Il était essoufflé, ses membres tremblaient toujours sous l’effet de l’adrénaline. Plus que satisfait par son œuvre, il sortit un mouchoir de sa poche et s’essuya les mains avec. « J’espère avoir répondu à toutes tes questions. » finit-il par dire pour combler le soudain silence qui s’était installé dans la pièce. Voilà ce qu’il était et comment il vivait. N’importe qui aurait coupé tout contact avec lui après une scène pareil. Il posa son regard, encore troublé par l’euphorie qu’il avait ressentit il y a quelques secondes, sur elle. S’il n’avait pas ce principe de ne toucher aux femmes qu’en extrême nécessité, il aurait sûrement continué avec elle. La voir tétanisée sur place le fit comprendre que son idée avait marché. Allait-elle encore pouvoir le supporter désormais ? Allait-il pouvoir s’amuser avec elle encore un peu où aujourd’hui allait être leur dernier jour ensemble ?

Il fit quelques pas vers elle en rangeant son bout de tissu. « On rentre. » Un sourire moqueur se dessina sur ses lèvres, elle avait l’air tellement faible… Tellement vulnérable… « On y va. » Il se baissa vers elle pour lui caresser la joue. Un des rares moments où elle fermait son clapet. Il finit par lui prendre la main et l’aida à se relever. Il approcha ses lèvres à son oreille au moment où ils passèrent à côté du corps qui gisait enfin sans vie sur le parquet. « La soirée n’est pas finie princesse. » C’était peut-être la phrase de trop. Tout ce qu’il voulait, c’était la déstabiliser. Et il l’avait bien réussi, il se demanda si quelque chose en elle s’était brisé. C’était généralement l’effet que donnait Masaomi dans ce genre de moment. La dernière fois, une fille s’était suicidée.

« N’était-ce pas ce que tu voulais ? » lui répondit-il la voix remplie de sarcasme. La sentir serrer sa main si fermement l’amusait, elle devait vraiment être choquée. Il devait lui faire goûter à ce plaisir, si ce n’était pas lui qui le faisait alors qui allait le faire ? C’était une expérience à vivre au moins une fois dans sa vie. Il s’arrêta dans le couloir et se tourna vers elle, les yeux ronds. Elle venait de lui rappeler qu’il n’était pas normal. C’était exactement les mots qu’on lui avait dit dans le passé. Tout ça, il le savait déjà. Son seul moyen de se sentir vivant était quand il partait à la recherche de sensations fortes : il se sentait vivant quand il se rendait compte de la fragilité d’une vie. Il avait besoin de s’en rappeler. De se dire que pas que son existence était instable. Chaque jour, il se sentait horriblement vide.

Il la prit dans ses bras en posant délicatement son visage sur son épaule. « Comment te sens-tu ? » Quelle question stupide, il connaissait la réponse. Cette fois, c’est lui qui allait se laisser faire. Si elle voulait le frapper qu’elle le fasse. Si elle voulait pleurer, elle le pouvait aussi. Il avait déjà commencé à la modeler à sa manière, comme il voulait qu’elle soit. Il avait déjà passé une frontière qu’il n’aurait jamais du traverser. Il ne lui restait plus qu’à continuer son chemin. Il se mit à lui caresser les cheveux. Ce n’était que le début.

Voilà, elle avait explosé. Il encaissa sans broncher, se disant que ça allait passer. De toute manière, elle allait être obligée de vivre avec ce souvenir jusqu’à la fin de ses jours, elle n’avait pas le choix. Ainsi, elle n’allait jamais oublier Masaomi, ancré à jamais dans son esprit. « Ca n’a pas de valeur, c’est juste fragile. » A ses yeux, tous étaient égaux. N’importe qui pouvait mourir en un instant ; de l’homme le plus influent du pays à un sans abris en plein hiver. Depuis toujours, ce sont les choses rares qui avaient de la valeur, en quoi la vie l’était-elle ? Des gosses naissaient tous les jours par milliers partout dans le monde. Une vie en moins ne faisait que plus de place sur Terre. Il fallait bien régler la balance.

