TENUE ✘ Kellian a bouleversé mon quotidien, cette routine qui se répétait jour après jour, il n'a pas mit longtemps et cela sans grand effort pour faire voler ces habitudes en éclat. Est-ce une prise de conscience ? Des remords ? Je ne sais pas si je suis capable de changer ou de ressentir autre chose que de l'indifférence envers le monde ou de la colère sans raison. ça ne me paraît moins important depuis ce jour, depuis qu'il a fait sa crise et qu'on me l'a reproché. Pourtant, je m'en fiche qu'il meurt, je m'en fiche qu'il soit malade, je m'en fiche de lui. C'est à ne rien comprendre. Il a suffit que l'on me mette la faute sur le dos pour que je m'interroge sur mon cas. Suis-je capable de tuer quelqu'un à force de le pousser à bout ? Et si ce n'était pas déjà arrivé ? Et si une personne ne s'était pas ôté la vie après nos sales coups. Je ne sais pas, mais plus je réfléchi, moins je trouve de réponse. Finalement, ça ne me correspond pas et Kellian le remarque, pensant sûrement que je suis imprévisible. Instable, ce serait le mot juste pour me décrire. Je suis tout simplement instable dans ma façon de penser, de réagir. Son frère m'a jeté la faute dessus quand Kellian a terminé à l'hôpital, je peux bien lui rendre la pareille, même si je sais qu'il n'est pas en tord. Il aurait pu attendre deux mois que son frangin claque, puis il serait libre de tout fardeau. En attendant, je critique Kellian, tout ce qu'il fait n'a aucun sens ou intérêt pour moi. Vivre ? Je dirais plutôt survivre, mais je me contente d'un regard suivi d'un lourd silence. Comme il veut, je m'en fou. Nous remontons rapidement à la surface pour nous diriger vers le mcdo à côté, je laisse Kellian pousser la porte, le suivant les mains dans les poches. « Bigmac, grande frite, coca. » Classique. Je le laisse choisir ce qu'il veut, observant le monde dans le fastfood. Y a des places libres, c'est déjà pas mal. « Commande. » Dis-je à son intention, ne voulant pas m'occuper de parler avec les personnes derrière le comptoir.

©clever love.

TENUE ✘ Je n’avais pas du tout l’intention de bouleverser son quotidien et d’ailleurs je ne sais pas du tout que j’ai pu faire une chose pareil étant donné que j’ai décidé de ne plus porter d’attention à Momiji, pour moi aujourd’hui est une exception car il semble instable, peut-être qu’il se remet en question, peut-être qu’il se pose des questions ? Je l’ignore, je ne sais même pas si j’ai une part de responsabilité ou non, mais au final je suis comme lui, je m’en fiche. Habituellement je fais attention aux gens, je veux leur laisser de bons souvenirs et les aider à voir leurs vies d’un point de vue plus positif, mais j’ai abandonné avec lui, Momiji n’est pas une personne que je peux changer et je ne veux pas le faire, je suis content de pouvoir parler de ma mort en riant, plaisantant durement, mais je sais que cela blessera mon petit frère si je venais à mourir pendant qu’il n’est pas là, n’importe qui remettre en question la décision d'Orion, le fait qu’il soit parti en vacances alors que je suis venu au Japon pour vivre mes derniers instants à ses côtés, je me demande parfois pourquoi il s’est autant éloigné, mais je sais qu’il a surement dû sauter sur l’opportunité pour s’amuser et je ne peux pas lui reprocher de vivre, ce n’est pas parce que je ne peux pas en faire autant qu’il doit attendre à mes côtés que la mort vienne me chercher, après tout c’est moi qui ai été égoïste de venir vers lui, je ne peux pas m’imposer pour le temps restant et l’empêcher de faire ce qu’il lui plaît !  J’entends la commande de Momiji et m’approche pour la passer vu que monsieur semble indisposer à le faire, cela ne me dérange pas, le sourire aux lèvres je répète ce qu’il vient de me dire et de mon côté je prends un menu Chicken, fritte et coca aussi. « Pas de sel sur mes frittes » rajoutais-je avant de me mettre sur le côté pour attendre la commande, je ne veux pas finir la soirée à l’hôpital. Après dix minutes à attendre on récupère les plateaux, je regarde Momo pour voir où il va le suivant jusqu’à deux places libres, m’installant en face de lui j’attrape mon coca et la paille pour boire une gorgée, ouvrant la boîte de mon burger, ça sent bon.

©clever love.

