Tenue ➦ Il ne parlait pas. Il ruminait dans son coin. Confortablement installé dans son canapé, noyé sous de la paperasse, il grinçait des dents. Depuis quelques temps, il emmagasinait trop de rancœur. Il n'avait pas l'habitude de se comporter comme ça. Pourtant, des crises de jalousies, il en faisait souvent. Mi Ran ne les comptait sûrement plus. Mais jamais jusqu'à ce jour il n'était allé aussi loin. La veille, pendant que sa petite amie dormait paisiblement dans ses bras, il avait fouillé son téléphone. Tout y était passé. Son répertoire, ses messages ainsi que ses activités sur les réseaux sociaux. Il avait craqué. À force de lire les articles de Royal Shit et d'entendre tout un tas de rumeurs dans les couloirs, il avait ressenti le besoin de vérifier par lui-même. À tort, bien sur. Car cela avait démultiplié ses doutes. Il pensait se rassurer mais obtenait l'effet contraire. Le mec parlait d'underboobs et de faire partie de son harem, de quel droit au juste ? Ah, s'il le croisait ça allait chauffer. Sa main le démangeait vraiment. Il mourrait d'envie de lui en coller une bonne. Et elle qui ne l'envoyait même pas sur les roses. Il a cru qu'il hallucinait. Elle rentrait dans son jeu et ne semblait pas offusquée du tout. Cette histoire gênait le coréen. Et il détestait ce mec, de façon officielle.

Dès leur retour de l'espèce de camp organisé par la Royal, les choses avaient changé entre les deux tourtereaux. Certaines choses s'étaient passé et n'avaient donc pas plu au jeune infirmier. Quelqu'un de normal ne se serait pas inquiété de ces détails. Mais un être aussi jaloux que Tae Hoon ne tolérait pas tout ça. Du coup, il se montrait plus distant. Il la câlinait moins et se faisait moins tendre. La nuit dernière, ils n'avaient même pas couché ensemble. Non, le jeune homme avait préféré faire semblant de dormir. Le monde à l'envers quoi. Et aujourd'hui, il ne prenait même pas la peine de répondre à ses messages. Il y jetait parfois un coup d’œil mais se replongeait dès la seconde suivante dans les papiers qui trônaient sur ses jambes. Il s'agissait de renseignements et de dossiers à compléter pour reprendre ses études. Mettre la tête dans tout ça l'empêchait un peu de trop réfléchir.

19h00, Mi Ran finissait sans doute les cours. Bingo, son téléphone se mit à vibrer. Elle essayait de l'appeler. C'était bien la première fois qu'il n'avait pas envie de la voir. Il sentait qu'il pouvait exploser à tout moment et ne souhaitait pas se disputer avec elle. Alors il essayait de se calmer seul. Ça n'était pas vraiment concluant malheureusement. Il laissa son téléphone vibrer en pensant que cela suffirait à la dissuader de venir dormir chez lui. Mais c'était bien mal connaître Mi Ran. Ou les femmes tout court. Elles disposaient de cette capacité étrange à flairer le moindre malaise à des kilomètres à la ronde.

Une demi-heure plus tard, il entendit le bruit de la clé dans la serrure. Mi Ran était bien sur la seule à posséder un double. Il soupira et se tapa la tête avec un de ses dossiers en grognant. Elle était obligée de se pointer ? Même dans une situation comme ça ? Elle ne pouvait pas juste le laisser se calmer ?

Quand elle fit son entrée dans la pièce, il garda la tête baissée sur ses feuilles. « B'jour. » Rien de plus. Pas de petit surnom. Pas de bisou. Pas de câlin et pas une once de tendresse dans sa voix. La pauvre ne devait pas comprendre ce qui lui arrivait. Bien sur, elle le connaissait assez bien pour se douter qu'il boudait mais n'avait sûrement aucune idée des raisons qui le poussaient à agir ainsi. Elle repensait peut être aux quelques scènes de jalousie auxquelles elle avait eu droit durant les vacances mais rien de plus. « Ça fait longtemps que t'es pas rentrée chez toi, ton père ne dit rien ? » Et voilà qu'en plus il essayait d'une manière très peu subtile de la foutre dehors. Il mériterait une bonne paire de claques. Mais pour le moment, il pensait surtout avoir le droit d'être fâché contre elle.

