Are you ok!?

Watashi Nikolai et Takahashi Leo

C'était une superbe fin de soirée. Ça m'avait fait du bien de revoir des amis de la fac. J'avais pu repartager des souvenirs avec eux et on s'est bien marré à revoir des courts métrages qu'on avait réalisés il y a des années. Après la soirée c'est barré en couille et tout le monde c'est retrouvé bourré sauf moi. Ces cons ont même réussi à rendre Damien saoul. Après avoir couché Damien, j'ai ramené certains chez eux d'autres à l'hôtel où ils hébergeaient

4h du matin, vivement que je rentre chez moi et que je me repose. Je ralentis en voyant une forme bizarre ramper à l'entrée d'une ruelle. On dirait un jeune homme, fort bourré. Je ne pouvais pas le laisser là à 4h du matin dans une ruelle complètement vide, sans personne pour l'aidé. Il pourrait croiser le chemin de personnes malveillantes. Et ça, je ne veux pas. Je me gare sur le côté, fouille ma boite à gant pour prendre la bouteille d'eau que je garde au cas ou et sort de mon véhicule pour rejoindre le jeune homme complètement torché.

-Monsieur vous m'entendez? Vous allez bien?

Je lui tapote la joue pour essayer de le remmener un peu sur terre. Bon dieu qu'il pue l'alcool! Il pourrait faire concurrence à mes amis. J'essaie de le mettre en position assise. Je m'éloigne légèrement, je n'ai pas vraiment envie qu'il me vomisse dessus. Je le penche un peu en arrière et lui met un peu d'eau sur le visage, histoire de lui faire reprendre les esprits. Je me demande ce qu'il a fait pour se retrouver dans cet état. Rupture? Famille décédé? Soirée trop arrosé? Alcoolisme? En tout cas le laisser comme une merde n'est pas dans mes options

-Vous vous appelez comment? Vous pensez que vous pourrez vous relever? Vous voulez boire un peu d'eau?

Are you ok!?

Watashi Nikolai et Takahashi Leo

Lumière, camera, action. Stroboscopique, euphorique, c’est l’abdication de tous les sens. Abdique. Abdique. Abandonne, Nikolai. Le stade de non-retour est déjà passé. Ce soir fait partie des oubliables, black out total en prévision, demain matin sur la chaine météo de son cerveau.

La lumière éclate dans ses yeux, elle fait virevolter ses neurones dans tous les sens à chaque fois qu’il perd la vision une fraction de seconde, qu’il se retrouve seul dans le noir, entre deux battements de cœur, avant de se retrouver à nouveau entouré, enseveli de gens aux cheveux éparpillés, en suspend. C’est une bribe du temps, une seconde sur pause, au ralentit, qui disparais et qui reviens. Si on cligne des yeux au mauvais moment, on reste dans le noir trop longtemps, alors vaut mieux les avoir bien ouverts, grand ouvert, écarquillés, qui vous sorte de la tête. On s’en fiche, de ce qu’on a l’air. Mais on s’en fiche, de ce qu’on voit. On s’en fiche des gueules démolies à grand coup de canettes écrasées dans un cris de victoire, on s’en fout du maquillage qui coule, on s’en fout. On se fout de tout. Ces soirées sont faites pour s’en contre-balancer, envoyer chier la terre entière. On est roi pendant qu’on est jeune, pendant qu’on a la santé et qu’on s’en fiche de mourir dans des toilettes miteuses. L’alcool se balade en metroveineuse dans son corps, dans ses sens. Dans tous les sens, il se balance, se fait balancer, son sang se bouscule. L’alcool est sa meilleure amie de défonce, elle se mélange à ses globules sans racisme à une vitesse supersonique. Peut-être, aussi, qu’une certaine autre substance est ici en jeu, peut-être que c’est pour ça que son cœur pompe à vouloir en rompre, à vouloir éclater en mille morceaux.

