Ji Hyuk, c'est vraiment un sale gosse, y a pas à dire. Il abuse... Il m'envoie des textos pour me dire de l'accompagner je-sais-pas-trop-où, alors qu'il sait très bien que je dois m'entraîner. Pff. Et en même temps, je peux rien lui refuser après ce qu'il s'est passé entre-nous. Moi, je me souviens de rien à part des baisers un peu appuyés, mais bon, je me suis réveillé à poil dans son lit... Il avait l'air de dire qu'on avait, enfin, voilà quoi! J'ai pas envie que ça s'ébruite, parce que je préfère les filles, et que si ça se sait ma mère se fera des idées. Je veux pas la décevoir pour une chose futile, juste un moment où j'étais bourré. Alors j'accepte ce qu'il me dit de faire, pour qu'il ferme sa petite bouche. Une sorte de marché conclu entre nous. C'est sûr que c'est pas très avantageux pour moi, mais c'était pas le but, hein. Son « truc » du jour, c'est aller dans un maid café, pour tester une nouveauté si j'ai bien compris. Il me l'avait pas encore faite, celle-là. M'emmener voir des filles presque dénudées pour une simple boisson. M'enfin, c'est son genre, et ça ne m'étonne qu'a moitié. Je vous avouerais que j'irais pour la première fois de ma vie dans un maid café. On s'étaient donc donné rendez-vous à la gare de Chiyoda, vu que je ne connaissais pas le chemin. J'allais vraiment jouer le parfait esclave qui devait le suivre partout. Comme à chaque fois qu'on devait faire une sortie quelque part.

En l’occurrence, aujourd'hui ça tombait pas très bien, vu que je ne m'étais pas réveillé au dortoir, mais chez ma conquête de la veille. J'étais partit vite fait avant qu'elle ne se lève, et j'avais galérer à retrouver mon chemin. Il fallait que je passe chez moi avant de rejoindre Ji Hyuk, au moins pour prendre une chose. J'avais dû demander mon chemin ; j'étais pourtant au Japon depuis un certains temps, mais les lendemains de cuite j'avais pas trop les idées claires. Je me croyais souvent à Séoul, et j'arrivais à me perdre comme un idiot. J'avais presque couru jusqu'à la station pour avoir le premier train et pouvoir me préparer le plus vite possible. Un vrai parcours du combattant. Je ne voulais pas arriver en retard alors que la seconde d'avant je lui avait fait la morale à ce sujet. Ça serait simplement de la mauvaise foi. Il m'indique qu'il est déjà au point de rendez-vous trente minutes avant l'heure prévue. J'étais entrain de me brosser les dents en enfilant mes chaussures. Mon niveau de stress augmenta, alors qu'il était déjà pas mal avancé. A peine deux minutes plus tard, j'étais dehors et je me battais avec mes clés pour pouvoir fermer la porte le plus vite possible.

Essoufflé, on peut dire que je l'étais. J'arrivais finalement cinq minutes avant l'heure convenue. Il a intérêt à être bon, son putain de café, là. Une fois Ji Hyuk trouvé pour de bon, je vins face à lui à petites foulées, presque en traînant des pieds. « C'est bon, je suis là... Tu vas bien? », lâchais-je, en fermant un de mes yeux à cause du soleil qui tapait. Bah oui, je ne l'appréciais pas spécialement, mais au moins j'étais bien élevé. « C'est où ton truc, qu'on en finisse? », repris-je ensuite. « Ca m'étonne de toi que tu traîne dans ce genre d'endroits. ». Bah oui, je savais pas que les gays aimaient voir des filles en petite tenue. A moins qu'il n'aime les deux, fille et gars? Non, ça me paraît bizarre. Je ne pense pas que ça soit possible. Cette réflexion intérieure me mit presque le rouge aux joues ; penser à l'orientation sexuelle de Ji Hyuk dans un moment pareil, c'est plutôt incongru. Il fallait que je me ressaisisse avant de passer pour une sainte-nitouche.

Qu'il ne me renvoie pas la pareille sur la question, ça m'étonne pas plus que ça. C'est son habitude, faire des trucs du style. Ji Hyuk c'est mec, jamais tu peux savoir à l'avance ce qu'il va faire. Il est plutôt imprévisible, et du genre impulsif, m'voyez? J'ai du mal à le cerner, et pour l'instant, bah ça arrête pas de me desservir. Bref. Je lui lançais un sourire forcé, histoire de bien montrer qu'il insupportait. Son sourire à lui lui donnait un petit air précieux et malhonnête, qui, je dois bien l'avouer, résumait plutôt bien la façon dont il se comportait la plupart du temps avec moi. Sa remarque m'aurait fait cracher mon café si j'en avais eu dans la bouche. « T'es sérieux, là? T'es au courant que de nous deux, le gars le plus pervers c'est toi, quand même? Et puis moi je traîne pas trop par ici, je préfère Shinjuku. Tu dois aimer toi aussi, nan? ». Aucune allusion aux gays bar et autre host club, je ne me permettrais pas... Enfin, peut-être que si, en fait. Je me reprend, de la même façon que lui : « Moi aussi, mon petit dongsaeng préféré ~ ». Haha. Ironie, quand tu nous tiens.

Je découvrais Chiyoda, quartier où, il est vrai, je ne passais pas beaucoup de temps. Je me limitais à en connaître les stations pour le métro. Je me laissais entraîner par Ji Hyuk, en ouvrant grands les yeux et en regardant les coins qui m'étaient totalement inconnus. C'était plutôt joli, par ici, en fin de compte. Sa question me tira de ma rêverie, et un peu surpris, je le toisais avant de répondre : « Bah... Après ce qu'il s'est passé entre nous, et vus comment tu es de l'extérieur... J'ai du mal à me dire que tu pourrais aimer les filles aussi. Je me trompe? ». J'avais un peu rougi en évoquant cette nuit. Et ça peut paraître bizarre, mais j'étais totalement persuadé que Ji Hyuk était gay, purement et simplement. Je devais être influencé par ce qu'il s'est passé... Je lui avais donc dit ça sérieusement, sincèrement, avant de détourner le regard. Ça me gênait de penser à ça.

Il me fit sursauter quand en s'exclamant il me montra l'enseigne d'un café, dans les tons crème, marron et rose pâle. Hum. Un vrai stéréotype, et encore plus quand on voit les jeunes filles habillées en soubrettes qui travaillaient à l'intérieur. C'est hyper gênant! Encore plus d'y aller avec Ji Hyuk! Rougir comme ça allait me faire passer pour le pervers qu'il pensait que j'étais, si ça continuait... Mais la situation me mettais mal à l'aise, tellement elle était incongrue. Moi, Shôta, hétérosexuel accompli, qui va de force dans un maid café tester une nouveauté accompagné du gars avec qui il avait couché bien avant. Y a de quoi rire, tellement c'est paradoxal.
Je baissais les yeux au sol, pour ne pas avoir à soutenir le regard de ces filles en petites tenues colorées, qui contrastaient avec un extérieur soft. Mon bourreau me lâcha enfin, et semblait emballé par l'invitation de ces jeunes filles à entrer. Je sais pas trop comme interpréter ça non plus. Je vous l'avais dit ; une énigme, ce mec.

Le stéréotype de la japonaise parfaite, souriante, la peau très blanche, nous invita à nous asseoir à une table pour deux. En tête à tête. Genre, y avait pas mieux, quoi. Elle nous tendis la carte, en nous conseillant fortement leur nouveauté, le « wild cat » si j'ai bien compris. Une sorte de café glacé avec du chocolat et des agrumes, surmonté de crème. Oui, ça avait l'air très bon, aucun doute! Mais je sais pas si le goût rattrapera la honte que je ressens à être ici, de plus accompagné d'un gars, de plus accompagné de ce gars. Pas de commentaire, hein. « Tu sais déjà ce que tu veux prendre, non? », dis-je, un peu sec malgré moi. Fallait que je me détende un peu, parce que tout ce que j'allais gagner ça serait de l’agacer encore plus, et de m'en prendre pleins la tronche. Engager la conversation, détendre un peu l'atmosphère, vite. « T'étudies quoi à RPS? ». Aller, on met l'école sur la table, sujet bateau ; je sais. Mais je dois aussi dire que j'étais curieux de voir quel genre d'études intéressait Ji Hyuk, lui qui semblait si détaché de tout. Il sera peut-être moins mystérieux pour moi, à la fin de cet après-midi.

« Sérieux, t'habites à Shinjuku? ». Je devais avoir l'air vraiment surprit, parce que pour le coup je ne m'y attendais pas! Ma blague avait dépassé la fiction en fin de compte. Je crois qu'il n'avait pas saisi, mais au final c'est pas plus mal. Sa façon de retourner la situation à son avantage juste après me tira un sourire. Bah, il avait de l'humour au moins. C'est tout à son honneur. Son petit air vexé m'affirma la seconde d'après que non, on avait peut-être pas le même humour, finalement... Il venait de dire tout haut ce que pensais tout bas depuis que je le connaissais. Il semblait énervé par ma question, comme si pour lui c'était évident que j'avais tord. Je baissais les yeux vers le sol, un peu embarrassé d'être prit par mon propre piège. Il venait de me renvoyer dans la tête que ce que je venais de dire était totalement idiot. Je suis le premier à remettre les gens à leur place quand ils jugent au premier regard, et c'est malgré tout ce que je viens de faire avec Ji Hyuk. « Je... oui, c'est ce que je sous-entendais... », j'avalais ma salive avant de reprendre : « Je suis désolé, c'était con de ma part de penser ça... ». Un petit soupir m'échappa. Je suis le seul à détester quand on me montre que j'ai tord?

