Tenue ★ Sa bouche s’entrouvre légèrement, surprise par la réponse d’Ethan, avant qu’un sourire indéchiffrable étire les commissures de ses lèvres. Peut-être était-ce son imagination ou le contexte, mais elle réalisait que son fiancé changeait doucement, elle qui était certaine qu’il lui servirait une réponse cynique, laissait planer le doute, égoïstement. De retour à l’auberge, la conversation reprit et elle retrouva le Ethan de tous les jours, embêtant mais amusant – enfin pas trop. « Moi ? Un éléphant ? C’est pire qu’un hippopotame ! » S’étrangla-t-elle à la déclaration, sa voix frôlant dans les aigus, ses mains se osant sur ses joues, imitant alors le fameux tableau " Le Cri ". Secouant vigoureuse la tête, elle refusait de le croire, ce n’était pas possible mais l’incertitude germa dans son esprit. « Mais… mais… » bégaya-t-elle, le regardant s’éloigner et s’agiter ; il faisait un bon comédien au plus grand dam d’Uriyel qui commençait à culpabiliser. Elle lui emboita le pas, lançant des regards inquiets, levant de temps à autre sa main pour peut-être le masser mais elle se retenait d’aller au bout de son geste, passant alors sa main dans ses cheveux.

Prenant place à côté de lui, la vue des plats lui fit oublier un instant ses préoccupations et elle attrapa les baguettes pour savourer le riz encore bien fumant. « Hmmm. Juste à prendre de l’espace et t’ennuyer j’imagine, je le fais plutôt bien non ? » répondit-elle avec mou, se rappelant alors qu’il l’avait traité d’éléphant. Attaquant le poisson grillé, elle écarta habilement la chair de celui-ci sans que les arêtes s’y coincent, après avoir retiré et déposé les arêtes sur un mouchoir, elle échangea son poisson avec celui de son fiancé. « Et à te servir ton poisson…Et toi, tu sers à quoi ? »  

Tenue ★ Peut être qu'elle lui apportait plus qu'il ne voulait bien le voir. Sans même qu'il en prenne conscience, elle le calmait. Elle apaisait la tempête qui faisait rage dans ses entrailles. Elle le domptait presque. Ethan mettait de côté le reste. Il se permettait même de plaisanter. Étaient-ils enfin en train de retisser un lien ? Gamins, ils s'entendaient si bien. Mais les événements de la vie, le passé sulfureux de l'héritier, toutes ces choses les avaient éloignés. Et maintenant, ils se trouvaient à la même table. Il ne râlait pas. Ou moins en tout cas. Intérieurement il pestait contre ces foutus baguettes. Il vivait depuis un moment au Japon maintenant mais galérait toujours autant, malgré ses gênes chinois. « Ah ça, t'es la meilleure. La nana a osé s'pointer chez moi avec des valises du jour au lendemain. T'as pas froid aux yeux. » Il aurait pu la blesser. Ethan n'hésitait pas à lever la main sur les femmes. Alors ouais, il avait un peu pété un câble, un peu beaucoup mais depuis ils cohabitaient. Ça ne se passait pas toujours bien, mais ça se passait. Quand elle échangea son poisson avec le sien, Ethan resta un peu bloqué, pas habitué à ce qu'on s'occupe de lui quand elle le faisait ça le surprenait à chaque fois. « Hm, merci. » Souffla-t-il un peu gêné. « J'te pardonne quand même pas de m'avoir explosé le dos. » Il avait remarqué qu'elle tombait dans le panneau et ça l'éclatait. Alors tout en mangeant, il se donna l'air de bouder et parfois quand il bougeait son dos, il grimaçait pour ajouter à sa comédie.

Ils terminèrent presque en même temps et Ethan s'apprêtait à prendre la direction de la chambre quand l'aubergiste les arrêta. « Cela vous dérange de m'aider à faire la vaisselle mes petits ? » Et puis quoi encore ? Il avait une tête à faire ça. « Oh, vous savez, j'ai très mal au dos. Je vais me coucher mais Uriyel va vous aider avec plaisir, n'est-ce pas mon cœur ? Je t'attendrai dans notre chambre. » En parfait comédien, il ajouta à sa scène un baiser sur la joue de la brune puis se dépêcha de fuir le champ de bataille. Il manquait plus que ça. Il récupéra les draps qu'ils avaient étendu dehors à côté des vieilles culottes de l'aubergiste et s'occupa de disposer leurs futons en laissant une petite distance entre les deux. La taille de la pièce n'en autorisait guère plus. Il en profita pour enfiler une tenue plus confortable et se glissa sous les couvertures sans ressentir le moindre remord de l'avoir abandonné à son sort. Quand il entendit la porte coulissante s'ouvrir, il se dépêcha de fermer les yeux pour faire semblant de dormir.

Tenue ★ Posant sa main sur la joue qu’il venait d’embrasser, elle foudroya du regard Ethan qui venait de s’éclipser fourbement. Pestant silencieusement bien qu’elle offrait malgré tout un sourire crispé à l’aubergiste qui la conduisait vers les cuisines, elle profitant que celle-ci eut tourné un instant son dos pour effacer d’un revers le baiser déposer ; il venait de prendre sa revanche, le bougre. Pas de gant, ni d’eau chaude, le seul point positif fut que la vieille dame resta lui converser avec elle. Du moins, elle lui racontait davantage ses amourettes d’antan qu’à réellement discuter avec elle. Uriyel l’écoutait d’une oreille distraite, marmonnant dans son coin des mots inaudibles.

