Nous finîmes par arriver alors je descendis de voiture et attendis que Raylai eût fait de même pour en verrouiller les portières. J'habitais un immeuble modeste, du moins en apparence. A l'intérieur, il découvrit un hall assez clair et l'ascenseur nous conforta dans cette ambiance design. Au cinquième étage, je sortis de la cabine et lui adressai un sourire avant d'aller ouvrir la porte. Il m'avait fallu un instant pour reprendre pied avec la réalité et oublier la belle voix de Niall. A présent, j'étais concentré sur mon invité que j'incitais à prendre place sur le canapé qui trônait dans le salon. « Fais comme chez toi. Je vais nous chercher à boire, je reviens. » Délesté de mes chaussures et de ma veste, j'allai prendre ma boisson préférée dans le frigo. Raylai était en train de découvrir mon spacieux trois pièces, avec sa vue sur la capitale et son mobilier agréablement disposé. Les tons étaient plutôt pastels, mais contrastaient avec des couleurs plus tranchées. La particularité de mon intérieur résidait dans la suite d'étagères qui faisaient le tour du salon, peuplées de tirelires de toutes sortes, de toutes couleurs et de toutes formes et tailles. Je les collectionnais, sans vraiment savoir pourquoi. Certains aimaient les œuvres d'art, d'autres les figurines, moi c'était les tirelires.

Je revins dans le salon avec deux verres de thé glacé et en posai un devant le jeune homme. Je ne lui avais pas laissé le choix de la boisson et je me fichais à vrai dire un peu de son avis. Avant de le rejoindre, j'allai chercher dans un placard quelques tomes d'un manga érotique, que je lui apportai. Je pris place à côté de lui et posai les ouvrages sur ses genoux. « Là il y a une histoire et c'est censé être assez pédagogique, tu devrais mieux comprendre. » J'attendis qu'il en ouvrît un pour boire une gorgée de thé glacé, soupirant suite à la sensation agréable que cela me provoquait. Mine de rien, je glissai un bras sur le dossier du canapé, prêt à tout moment à le passer autour du buste du jeune homme. Mes yeux étaient de plus en plus révélateurs. Je me sentais joueur aujourd'hui. En fait, je cherchais la meilleure façon de l'amener dans mon lit. Je ne voulais pas le forcer, je ne me considérais pas comme étant un violeur. Du coup, je… Oh ! J'avais une idée toute trouvée ! Je tournai un peu les pages pour arriver au moment où la jeune héroïne se retrouvait prise d'assaut par les baisers de celui qui s'annonçait comme son partenaire. « Ça commence souvent comme ça. D'abord des baisers, parfois même quelques mots doux si ton ami a de la chance... » Je plaçai Raylai dans son rôle d'ami, seulement il n'allait pas tarder à en sortir. Je passai d'ailleurs déjà quelques doigts sur sa cuisse. A travers ses vêtements, j'imaginais déjà son corps finement dessiné. « Et puis ça continue la plupart du temps avec des caresses. Lentement, tu sens le désir te gagner... » Je plissai légèrement les yeux. Je ne lui avais pas menti, il était bel et bien en train de feuilleter des livres traitant du sujet. Restait à savoir si le passage de la théorie à la pratique se ferait en douceur.

C'est complètement fou comme idée, et pourtant, je suis bien monté dans cette voiture avec ce gars que je connais depuis deux minutes. Je ne sais rien sur lui, sur ses intentions, ni même pourquoi il cherche tant à m'aider, et je le suis quand même malgré moi. Je devrais me faire soigner, y a un truc qui tourne pas rond chez moi pour monter dans la voiture d'un parfait inconnu. En même temps, mes parents n'ont pas bien eu le temps de m'avertir sur les dangers de la vie. Quant au foyer, ils s'occupaient plus à me chercher une famille de substitution qu'autre chose. Autant dire que mon éducation en elle-même est passé à la trappe, ce n'est pas étonnant quand on sait que j'ai passé trois ans enfermé dans une maison de redressement. En bref, je ne me sens pas tellement en danger à le suivre, ni à m'asseoir sur ce siège en attendant silencieusement d'arriver chez lui. Le trajet se fait en silence, guidé par la radio qui ne m'intéresse pas des masses. Le paysage défile par la vitre et je l'observe sans dire un mot, réfléchissant en même temps à mes motivations. Je veux aider London à comprendre ce sujet qui m'échappe aussi, mais est-ce que je fais le bon choix en allant aussi loin ? Pour moi, ce n'est pas une mauvaise chose.

La voiture s'arrête en me tirant de mes songes, ramenant ma conscience dans l'habitacle. Nous devions descendre, apparemment. Ce que je fis sans ouvrir la bouche, regardant les voyants de la voiture clignoter pour indiquer son verrou. La résidence ne ressemblait pas à celle de ma famille d'accueil, mais ce n'était pas plus mal. Sans un bruit, je le suis dans l'ascenseur, observant les moindres détails de la cabine, avant d'en sortir pour rejoindre son appartement. Ce n'était ni grand, ni riche, et pourtant je le trouvais beaucoup mieux que cette maison où je logeais depuis un an déjà. Je n'ai pas vraiment de chez moi, voulais-je dire en soufflant, mais je me contente d'hocher la tête en prenant place sur son canapé. Je ne suis pas chez moi ici non plus, d'ailleurs... D'où le fait que je garde ma veste et mes chaussures, sans bouger mon fessier de son canapé. Mon regard se balade dans la pièce, remarquant les étagères mais aussi les nombreuses tirelires qui les décores. Ce gars à un passion pour ces trucs-là, faut croire. Je n'arrive même pas à les compter, passant rapidement dessus pour en voir l'étendu. ça varie d'objet en objet, toujours similaire dans leur conception. Une forme quelconque avec une fente pour les pièces. ça me fait penser que je n'ai pas de préférence comme il peut en avoir avec ces choses. Je n'ai jamais cherché à aimer un truc en particulier, comme vide d'intérêt.