Sa tape, presque amicale, dans le dos aurait pu me faire sourire, voir même la lui renvoyez, mais dans d'autres circonstances. Là, j'avais trop honte de me retrouvez dans un endroit pareil pour réagir positivement à quoi que ce soit. Je devais certainement être un peu rabat-joie sur les bords, mais là je pouvais pas. Je jetais parfois des petits regards désespérés à Ji Hyuk, le priant intérieurement d'abréger mes souffrances. Bon, j'étais comme son esclave, hein, donc je doute fortement qu'il veuilles me ménager malgré tout... Son enthousiasme quand il prit la commande m'arracha un nouveau sourire amusé. Il était mignon quand il s'y mettais! Je tournais les yeux vers la serveuse, « La même chose, s'il vous plaît. », avant de me courber légèrement pour lui rendre son salut. Ma mère m'avait apprit la politesse de cette façon, et je savais qu'elle avait déjà dû travailler comme serveuse ; j'en étais d'autant plus respectueux. Je lui sourit donc avant de reporter mon attention sur le jeune homme.

Son sourire avait changé ; il semblait déconcerté, comme si cette question n'était pas la bienvenue. Avais-je touché un point sensible? Il me dit d'une voix neutre qu'il étudiait le droit et les sciences politiques. Hum. Je le voyait plus en Arts, ou un truc du genre. Un peu moins sérieux. Mais bon, je vais pas me faire avoir deux fois sur les apparences, tout ça. Il fait bien ce qu'il veut, même si ça n'a pas l'air de l'enchanter plus que ça... « Euh, je suis en sport, pas très étonnant, haha! », j'essayais, d'une façon ou d'une autre, de détendre l'atmosphère. « Je fais du foot, de la natation et du tennis. Je touche un peu à tout, j'ai pas encore trouvé le sport qui me convient le mieux! ». Bon, il fallait que j'arrête d'en parler, sinon j'allais y rester des jours...

J'avoue, la proposition de la soubrette me surprit! Mais Ji Hyuk semblait, une nouvelle fois, totalement enthousiasmé, et j'aurais eu du mal à dire non. Je peu être ironique et cynique, mais quand sa petite bouille est à fond comme ça, bah ça me donne envie de craquer. Je suis humain aussi, hein. Danser et si on gagne, on a une photo avec une soubrette? Hum, ça serait une nouvelle « preuve du crime » contre moi, mais bon, au point où j'en suis... Autant lui faire plaisir! Je n'étais pas ce qu'on pourrait appeler un bon danseur, je me débrouillais, mais c'était surtout pour me déhancher en boîte, pas vraiment pour autre chose... Jamais je n'aurais cru participer à un truc du genre un jour! « Je suis okay, mais tu te moques pas, hein! », le prévins-je en souriant à pleines dents. « On doit juste suivre vos mouvements, c'est ça? ». J'étais pas trop rassuré, mais c'était une façon de faire un pas vers Ji Hyuk, de lui montrer ma bonne volonté.
Elle commençait donc quelques simples mouvements de mains, comme des ondulations, sans s'occuper des jambes pour le moment. Ça va, on commençait soft. J'appréhendais juste beaucoup la suite. Il allait me mettre la misère, je le sentais venir...

Son air faisait froid dans le dos. Je crois que je l'avais vexé pour toute la vie là... Ses yeux me lançaient un regard noir et mauvais. Ouch. La prochaine fois, je tournerais ma langue deux fois dans ma bouche avant de parler, parce que je risquais ma peau sinon... Il me maugréa qu'on allait pas y passer la journée, histoire de couper court à tout ça. Je sais pas si je dois le remercier ou pas, dans le sens où là, même s'il est énervé, j'échappe à cette conversation gênante, où je passe pour un mec fermé d'esprit qui plus est. Enfin.

Il devait se douter que je faisais du sport, parce que ça n'avait pas eu l'air de l'étonner le moins du monde. Comme si c'était écrit sur ma gueule. Oui, 'fin Ji Hyuk m'avait déjà vu à plusieurs reprises faire du foot, c'est peut-être pour ça. Son petit air sournois me fit perdre mon sourire. J'appréciais pas tellement qu'il prenne ça à la rigolade, surtout quand on savait à quel point le sport est important pour moi. Sans ça, je crois que je me serais suicidé depuis un moment déjà. « la baballe » m'avait donc sauvé la vie. C'était pas sa faute, il ne savait pas, mais quand même. J'avais envie de me cacher pour ne pas montrer mon air déçu par sa remarque. Je le croyais plus mature que ça, mais faut croire que je me trompais. Remarque, je pouvais parler avec ce que j'avais dit tout à l'heure... Mon cœur loupa un battement quand il parla de « touche à tout ». Je rougis légèrement, n'ayant pas vraiment compris s'il y voyait le même sous-entendu que moi. Je dû faire un effort surhumain pour ne pas penser à Il Nam à cet instant. Pourquoi diable des flashs de cette nuit tournaient-ils en boucle dans ma tête dès que quelqu'un faisait une remarque un peu déplacée? C'était gênant! Une nouvelle fois, je voulus me cacher, pour ne pas recevoir des remarques de la part de Ji Hyuk... C'est que je commençais à le connaître, le petit, là! « De, euh... de la danse? Non, je... seulement en boîte, mais c'est pas vraiment de la danse, quoi... Pourquoi? », j'vaais l'esprit embrouillé, et je voyais pas bien où il voulait en venir. Je crois que j'étais surtout pas capable d'aligner une pensée cohérente, là, tout de suite. Connard de dragueur, là, pff.

Son cri de la victoire avec le « yes » me fit sourire de nouveau. L'essentiel, c'est que ça lui faisait plaisir. Parce que du coup, c'est un peu un sacrifice que je fais pour lui, là... Et c'est bizarre, mais sa façon de me dire qu'il n'allait pas se moquer, bah ça me rassurait pas trop. Je voyais déjà les photos qu'il allait mettre sur un réseau social quelconque, avec comme légende : « Le mec qui danse comme un poireau! ». Il me faisait un peu peur, ce gosse. Je crois que je suis pas au bout de mes peines avec lui... Au début, j'arrivais plutôt bien à suivre les mouvements de la serveuse. Les mains, ça va quoi, même un gosse de dix ans il sait le faire tranquille. Ça se corse quand elle accélère, mais jusque là je m'ne tire plutôt bien. Inutile de dire que Ji Hyuk s'en tirait à merveille ; la précision de ses mouvements était incroyable. Ça me faisait chier de l'admettre, mais il avait du talent. Il me regardait par moments, pour vérifier que je suive le rythme. Même en passant quelques secondes à m'observer, il arriver à gérer le truc. Il allait gagner, c'était courut d'avance.

Cinq minutes plus tard, on passait au niveau supérieur. Bah oui, Shôta, tu croyais pouvoir t'en tirer aussi facilement? Raté. Et je préfère pas savoir combien de niveau il y a... J'étais même pas échauffé, ni rien... Dur, quoi. Encore une fois, elle commençait doucement. Je suivais avec application. Les mouvements étaient plutôt basiques, mais le rythme haché. Suivre la cadence était le plus compliqué. Ji Hyuk ne s'occupait plus de moi, totalement absorbé par la danse en elle-même ; il devait beaucoup aimer ça, pour être passionné à ce point! Mais l'endurance est une chose que j'avais appris -à mes dépends- avec Yoshiko, à de nombreuses reprises. Cette fille est un canon, dans le sens où elle est toujours en mouvement. Suivre le rythme, en sport ou dans la vie, c'est pas facile avec elle. Mais moi, c'est ce que j'aime ; du coup je suis devenu vachement résistant aux efforts de ce type. Je transpirais un peu, mais je ne voulais pas abandonner, pas maintenant en tout cas. Au moins rester dans la course jusqu'au niveau trois. Pour l'honneur, quoi. Ce genre de concours, j'y connaissais rien, même cette danse, c'est la première fois que je la voyais. Mais ça restait un des trucs de Ji Hyuk, et je voulais lui montrer de quoi j'étais capable. Je ne savais pas comment interpréter sa question ; il en avait vraiment quelque chose à faire, ou c'était juste un moyen de me rabaisser encore? « Ouais ça va, t'inquiète! », dis-je en souriant tout de même, m'appliquant sur mes mouvements.

Quand la serveuse annonça le troisième niveau, j'étais à plat. « Je vais m'arrêter là, je crois! Mais toi, continue Ji Hyuk, je te regarde! », lâchais-je essoufflé. Il avait tout gagné, j'avais hyper faim maintenant...