Tenue ➦ Ses anciennes partenaires avaient souvent reproché à Tae Hoon ce côté de sa personnalité. Trop renfermé, qu'elles disaient. Il préférait en effet tout garder pour lui. Il emmagasinait souvent bien trop de choses d'ailleurs. Cela s'accumulait et tôt ou tard, il explosait. Il finissait toujours par perdre le contrôle, fatigué de se creuser les méninges pour trouver des réponses. Sa phase de mutisme dérangeait car elles ignoraient alors comment se comporter avec lui ou ce qu'elles devaient en penser. Elles s'imaginaient les pires scénarios et préféraient rompre en pensant qu'il attendait sûrement juste le bon moment pour les larguer. Mais la plupart du temps -si ça ne rentrait pas dans la catégorie « jalousie » comme dans le cas présent-, Tae Hoon s'égarait simplement au milieu de ses doutes et réflexions. Il réfléchissait beaucoup et ne se donnait pas assez. Jamais amoureux, il avait remis en question toutes ses relations. Les femmes ne supportaient pas ça. Elles disposaient de cette faculté fascinante qui leur permettait de vite reconnaître un homme épris ou non. Alors même que Tae Hoon perdait son temps à s'interroger sur la profondeur ses sentiments, elles avaient en général déjà réalisé qu'il ne les aimait pas comme elles le souhaitaient. Pour la première fois, il ne doutait pas de ce qu'il ressentait pour sa petite amie. Il ne s'inquiétait pas non plus de sa fidélité. Il lui faisait entièrement confiance. Mais tout de même, cela ressemblait à une crise de jalousie.

On qualifiait souvent -et à tort- la jalousie comme étant un manque de confiance en l'être aimé. Tae Hoon n'envisageait pas ce défaut sous cet angle. Il avait pleinement conscience d'être un homme très jaloux et particulièrement possessif mais n'estimait pas que cela venait d'une quelconque méfiance envers Mi Ran. Cela provenait plus du désir d'être le seul à la posséder. Alors est-ce que c'était plus sain ou moins sain, tout dépend du point de vue. En tout cas, il connaissait la provenance de ces sentiments. Il détestait qu'on la regarde. Il ne supportait pas qu'on s'approche d'elle. Et il n'appréciait guère qu'un autre homme lui adresse des compliments. Tout ça pour la bonne et simple raison qu'elle lui appartenait. Elle était sa petite amie. La femme de sa vie. Son âme-sœur. Et il n'avait envie de voir personne d'autre rôder autour d'elle. Il la protégeait de ces pervers. Il était un homme et il connaissait donc le fonctionnement de ces séducteurs voraces. Lui-même descendait de cette race. Il aimait plaire, aimait séduire mais n'appréciait pas que sa partenaire en fasse de même ou qu'on veuille la draguer. Du coup, toutes les rumeurs qui résonnaient dans les couloirs des facultés ne l'enchantaient guère. Alors comme ça elles échangeaient d'étranges messages avec un enseignant ? Ce même enseignant qui aurait apparemment mis en cloque une étudiante ? Comment vouliez-vous qu'il garde son calme ?

Lorsqu'elle pénétra dans l'appartement, Tae Hoon ne releva même pas la tête. Il pensait qu'elle n'oserait pas venir s'il ne répondait pas à ses appels mais s'était visiblement trompé. Il n'avait pas envie de se disputer avec elle même s'il bouillonnait à l'intérieur, il préférait ne pas en parler. Ce n'était pas la solution la plus intelligente, cela signifiait qu'il choisissait de fuir plutôt que de s'exprimer et de se libérer de ce poids qui lui pesait. Mais il avait l'impression de mettre leur couple à l'abri en leur épargnant une crise de jalousie qui risquait d'être plus violente que les autres. Cela faisait donc quelques temps qu'il prenait ses distances et boudait dans son coin comme un gosse. Mi Ran n'avait pas l'air prête à laisser passer ça plus longtemps. Quand elle tapa sur la table, il sursauta et fronça les sourcils. Qu'est-ce qui lui prenait ? Complètement tarée. Il ne comprenait pas les femmes. Vraiment pas.