TENUE ✘ Quand l'un cherche à ne plus faire attention à l'autre comme voulu, c'est l'autre qui pense trop à l'un comme ce n'est pas permis. Je n'ai pas demandé à ce que Kellian chamboule mon quotidien, ni à ce qu'il entre dans ma tête tel un intrus. C'est difficile de savoir où j'en suis dans cette histoire. Je sais que je m'en fiche de son sort, mais en même temps je sais aussi que j'y pense suffisamment pour m'agacer moi-même. C'est confus, incompréhensible, mais y a tellement de chose que je ne comprends pas, que ce soit par rapport à lui ou au monde entier. La critique est plus facile que poser des questions, et au lieu d'être curieux, je fais mon impétueux. Toujours à dire une chose qui fâche ou qui ne fait pas plaisir, comme émettre mon opinion sur le départ de son frère à des centaines de kilomètres pour une durée indéterminé. Pourquoi ? Je me pose rarement la question, mais pourquoi est-il parti en sachant que son aîné est mourant ? Est-ce que les gens feraient la même chose pour moi ou est-ce que certains, comme mes amis, seraient là pour m'épauler ? Et lui, qui a-t-il à ses côtés pour l'aider ? C'est ce genre d'interrogation qui m’effleure l'esprit mais que je préfère refouler aussitôt. Si je commence à céder à ces points-là, c'est terminé. Kellian s'occupe des commandes, puisque je ne semble pas avoir envie de le faire ou de l'aider, toujours aussi tempétueux. J'ai beau être à l'écart, je peux entendre ce qu'il dit mais me décide plutôt à choisir une table du regard et attends de récupérer mon plateau pour filer là où j'ai choisi plus tôt. Pour un connard dans mon genre, c'est étrange de manger sur une table à deux avec un garçon que j'ai brutalisé jusqu'à présent. « Pourquoi pas de sel ? » ça commence, moi qui ne voulais pas parler personnellement avec lui. Suis-je seulement intrigué par ces petites choses ? Ce n'est pas comme si je voulais apprendre quoi que ce soit à son sujet. Je ne sais pas. Finalement j'attrape des frites sur mon plateau et les mange, le regard porté dans la foule que j'observe en silence.

©clever love.

TENUE ✘ Tous ceux qui découvrent pour ma maladie changent souvent de comportement, me montrant de la pitié ou se sentant désolé de mon sort, mais je n’ai jamais demandé à ce qu’on me plaigne, je sais que je vais mourir depuis l’époque du bac à sable, j’ai eu le temps au cours de ses dernières années pour m’y faire et ne pas me terrer dans de fausses idées ou de faux espoirs. Je me souviens encore lorsque je vivais avec mes parents et qu’on recevait un coup de téléphone, tous se ruer en espérant entendre qu’un donneur compatible avait été trouvé, mais cela n’est jamais arrivé et je devais être le seul à ne pas désiré que ce moment arrive. Pas parce que je voulais mourir, mais parce que c’était espéré la mort d’une autre personne, je n’ai jamais pu m’y résigner. Ici, à Tokyo peu de personnes sont au courant et grâce à cela j’ai pu vivre une vie banale pendant presque un an, cette année arrive bientôt à termes et je connais l'issue finale, pourtant dans ce calme j’ai rencontré une tornade, Momiji est le genre de gars qui se fiche bien que je puisse mourir, mais qui choisit quand même à cet instant de rester avec moi plutôt que de s’en allait, notre résolution de ne plus avoir à faire l’un envers l’autre s’effrite doucement sans qu’on ne puisse le voir venir, il a beau être un salaud et le seul ayant été capable de me faire ressentir du remords, de la colère et de la déception, mais au fond derrière sa violence et la dureté de ses mots il semble s’interroger sur mon cas, je ne suis plus dupe, je ne vais pas croire qu’il est un ange ou encore qu’il puisse me considérer comme un ami, j’ai eu ma dose de ce côté, mais l’occasion se présente pour qu’on puisse passer du temps ensemble, à partir de maintenant chaque rencontre peut-être la dernière, ce sera probablement la dernière fois que je le vois avant la fin, trois mois ça passe vite... Mais je ne suis pas rancunier, il a dû le comprendre, j’ai un cœur faible, mais généreux et pur. J’ai passé les commandes en demandant à ce que l’on ne mette pas de sel dans mes frittes, les plateaux en main je l’ai suivi jusqu’à la table où je m’installe, levant les yeux sur Momo quand il me questionne. « Ça t’intéresse vraiment ? » Je souris cependant en mangeant une de mes frittes. « Je n’ai pas le droit au sel, sauf si tu veux me transporter à l’hôpital en plein repas ? » Je rigole comme si cela était banal. « La dernière fois des potes a vidé un sachet de sel dans mon burger sans que je ne le voit, je n’ai pas pu apprécier mon repas, quel gâchis. » Qu’il soit intéressé ou non ce n’est pas grave, cela fait la conversation. Croquant dans mon sandwich, aah~ la malbouffe c’est tellement bon.