Mes yeux se ramènent aussitôt vers lui quand il revient dans le salon, regardant les verres qu'il tient en main. Je n'ai rien demandé à boire, ne sachant même pas ce qu'il m'apporte comme boisson. Je ne vais pas faire mon difficile, après tout, il m'invite chez lui sans raison, sans condition. Observant toujours le contenant, je n'y touche pas et en détourne rapidement mon attention pour la poser sur lui et ses livres. Alors c'est de ça qu'il me parlait à l'école ? Mon magazine faisait pâle figure comparé à ses mangas érotiques. Pédagogique avec une histoire, si je comprends bien le résumé. J'en pris un entre mes doigts pour l'ouvrir et jeter un coup d'oeil à l'intérieur, remarquant que c'est bien différent de mon torchon. C'est ça, le sexe ? à mon âge, je ne m'y intéresse pas tellement, ou seulement parce que mon meilleur ami se pose trop de question dessus. ça n'a pas l'air si déplaisant à regarder les images, défilant doucement les pages sans ne rien dire. « Tu as vraiment des drôles de passe-temps. » Je souligne cela en lisant un peu les paragraphes sur une page, m'intéressant à l'histoire comme il disait. Finalement, c'est lui qui tourne les pages à ma place, jusqu'à une scène particulière. ça me fait juste penser que je n'ai jamais embrassé personne dans ma vie, même des lèvres je suis puceau et inexpérimenté. Mon ami... Ah oui! London! « Tu crois qu'il fait ça avec son copain ? » Fis-je avec incrédulité en imaginant le nageur embrasser son loup avec autant de... De quoi, d'ailleurs ? Impossible de décrire ce dessin avec des mots. Aussitôt, mes iris descendirent vers ma cuisse et je déglutis rapidement en pinçant mes lèvres. Je dois me mettre à la place de London pour comprendre ? Le désir... Un soupir discret m'échappe tandis que je ramène mes pupilles vers son visage. « Ce ne sont pas des caresses comme on fait à un animal... » Parfois mes commentaires sont stupides et si naïfs. « Et après les caresses ? Qu'est-ce qu'il doit faire quand ça devient plus sérieux qu'une simple main sur sa cuisse ? » Toujours les questions bizarres pour mieux comprendre, lui laissant un large choix de réponse. Je me demande toujours comment il peut en arriver à une telle scène, ayant déjà délaissé le bouquin pour le savoir par moi-même. J'ai chaud... J'ignore complètement si cela est du « désir » comme il le nomme.

Aussi surprenant que cela pût paraître dans un pays comme le Japon, le lycéen n'avait pas retiré ses chaussures à l'entrée. C'était quoi son nom déjà ? Raylai. Je me souvenais du moment auquel j'avais acheté ces mangas. Une vingtaine de tomes en tout, qui m'avaient passionné. Je découvrais la chose à cette époque-là. Je n'étais déjà plus puceau mais cela restait tout de même assez mystérieux pour moi. Je sentais que je pouvais aller plus loin que ce qu'on m'avait fait découvrir mais mon imagination ne suffisait pas à combler mes lacunes. Alors je m'étais renseigné et, franchement, j'avais bien fait. A la première occasion, je prenais mon pied avec quelqu'un. Tout était prétexte à me défouler de la sorte. J'avais sûrement un problème, seulement je ne m'en rendais pas compte. Pour moi, c'était le cours normal des choses.

Je posai mon verre quand je sentis que la conversation allait vraiment devenir intéressante. Ce garçon était étrange. C'était presque trop facile avec lui. Mais je n'allais pas m'en plaindre. Le minimum d'efforts pour le maximum de plaisir ; c'était un peu mon credo. Je ne relevai d'ailleurs pas son observation sur mes passe-temps. Chacun son truc. Certains faisaient du sport ou de la peinture, moi j'apprenais des langues étrangères et des positions du Kamasutra. Bref, nous étions sur cette fameuse page où la demoiselle, en plus de ses lèvres, recevait des baisers sensuels dans son cou et près de son oreille. J'esquissai un sourire à la question du jeune homme. « J'espère pour lui qu'il a au moins droit à des bisous sur la bouche. » Sinon leur couple ne devait vraiment pas être épanoui. Bon, je supposais quand même que la question du lycéen portait sur la nature du baiser, du coup je ne pouvais franchement pas lui répondre. Je ne connaissais ni son ami, ni le mec de ce dernier.