« Arrête de raconter n'importe quoi, t'es ridicule. » Lâcha-t-il dans un soupir alors qu'il balayait d'un signe de la main les paroles plus que grotesques de sa petite amie. Bon, d'un côté, elle avait raison. Il essayait bien de la mettre dehors mais juste parce qu'il espérait ainsi avoir la paix. Il s'emportait très facilement et souhaitait éviter de dire des choses qu'il pourrait ensuite regretter.

Il se leva alors et ramassa au passage toute sa paperasse administrative. De toute manière, il n'y comprenait rien ne parvenant pas à se concentrer. « J'comprends même pas pourquoi tu t'énerves. » Il haussa les épaules avant de lui passer devant toujours sans la regarder. Ce serait plutôt à lui de s'énerver en plus. Il n'envoyait pas des textos bizarres à une autre femme lui. Il se chercha un verre d'eau dans la cuisine avant de revenir dans le salon. Il avala une longue gorgée et pointa ensuite du doigt la porte. « Si t'es venue pour hurler tu peux partir hein. J'ai déjà assez mal au crâne comme ça. J'ai pas besoin de t'entendre piquer une crise pour rien. » Ou comment retourner tout contre la belle brune qui n'avait absolument rien fait. Tae Hoon pouvait être un amour mais le pire des goujats aussi.

Tenue ➦ On pouvait appeler ça de la mauvaise foi. Plutôt continuer son petit manège ridicule que d'admettre qu'il se rongeait les sangs à cause de pitoyables rumeurs qu'il captait dans les couloirs ou lisait sur internet. Il ne facilitait pas la vie à sa petite amie qui paraissait prête à tout entendre plutôt que de laisser cette situation s'éterniser. Mais si elle voulait lui tirer les vers du nez, elle allait devoir s'armer de courage et surtout de beaucoup de patience. Tae Hoon ne faisait pas ça consciemment, bien entendu. Il se comportait comme le dernier des cons juste parce que quelque part, il se sentait presque obligé de le faire histoire de sauver un peu son image. Non, parce qu'il ne comptait pas vraiment continuer à écouter les étudiants ricaner dans son dos. Il se demandait ce que Mi Ran penserait s'il recevait des messages d'une autre jeune femme au beau milieu de la nuit. N'était-elle pas aussi jalouse que lui ? Il encaissait ses crises de jalousie comme elle supportait les siennes depuis près de deux ans maintenant. Cela l'étonnait qu'elle ne saisisse toujours pas les limites. Tae Hoon savait se retenir, il prenait parfois sur lui. Mais il arrivait que des tas de petites choses s'accumulent et finissent par le rendre fou. Bizarrement, il préférait garder ça pour lui. Quelque part, il se sentait aussi un peu idiot de bouder dans son coin pour si peu mais en même temps toutes ces histoires l'ennuyaient profondément et ne lui donnait pas du tout envie de sauter de joie.

Il préférait prendre la fuite plutôt de se confronter à sa petite amie. Il la sentait prête à sortir les griffes et lui n'en avait pas envie. Cela le fatiguait même d'avance. Peut être qu'elle allait finir par laisser tomber, non ? « Tranquille. C'est pas comme si on se voyait jamais. On vit pratiquement ensemble, difficile de t'éviter. » Ce ton ironique montrait à quel point toute cette discussion l'ennuyait. Il ne se comportait presque jamais aussi froidement avec elle. Et comme il était limite du genre pot de colle, dès qu'il prenait un peu ses distances y avait de quoi trouver ça louche.

Tae Hoon se pinça les lèvres pour ne pas se mettre à hurler lorsqu'elle le bouscula dans la cuisine. Alors qu'il tentait de garder son calme et d'esquiver la grande conversation, Mi Ran cherchait à le pousser à bout. « Un cachet suffira pas si t'as décidé d'être chiante comme ça. » Cela lui fit penser qu'habituellement, quand il avait un peu mal à la tête, il pensait tout de suite à une de ses activités sportives préférées. Mais là, il ne ressentait aucune envie de passer sous les draps avec elle. Au contraire, si Mi Ran n'était pas une femme, il lui en aurait déjà collé une pour lui faire passer l'envie de jouer avec ses nerfs comme ça.

