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Yun Hua &
Rina

Jamais elle n’aurait imaginé travailler dans un bar comme celui-ci. Ici se mélangeait toutes les mauvaises fréquentations de Tokyo, les pires se donnaient rendez-vous ici. Elle reconnaissait d’anciens amis de Takayuki, comme si elle retournait quelques années en arrière. Un passé qui faisait et ferait toujours parti d’elle. Ces deux mois en prison lui ont fait prendre conscience qu’elle devait se reprendre, mener une vie normale. Sa haine et sa rage ne justifiait pas qu’elle soit la pire des criminelles. Ce n’était pas ce que sa mère aurait voulu qu’elle devienne. Le seul homme qu’elle aurait dû abattre, elle n’avait finalement jamais pu le faire. Elle gardait en elle cette rage latente, cette impression d’avoir raté le but ultime de sa vie. A la place, elle était là, à regarder des filles qui gagnaient le triple de son salaire, se déshabiller totalement. Elle commençait à se dire qu’elle avait fait le mauvais choix.

Revoir Yuto l’avait un peu perturbé. Voire même beaucoup. Elle ne savait pas trop quoi en penser. Elle s’était imaginée qu’il ne remarquerait même pas qu’elle avait disparu, mais au final, si ! C’était plutôt curieux, c’était sans doute ce qui lui faisait le plus plaisir et l’élément positif de ce séjour en prison. Même si elle aurait faire sans, on n’avait pas toujours ce qu’on voulait. Son regard se posa un instant sur la scène, la favorite du public faisait son apparition sous une standing ovation ordinaire, ce qui amusait toujours Rina, essuyant un verre en souriant légèrement. Etre barmaid ici était assez peu lucratif, elle se faisait beaucoup draguer, trop lourdement parfois. Forcément, ici, on voyait les femmes comme des objets et excités comme ils étaient, ils ne rêvaient que de s’enfiler une femme. La barmaid était un second choix, s’ils s’écoutaient, ils sauteraient d’abord sur les stripteaseuses.

Passant un coup d’éponge sur le bar, elle ignora les remarques sur son décolleté. Elle n’avait pas le choix, si elle s’écoutait, elle porterait un de ces légendaires tee-shirt ample, trois fois trop grands pour elle où on ne voyait aucune de ses formes. Le manager était clair, il fallait donner envie au client de consommer, et donc de venir au bar. Il fallait donc être attirante. Cette logique la dégoûtait, mais elle devait s’y faire. Plus loin, elle vit une femme installée, fait un peu surprenant mais rassurant. Sauf si c’était une lesbienne folle et elle avait eu sa dose en prison. S’approchant rapidement, elle s’arma de son plus beau sourire. « Hey, qu’est-ce que je te sers ? » Mais son sourire ne tint pas longtemps en reconnaissant la fameuse cliente. « … Yun Hua ? » C’était cette fille, qui avait un bébé et était si proche de Yuto. « Qu’est-ce que tu fais ici ? » Ce n’était pas le genre d’endroit dans lequel on pensait croiser une jeune Maman, encore moins une fille comme elle.

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yun hua & rina

tenue ••• C’est plus fort que moi, je me prends soudainement à rire, sans raison. Les gens dans la rue me regardent comme si j’étais folle. Peut-être que je le suis. Une fille sensée n’irait sans doute pas traîner si tard dans de telles rues, pas sans une bombe lacrymo si les choses se corsent. Pas sans un garde du corps baraqué pour intimider les gens autour. Pas sans s’assurer d’être sobre et d’être ceinture noire de n’importe quel sport de combat. J’ai beau être une excellente élève du club d’arts martiaux, il est évident que je ne suis pas en état de me défendre. Pas avec les quelques litres d’alcool que j’ai déjà ingérés, c’est à peine si je peux marcher sans tituber. Une épave oui, sans aucun doute. C’est plus fort que moi, dès que Roxas n’est pas à l’appartement, le week-end, je ne peux supporter de penser clairement entre quatre murs. Ni affronter le regard des gens sobrement. C’est plus facile de sortir sans but précis, c’est plus facile de boire pour noyer ses problèmes. Je commence à comprendre comment on peut aisément tomber dans ce piège, comment on peut en venir à adorer ce liquide coloré qui pourtant aurait raison de notre foie si on fait l’excès. C’est réconfortant, grisant et surtout, ça débarrasse des craintes qu’on a. Parce qu’avec l’alcool, le regard des gens ne m’atteint plus.