©clever love.

TENUE ✘ Quoi qu'il se passe aujourd'hui, je sais que tôt ou tard, il va mourir. Qu'est-ce que ça me coûte de manger avec lui ? Rien, alors qu'il a dû s'épuiser pour me retrouver, même si je n'ai jamais demandé à ce qu'il le fasse. S'il s'attendait à avoir de l'espoir en parlant avec moi, c'est loupé, mais je me doute par avance qu'il n'espère pas une telle chose de ma part. La dure réalité devient rapidement cruelle quand il traîne avec moi, de gré ou de force. Je ne pleures pas sur son sort, à la limite je m'interroge par simple curiosité mais ce n'est pas pour autant que je vais lui souhaiter de la chance ou quoi que ce soit d'autre. Rien ne me concerne venant de lui, et je voudrais que ça reste ainsi jusqu'à la fin, qu'il cesse de me courir après pour se fatiguer et être malade. Si je disparais, c'est mon problème. S'il m'arrive un truc, c'est à moi de le régler, sans avoir son état alarmant sur la conscience, et dieu seul sait à quel point elle est inexistante. Quoi que, pas besoin de dieu pour le savoir, ça se voit dans mes yeux qu'il n'y a plus d'ange sur mon épaule pour me dicter ma conduite, ou alors c'est un ange déchu qui complote avec le diable. Ils agissent souvent ensemble comme une même personne et cela n'est jamais bon pour les autres. Bref, kellian a passé commande et une fois les plateaux donnés, je prends le miens et choisis une table. Installé, quelques secondes s'écoulent avant que je ne pose qu'une seule question à son encontre. Relevant mes yeux vers lui, je lui lance un regard plutôt dure, l'air de dire que non mais qu'il a intérêt à me répondre quand même. Une intolérance au sel ? C'est possible ça ? Bah de tout façon, je n'ai aucune envie qu'il crève au mcdo, donc autant éviter le sel. « Potes ? » Je ne doute pas qu'il ait des potes, juste qu'ils sont super cool pour vouloir le tuer, en tant que potes. « Tu pleurniches plus pour ton repas que ta santé. » Fis-je, sans arrêter de manger mes frites. Prenant mon burger, je l'entame en silence, ayant dit ce que j'avais à dire pour le moment. ça refroidit vite, vaudrait mieux manger rapidement avant de devoir mastiquer du plastique saveur ketchup.

©clever love.

TENUE ✘ Peu importe ce que pense Momiji, peu importe aussi comment il agit, la seule chose qui m’a poussé à comprendre que j’étais idiot et à avoir des regrets fus de voir ce qu’il faisait aux gens, qu’il soit con ne m’a jamais dérangé, je voulais le comprendre et voir plus clair dans son comportement et dans sa façon de pensée, mais je me suis fait piéger et j’ai décidé de voir les choses telles qu'elles sont. Momo est une personne qui ne changera pas à cause de moi, il n’a aucune compassion et au fond je pense que c’est ce côté-là qui me fait rester à ses côtés, le simple fait de pouvoir parler de ma mort sans prendre de pincette sachant que je ne lui manquerai pas me permet de voir qu’il ne me ment pas. Puis ce n’est pas comme si nous allions devenir amis maintenant, je ne fais que manger avec lui, par chance j’ai beau être tenace et chiant, je suis aussi intelligent, je sais quand je dois abandonner et arrêter de croire que les choses peuvent changer. Après avoir commandé nos plateaux, on s’installe à une table, Momo me pose une question et je lui réponds en demandant clairement si ça l’intéresse vraiment, je sais qu’il s’en fiche, mais pourquoi être curieux alors ? Gardant mon sourire je lui réponds simplement, avec cet air léger et nonchalant, comme si dès que ma santé n’était pas « grave », j’ai toujours été comme ça. « Ils ignorent que je suis malade. » Précisais-je avant qu’il ne pense que leur acte était délibéré. Je ne dis pas à tout le monde que je vais mourir, seule une poignée sont au courant et c’est bien suffisant. On mange tout en lâchant quelques phrases par-ci par-là. « Haha, c’est vrai. Mais la nourriture s'est sacrée. » Sisi. Les minutes passent alors qu’on termine nos repas, grignotant les dernières frittes encore présente dans mon petit carton avant de m’adosser au siège avec ma boisson entre les mains pour aspirer plusieurs gorgées à la paille. « Tu comptes faire quoi après ? » simple curiosité.