Il avala plusieurs longues gorgées d'eau puis déposa son verre dans l'évier alors que Mi Ran s'excitait toute seule. Elle n'avait vraiment pas l'intention de le laisser tranquille alors ? Tae Hoon souffla en se massant les tempes. Ce qui ne risquait pas d'arranger ses maux de tête. « Et depuis quand t'es aussi lourde ? Fous-moi la paix quoi. » Et comme il ne tenait pas à rester dans la même pièce qu'elle, il quitta la cuisine pour se réfugier à nouveau au salon -enfin bon dans le fond ça restait la même pièce puisqu'il possédait une cuisine ouverte-. Il reprit sa paperasse pour se cacher derrière et ne pas avoir à la regarder. « Si je suis aussi stupide, tu n'as qu'à appeler Raphaël. » Il haussa les épaules l'air faussement détaché. Son allusion à son ex allait sans doute la mettre doucement sur la voie du pourquoi du comment. Enfin là, il faisait surtout référence au fait que ce type semblait persuadé qu'il n'était pas la hauteur pour rendre Mi Ran heureuse.

Tenue ➦ L'ambiance devenait lourde. Pesante. Elle étouffait le jeune couple. Elle rendait sèche la gorge de l'infirmier qui esquivait toutes les tentatives de sa petite amie qui visaient à ouvrir le dialogue. Tae Hoon n'appartenait pas à cette catégorie de gens en mesure de se confier au moindre doute. Afin d'arriver à obtenir une discussion, Mi Ran devait toujours batailler avec les nombreuses barrières du coréen. Il ne lui simplifiait pas la vie. Il ignorait de qui il tenait ça. Il supposait sa mère puisqu'il trouvait que son frère lui ressemblait sur ce point. N'avait-elle pas réussi à garder pour elle son existence pendant toutes ces années ? Et sans flancher une seule fois en plus ? Bref, Tae Hoon n'était pas prêt à parler avec Mi Ran de ce qui le perturbait tant. Il y avait plusieurs bonnes raisons à ça. C'était en grande partie parce qu'il se sentait tout bonnement ridicule. Il sentait que son comportement était exagéré par rapport aux événements. Mais pourtant, c'était plus fort que lui. Il ne parvenait plus à passer au-dessus. Il avait la sensation que tout le monde le prenait pour un imbécile, qu'on se moquait de lui et pire encore, qu'on le considérait comme le dindon de la farce qu'il n'était pas. Mi Ran ne le trompait pas. Il ne doutait pas d'elle. Seulement le simple fait que les gens puissent s'imaginer ce genre de choses, ça le rendait dingue. Puis surtout, il en avait plus qu'assez de son ex à la con qui s'octroyait le droit de le juger.

Il se comportait comme un enfoiré. Mi Ran ne méritait absolument pas toute cette méchanceté gratuite. Pourtant, difficile de ne pas comprendre son intention. Il cherchait bien sur à la blesser. Rien d'autre ne justifiait de telles paroles. S'il souffrait à cause de ces rumeurs, de ces mecs qui prenaient de la place dans la vie de sa copine, pourquoi ne devrait-elle pas en pâtir aussi ? Tel était son raisonnement absolument égoïste. Le problème, c'est que lorsqu'il se trouvait dans cet état d'esprit, difficile de l'arrêter. Il franchissait toutes les limites sans y penser. Il osait le pire. Il ne tournait déjà pas sa langue dans sa bouche avant de l'ouvrir en temps normal mais quand en colère autant dire que ça partait dans tous les sens. « Depuis quand t'es conne comme ça ? » Le mot était lâché. Il venait de l'insulter. Elle le traitait juste d'enfoiré mais il renvoyait la balle deux fois plus fort comme s'il cherchait à marquer une certaine supériorité.

Mais en perdant le contrôle, il finit par lâcher la bombe. Mi Ran ne manqua pas de réceptionner le message à son plus grand regret. Il poussa un long soupir en levant les yeux quand elle l'obligea à lui faire face. Elle le fatiguait. Mais tellement.