Alors que je me rattrape à un poteau en manquant de trébucher pour la centième fois, je m’arrête un instant et lève les yeux au ciel. Est-ce ma punition ? Condamnée à purger mon crime ainsi, devoir boire pour oublier dès que personne n’est là pour détourner mon attention ? Devoir m’abreuver d’alcool pour soulager ce poids qui pèse sur mon cœur, pour oublier la culpabilité qui me ronge et pour étouffer cette peine qui menace de me briser ? Je jette un œil à ma gourmette, l’air absent, presque éteint, avant de rire à nouveau. Je devrais la jeter, la balancer dans le premier caniveau que je croise, sans regarder derrière moi. Me libérer de cette chaîne symbolique, une fois pour toutes. Hélas, j’en suis incapable, pas encore du moins. Peut-être qu’avec quelques litres en plus, j’y arriverais.

Oui. Peut-être bien.

Le regard vague, je rentre dans le premier bar qui croise mes pas suivants, sans prêter attention à sa devanture. Ou même aux gens qui y passent. Je m’en moque, du moment que leurs boissons sont bonnes, ce sera très bien. A vrai dire, il suffit même qu’elles ne soient pas empoisonnées et je ne broncherai pas. Je m’installe péniblement à une table vide et examine scrupuleusement la carte. Hm. Terrible dilemme. Vodka ou tequila ? Perdue dans mes pensées, je sursaute en entendant la voix de celle que j’identifie comme la barmaid. C’est nouveau de s’approcher des clients comme un ninja ? Je cligne des yeux plusieurs fois en la détaillant quand je l’entends prononcer mon nom. On se connait ? Je plisse les yeux et ouvre la bouche comme si j’avais été prise d’une illumination divine. « Hey ! La folle du parc, oui, je me souviens maintenant. T’as vaincu ta phobie des bébés, je demande, l’air béat, en posant mon menton sur ma main, enfin, peu importe, c’est pas le sujet. ». Non, je ne suis pas venue ici pour l’espionner et connaître la raison pour laquelle elle a fui devant Roxas. Ça ne m’intéresse absolument pas. Tout comme la raison de sa présence dans cet endroit miteux. On s’en fout, royalement. « Je vais prendre six shots de vodka pour commencer. Car oui, je suis venue ici, pour boire de l’alcool. Tout simplement. ». Oui, j’ai répondu à sa question avec un délai conséquent mais j’ai répondu, c’est déjà ça. Je n’ai pas la tête à faire la conversation avec elle, je veux simplement qu’elle m’apporte mon dû. C’est son job, non ? Je réfléchirai là-dessus plus tard. « C’est quoi ton nom d’ailleurs ? Je pense pas l’avoir capté la dernière fois. ». Ou il est parti très très loin dans ma tête. Ce qui est très possible au vu de mon état pathétique, mais elle ne va pas m’en vouloir, hein ?

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MACFLY

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Yun Hua &
Rina

La folle du parc ? En attendant, ce n’était pas elle qui était en train de se bourrer la gueule dans une boite de striptease. Elle y travaillait. Mais c’était différent. Son cœur tambourinait dans sa poitrine à l’idée que Yuto puisse l’apprendre. Ils vivaient ensemble, il lui avait proposé de l’héberger, le temps qu’elle puisse se payer à nouveau un logement convenable. Il avait même accepté de faire une collocation avec Meow Zedong. De toute façon, elle ne serait pas venue sans son chaton. Il avait besoin d’elle et inversement ! Un fin sourire orna ses lèvres en pensant à son animal, avant de reporter son attention sur Yun Hua. Elle était vraiment étrange. Rina ne savait pas vraiment ce qu’il y avait entre elle et Yuto, elle n’osait pas vraiment demander, en réalité.

Sa phobie des bébés ? Ah oui, pour le petit truc qui l’accompagnait dans le parc. Elle en avait fait quoi d’ailleurs ? C’était bizarre, une mère célibataire qui traînait ici à cette heure. Où avait-elle mis son bébé ? Est-ce qu’il avait un père au moins ? Si c’était Yuto, elle aurait fini par le savoir, non ? Elle devrait l’appeler. Mais comment saurait-elle ? Le bébé ne criait pas sur commande ! Rina devait oublier cette idée, se contentant d’un sourire, aussi aimable que possible, vers cette fille. Elle ne n’avait pas non plus envie d’épiloguer le sujet, de ce fait elle resta silencieuse, la fixant quelques secondes.

Elle était drôle. Malgré elle. Logiquement, quand on commande 6 shoots de vodka c’était, éventuellement, pour boire de l’alcool. Elle ne savait pas si c’était vraiment sérieux. Avec autant d’homme en chien autour d’elle, ça risquait de mal finir. Elle devrait peut-être appeler Yuto, mais comment lui expliquer sa présence à elle ici ? Non hors de question ! Plutôt accuser le coup. Son prénom, une question bien compliquée mais elle avait finalement avoué à Yuto sa vraie identité, qui elle était réellement. Elle n’avait plus besoin de mentir désormais. « Je m’appelle Rina. » Pour le nom, il ne fallait pas non plus trop lui en demandé. Elle n’avait pas besoin de lui retourner la question, elle savait son prénom.

Prenant un premier verre, elle lui remplit et lui tendit. « Tu penses tenir avec six d’un coup ? C’est pas très sérieux de boire ici. » Mais si elle buvait, elle allait peut-être parler et Rina saurait ce qu’il y avait entre elle et Yuto. Elle remplit deux autres verres. Inutile d’être trop sérieux ! elle les tendit à la demoiselle, la fixant un instant. « Pourquoi est-ce que tu es venue ici ? Y avait nulle part où aller ? » En terme d’endroit funky, c’est sûr qu’un bar de striptease peut être très dépaysant, cela dit.

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yun hua & rina

tenue ••• M’asseoir est presque une bénédiction, je ne sens plus mes pieds, avec ces talons hauts à me donner le vertige. Ce n’était sans doute pas le choix le plus judicieux mais il faut dire qu’avec ma jupe, je trouvais que ça me donnait fière allure. À présent, je ne peux plus vraiment en juger, en vérité, je ne peux plus juger de grand-chose, si ce n’est peut-être l’absurdité totale de mon comportement. Et encore. Je suis à peine consciente de la gêne que j‘ai pu générer chez les personnes que mon chemin a croisé dans la rue. Ou alors le suis-je sans le savoir et c’est pour cette raison que je me suis instinctivement réfugiée dans ce bar, sans prendre la peine de m’attarder sur la devanture du lieu. Ou de demander s’il ne serait pas plus sage de rentrer chez moi, tout simplement. Non, de telles questions ne m’ont pas effleuré l’esprit, j’ai fait en sorte que peu de choses puissent y parvenir. Surtout celles qui nécessitent un minimum de discernement et de bonne morale. En résumé, moins je réfléchis, mieux c’est. De trop sombres pensées m’assaillent quand je réfléchis, la frivolité y est préférable, quand bien même elle pourrait m’arracher des remords le lendemain.