©clever love.

TENUE ✘ Rien ne pourra me changer, ni lui, ni ma famille, ni mes amis, personne. J'ai toujours vécu ainsi, grandissant dans un monde qui évolue et qui n'est pas toujours doux. Si ce n'est pas moi qui faisait le mal, les autres me l'auront fait. C'est ainsi que les crédules pensent, non ? Dans la vie, il y aura toujours quelqu'un pour remplir un sale rôle et je dois être ce quelqu'un en question, l'enfoiré de service qui persécute ses faibles camarades ou s'attaque à des innocents. Kellian ne me connaissait pas réellement avant d'être embarqué dans cette histoire et à présent qu'il sait, il lâche l'affaire. ça aurait dû se terminer ainsi, basta. Pourtant je suis bien là à manger avec lui ou à le questionner bêtement sur une simple remarque de sa part. Il me répond, en sachant que je m'en fiche un peu. ça ne veut pas dire que je n'écoute pas ses paroles, ni que je suis assez stupide pour l'ignorer. Ses potes ne savent pas pour sa maladie. Donc, le jour où il meurt, il disparaîtra tout simplement de leur vie, sans donner d'explication et sans se justifier. Que croit-il ? Qu'une personne extérieure va parler pour lui ? Qu'un membre de sa famille dira à ses potes qu'il est mort suite à une maladie ? Et après on dit que je suis égoïste, il ne doit pas trop s'observer dans le miroir. Je ne sais pas ce qui est le plus con, ses amis qui puissent profiter de la situation pour le rendre mal ou lui, qui n'a jamais rien dit sur son cas. Ce n'est pas comme si ça m'intéressait, mais au final je ne suis pas différent de lui. à part ma bande et lui, personne ne sait ce que je fais durant mon temps libre. à nouveau, je lui lance un regard en biais, une frite dans la bouche. Il est désespérant. Terminant mes frites, j'entame mon burger et le mange en quelques bouchées. C'est vraiment de la mal bouffe, et pourtant nous sommes incapable de faire la même chez nous, c'est spécifique à ce genre d'enseigne. Par contre, la boisson n'est pas différente de celle des supermarchés. « Qu'est-ce que j'en sais ? » Ma vie n'est pas programmé, non plus. J'en profite surtout pour sortir mon portable et envoyer un message aux frères, qu'ils ne s'inquiètent pas. Kellian l'a déjà fait tout à l'heure, mais il n'avait pas envoyé une phrase complète avant d'être bousculé. « Je vais sûrement rentrer. » C'est le mieux que je puisse faire pour l'instant, même si ça me fait chier de retourner chez moi. Avec un peu de chance, mon père n'est pas encore là, ni ma mère.

©clever love.

TENUE ✘ Autant que je sais quel genre de personne il est il a dû aussi me cerner malgré moi, je ne suis pas compliqué, même quand il parle de ma mort comme si cela n’était pas grand-chose ça n’a pas d’impact sur moi, en tout cas j’en ris comme si cela n’avait aucune importance, j’ai grandi comme ça, c’est dur de changer juste parce que l’échéance est proche et qu’on me fait comprendre que je ne manquerai pas ou que je n’inspire pas de pitié ou de compassion. Je n’en ai jamais voulu, que ce soit par ma famille ou mes amis, je n’ai jamais souhaité voir sur leur visage cette expression explicite face à un condamné, alors oui, je préfère mourir sans en parler, peut-être leur dirais-je à la fin, mais si je dois disparaitre alors les gens continueront leurs vies sans moi, je ne suis pas indispensable. Je continue de manger en lui demandant simplement ce qu’il compte faire ensuite, par curiosité ou pour faire la conversation je ne sais pas, c’était une simple question. Je hausse les épaules, il devrait savoir au moins ça ! Je souris en terminant mon repas, buvant ma boisson tranquillement. « Tu as raison, ça ne sert à rien de continuer à errer ici et là tout seul. » Je le taquine en continuant de boire à la paille jusqu’à la terminer, j’ai le ventre bien rempli pour ce soir, je ne sais pas si je pourrais remanger encore ici, en fait maintenant je ne sais plus rien. Mais je n’y pense pas, les choses n’arrivent jamais sans raison, j’en suis sûr. « Je vais rentrer aussi, je suis fatigué. » Je l’étais déjà avant de le chercher, mais j’ai tenu jusqu’à maintenant, là je ressens vraiment que mon corps demande du repos, alors je ne vais pas forcer plus. « On y va ? » On doit reprendre le métro avant de se séparer pour de bon, j’ignore encore une fois si c’est définitif ou non, mais on verra bien.

©clever love.