Je ne sais pas trop comment interpréter tout ce qui vient de Ji Hyuk. J'arrives pas à le cerner, à le comprendre. Une énigme ce petit. Ces paroles, ses mimiques, son regard. Je sais jamais si c'est vrai ou faux, ironique ou non. C'est assez désagréable comme sensation ; ne pas réussir à comprendre l'autre. C'est troublant. Il n'a pas l'air méchant, un peu espiègle certes, mais on ne connait jamais vraiment les gens. Sa vie, je sais pas ce qu'il y a dedans. De la même façon qu'il connait pas la mienne. Mes réactions, elles sont dictées par ce que j'ai vécu, mon histoire. Ça doit être pareil pour lui. Je sais pas si un jour on mettra tout au clair, mais en tout cas pour le moment, ça stagne. Et puis c'est pas plus mal ; avoir quelqu'un avec qui on peut être, sans qu'il ne connaisse chaque recoins de notre tête, bah c'est sympa aussi. Même si bon, Ji Hyuk et moi, on est pas le parfait exemple pour le moment. Je suis pas pessimiste, un jour on s'entendra, parole d'honneur.

Son visage réjouis comme ça me poussa à m'interroger. Ses questions sur la danse tout à l'heure, et maintenant son enthousiasme quand il s'agit de danser... Il adore ça, en fait! Je connais un peu son corps, pour l'avoir brièvement touché -bon on se calme là oh.-, et je sais qu'il est plutôt musclé, sous ses airs chétifs. Enfin, là, tout de suite, je dois dire qu'il me bluffait. Il gérait grave, très concentré, très sûr de lui. Comme s'il avait fait ça toute sa vie. D'ailleurs, pour être à ce niveau, ça devait être le cas non? J'aurais pu m'arrêter rien que pour lancer des exclamations de joie. Il était au top, sérieux. Si je dois conseiller un danseur à quelqu’un un jour, bah je lui en parlerais, pour sûr. La question qui me trottait la tête par contre, c'était pourquoi il était en Sciences Politiques? C'est un danseur né, faut pas qu'il perde son temps dans des bureaux, lui! Mais bon,c'était son choix, il faisait bien ce qu'il voulait. A moins que...
Mes réflexions furent coupées dans le élan par l'arrêt du premier niveau. Bon, Shôta, continue comme ça, te laisse pas abattre. Les mouvements se complexifient, mais je suis le rythme, tant bien que mal. Oh, et pour info, c'est dernière fois que je fais ça... Quoique, ça pourrait être drôle d'amener Yoshiko ici! Elle s'éclaterait, et puis on rigolerait bien, j'en suis sûr... Le sourire de Ji Hyuk monte jusqu'à ses oreilles, tandis que la musique s'éteint. Il est fier de moi je pense ; enfin, plus de lui sûrement, mais c'est pas le plus important. Il est heureux, parce qu'au moins on sera allés loin. Assez pour garder la face quoi. Je souris aussi, plus parce qu'il est content que pour autre chose ; j'ai un point de côté je crois...

Son « Déjààà ? » me fit sourire. Était-ce parce qu'il voulait que je continue de danser avec lui, ou juste parce qu'il ne voulait pas perdre? Je sais pas, et je dois vous dire que je m'en fous. On ne prend mal que ce qu'on décide de prendre mal. Et là, je veux passer un bon moment, donc je prend tout au positif, na. « Je sais que je suis un danseur incroyable, mais comprends bien jeune enfant que je suis vieux, et que je fatigue! », lui répliquais-je avec une voix trafiquée d'aristocrate, avant de rire de moi-même. Même le coup de la récompense, ça me fait rire. « Je te payes un autre « wild cat » si tu veux! Je suis d'humeur généreuse ~ ». S'il y avait un sous-entendu, j'avoue n'en n'avoir rien vu. Même son sourire taquin ne m'a rien fait capté. Je dois être idiot des fois. Ou naïf, juste naïf. Il recommença donc à danser, pour terminer le troisième round. Je crois que même la serveuse est plus crevée que lui! C'était, encore une fois, très bien maîtrisé. Il a mon respect, là, j'avoue!

Quand elle annonça que le cadeau était un dessert, j'avais envie de la prendre dans mes bras tellement j'avais faim. Les étoiles dans les yeux de Ji Hyuk confirment ce que je pensais ; cette danse donne faim, c'est grave! Et Ji Hyuk qui s'extasiait encore de sa performance. Remarque, il avait de quoi! « C'était au top p'tit gars! Tu m'a bluffé, sérieux, t'es fait pour ça! », lui répondis-je en souriant et en lui ébouriffant les cheveux. Il me faisait rire, un peu comme un petit frère. Il savait se montrer attachant aussi, l'air de rien.
J'avais pour ma part commandé une part de forêt noire, mon gâteau préféré entre tous. Avec du café au lait, c'était une délicatesse. J'en rêvais déjà, rien qu'en prenant la commande. « Non,je dois t'avouer que c'est très agréable d'être ici, je suis surpris dans le bon sens ~ » répliquais-je à sa remarque. C'est vrai que c'était sympa, l'atmosphère, par ici. On se laissait totalement porté, et ça faisait du bien. « Quoi je devrais te remercier en plus? Haha, je te taquine ~ merci de m'avoir traîné là, Ji Hyuk. » terminais-je, sincèrement. Il avait l'air plus détendu que ce matin. Son rire était revenu, ça faisait plaisir.

« Bon, c'est quoi la suite du programme, hm? Faire du saut à l'élastique dans les chutes du Niagara? Y a ton jet qui nous attends dehors? » ironisais-je avant de me dire qu'il aurait pu faire une chose pareille. Je toussais légèrement et repris une gorgée de café. « On peut aller voir un film? Ou juste se promener? Moi je dois te suivre, je suis ton esclave, c'tout. ». Après tout, c'était vrai. Mais la suite de l'après-midi m'intriguais. C'est qu'il avait beaucoup d'imagination, quand il s'y mettait...

Quand je voyais l'état dans lequel la danse mettait Ji Hyuk, je me disais qu'on étaient pas si différents, lui et moi. Il dansait à corps perdu, presque. Comme si c'était la chose qui le maintenait stable. Ça me paraissait étrange de penser ça alors que je ne l'avais vu danser qu'une fois, dans un maid café, sans pousser plus. Mais il semblait concentré en même temps que totalement... je ne sais pas comment l'expliquer. Grisé? Béat? C'était un peu comme s'il se sentait entier, quoi. Comme moi quand je faisait du sport. Ça me vidait la tête autant que ça pouvait me faire réfléchir. Sentir mon rythme cardiaque augmenter, mon souffle se hacher ; c'était ça. C'était ça que je voulais, et que j'avais toujours voulu? Ça n'était pas juste courir après une balle ou flotter dans de l'eau. C'était plus, une véritable thérapie. Un moyen de s'évader. Certaines personnes peignent, ou lisent, ou écrivent. Moi il me fallait ma dose de sport pour me sentir vivant. Et j'avais comme espoir, quelque part, qu'il en soit pareil pour Ji Hyuk avec la danse. Parce qu'au fond, c'est comme s'il me parlait un peu de lui quand il dansait devant moi. L'enthousiasme qu'il ressentait, je le voyais presque comme un moyen de communiquer ; avec moi ou avec les autres. Je dois que ça me faisait plaisir.

Son air déçu fut remplacé par un rire ; ma vanne moisie avait eu le mérite de changer son expression faciale en un temps record, et de façon positive en plus. Sa réponse, par contre, me fit rougir. Un massage? En privé? Putain, mais c'était totalement une phrase que Il Nam aurait pu sortir ça... Avec un air narquois et un sourire charmeur plaqué sur les lèvres. Je savais que Ji Hyuk me taquinait ; enfin, j'avais surtout compris qu'il savait comment me mettre mal à l'aise. Et que ça marchait, aussi. Tout ce qui a attrait au sexe entre hommes, quand j'étais pas bourré, c'était l'impasse. Je trouvais ça vraiment gênant, surtout quand on pense à ce que j'avais fait avec le gosse en face de moi il y a quelques semaines... Le « wild cat » en récompense, ça semblait lui aller en tout cas! Un bref sourire passa sur mes lèvres. J'étais encore un peu fébrile après avoir compris son sous-entendus d'il y a quelques secondes, alors il ne fallait pas trop m'en demander.

« Mais bien sûr que je le pense vraiment! Je suis pas du genre à dire des choses pour faire plaisir aux autres quand je le pense pas. T'a assuré c'est tout ; assume les bons retours maintenant. », lâchais-je en souriant sincèrement. Je repris une gorgée de café, et un morceau de gâteau en prime. La fierté que ma phrase avait du inspirer à Ji Hyuk devait être immense. Et avec les compliments d'avant, je préfère pas imaginer comment il doit se sentir. Enfin, après tout, vaut mieux qu'il soit bien que l'inverse. Il avait l'air détendu. Et d'une manière générale, il était plus agréable qu'au début de l'après-midi. Il prit un petit temps avant de me répondre. C'était si incroyable que ça que je lui dises merci? Je le fixais en enfournant un nouveau morceau de forêt noire dans ma bouche. D'ailleurs, je faillis m'étouffer avec quand il me répondit. Ma copine? ou... mon copain? Je toussais bruyamment, avant de me rincer la gorge avec mon café au lait. Je ne sortais avec aucune fille en ce moment, et j'étais pas prêt de sortir avec un gars! Les gens font ce qu'ils veulent, mais moi je mange pas de ce pain. Nanmého. Sous prétexte que j'ai embrassé des gars en soirée, et même couché deux fois avec certains, je devrais être bi? Attendez, c'est à cause de l'alcool, hein. Je suis responsable de rien, moi. Je toisais une nouvelle fois Ji Hyuk, après m'être remis de mes émotions. « Je pense que ça plairait à ma meilleure amie, mais sinon je sors avec personne ces derniers temps, donc... ». Je rougis en baissant les yeux. Pourquoi je repensais à ma nuit avec l'autre abruti, là! J'aurais pu hurler dans un coussin, si y'en avait eu un pas loin, tsss...