« Si ça n'était que ça, mais ma parole t'es entourée de pauvres cons. » Il leva les bras au ciel dans des grands signes qui dévoilaient toute sa nervosité. Il éclatait. Il était même prêt à s'arracher les cheveux. Il gardait tout ça enfermé depuis tellement de temps. Ce n'était pas leur première dispute. En fait, ils se disputaient depuis qu'ils s'étaient retrouvés mais ça ne durait jamais bien longtemps et souvent il s'excusait en premier de peur de la perdre. Mais cette fois, c'était différent. Toutes ces petites choses accumulées et qui lui tapaient sur le système avaient raison de lui. « Raphaël, ton prof pervers, bref. J'peux savoir pourquoi tu parles avec ces mecs ? Les messages au milieu de la nuit, tu trouves ça normal ? T'en penserais quoi si c'était mon téléphone qui vibrait tous les soirs ? Hein ? » Comme ça, c'était dit au moins. Elle pouvait enfin comprendre d'où tout ça venait. Mais rien de ce qu'elle pourra lui dire ne sera malheureusement en mesure de le calmer. Elle aurait mieux fait de le laisser bouder dans son coin et de laisser tout ça se tasser.

Tenue ➦ Au bout d'un moment, il explosa. Tout ce qu'il accumulait depuis quelques semaines éclata au grand jour. Il s'exprimait en criant et en faisait des grands gestes. Ces histoires attaquaient ses nerfs au point de le rendre dingue. Il passait parfois des nuits entières sans dormir. Angoissé à la simple idée que sa petite amie pourrait recevoir des messages de la part d'autres hommes. Et ces rumeurs le bouffaient. Il ne savait même plus où donner de la tête. Il avait envie de détruire les mauvaises langues mais aussi Ryû et puis Raphaël aussi. Peut être que ces deux types n'avaient rien fait de mal. Sans doute que sa réaction était démesurée par rapport aux événements. Mais avec un caractère comme le sien, Mi Ran aurait dû s'y attendre. Il ne pouvait que péter un plomb. N'était-elle pas habituée ? Ils se disputaient tout de même régulièrement avec en cause leurs jalousies excessives à tous les deux mais il est vrai que Tae Hoon ne s'était encore jamais autant senti en colère qu'à cet instant. C'est bien simple, il bouillonnait. Il ne lui parlait même plus. Il lui hurlait dessus alors qu'elle n'était pas du tout responsable de tout ça. Une part de lui se rendait compte que tout ceci était ridicule. Mais une beaucoup plus grosse détestait savoir sa petite amie entourée par son ex ou son pauvre enseignant pervers.

Tae Hoon fronça les sourcils quand elle lui balança son portable. Qu'est-ce qu'elle s'imaginait ? Qu'il ne s'était pas déjà permis d'y faire un tour ? Il croisa ses bras sur sa poitrine en se disant qu'il ne valait mieux pas qu'il lui avoue. Il risquait vraiment de déclencher la troisième guerre mondiale sinon. « Mais d'où ce pauvre con a ton numéro bordel ? Tu crois que j'ai le numéro de tous les étudiants qui fréquentent mon infirmerie ? » Et pourtant, il n'aurait aucun mal à les dégoter. Un petit tour dans les dossiers et le tour serait joué. Non, il n'arrivait pas à comprendre pourquoi ils s'envoyaient des messages, pourquoi ils se suivaient sur twitter. Quelque chose clochait là-dedans pour lui.

L'infirmier poussa un long soupir, désespéré par la tournure des événements. Les paroles de Mi Ran, plutôt que de le calmer, l'agaçaient encore plus. Il repensa à sa petite altercation avec son enseignant. À ce que ce dernier lui avait balancé. Comme quoi il lui restait plus qu'à mettre une laisse à sa petite amie. Ah, si elle savait.

Puis, d'un seul coup sans crier gare, elle gifla. Il ouvrit grand les yeux, profondément choqué et posa sa main sur sa joue. Il hallucinait, pas vrai ? Mais non, il venait bien de se prendre une gifle. S'il les collectionnait autrefois il ne pensait vraiment pas en recevoir un jour une de sa part. Ça refroidit en tout cas. Enfin, juste un instant. Le choc passé, il se renfrogna et s'approcha d'elle, la dominant de toute sa grandeur. « Ne me gifle plus jamais. T'entends ? » Et il écrasa son poing sur le comptoir. Le bruit ainsi que sa voix résonnèrent un moment dans la grandeur de son appartement.