C’est une Uriyel fatiguée qui ne sentait presque plus le bout de ses doigts qui poussa doucement la porte coulissante. C’est avec un regard sceptique qu’elle observa son fiancé déjà couché. Se déchaussant, elle pénétra dans la pièce à pas feutré et referma doucement la porte derrière elle. L’envie de piétiner son fiancé lui trottait à l’esprit, mais elle se contenta de pousser de son pied très légèrement la jambe d’Ethan, mais aucune réaction. Se relevant, elle finit par attraper à l’aveuglette dans son sac, ses vêtements de nuit, un simple short et débardeur mais par-dessus elle enfila un nemaki sombre. L’absence de salle de bain ou de seconde pièce fit qu’elle se changea ici même, il fait suffisamment sombre et Ethan était endormi. Baillant longuement et étirant ses bras, le sommeil ne l’appelait pas encore, alors au lieu de se glisser dans son futon, la brune s’accroupissait juste au niveau de l’épaule de son fiancé, inclinant sa tête pour mieux le contempler. « Yah. Arrête de faire semblant. Tes paupières tremblent ! » Chuchota-t-elle doucement en lui pokant de son index la joue de ce dernier, mais elle retira bien vite sa main, de peur qu’il dorme réellement. « Ne me dit pas que tu as croqué la pomme rouge que t’a proposé une vieille dame ».

Tenue ★ Merde alors, grillé. Ethan tenta quand même de persévérer et garda les paupières fermées. Mais les paroles d'Uriyel lui firent froncer les sourcils. De quoi elle parlait ? Cette nana venait vraiment d'une autre planète. Il se tourna sur le côté tout en ronchonnant. Il comptait bien la faire culpabiliser au maximum. « Tu peux pas me laisser ? Je suis fatigué et j'ai mal au dos j'te rappelle. » Il força un long soupir et dessina une grimace douloureuse sur son visage. Pourquoi n'était-il pas devenu acteur ? « Puis dormir dans de pareilles conditions, j'vais être tout coincé demain matin. » Finalement, même si cette comédie l'amusait au plus haut point, il finit par se rallonger sur le dos et ouvrit les yeux. Il découvrit le visage inquiet de sa fiancée. Peut être qu'il ne devrait pas jouer ainsi avec elle mais c'était si facile. Elle était tellement naïve qu'elle fonçait les yeux fermés dans tous les pièges qu'il lui tendait. S'il trouvait normalement ce côté très agaçant chez les femmes, là, il ne pouvait s'empêcher de penser que c'était mignon. Peut être parce qu'elle ne cherchait pas à le séduire, parce qu'elle n'attendait rien de lui et que de toute façon, elle n'avait d'autre choix que de rester à ses côtés jusqu'à la mort. Il se redressa alors pour pouvoir ensuite se pencher vers elle. « Tu me le fais ce massage ? » Il n'en voulait pas vraiment un. Il avait juste envie de l'embêter. La preuve en est qu'il approcha son visage du sien dans l'espoir de la trouver. Jusqu'à ce que la voix de l'aubergiste résonne et ne le fasse sursauter. Elle tambourinait même contre la porte. « Et interdiction de faire quoi que ce soit sous ce toit, vous n'êtes pas encore mariés les jeunes. » Ethan éclata de rire quand elle l'entendit enfin s'éloigner. N'importe quoi cette vieille. Hors de question qu'il touche à Uriyel. Un jour viendra où il le faudra, pour obtenir un petit héritier, mais ils avaient encore le temps. « Comme si j'avais envie de te toucher. » Pouffa-t-il plus qu'amusé.

Tenue ★ Qu'importe comment il la malmenait, la repoussait ou s'amusait à ses dépens, pas un seul instant elle ne vacillait ou ne songeait à lui tourner le dos, à quitter cette ombre qu'il projetait sur elle. Plutôt que de faire un pas sur le côté pour échapper à toute emprise, elle veillait toujours à rester à sa portée, à rester toujours dans son champ de vision. Dans ce monde qu’il ne lui appartenait pas, elle se faisait facilement berner par les illusions qu’il créait habilement tel un marionnettiste. « Bizarrement, je ne sens même plus le bout de mes doigts » murmura-t-elle en agitant pauvrement sa pauvre main sans bouger ses doigts sous les yeux de son fiancé avant de repousser en arrière la tête de celui-ci de son index, beaucoup trop proche. Et puis, elle n’aimait pas trop ces petites lumières dans son regard qui lui donnaient l’impression de passer à côté d’une chose essentielle. « Un mal pour un mal, tu veux peut-être tenter un de ces messages soi-disant thaïland… » Tressaillant en attendant la voix de l’aubergiste, elle perdit l’équilibre et tomba sur ses fesses. De pas bien haut puisqu’elle était déjà accroupie mais tout de même, cette vieille dame avait le don d’apparaître et de disparaître tel un fantôme. Si Ethan pouffait de rire, les joues d’Uriyel s’empourprèrent sans qu’elle ne puisse en donner la raison. Grommelant, elle s’assied en tailleur sur son futon et ébouriffa légèrement ses cheveux pour cacher son embarras ; « en attendant ce n’est pas moi qui insiste pour me faire masser. » Scrutant son fiancé malgré l’obscurité ambiante, il semblait soudainement bien trop en forme pour quelqu’un supposé être endormi, bien trop enthousiaste pour quelqu’un qui prétendait souffrir de courbature. Attrapant son oreiller pour le serrer doucement contre elle, Uriyel fit tambouriner ses doigts dessus, pensifs. « Je ne sais pas si tu les mérites » glissa-t-elle doucement, d’une voix rieuse, en haussant ses fines épaules.  