Il faisait une petite moue en me répondant que jamais il n'était allé là-bas. Mes propositions me semblaient plausibles pour un « gosse de riche », donc sa petite mine, bah j'arrivais pas à l'expliquer, une nouvelle fois. Si j'avais beaucoup d'argent, je veux dire, comme les trois quart de la Royal, je crois que je passerais ma vie à me faire plaisir! Je partirais en vacances tout le temps, je mangerais plein de gelée, et j'aurais une pièce rien que pour mes chaussures... « Bah, c'est pas une obligation, tu sais. Mais ça doit être vachement beau, en vrai, les chutes du Niagara... », lâchais-je en achevant de rêver. Je finissais mon café quand une illumination le surprit ; putain, un karaoké... J'avais jamais vraiment essayé de faire ça, juste pour rire en fin de soirée, avec quelques potes, mais j'étais mort, quoi... Je tenais presque plus debout. Impossible de savoir si j'avais une voix potable ou non. Dans mes souvenirs de gosses, c'était pas terrible, mais à part ça... Il me mettait au défi, en plus, tss... je suis pas le genre de gars à chanter H24, moi. Je pense qu'a la « baballe », justement. « Oh mon dieu, pire que tout... Je t'avouerais pas savoir comment je chante, donc achète toi des boules quies, hm. ». Je me tenais le visage entre les mains. J'avais plus ou moins validé la partie danse, mais alors la partie chant, je sais pas ce que ça allait être! « Tiens, ça m'intrigue aussi de voir comment tu chantes, toi aussi ~ », concluais-je.

J'avais payé nos « wild cat », et après avoir remercié les serveuses, nous nous sommes dirigés vers un karaoké quelconque. Il faisait plus froid que tout à l'heure, et j'enfonçais mon visage jusqu'à mon nez pour tenter de garder le peu de chaleur corporelle qu'il me restait. Je pressais le pas ; bon, j'avais pas vraiment envie d'y aller, mais rentrer au chaud était ma priorité. « Bonjour, vous avez une salle de libre pour deux, s'il vous plaît? », demandais-je poliment à la dame de l'acceuil. « Un salle de couple? Nous avons des offres spéciales pour la St Valentin, si ça vous intéresses! » me demanda t-elle sur le même ton. Je rougis instantanément, ne sachant que lui répondre. Le monde s'acharnait sur moi, ces derniers temps...

Son petit air fier, je crois que je m'en serais bien passé, mais bon. Il est comme ça, c'est pas ma faute, hein. Jusqu'au bout : je lui fais un compliment, et il continue. En même temps, ce qu'il venait de dire, c'était pas tout à fait faux. Je ne l'appréciais pas spécialement. Et puis, il ne faisait rien pour que ça s'arrange. Il restait une énigme, même si j'arrêtes pas de me le répéter ; c'est vrai. Par contre, les petits bouts de sa « véritable nature » qu'il me laissait entrevoir me donnaient une sorte d'espoir, si je pouvais m'exprimer ainsi. Je savais qu'il n'étais pas que le gamin provocateur et « tête à claques » qu'il s'efforçait de laisser paraître. Quelques fois, le vernis effrittait en ma présence ; et je dois dire que ça me faisait plaisir. On va essayer de continuer sur cette lancée, hein... Bon, c'est pas pour autant que sa question ne m'avait pas mit HYPER mal à l'aise, mais bon... Je continuais de tousser fortement avec sa deuxième question ; si j'aimais Yoshishi? « C'est comme ma sœur! », m'insurgeais-je immédiatement. Jamais je ne pourrais envisager une relation avec elle. C'était limite sale dans ma tête. Me dire que je pourrais l'embrasser -ou plus!-, ça me mettais mal à l'aise. Notre relation était pas basée sur ça, c'est tout. J'ai beau aimer les jolies filles et la trouver mignonne,jamais il ne se passera un truc entre elle et moi, même si y a beaucoup de rumeurs à ce sujet! La suite de sa réponse aurait pu m'achever, je crois... Autant de désinvolture! J'arrives à comprendre comment il fait pour être si calme. Je tentais de calmer ma gorge, rouge de gêne, en bafouillant un « Merci » embarrassé.

Moi, je viens d'une famille modeste. Ma mère m'a élevée seule, avec tout au plus le soutient de ma grand-mère. L'argent, c'est pas tellement la chose la plus importante pour moi. Mais à la Royal, j'ai découvert que c'était le cas pour beaucoup d'élèves. Ça me rassure presque de voir que ce n'est pas le cas pour Ji Hyuk. Et en même temps, là d'où je viens, je ne peux pas m'empêcher d'avoir une vision faussée de tout ça. C'est pas mon monde, c'est tout. C'est normal d'arriver à ce résultat là si on lâche un « fils de pauvres » dans une école de bourgeois comme ça. Je suis cliché, mais que voulez-vous ; ils le sont aussi. Il a l'air déçu de mon comportement, du moins je pense. En même temps, je sais pas trop comment réagir, là... mais je dois avouer que je me suis laissé emporter. Sa nouvelle réponse me tira malgré tout un sourire. « Ca, c'est ce que tu dis maintenant... On verra quand j'aurais enchaîné trois chansons, tu feras moins le malin, hum. » lâchais-je en souriant, remarquant qu'il avait surtout l'air emballé par la suite du programme. Plus que par l'envie de me ridiculiser, donc c'était déjà ça! En plus, quelque part, j'avais hâte aussi ; hâte de l'entendre chanter également.

Avec les cachets que j'avais eu, grâce au mannequinat, tout ça, j'avais un peu d'argent de côté, et je pouvais donc me permettre d'accéder aux caprices de Ji Hyuk. Même s'il laissait à penser le contraire, il avait l'air un peu au dessus de tout ces notions d'argent, de fins de mois à boucler, de travail acharné sans vie sociale derrière. Je me tuais à la tâche pour rester dans les meilleurs de ma promo, tout en alliant mes boulot de mannequin à temps partiel. Vous allez me dire, c'est pas non plus le métier le plus fatiguant de la Terre. M'enfin, ça restait du travail, avec les inconvénients que ça comprenait : patrons ou collègues désagréables, contrats pas très avantageux, horaires non modulables... Une fois arrivés au karaoké, je décide de m'adresser directement à l'accueil. Je n'aurais, évidemment, pas pu prévoir ce qui allait se passer, hein... Des offres pour les couples, ouais ça paraît logique avec la période d'en ce moment. Mais ça ne nous concernait pas. Enfin, Ji Hyuk semblait pas de cet avis. Il répond à ma place en demande une pièce spéciale St Valentin, sans savoir ce que j'en pensais. Il en profite pour m’appeler « chéri », et me voler un baiser, la teigne. Je reste, évidemment, tétanisé. Le regarde avec des yeux de poisson, mi-surpris, mi-gêné. Il est sérieux, là? Je rougis instantanément en baissant les yeux, ne sachant que dire. Le problème de l'argent était réglé, puisque nous venions d'obtenir une salle à moitié prix grâce à lui. Mais il m'avait embrassé, même chastement. Je m'en voulus instantanément, parce que mon cerveau fit le lien avec cette soirée, et je repensais à nos visages, tout proches l'un de l'autre, à ce moment-là. Super gênant. Surtout que je venais de lui affirmer dur comme fer que j'étais hétéro, quoi. Aucune crédibilité. Il me tire avec lui à l'intérieur de la salle en question, laissant la dame seule dans le couloir. « Putain, mais Ji Hyuk... », je me passais la main sur le visage, presque tremblant de gêne, « T'étais pas obligé d'en faire autant... », murmurais-je, doucement.

Je ne l'écoutais même plus. J'en avais rien à faire d'avoir des boissons gratuites. Je m'étais encore tapé la honte, a passer pour un puceau inexpérimenté, à cause de lui, là. Il devait bien rigoler. Quel sale gosse, je vous jure. Je m'asseyais, les jambes en compote. Je bois d'un coup la vodka qu'il me tend. Ça, au moins, ça va me détendre. Excité comme il était, il allait vouloir commencer, je le savais. Même s'il me soutenait le contraire. Il s'exprimait sans s'arrêter, totalement emballé. « Va-y commences, à toi l'honneur... ». J'étais saoulé, c'est vrai, mais bon. Je préférais quand même qu'il commence. « Pour le style de musique, je vais m'adapter, mais j'aime les musiques simples, acoustiques, donc euh... Je vais tenter un truc du genre, j'ai peur d'être encore plus ridicule, sinon. ». Autant être franc jusqu'au bout. J'attendais qu'il se décide pour une chanson quelconque, toujours un peu sonné à cause de tout à l'heure.