Je caressais sa cuisse quand Raylai exprima à voix haute une évidence qui me déstabilisa sans que je n'en montrasse rien. Disait-il toujours des choses aussi inappropriée ou était-il seulement embarrassé d'aborder ce genre de sujets ? Je décidai de ne pas m'attarder sur cette question et de passer à la suivante, qui m'intéressait bien plus. Mon regard était planté dans celui, captivé, de mon invité. L'air de rien, je lui retirai sa veste en douceur. « Dans ces moments-là, on ne se demande pas ce qu'on doit faire. » Sa veste termina sur le dossier du canapé et l'une de mes mains, sur son bras, caressait la peau que me laissait atteindre son t-shirt. « Tout le monde est différent. Tout le monde fait l'amour différemment. Mais on y arrive tous parce qu'on a compris que le meilleur moyen de prendre du plaisir... » Je m'approchai de lui alors que ma main, sur sa cuisse, remontait lentement. Mes lèvres, tout près de son oreille, soufflaient imperceptiblement sur sa peau. « … c'est de s'abandonner totalement. » Mes dents rencontrèrent délicatement son lobe alors que ma main, évitant soigneusement son entrejambe, se faufilait sous son haut. Sa peau était chaude et je n'avais aucun doute sur le fait qu'il était sensible à la tension qui se faisait palpable entre nous. Il était maintenant parfaitement clair que je ne le laisserais pas ressortir d'ici sans lui avoir fait découvrir ce qu'était le plaisir. Si bien que je vins effleurer son cou lentement, la pointe de ma langue y traçant un chemin sans but apparent. Je voulais d'abord le faire frémir. D'ailleurs, mes doigts remontaient sans cesser de caresser son torse et rencontrèrent l'un de ses tétons. Etait-ce une zone érogène chez lui ? Je relevai la tête et approchai ma bouche de la sienne. Mon regard, dans le sien, cherchait une quelconque réticence. Je l'aurais certainement aussitôt fait taire, mais on ne savait jamais. Et puis, doucement, je m'emparai de ses jolies lèvres dans un baiser qui n'était qu'un avant-goût de ce qui viendrait ensuite. La main qui se trouvait sur son bras trouva sa place dans sa nuque. Alors, Raylai allait-il s'abandonner comme je le lui avais conseillé ?

Tout cela me dépasse, un peu comme les bonnes manières. Je n'ai jamais été poli, ni très respectueux, certes silencieux en temps normal, mais vulgaire quand ça va mal. En gros, je n'ai même pas eu l'idée de virer mes baskets en rentrant chez lui, préoccupé par autre chose. Outre le fait qu'il possède beaucoup de tirelire, ce garçon a vraiment des passe-temps étranges, comme ses mangas pornos dont j'ai déjà du voir la couverture dans les librairies de la ville. Jusqu'à maintenant, je n'ai jamais eu l'audace d'y jeter un coup d'oeil, sauf en ce jour où je suis totalement à l'abri des regards. Du moins, pas de celui de Xun, puisqu'il me montre en même temps les images en commentant. Je ne suis pas sûr de bien comprendre, un peu perdu dans le déroulement de l'action. J'en viens même à me poser des questions sur le couple de London, à savoir s'il fait ça avec Wolfram ou pas. Des bisous sur la bouche ? J'en sais rien, je ne les regarde pas faire, non plus. Je ne suis pas du genre gros stalker qui se cacher au coin d'un mur pour observer la scène. Au contraire, je fuis  limite pour les laisser tranquille et échapper à ces trucs-là qui m'échappent. L'amour, c'est bon pour les autres. Au pire des cas, la meilleure personne capable de répondre à cette question reste mon meilleur ami, même si je n'ira pas lui demander ouvertement. Ce serait trop la honte, en plus d'être super indiscret!

Après le baiser, les caresses. Jusque là, ce n'est pas tellement compliqué à comprendre. Même si sa main me gêne et fait monter le sang à mes joues. Généralement, je ne me rends jamais compte de mes paroles, parfois trop direct ou indiscret. J'ai cette manie qu'on les enfants d'ouvrir la bouche quand il ne le faut pas... Peut-être n'ai-je jamais quitté cette période de ma vie, comme une sorte de Peter Pan. Mon regard croise le siens et s'y ancre, curieux et désireux de savoir la suite. Il se passe quoi après ? Je voudrais bien le savoir. Xun retire simplement ma veste sans que je ne dise rien, le laissant docilement faire. J'observe, comme toujours. Ah, il ne faut pas poser la question ? à le regarder faire, ça vient naturellement sans la parole. Sa main se perds sur mon bras à découvert et je frissonne brusquement, lâchant un léger soupir. Mon cerveau carbure pour comprendre ses mots, les assimiler, mais aussi pour gérer sa seconde main qui me force à avaler encore ma salive. S'abandonner totalement ? Comment est-ce possible quand on reste trop souvent sur ses gardes ? Même si je suis venu ici, que je cherche des réponses à des questions, je reste méfiant et en alerte permanente. Peut-être que je ne le montre pas, mais c'est comme avec un animal. Ses gestes deviennent plus poussés, perturbant pour ma part, et je ne sais où regarder entre son visage et mon propre corps. Il me trouble à mordre mon lobe, déglutissant pour la énième fois de la journée. Une boule se forme lentement dans mon estomac, bloquant ma respiration. Je le sens frôler des endroits sensibles et désagréables, des endroits que j'évite souvent d'exposer ou de toucher.