Il se referma sur lui-même après lui avoir répondu. Lui reparler de cette histoire était la dernière chose à faire. Il ferma les yeux en serrant la mâchoire. Elle n’avait en aucun cas le droit de remettre en question son comportement. « Nous devons y aller. » Il se retourna sec et reprit sa marche, laissant Kat derrière. En descendant les escaliers, les couloirs étaient devenus silencieux. Plus un enfant dans les couloirs, plus une voix traversant les portes des chambres. « Si j’étais toi, je ne resterai pas avec moi-même. » Plus qu’un conseil, c’était pour voir qu’est-ce qui faisait qu’elle était toujours à ces côtés même après ce qu’elle venait d’assister. « Tu risques d’assister plusieurs fois à la même scène. »

Il se remémora leur première rencontre, elle lui avait dit alors que le danger lui plaisait. Elle devait sûrement être satisfaite maintenant qu’elle a eu sa dose de risque. « Je t’ai ramenée ici pour qu’on passe un bon moment et qu’on ait plus de souvenirs à partager. » Si elle voulait partir, il allait être la dernière personne à lui en empêcher. Par contre, si elle restait, elle allait devoir assumer. Il ne comprenait toujours pas qu’est-ce qui l’attachait à lui. Elle semblait décidée à ne pas lâcher l’affaire. Il devenait de plus en plus sceptique à son égard. Ce genre de fille lui donnait l’impression d’être de celles qui partaient sans crier gare dès que ça leur chantait. Elle allait sûrement faire de même tôt ou tard. Il y était habitué.

Il retira son bras et continua son chemin, troublé. Il sentait que quelque chose clochait. Il se tapota le jean. En effet, il avait oublié ses ciseaux là bas. « Je reviens. » Il rebroussa chemin en accélérant. Il allait offrir sa paire à Kat comme souvenir histoire de rigoler un peu. La voir jouer les héroïnes d’un mauvais thriller ne lui allait pas du tout et ça l’agaçait énormément. Son sourire s’élargit, ils allaient encore passer le reste des vacances d’été ensemble. Il allait trouver un moyen de s’amuser encore plus.

Il ressortit du bâtiment, la paire de ciseaux dans sa main. Il ne l’avait pas nettoyée exprès, afin de rendre le geste encore plus dérangeant. Sa réaction fut celle qu’il attendait, toujours égale à elle-même. Elle s’était vite remise de la scène horripilante qu’il lui avait offerte. « Cadeau. » répondit-il tout simplement, l’air innocent. Evidemment il ne s’attendait pas à ce qu’elle l’accepte. Qui voudrait d’un objet qui a servit pour assassiner un homme ? Seul l'italien pouvait garder ce genre de chose avec lui. Il sentit la main de la jeune fille sur sa joue et grogna sous l’effet des frottements, comme un enfant à qui la mère lui nettoyait le visage parce qu’il s’était salie avec de la glace.

Il lui prit la main pour l’arrêter, un sourire sournois aux lèvres et se pencha sur elle. « Je vois que tu t’y habitues déjà. » Il chuchota. « Tu deviendras bientôt comme moi. » Antipathique et détaché. A moins qu’elle ne l’était déjà et que sa crise de nerf n’était qu’une mise en scène sur le moment. Il rangea ses ciseaux tâchés de sang sous sa ceinture avant de lui ouvrir la portière du 4x4. « Je t’accompagne chez toi ou tu veux toujours rester avec moi ? » lui demanda-t-il en lui faisant un clin d'oeil.

Satisfait de sa soirée, il décida de raccompagner bien sagement la thaïlandaise chez elle. Sans escale. Ce qui est, en soit, un grand pas pour le jeune homme qui aimait n’en faire qu’à sa tête. Il avait pris des raccourcis où il n’y avait pas un chat pour y arriver plus vite, Hong Kong était remplie de gens même en pleins milieu de la nuit. Il leva un sourcil à la question de la brune sans quitter la rue des yeux. La voilà qu’elle se mettait à se poser des questions philosophiques. « Je ne te répondrai qu’en échange d’un bisou. » fit-il en tapotant sa joue de l’index. Il n’avait pas du tout la tête à ça. Elle avait pourtant vu comment il réagissait dans ce genre de moment. La réponse lui semblait assez évidente.

Il entama un tournant où la rue était sensée déboucher sur l’hôtel de la jeune fille et continua tout droit pour enfin y arriver. Il sortit en premier de la voiture pour lui ouvrir la portière. « Je vous en pris, mademoiselle. » blagua-t-il en s’inclinant légèrement. « J’espère que vous aviez apprécié la soirée. » Il ferma la portière une fois qu’elle descendit puis se mit à lui tirer très fort les joues des deux mains en se pinçant les lèvres. « Si tu savais à quel point tu peux m’énerver des fois. » grommela-t-il dans sa barbe. Elle avait vraiment de la chance d’être une fille. Il rentra dans la voiture et baissa la vitre pour l’interpeller avant qu’elle ne parte. « Fais de très beaux rêves Katreeya ! » Si elle arrivait à fermer l’œil bien sûr.