« call me queen of the wicked,
these are the games of the week-end »
– ❊ –
« elle se prend pour qui ? »
« elle sait que c’est démodé
la monarchie et les princesses ? »
« elle est quand même belle sa robe. »
« j’ai entendu dire que ça venait
d’un grand couturier allemand. »
« si j’avais son pognon, moi aussi
je m’achèterais des fringues d’europe. »
« on dirait une déesse. »
« eh, les premières années, respectez votre ainée. » les trois filles, le rouge aux joues et le regard à la fois honteux et admirateur, s’en vont rapidement devant l’air menaçant de meiko. ses cheveux bouclés, teint en rouge et arrivant jusqu’à ses reins, lui ont donné le surnom de sorcière. enfin, c’est ce qu’elle prétend. mais tout le monde sait que c’est à cause de son nez un peu trop grand et de sa voix rocailleuse.
meiko. avec ses lèvres pulpeuses en forme de cœur qu’elle peint d’un rouge vif et ses paupières parsemés de paillettes or et argent. certes, elle est petite, mais ses pieds sont toujours équipés de talons hauts et puissants. on l’entend résonner de l’autre côté du bâtiment. son caractère à la fois provocateur et jovial lui a valut le respect et l’amitié de ses paires. elle vous arrache les dents une par une si jamais vous avez ne serait-ce que l’intention de blesser une de ses amies. sa bande, c’est sacré. mais sa meilleure amie encore plus. queenie.
meiko et queenie. queenie et meiko. inséparable depuis la nuit des temps. comme l’eau et le feu, comme la terre et le ciel. opposées en toute chose, se ressemblant dans les petits gestes du quotidien. rien ne saurait les séparer, ni même leurs désaccords constants. qui n’a pas entendu les murs trembler de leurs cris inhumains et de leurs insultes malsaines ? qui n’a pas vu les fleurs s’ouvrir devant leur amour incandescent pour l’autre ? meiko fait ressortir le pire de queenie. queenie fait ressortir la bonté de meiko. et pourtant, lorsqu’il faut en confronter une, il est préférable de faire à meiko. ses cheveux vont vous fouetter le visage, ses talons vont vous écraser vos orteils, mais vous resterez intacte, prête à vous reconstruire. face à queenie, préparez-vous à avoir votre cœur brisé, vos os en miettes sous la douleur de sa grâce, le visage embrasé par son regard chaleureux. sa méchanceté est sa gentillesse. l’un ne va pas sans l’autre. étrangement franche et sincère, chaque mot est comme un couteau aiguisé. sa voix vous achève, elle vous transforme, vous emmène voir les étoiles et vous propulse si fort sur terre que votre corps n’est plus qu’une masse abstraite. car queenie, elle dégage cette aura qui vous étouffe et vous fait renaître.
queenie. fait de feu et d’argent. aussi calme et téméraire que l’océan. aussi somptueuse et lumineuse que la lune. queenie est une fille de la mer, sa peau dorée brille telle les écailles d’une sirène, et sa voix mélodieuse et charmante vous emporte dans les abysses profondes. sa démarche élégante vous laisse penser à la belle vie qu’elle a pu avoir. quelle majestueuse tromperie.
car la vie de queenie ne se résume pas à des paillettes et à la pluie de billets d’argent que ses parents déversent dans ses poches.
la vie de queenie, c’est voir son petit-frère de trois ans arrêter de lutter contre le cancer qui le ronge et le déchire. c’est voir sa mère tomber en dépression après la perte de son fils. c’est entendre des gens dire que les femmes ne sont bonnes qu’à rester chez elles et à s’occuper de leurs enfants. c’est entendre des gens dire que si sa mère avait fait ça au lieu de travailler, son fils serait encore en vie. c’est devoir être sous protection de la police pendant plusieurs jours à cause du travail de son père. c’est devoir trouver sa personnalité, c’est devoir trouver qui elle est au fond d’elle, parce que les journaux semblent faire le boulot à sa place.
puis la vie de queenie, c’est devoir s’incruster dans le monde, se faire une place et une renommée. c’est trouver des amis qui ne la poigneront pas dans le dos. c’est ne pas se laisser marcher sur les pieds et s’affirmer. c’est faire face aux déceptions amoureuses. à ceux qui veulent seulement profiter de son corps, et à ceux qui pensent trouver mieux ailleurs. c’est suivre le parcours qu’elle aime, se lancer dans ce qu’elle préfère.
parce que c’est ce à quoi la vie d’une jeune femme ressemble. trouver sa place dans un monde encore patriarchique, faire la part des choses en amour et en amitié, et rester fidèle à qui on est.