Ma voix sort d'elle-même dans une petite plainte à peine audible. Sa main sur mon torse me surprend, alors que j'étais concentré sur sa langue dans mon cou. Je ne peux pas faire deux choses à la fois dans ses moments-là et ça m'effraie de plus en plus. Je voudrais savoir, mais est-ce la meilleure solution ? Plus il s'avance dans la situation et plus je pense à celle-ci dans les détails. Si c'est comme dans les magazines ou son manga, ça viendra forcément à un passage effrayant que j'hésite à connaître dans l'immédiat. Le doute s'installe et je ferme rapidement mes paupières pour faire le point avec moi-même. Une seconde plus tard et j'ouvre mes yeux pour le fixer, une lueur de réticence dans les iris. Je ne sais pas si c'est une si bonne idée, finalement. London est amoureux de son copain... Je ne ressens rien de tel pour ce garçon. Au moment où j'allais parler, ses lèvres s’emparent des miens dans un baiser auquel je ne m'y attendais pas. Je n'ai jamais embrassé, je ne sais même pas comment faire et je me retrouve rapidement prit au dépourvu. Du coup, je le laisse faire, rougissant aussitôt. « At-attends! » M'écriais-je en le repoussant un peu, beaucoup plus troublé que prévu. La peur se lit dans mon regard, rien qu'à l'idée d'aller plus loin. « Je ne pense pas que ce soit... Une bonne idée. » Je soupire fortement, même si je n'ai pas retiré ses mains. « Je ne suis pas prêt pour ... "ça". Pas jusque là. » Je parle bien sûr de coucher ensemble, de vraiment le faire. J'ai honte d'un coup, détournant mes yeux en posant mes mains sur son torse pour le repousser un peu plus. Un baiser, ça va. Ses mains qui parcourent ma peau peuvent passer... Mais imaginer la suite, c'est trop pour moi. « Désolé... Je sais que je t'ai demandé ton aide mais je n'ai jamais rien fait de tel. » Cette fois-ci, je remonte mes yeux vers les siens, captant son regard avec intensité.

Il était évident que Raylai était sensible à mes caresses. Ses frissons ne laissaient aucun doute à ce propos, de même que le semblant de gémissement que je venais d'entendre. Je ne lui avais donc naturellement pas demandé son avis pour pousser le vice jusqu'à l'embrasser. J'avais confiance en mon charme, de même que mes gestes habiles ne m'avaient jamais desservi. Peut-être avais-je justement trop confiance parce qu'il ne me rendit pas vraiment mon baiser. Lorsque je me séparai de ses lèvres, je m'attendais à sa réaction. La peur se lisait dans ses yeux alors qu'il demandait une pause dans ce moment que je commençais à trouver très excitant. Être le premier à toucher un corps, à le faire frémir de la sorte, à donner du plaisir à quelqu'un, c'était toujours flatteur. Ça avait même un côté fascinant. Mais le lycéen avait décidé que je devais le convaincre, que ce fût conscient ou non.

De sa nuque, ma main glissa sur sa joue que je caressais doucement. Je le laissais exprimer ses réticences, se justifier quand cela n'avait pas lieu d'être. S'il n'avait vraiment pas voulu de tout ça, il aurait retiré ma main de sur son torse et se serait levé pour partir. Au lieu de ça, sans le savoir lui-même certainement, il cherchait à exprimer le désaccord que j'avais fait naître entre sa rationalité et son désir. Son geste était délicat quand il poussa sur mon torse. Comme il avait les joues adorablement rosies, je repris ma main et ne gardai que celle qui caressait toujours son visage. Je le trouvais mignon. Je n'étais pas sans coeur, je n'étais pas une bête sauvage assoiffée de sexe. J'avais envie de lui, certes, mais cela ne m'empêchait pas de prendre ses doutes en considération. Quand son regard rencontra de nouveau le mien, je lui offris un doux sourire qui contrastait avec l'air suave que j'avais quelques instants plus tôt. Je décidai donc de reprendre les choses en main.

Délicatement, je lui retirai le livre des mains et le posai sur la table basse. Puis je passai une main dans ses cheveux, détaillant son visage que je trouvais décidément trop craquant. « Je ne suis pas sûr qu'on soit prêt un jour pour ce genre de choses. En général on ne les planifie pas et ça arrive parce qu'on en a envie sur le moment. Est-ce que tu n'en as pas envie ? C'est loin d'être aussi terrible que tu l'imagines. » Parce que s'il avait peur, c'était aussi parce qu'il avait cherché à en savoir plus sur le sujet. Je me mettais à sa place et me figurais la transposition qu'il avait du faire des images qu'il avait vues sur son propre cas.  Penchant légèrement la tête pour mieux le regarder, je m'approchai un peu plus de lui et pris doucement sa main. « Je vais être honnête, tu n'apprendras rien dans ces livres. Tu ne peux pas expliquer des sensations que tu n'as pas ressenties. Tu ne peux pas rassurer ton ami si tu as toi-même peur de faire l'amour. »

Je souris un peu plus tendrement et caressai sa main afin de garder son attention. Mes gestes étaient chastes et seulement là pour le mettre en confiance. J'avais envie de le remercier de s'être placé sur ma route aujourd'hui. Il me changeait les idées, il me divertissait et provoquait chez moi des sentiments qu'il m'était rarement donné d'éprouver. Mon empathie n'était pas feinte, de même que la délicatesse dont je faisais preuve. Peut-être étais-je maladroit en lui parlant si ouvertement, mais ne l'était-il pas lui aussi ? De nouveau, j'approchai mon visage, mais cette fois je déposai juste un baiser innocent sur sa bouche charnue avant de reprendre ma position. « Raylai, est-ce que tu serais rassuré si je te disais exactement ce que j'ai envie de te faire ? Tu n'auras pas de mauvaise surprise comme ça. » Je n'utilisais pas le conditionnel. Pour moi, il était certain que je ne l'avais pas amené ici pour que nous enfilions des perles. J'étais de nature douce et bienveillante, d'accord, mais je ne perdais pas de vue mon objectif.

