TENUE ═ Cela fait plusieurs heures que nous roulions, j'ai compté en tout cinq pauses en incluant la toute première que nous avons faites deux heures après notre départ. Nous sommes parti assez tôt ce matin pour arriver assez tard l'après-midi, aux abords de Hachinohe, au sud-ouest de l'île. Kellian a dû conduire une bonne dizaine d'heures environs, le temps de savoir où aller sans faire d'erreur grâce au GPS de la voiture. Durant le trajet, je n'ai pas fermé l'oeil une seule seconde, malgré la fatigue et la monotonie de la route. Hachinobe est une ville située proche de la mer, avec un port de pèche qui a été dévasté par un tsunami cinq ou six plus tôt. J'ai choisis cette ville-là uniquement parce qu'elle était à proximité de l'océan et qu'on pourrait s'y arrêter un bref instant pour profiter de l'air marin, même si l'air est frais et humide. « Prends à droite. » Ai-je dit à mon compagnon de route, les yeux rivés sur l'écran de mon portable. Le GPS du véhicule indiquait le chemin à suivre jusqu'à Sapporo, tandis que la maps sur mon téléphone me guidait vers le bord de mer. J'ai très rarement, voir jamais, quitté la grande ville. Mon père et ma mère travaillaient sans arrêt, prenant très peu de vacance. C'est seulement maintenant, à mon âge, que je peux me sentir libre d'aller où je veux, quand je veux, comment je veux. « On s'arrêtera à Hachinohe ensuite, pour la nuit. » Parce que le soleil commençait déjà à décliner, laissant apparaître un semblant de lune au-dessus de notre tête. Le paysage rocheux a vite laissé place à un horizon bleu, le ciel était zébré de rose et d'orange, tandis que l'eau était tellement sombre qu'on ne voyait absolument rien. En se rapprochant un peu plus, le bord était parsemé de roche et surmonté de falaise, mais on pouvait voir au loin du sable. La voiture garée, j'ai ouvert la portière pour m'extirper et poser les pieds sur un sol moue, sableux mais quelque peu glissant à cause de l'herbe. à dire vrai, c'est la première fois que je vois du vrai sable. La première fois que je marche dedans jusqu'à sentir les grains s'infiltrer dans mes chaussures. J'en oublie complètement la saison, le froid qui mordille ma peau et me focalise soudainement sur le bruit des vagues ou le chant des mouettes, absorbé par la magie de cet endroit.

TENUE ═ Je pense que j’avais rattrapé tout ce temps à ne pas toucher un volant avec ce voyage. On a fait plusieurs pauses, mais c’était nécessaire, conduire sans s’arrêter était impossible et surtout très fatigant. Heureusement je visualisais le but au bout du chemin et cela me rendait d’autant plus excité et impatient d’arriver. Comme je l’avais proposé lors de notre premier arrêt, je pense qu’il est temps de se stopper à la prochaine ville jusqu’à demain. Je laisse Momiji regarder l’itinéraire qu’on doit suivre grave a son portable pour sortir de la route et à son indication je tourne donc à droite, faudra remettre de l’essence d’ailleurs, on a eu beau s’arrêter en route pour en mettre, autant faire le plein avant de repartir. Je n’ai jamais voyagé de cette manière, mais je trouve ça tellement amusant, ce genre de choses me fait complètement oublié que j’ai été mourant et dans le coma quelques mois plus tôt, tout me semble magnifique, je ne peux pas réellement apprécier les décors en conduisant, mais ce que j’ai pu voir lors de nos pauses étaient déjà cool, puis l’ambiance aussi, quelque chose est « différente » et j’aime ça. Je ne connais pas Hachinohe, en fait à part Tokyo je n’ai pas vraiment eu le temps de visiter les environs et les nombreuses villes du Japon. Après plusieurs minutes je stop la voiture et face à nous on peut admirer la mer, ce qui n’est pas une chose quotidienne ou habituelle pour nous. Sortant du véhicule, je souris en ayant qu’une envie c’est de courir sur le sable, c’est la première fois que je pourrais faire ça, courir est déjà nouveau, mais dans ce cadre c’est irréaliste. Regardant Momo, je lui lance une de ces fameuses expressions qu’il pourra surement comprendre, avant de retirer mes chaussures et partir tout excité vers la mer, se baigner en cette saison c’est totalement fou et je ne souhaite pas tomber malade, mais s’en approcher ce n'est pas dangereux. Laissant seulement mes pieds s’enfoncer dans le sol mou en évitant les vagues qui s’échouent sur le bord. « Haha, dommage qu’on ne soit pas en été ! »

TENUE ═ La mer me fait ce même effet que les tableaux dans les musées. C'est beau, coloré, mais ça paraît inaccessible à la fois. Pourtant je peux me rapprocher du sable, sentir mes chaussures s'enfoncer, l'air frais caresser mon visage, l'odeur de la mer titiller mes narines et les embruns me piquer les yeux. Ce n'est pas un simple tableau de peinture, encadré entre des blanches dorées. Non, c'est réel. L'odeur, le bruit, la sensation, tout est réel. Kellian sort à son tour de la voiture, se plantant devant ce décor pour l'admirer à son tour, avant que nos iris ne se croisent. J'ignore pourquoi j'ai porté mon regard sur lui, ni si j'ai vraiment compris le sens de cette lueur dans ses pupilles. Le brun a retiré ses chaussures et filé vers l'eau, courant sans perdre son équilibre. Hésitant, j'ai lancé un nouveau coup d'oeil vers l'horizon, puis vers l'herbe à mes pieds. D'un simple geste, j'ai retiré mes chaussures et mes chaussettes, plantant mes orteils dans le sable froid. Un frisson est vite remonté de mes jambes jusqu'à ma nuque, dressant mes cheveux sur ma tête. C'est froid ! Sans réfléchir davantage, j'ai couru moi aussi dans le sol mou et me suis précipité vers l'eau, m'arrêtant dès que le liquide gelé est entré en contact avec mes doigts de pied. « Putain ! C'est glacé ! » Me suis-je écrié en sautillant sur place, d'un pied à l'autre. Finalement, je me suis planté dans le sable humide, laissant les vagues chatouiller la peau de mes chevilles. « Faudrait revenir en été. » Tout simplement, parce que je ne compte pas plonger avec ces températures de saison. Retirant mes guibolles du sable, j'ai reculé vers une zone sèche où j'ai posé mes fesses, les jambes pliées et les bras déposés dessus. Nous sommes bien là, malgré qu'il ne fasse pas bien chaud. « Et si on ne rentrait jamais à Tokyo ? » Dis-je sérieusement, avec une mine tellement neutre qu'on pourrait croire que je le pense vraiment. Pourtant je pouffe, me laissant tomber dans le sable, les bras et les jambes écartés. Les yeux rivés sur le ciel, je regarde celui-ci changer doucement de couleur, s'assombrissant de plus en plus à mesure que le soleil disparaisse.