Tenue ➦ Pourquoi ne comprenait-elle pas ? Cela ressemblait pourtant à une scène de jalousie comme une autre. Une énième fois, Tae Hoon pétait un plomb à cause d'un homme qu'il jugeait bien trop proche de sa perle rare. Mais au lieu de le rassurer, plutôt que de lui prouver qu'il n'existait aucune raison de s'inquiéter, elle cherchait à lui montrer à quel point il se ridiculisait. Or, Tae Hoon savait déjà qu'il passait pour un idiot. Elle connaissait aussi ce sentiment. Ce côté possessif qu'ils possédaient tous les deux mais qui ne venait en aucun cas d'un manque de confiance en l'autre. Il s'agissait simplement du désir le plus pur de protéger ce qui leur appartenait. Il se fichait bien du type de relation qui liait cet enseignant à sa petite amie. Il n'avait plus envie d'entendre la moindre rumeur à leur sujet ni même de revoir son nom apparaître sur l'écran de son téléphone. Ça l'ennuyait profondément. Et dans un sens, il était sur que si les positions étaient inversées, Mi Ran serait également en train de lui piquer une crise. Peut être qu'il faisait une montagne d'un rien, mais il était spécialiste dans ce domaine et ça ne devrait même pas l'étonner.

Mais comment pourrait-elle deviner ? Elle n'était pas dans sa tête. Elle ignorait tout de sa dernière petite rencontre peu amicale avec l'enseignant. Elle n'avait aucune idée des paroles échangés dans sa salle de classe quelques jours plus tôt. Il l'avait cherché, même provoqué. Bon, il avait bu un peu. Et Tae Hoon avait du coup voulu bien marquer son territoire, enfin, d'une certaine manière. L'allégorie avec le chien, le « bon coup » et autres paroles uniquement destinées à le faire exploser, toutes ces choses, elle n'en savait rien.

« Bah tiens, devine de qui je l'ai appris. » Il tapota sa tempe avec son doigt pour lui intimer de réfléchir même s'il n'y avait pas besoin de chercher bien loin. « C'est bon, ça a fait tilt maintenant. Crois-moi qu'il a de la chance de pouvoir encore parler. » Bah quoi ? Elle le connaissait. Impulsif et légèrement violent, il ne se laissait jamais faire. Puis franchement, Ryû l'avait pas volé.

Néanmoins, il ne s'attendait pas à se manger une gifle. Il avait beau les collectionner depuis des années. Il ne pensait vraiment pas qu'un jour Mi Ran en rajouterait une à cette si longue liste. Hagard et figé, l'information mit un bon moment à lui monter jusqu'au cerveau. Tandis qu'une marque rouge se diffusait déjà sur sa joue. Elle avait mis toute sa force ou quoi ? En tout cas, ce geste ne lui remit pas du tout les idées en place et lui attaqua les nerfs plus qu'autre chose. Il n'hésita d'ailleurs pas à la menacer. Mais la menacer de quoi exactement ? Il fronça encore plus les sourcils quand elle lança la proposition de la frapper. Non, il n'était pas ce genre d'homme. Il ne pensait pas l'être en tout cas. Il n'arrivait pas à l'écouter ? Elle ne l'écoutait pas non plus. Ah, si elle avait entendu ce que l'autre con avait osé lui balancer, elle ferait une autre tête et aurait moins de mal à se mettre à sa place.

Pas prêt de se calmer du tout, il la saisit par les poignets pour éviter de se prendre une nouvelle claque. « Dégage. Tu prends tes affaires et tu dégages. Va dormir chez papa. Je veux pas te voir ce soir. » L'emprise qu'il gardait sur elle était ferme. Quand il la relâcha, il la bouscula légèrement avant de s'éloigner. Il mourrait d'envie de la secouer comme un prunier mais pour l'un comme pour l'autre, il valait mieux qu'elle s'en aille. « T'as ce que tu voulais non ? Alors va voir ailleurs si j'y suis. » Maintenant qu'elle était au courant du pourquoi du comment, elle pouvait le laisser se calmer dans son coin avant que les choses ne dégénèrent vraiment ? Il n'avait pas envie de prononcer des mots qu'il pourrait regretter par la suite.