C'est complètement perdu que je me retrouve face à lui, hésitant et encore troublé par les événements. Ai-je envie ? Devrais-je le faire  ? En suis-je simplement capable ? Je n'ai pas retiré sa main de mon torse, doutant de moi et mes compétences inexistantes. Il a bien dû se rendre compte que je ne sais pas embrasser, puisque je ne l'ai pas rendu. Rien que pour ça, je me sens nul et pas à ma place. J'ai cru pouvoir aider London en en apprenant plus sur le sujet, mais ça me dépense de loin. Au départ, je ne m'en suis pas rendu compte, croyant à quelque chose de pas si important, mais plus les secondes passent et plus cette boule grossi. L'envie ne représente pas grand chose à mes yeux, puisque je ne l'ai jamais vraiment ressenti jusqu'à présent. Lire des livres, regarder des images, mater des films, ça ne m'a jamais excité. à croire que je suis insensible ou en manque total d'intérêt. Pourtant, avec lui, je sens mon coeur s'affoler, mon sang battre à mes tempes et faire plusieurs tours dans mes veines. Je ne suis pas prêt pour « ça », pas prêt à passer le pas et sauter des étages... Mais comment lui faire comprendre sans passer pour un novice ou un looser ? Quoi que, je peux royalement m'en foutre et ne pas prendre ses jugements en compte, comme je le fais si souvent avec les gens.

Le livre quitte mes mains et c'est la sienne que je sens dans mes cheveux, creusant le doute en moi. C'est tentant, mais effrayant à la fois. Je ne cesse de pincer mes lèvres, de les mordiller nerveusement par moment. Des sentiments que je ne ressens presque jamais d'habitude, passant à côté de bien des soucis. Envie ? Il me faut un temps de réflexion avant d'ouvrir ma bouche pour y répondre. « Je ne sais pas. » Je ne suis pas très bavard, ni très confiant. Il dit que ce n'est pas terrible, mais je vois l'acte en question comme étant important et pas si anodin. N'est-ce pas une mauvaise chose de le faire à dix sept avec le premier garçon venu, surtout sans le connaître ? Jusque là, je ne me suis jamais demandé si j'aime les hommes ou les filles ou les deux... à cause de London, je me pose la question depuis plusieurs mois déjà, sans vraiment chercher de réponse. Si j'aime, ce serait avec le coeur. Alors pourquoi suis-je venu chez lui ? Pour voir des livres et mieux comprendre, sans pour autant vouloir y passer. ça se clarifie dans ma tête et je commence à comprendre au ralentis. Si ce n'était pas une bonne idée, ça n'empêche pas que la situation m'ouvre les yeux. Premier conseil à donner à mon meilleur ami ? Qu'il le fasse avec son copain quand l'envie y sera.

Comme d'habitude, mes yeux se baissent vers nos mains, avant de remonter à ses lèvres, les regardant se mouvoir dans des paroles rassurantes. Peur, c'est le mot. Je ne veux pas non plus forcer les choses en croyant bien faire. Surtout si London m'arrache la tête pour ma précipitation. Il est honnête et je voudrais l'être à mon tour. « Tu as raison... Je pense. » Je lui donne raison pour ce point-là. Je ne peux pas savoir sans l'avoir fait, mais dans ce cas, London ne pourra pas non plus le comprendre. En gros, c'est à lui de se débrouiller sur ce plan là... Encore une chose à lui dire, tiens! Décidément, ce Xun m'en apprends sans même s'en rendre compte. Je devrais faire une liste pour l'autre dauphin, histoire de ne pas oublier en route. Connaissant ma mémoire, j'oublie rarement des choses que je dois dire ou savoir. « ça reviendrait au même pour lui. Il ne comprendra rien sans le faire de lui-même, non ? » Disais-je, tentant de me réceptionner.

Rencontrer de nouveau ses lèvres ne me dérange pas autant que l'idée de coucher avec lui. Je suis jeune, j'ai le temps pour m'engager dans ces trucs-là. Ma langue se glisse doucement sur mes lèvres après son geste, plus par réflexe. Rassuré ? Je sais à quoi il pense, rien qu'en regardant ses livres... « Je ne pense pas que savoir pourrait me rassurer... Je préfère observer que pratiquer. » Fis-je avec un sourire maladroit, pas habitué à être délicat dans ma façon d'agir ou de parler. Je n'aimerai pas qu'il le prenne mal et me foute à la porte. Je ne sais même pas où nous sommes, en plus. Mon attention passe de lui à la pièce, remarquant encore les tirelires. « Qu'est-ce que ça représente ? » Changer de sujet, c'est pas mal pour un fuyard dans mon genre. Est-ce que ces objets-là ont une histoire ou une valeur pour lui ? C'est vraiment le genre de question idiotes qui me passent par la tête quand je stresse.

Raylai semblait hésitant. J'avais déjà compris que nous n'irions pas plus loin. J'aurais pu lui forcer un peu la main pour le convaincre qu'il n'y trouverait que du plaisir, mais ce n'était pas mon genre. Je préférais de loin un partenaire consentant. A vrai dire, c'était un peu vexant de ne pas me sentir plus désiré. Je l'avais amené ici pour me défouler un peu et j'allais me retrouver à me la mettre derrière l'oreille. Pourtant, je n'arrivais pas à en vouloir au jeune homme. Il était normal d'avoir ce genre de doutes et d'appréhensions, de même qu'il me semblait légitime de ne pas faire confiance à n'importe qui. Ce qui me dissuada surtout, c'était l'attitude adorable qu'il avait adoptée. Je le trouvais mignon. Je n'eus donc d'autre choix que d'acquiescer à sa question. Bien sûr que son ami ne comprendrait qu'en expérimentant la chose. Mais j'avais quand même le sentiment que Raylai voulait l'aider, voilà pourquoi j'avais choisi cette approche. Mais j'avais pu me tromper. Ou alors le jeune homme n'était quand même pas prêt à tout par amitié, ce que je comprenais totalement. Non, décidément, je ne parvenais pas à lui garder de la rancune. Qui sait ? Peut-être qu'un de ces quatre il me présentera à l'un de ses camarades et que j'en ferais un jouet docile et agréable à manier... Cette idée était un fantasme pur et dur qui me trottait dans la tête depuis un bout de temps.