Tenue ★ Ethan ne discernait plus le côté malsain de son attitude. Il manipulait les femmes depuis tellement longtemps. À la fois, parce qu'il les détestait et estimait qu'elles ne lui apporteraient rien de bon mais peut être aussi pour satisfaire son ego. Il aimait plaire. Inconsciemment, il essayait peut être de tester son pouvoir de séduction sur sa fiancée. À défaut de se montrer sympathique avec elle, il lui présentait ce côté de sa personnalité. Une facette qui ressemblait vaguement à un système de défense. Il s'assurait de garder le contrôle. Il pensait la tenir derrière ses murailles. Et d'un coup, interrompant Uriyel, la voix de l'aubergiste s'éleva à en faire trembler les murs. Il sursauta dans un premier temps puis éclata de rire. Il se calma alors qu'elle s'installait à ses côtés. « Je vois pas le rapport. Je te demande rien d'indécent, juste un petit massage. » Bien sur qu'il ne le méritait pas. Uriyel se méfiait de lui pour les bonnes raisons. Même si une part de sincérité se dissimulait sous son rapprochement ou du moins la disparition de son humeur massacrante, il n'en restait pas moins le fameux Ethan Beckford, coureur de ses dames et enfoiré de première classe. Il se laissa tomber sur elle, de manière à ce que sa tête se retrouve entre ses jambes croisés, et l'observant d'en bas, un sourire espiègle étira ses lèvres. « Je le mérite totalement. Je suis un nice guy moi. » Ou pas, pas du tout en fait. De sa bouche, ça sonnait terriblement ridicule mais il avait bon espoir de la faire céder et d'obtenir ce massage. Pas parce qu'il en avait particulièrement envie, juste pour se dire qu'il avait gagné.

Tenue ★ Du fiancé tyran, il passait à l’enfant roi, arracha un demi-soupir exaspéré à la demoiselle qui le regardait poser sa tête sur ses jambes croisées, sans la moindre gêne. Il était vraiment terrible, il n’en faisait vraiment qu’à sa tête et cela ne la surprenait presque plus, ni même ne l’agaçait réellement. Elle commençait à avoir l’habitude des comportements lunatiques de ce dernier. « Indécent… pourquoi le glisses-tu ce mot donc dans ta phrase ? » chuchota-t-elle avant d’accompagner sa question rhétorique d’un rire amusé. Plus il insistait, et moins elle avait envie de satisfaire ses envies car elle commençait à découvrir le pot aux roses. Elle se laissait dupée, volontairement, pour le voir continuer à lui réclamer ce massage. « Toi, un nice guy ? Permet moi de douter, tu es tout ce qu’il y a de plus frippon, très cher », sa main se posa sur son épaule et d’un mouvement lent mais ferme, elle lui massa doucement l’épaule afin de détendre les trapèzes. Mais cela ne dura même pas une vingtaine de secondes, qu’elle retira sa main pour lui tirer doucement la joue de son fiancé comme pour le réprimander, avant de plonger sa main dans ses cheveux pour les ébouriffer, et finalement les lui caresser. Alternant de pour le taquiner. « Il ne manquerait plus que tu me demande de te border ou de te chanter une berceuse », plus le temps s’écoulait et plus la distance entre eux disparaissait, plutôt que de découvrir un adulte sous un meilleur éclairage, peut-être, elle se surprenait à se retrouver devant un enfant. Pas le genre d’enfant tout adorable et à croquer, mais celui plutôt effronté et bien capricieux.

Tenue ★ Fripon ? Le terme ne lui convenait pas. Il fronça même le bout de son nez. Ça ne lui ressemblait pas. C'était trop gentil et lui donnait un air mignon qu'il ne supportait pas. Puis honnêtement il relevait plus de la fripouille que du fripon. Même fripouille restait un euphémisme. Ethan était un mauvais garçon. Uriyel le savait. Mais à chaque fois qu'il la regardait, elle ne semblait ni effrayé ou rebuté par ce côté. « Tu savais dans quoi tu t'engageais. » Même si elle n'avait pas vraiment eu le choix. On l'avait collé à lui sans lui demander son avis. Elle le faisait par devoir familial. Pas par envie. Ethan en avait bien conscience. Il la comprenait. Personne ne voulait s'approcher de quelqu'un comme lui. Son semblant de massage le fit pousser un soupir d'aise mais ce moment de relaxation ne dura que quelques secondes. Il grogna quand elle lui pinça la joue. « Non merci ! » S'exclama-t-il quand elle mentionna la berceuse. Mais ses doigts dans ses cheveux le détendirent. Il l'empêcha même d'arrêter en attrapant son poignet. Sa mère faisait ça pour l'aider à dormir. Elle jouait avec ses mèches. Il ferma les yeux. « Uriyel ? » Il attendit qu'elle se montre attentive. « Tu m'énerves. Tu le sais ça ? » Sans doute. Qu'elle s’immisce dans sa vie, dans son quotidien, chez lui. Ça l'agaçait. Mais en plus, il la laissait s'approcher. Et plus elle s'avançait vers lui, moins il arrivait à la repousser. Ça l'embêtait. Il avait envie d'être méchant avec elle. D'être une pourriture. D'être ce mec dégueulasse que les autres connaissaient. Mais il y parvenait de moins en moins. Et là, la tête sur ses jambes, les paupières closes, s'il était un chat il ronronnerait très probablement.