Croiser cette fille dans ce lieu est le comble de l’ironie. En tout cas, cela expliquerait pourquoi elle craignait tant Roxas dans un sens – car oui dans mes souvenirs, ça ressemblait clairement à de la peur – en travaillant dans un tel endroit, elle ne devait pas être à l’aise en présence d’enfants. En tout cas, sur l’instant, ça paraissait logique dans ma tête. Enfin, je ne m’y attarde pas plus que cela, peu importe si elle travaille dans un bar si tard, je m’y rends bien pour boire, qui suis-je pour juger ? Surtout en commandant des shots ? Je ne suis pas si hypocrite et je n’ai perdu tout bon sens non plus. Ou presque. Juste par curiosité, je veux savoir son nom et parce que c’est plus pratique aussi. Si on ne me vire pas à coups de pieds, je pense rester ici une bonne partie de la soirée – ou nuit je n’ai plus la notion du temps – alors autant que je sache l’appeler pour me resservir. « Oh je vois, c’est joli…, je déclare d’un air songeur, comme si c’était censé m’évoquer quelque chose mais non, jamais entendu, enchantéé Rina ! », je lance joyeusement, inconsciente de ma bêtise. J’espère juste qu’elle ne va pas s’enfuir en courant après cela.

Me renfonçant dans ma chaise, je croise les bras d’un air contrarié. Est-ce que je lui donne mon avis moi sur la façon dont elle m’a abordée la dernière fois ? Est-ce que j’émets un jugement sur ses activités ? Pas que je sache non, je demande à boire, c’est bien fait pour cela un bar aux dernières nouvelles, elle ne devrait pas être si surprise. Je souffle d’un air excédé, comme une petite fille qui n’aime pas être traitée en tant que telle. « Je ne pense pas que ce soit très sérieux de travailler ici mais je ne te le dis pas, fais-je remarquer d’un air acerbe, les sourcils froncés, enfin, maintenant si, mais c’est le principe. Et oui, je vais tenir, ne t’en fais pas. », je déclare en soupirant avec lassitude, en vidant le premier shot servi. Pour vrai, je n’en sais rien. Mais je refuse de lui laisser croire le contraire, je suis grande, je peux me prendre en main et je n’ai – surtout – pas besoin de ses conseils. Surtout venant d’une hystérique galopant à toute allure à cause d’un bambin.

Néanmoins, je lui fais un signe gratifiant de la tête quand elle consent à me servir les shots suivants. Je ne lui demandais rien de plus, tout simplement. Ravie, j’enfile les deux autres sans me faire prier, pour calmer mon envie brûlante de boire toujours plus, pour oublier un peu encore ce qui s’est passé. Et dont je ne veux surtout pas parler. Aussi lui réponds-je avec un haussement d’épaules et une moue peu convaincante. « En fait, je suis allée dans le premier bar que j’ai vu dans le coin. Enfin, que je ne trouvais pas flou en fait, je corrige en riant nerveusement, mais je suis contente, au moins, tu es là si jamais j’ai envie de blablater… ». Des fois que ça me prendrait, sur un malentendu. C’est à ce moment que mes yeux s’arrêtent sur diverses barres verticales et s’écarquillent quand je comprends la surprise de Rina. Ah ben oui, ce doit être étrange de me voir venir le plus naturel du monde dans un bar à striptease, en sachant que j’ai un enfant. Ah le joli portrait qu’elle doit avoir de moi maintenant… « Je n’avais pas observé le décor en effet… Ni la devanture probablement. Oh. Tant pis, au point où j’en suis… Je pense qu’il va me falloir plus de six shots par contre. », dis-je en roulant des yeux. Le fait est que concrètement, j’en suis à un point où je m’en fous. Mais vraiment. Je ne suis pas de nature à me scandaliser aisément et l’alcool aide aussi à ne pas m’en formaliser. Même si intérieurement, j’espère que Rina ne va pas trop s’éloigner.

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