« Je ne pense pas que savoir pourrait me rassurer... Je préfère observer que pratiquer. » Un petit rire m'échappa. Se rendait-il compte de ce qu'il me disait ? Sûrement pas, sinon il en aurait certainement vivement rougi. « D'accord mais promets-moi de ne pas prendre exemple sur les films pornographiques. » Je détestais ces choses. Enfin… J'en regardais, mais je n'appréciais pas de me laisser leurrer par un plaisir feint et exagéré. Il était vraiment déconseillé de regarder ça comme un matériel pédagogique. Se satisfaire devant, en revanche, c'était différent.
Comme il détournait son regard, j'en profitais pour graver dans ma mémoire sa bouille attendrissante. Je le trouvais très mignon. Peut-être que je l'aimais bien, peut-être que je le reverrai à l'avenir. Lorsqu'il changea de sujet, je me détachai de lui, comprenant qu'il n'était vraiment pas d'actualité de brûler les étapes. Du coup, je m'assis en tailleur à côté de lui et repris mon thé glacé en promenant mon regard sur les tirelires qui commençaient à manquer de place sur l'étagère. Une signification particulière ? J'haussai légèrement les épaules. « Pas grand-chose. Enfin, certaines portent des motifs ou ont des formes qui veulent dire des choses, mais je ne sais pas vraiment pourquoi j'en achète. J'ai commencé quand je suis arrivé au Japon et depuis je craque à chaque fois que j'en vois une qui me plaît. » Ce qui expliquait la prolifération de ma collection. C'était un peu particulier, je le comprenais tout à fait. Mais certains collectionnaient les timbres et je trouvais ça encore plus bizarre. Pourquoi cacher ses trésors dans des albums fermés quand on pourrait les afficher et les regarder autant qu'on le voudrait ? Pensif, mon regard se posa sur une tirelire en forme d'arbre, dont les couleurs semblaient un peu passées. « Celle-ci, je l'ai depuis que je suis enfant. » C'était la seule que j'avais eu avant d'arriver à Tokyo. Je la désignai du doigt à Raylai pour qu'il la repérât sur l'étagère. « Elles sont toutes vides. Je suis assez dépensier en fait. » Cela me tira un petit rire. Je bus une gorgée de ma boisson et puis je reportai mon attention sur le lycéen. « Tu as une collection aussi ? Ou un péché mignon ? »

Il est clair que j'ai voulu aider London en suivant Xun jusqu'à chez lui, de base pour feuilleter ses recueils, mais à force de parler avec lui, j'ai compris que l'expérience personnelle jouait un grand jeu dans une relation. Quoi que je fasse, mon colocataire ne pourrait rien comprendre à mes paroles, que je le fasse ou pas. Je ne veux pas aller trop loin, sauter des étapes, brûler le temps, si cela ne permet pas de « porter secours » à mon meilleur ami. De mon côté, je ne dois pas être assez réceptif pour une telle chose, au grand malheur de mon aîné qui a du le comprendre rapidement. Il ne tirera rien d'un gosse comme moi, sans expérience, sans connaissance. Dans le fond, ce n'est pas plus mal si il loupe ce coup-là. Qui sait, il trouvera mieux que ça, mieux que moi, mieux qu'un gamin corrompu et perdu dans la vie.

En attendant, je préfère de loin observer quelque chose plutôt que vouloir l'essayer. J'ai mon temps, pensais-je pour me convaincre. à dix sept ans, j'ai le droit d'être optimiste sur ce sujet. On verra d'ici vingt cinq ans si je chante le même refrain. D'ici là, l'écart aurait beau être le même, la situation ne sera sûrement jamais la même. J'ignore si ma phrase porte à confusion, ou si elle peut paraître déplacé. Je l'ai dise pour m'expliquer et comme elle venait. Dois-je en conclure qu'il y a un double-sens sans même que je m'en aperçoive ? Je dois être trop innocent, malgré le chemin parcouru. Doucement, j'hoche ma tête avec un air approbateur. « D'accord, mais... Sur quoi prendre exemple ? » Encore une question indiscrète qui ne sonne pas si faux à mes oreilles. Si  je ne peux me fier aux films, à quoi puis-je me raccrocher pour savoir ? J'observe, comme je l'ai dit plus tôt, alors j'ai justement besoin d'une chose à voir, à examiner, à décortiquer. J'ai déjà remarqué d'un film pornographique n'a rien de bien, ni en romance, ni en amour. C'est juste... Un gros n'importe quoi.

à mes yeux, le sujet précédent était clos, mais je ne voulais pas partir pour autant. Il n'est pas désagréable de passer un peu de temps avec lui, même si je ne connais que son nom et sa passion pour les tirelires. D'ailleurs, en parlant de cela, les objets attirent rapidement mon attention. Que fait-il avec tout ça ? Remarquant qu'il buvait son thé, j'attrape aussi mon verre pour le porter à mes lèvres et le siroter en silence, attendant une réponse. Des motifs ou des formes qui veulent dire quelque chose ? Lesquels ? J'examine rapidement et une à une les tirelires, cherchant à deviner celles qui ont le plus d'importance à ses yeux. C'est difficile, puisque je ne sais rien de sa vie. C'est une bien étrange passion, même si ce n'est pas moche comme décoration. « C'est plutôt coloré. » Je souris contre mon verre, buvant à nouveau pour cacher cette mimique amusée. Mes iris suivirent son doigt, pour regarder la tirelire en forme d'arbre. Elle a bien l'âge en tout cas. « La première ? » Tentais-je de deviner en ramenant mes pupilles vers lui, curieux. Sa remarque me fit sourire et je repose le verre à moitié vide sur sa table basse. « Dommage, ce serait un bon moyen d'économie. » Il y en a tellement. Une pièce par-ci, une pièce par-là, et c'est le début de la fortune. Sa question effaça doucement mon sourire, réfléchissant en vain à une réponse plutôt positive. « En fait... Non. » C'est triste de parler avec moi, hein ? Je ne me force pas à sourire, ni à cacher cette mine indifférente. Je n'ai pas eu le temps de découvrir quelque chose de passionnant ou d'intéressant. « Je n'ai jamais réfléchi à ça, en vérité. Certains aiment le sport, les cartes, les voitures mais moi... Moi, je n'aime presque rien au point d'en avoir des tonnes ou de le pratiquer pendant des heures. » London possède la natation, Xun ses tirelires, mais moi, j'en sais rien.

Raylai n'était de toute évidence pas adepte du lâcher-prise, ni même de la découverte. Avant le jour J, il voulait des connaissances, des exemples, des modèles. Est-ce que j'avais eu cette envie ? Non, les choses étaient venues d'elles-mêmes, je m'étais laissé aller et j'avais juste vécu dans le moment présent sans me demander si je faisais bien. Celle, puis celui, qui m'avaient dépucelé avaient été assez délicats pour me guider et m'initier comme il fallait à cet art subtil qu'était le sexe. Mais le lycéen se posait visiblement tout un tas de questions. Du coup, je ne savais pas vraiment quoi lui répondre. Je n'étais pas pour qu'il regardât des films pour s'instruire. Sa vision serait faussée et il ferait certainement tout de travers s'il imitait les acteurs. Mais qui étais-je pour lui recommander autre chose ? Je soupirai légèrement et haussai les épaules. « On trouvera quelque chose, ne t'en fais pas. » D'ici-là, j'aurai sûrement l'occasion de lui répéter mes conseils concernant le fait de s'abandonner aux caresses, de se laisser porter par son instinct, etc.

Nous venions de clore cette discussion et la nouvelle portait sur ma collection. Tous mes invités m'avaient bien entendu interrogé à ce propos. C'était légitime. Beaucoup de personnes avaient une collection, mais les tirelires, je devais être l'un des rares à les accumuler. Cela ne me dérangeait pas d'en parler. Je n'avais pas honte de ne pas trouver de raison d'être à ma collection. A vrai dire, j'avais honte de peu de choses. Les goûts et les couleurs, ça ne s'expliquait pas, voilà tout. J'acquiesçai quand il me demanda si celle que je lui désignais était la première pièce de ma collection. Je laissai même échapper un petit rire quand il me fit remarquer que je pourrais économiser pas mal avec toutes ces tirelires. Il avait raison. Seulement mon compte en banque ne semblait pas de son avis.

La question concernant son propre péché mignon demanda une certaine réflexion à Raylai. Et, comme cela le laissait présager, il m'avoua qu'il n'avait lui-même aucune collection. Est-ce que ça lui semblait être un tort ? Il ne souriait plus et j'eus un peu peur qu'il prît ma question comme une accusation ou un reproche du coup. « Oh mais ce n'est pas grave ! » Je lui souris doucement et m'avachis un peu sur le canapé, de côté, pour mieux le regarder. Je pris le temps de boire une gorgée de mon thé glacé puis je tapotai son épaule gentiment. « On n'est pas obligé d'avoir des passions. Je suis sûr que tu t'intéresses quand même à tout un tas de choses. » A son âge, je venais tout juste d'arriver dans la capitale nipponne et j'avais grand mal à trouver du positif dans ce fait. C'était à cette époque que j'avais changé. Ou peut-être avais-je toujours eu en moi ce mal-être et qu'il n'était ressorti qu'à ce moment-là. Comme si m'éloigner de mon foyer avait été un élément déclencheur. « Tu n'es pas obligé de répondre si ça te semble indiscret, mais Raylai, c'est de quelle origine comme prénom ? » J'étais certainement en train de m'intéresser à quelque chose qui ne me regardait pas. Je ne me vexerais pas s'il déclinait ma question. Moi-même, je n'étais pas enclin à tout dévoiler de moi. Et, étrangement, je décelais chez le lycéen un certain nombre de mystères qu'il pourrait vouloir garder pour lui. Il m'intriguait d'une certaine façon. S'il m'eût mieux connu, il aurait certainement été flatté que je cherchasse à en savoir plus sur lui. Habituellement, je me fichais pas mal de connaître les personnes que je côtoyais. Seuls mes amis les plus proches avaient eu droit à un peu d'intérêt de ma part. Avais-je envie de compter Raylai parmi mes amis ? C'était possible...

Je laisse le temps faire les choses, peut-être qu'il est meilleur que moi pour cela. De toute façon, je ne suis pas prêt à m'abandonner comme le conseil Xun. Je sais bien qu'il a raison, que se retenir n'est pas la meilleure des solutions, mais à mon avis, j'ai surtout besoin du bon moment et de la bonne personne pour cela. Je ne doute pas de lui, mais me précipiter ne serait pas la meilleure solution. Ne pas m'en faire, c'est vite dit. à cette réponse, je décide juste de me mettre ce sujet de côté, me penchant sur un autre plus ou moins intéressant que le précédent; sa collection de tirelire. Je vois bien là qu'il s'en passionne et qu'il les collectionne. Pourtant, je cherche encore à savoir pourquoi, si cela a une signification ou non, si il aime ça juste parce que c'est comme ça ou comme ci. C'est difficile d'en savoir plus sur quelqu'un en fermant sa bouche et je tente au mieux de l'ouvrir pour en apprendre plus. Il ne fait pas cela pour un quelconque intérêt, mais juste parce que ça lui plait. C'est son choix, je ne vais pas discuter sur ça puisqu'il semble bien heureux d'en posséder autant. ça donne de la couleur, de la vie, des formes à son appartement. Chez certains, la décoration laisse à désirer, plutôt simple et sans relief, mais c'est tout l'inverse ici. Avec toutes ces tirelires, Xun pourrait facilement devenir riche. Pourtant, elles sont vides, chacune d'entre elles sont vides, sans aucune pièce à l'intérieure. J'en déduis qu'elles ne servent pas à cela, donc. Juste de la déco ou une attirance particulière pour l'objet, sans prendre en compte son utilité.

Moi ? Il me pose une question plutôt difficile pour ce coup-là. Qu'est-ce que j'aime ? Qu'est-ce que je collection ? Des passions ? Des hobbies ? ça me demande beaucoup trop de réflexion, au point que je me perds moi-même. Non, je n'ai rien de tout cela à ma connaissance. J'ai tellement été occupé avec la mort de mes parents et mon ballottage familial, que je ne me suis jamais penché sur la question. Maintenant que je suis plus ou moins stable, peut-être que je pourrais y remédier ? Ce n'est pas grave d'après lui et j'hoche doucement la tête pour confirmer. Mes yeux se ramènent sur lui quand il tapote mon épaule et je souris doucement en repensant à cette année à la royal. Cette école a changé deux ou trois trucs depuis, et sûrement est-ce une bonne chose. « Plus ou moins, oui. » Ce n'est pas très clair à expliquer. Ilnam m'a fait découvrir le basket, London et les sentiments, Lihei et l'équitation. Ce sont principalement les gens qui m’insuffle des connaissances ou des envies, pas moi tout seul. Une question particulière que je connais trop bien, à la longue. Raylai, ce n'est pas Japonais, ni Coréen. Les gens se demandent souvent d'où je viens et c'est tout naturellement que je réponds. « C'est thaïlandais. » ça ne me dérange pas tant de parler de ça, même si c'est parfois douloureux de replonger dans le passé Il reste là, tapis dans un coin de mon esprit. De toute façon, je n'ai pas grand chose à cacher. Ce qui est fait, est fait. Pourquoi vouloir le garder pour moi telle une honte inavouable ? Je ne suis pas embarrassé d'avouer mes problèmes, même s'il ne sert à rien de les ressasser. « Je suis né à Bangkok, mais je ne me souviens plus à quel âge ils m'ont envoyés ici... ça fait plusieurs années que j'ai quitté la Thaïlande. » Je n'ai rien à caché, ni même le fait que je sois orphelin depuis un certains âge et qu'aucune famille d'accueil n'a voulu de moi. Seulement parce que je ne voulais pas d'eux. Libre à lui de poser des questions, je ne me braquerai pas pour celle-ci. Du moins, tant que ça reste dans la mesure du possible et que je puisse y répondre facilement.

Mon invité répondit assez succinctement. J'en déduisit que le sujet n'était pas des plus faciles pour lui. Ou bien n'avait-il tout bonnement pas envie de parler de lui. J'avais cette impression depuis tout à l'heure. J'essayais tant bien que mal de faire la conversation, mais il ne semblait pas enclin aux longs discours. « Ils » restait mystérieux. Avais-je vraiment envie de connaître ce garçon ? Je ne l'avais pas amené chez moi pour divaguer sur la pluie et le beau temps. Je faisais un effort considérable pour me montrer avenant, agréable même, sauf que ce n'était pas un jour à faire des efforts. J'avais envie de me changer les idées, de me défouler surtout. Du coup, je me levai soudain en posant mon verre sur la table basse. Je m'étirai sans gêne devant Raylai et puis je lui souris légèrement. « J'adore la Thaïlande. Bien plus que le Japon. » J'adorais la Thaïlande et tout ce qu'elle représentait à mes yeux, c'était vrai. Si ma réaction avait l'air désintéressée, ce n'était pas le cas. Je n'étais vraiment pas le genre de personnes qui posaient quinze questions par minute.

Je saisis les verres que nous avions vidés et puis j'allai les ranger dans la cuisine, tout en parlant assez fort pour que le lycéen m'entendît. « Je crois que je vais aller en boîte. Ou voir une amie. Il va falloir que tu rentres. » Mon ton était parfaitement détendu. J'étais en train de mettre mon invité à la porte de la façon la plus naturelle et directe qui fût. Mais peu m'importait. Je comptais bien avoir une nuit agitée et ce n'était pas en restant avec lui que j'allais assouvir mes pulsions. Je revins en enfilant un t-shirt propre, avant de passer une main dans mes cheveux. « Ça va aller pour rentrer ? » J'attrapai mes clés et les glissai dans ma poche, avec mon téléphone. J'étais prêt à partir alors il allait devoir se décider à bouger.