Tenue ★ Surprise, elle resta silencieuse quand il lui empoigna le poignet, continuant à caresser les cheveux de son fiancé. D’apparence calme, les questions fusaient dans son esprit, elle ne savait pas quoi penser et surtout, elle avait peur de trop y réfléchir, de se faire son propre film et de s’attirer les railleries d’Ethan par la suite. « Hm ? » Sa main tressaillit légèrement, elle ne cesse jouer avec les mèches de cheveux de ce dernier. Malgré l’obscurité ambiante, elle le dévisage, le sourcil légèrement arquée, perplexe qu’il appelle soudainement son nom. « T’énerver ? » Elle se mit à rire doucement, ce genre de rire qui reflète l’amusement et le désarroi. « En quoi t’ai-je donc énervé ? » demanda-t-elle en penchant légèrement son visage sur le côté, portant le dos de sa main libre contre ses lèvres pour étouffer son propre rire. Pour une fois qu’elle n’avait rien dit et fait, elle était amusée certes, mais dubitative face à cette soudaine affirmation venant de nulle part. « Tu ne m’en voudras pas si je le prends comme un compliment, hm ? » Elle n’était pas certaine de savoir comment le prendre, mais une voix lui disait que c’était loin de ressembler à un réel reproche, à ces piques qu’il lui lançait pour tester sa patience, sa souplesse, et s’il la frappait, voir à quel point elle était blessée. « Ethan ? T’es étrange, tu le sais ça ? »

Tenue ★ Au début, elle avançait et il reculait. Mais de plus en plus, il restait sur place et la laissait s'approcher. Là, il l'invitait carrément à le faire en retenant son poignet. Il aimait bien ça. Ses petites caresses et la façon dont elle jouait avec ses cheveux. Cela lui rappelait sa mère mais d'une certaine manière le calmait. Ce simple geste détruisait d'autres barrières. L'entendant rire, l'esquisse d'un sourire se dessina sur les lèvres de l'héritier. Il croisait d'ailleurs les doigts pour que la brune ne le remarque pas. Parce qu'elle avait raison, elle pouvait le prendre comme un compliment. Un sacré compliment d'ailleurs. « Idiote. » Lâcha-t-il néanmoins. Quelle femme aimait s'entendre dire qu'elle était agaçante ? Puis en l'imitant, Uriyel déclara qu'elle le trouvait étrange. C'était légitime. Personne ne savait sur quel pied danser avec lui. Il s'énervait tout le temps. On essayait pourtant de le prendre avec des pincettes mais ça ne suffisait jamais. Et il semblait cacher tellement de choses. « Je sais. On me le dit souvent. » Peut être qu'il était un peu déçu, qu'il aurait aimé ne pas être étrange aux yeux d'Uriyel. Il avait secrètement envie qu'elle le regarde autrement, qu'elle ne le considère pas de la même façon que les autres. Oui, il avait envie qu'elle voit autre chose qu'un ancien drogué. « Et ça t'embête ? » Il ne se rendait pas compte qu'il donnait là l'impression de se soucier de son bien être. Il disait juste ce qui lui passait par la tête. Il oubliait de tout contrôler et de garder la porte de son cœur fermée. Peut être que se trouver si loin de chez lui l'aidait à se dévoiler. Il se sentait plus à l'aise. Il se trouvait loin de toute forme de pression. En tout cas, il n'en avait jamais autant montré à Uriyel. « Avec une autre, ça aurait été plus facile. Toi, tu es envahissante et je ne comprends pas pourquoi tu persistes. » Malgré ses piques, malgré les insultes et les horreurs, elle restait là. Elle ne flanchait jamais. Et surtout, elle n'avait pas peur de lui ou bien elle ne le montrait pas.