TENUE ═ J’ai vu quelques fois la mer par le passé, mais je n’ai jamais pu m’amuser comme tout le monde, je pouvais tremper mes pieds ou nager un peu en ayant pied, mais faire de longues baignades ou courir pieds nus sur le sable je n’ai jamais connu ce sentiment, jusqu’à aujourd’hui en tout cas. Certes les grains ne sont pas chauds et le temps n’est pas non plus propice pour une brasse, mais rien que d’être ici me revigore entièrement, j’ai l’impression de ressentir ce sentiment de liberté simplement en ayant les yeux rivés vers l’horizon. Je ris en entendant la remarque de Momo lorsqu’il m’a rejoint. « À quoi tu t’attendais ! » Me moquais-je un peu en continuant de rire. Revenir en été. « Bonne idée ! » Je serais entièrement partant s’il me le propose, maintenant que je peux faire des projets, c’est cool, bien qu’on ignore ce qui peut se passer durant les prochains mois, surtout que je suis encore en sursis, ça sera toujours ainsi, même avec un nouveau cœur, ce dernier pourrait me rejeter n’importe quand, c’est les risques. Seulement je ne vis pas en pensant à ce genre de choses. Je profite simplement et pleinement. Encore les pieds dans l’eau, je jette un œil derrière moi pour voir Momo assis sur le sable, m’approchant de lui pour le rejoindre, me jetant au sol. « Idiot » Je lui fous une tape avant de rire, si on ne rentrait jamais j’en connais qui viendraient nous chercher où qu’on soit, puis si encore j’étais sa meuf je trouverais presque cette demande romantique et adorable, mais là, c’était pas du tout crédible malgré son faux sérieux. M’allongeant sur le dos, je regarde aussi le ciel en silence, laissant le ce dernier changer de couleur. « On dort sur le sable cette nuit ? » Plaisantais-je, bien que cela ne me dérangeai pas, on risque de mourir de froid.

TENUE ═ à quoi est-ce que je m'attendais ? Clairement pas à ce que ce soit chaud ou agréable, mais là c'est carrément glacé comme ces lacs en Alaska où tu peux marcher dessus tellement la glace est épaisse. Malgré tout, je ne bouge pas de là, laissant l'eau me chatouiller froidement les pieds restés plantés dans le sable frais. ça fait du bien, même si ce n'est ni chaud, ni confortable. Revenir en été. Je ne sais pas si d'ici là où nous repenserons à cela d'une manière positive, ni si je serais toujours pote avec lui. Une vague de pensée m'obstrue l'esprit tandis que j'observe l'horizon coloré au loin. Nous ne pouvons pas savoir ce qui arrivera dans les prochains mois, ni les prochaines années. J'ai l'étrange certitude que je serais toujours là, à errer sur cette terre à la recherche d'un nouveau but à accomplir. Peut-être que j'aurai trouvé les coupables de la mort de mon père, qu'ils seront derrière les barreaux et que le sens de ma vie prendra fin à ce moment-là. Soufflant, je quitte le bord pour aller m'échouer sur le sable, les fesses en première. Je n'aime pas penser au futur, ni à ce qu'il pourrait arriver demain. Idiot ? Kellian me donne une tape à mes paroles, mais je ne fais que lui lancer un simple regard, avant de sentir le coin de mes lèvres s'étirer. Hm, Tora et Saru auraient vite fait de venir me chercher par la peau du cou, sûrement que le petit frère de Kellian en ferait autant avec lui. Allongé sur le sol granuleux, regardant le ciel changeant, je soupire à nouveau en croisant mes bras sous ma tête. « Pourquoi pas ? » ça ne me paraît pas si fou de dormir ici, à cette place. Fermant les paupières, je profite de la brise fraîche pour respirer un bon coup. « Ce n'est pas si mal ici. » Je me sens bien, bizarrement bien. à Tokyo, j'étouffe souvent en ce moment, mais pas dans cet endroit. « Je suis bien là. » Pour une fois que je peux être positif et dire un truc gentil, sans blesser personne.

TENUE ═ Même si l’eau est froide, si le temps est frais, le simple fait d’être ici est agréable. Il en faut parfois peu pour être heureux, je pense sincèrement que chaque moment qu’on vit doit être profité à fond et c’est ce que je fais, même à cet instant en ayant mes pieds dans ce froid qui me donne des frissons dans tout le corps. On ignore de quoi sera fait demain, mais avoir des projets, même évasif donne cette impression de promesse invisible, même si je ne sais pas si je serais encore proche de Momo cet été, je veux y croire, parce que les situations viennent de nos choix et je sais que je ne voudrais pas m’éloigner du garçon sans une bonne raison. Les heures et les jours passent vite, l’été sera là avant qu’on en ait pleinement conscience. Le voyant allongé sur le sable, je le rejoins en émettant l’idée de dormir ici, a la belle étoile. « Tu risques de tomber malade. » Moi aussi accessoirement, mais d’un autre côté le simple fait de l’entendre dire qu’il est bien me fait sourire et je regarde le ciel en fermant les yeux également, le froid en est même supportable. « Bien. Dormons ici alors ! » M’exprimais-je sans ouvrir les yeux, levant seulement les deux bras vers le ciel en m’étirant et riant un peu. Je ne sais pas si on a pris une couverture dans la voiture, mais je me redresse pour aller chercher une veste, j’ai une santé fragile et je ne veux pas ruiner nos vacances en tombant mal dès le premier jour. « Tu veux quelque chose ? » Vu que j’y suis. Je prends aussi les gâteaux qui reste et les boissons qu’on a achetées tout le long de nos arrêts sur la route, de quoi ne manquer de rien en attendant de voir si on dormira vraiment ici ou si on finira par se réfugier dans le véhicule ou ailleurs. Il doit aussi y avoir des restaurants pas loin, mais il n’est pas si tard encore, on peut trainer un peu.