Quel morveux, je vous jures. Il ira loin dans la vie avec un comportement manipulateur comme ça... Il a de la suite dans les idées, et disons qu'il sait comment s'y prendre pour arriver à ses fins. C'est une qualité autant qu'un défaut, on va dire. Ça dépend si quelqu'un est en jeu dans ses plans ou pas. En l’occurrence, c'était moi sa victime ces derniers temps. Enfin, quelque part, si j'avais vraiment voulu qu'il se taise, j'aurais pu le menacer, me comporter avec lui comme avec les gars contre qui je me battais, parfois, tard dans la nuit. Mais je ne l'avais pas fait, et encore aujourd'hui, je ne saurais vous dire pourquoi. Ou si ça me déplaisait totalement de m'être retrouvé dans un maid café puis dans un karaoké avec lui. Je crois que, même inconsciemment, j'aimais bien sa compagnie. Il était, disons... divertissant? Assez énergique et plein de vie pour me faire penser à autre chose qu'a ma vie. Que je trouvais particulièrement misérable ces derniers temps. La preuve, je me saoulais presque tous les soirs... on va essayer de pas reproduire l'opération ce soir, hum. Bref, tout ça pour dire que sa plaisanterie qui mis fin à notre conversation, je ne la pris une nouvelle fois pas au sérieux ; j'avais compris qu'il se comportait souvent comme ça, de façon spontanée. Ce que j'avais parfois du mal à faire, je dois l'avouer.

Après avoir entendue la réceptionniste nous proposer ces offres, j'avais eu le malheur de sentir les lèvres de Ji Hyuk sur les miennes. Pour lui, ce n'était rien, ou alors juste un jeu, une passade, un moment bien vite oublié. Pour moi, c'était une preuve. Je vous arrête tout de suite, pas une preuve, genre un couple qui fait preuve de son amour ; je suis vraiment très, mais alors très loin de ressentir quelque chose de ce type pour le gamin en face de moi. C'était simplement la preuve d'une autre vision des choses, d'un autre avenir possible. Je le savais, j'étais au courant ; les garçons ne terminent pas tous avec les filles, et les filles ne finissent pas toujours avec des garçons. Ce chemin pré-établi qu'étais l'hétérosexualité, le monde entier ne l'empruntait pas. Je savais déjà que Ji Hyuk faisait partie de ceux que ça ne rebutait pas de briser les codes. Mais ce que je savais aussi, c'est que si moi aussi je choisissais ce côté, ma mère m'en voudrait toute ma vie. Je crois qu'elle ne s'en remettrait pas. Et elle a déjà tellement fait pour moi ; je ne peux décidément pas m'y résoudre. Ça serait comme cracher sur son amour et son dévouement. Je préfères me brimer plutôt que de lire la déception sur son visage. Et lui mentir, aussi. Et me mentir, aussi. C'était mieux comme ça. A moi de me sacrifier, un peu. Je crois que personne ne peux comprendre ce qu'il se passe dans ma tête ces temps-ci. La seule chose que j'ai trouvé pour refouler un peu plus tout ça, c'est l'alcool. Ça me donnait une excuse pour regarder un peu plus intéressement des garçons. Enfin, pas que. Mais la suite est privée, hum.

Il m'entraîne à l'intérieur de la salle, sans se soucier de mes reproches, et tout en faisant comme si de rien n'était. Et, une nouvelle fois, l'alcool m'attira. Inlassablement. Comme un cercle vicieux. Une pomme, un fruit défendu. Dès que je me laisse un peu aller, c'est pour y replonger. Je devrais peut-être aller me faire soigner ; mais à vrai dire, et sans vouloir rentrer dans le cliché, je suis plus en mode : je suis jeune, et je m'en fous. On ne peut pas être alcoolique à mon âge, nan? Du moins, ça ne s'était jamais vu. J'étais loin de ma crise de la quarantaine. Loin des problèmes des adultes. Et en même temps si proche, et depuis si longtemps. Les problèmes, être adulte. Grandir. J'avais grandi, de plusieurs années, mais en l'espace de quelques jours. Avec la jeunesse que j'avais eu, je sais pas trop où me situer. Faut que j'arrête de partir dans des divagations, comme ça. Je n'écoutais même pas Ji Hyuk qui me disais d'y aller molo, et me resservais un nouveau verre. « Lâche-moi, d'accord? Je te dis rien, tu me dis rien. Je m'en fous de tes remarques. », je suis toujours sur la défensive dès qu'on me reproche l'alcool. Fallait pas m'en vouloir, mais au contraire des discussions sur la bisexualité qui me gênaient, celle sur l'alcool me rendaient agressif. Aller savoir pourquoi.

Je l'avais laissé commencer, parce que je savais qu'il en mourrait d'envie, et aussi parce que je n'étais pas trop en état ; je voulais me détendre un peu. Il avait choisi une chanson que j'aimais bien, de Sia, donc c'était déjà ça. Je fixais mon verre vide aux première notes du piano, avant de relever la tête dès qu'il laissa sa voix sortir. Ouah, mais il savait hyper bien chanter, en fait! Il semblait concentré, et en même temps il se laissait aller. Il semblait connaître plutôt bien la chanson. Par moments, ses yeux se fermaient. Alors que les miens restaient ouverts. Je ne voulais pas en louper une miette. Sa bouche légèrement entrouverte, ses sourcils froncés, sa voix qui portait. Qui montait, un peu plus à chaque fois. Il la retravaillait à sa manière, la retransposait à son niveau (plutôt élevé, avouons-le). Il se retourna vers moi, les joues rouges et le souffle court, comme après un effort. Bon, OK, il était pas mal mais on s'arrête là! Je savais qu'il attendait des compliments ; alors c'est exactement ça que je ne voulais pas lui donner. « C'était pas mal... », mais bon, je suis trop gentil, que voulez-vous ~ « ... 'fin ça gérait un peu, quoi. Tu me saoules à savoir faire pleins de trucs comme ça! Quand tu veux je te prend à la natation au tennis ou au foot! Tsss. ». C'est vrai, il avait bien chanté, et la moindre des choses était de l'admettre.

Je pris la relève en même temps que le micro. La chanson commença et ma voix avec. J'avais opté pour une version un peu plus acoustique que Lalala de Naughty Boy et Sam Smith. J'aimais bien cette chanson, bizarrement. Je me surprenais à l'avoir dans la tête régulièrement. C'est donc tout naturellement que je l'avais choisie ; une sorte d'évidence. Je laissais les mots, les paroles devenir miennes, en me foutant d'être ridicule. Le peu d'alcool que j'avais bu se propageait comme un venin dans mes veines. Et jamais ça. Ça m'encouragea à continuer. Certaines de mes notes devaient être fausses, et je compris bien vite que ma fois ne portais pas comme la sienne. Tant pis, je n'allais pas me lamenter sur mon sort ; c'est pas comme si je m'étais vanté de bien savoir chanter. Je n'avais aucune idée de si je m'en sortais bien ou pas, je n'avais l'oreille suffisamment musicale pour ça. La guitare s'arrêta après ma voix, et je me retournais vers lui, en le fixant un peu, le micro serré dans mes mains ; j'attendais le verdict, quelque part. Je pouvais faire le « je-m'en-foutiste » autant de fois que je le voulais, j'avais quand même envie de connaître un avis extérieur sur ce point. Et puis, il avait l'air de s'y connaître un peu. « Va-y, balance. Je sais que c'était pas génial, hum. » lâchais-je en me penchant pour me servir une gorgée de vodka. Au final, chanter un peu, ça m'avait fait du bien. Je devrais faire ça plus souvent.
Cette phrase revient trop dans ma tête depuis le début de l'après-midi... Je m'amuse donc? Un léger sourire remplit mon visage à cette pensée.

Les choses ne sont pas toujours évidentes pour tout le monde. Je n'avais pas été « éduqué » de façon à penser qu'embrasser, coucher ou aimer un homme était une bonne chose. C'était des choses que l'on ne disait pas. L'amour, ça avait beaucoup nuit à ma mère, toute sa vie. Ça doit être pour ça que j'ai du mal à tomber amoureux « de la bonne façon », on va dire. Chez moi, c'est toujours trop. Je ne peux pas tomber amoureux à moitié, et ça ne convient pas à tout le monde. Et puis mon modèle de référence, c'était un homme, une femme, des enfants, un chien. Pas de doutes là-dessus, de questions, de remises en causes. C'était comme ça, et c'est tout. Je n'ai jamais eu de conversations sur l'homo ou la bisexualité avec ma mère. Jamais. Ça doit être tabou, pour ma famille. Mais j'ai jamais voulu poser la question non plus. Connaître leurs opinions. Parce que j'ai peur d'entendre la réponse. Et que j'ai pas envie d'embêter ma mère avec ça. Elle a déjà trop à faire, la pauvre. Et elle en a déjà trop fait. La moindre des choses que je peux faire pour la remercier, c'est au moins correspondre à son fils idéal. Je m'en voudrais trop de la voir mal à cause de moi. Je préfères souffrir pour moi-même que la faire souffrir en plus.

Je crois que le fait d'avoir commandé de l'alcool, bah c'était pas une si bonne idée, en fait. Ça faisait ressortir tout ce qu'il y avait en moi ; les bons comme les mauvais côtés. Enfin, surtout ce qui était enfoui, donc on va dire les mauvais côtés, hum. Et je détestais par dessus tout qu'on me reproche ma consommation excessive. Je le savais, j'étais déjà au courant ; je vivais avec moi tous les jours après tout. J'avais pas besoin de me l'entendre dire un peu plus. C'est pas comme si j’aimais cette facette de moi à la base. Je ne répondis rien à sa menace, me contentant de savourer mon verre, silencieusement. Je laissais son regard me fusiller ; au pire, même s'il m'empêchait de boire là, j'y retournerai ailleurs, donc ça changeait pas grand chose -a part une ou deux heures de temps. Ce fut à mon tour de le fusiller quand il lâcha une réponse provocante, d'un ton froid. Même si je pense que c'était plus pour lui-même que pour moi, je ne pus m'empêcher de répliquer, de la même façon : « T'inquiète pas pour ça, va. ».