Tenue ★ Peut-être était-ce l’effet de la campagne qui les dépaysageait à ce point. Peut-être était-ce cette chambre où il n’y avait aucune pièce où ils pouvaient se cacher et s’isoler. Peut-être était-ce le temps qui avait effacé sans qu’ils ne réalisent cette distance entre eux. Peut-être était-ce tout simplement la fatigue qui les poussait à se détacher de leur habitude. Peut-être tout et rien, juste des excuses pour ne pas admettre que c’était eux qui commençaient à changer. Faites que cela dure se surprenait-t-elle à penser, elle qui se perdait davantage dans ses pensées pour remarquer s’étirer sur les lèvres de son fiancé, un sourire. Ses doigts fins continuaient à parcourir les chevelures brunes d’Ethan, à lui prodiguer ses mêmes caresses sans se douter du souvenir qui s’y attachait pour lui. «Pas vraiment, disons que j’ai commencé à m’y habituer à ton étrangeté » souffla-t-elle d’une voix amusée, avant de continuer dans un petit élan d’audace « un jour tu piques, et le suivant tu ne piques plus. » Un drôle d’hérisson, entre les apparences et ce qu’il était au fond, la frontière était invisible et plus que malléable aux grés des humeurs de monsieur et Uriyel ne faisait que subir, esquiver voire même jouer avec le temps. « Peut-être parce que tu n’es pas aussi horrible que les autres laissent à penser, ou que tu ne le crois, Ethan. » Plutôt que forcer des portes, elle n’avait l’impression que de passer entre des portes laissées ouvertes, serrures défectueuses ou volontairement ouverte, elle ne le savait pas, elle ne faisait qu’entrer là où elle le pouvait. « Il n’y a rien à comprendre, je ne fais que rester », à décrire des ronds dans cette petite boîte en attendant de voir ce qu’il se trouvait au-delà du mur. Si au départ il l’avait enfermé dans une petite boite, c’était lui qui avait agrandi au fil du temps, l’espace. Ou alors, c’était elle qui débordait sans le réaliser.  

Tenue ★ Au départ, il se fichait de ce qu'elle pensait de lui. Et quelques mois plus tôt, ça ne lui aurait rien fait qu'elle le trouve étrange. Mais maintenant, c'était différent. Il ne savait pas exactement pourquoi. Il n'était pas certain de vouloir le découvrir d'ailleurs. Rester dans le fou vis-à-vis de ses sentiments et de ce qu'il pensait d'Uriyel lui permettait d'éviter d'assumer. Sa description l'attendrit, le faisant presque fondre comme un marshmallow sur le feu. Elle marquait un point. Elle en voyait de toutes les couleurs à cause de lui. Elle ne méritait vraiment pas ça. La pauvre ne devait plus savoir sur quel pied danser. Quand lui passait son temps à essayer de la pousser à bout, elle n'était que patience et douceur. « Tu savais dans quoi tu t'engageais, non ? » Peut être pas. Elle s'attendait sans doute à faire face à un mauvais caractère, à un homme froid car on le décrivait ainsi mais peut être qu'elle ne l'imaginait pas aussi particulier. Mais Ethan essayait de se convaincre qu'elle avait conscience de ce qu'elle signait, qu'elle n'en avait pas peur. Parce que plus il passait de temps avec elle, plus la douleur des plaies pourtant béantes de son cœur s'estompait. Elle prononçait les mots qu'il voulait entendre. Elle ne le regardait pas comme s'il était un monstre. Mais d'où sortait cette nana ? Encore une fois, ses paroles touchèrent une corde sensible. Par de petites failles, elle réussissait à pénétrer sa forteresse. « Et toi, qu'est-ce que tu crois ? Je sais ce que pensent les autres, mais toi ? J'arrive pas à deviner si tu fais ça parce que tu te sens obligée ou parce que tu en as envie ? » Ce soir, Ethan parlait. Ça ne risquait pas de se reproduire avant longtemps alors elle avait plutôt intérêt à en profiter. Si aujourd'hui il ne piquait pas, il pouvait très bien le faire demain comme elle disait. Mais ce qui était certain, c'est que leur relation prenait un nouveau tournant. Surtout lorsqu'il l'entendit dire qu'elle ne faisait que rester. Personne ne restait auprès de lui. Sa mère s'était barrée, ses anciens amis, son ex aussi, son père le voyait le moins possible, on le fuyait. Troublé, sa main entoura le poignet de la jeune femme qu'il serra. Pas pour lui faire mal mais plutôt comme s'il s'y accrochait. « Reste. » Supplia-t-il en écho à ses mots. Finalement, après tout le mal qu'il s'était donné pour essayer de la virer de chez lui, il lui demandait de rester. Pas certain d'assumer sa requête demain, il pressa pourtant les doigts fins et délicats de la demoiselle contre ses lèvres. Il ferma à nouveau les yeux pour ne pas avoir à supporter son regard. Parce que ce qu'il faisait lui demandait à la fois beaucoup de courage et un énorme effort.