TENUE ═ Qu'importe les promesses, je ne vis pas pour elles. Je vis pour moi, seulement pour moi. Si je dis qu'on pourrait revenir ici l'été prochain, ce n'est pas pour parler dans le vide mais bien pour le faire. Certes, j'ignore où nous serons demain et c'est la première fois que je prévois si loin, mais je m'en fou. Kellian n'est pas comme moi, il a sûrement plus de rêve en tête que je ne pourrais en avoir durant toute une vie. Dormir sur la plage, ça semble être une sacrément belle aventure. ça me tente. Je suis partant pour passer le restant de notre journée et de la nuit allongé ici, à mater les étoiles et sentir l'air marin caresser notre peau à découverte. Tomber malade ? Il croit vraiment que je me soucis d'une telle chose ? « M'en fou. » Même s'il doit s'en douter. Les paupières closes, je peux entendre les vagues mourir sur le bord de plage, les insectes chanter ou les mouettes s'en aller. C'est agréable. Je ne pensais pas autant aimer un endroit, surtout dans ce genre-là, sauvage et au beau milieu de la nature. à ses mots, j'ai ouvert les yeux pour tourner ma tête dans sa direction et le voir lever les bras, heureux. J'ai souris. Le coin de mes lèvres s'est légèrement étiré, en silence. Quand il s'est redressé, j'ai aussitôt ramené mon visage face au ciel, soufflant légèrement. J'ai froid, mine de rien. « Une vodka ? » Plaisantais-je, me redressant assis dans le sable. J'ai des grains partout sur mes vêtements, mais ça me passe tellement au-dessus de la tête. Le voyant revenir avec nos provisions, j'attends qu'il dépose tout sur le sol pour chiper une bouteille de coca et l'ouvrir, buvant plusieurs gorgées. Cela fait, j'attrape un sachet de biscuit sec, piochant une bonne poignée dedans avant de le tendre vers Kellian. « Tu crois qu'il y a des boites à Hachinohe ? » Des boîtes de nuit, hein. ça me manque cette ambiance électrique, le brouhaha des enceintes quand la musique est trop forte, les gens qui dansent et se ridiculisent. Rien à voir avec l'atmosphère de cette plage, les pieds dans le sable froid.

TENUE ═ Je ne vis pas non plus pour des promesses, mais je trouve ça bien d’en faire des réalisables, celle qu’on veux vraiment tenir, surtout que c’est juste le « sentiment » d’en faire une que je trouve intéressant, jusque-là je n’ai jamais fait une telle chose, ne sachant pas quand j’allais mourir, mais ayant une idée de la fin du voyage je ne pouvais promettre d’avoir mon diplôme avec mes amis, de partir en voyage scolaire, d’aller ici et là, de faire ci et ça, c’était au-dessus de mes capacités, ne voulant jamais laisser espéré une chose qu’il me serait impossible à réaliser. On est bien ici, mais on risque de tomber bêtement malade avec nos idées, on est jeune et faut savoir profiter, mais je suis aussi prudent concernant ma santé, je sais que c’est ce qu’il y a de plus important sur terre, choisissant donc de quand même enfiler une veste plus chaude en retournant à la voiture, prenant au passage tout ce qu’on pourrait manger et boire sur le sable, faisait un petit pique-nique improvisé. « T’as du coca, ça se ressemble. » Vodka, coca... hein. Seul la couleur change. Je ris en le taquinant, reprenant place à côté de lui, chopant une brioche dans son papier, le faisant pété entre mes mains comme une gosse en aplatissant un peu le moelleux avant de croquer dedans, ah c’est bon. Je lui lance un regard suspicieux quand il me parle des boîtes de nuit, moi qui pensais qu’il souhaitait rester ici et au calme, je suis un peu déçu. « Tu comptes aller t’amuser, boire et fumer ? » Oui, je le provoque un peu sur ces vices, gobant ma brioche en me retrouvant avec les joues rondes tel un hamster. Ce n’est pas le genre d’endroit que je fréquente, sauf lorsque je cherche Momo, la seule fois où j’y suis allé il m’a tapé dessus haha. Mais bon, j’imagine que ce serait diffèrent cette fois, on pourra toujours aller voir ou demander aux habitants où en trouver une s’il y tient vraiment.

TENUE ═ Je n'ai jamais compris -et je ne comprends toujours pas- pourquoi Kellian n'a jamais voulu faire des plans avant de mourir. De quoi avait-il peur ? De le regretter ? Il serait mort de toute façon. Que les gens en souffre ? Si ce n'est pas réalisé, quelle importance. Mine de rien, je m'interroge pas mal sur sa façon de voir les choses, de raisonner ou d'être, tout simplement. J'ai toujours eu la chance d'être libre, de n'avoir aucune épée de Damoclès sur la tête et de pouvoir prévoir des choses sans me dire qu'elles ne sont pas réalisables. Donc, je ne peux pas comprendre Kellian. Je n'ai pas peur de tomber malade, au pire on pourra s'arrêter à une pharmacie acheter des médicaments contre le rhume. De toute façon, je tombe difficile malade. Kellian s'est relevé pour prendre une veste, ramenant de quoi se rassasier. « T'as de la merde dans les yeux ? » Fis-je, la bouteille de coca dans les mains. « Tu as déjà bu de la vodka ? Je suis sûr que tu n'en as jamais vu de ta vie. » Ne serait-ce que le liquide translucide mais brûlant, avec cette forte odeur qui pique le nez. Puis, ça ne pétille pas la vodka, le coca oui. Faudrait lui apprendre certaines choses à cet inculte. En grignotant des biscuits secs, je parle de boîte de nuit comme si j'allais partir m'amuser à la seconde où il m'aurait fourni une réponse favorable. Sauf qu'il joue avec les mots et que je lui lance un regard suffisamment sombre. « Et baiser de la meuf. Merdeux. » Qu'est-ce qu'il croit ? J'attrape une poignée de sable et lui lance dessus. « Je t'aurai appris la vie. » En buvant un verre de vodka, par exemple. Il peut désormais, son coeur ne va le lâcher en route. Enfin, celui de mon père. La première fois, il ne me cherchait pas, donc bon. « J'ai changé d'avis. Allons à Hachinohe pour la nuit. » Pas du tout lunatique sur les bords. J'aime juste faire chier mon monde, en commençant par cet insouciant de malade. Et franchement, je préfère dormir dans un lit au chaud plutôt que sur le sable au beau milieu de l'hiver.