Malgré la tension électrique de la pièce, il semblait tout à fait enchanté de commencer à jouer les stars. J'avoue que son engouement me tira un petit sourire. Un vrai gosse, dans tous les sens du termes : chiant mais mignon. Ou l'inverse. Mais une chose est sûre ; il se gère comme un pro. Il se connaît vraiment bien. Son corps, ses limites. Il se maîtrise, on va dire. C'est assez impressionnant. Après l'avoir vu tout déchirer sur une piste de danse, je suis entrain de découvrir le Ji Hyuk capable de faire vibrer une salle de concert. Incroyable. Il a une voix propre à lui-même, à deux faces. Aiguë et grave. Faible et forte. Posée et puissante. Il devrait devenir idole, ou un truc du genre. Et avec son « mind control » et son côté manipulateur, c'est sûr qu'il réussirait hyper bien. Je me laissait emporter par le show qu'il me proposait, en fermant les yeux pour mieux savourer quelques passages plus délicats. Et c'est dire qu'il y en avait ; il n'avait pas choisit la chanson la plus facile à chanter au monde, loin de là. Et il termine, aussi superbement qu'il avait commencé. Je lui lâches finalement « mon compliment-caché », en n'omettant pas de lui proposer un autre terrain pour s'affronter. Ça restait un gosse intéressant, quoi qu'on dise. Quoi que je dise. « Tss, on pourra rester dans le petit bassin, si c'est que là que tu as pied... Mais dans tous les cas, tu sais que tu va devoir te mesurer à ma surpuissance, hum? », j'avais commencé moqueur, alors je terminerais comme ça. Fallait que je me calme un peu ; dès qu'on parlait de sport, je m'enflammais trop. Et puis je commençais à lui parler comme avec Yoshishi, donc à m'emballer. Calme, Shôta, calme. Mais néanmoins, j'avais un grand sourire sur les lèvres, trop heureux que l'on parle de mon « domaine ».

Quand mon tour arriva, je crois qu'on peut dire que je faisais moins le malin. Je n'avais pas chanté depuis longtemps, et ce n'était pas quelque chose que je considérais comme étant « dans mes cordes », sans vouloir faire de mauvais jeu de mot. Je savais bien qu'on était pas là pour faire un concours de chant, mais je ne pouvais m'empêcher de stresser. Je ne savais jamais à quoi m'attendre avec cette teigne qui me fixais, là. Je terminais la chanson comme je l'avais entamée : stressé et pas trop sûr de moi. Pourtant, les notes m'avait permis de me calmer un peu. J'aimais cette chanson, sans vraiment savoir pourquoi. Et je n'avais pas la prétention de dire que j'allais la chanter de la bonne façon. Alors les applaudissements de Ji Hyuk me tirèrent un petit sourire gêné. Et ce qu'il dit derrière me fit chaud au cœur.

Je l'avais regardé comme un idiot quand il m'avait prit ma vodka des mains. Hein? Pas une bonne idée? La vodka, c'était toujours une bonne idée! Je le regardais, l'air de ne pas comprendre. De l'eau? « Hey, mais att... » ; je n'eu pas mon mot à dire. L'eau et les nouveaux verres étaient déjà commandés, tandis que les anciens étaient vides et la vodka déjà hors de ma portée. Tristesse. Je soupirais, agacé. Autant ne pas commander d'alcool dès le départ, si c'était pour terminer comme ça. J'aurais peut-être du être plus agréable tout à l'heure. Enfin, c'était fait, maintenant. Mon visage devint très rouge quand il fit référence à notre « nuit ». Celle où on été censés avec couché ensembles. Je toussais fortement sans rien répondre, trop gêné. Pour faire dévier la conversation, je dis : « T'aurais au moins pu commander un truc plus agréable à boire que de l'eau... Genre du coca ou du Sprite, je sais pas... », grommelais-je.

« C'est à toi, nan? Tu va chanter quoi maintenant? », demandais-je, un peu curieux. Juste avant que mon corps ne me fasse savoir qu'il avait faim. Ah. « Enfin, on peut commander un truc avant? J'ai envie d'un truc salé, genre des yakitoris... Ils doivent faire ça ici, nan? ». Je n'étais pas vraiment un habitué des karaokés, alors je connaissais encore moins la carte de ce qu'ils proposaient. J'attendais sa réponse, affamé, je dois le dire.

L'un comme l'autre, il nous manquait des bouts pour se comprendre parfaitement. Des bouts de nos vies, des bouts de tout ce qui construisait et nous détruisait. On ne pouvait pas juger un livre à sa couverture, et c'était encore plus le cas pour nous. Qui pourrait penser ne me voyant que j'étais un alcoolique complexé, qui n'arrivait pas à se défaire de l'emprise de sa mère sur lui, et donc à vivre sa sexualité comme il l'entendait? Mon histoire n'était pas écrite sur mon visage. Pour Ji Hyuk, c'était la même chose. Je ne savais rien de lui, ou alors pas grand chose. Je savais comment il s’appelait, qu'il aimait danser, qu'il chantait bien, qu'il avait un côté manipulateur, et qu'il aimait les garçons. Voilà. Mais je crois aussi que la « précarité » de nos rapports nous permettait plus facilement de nous laisser aller, étrangement. Autant vous dire que oui, je ne passais pas ma vie dans un maid café, ou au karaoké. Je crois que pour lui aussi, c'était exceptionnel. Et au final, on rigole bien, je trouve.

Alors malgré mes coups de sang quand on évoque l'alcool, j'avais écouté attentivement Ji Hyuk quand il avait chanté. Encore une preuve que je l'aimais bien, ce petit : je lui avait lancé un défi. Et pas n'importe lequel ; un défi sportif! Et oui, moi si on veut m'affronter, faut le faire sur mon terrain. En général, ça n'était qu'avec les personnes que j'aimais bien que j'instaurais ce genre de choses. Et là, en l'occurrence, c'était sorti tout seul. Il remontait dans mon estime, ce gosse. Il semblait enthousiaste, mais pour autant se refusait à un défi dans l'eau. J'étais content, bien sûr, mais ma curiosité était elle à vif. « Ouais, ça c'est ce que tu dis! Tu parles à un sportif de haut niveau, là! Mais pourquoi t'insiste là dessus, tu sais pas nager ou quoi? ». Bon bah, c'était sorti. Et pas de la façon la plus fine, vous noterez. Je l'avais dit comme un de ces gars dans les pubs qui parlent fort et qui ont un rire gras. Je tentais malgré tout de me rattraper : « Sans vouloir paraître indiscret, hum. ». Bah, je sais bien que suis pas la personne la plus délicate de la Terre. Au pire, il ne répondra pas, et on passera à autre chose.

C'était donc à mon tour de chanter. La seule chose que j’espérais, c'était qu'il soit un peu indulgent avec moi ; assez pour ne pas se foutre ouvertement de ma gueule quoi. Mais à ma grande surprise, ça avait été le cas. L'air de rien, ça avait l'air de lui avoir plu. Même si j'ai beau répéter que j'en ai rien à battre de se gosse, ça me fait quand même plaisir. Surtout quand on sait comme il avait l'air sincère. Tant mieux, c'est toujours ça de pris. Mais me complimenter, ça ne voulait pas dire me lasser boire en paix. Raaaaah, un peu ça ne lui avait suffit? Il comptait encore me casser les pieds à cause de ça? Même pas le temps de le regarder méchamment, que déjà il embraye sur une remarque déplacée. Il nous enterrera tous, je vous dis. C'est incroyable d'être comme ça! Surtout que vu comme il est, je suis sûr et certain que ses parents ne soupçonnent pas cet aspect de sa personnalité. Mes yeux s'assombrirent que je pensais soudainement que de mon côté aussi, j'étais pas mal. Ma mère ne m'avait jamais vu alcoolisé, ou volage, et encore moins avec des garçons... Si un jour elle apprenait ça, j'étais cuit. C'était ma plus grande peur ; et c'est aussi pour ça que j'étais là, avec Ji Hyuk, rappelons-le. Si jamais quelqu'un apprenait ce qu'il s'était passé entre nous (parce qu'on ne parlait plus de baiser chastes, là, mais bien de véritable acte sexuel...), et en parlait à ma mère, ça serait mon monde en entier qui s’effondrerait. « Okay... », répondis-je sombrement, de la façon la plus docile que je pouvais faire.

C'était à son tour de chanter, et je ne me gênais pas pour le lui rappeler. Choisir pour lui? Huuum, j'avais bien quelques petites idées, mais ça allait être dur de choisir tout de même. Ce qui m'étonnait malgré tout, c'était qu'il me laisse champ libre là-dessus. Une petite idée de vengeance me venait, mais j'allais devoir la laisser mûrir encore un peu. Après tout, ça pourrait être très drôle. Vraiment très drôle. Je ne laissais malgré tout rien transparaître, et faisait mine de chercher, encore et encore. Mon ventre me rattrapa soudainement, si bien que je dus lui demander expressément de commander pour moi des yakitoris. Son air étonné me troubla. Quoi, il habite au Japon et il ne connaît pas cette institution de la cuisine locale? Je le fixais avec des gros yeux. Si c'était pas le cas, ça en avait tout l'air. « Arrête, me dis pas que t'en a jamais mangé! Sérieux, tu viens d'où! Au Japon c'est la base. Tsss, toute une éducation à refaire. ». Je l'avais dit sur le ton de la rigolade, mais savoir d'où Ji Hyuk venait, ça m'intriguait pour de vrai. Il avait l'air d'un coréen, c'est vrai, mais à ce moment là moi aussi. Et pourtant j'étais calé niveau Japon. Remarquez, j'avais pas trop eu le choix, m'direz.