Une raison pour vouloir remplacer tout votre sang par l’alcool et la cocaine ? Non, aucunes. Ou bien si, mais on ne le dira pas, on ne se l’avouera pas, que quelque chose cloche, que quelque chose est apaisé ce soir entre haut le cœur et jugement embrouillé. Titubant vers la sortie, suivant la lumière au bout du tunel, celle qui sens l’air frais et l’espace infini, il atteint finalement la sortie du bar sous terre. Il monte les escaliers avec difficulté, s’arrêtant à quelques reprises, s’appuyant contre le mur, se laissant presque glisser sur une marche pour s’y endormir à tout jamais. Il regarde les néons, les dévisagent, quelqu’un lui sourit, ris fort en lui donnant une poigné de main fraternel. Les inconnus bourrés sont les meilleurs amis que vous puissiez avoir. Et cet ami d’un instant lui fourre une clope au bec, chose qu’il remercie avec difficulté, un grand sourire bête, complètement hors de son corps. Finalement, il atteint le haut du Kilimandjaro, aspirant une grande brise d’air relativement frais pour Tokyo, entrecoupé de nicotine bien mérité. D’un coup, il n’as plus envie de redescendre, il est bien, dans le frais, dans l’air libre, il veut juste marcher à l’infinie jusqu’à ce que ses pieds disparaissent. Alors il s’enfonce dans la ville, ne sachant trop où il va mais marchant comme s’il avait une destination, laissant son manteau dans les vestiaires du bar. Traversant une ruelle, la clope inconnue ayant été consumée, il cherche à nouveau le réconfort qu’on trouve lorsqu’on fait quelque chose de nos mains. Fouillant dans ses poches pour en sortir un paquet écrasé, il échappe son briquet au sol. Se penchant pour le ramasser, il perd l’équilibre, aspiré par la terre, et comme pour ne pas mettre en colère les dieux de ce monde, il se laisse choir au sol, non sans récupérer son briquet. Il allume sa cigarette, couché sur le dos à l’entrée de la ruelle, gigotant et rigolant comme si tu venais de t’échapper de l’asile. Après un moment, Nikolai tente de se relever mais en vain, la gravité l’a lâché, elle s’en fout des règles ce soir et elle se balade de droite à gauche, de haut en bas. Se démenant pour se relever, il tombe de nouveau au sol au bruit d’une voix qui s’élève dans la nuit qui s’achève. Il se met à rigoler, tirant sur sa clope dont les cendres tombes sur son t-shirt avant d’être balayées par un mouvement incontrôlé de mec torché.

« Ça vas toooooop nickel, franchement ça va suuuper bien ! »  Qu’il ne balance probablement pas dans la bonne direction en faisant un pouce en l’air à qui veux bien regarder dans sa direction. Déchet. Sentant une petite tape sur la joue, il sursaute légèrement, trop engourdi par l’alcool pour réagir plus que ça, et regarde finalement dans la direction de l’homme une fraction de seconde, son regard passant au travers et s’éloignant dans son esprit embrumé. Sentant soudainement le froid du bitume quitter son dos, sentant le monde se redresser, l’inconnu le redresse. Son corps surpris par le changement d’horizon esquive un haut le cœur prononcé que Nikolai ne tente même pas de cacher, de retenir.

Froid. C’est froid. L’eau sur le visage le choc. Il pousse presque un cris en se raidissant, se redressant sur ses deux fesses, comme soudainement réveillé.
« Putain! »  qu’il lance en direction de l’homme qu’il voit enfin devant lui. C’est quoi son problème, que tu te dis, avant de te rappeler que t’es complètement torché et que tu ne tiens plus debout. Il le dévisage longuement avant de lui répondre, comme s’il essayait de comprendre les traits de son visage.
« Euh…. »  qu’il trouve à dire, son cerveau ayant levé les voiles dans l’espoir de trouver un meilleur hôte. Il se sent bombarder, précipité. C’est trop de questions pour lui d’un coup alors il ne dit rien, il tire sur sa cigarette, l’air perdu, regardant autour de lui. « On est où là »  qu’il pousse, ajoutant presque un « J’suis qui » et « J’suis quand » à la scène franchement triste. Son esprit retient le mot eau, et soudainement il remarque à quel point sa gorge est sèche, à quel point il a l’impression de s’être ratatiné de l’intérieur.
« Ouais de l’eau, de l’eau »  qu’il dit, lui arrachant presque la bouteille de la main sans mauvaise intention, surtout parce qu’il perdit un peu l’équilibre en s’étirant pour l’atteindre. Il en but la moitié en à peine deux secondes, avalant de grands goulots qui le fit sentir comme un corail qu’on avait foutu à la mer, se gorgeant d’eau, reprenant sa forme normale. Ça lui donna le vertige et, étourdi, il ajouta après avoir retiré la bouteille de ses lèvres dans un soupir de satisfaction : « Le con en train de mourir par terre c’est Nikolai: Salut. C’est qui à l’appareil ? » Était-ce un ange ? Jésus ? Bouddha ? N’importe qui don le sang est divin ? C’est le bon samaritain des années 2000 et il est tombé sur son prochain, non pas roué de coup mais presque.