TENUE ═ Je n’ai jamais agi en pensant aux regrets. C’est un sentiment que j’ai proscrit toute ma vie, d’ailleurs la première fois où j’en ai fait l’expérience c’est après son « attaque », quand j’ai regretté de l’avoir rencontré, vouloir être son ami, avoir eu confiance en lui et pourtant aujourd’hui si je ne l’avais pas fait on ne serait pas là, ce regret est devenu une bénédiction finalement. Seulement mon plus grand souhait n’était pas de marquer l’histoire avant de mourir, mais de pouvoir seulement laisser une image positive à ceux qui m’ont connu, une force aussi, sans pour autant qu’il soit triste. Ne pas faire de promesse, ne pas les manquer, ne pas les faire espérer ou encore ne pas m’attacher était un cadeau que je leur faisait à tous. Plus généreux qu’égoïste je ne m’occupais pas réellement de ce que je voulais sans penser aux conséquences, mais ça ne m’a pas empêché de vivre heureux toutes ses années et de rester moi-même malgré tout. Il dit qu’il veut de la vodka et je fais la comparaison avec le coca, ce qui semble pas être le cas. « Juste un peu de sable surement. » Je ris un peu, plaisantant simplement. « Je sais ce que c’est, mais non, je n’en ai jamais bu. » Avouais-je sans surprise. Aller en boîte n’était pas dans mes plans, mais si Momo veut y aller je ne vais pas rester seul ici, on fait se voyage ensemble, se séparer n’aurait aucun sens. Je ris quand il répond à ma provocation en me lançant du sable dessus. « Je croyais que ça t’intéressait pas. » Jouant encore sur les mots, je garde le sourire. « Devrais-je t’appeler Momo sensei ? » Traçant des lignes dans le sable pour m’amuser, on pourrait faire un dessin qu’il pourrait tenir un moment avec ce froid. « Quel indécis. » Me levant je reprends toutes nos réserves pour les reposer dans la voiture, on n'est pas loin du centre-ville j’imagine. « Je dirais pas non à un bain, pas toi ? » après une journée à conduire ça me détendrait.

TENUE ═ Si Kellian serait vraiment mort, il m'aurait plutôt laissé une image médiocre. Nous n'étions pas en bon terme à ce moment-là, même si notre lien est instable, il est quelque peu mieux qu'avant. S'il devait mourir maintenant, j'ignore ce que je pourrais penser de lui, si je garderai une image positive ou pas. De toute évidence, il ne compte pas clamser de si tôt. Kellian a vécu dans l'idée qu'il ne voulait rien laisser de regrettable derrière lui, mais à présent qu'il peut vivre pleinement sa vie, qu'a-t-il bien pu marquer chez les gens qu'il a connu jusqu'à aujourd'hui ? Certes, il peut rattraper le temps perdu et promettre des choses qu'il n'aurait jamais pu promettre par le passé. M'enfin bref, ce ne sont pas non plus mes affaires. Il n'a qu'à faire ce qu'il souhaite. « C'est ton cerveau qui est plein de sable. » Rétorquais-je. Bon, je m'en doutais qu'il n'avait jamais goûté à la vodka et il ferait mieux de tenter le coup s'il ne veut pas mourir bête. à sa provocation, je l'attaque avec du sable, avant d'être sarcastique. « Avant, peut-être. » ça ne m'intéresse vraiment pas, mais faut que je sois contradictoire pour garder la face. « Momo-sama. » Je le corrige, bombant le torse comme si je me prenais pour un dieu vivant. Indécis ? Je hausse des épaules, l'air de dire que je m'en fou. Il critique, mais c'est le premier à se lever et ranger les affaires. « Mouton. » Il me suit, quoi que je dise ou quoi que je veuille, il me suit. « Mouais, c'est une idée. » De prendre un bon bain chaud. Remontant dans la voiture, je me cale confortablement dans mon siège en attendant qu'il grimpe de son côté. Faudrait voir quel genre d'hôtel on va prendre, doit y en avoir de toute sorte, pour toute les classes. Au passage, j'enclenche le chauffage dès qu'il allume le moteur, ayant ressenti le froid hivernal trop longtemps sur le bord de plage. J'en ai d'ailleurs gardé du sable sur moi, même après avoir secoué mes pieds et renfilé mes chaussures.

TENUE ═ Je ne regrette pas d’avoir jamais touché à l’alcool, j’ignore même comment je pourrais me comporter si j’en consomme, ce qui pourrait être marrant à voir, surement. En tout cas jusque-là je m’en suis passé sans que ça me manque, mais maintenant que j’ai le droit j’imagine que je pourrais y gouter sans risque, je ne sais pas encore. Provoquant Momiji je reçois du sable et ris de bon cœur, je croyais que les filles ne l’intéressaient pas ce que je lui fais part. « Hum, je vois. » Il est assez grand aussi pour faire ce qu’il veut et ça me paraît plus normal qu’il s’y intéresse que l’inverse honnêtement. « Momo sensei c’est mieux. » J’insiste en le regardant au bord du rire. « Tu risques de prendre la grosse tête sinon. » Je fais ça pour son bien hein, c’est évident. il veut partir, je ne vois pas pourquoi je vais le forcer à rester malgré son surnom peu aimable, je souris en haussant les épaules. Habitué à ce genre de chose de sa part. « Tu préfères que je te tienne tête bêtement ? » Il aurait voulu que je lui dise de rester ? Des fois je ne comprends pas vraiment ce qu’il cherche ou ce qu’il veut, mais je m’en fiche, marchant vers la voiture avec nos affaires, je pense déjà au bain que je vais prendre une fois qu’on aura trouvé un endroit où se poser. « Une bonne idée. » Je le corrige à mon tour en m’essuyant les pieds pour remettre mes chaussures, une fois avoir tout posé sur la banquette arrière. Je remonte et allume le moteur, le laissant chauffer profitant aussi de la chaleur qui doucement remplis le véhicule. Je démarre enfin, reculant pour retourner sur la route et me diriger vers le centre-ville. « Dis-moi si tu vois un hôtel. » Même si je regarde aussi de mon côté, autant se partager chacun un trottoir, je dois garder les yeux sur la route, ralentissant malgré tout pour ne pas trop me précipiter et louper une enseigne qui pourrait nous intéresser.

TENUE ═ Il peut être sûr qu'en traînant avec moi, il touchera tôt ou tard à l'alcool, même si ce n'est qu'une goutte. Je me réserve le droit de lui faire goûter, juste pour voir sa réaction quand l'effet désagréable brûlera sa gorge. Pour ce qui est des filles, je ne m'en inquiète pas. Je ne ressens pas encore l'envie, ni le besoin, de coucher avec l'une d'entre elles. Qui sait, je me garde sûrement pour la bonne personne ou pour l'instant où je serais ouvert à cette éventualité d'avoir des relations. Momo sensei. « Prendre la grosse tête avec toi ? ça ne risque pas. » Je ne me sentirais pas assez fier de moi pour ça, quoi que. En sachant qu'il ne connaît rien à la vie d'un jeune de notre époque, ça pourrait peut-être gonfler mon égo. « C'est ce que tu as fait jusqu'à présent, non ? Donc continue à être bête. » Fis-je, venant tapoter son épaule de manière faussement compatissante. Il n'a jamais voulu s'écraser face à moi, pourquoi maintenant il est docile ? Bah, je m'en fiche. Je ne vais pas le buter pour ça, ni pour rien d'autre d'ailleurs. Retournant à la voiture, j'ai finalement changé d'avis pour trouver une chambre d'hôtel et rester au chaud. Une bonne idée. Je roule des yeux, sans rien ajouter. S'il veut, c'est une super bonne idée d'aller prendre un bain. Le moteur allumé, nous reprenons la route pour nous diriger vers le centre-ville, observant l'extérieur à travers ma vitre. Hochant la tête, je garde mes yeux dehors, voyant une première enseigne miteuse passée sous mon nez. Aucun intérêt à dormir là-dedans, je fais genre de n'avoir rien vu. « Y a-t-il seulement un trois étoiles dans cet endroit ? » Je ne m'attends pas à du luxe non plus, mais un minimum abordable. J'ai vécu vingt ans de ma vie dans une villa pour riche, même si j'ai déjà pioncé dans des endroits moins accueillant. « Là, à ta droite. » Heureusement, une seconde enseigne m'interpelle, avec un large parking pour garer la voiture et plusieurs étages supplémentaires comparé à celui croisé plus tôt.

TENUE ═ Momo n'est clairement pas la meilleure fréquentation pour rester « clean » enfin dans le sens où il boit, fume, sort, avant il faisait bien pire et en trainant avec je serais surement aussi susceptible de fréquenter les mêmes endroits que lui, mais ce n’est pas à cause d’une raison pareil que je vais le fuir ou lui tourner le dos, si de base je n’avais pas envie d’être avec lui je ne serais pas là. Je reste sur ma position en refusant de l’appeler Momo sama pour l’empêcher d’avoir la grosse, mais apparemment je n’ai pas besoin de m’inquiéter. « Tu me fais une scène parce que j’accepte d’aller dans un hôtel plutôt que rester sur la plage ? » Je le comprends pas, je ne suis pas un mouton et je ne me suis pas spécialement levé non plus pour lui faire plaisir, mais ce n'est pas grave, je hausse les épaules, même être bête à ses yeux ne me dérange pas, c’est surement le mieux que je puisse être. Reprenant la voiture donc pour chercher un lieu où dormir, regardant si je vois quelque chose, c’est Momo qui après quelques minutes semble avoir trouvé. Prenant donc à droite pour arriver sur le parking, ça semble un endroit assez tranquille et surtout il y a des places libres, ce qui est surement le plus grand problème lorsqu’on arrive de nuit. Arrêtant le moteur après m’être garé devant l’hôtel, je sors de la voiture, prenant nos affaires pour attendre Momo et nous diriger vers le hall d’accueil. Poussant la porte, j’observe les lieux par curiosité surtout, je ne suis pas difficile tant que l’endroit est un minimum propre et bien entretenu ça me suffit. Demandant une chambre, pas besoin d’en prendre deux, ce serait ennuyant de se séparer, tant pis si les gens nous regardent d’un œil suspect, je ne fais pas attention à ces choses-là, bien trop « innocent ». « Tu veux prendre la douche en premier ou j’y vais ? »

TENUE ═ Je déteste quand les gens ne vont pas dans mon sens, ça me fout toujours les nerfs qu'ils ne soient pas du même avis que moi ou qu'ils ne me suivent pas. Avec les autres, c'est souvent source de conflit et de bagarre. Pourtant je fais clairement chier Kellian avec le fait qu'il soit d'accord avec moi et dise amen à mes petits caprices. Incompréhensible, vous dites ? C'est automatique avec lui, faut toujours que je sens à contre sens. Haussant les épaules à mon tour, ce n'est pas tant cela qui me dérange. Hôtel ou plage, au final je m'en fou. « Non, j'aime juste quand tu n'es pas du même avis que moi. » Dis-je de manière provocante, un sourire en coin. Voilà, j'aime seulement quand nous sommes en désaccord, plutôt qu'il approuve la moindre chose que je dis ou désire. Reprenant la voiture, nous nous dirigeons dans le centre ville de Hachinohe, là où nous trouverons un hôtel pour la nuit. Tandis que Kellian s'occupe de conduire et d'avoir les yeux le plus possible sur la route, moi je cherche un bâtiment qui me plairait. Le premier ne m'intéresse pas, mais le second oui. Indiquant où tourner, j'attends que le véhicule soit garé pour défaire ma ceinture. Prenant mes affaires, je suis l'autre garçon à l'intérieur du bâtiment, le laissant prendre une chambre pour nous deux. Comme lui, je m'en fiche des regards ou de partager une pièce avec lui pour la nuit. « Je crois qu'ils ont des bains communs. » Je lui montre un petit panneau dans le hall indiquant qu'il y a des bains -sources chaudes- dans l'établissement. « à moins que tu veuilles te doucher en solo dans la chambre. » Qu'il passe en premier ou après moi n'est pas important, je le laisse choisir même pour cela. Prenant les escaliers, directement notre chambre pour déposer nos affaires et avoir les bras libres. On pourrait aussi manger dans la chambre ou au restaurant de l'hôtel, c'est comme il voudra. Dans les deux cas, ça me convient amplement. Je ne suis pas si difficile en vérité, du moins une fois qu'on me connait et me supporte un minimum. Entrant dans la chambre, je vois qu'il n'y a qu'un grand lit deux places et soupire. « Merde, ils ne connaissent pas les lits une place ? » Me plaignais-je, balançant mon sac sur le lit. J'ai une impression de déjà vu, mais peut-être n'est-ce que moi.

TENUE ═ Je ne compte pas être en désaccord avec lui seulement lorsqu’il veut que je le sois, si je le suis c’est parce que je pense différemment ce qui en soit à cet instant n’était pas le cas. « Tant pis, cette fois je suis d’accord. » Lui tirant la langue on est parti vers la ville pour trouver l’hôtel où dormir, une fois fait on prend nos affaires pour se rendre à l’accueil, prenant une chambre je lui demande s’il souhaite se laver avant moi ou non, vu que je m’en fiche ça ne me dérange pas de le laisser passer avant moi, sauf que Momo remarque un panneau annonçant qu’il y a des sources chaudes. « Si je dis que je veux y aller, tu vas opter pour la douche solitaire ? » Je le taquine par rapport à ce qu’il m’a dit plus tôt sur le fait qu’il aimait qu’on soit en contradiction tous les deux. « Mais je veux vraiment y aller. » Me doucher dans cette source chaude de l’hôtel... Je n’ai jamais été dans ce genre d’endroit, me déshabiller devant les autres ne me dérange pas, malgré mes cicatrices je ne suis pas pudique, mais je n’en ai jamais eu l’occasion. Montant d’abord jusqu’à notre chambre pour déposer les affaires, j’admire un peu les lieux, découvrant ce qu’il propose comme service, regardant la vue sur la ville, puis me retourne vers Momo, regardant le lit dont il se plaint. Ça me fait penser à notre voyage à la campagne et je ricane doucement en souvenir de cette époque où nous n’étions encore que des inconnus. Du moins, on n’avait eu que quelques rencontres sans savoir réellement qui a été ni ce qui allait se passer entre nous. « Ne t’inquiète pas, je ne bouge presque pas quand je dors. » Plaisantais-je en me moquant de lui avant de prendre une serviette dans la salle de bain, il les laisse a disposition autant en profiter. « Allons nous laver ! » Je suis impatient de me rendre aux sources, ça doit se sentir.

TENUE ═ C'est rare que nous soyons d'accord, même si ce n'est pas la première fois. J'aime bien en contradiction avec lui et me chipoter pour rien, je ne peux pas m'en empêcher. Haussant les épaules, j'accepte finalement le fait que l'on soit sur la même longueur d'onde, pour cette fois. Arrivé à l'hôtel, notre clé de chambre en poche, il propose de se doucher tandis qu'on se dirige vers les escaliers mais au dernier moment, je lui montre un panneau intéressant. Je suis sûr que ça pourrait lui plaire, ne sachant pas s'il a déjà pu profiter des sources chaudes. « En effet. » Rétorquais-je. « Mais si je dis que je vais me prendre une douche en solitaire pendant que tu profites des sources chaudes, je ne serais pas d'accord avec ça. » C'est compliqué, très complexe. Je pourrais très bien lui dire que, puisqu'il choisit l'un et moi l'autre, je vais vouloir la même chose que lui pour parer son premier jugement. Bref, j'ai fait mon choix. « J'ai envie d'y aller aussi. » Juste pour cette fois. Continuant notre route, à peine à l'intérieur de la chambre que je râle déjà pour le lit double. Merde, ils se foutent de la gueule de qui avec leur système à la con ? J'ai l'impression de partir en lune de miel avec Kellian. Il ne bouge presque pas en dormant ? « Moi, si. » Et je ne promets pas de rester tranquille dans mon coin, un coup est si vite parti. Prenant aussi une serviette dans la salle de bain, je la dépose autour de ma nuque et me place déjà devant la porte, l'ouvrant pour en sortir. « J'espère qu'il n'y aura pas trop de monde. » Je déteste quand il y a trop d'homme dans les bains communs ou dans les sources chaudes, c'est invivable. Kellian aura bien compris que je suis chiant, exigeant et très chiant. « Bouge-toi. » Le pressais-je, attendant qu'il quitte la chambre pour refermer la porte derrière nous. La clé dans la poche, je retourne dans le hall de l'hôtel, là où il y avait le panneau pour suivre la direction, n'attendant pas vraiment Kellian. De toute façon, je sais qu'il me suit puisque l'on va dans la même direction.

TENUE ═ Momo me fait rire. Il pourrait surement en agacer plus d’un et les personnes normales le trouveraient chiant et insupportable, pourtant je vois à travers toutes ses choses et malgré tout ce petit jeu suis amusant, qu’il me contredise, qu’on soit en désaccord, qu’on se cherche sans cesse, ça me plaît aussi. Certes je n’irais pas jusqu’à faire semblant de l’être pour l’emmerder, mais même lui, au final il rend la déduction compliquée pour en arriver au même point... Nous irons ensemble aux sources chaudes. « Bien, tant mieux ! » Tapotant son épaule, on est arrivé donc à cette conclusion, riant naturellement en prenant le chemin de la chambre. Bien sûr il râle à peine arrivé et je ne peux pas m’empêcher de me moquer de lui. « Tu as de la chance, il y quelque mois dormir avec moi aurait été plus compliqué. » Je faisais souvent des crises la nuit, je dormais mal, transpiré etc. Ça va mieux aujourd’hui, depuis mon opération. « Utilise-moi pour cobaye, si je ressors avec plein de bleue demain tu sauras qu’il faudra éviter de dormir avec quelqu’un à l’avenir. » Ricanais-je. C’est amusant de l’embêter, même si j’espère ne pas me faire frapper pour autant, je ne suis pas si maso. Serviette en main je le suis, sortant de la chambre en le laissant fermer, puis je le suis vers notre destination, ça ne me dérange pas qu’il y ait du monde, mais j’espère aussi que ce ne sera pas non plus blindé. Arrivant dans les vestiaires on doit se déshabiller, apparemment il n’y a pas grand monde, tant mieux, le souhait de Momo s’est réalisé. Retirant mes chaussures, j’enlève mon pull le pliant dans un des casiers, tant pis si mes cicatrices sont visibles, surtout la plus récente, elle est encore fraiche et on peut bien voir la croix sur mon cœur prouvant la greffe. Enlevant mon pantalon et mon sous-vêtement, je passe la serviette autour de ma taille, c’est comme ça qu’on fait non ? Je regarde Momo pour être sûr, n’ayant jamais fréquenté ce genre d’endroit...

TENUE ═ Ce serait trop facile si nous étions toujours d'accord sans se compliquer un peu la vie à travers des suppositions tordues. Je tourne autour du pot pour revenir au même point, participant finalement au bain commun. Quant à la chambre, je m'en plains mais c'est sûrement mieux que rien. Nous avons un lit, c'est pas mal. J'aurai préféré avoir un matelas pour moi tout seul, mais comme disait mon père, on n'a pas toujours ce que l'on veut dans la vie. « Quoi ? Tu as des érections matinales ? » Je me moque de lui, disant un truc complètement à côté de la plaque. Je ne suis pas censé savoir qu'il faisait des crises la nuit, puisque je n'ai jamais dormi avec lui durant l'un de ces moments délicats. Un cobaye ? Je ris, le pointant du doigt. « Je m'en fou un peu que tu sois couvert de bleu. » Lui ou un autre, ce n'est pas mon problème si ils se blessent à vouloir partager le même lit que moi. « Puis je ne compte pas partager à nouveau mon lit plus tard. » Avec qui que ce soit, même pas avec Tora ou Saru. La serviette à la main, je sors de la chambre en bougeant Kellian, fermant derrière lui. ça nous prend même pas deux minutes pour trouver les bains et entrer dans les vestiaires, y trouvant peu de monde. Merci bien, je déteste qu'on m'observe dans ce genre de moment, sans être pudique. Quittant mon pull, je le balance en boule dans l'un des casiers, faisant pareil pour le reste de mes vêtements. Quant à la serviette, je la jette par dessus mon épaule, complètement décontracté. « Tu me fais penser à une grille de morpion. » Dis-je, m'amusant à tracer un rond au niveau de sa cicatrice sur son torse. Riant légèrement à ma mauvaise blague, je me dirige vers la porte pour l'ouvrir et tomber directement sur le bassin fumant. Là encore, je n'attends pas après lui pour entrer dans la flotte et m'asseoir contre le rebord, soupirant d'aise.

TENUE ═ Je le juge du regard a sa réponse. « T’as des idées perverses en fait. » Je n’aurais pas pensé à ça moi... Mais ça me fait rire un peu avant de hausser les épaules. « Je faisais des crises la nuit, mais depuis la greffe je peux dormir tranquille. » Donc il n’a pas à s’en faire, je ne le dérangerais pas durant son sommeil. « De quoi tu ne te fous pas, ce serait surtout ça la question. » Je me moque de lui. « Tu seras bien obligé un jour ou l’autre. » Lorsqu’il sortira avec une fille il compte la faire dormir par terre ? Cette pensée me fait rire alors qu’on sort de la chambre pour rejoindre les sources chaudes de l’hôtel. Arrivé dans le vestiaire je me déshabille entièrement, tout comme Momo, il n’y a pas grand monde donc c’est agréable et assez calme, je trouve ça intéressant comme concept, dommage que je n’y suis pas allé avant. Je le regarde et en l’écoutant je reste une seconde sans voix, le laissant s’amuser sur ma cicatrice, pouffant finalement. « T’es con. » Dis-je en riant un peu plus, secouant lentement la tête, je vous jure. « Tu veux faire une partie ? » Plaisantais-je à mon tour, je risque de voir ma cicatrice d’une façon différente maintenant... Je rentre dans le bain, sentant la chaleur ça fait un bien fou, me laissant glisser sur le rebord pour m’asseoir dans l’eau. « C’est agréable. » La tête posée en arrière et les yeux fermés je reste simplement comme ça à profiter de ce moment que je découvre. « Tu es déjà allé dans ce genre de bain ? » Je ne lui ai pas demandé plus tôt, je sais qu’il y a de nombreux onsen, mais je n’ai jamais pensé à mettre les pieds dans ces sources thermales, j’irais surement plus souvent à l’avenir.

TENUE ═ Des idées perverses ? Pas plus que ça, enfin normalement je dis des conneries pour plaisanter mais ce n'est pas sérieux. Kellian me dit la véritable raison et j'hoche lentement la tête, sans rien répondre derrière. La dernière fois qu'on a partagé notre chambre, je n'ai pas dû assister à l'une de ses crises, mais c'est déjà arrivé en pleine journée, à plusieurs reprises. De quoi je ne me fous pas ? Bonne question. Il est vrai que je m'en fou un peu tout et de tout le monde, sauf mes meilleurs amis et inconsciemment ma famille. « Pourquoi tu dis ça ? » Que je serais bien obligé un jour ou l'autre. Rien ne m'oblige à dormir seul ou avec quelqu'un. Je suis très loin de l'idée qu'il se fait à propos de la copine, ce genre de truc. Autant passer à autre chose et se rendre au bain, n'ayant aucune honte de me foutre à poil. De toute façon, y a personne dans le vestiaire et pour le peu qu'il y a dans les bains. La cicatrice sur son torse me fait penser à un truc complètement débile, mais ça le don de le faire pouffer. Con ? « Déconne pas trop. » Répondis-je, pour la partie. Maintenant, il pourra juger ses cicatrices différemment, perso, elles ne me dérangent pas. La chaleur du bain m'arrache un soupir d'aise, tandis que je me laisse couler dans l'eau jusqu'à la poitrine. « Hm. » J'acquiesce, c'est très agréable. Appuyé contre le bord, je laisse mes yeux voyager sur le plafond, même si c'est très peu intéressant. « Yep, plusieurs fois. Avec Tora et Saru. » Il y a pas mal de bain publique à Tokyo, de toute sorte, un peu n'importe où dans la ville ou dans les alentours. « Tora a tendance à faire la bombe et à vouloir noyer son frère. » Rien que d'y penser, je souris. Ils font vraiment une bonne paire, tous les deux. J'en viendrais presque à me dire qu'ils me manquent, si loin de chez nous. « Je suppose que c'est ta première fois ? » Demandais-je, tournant ma tête et mon regard vers lui. « Faudrait franchement que tu me dises ce que tu as déjà fait dans ta vie. » Parce qu'elle semble bien triste quand j'y songe un minimum. Triste dans le sens où il n'a jamais vécu ou essayé ce que j'ai déjà vu et revu durant des années.

TENUE ═ Je ne sais même pas de quoi je parle, la perversité et moi suis deux opposés, certes lorsque je ne pouvais rien faire j’étais curieux sur certaines choses en entendant parler les autres, mais je n’ai jamais cherché à savoir, en apprenant la médecine je sais bien sûr beaucoup de choses sur le corps humain, la reproduction, les choses en rapport avec les maladies sexuellement transmissibles et tout ce qui est utile à un docteur de savoir. Ayant lu des bouquins très jeunes j’aurais pu avoir envie d’expérimenter ce qu’on m’interdisait, mais cela n’a pas été le cas. Je n’ai jamais ressenti un quelqu’un besoin ou manque qui m’aurait poussé à franchir les limites. On dit que je suis innocent, c’est surement vrai, mais je ne suis pas naïf pour autant, ce n’est pas comme si j’étais aveugle aux choses évidentes. Enfin soit, c’est pourquoi je pense aussi que Momo dormira plus seul un jour, aujourd’hui il s’en fiche, mais en grandissant il comblera surement cette solitude en rencontrant des filles et partagera son lit avec, ce n’est pas idiot, c’est la logique. L’évidence. Haussant les épaules je souris en secouant lentement la tête. « Oublie. » Pas besoin de s’attarder sur ces choses-là, surtout que je ne suis pas très calé sur ce sujet. Dans les vestiaires on est rapidement nu et prêt à se rendre dans le bain, sauf que Momo s’amuse sur ma cicatrice me faisant rire par la même occasion, il est con. « Pourquoi tu penses que je déconne ? » Je garde mon esquisse en rentrant dans l’eau, la chaleur sur ma peau fait un bien fou, c’est reposant après une journée entière à conduire, ça détend. « Je les imagine bien. » Si j’étais du genre jaloux surement que j’envierais leurs relations à tous les trois, mais ce n’est pas le cas, je trouve ça génial au contraire. « Ouep ! » C’est ma première fois, même si j’ai toujours voulu vivre à fond il y a des choses auxquelles je n’ai jamais pensé et donc jamais fait. « Clairement moins de chose que je ne pense. » Dis en me laissant couler dans l’eau pour remonter, en regardant autour de nous, des gens en sortent nous laissant davantage d’intimité, c’est cool d’avoir un bain pareil avec si peu de monde. « Tu serais dans ma liste à plusieurs reprises vu que pas mal de mes premières fois sont avec toi. » Dis-je en le regardant sans aucunes pensés déplacés. Retournant me poser au bord en fermant les yeux.

TENUE ═ Si les rapports sexuels ne m'intéressaient pas, ce n'était pas le cas de mes potes avec qui je traîne ou traînais la plus part du temps. Rien qu'à voir Tora et son palmarès, je crois que j'ai tout entendu de lui, de comment il s'y prend pour draguer une fille à ce qu'il lui fait une fois au lit. Pour ça, il n'a aucune gêne, aucune honte. C'est bien pour cela que j'adore Tora et que je ne pourrais jamais me passer de lui, parce qu'il est franc, sans filtre et qu'il ne cherche pas à savoir si ce qu'il raconte intéresse, blesse ou fait plaisir. Comparé à moi, c'est le genre de garçon qui pourrait plaire à tout le monde. Kellian est sûr qu'un jour je partagerai mon lit avec quelqu'un, mais comment peut-il savoir ma vie avant moi ? Comment peut-il savoir ce que je veux avant de le vouloir ? Ce type est chiant. Je pourrais en dire autant de lui, qu'il trouvera une fille, qu'il aura des gosses, une maison, ces trucs là que tout le monde désire pour réussir sa vie. Personnellement, je n'ai pas autant d'attente pour que la mienne soit parfaite. à dire vrai, je ne demande rien. Je ne demande pas à vivre longtemps, heureux, toute ces choses que les gens souhaitent en allant prier. Je m'en fou, tout simplement. Tant que les événements se déroulent, ça m'importe peu. Quelle idée j'ai eu de m'amuser avec sa cicatrice, je vous jure. Le toisant deux secondes, je fais claquer ma langue contre mon palet. « Oublie. » J'ai déjà dit qu'il me désespérait ? L'eau me permet de me relaxer, de justement oublier les kilomètres que l'on a parcouru ou les dernières situations que j'ai vécu. Parler de mes meilleurs amis m'impose subitement un manque, comme si j'avais oublier de les emmener avec moi. Sur le coup, j'ai ressenti de la culpabilité, puis je me suis souvenu de pourquoi j'étais là. Les questions viennent d'elles-mêmes, encore une fois. Je m'interroge de plus en plus sur lui, sûrement pour trouver une solution plus tard. Je m'en doutais bien que sa liste des choses faites est plutôt courte, mais plus il traîne avec moi, plus elle s'allonge. Moi ? Dans sa liste ? Je lâche un bruit proche d'un léger rire, le regard rivé sur le plafond. « Disons que sans moi, tu ne découvrirais pas toute ces choses. » J'ai dû être un génie dans une autre vie. Pas un génie dans le style super intelligent, mais un génie qui sort d'une lampe pour réaliser les vœux. Ma tête retombe et je croise ses yeux, le fixant un instant jusqu'à ce qu'il s'éloigne. « J'ai vraiment la désagréable sensation d'être lié à toi d'une manière ou d'une autre. » Ce qui est partiellement le cas avec cette histoire de coeur. Sauf que je ne peux pas aimer mon père à travers lui, impossible. Il n'a que son organe, rien de plus.

TENUE ═ Ce n’est pas vraiment que je prédis qu’il le fera, juste que c’est surement une route évidente, Momo est un beau garçon et sans son caractère de merde il aurait surement déjà eu de l’expérience, mais c’est son choix de rester fermer à ça, au moins j’ai quelqu’un qui est comme moi d’une certaine façon, même et qui n’y connais pas grand-chose en dehors de ce qu’on entend ou peut voir. Je n’ai pas d’idéal comme créer une famille, j’ai été habitué à vivre au jour le jour, même si je peux m’amuser à faire des projets pour la nouveauté au fond je ne sais pas de quoi sera fait demain et ça me convient. Quand il joue de ma cicatrice je n’hésite pas à faire comprendre qu’il peut continuer quand il veut, je ne suis pas coincé pour trouver ça déplacé. Je profite finalement pleinement du bain, tout en discutant avec mon compagnon de route, maintenant qu’on peut parler naturellement autant en profiter, par le passé j’ai souvent eu l’impression d’avoir des dialogues à sens unique avec lui, mais ça a changé. Il me pose même des questions, ce qui est déjà incroyable. J’ai faits pas mal de choses, mais pas assez malgré tout, faut dire que j’ai surtout fait beaucoup de petits boulots, curieux je voulais toucher à tout et les professions ici et là m’ont permis d’en découvrir, seulement pour le reste je n’ai pas eu le temps, entre mes visites à l’hôpital, mes crises, la fatigue, les cours, je n’arrivais pas à réduire la liste de choses que je voulais aire avant de mourir. « Et tout cela malgré toi. » Car il n’a rien prévu et n’a surement jamais agi en pensant à mon cas, mais tant mieux, ainsi je n’ai pas besoin de me sentir redevable avec lui. « Ce n'est pas si désagréable. » Je le corrige en abordant un nouveau sourire.

TENUE ═ Notre relation a clairement évolué. Elle est passé de sénile à quelque chose d'un peu plus fertile. Si au départ je ne voulais pas l'interroger ou savoir quoi que ce soit à son sujet, à présent je me permets de le questionner et d'en apprendre davantage. Je ne peux pas dire que j'aime ça, mais je ne déteste pas non plus. C'est étrange, parce que c'est la première fois que je ressens cela avec lui. Ce n'est pas une envie, mais en même temps je dois forcément y penser pour le faire. Je suis curieux, sans m'en rendre compte. Ce bain va nous permettre de parler un peu plus, comme si le trajet en voiture ou les nombreuses pauses n'ont pas été suffisant. Là, il n'y a pas de radio pour combler le silence, ni des clients autours de nous pour détourner notre attention. Nous sommes presque seuls, si on zappe les quelques personnes présentes dans le bain. Plus je parle avec Kellian et plus il m'intrigue, inconsciemment. Toujours inconsciemment. Sinon ce serait trop simple et je me braquerai à l'idée de le trouver intéressant ou quoi. Malgré moi ? J'hausse les épaules. « Que veux-tu. » C'est la vie, on n'a pas toujours ce que l'on désire. Kellian me reprend et je le regarde, en silence. Ce n'est pas si désagréable ? Pour lui ou pour moi ? Je secoue doucement ma tête. « Ouais. » S'il le dit. Je ne sais pas encore si je trouve vraiment cela agréable d'être ainsi lié à lui, même si pour le moment le voyage se passe bien. « Faisons un jeu. » Pour passer le temps. Il doit se douter que mon niveau de jeu est plutôt bas, mais bon. « Une question, une réponse. La première qui vient en tête, chacun son tour. » C'est le genre de jeu que l'on fait pour apprendre à se connaitre, ce qui est plutôt surprenant venant de moi. De toute façon, je sais d'avance qu'il va accepter et jouer le jeu.