Tandis qu'il commandait de la nourriture -parce que oui, apparemment c'était possible-, je l'interpellais en lui disant de fermer les yeux. On va pas se mentir, c'est plus drôle si il découvre le pot aux roses sur le tas. Je lançais la chanson, tout sourire et fier de moi, en espérant malgré tout que ce n'était pas sa chanson préféré. « Allez champion, montre moi ce que tu peux faire. ». Et les première notes de The Real Slim Shady d'Eminem résonnèrent déjà dans la salle que nous occupions. Show must go on, hum?

Là je vous avouerais, j'ai l'impression que Ji Hyuk a raté sa vie rien que parce qu'il ne sait pas nager! La natation, c'est génial. La liberté des mouvements, la sensation de tous les muscles qui fonctionnent en harmonie, les poumons qui soulèvent doucement la poitrine avant l'effort, la caresse de l'eau sur la peau avant de plonger plus vite. Je n'avais pas hésité à la prendre en matière à Royal. C'est un sport qui ne ressemble à aucun autre. Moi j'adore ça, vraiment ça. Ma surprise était à la hauteur de sa tête ; ça le gênait tant que ça? Il ressemblait à un gosse à qui on a reproché d'avoir pissé dans son lit, sérieux... Pour tout ce que j'avais pris dans la tête aujourd'hui (et en règle générale avec Ji Hyuk), je vous avouerais que je ne culpabilise pas trop haha! Ouais, okay, c'pas cool. Mais bon, c'est mes pensées, je fais ce que je veux. Il est tout rouge, c'est trop mignon. Je m'approche et lui ébouriffe les cheveux, en rigolant légèrement. Avouer qu'a son âge, c'est quand même un peu la honte de pas savoir nager. On parle pas de siffler, ou de savoir faire des bulles de chewing-gum. C'est un truc important ; il fera quoi s'il tombe dans l'eau sans personne pour l'aider un jour? L'air de rien, c'était un truc utile. Même sans en faire son sport préféré... Et sa voix qui part dans les aigus! Je retins un nouveau rire, ne voulant pas le vexer plus. « Hé calmos le petit! T'avoueras que c'est quand même pas glorieux, haha! », bon, voilà, c'était sorti. J'avais enfin touché un nouveau point sensible chez Ji Hyuk. Pleins de ressources, ce gosse! Histoire de pas trop passer pour le connard dans l'histoire, je lui décoche un clin et lui dit en souriant : « Enfin t'inquiète pas, si ça arrive je viendrais te repêcher. ». Une façon pas trop délicate de lui dire que je pouvais venir à son secours en cas de problèmes ; et mine de rien, je le pensais vraiment.

J'avais chanté, un peu malgré moi ; et peut-être malgré lui aussi, Ji Hyuk m’avait finalement complimenté sur ma voix. Intriguant, mais pas déplaisant ; j'avais trouvé ça gentil, surtout quand je croyais m'être pris une grosse taule. Mais l'alcool, là ça l'avait pas fait. Ca ne lui plaisait pas de me voir « me foutre en l'air » comme ça. Pas que ça me plaise vraiment ; simplement je ne sais pas quoi faire d'autre. C'est mon truc un peu différent, la chose qui me fait m'évader. Et encore, je trouve que je suis soft. Certains prennent de la coke ou de l'héro ; je ne fume même pas, c'est mon seul « pêché ». Alors ça me fait grandement chier quand on essaye de me dire comment je devrais vivre ma vie ; surtout quand c'est gosse qui parle mal et sait pas grand chose. Okay, je m'emporte peut-être un peu, mais là ça m'avait grave saoulé ; je lui avais d'ailleurs fait comprendre. Mais c'est qu'il lâche pas le morceau le petit! Au point de ramener la chose dont j'évite de parler ; que dis-je, que j'esquive ; sur le tas. Je déteste quand il fait ça. Mais je suis bien obligé d'avouer que ça fonctionne. C'est facile de me faire plier quand on a des arguments pareils. Alors je me laisse faire, j'accepte en chuchotant, docilement. De toute façon, je n’avais pas d'autre issue possible. Je veux vraiment pas parler de ça.

Son défi me semble raisonnable, et c'est pour ça aussi que j'avais accepté. Et je le trouve d'autant plus fair-play quand je vois qu'il me laisse choisir la fameuse chanson. Il a l'air déterminé, et c'est pas pour me déplaire. J'aime la compétition dans ce sens là. C'est mieux quand l'adversaire est décidé à défendre son bout de gras ; et ça l'est encore plus quand l'adversaire est Ji Hyuk. Là en plus, je risque pas grand chose, et j'adore ça. Avec un sourire, je me rappelle les idioties faites avec Yoshiko. Mais mon ventre me rattrape, coupant mes élan d'héroïsme. J'avais faim, et pas de n'importe quoi ; de yakitori. Même si mon voisin semblait découvrir ce plat, entraînant ma surprise extrême. Comment on pouvait passer à côté de ce plat au Japon?? Il rougit encore le pauvre, ça me ferai presque de la peine. Je m'en veux peu après d'avoir laissé ces mots sortir de ma bouche. « Soit pas gêné comme ça, j'étais juste surpris, euh.. ». Je mordille la lèvre d'inconfort, en le regardant me répondre. « D'où tu viens de Séoul?! » ; nouvelle exclamation, mélange de surprise, et de mélancolie. La Corée du Sud, ça m'évoque le meilleur comme le pire. J'y ai grandi, mais ça ne reste pas la période la plus joyeuse de ma vie. Et pourtant, j'y était né, ça restait un bout de ce j'étais. J'avais pris ses bras entre mes yeux et le regardais dans les yeux, un grand sourire sur les lèvres. « On peut parler en coréen si tu préfères! Je suis né à Séoul aussi! C'est mon père qui est coréen! Ouah, c'est génial, ça! Si tu connais mal le Japon, je pourrais te montrer pleins de trucs que j'adore! Pourquoi t'es au japon, toi? C'est sûr à partir de maintenant on parle en coréen! J'y suis pas allé depuis si longtemps! T'as des photos? ». Ouais, je sais, je m'étais emporté. Mais la surprise était trop grande, et j'étais devenu un peu plus enthousiaste à chaque mot. En fait, j'avais une envie folle d'y retourner. Juste pour voir. Et je mourrais d'envie de parler de ce pays avec quelqu'un qui le connaissais. Ce pays que j'avais quitté en hâte, comme on fuit d'une prison ; et cette prison dans laquelle je pourrais revenir déguisé en gardien de la paix.

Evidemment, tout le monde connait Eminem. Et aussi The Real Slim Shady. O-bli-gé. Mais tout le monde n'arrive pas à tenir la cadence comme le rappeur, ça aussi c'est sûr. Et j'avais, je dois le dire, très envie de voir Ji Hyuk s'y essayer ; surtout parce que je voulais le voir se planter. Baaah, c'était drôle, nan? Moi je trouvais ça drôle, en tout cas. Et à entendre son petit rire, je crois que c'était pareil pour lui. Enfin, je laisse les notes partir, et orne mon visage d'un sourire fier en le voyant se gaufrer au départ. Je perd néanmoins vite ce sourire, l'observant réussir avec brio ce rap pas si facile. Chaque syllabe est placée au bon moment. Comme s'il avait fait ça toute sa vie. Interdit, je le laisse faire ; impressionné aussi. Je n'aurais pas aussi bien réussi, ça c'est sûr. Et ouais, je croyais l'avoir comme ça, pour répondre à ça question. Mais même si je ne lui dirai jamais, je savais bien quelque part au fond de moi qu'il allait s'en tirer, ce gosse. Alors, ouais, il peut s'la jouer avec ses doigts positionné comme un rappeur d'un groupe quelconque, parce que ça en jetait grave. Pourquoi il devient pas idole, lui? Je suis sûr qu'il réussirait hyper bien. Entre la danse, le chant et le rap, pas à dire, il sera parfait. Son sale caractère est déjà celui d'une diva en plus, haha. Il me regarde, et moi aussi. Assis sur le bord du canapé, les bras croisés autour de mon torse, je soupire en souriant un peu. « Y a quelque chose que tu ne saches pas faire? », lâchais-je finalement, un sourire au coin de la bouche. Au moins, ça avait le mérite d'être clair.