Tenue ★ « J’avais mes petites idées, mais je ne pensais pas à ce que cela soit si différent » confessa-t-elle sans aller jusqu’au bout de sa pensée, un sourire léger flottant sur ses lèvres et faisant durer le suspense. Elle qui était par nature bavarde, battit retraite dans un silence qui lui était jusque-là étranger, laissant ses pensées continuer ce début de réponse qu’elle ne voulait continuer. En se soumettant à la volonté de son père, la seule chose qui lui avait traversé l’esprit fut qu’elle allait enfin faire connaissance pour la énième fois avec son fiancé. Elle ne s’attendait pas à grand-chose, mais n’avait pas réellement pu s’empêcher d’amener dans ses valises, sa petite boîte secrète de fantaisie. Fantaisie qu’il avait mis un point d’honneur à détruire, mais elle n’avait pas pleuré cette perte, car elle avait fait d’autres découvertes. Que derrière cette froideur apparente et ses paroles acerbes, se cachait un tout autre personnage, une ombre qu’elle n’avait jamais réellement remarquée. De jour en jour, ou presque, elle allait de surprise en surprise avec lui, et aujourd’hui ne faisait pas exception. « Si je te le disais, me croirais-tu ? » Que depuis le commencement ; malgré ce contrat qui existait entre eux et qui rendait difficile toute forme de sincérité sans qu’elle soit accusée d’opportuniste et d’intéressée, ou les interventions de leurs parents, elle ne faisait que faire comme bon lui semblait. Plutôt croire ce qui se disait sur lui, elle préférait l’observer, se faire une idée sans réellement savoir si elle pouvait s’y fier ou non mais plus le temps passait et plus l’image qu’elle s’en faisait se floutait. Plus leur relation évoluait et moins elle était certaine quoi penser, quoi faire, ou quoi espérer. Il y avait quelques de différent et elle redoutait que cela soit une illusion projetée par ses envies et ses fantaisies. L’ordre qu’il lui intima la laissa un instant perplexe, pour finalement la figer lorsqu’elle réalisa qu’il venait de lui embrasser les doigts. Pétrifiée, tout s’arrêta en Uriyel en l’espace d’un instant, le fil de ses pensées, cette main qui caressait rêveusement les cheveux du brun, son cœur. Quelques mois auparavant, elle ne serait pas aussi surprise par un tel geste, le mettant au compte de ce caractère séducteur et manipulateur de l’anglais mais ce soir-là, elle en était incapable. Il y avait eu bien trop d’indices qui l’empêchaient de fermer les yeux, de soupirer et de le prier d’arrêter de la taquiner.  Il y avait cette fragilité en lui insoupçonné au départ, qui commençait à se détacher et se refléter très légèrement. « Où veux-tu que je parte ? Je n’ai nulle part où aller » chuchota-t-elle très doucement, en caressant de sa main libre la joue de son fiancé avant d’emmêler ses doigts de nouveau dans les cheveux d’Ethan. « Je n’ai aucune raison de partir et puis, si j’en avais une… je te le dirais avant mais je resterais toujours dans ton champ de vision. » soupçonnant qu’il ne puisse assumer ses mots, que cet instant finisse pas l’embarrasser le lendemain, elle ajouta d’une voix flûtée « enfin, sauf si tu te décider à m’acheter un appartement mais je ne suis pas sûre d’y rester bien longtemps, Cerbère finirait par me manquer. »

Tenue ★ Ethan la regardait d'en bas et se demandait si ce qu'elle découvrait lui plaisait ou si ce décalage entre ses attentes et la réalité représentait quelque chose de négatif. Pas certain de désirer une réponse précise, il ne chercha pas plus loin. Il ne souhaitait pas être déçu. Puis cela ne lui ressemblait pas d'insister même s'il mourrait d'envie d'en apprendre plus sur ce qu'elle pensait. Uriyel ne semblait pas prête à se livrer. Il comprenait. Néanmoins sa curiosité augmentait à chaque fois que l'attitude de la brune le surprenait ou qu'elle le poussait hors des sentiers battus. Mais quand elle l'observait, que voyait-elle ? Il n'arrivait pas à lire ce qu'elle ressentait. Il n’était déjà pas très doué pour ça mais là, parce qu'elle ne se comportait pas comme les autres, elle l'embrouillait. En tout cas, elle marquait un point. Quoi qu'elle dise, ou plutôt, si elle ne lui servait pas des réponses auxquelles il était habitué, il n'était prêt à la croire. « Non, parce que je ne te comprends pas. Je sais ce que je suis. Tu le sais aussi. Tu as lu, tu as entendu. Alors je ne comprends pas. » Il réagit pourtant avec sincérité en lui dévoilant une partie de ses réflexions. Mais même s'il ne comprenait pas pourquoi elle continuait à s'approcher et ne préférait pas plutôt le fuir, il appréciait ça. C'était la première fois qu'on l'approchait d'aussi près et qu'on ne le fixait pas comme une bête en cage. Il voulait qu'elle reste. Ses lèvres appuyées contre ses doigts, il les pressa ensuite sur sa paume refusant de la délivrer. Elle allait rester alors, n'est-ce pas ? Ethan pouffa tout doucement de rire lorsqu'elle évoqua Cerbère, ce traître. « Et pas moi ? » C'était sorti tout seul. Pourtant, il venait bien de lui demander s'il lui manquerait. Lorsqu'il en prit conscience, il cacha son visage avec ses mains et poussa un très long soupir. « Oublie, je t'en prie, oublie ce que je viens dire. » Même si au fond de lui il avait envie de l'entendre dire que oui, il lui manquerait, il ne voulait prendre le risque d'entendre le contraire. Plus que gêné, il s'éclaircit la gorge et se redressa enfin. Dos à Uriyel, il grimaça face à sa propre idiotie. Il se sentait bête. Il se sentait faible aussi. Il n'assumait pas tout ce qu'il dévoilait à Uriyel ce soir, pourtant ça lui faisait un bien fou. Il passa ses mains dans ses cheveux les ramenant en arrière et retourna sur son futon après avoir éteint la lumière. C'était aussi le signal que la discussion était close pour lui. Il tira sur les couvertures qu'il remonta sur ses jambes. « J'crois qu'il vaut mieux dormir. » Mais tandis qu'il pensait rétablir une distance entre eux, il prit vite conscience de leur proximité dans cette petite pièce étriquée. Allongé d'abord sur le dos, il finit par se mettre sur le côté et dans l'obscurité désormais, il distinguait à peine le visage de la brune mais continuait de la fixer quand même.

Tenue ★  Un sourire narquois étira les commissures de ses lèvres, elle ne pouvait lui donner d’explication car elle-même ne se comprenait pas toujours le pourquoi de ces propres décisions. Elle n’avait pas réponse à tout, même lorsque cela la concernait, alors il y avait une chose qu’elle était certaine de savoir, c’est qu’il ne se connaissait pas aussi bien qu’il le prétendait. Et si c’était le cas, cette image qu’il voulait projeter était plus qu’imparfaite, qu’en s’approchant d’avantage, on pouvait y voir des éclats, des fissures sillonner le masque de glace. Sans savoir si c’était la proximité ou le temps qui faisait qu’elle était capable de discerner ces imperfections encore très superficielle. Son regard fixa Ethan un moment, pas certaine s’il était réellement sérieux ou non, ou si elle venait d’avoir une hallucination auditive. Venait-il vraiment de lui demander s’il allait lui manquer si jamais elle déménageait ? La gêne de son fiancé qui cacha aussitôt son visage derrière ses grandes mains, lui arracha un petit rire. Tant mieux qu’il dissimulait son visage, car elle sentit ses joues devenir soudainement fiévreuses et son cœur drôlement malmené. « De toute façon, oublier est ma spécialité… » Murmura-t-elle en tentant maladroitement de le rassurer. Après tout, on lui donnait souvent le surnom de Dory, même si pour le coup, elle n’était pas certaine de pouvoir oublier. Les choses qui le concernaient, mêmes les plus anodines, Uriyel les retenait. Suivant du regard son promis qui s’offrait en spectacle, elle tentant tant bien que mal de dissimuler son amusement, pinçant ses lèvres et faisant comme si elle était occupée à s’installer dans son futon. Ne pouvant dormir sur le côté gauche au risque de se trouver face à lui, elle se décida à dormir sur le dos. « Hmm. Bonne nuit Ethan » répondit-elle d’une voix decrescendo sans réussir à pouvoir tourner ta tête en direction de ce dernier car, malgré l’obscurité ambiante, elle ne pouvait pas ignorer la paire d’yeux qui la fixait. Même les yeux fermés, même en essayant de se concentrer sur quelques choses d’autres, rien n’effaçait ce sentiment d’être observée. Soupirant longuement, elle se décida à rassembler son courage pour simplement tourner la tête vers sa direction. « Tu ne vas pas me demander ma main, de peur que demain je disparaisse ? » Sa voix fut taquine, pourtant, elle glissa sa main hors de son futon pour la tendre en direction de son fiancé. « Je te la prête mais tu n’as pas le droit à plus. » Elle le traitait comme un enfant, c’était plus fort qu’elle mais face à cette facette vulnérable qu’il venait de lui dévoiler, elle ne savait pas comment réagir autrement. « Décide-toi avant que je ne change d’avis. » Dans son esprit résonnait les premiers accords de la chanson des Beatles, I want to hold your hand.

Tenue ★ Soulagé qu'elle ne relève pas sa question, Ethan soupira. Il n'en revenait pas de sa propre bêtise. À quoi pensait-il ? À rien visiblement, c'était peut être pour ça qu'il parlait sans réfléchir mais surtout qu'il parlait avec son cœur. Cela ne se produisait que peu souvent pour ne pas dire jamais. Afin de stopper le massacre, Ethan se leva pour éteindre la lumière avant de se glisser sous les couvertures. Du fait de la taille minuscule de la pièce, son futon était collé à celui de la brune. Il lui suffirait d’étendre le bras pour la toucher. Non pas qu'il en ait envie mais il constatait juste. Normalement, ils dormaient chacun de leur côté, c'était leur première nuit ensemble. Sensation bizarre. Couché sur le côté, Ethan continuait d'observer Uriyel sans pouvoir s'empêcher de songer que cette nana chamboulait tout sur son passage. Quand elle tourna la tête vers lui, Ethan cligna plusieurs fois des yeux ignorant à quoi s'attendre. Et dans une autre vie, il aurait sauté sur l'occasion pour se moquer d'elle. À la place, le petit air taquin de sa fiancée l'amusa et lui décrocha même un sourire. « C'est tout ? » Rajouta-t-il sur le même ton. Mais dès qu'elle menaça de retirer son offre, Ethan agit encore une fois en mettant sa raison de côté et rattrapa sa main avant qu'elle l'enlève. Son cœur battait un peu plus vite et ça le perturbait mais il s'efforça de ne pas y prêter attention. Lentement, ses doigts s'entremêlèrent aux siens et il ramena le dos de sa main contre ses lèvres. Une pression légère qui s'étala dans le temps puisqu'il ne la relâcha pas mais resta ainsi sa bouche au contact de sa peau. « Arrête de me parler comme à un gosse. » Il ne manquerait plus qu'elle se mette à le materner. Il ne voulait pas qu'elle tienne ce rôle dans sa vie. Lorsqu'il parlait, sa bouche chatouiller la main de la brune et il finit par fermer les yeux parce qu'il n'assumait pas vraiment cette proximité. « Je ne veux pas être un enfant à tes yeux. Tu n'as pas besoin de me protéger. » Ou presque. Parce qu'en vérité, il en avait besoin. Il lui fallait quelqu'un pour le protéger. Pas du monde extérieur mais de lui-même.

Tenue ★  Dès lors qu’il rattrapa sa main, les questions se bousculaient dans l’esprit d’Uriyel, était-il en train de jouer avec elle pour tester ses limites ou se révélait-il sous un autre jour qui juste là était resté secret et insoupçonné ? Elle qui avait l’habitude de se montrer impassible, se surprenait à perdre son calme, à réagir à chacun de ses mots et de ses gestes alors que lui semblait calme. Il y avait ce jeu entre eux, où lui s’amusait à la désarçonner par des piques tandis qu’elle devait simplement esquiver. Les dimensions d’un tel jeu la rassurait au fond, mais maintenant qu’elle était face à lui, lui désarmé et sincère, elle ne savait comment réagir, quelle phrase lui dire pour qu’il reste plus longtemps, le temps qu’elle puisse le contempler et peut-être entrevoir ce qu’il cachait aussi jalousement. Un sourire étira davantage ses lèvres, il l’avait percé à jour par son reproche. Elle le traitait comme un enfant, parce que c’était plus facile ainsi, « à quel gosse ? Je ne fais que te parler » chuchota-t-elle en l’ennuyant un peu, refusant de reconnaître qu’il avait raison. Mais si elle ne le faisait pas de cette façon, continuait-il à réagir ainsi ?  Elle ne voulait pas goûter à l’échec, alors elle se bornait à se dire qu’il n’y avait pas d’autre moyen. Parce que lui parler ainsi était inconfortablement, d’un léger mouvement de bassin, elle roula sur le côté pour finalement ancrer son regard dans le sien, au travers de l’obscurité ambiante. Elle n’avait qu’à regarder dans une seule direction, elle était désormais face à lui. « Que veux-tu être ? » Depuis le début, il avait annoncé la couleur, un mari absent par ses déplacements, absent même en sa présence. « Les enfants ne sont pas les seuls qui ont besoin d’être protégé, tout le monde en a besoin… Il n’y a rien de mal à l’être, c’est même plus rassurant, non ? D’avoir quelqu’un sur qui se reposer de temps en temps pour pouvoir prendre le temps de s’arrêter et de souffler. » Tirant sur sa main sans pour autant la défaire de la sienne, la jeune femme imita son fiancé en embrassant la main de ce dernier. « Ce n’est pas une faiblesse que de faire confiance à quelqu’un. » Elle ne cherchait pas à lui dire qu’il devait lui faire confiance, juste que ce n’était pas aussi mauvais qu’il pouvait le croire. Ne lui avait-elle pas dit qu’elle voulait apprendre à le connaître ? Pour que cela soit plus simple de vivre ensemble, pour qu’il n’ait besoin de se sentir menacé, même quand elle empiétait dans son espace à lui. « Ca a dû être dur pour toi… »

Tenue ★ Ce qu'il voulait être ? Bonne question. Il l'ignorait. Il pensait qu'il n'attendait rien de cette nana et surtout qu'il ne désirait pas prendre part à sa vie mais récemment les choses se bousculaient. Depuis qu'ils vivaient ensemble, même si elle subissait encore sa mauvaise humeur, Ethan se rendait compte qu'il appréciait sa présence. Peu à peu, il s'attachait à la personnalité aussi rayonnante qu'innocente de sa fiancée. Il n'aimait pas ça mais elle arrivait à le surprendre. Elle profitait de ces failles pour se frayer un chemin jusqu'à lui et à chaque fois il la sentait un peu plus proche. Quand il reculait, elle avançait. Il ne la distançait plus. Ses mots vibraient en lui et réveillaient ses blessures. Pas d'une manière douloureuse, non. Plutôt comme si elle enclenchait leur cicatrisation. Alors qu'elle l'imitait, Ethan se crispa, peu habitué à cette tendresse à son égard. « Je ne vois pas ce qu'il y a de rassurant. Le jour où cette personne se barre, on se retrouve seul et on ne sait plus quoi faire parce qu'on a fini par s'habituer à l'utiliser en béquille. Je n'ai pas besoin qu'on s'occupe de moi. Je ne veux pas qu'on me laisse. » Même si Ethan avait l'impression de ne rien avouer, il en dévoilait en vérité bien plus qu'il ne pensait. De toute son existence, personne n'avait jamais essayé de se mettre à sa place ou réellement ressenti de la pitié face à ses souffrances. Sans doute parce que tout le monde ignorait son histoire. Ils ne voyaient que l'image de l'héritier rebelle qu'il offrait aux médias et mauvaises langues. Mais depuis le début, Uriyel ne le regardait pas avec ses yeux là. Elle compatissait. « Qu'est-ce que tu en sais ? » Souffla-t-il ennuyé car il était tellement plus simple pour lui d'être sur la défensive. Sauf que la pauvre Uriyel n'essayait pas de l'envahir ce qu'il n'imprimait pas encore. « Ne joue pas la psy je t'en prie. J'ai suivi une thérapie suffisamment longtemps pour ne pas vouloir supporter une femme persuadée qu'elle peut me changer. Hm ? » Mais peut être que ce n'était pas ce qu'elle voulait. Peut être que plutôt de le changer, elle avait envie de le sauver. Ethan ne voyait pas aussi loin parce qu'il ne comprenait simplement pas qu'on puisse l'accepter tel qu'il était.