Mais la porte se fait taper dessus, et je comprend que c'est mon plat qui arrive. Avant que je ne puisse vers un seul mouvement, le p'tit est déjà dans le coup, presque entrain d'agresser la pauvre femme qui gentiment nous l'avait amené. Elle semblait gênée, et le grand sourire que Ji Hyuk lui offrit n'était pas pouvoir l'arranger. Je parviens à la remercier poliment avant qu'elle ne partes totalement, nous laissant de nouveau seuls. Il me tend la boîte encore chaude, tout sourire, comme un enfant qui vient offrir une pâquerette à ses parents. Je lui souris à mon tour et m'assois, l'invitant à faire de même. « Merci de les avoir commandés pour moi. », dis-je en ouvrant le couvercle. Il y en avait de trois sortes, et la boîte était séparée en trois compartiments. Poulet mariné, évidemment, mais de deux manières différentes ; les negima, avec de l'oignon vert et du blanc de poulet (mes préférés!), et les tsukune, sous forme de boulettes. La dernière sorte sont des butabara, qui elles sont au porc. Je présente le tout à mon acolyte, en prenant soin de mettre un de chaque dans une assiette pour qu'il puisse goûter à tout. Je souris en faisant ça, ayant l'impression de l'initier, en quelque sorte. « Aller, mange tant que c'est chaud, avant que je ne batte un bon coup. ». Un nouveau petit rire, et j'attaque, moi aussi, cette nourriture tant convoitée.

Ooooooh qu'il était mignon à vouloir faire son grognon comme ça! Je le regardais un peu, je pense, comme une mère pourrait regarder son fils -ouais bon, c'était peut-être exagéré-. Mais en vrai il était adorable, à se vexer comme un pou dès la première petite remarque désobligeante. Si j’avais eu un petit frère, je pense qu'il aurait pu lui ressembler -quoi, ça aussi c'est exagéré?-. Avec la vie que j'ai eu, je pense qu'il aurait pu tourner comme Ji Hyuk, aimer la danse tout ça. Quand on réfléchi, mon échappatoire, c'est le sport ; le sien doit très certainement être la danse. En même temps, et à bien y réfléchir, je sais pas si Ji Hyuk aurait aimé être mon frère. J'ai pas eue une vie toute rose, lui au moins il avait de l'argent. On a beau dire, ça fait déjà un soucis en moins. Je le regardais donc faire sa tête de cochon, en ne pouvant m'empêcher de lui ébouriffer les quelques cheveux qui dépassaient. « Roooh je rigole voyons ~ fais pas l'enfant pour si peu ~ », lui dis-je, toujours taquin. C'est vrai qu'il avait pas de quoi se vanter, pour le coup, mais bon. Il me ferait presque de la peine, à être honteux comme ça. « Blague à part, tu veux que je t’apprennes? Je veux dire, je me débrouille pas mal en natation, je peux t'aider à progresser si tu veux.. ». Je le fixais, curieux de sa réponse. Vraiment, s'il acceptait, je m'engagerais à le faire nager, coûte que coûte. Mais bon, riche comme il est, il doit déjà avoir un professeur hors de prix. Remarquez, c'est l'intention qui compte!

Bref, en attendant monsieur avait décidé de me priver d'alcool ; une sorte de compétition de chant -qu'entre nous j'étais sûr de perdre- venait de s'établir. La victoire nous rapporterait au mieux du jus de fruit, ou du coca. La loose, ouais, je sais. Parce que moi, quand je bois du coca ou du jus de fruit, c'est pour diluer mon whisky ou ma vodka. Pas d'entre deux. Mais bon, c'était de bonne guerre, donc on va laisser faire, hum. D'autant plus que ça commençait à être intéressant et drôle ; on va allier l'utile à l'agréable, hum? Mais mon ventre se manifeste, nous coupant dans notre élan, et Ji Hyuk commande des yakitoris pour moi. D'ailleurs, son inculture sur ce plat m'intrigue ; vraiment, c'est un coréen lui aussi?! Mon enthousiasme me précède, et je commence à lui poser tout un tas de questions, totalement pris dans mes souvenirs. Bon, vous noterez que j'ai passé que du bon temps là-bas, mais ça reste mon pays d'origine, et il me manque, malgré tout. Je peux aller n'importe où, y a aucun endroit qui me fait me sentir aussi bien que là-bas. Si les racines de ma mère sont au Japon, les miennes sont en Corée du Sud. Il venait donc de Gangnam? Pas étonnant pour un « riche »... Un peu gêné à mon tour, je lui dit : « Oh, je vois... c'est vrai que toi, tu... moi j'habitais à Guryong... on était presque voisins, au fond... ». Je pince ma lèvre, un peu dépité ; moi je vivais sous des taules, et lui sous des poutres en bois « modernes ». J'ai presque honte d'avoir dit ça. Le visage de mon interlocuteur, à son tour, venait de changer. Il semblait... triste? Comme si la Corée ne lui rappelait rien de positif. Je le regarde sans comprendre, me demandant pourquoi il essaye de « cacher » ce sentiment. Il le réprime pour moi, pour pas me casser mon trip? Ouah, il devrait prendre des cours de théâtre, parce que là.. Il a les lèvres pincées, et le regard fuyant. Il accepte de me parler en coréen -je vous avouerais que au vu de sa tête, ça me touche-. Il est venu ici pour changer d'air? Il n'a pas eu le temps de prendre des photos? Mes sourcils se froncent, et ma curiosité grandit. Le pauvre, il a vraiment l'air mal. « Arrête d'en parler... », je le fixe, et cherche son regard, avant de continuer, « Pardon, j'ai pensé qu'a moi, ça fait longtemps que j'avais pas vu un coréen, donc, euh... Te force pas à parler de choses dont tu n'a pas envie de parler. Je trop indiscret, pardon. On oublie ça, on change de sujet. ». Le mieux à faire, je pense. Il m'avait fait tellement mal au cœur ; j'ai presque cru qu'il allait se mettre à pleurer. Dans mon esprit étriqué, celui d'un garçon qui n'a pas beaucoup d'argent pour vivre, les riches n'ont pas de problèmes. Ji Hyuk est pour moi la preuve que les gens sont tous les mêmes.

En fait, je crois que ça me dégoûte, de le voir tout réussir comme ça, comme si c'était facile. Et en même temps, je trouve ça cool pour lui, parce que si jamais il voulait devenir une star, il pourrait le faire sans problèmes. Il rappe sur du Eminem mieux que je n'étale du beurre sur mes biscotte ; oui, bon, bon, c'est pas le meilleur exemple. Mais avouez que QUAND MÊME il gère sa maman, ce gosse. J'ai envie de lui dire : « Ouais, c'est bon va-y, sort, tu me saoules. », mais je peux même pas, parce que je trouves ça fascinant. Je me sens comme le mec qui a trouvé un diamant pour la première fois. Il a du se dire que c'était hyper beau, mais qu'il était le seul, le premier à voir ça. Bon, là, pour Ji Hyuk, je dois pas être le premier, mais quand même, je suis impressionné. Même les mouvements nuls des mauvais rappeurs, il arrive à rendre ça classe. Tss. Alors qu'il fait son show, et qu'une nouvelle fois je le complimente à mi-mot, il me lâche une réponse du tonnerre ; nager, c'est vrai! J'avais déjà oublié, c'est dire. Alors qu'un rire franc s'échappe de ma gorge, un peu plus fort, une idée me vient en tête. « Et Ji Hyuk... Tu veux devenir une idole par hasard? Parce que mon patron fait passer des castings, il cherche des jeunes talents dans ton genre. 'fin en fait, avec ce qu'il m'a dit, j'ai l'impression que c'est toi qu'il cherche. Tu veux que je passes des coups de fils pour toi? ». J'avais demandé ça sérieusement, sans m'inquiéter, encore une fois, de ce qu'avait pu vivre Ji Hyuk avant d'en arriver là. Je l'aimais bien, ce p'tit, et j'avais sincèrement envie de l'aider ; mais on ne peut jamais savoir comment vont réagir les gens.

Mais les yakitoris arrivent, et déjà je me réjouis de pouvoir les manger. En partageant avec Ji Hyuk, hein. Je suis un morfale, mais je veux quand même qu'il goûte cette institution de la cuisine coréenne. Je le remercie en commençant à nous préparer des assiettes, alors qu'il change du tout au tout pour devenir une sorte de créature mi-chat, mi-humain, qui visiblement a également très faim, et ronronne pour en avoir un peu. Encore une fois, il me fait surtout penser à un gros gamin qui découvre quelque chose de nouveau. Sa mère doit s'en donner à cœur joie avec lui, tsss... Il m'imite golum comme moi j'arrive à imiter un surligner, c'est vous dire. Oui, oui, c'était juste pour dire très mal, en fait. Il mord dedans et lâches un grand « huuuuuuum » sans avoir vraiment pu encore se concentrer sur le goût. Et je signale quand même qu'à la base, c'est moi qui avait faim! À mon tour, j'y goûte, laissant mes papilles faire le travail pour moi ; la dégustation. Il a raison, c'est une tuerie! Je rigole en le voyant manger, alors que moi aussi, je savoure avec envie. « En vrai, je suis sérieux, je peux t’emmener faire un tour des meilleurs restaurants de Tokyo! Tu verra, ça, c'est rien comparé à ce qui t'attends! », dis-je en continuant avec les boulettes de poulet. Je rougis par contre en l'entendant me dire que suis un super et qu'il m'aime. Sérieux, faut qu'il se calme avec les trucs comme ça, moi jamais je vais m'arrêter de rougir sinon. Je toussote pour faire passer tout ça, et m'autorise une autre question, qui j'espère ne le mettra pas mal à l'aise comme mon passage sur la Corée : « T'es au Japon depuis quand? ». Qu'il le sache, il a le droit de pas répondre.

juste pour te faire baver..: