e fait qu'on ne me parle pas à l'université ne me dérange pas. Après tout c'est un peu moi qui le cherche, par mon comportement. Le fait qu'on parle dans mon dos, sur moi ou sur Ayden, je n'en ai pas grand-chose à faire non plus. Je n'ai pas l'intention de dicter aux gens ce qu'ils doivent faire ou non me concernant, ils vivent comme ils veulent, et s'ils veulent s'inventer des petites histoires pimentées sur ma vie, qu'ils le fassent. Je ne leur en porterai pas rigueur. Leurs suppositions ? Il y en a beaucoup de ce que j'ai entendu dire. « Des trucs basiques, mon père t'a viré, je t'ai viré, tu as démissionné pour retourner vivre en Amérique... » J'en passe et des meilleurs. J'avais aussi entendu certaines rumeurs pensant qu'Ayden s'était fait tuer. Étrangement ceux-là pensait exactement comme moi... Mais ça, je n'avais pas envie de le dire à Ayden, que certains le croyaient mort.

J'arrête de mélanger les ramens dans la casserole et lève mon regard vers celui d'Ayden, plongeant profondément mes yeux dans les siens. Pourquoi s'excuse-t-il ? C'est moi qui devrais m'excuser... C'est moi qui n'aurais pas dû partir en Chine, sachant pertinemment qu'il me suivrait. Ou alors j'aurais dû l'autoriser simplement à venir avec moi, s'il avait été proche de moi, personne ne s'en serait pris à lui... « Arrête » lui dis-je simplement. Je reviens vers lui et m'installe à ses côtés « Tu es là maintenant... ». Ces mots me paraissent étranges, ils sonnent comme un peu trop romantique à mon goût, ne correspondant ni à ma personnalités ni à celle d’Ayden. Pourtant, j’ai comme un besoin vital de les lui dire. Un besoin de lui faire comprendre qu’il m’a affreusement manqué et que je ne veux plus le lâcher maintenant qu’il est revenu. J’en viens presque même à espérer que je pourrais le garder auprès de moi cette nuit, de façon à ce que je puisse m’assurer qu’il est toujours bel et bien là, contre moi, que ce n’est pas un rêve.

Maintenant que je repense un peu plus aux semaines qui se sont écoulées sans mon garde du corps, je me souviens d'une certaine fille qui est venue me trouver à plusieurs reprises. Je ne l'avais jamais vu avant. Il me semble qu'elle est étudiante dans la section sport de la Royal. Je lève les yeux en l'air, fronçant les sourcils, cherchant tant bien que mal le nom qu'elle m'avait donné. « Ao... Aomine ? » Je n'étais pas trop sûr de moi « Ca te dit quelque chose ? ». Cette fille avait visiblement remarqué l'absence d'Ayden mais je ne savais pas qui elle était. Je ne l'avais jamais vu... Elle n'était pas trop sûre d'elle non plus la première fois qu'elle était venue me questionner, elle se souvenait avoir vu Ayden une ou deux fois avec moi, et pensait que je savais où elle était. Quoi qu'il en soit, il fallait qu'Ayden aille la voir, elle semblait inquiète.

Finalement je me relève et me dirige vers la casserole. Notre diner semble être prêt. Je mets un dessous de plat sur la table et pose la casserole dessus. Je sors deux bols, deux paires de baguettes et m'installe face à Ayden. « Itadakimasu ».

e ne suis pas spécialement curieux de savoir ce que les autres ont pu penser de mon absence, j’ai juste trouvé le premier sujet qui me semblait abordable, en fait il me semble que c’est ce dont les jeunes de notre âge aiment discuter, des choses banales, mais nous avons notre propre façon de voir les choses et des vivres, nous sommes différents de ceux qui nous entourent, autant par la vie que l’on mène que par la perception qu’on a de notre entourage et de la vie en elle-même, c’est étrange de se rendre compte de ce genre de détails aussi simplement qu’un bonjour. Je ne me pose jamais de question, j’obéis et je fais ce que j’ai à faire, voilà tout, mais aujourd’hui c’est différent, autant que notre relation j’ai l’impression de ressentir le besoin de parler avec Jia Heng, même si c’est peu, même si ce n’est pas tout le temps, je n’ai pas pu le voir, l’entendre, le protéger pendant des jours et des jours, loin de lui j’en ai ressenti le manque, le besoin et je veux simplement pouvoir le combler, le problème et que j’ignore de quelle manière. C’est nouveau pour moi de ressentir ça et j’ai l’impression de m’y prendre mal dès que je tente une approche ou de simplement par réussir à aller au bout, parce que 'est pas mon genre tout simplement et je dois creuser pour trouver le moyen de démêler toutes mes pensées.

Je ne réponds pas aux suppositions que les autres ont pu se faire sur mon absence, hochant simplement la tête avec cet air du « je vois » sans grand intérêt, je suppose que se faire des films et parler est propre à l’être humain, on ne peut pas leur en vouloir, mais il faut savoir que même si le Premier ministre m’avait viré je ne serai jamais parti, car de ma propre volonté de resterai toujours à ses côtés, autant pour le protéger que pour la seule et bonne raison qu’à mes yeux il n’y a pas d’autre place, pas d’autre endroit où je veux être.  Je m’excuse alors pour x et y, j’ai l’impression de devoir le faire, pour ce que je lui fais vivre, pour tout en fait. Ça m’est venue spontanément, alors voilà. Nos regards se heurtent et je ne le détourne pas, le fixant avec sérieux pour appuyer mes dires, je suis désolé, vraiment. Mais quand Jia Heng me demande d’arrêter je comprends qu’il n’a pas besoin de mes excuses, je le savais déjà, mais il doit le savoir, je ne veux plus garder ce qui se trame dans mon cœur, jusqu’à maintenant je pensé qu’il n’y avait aucun espoir pour moi d’un connaitre d'autres sentiments ou émotion que la loyauté, la serviabilité puis l’amitié, mais c’était avant. Je le regarde s’installer à mes côtés et souris doucement, légèrement a ses paroles. Hochant à nouveau la tête. « Hum. Et je ne compte plus partir. » Pas sans lui en tout cas, c’est terminé.

Quand il m’énonce le nom d'Eri je prends un air à peine surpris, en fait je me serais douté qu’elle vient demander après moi, je lui avais dit qu’on se ferait une sortie de nouveau et finalement j’ai disparu soudainement. « C’est... Aomine Eri, je l’ai connu avant de te servir, on était dans la même école en Amérique. » C’est étrange de parler d’une vie que Jia Heng n’a pas connue, j’ai l’impression d’être n à ses côtés, je ne renie pas mes premières années d’existence car c’est ce qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui, mais j’ai réellement commencé à vivre grâce au chinois, depuis tant d’années qu’on est ensemble je pense que parfois j’oublie simplement que j’ai eu une période et une vie avant « Jiang Ayden le garde du corps de Li Jia Heng ».

« Elle a dû s’inquiéter de ne plus me voir nulle part. » Je souris, j’irais la voir plus tard, pour l’instant j’ai d’autres priorités, d’ailleurs Jia Heng se lève pour préparer les bols et les poser sur la table, j’en attrape un avec les baguettes : « Itadakimasu. » Je n’ai pas senti une bonne odeur comme celle-là depuis des semaines, ça réveille mes papilles et je commence à manger en dévorant l’assiette, ça fait du bien de manger... bon sang, n'avais pas réalisé que ça pouvait réellement manquer, manger c’est vraiment un luxe quand on est pris dans une chasse à l’homme, mais je vais me rattraper.

l avait plutôt intérêt à ne plus partir. Enfin à ne plus chercher à me suivre lorsque je lui demande de ne pas le faire. Quoi que, je pense que je ne lui demanderai plus jamais une telle chose, pour le coup j'avais été idiot. Lorsque j'avais quitté le Japon pour me rendre en Chine, au fond de moi je savais pertinemment qu'Ayden ne resterait pas gentiment dans notre dortoir à faire le ménage et la cuisine. C'est moi qui avais failli causer sa perte en fait... Je baisse le visage en soupirant doucement. Désormais, où que j'aille, il restera à mes côtés. Je me rattraperai comme je peux. Parce que c'est lui qui s'excuse, mais en vérité, ça serait plutôt à moi de m'excuser. Tout cela est arrivé par ma faute. Pourtant je ne dirais rien, m'excuser n'est pas vraiment mon genre mais plus que cela - parce que dire pardon à Ayden n'est pas ce qui me dérange - je ne veux pas qu'on continue de parler de ce sujet. Maintenant qu'il est revenu je veux profiter de lui à mille pour cent, et ce n'est pas en parlant des malheurs qui nous sont arrivés que cela va être possible. Bien sûr que je vais encore y penser pendant plusieurs jours, peut-être même pendant plusieurs années, sûrement. Mais ce soir, je vais essayer d'en faire abstraction. Je vais arrêter de broyer du noir car Ayden est revenu, il est avec moi, et ce soir, je suis tout à lui. Enfin... Façon de parler.

J'aborde un sujet qui me traverse alors l'esprit, allons savoir pourquoi. Cette jeune fille un peu excentrique qui ne me connais ni d'Eve ni d'Adam, qui n'a à ma connaissance aucun cours avec moi, était venue me trouver et me demander où était Ayden. Cela m'avait surpris, bien évidemment, comment cette fille que je n'avais jamais vue connaissait Ayden ? La vie de mon garde du corps et la mienne était liée, depuis que nous sommes enfants nous vivons ensembles, depuis que nous sommes enfants mes connaissances sont les siennes. Cela m'intrigue quelque peu lorsque j'y repense, mais sur le coup, j'avais été incapable de répondre à la jeune femme et j'avais tourné les talons. A ce moment je ne pensais qu'à une seule et unique chose, quelque chose que je ne pouvais pas prononcer à haute voix « Ayden est sans doute mort ». Il était hors de question que je révèle ça à cette Aomine, je ne voulais pas la choquer, et je ne connaissais même pas le lien qu'elle avait avec mon garde du corps.

« Ooh, je vois... » J'hoche doucement le menton, les yeux dans le vague. J'en oublierais presque que la vie d'Ayden ne se résume pas à ma vie, la vie de Li Jia Heng. Si c'est le cas depuis un certain nombre d'années, avant qu'il ne me rejoigne en Chine, il avait sa propre vie. Il vivait même sur un autre continent c'est pour vous dire. Mais cela n'avait pas duré longtemps dans sa vie, et à vrai dire, il ne m'en parle jamais. A voir comme il parle de cette Aomine Eri il semble plutôt bien la connaitre. Comment peut-il se souvenir d'elle si simplement alors que leur relation date d'il y a a peut prêt quinze ans ? « Tu... Tu l'as revu depuis ? » J'ai presque envie de me gifler à m'entendre parler comme ça. On dirait une ado pré-pubère jalouse. Cette affaire ne me concernait pas, elle était propre à Ayden, pour une fois qu'il avait quelque chose de propre à lui justement, je vais éviter de m'y introduire. Je secoue la tête de droite à gauche pour me sortir cette idée de la tête et vais chercher les ramens enfin cuits.

« Bon ça ne vaut sûrement pas le plat d'un chef étoilé mais ça remplira notre ventre » Et à voir le visage d'Ayden il semble apprécier les nouilles instantanées que je lui ai préparé et j'en suis rassuré. Un sourire apparaît sur mon visage. Je pose mes baguettes sur mon bol et le regarde simplement. Même si moi aussi j'ai faim, car je n'ai pas eu beaucoup d'appétit ces derniers jours, cela me réchauffe le coeur de regarder le jeune homme se régaler de la sorte. Ca suffirait presque à remplir mon estomac. « Tu peux tout manger si tu veux, je ferais autre chose après si tu as encore faim » Lui dis-je, un sourire bienveillant sur le visage.

e ne m’attendais pas à ce que Jia Heng me parle d'Eri, en même temps je ne lui ai pas raconté mes retrouvailles avec une ancienne connaissance, je ne pensais pas que c’était important, bien que j’apprécie beaucoup la jeune fille qui malgré mon comportement distant prend par peur, de plus elle m’a connu avant tout ça et je suppose que même en ayant coupé tout lien avec les premières années de ma vie, ça ne peut être effacé pour autant. Je me doute que d'autres se sont aussi posé la question, Su Hwan, mon professeur et d’autres connaissances que je me suis faites pendant mes heures de cours ou de club, mais pour moi le plus important c’est Jia Heng donc j’ai surtout demandé par sujet de conversation que par réelle préoccupation. Je le regard sans rien dire, juste le fixant par besoin, par envie, il faut un peu de temps pour que je réalise que je suis bien là avec lui, par moments j’ai l’impression que je vais entendre des coups de feu et que je dois courir pour sauver ma peau, j’ai peur que ce soit qu’un rêve comme j’ai pu en faire dans le peu de sommeil que j’ai réussi à avoir ces dernières semaines. Mes pensées sont interrompues par sa question et je hoche la tête. « Je l’ai croisé il y a quelques mois quand tu étais en conversation avec ton père, elle m’a tout de suite reconnu, il faut croire que je n’ai pas beaucoup changé. » Je ne suis pas doué pour lire la « jalousie » donc je réponds sans en tenir compte avec franchise, pour ses choses là je reste encore inculte et idiot, même si j’en ressentirais surement les mêmes effets si les rôles étaient inversés. Ça m’est d’ailleurs déjà arrivé.

Il ramène les ramen et je souris, les yeux brillant d’envie devant ce plat, qu’il soit étoilé ou non je m’en fiche complètement, Jia Heng les a préparés pour moi et j’adore ça alors... C’est parfait. Mangeant à peine la nourriture sous mes yeux, autant dire que mon ventre pleure de joie, j’ai l’impression de ne pas avoir mangé depuis une éternité et j’enfile les bouchées me régalant simplement avant de lever les yeux vers Jia Heng et de ralentir un peu, m’essuyant les lèvres. « Mange, ne t’inquiète pas pour moi. » C’est surement une chose difficile à faire après toute cette histoire, mais il a faim et je ne veux pas qu’il se prive pour mon estomac. « Tu as perdu du poids aussi, on doit se rattraper ensemble. » J’esquisse un léger sourire, je ne suis pas aveugle, si j’ai vécu l’enfer, Jia Heng n’a pas été épargner non plus et ça me fait mal autant que ça me rassure... C’est surement étrange, mais savoir que mon absence peut avoir un impact sur lui ça me soulage, bien que je doive me maudire pour ce genre de pensée, je devrais plutôt lui dire de ne jamais s’arrêter d’avancer même sans moi, mais j’ai peur au fond, peur d’être remplacé ou oublier par lui, après tout Jia Heng et mon seul réel pilier dans ce monde et ça ne risque pas de changer.

e n'avais jamais ressenti ce qu'on appelle la jalousie. Je ne savais pas vraiment ce que cela faisait, mais j'avais bien l'impression que ce petit pic que j'avais senti dans le fond de ma poitrine était bien ça. Seulement, je n'avais pas à être jaloux et je me trouvais complètement idiot d'y penser ne serait-ce qu'une seconde. Ayden aurait pu mourir pour moi, et il ne le ferait certainement pour personne d'autre, alors à quoi bon être jaloux ? Il faut croire que mes sentiments envers Ayden se développent de plus en plus. Ou alors est-ce peut-être simplement le fait qu'il me parle de cette jeune fille pour la première fois, et qu'il ne m'avait jamais parlé d'une fille avant. Enfin d'ailleurs, lui ne m'en a pas parlé, c'est moi qui ai abordé le sujet. Je finis donc simplement pas hocher doucement le menton, mettant fin à la conversation. Maintenant qu'il est revenu il pourrait recontacter cette fille pour la rassurer, au moins je lui ai passé le message.

Le voir manger ainsi me réchauffe réellement le coeur et me fait monter le sourire jusqu'aux oreilles. Je pose mes coudes sur la table et pose mon menton dans le creux de mes mains le regardant simplement. Cela fait plaisir de le voir ainsi. Ca a dû être tellement dur pour lui durant ces dernières semaines que maintenant qu'il est là, j'ai envie de tout lui apporter, tout lui offrir. Je pourrais bien me priver de nourriture ne serait-ce qu'un repas pour lui permettre de manger un peu plus. Avec tous les sacrifices qu'il a fait pour moi dernièrement, je peux bien en faire un petit pour lui. Seulement Ayden veut visiblement me voir manger lui aussi. Ai-je perdu du poids ? Je me regarde rapidement. Je ne m'en suis même pas rendu compte, mais c'est bien possible. Après tout depuis que j'étais revenu au Japon et que j'avais réalisé que mon garde du corps n'y était plus, l'inquiétude m'avait rongé l'esprit et coupé l'appétit. Je mangeais moins qu'un moineau jusqu'à ne plus être capable d'avaler la moindre chose depuis trois ou quatre jours. J'ai donc, en effet, sûrement perdu un peu de poids. Seulement, la seule chose qui m'a frappé c'est le visage creusé et tuméfié d'Ayden. Pourtant je lui souris et prends à mon tour quelques bouchées de ramens. C'est vrai que ça fait du bien... « Tu veux faire quoi après manger ? » Je ne savais pas encore vraiment comment nous allions bien pouvoir passer le reste de notre soirée maintenant que nous nous étions retrouvés. Je ne sais pas si Ayden allait préférer regarder un bon film ou simplement discuter - mais nous ne sommes pas de grands bavards - ou peut-être qu'il allait juste vouloir aller dormir, pour rattraper tout son sommeil en retard. Enfin, je parie plus sur le fait qu'avant de faire quoi que ce soit, il va vouloir prendre une bonne douche. « Si tu veux tu pourras aller prendre une douche le temps que je débarrasse »

l est difficile de savoir ce qu’on pense vraiment, bien entendu on sait que les choses ont changé même si nous ne sommes pas démonstratifs, d’ailleurs je ne me doute pas que Jia Heng pourrait être jaloux ou même se poser des questions vis-à-vis de moi, c’est encore étrange de penser à tout ça surtout quand on est doué comme moi. Ironique. Je ne lui ai pas parlé d'Eri car même si je suis content de la revoir, j’avais déjà tourné la page sur cette vie, celle où Jia Heng n’en faisait pas partie, puis je n’aurais pas su comment abordé le sujet, je ne pense pas que ce soit important, du moins à ses yeux cela aurait surement été insignifiant, c’est ce que je pensais à ce moment-là. S’il me questionne je réponds, j’ai toujours été franc avec lui, je ne sais pas mentir de toute façon, si je lui cache quelque chose il pourrait facilement le deviner, mais pour l’instant je ne m’attarde pas sur le sujet et lui non plus. J’enverrai un message à la jeune fille pour lui dire que tout va bien, je ne veux pas qu’elle s’inquiète pour rien, je vais bien. Enfin peut-être pas en apparence, mais je suis vivant au moins.

Manger ça fait du bien, je me brule presque l’estomac en avalant sans mâcher, je n’avais encore jamais ressenti le manque de nourriture, mais durant ses dernières semaines j’ai dû faire abstraction de ma faim, me nourrissant de choses et d’autres, vivant une vie de sauvage, alors retrouver une alimentation normale ne peut que me ravir. Bien que je sois connu pour être inexpressif cela doit pourtant se lire sur mon visage. Jia Heng me dit de tout manger, mais je ne suis pas encore devenu égoïste, lui aussi doit avoir faim, de plus quand ça le concerne je suis très observateur, si je prends soin de le protéger je prends aussi soin de sa vie. Je remarque les détails que lui ne verra pas forcément, il a maigri durant mon absence, de mon côté c’est compréhensible que j’aie perdu du poids, mais lui... Depuis combien de temps ne mange-t-il pas ? Personne ne l’a forcé ? Son garde du corps est vraiment inutile... Mais d’un côté je sais aussi que c’est ma faute, je m’en veux autant que j’en suis reconnaissant, a travers ses actes je peux lire la douleur de ma perte et je suis heureux, c’est bête, mais c’est pourtant ce que je ressens.

Ce que je veux faire ? Je ne sais pas... Je ne pense pas vraiment à ce genre de chose alors je regarde mon bol comme s’il allait me donner la réponse. Je suis fatigué, mais en même temps je voudrais passer plus de temps avec Jia Heng, je sais qu’on a tout le temps maintenant, pourtant je veux pas me retrouver seul tout de suite. Au final je n’ai pas encore répondu qu’il me parle de douche et je lève les yeux sur lui avant de hocher doucement la tête. Cependant je ne peux pas vraiment prendre de douche avec mes blessures, mes bandages vont être trempés, donc je vais devoir me laver avec un gant. « Je risque de mettre du temps à me laver. » Avouais-je en terminant mon repas. Je peux toujours me faire couler un bain et refaire mes bandages ensuite, je me débrouille assez bien de toute façon.

Je joins mes mains pour remercier du repas que je viens de finit pour me redresser, la main sur mon ventre. « Je vais... » Je montre la salle de bain pour lui faire comprendre, avant de sourire légèrement. « Je me dépêche. » Ne voulant pas le laisser seul bien longtemps je préfère m’y atteler dès maintenant. Une fois dans la pièce je pousse la porte sans la fermer à clef, poussant un soupire-je retire un à un mon vêtement pour me regarder dans le miroir. C’est à prendre peur, je suis massacré de partout, les marques sur mon corps risquent de mettre du temps à disparaitre ou à cicatriser. C’est pire encore lorsque j’enlève les bandages, mais je ne suis pas choqué, ce n’est rien, ça va guérir.

L’eau coule dans la baignoire, alors que je me penche doucement sur le lavabo pour me rincer le visage, ça fait du bien... Je ne sais toujours pas ce que l’on peut faire ensuite, je regrette d’être aussi peu intéressant, mais ce n’est pas mon point fort de trouver des activités, en fait je ne suis pas doué pour beaucoup de choses, c’est désolant. Pénétrant dans la baignoire, quelqu’un d’autre à ma place aurait hurlé au contact de l’eau chaude sur les plaies, mais pas moi, je ne suis pas insensible face à la douleur, juste que je sais très bien la contenir, même en ayant mal je peux rester de marbre, c’est surement ce qui est le plus difficile à cerner chez moi. Installé, je ferme les yeux en me demandant ce que fais Jia Heng, je ne devrais pas trop trainer, mais ça fait du bien, alors juste un peu... Je vais en profiter.

e fixe mon regard sur Ayden pendant qu'il mange et ce n'est pas faute d'essayer, j'ai bien du mal à le quitter des yeux. Le voir manger avec un tel appétit me ravi. Il est très que mon garde du corps laisse paraître ses émotions, ses impressions ou quoi que ce soit d'autres qui se trouvent à l'intérieur de son cerveau. Il ne montre jamais rien, à personne, et je n'en fais pas exception. Je ne crois pas qu'il le fait exprès, que c'est voulu, non, il est juste comme ça. Je l'ai toujours connu ainsi. Pourtant, ce soir, face à son assiette de ramen, affamé, je ressens très bien à quel point il est heureux de manger, et ça fait plaisir à voir. Moi qui ne savais pas franchement comment apaiser ses douleurs et le réconforter, je crois que ce simple plat a déjà un peu rempli la mission que je me suis fixée. Seulement, Ayden me demande de manger avec lui, je me résigne donc et le quitte des yeux pour reprendre mes baguettes et avaler quelques bouchées. Ça fait bizarre de réussir à manger quelque chose sans avoir une énorme boule au ventre donnant des nausées par la suite. Si de son côté Ayden devait avoir eu très faim pendant sa course poursuite, moi j'avais simplement perdu l’appétit, et je ne vois pas pourquoi j'aurais dû me forcer. De toute façon qu'est-ce que j'aurais bien pu avaler ? Je n'avais franchement pas la tête à cuisiner quelque chose, j'avais très peu de choses à faire réchauffer et personne n'était là pour me préparer de bons petits plats comme on le voit souvent dans les dramas lorsque les personnages principaux sont en pleine dépression. Non, ça n'avait pas été comme dans un drama, personne n'aurait été là pour me relever si Ayden avait réellement disparu, on m'aurait juste laissé couler. La preuve, avant qu'il ne revienne, il y a quelques instants, j'étais sur le bord d'un toit, à quelques millimètres du vide, prêt à me laisser tomber.

Je demande à Ayden ce qu'il veut faire, même si je n'ai pas envie de le quitter - façon de parler car nous vivons dans le même dortoir - tout de suite, je le laisserai aller se coucher si il en a envie. Il a certainement besoin de beaucoup de sommeil en plus. En attendant qu'il prenne sa décision, je lui propose d'aller prendre une douche, le temps que je débarrasse tout notre repas. « Prends ton temps ». Il faut bien qu'il se lave avec attention, pour nettoyer toutes ses plaies. Si j'ai pu en nettoyer quelques une toute à l'heure, sur son torse, je me doute qu'il en a bien partout ailleurs, peut-être pire que celles que j'ai vues. Si on veut éviter qu'elles s'infectent, il ferait bien de se laver correctement. Je lui fais un sourire avant de le laisser partir vers la salle de bain. Aussitôt qu'il est parti je débarrasse la table et fait la vaisselle, avant de laisse le tout reposer sur l'égouttoir. Le tout me prend cinq bonnes minutes. Je passe un coup sur la table et réalise que je n'entends plus l'eau couler dans la salle de bain. Ayden va peut-être bientôt sortir. Il aura été rapide... Je tends l'oreille mais je n'entends rien de plus.

Avec hésitation je m'approche de la porte de la salle de bain, pose ma main sur la poignée puis me stoppe. Je ne sais pas si je devrais entrer, je ferai mieux de le laisser tranquille. Il vaudrait mieux pour moi que je retourne m'installer sur le canapé et l'attende tranquillement. Pourtant, ma main vient finalement frapper contre la porte « Ayden ? Tu as besoin d'aide ? ». Je ne vois pas en quoi il aurait besoin d'aide, il n'est plus un enfant, il est capable de se laver tout seul. Pourtant le fait de n'entendre aucun bruit m'inquiète. Je cherche alors un prétexte pour rentrer et ouvre finalement la porte. Je me stoppe quand je vois Ayden tremper dans son bain. Quelle idée j'ai eu de rentrer dans cette salle de bain ?! Mon visage devient légèrement rouge et j'ai l'impression que je vais fondre sur place tellement j'ai chaud... « Euh je... Je viens chercher des torchons ! » Lançais je au hasard en me dirigeant hâtivement vers l'un des placards.

e laisser débarrasser pour partir me laver ce n'était pas vraiment ce que je voulais, j’aurais préféré rester encore avec lui, tenter de parler davantage ou juste être l’un en face de l’autre, ça m’a réellement manqué et même si je ne suis pas aussi expressif que je le devrai je veux juste rattraper le temps perdu, profiter de sa présence à mes côtés comme un égoïste, je ne devrais pas souhaiter ce genre de chose. Je n’en ai pas le droit, mais c’est plus fort que moi. Je me résigne donc à l’abandonner le temps d’enlever la saleté sur mon corps et le sang encore incrusté dans mes blessures ouvertes, me voir dans le miroir ne fait que refléter le « cauchemar » de ses dernières semaines, mon corps est loin d’être aussi « beau » qu’il l’était, j’ai presque honte de toutes ses cicatrices, ses marques qui laisseront une trace quoi que je fasse, je pourrais rougir devant mes propres pensées, mais je ne suis pas assez démonstratif pour ça, pourtant je me dis que dans cet état je ne devrait pas espérer encore... Appartenir à Jia Heng, de toute façon ça ne devrait plus se reproduire. Je me mens à moi-même lorsque j’en viens à cette conclusion, mais je serais toujours son garde du corps, espérer plus ne m’est pas autorisé, bien que je continue d'en prendre le risque car c’est plus fort que moi.

Soupirant, remplissant la baignoire je m’infiltre à l’intérieur, la chaleur de l’eau me purifiant entièrement, j’ai l’impression que ça fait une éternité que je n’ai pas eu droit à cette détente, ce repos. Certaines blessures me brulent, mais la douleur n’est rien, pas après tout ce que j’ai traversé jusqu’ici. Au bout de quelques minutes, les yeux fermés et la tête appuyée contre le rebord avant de me laisse couler entièrement pour mouiller mes cheveux, sortant la tête de l’eau j’entends la poignée s’abaisser pour voir son visage apparaitre. Le regardant simplement, mes mèches de cheveux collant sur mon visage je les fais passer en arrière pour mieux le voir, le voyant agir étrangement, bien que je ne sois pas assez futé pour en comprendre tout de suite les raisons. Me penchant pour attraper un bout de son vêtement entre mon pouce et mon index pour le retenir. « Tu peux rester. » Je ne sais pas vraiment comment il peut prendre ça, mais je n’ai pas envie qu’il s’éloigne. « Reste, s’il te plaît. » Je suis égoïste, mais même cinq minutes, ça me suffit. Je laisse mon regard se perdre dans le sien naturellement, Jia Heng est le seul envers qui j’ose faire des demandes, même en sachant que je devrais le « libérer » de notre « relation » je n’en ai ni l’envie, ni la force tout simplement.

e corps d'Ayden est plongé sous l'eau, par conséquent, je ne vois aucune blessure à part celles se situant sur son visage et descendant dans son cou. Pas plus donc que ce que je vois depuis que je l'ai retrouvé. De toute manière, je n'attarde pas mon regard sur lui et cours vers le placard pour attraper un torchon alors que je n'en ai pas du tout besoin. Je suis plutôt du genre à laisser la vaisselle sécher sur le bord de l'évier plutôt que de l'essuyer. Ayden doit le savoir, mais je ne pense pas qu'il comprenne mon geste alors peu importe. Pourtant, alors que je rejoins l'autre bout de notre petite salle de bain, je sens qu'on tire sur mon tee-shirt. Cela me stoppe et alors j'entends la voix de mon garde de corps me demandant de rester. Je me retourne, légèrement surpris, je ne m'attendais pas à ce qu'il me demande cela. Je pensais qu'il me laisserait juste passer et ressortir de la pièce sans rien dire. Il me demande une nouvelle fois de ne pas partir. Instinctivement je souris alors que j'ai toujours horriblement chaud au visage. « Si tu veux ».

Seulement que dois-je faire ? Est-ce que je dois rester là, debout, face à lui à le regarder ? Sa présence à elle seule me fait du bien, alors oui, s'il le faut je vais rester là à le regarder et ne rien faire si c'est ce qu'il veut, malgré que tout ça soit assez gênant. « Tu... Tu as besoin de d'aide ? » Ca y est... Je recommence avec ça. Ayden est capable de se laver seul. Pourtant, au fond je sais qu'il doit avoir terriblement mal au niveau de ses blessures et il est peut-être difficile pour lui de se laver seul certains endroits - le dos par exemple. Peut-être que je pourrais me sentir un peu plus utile dans ce cas, mais s'il n'a pas besoin, je n'insisterai pas.

J'ai chaud, vraiment très chaud. Et je n'arrive pas à savoir si c'est c'est la buée qui a emplit la salle de bain ou si c'est l'effet que me fait Ayden qui me donne si chaud. Je décide d'enlever ma veste que j'avais gardé sur le dos jusque ici, découvrant mon tee-shirt blanc. « Il fait chaud ». Je ne comprends pas trop pourquoi je trouve important de me justifier, mais je le fais quand même. C'est toujours comme ça quand je suis avec lui, j'agis toujours très différemment que lorsque je suis avec quelqu'un d'autre. Et ce depuis que j'ai découvert mes sentiments pour lui. A vrai dire, je n'ai jamais été froid et si peu sociable avec mon garde du corps que je l'ai toujours été avec les autres, j'ai toujours eu une relation "différente" avec lui. Mais depuis un moment je rougis face à lui, je trouve certains moments de plus en gênant, mon coeur bat un peu plus vite en sa présence et je passe mon temps à me justifier. C'est tout ça qui m'a fait réaliser tous les sentiments que j'ai pour lui, depuis un moment déjà.

e pourrais me sentir gêner de le voir débarquer dans la salle de bain pendant que je suis en train de me laver, mais ce n’est pas le cas, l’eau cachant mon corps blessé, je ne suis de toute façon pas assez démonstratif pour montrer mon embarras, bien que mon cœur souvent s’accélère en sa présence ou que j’arrive à me poser des questions que jamais auparavant je ne me serai posé, il me change. Non, il m’a déjà changé, grâce a tout ses sentiments que je ressens. Lui demander de rester avec moi c’est surement égoïste et perturbant, voir troublant, il faudrait que je m’excuse et revienne sur mes mots pour être gourmand et capricieux... Mais au lieu de ça je lui réitère ma demande, je n’ai pas envie qu’il sorte de la pièce, bien que je sois pas dans une situation avantagé installé dans ma baignoire, mes blessures affreuses sont cachées et juste qu’il soit à côté me suffit, nous n’avons pas besoin de parler. Un sourire discret se dessine sur mes lèvres fines alors que je relâche le tissu que je tenais délicatement, il accepte et je me sens soulagé.

Je le regarde silencieux ne sachant pas quoi dire, bien que la situation soit inhabituelle et un peu gênante je suis simplement heureux de pouvoir le regarder et être à ses côtés, je ne demande pas grand-chose pas vrai ? Besoin d’aide ? Je réfléchis un instant, mes lèvres s’entrouvrant doucement pour se refermer le temps de me demander si je peux vraiment le laisser m’aider... Ce n’est pas son rôle de faire ça, puis mes marques... J’hésite, mais il propose et je ne peux pas le faire tout seul à part rester à immerger dans l’eau. « Je n’arrive pas à me laver le dos... » Soufflais-je doucement. Habituellement ce n'est pas grave, mais même a cet endroit j’ai des blessures et j’aimerai nettoyer les plaies comme il faut, alors je préfère demander l’aide de Jia Heng passant outre le fait que c’est peut-être déplacer.

Mon regard suit ses mouvements le voyant se dévêtir de sa veste. « Désolé c’est à cause de l’eau. » On parle naturellement de tout et de rien, ensemble on semble « normal » bien que nos vies ne le soit pas tant que ça, avec Jia Heng je m’ouvre plus facilement, c’est vrai que mes expressions ont encore du mal à être réellement explicite car je n’ai jamais été doué pour ça bien qu'avec lui ça vient si simplement... Et Jia Heng sait passer outre les déformations faciales pour venir chercher celui que je suis à l’intérieur, ce n’est pas pour rien qu’il est la personne la plus importante dans ma vie et que je m’en suis complètement épris et cela depuis qu’on est petit, ça n’a pas changé et ne changera surement jamais.

e reste dans la salle de bain, presque sous les ordres de mon garde du corps. Il ne me demande jamais rien, à part de faire attention quand je sors, c'est tellement étrange, on dirait presque qu'on inverse totalement les rôles ce soir. Et pourtant, je serai bien incapable de le protéger comme il me protège jour après jour. Je lui demande s’il a besoin d'aide, et alors que je crois qu'il va me répondre que non, il hésite et me dit qu'il n'arrive pas à se laver le dos. Je déglutis quelque peu, je ne pensais pas réellement devoir l'aider. Ce n'est pas que je n'ai pas envie de le faire, bien au contraire. C'est juste que lui et moi, seuls dans la salle de bain embuée, lui nu... Il s'agit là d'une situation totalement irréaliste que je n'aurai jamais osé penser un jour. « Oui, je vais t'aider. »

Je retire ma veste car j'ai incroyablement chaud. Ayden s'excuse pour la chaleur de la salle de bain dû à l'eau trop chaude qu'il a fait couler. Il y a certainement de ça oui, mais pas que... Je pose ma veste sur le bord de lavabo et me retourne une nouvelle fois face à mon garde du corps. J'hésite un peu dans la manière de faire, ce n'est pas comme si, une fois dans ma vie, j'avais déjà lavé le dos de quelqu'un. J'ai peur d'être maladroit. Malgré tout, je m'agenouille à côté de la baignoire, attrape un gant et verse du gel douche liquide dessus. J'ai peur de mal m'y prendre mais j'ai aussi peur de lui faire mal. « Tu me dis si je te fais mal, je vais essayer de ne pas trop frotter. » Je me doute que la sensation un peu rêche du gant sur ses plaies ouvertes ne doit pas être très agréable.

Prudemment donc, je pose le gant sans doute un peu froid dans le haut du dos d'Ayden. Je frotte légèrement, insistant un peu plus sur les parties intactes de son corps. Il y en a peu. Entre les plaies et les hématomes. Je me retiens de grimacer. Ayden va être marqué comme ça pendant un moment, il faut que je m'y fasse. Je frotte doucement, évitant de le regarder, je ne regarde que le gant faire des vas et viens sur son dos. Je ne sais pas quoi dire et pourtant, j'ai comme le besoin de lui parler. Peut-être que je serai plus à l'aise si nous discutions en même temps que je l'aide à se laver...

e n’aurais jamais osé demander de l’aide à Jia Heng, jamais. Pas par fierté ou autres trucs stupides, mais parce que je suis celui qui le protège, il est mon maitre et demander de faire quelque chose pour moi comme me laver le corps c’est totalement insensé, mais je le fais. Je pense que ces dernières semaines où l’on a été éloigné m’ont fait ressentir un manque énorme et maintenant qu’il est là j’ai envie de profiter, je sais que je vais vite redevenir le Ayden qui n’a « besoin » de rien et se débrouille seul, mais ce soir, c’est différent, je m’autorise ce sentiment qui m’était inconnu il y a quelque temps, je me montre un peu gourmand et égoïste, pourtant Jia Heng ne refuse pas et accepte de m’aider malgré tout. Je suis blessé, je ne profite pas de la situation, je ne peux vraiment pas atteindre ces zones-là, mais il y a quelques mois j’aurais préféré resté « sale » ou passé des heures à le faire seul en souffrant que demander à quelqu’un la plus minime des attentions.

Je l’observe retirer sa veste et je pense que l’eau est la raison de cette chaleur remplissant la pièce, étant un peu trop « innocent » pour penser qu’autre chose en est également la cause, à savoir : Moi. Je le regarde toujours, suivant chacun de ses mouvements, il met le gel douche sur le gant et je sens la fraicheur du liquide s’écraser sur ma peau, hochant la tête négativement. « Ça va, n’ai pas peur, tu peux frotter. » La douleur n’a pas d’importance, je suis forgé depuis le temps, comme un soldat, quand on a pris des coups on ne ressens presque plus rien, bien sûr je suis humain et ça reste douloureux, juste que je le supporte plus qu’un être humain « normal », ma vie ne l’est pas, je suis habitué à tout ça, peut-être pas à prendre des balles, mais les combats, je vis pour protéger Jia Heng, me blesser ne m’a jamais effrayé.

« Désolé de t’embêter avec ça... » Je ne veux pas qu’il pense que j’en profite ou qu’il n’est plus « au-dessus » de moi, il est toujours le maitre et moi son garde du corps, même s'il s’abaisse à me laver le dos blessé de part et d’autre... C’est la seule réalité.

e suis tellement douillet que j'ai du mal à imaginer comme, avec un corps dans son état, il arrive à supporter la douleur. Son visage est le même que d'habitude, il a certes les traits un peu tiré par la fatigue, et quelques bleus et égratignures, mais son visage ne semble pas déformé par la douleur. Lorsque je m’écorche ne serait-ce que le petit doigt, j'hurle presque de douleur... Je réalise à quel point lui et moi sommes différent. Je l'ai toujours su, mais voilà un point qui se rajoute à toute la liste de nos différences. Je suis une chochotte élevé dans le luxe, Ayden est un combattant élevé dans le seul but de me protéger. Parfois, je me dis que j'ai de la chance, je pense que peu de gens ont une personne rien que pour, comme Ayden pour moi. C'est sûr que beaucoup de gens ont du personnel de maison, des domestiques, des managers qui gèrent leur emploi du temps, des gardes du corps aussi, mais je suis presque certain que personne n'a eu son garde du corps depuis son enfance, et que jamais personne ne passe presque vingt-quatre heures sur vingt-quatre son temps avec celui-ci. Je suis un privilégié.

Je continue de frotter le dos d'Ayden, même si je refuse d'appuyer trop fort sur ses plaies. Même s'il me dit qu'il n'a pas mal, ce n'est pas humain. Je fais de façon à ce que ça soit le plus propre possible et lorsque je finis et que je repose le gant, je constate que ça n'est pas mal du tout. Quelques plaies saignent encore un peu, mais le tout est assez propre. Je me relève, non sans une grimace. Etre à genoux, plié en deux pour laver le dos de quelqu'un, ce n'est pas une chose dont j'ai l'habitude, et quand on est grand comme moi, c'est toujours plus désagréable d'être dans cette position. « Ton dos est propre. ». Je reste alors là, à le regarder, sans trop savoir quoi faire. Soudain j'ai une idée, je me retourne vers la vasque et fouille dans le placard juste en dessous. Je trouve assez rapidement ce que je cherchais, le prend et me retourne vers Ayden. « On va enrouler ton torse dedans quand tu sortiras, ça va le protéger des frottements. ». En effet, avec cette grande bande, on allait pouvoir faire comme un grand pansement sur toutes les blessures du jeune homme.

l m’est impossible d’être douillet, ce que je veux dire c'est  que je ne suis pas non plus insensible à la douleur, je la supporte simplement plus que les autres par « habitude ». C’est étrange, mais recevoir une balle ne me fait pas hurler de douleur ou mettre un genou à terre, je suis un soldat, moderne certes, mais un soldat quand même. Petit déjà je protégé Jia Heng sans craindre la mort, sans craindre les blessures et les adultes, je suis ce genre de garçon qui pourrait survivre à tous les maux physiques justes pour rester debout devant son maitre, quitte à mourir, je mourrais en étant fier et en le sachant en sécurité, c’est pourquoi je suis revenu, c’est pourquoi je me suis battu. Ma place est encore à ses côtés, notre histoire est loin d’être terminée. Tant que Jia Heng aura besoin de moi je ne compte pas l’abandonner, je pense qu’avec ce qui s’est passé et mon retour ici, il en a pris conscience et qu’il pensera plus à mourir sinon je n’aurais plus aucune raison d’existé.

Sentir le gant dans mon dos, frôlant mes blessures et la délicatesse de Jia Heng me fait doucement sourire, bien que je ne sois pas doué pour exprimer mes émotions, le dos tourné, le visage « cacher » de son regard, je souris, heureux de cette situation inhabituelle. Il ne devrait pas avoir à faire tout ça, je m’en veux de l’utiliser pour nettoyer mes plaies, mais d’un autre côté, même si nous sommes employeurs et employé, maitre et garde du corps, même moi j’ai pris conscience que nous sommes amis avant les titres sociaux, je ne suis pas aveugle à notre relation, mais je suis de ces gens qui savent pertinemment où se trouve leur place et je m’en veux d’enfreindre les règles, de dépasser les bornes, pourtant malgré cette pointe d’amertume, je ne peux cacher ma joie à l’intérieur de sentir Jia Heng aussi concerné envers moi.

« Merci. » Je tourne la tête pour le voir redressé, le sang de mes blessures ne me dérange pas, que ça pique ou démange non plus, je n’ai pas besoin de soin ou en fait, si, mais je peux survivre sans. On ne peut pas dire que je fasse passer mon bien-être avant tout. Glissant entièrement dans la baignoire pour virer le savon, le jet n’étant pas une bonne idée pour ça n'étant pas non plus maso, avant de me redresser, oubliant une seconde que Jia Heng était encore dans la pièce, bien que je reste inexpressif, a l’intérieur je me sens bouillir, être nu devant lui ne devrait pas susciter ce genre d’émotion, mais j’avoue que sans en comprendre réellement la chose je suppose qu’on peut dire que mes sentiments m’embarrassent un peu... face à lui. Je sors l’air de rien, ne voulant pas rendre la chose étrange ou plus gênante avec un comportement inapproprié, je me mets devant Jia en cherchant vite une serviette pour l’enrouler autour de ma taille... Acquiesçant légèrement devant son idée qu’il avait quelques secondes avant énoncé, je devais sécher un peu avant, prenant une nouvelle serviette pour essuyer mes cheveux et mon corps en frottant sans douceur sur ma peau blessée, je suis brute, je le sais, mais on ne peux pas me changer.

aurais du faire des études de médecine, je trouve que finalement, je ne me débrouille pas trop mal pour prendre soin du personne et la soigner. Bon après je ne sais pas si cette idée de bande est forcément bonne mais cela évitera les frottements des vêtements contre son torse, et ça évitera par la même occasion de tâcher les draps - et ses vêtements - avec ses blessures encore ouverte et légèrement suintante. Visiblement Ayden semble approuver l'idée. Mais à vrai dire, je ne remarque même pas qu'il acquiesce. Je suis trop occupé à réaliser qu'il est debout, devant moi, complètement nu, l'eau dégoulinant tout le long de son corps. Mon visage devient - je ne serai dire pour la combientième fois - rouge écarlate et mes yeux s'ouvrent en grand. Néanmoins j'essaie de me ressaisir rapidement et tourne le dos. Pourquoi ? Je n'en ai aucune idée, c'est un réflexe idiot. J'ai déjà vu le corps d'Ayden nu, mais je n'arrive visiblement pas à m'y habituer... Je déglutis difficilement ma salive avant de finalement me retourner. Heureusement, Ayden a eu le temps de prendre une serviette qui entoure sa taille. Je soupire doucement.

J'attends qu'il termine de s'essuyer, ne sachant une nouvelle fois pas trop quoi faire de mon corps. Cette salle de bain était bien trop petite pour nous deux, j'avais envie de disparaître dans une autre pièce, mais en même temps, cette proximité si rare me plaisait tellement que je restais là. « Tu vas être capable de le faire tout seul ? » Lui demandai-je en lui tendant la bande une fois sec. « Tu as besoin d'autre chose ou je peux aller t'attendre dans le salon ? ».

A vrai dire j'avais besoin de descendre un grand verre d'eau bien froid histoire de me remettre toutes les idées en place. Non pas que l'idée de rester dans la même pièce qu'Ayden me déplaise, mais j'avais juste besoin de respirer un peu. J'esquisse donc un petit sourire timide à l'intention de mon garde du corps et quitte la salle de bain « Tu m'appelles si tu as besoin. » Dis-je avant de refermer la porte.

Je pousse un grand soupire lorsque je me retrouve seule de l'autre côté de la porte, m'appuyant contre celle-ci. Je pose une main sur mon torse, au niveau du coeur. Il bat tellement fort et tellement vite qu'il pourrait décoller de ma poitrine. Je me sens légèrement étourdi, mis je reprends mes esprits petit à petit.

'aurais surement pu me débrouiller tout seul, ne pas le forcer à s’abaisser à une telle chose, ma fierté de garde du corps pourrait en prendre un coup, mais ce soir je pense que c’est l’ami qui prend le dessus sur mon rôle, bien que je le protège toujours, ses jours loin de lui m’ont fait réaliser bien des choses, bien sûr je suis incapable d’aborder ce genre de sujet, je suis loin d’être une personne aussi spontanée quand il est question de parler de choses qui me dépasse, j’ai tendance à m’effacer pour devenir une ombre, c’est ce que j’ai toujours été et ce que je dois rester, mais entre ses murs ma lumière me permet de briller, Jia Heng à mes côtés suffit à ce que mon existence devienne complète, je ne suis plus seulement le garde du corps de la famille Li, mais je deviens Ayden. Cette réalité me plaît, mais je ne dois pas y prendre gout, demain les choses redeviendront comme avant. Il m’a lavé le dos et je lui en suis reconnaissant, Jia Heng pourrait paraître brute, mais il est doux et fait attention a chacun de ses gestes pour ne pas me blesser, me faire mal, ça me fait ne sourire qu’il soit si délicat et attentionné, mais mon corps en a vu d'autres et en verra d’autre à l’avenir.

Je finis par sortir en oubliant que je n’ai rien sur moi, logique je suis dans un bain ! Mais ça n’a pas d’importance, c’est ce que je préfère me dire en continuant ma route sans jouer les prudes, il m’a déjà vu nu... le voyant se tourner, mon cœur manque un battement je ne sais pas si je dois bien le prendre ou pas, j’ai fais une connerie ? Je ne comprends pas... Mais je me passe une serviette autour de la taille assez vite, m’essuyant le corps pour pouvoir enfiler la bande. « Hum, t’inquiète pas. » Je peux me débrouiller seul, je suis plus un gars autonome de base qui ne demande pas l’aide des gens, j’ai fais une exception parce que je ressens ce « besoin » de partager avec Jia Heng, mais je suis plutôt débrouillard, en Chine je devais « soigner » mes plaies comme je pouvais, ce n'était pas simple, mais j’étais seul, alors entourer un bandage ne me posera aucun problème. Le prenant dans ma main, je le regarde en hochant la tête pour lui permettre de sortir, il en a fait bien assez, je ne veux pas le retenir ici. Je souris doucement à ses dernières paroles alors qu’il referme la porte. Je soupire, en me laissant tomber contre le meuble. Je suis perdu des fois, avant tout était si simple, je ne me posait aucune question, mais maintenant c’est différent comme si le « chien » devenait « humain » c’est une métaphore assez cruelle, mais j’ai toujours su où était ma place, je n’avais aucun droit à la parole, pas de libre arbitre, quand je vivais chez Jia Heng il était ma seule source de liberté, je pouvais lui parler, être son ami, mais devant les gens je redevenais une ombre invisible prête à bondir au moindre danger... Mais ici, j’ai mes propres sentiments, mes émotions que je découvre, mes douleurs, mes joies, ses expériences que je vis au quotidien. J’ai peur de prendre gout à tout ça et d’un autre côté je ne veux pas que tout redevienne comme avant et que ça s'arrête, parce que nous aussi on a évolué caché au regard de tous.

J’enroule la bande passant outre à la douleur de mes muscles que je mets à rude épreuve, au bout de deux minutes peut-être trois j’ai réussi à terminer de la mettre en place, ouvrant la porte de la salle de bain, Jia Heng est surement dans le salon, je vais dans la chambre pour m’habiller. Je me sens de plus en plus fatigué... M’allongeant deux secondes je me retrouve rapidement emporté dans un sommeil que je n’avais pas prévu. Mais je suis épuisé, moi qui voulais passer du temps avec Jia Heng c'est loupé...

e soir, je ne sais plus trop où j'en suis. Tout un tas de sentiments se bousculent dans mon esprit depuis le début de la soirée. D'abord j'ai eu des envies de suicide - et si Ayden n'était pas arrivé au bon moment, je me serais certainement jeté du haut de ce toit - j'ai ensuite ressenti un immense soulagement lorsque je l'ai vu. Maintenant, je ne sais plus quoi penser. Il est là, dans notre dortoir, je suis tellement heureux de le retrouver mais demain tout redeviendra certainement comme avant qu'il disparaisse. Nous reprendrons notre routine, les cours, le dortoir, les cours. Ayden me suivra et me protégera, comme d'habitude. Les gens cesseront certainement de me regarder comme ils le font depuis un petit moment. Quoi que. Mais j'ai l'impression que toute cette chaleur que je ressens ce soir disparaîtra. Je me sens triste, enfin je crois. Mais au fond, l'important est qu'Ayden soit revenu, que désormais il restera auprès de moi, quoi qu'il arrive. C'est la chose la plus importante.

Alors que mon coeur semble reprendre un rythme normal, je me dirige vers le salon où je me laisse tomber sur le canapé tout en soupirant. Je me demande si Ayden s'en sort, avec cette bande. Et alors que je continue de penser à lui, il me semble qu'un bon bout de temps ce soit écoulé. Je n'ai pas entendu Ayden sortir de la salle de bain, plongé dans mes pensées. Ou alors, peut-être qu'il n'en est pas encore sorti. Je m'approche de la porte, frappant deux ou trois coups et attendant une réponse, rien. « Ayden ? ». Aucune réponse, j'ouvre alors doucement la porte, mais mon garde du corps n'est pas dans la pièce. Est-il parti s'habiller ? Certainement... Je me dirige donc vers sa chambre et hésite une fois devant la porte. Je répète néanmoins la même scène que devant la salle de bain « Ayden, tu es là ? ». Toujours rien. Je panique légèrement. Où est-il allé ? Il n'est pas parti n'est-ce pas ? J'ouvre doucement la porte et passe la tête dans sa chambre.

Un sourire discret apparaît sur mon visage lorsque je découvre Ayden, allongé sur son lit, profondément endormi. Je reste debout, sans bouger pendant une bonne minute, le regardant de loin. Il doit avoir besoin de sommeil, je ne peux pas le réveiller, ça serait franchement égoïste de ma part. Mais d'un autre côté, je n'ai vraiment pas envie de tourner le dos et e retourner dans ma propre chambre. Il me sera certainement impossible de dormir... Je décide finalement de m'approcher de son lit, m'asseyant dessus très doucement afin de ne pas le réveiller. Je crois bien que je pourrais rester dans cette position toute la nuit, à ses côtés, à regarder son visage paisiblement endormi. C'est tellement étranges toutes ces sensations que je ne connaissais pas avant et qui m'envahissent aujourd'hui. Doucement - et toujours un peu hésitant - j'approche ma main de son visage et remet une mèche de ses cheveux blonds en place.

e n’avais en aucun cas prévu de laisser la fatigue m’emporter, de toute façon j’ai un sommeil très léger, je ne dors pas beaucoup et je suis comme ces gens qui pourraient seulement somnoler avec leur épée entre les jambes assis contre un mur comme seul appuie. Là, je pense simplement que ses semaines à courir partout sans avoir un repos digne de ce nom et mes nombreuses blessures on eu raison de moi pendant quelques minutes, ce bain, les soins, Jia Heng, tout ça m’a apaisé et m’a permis de laisser mon esprit s’évader quelques instants, je suis encore rempli de question sans réponse et même si c’est rare j’ai peur, peur d’être demain, peur que les opportunités pour parler de cette histoire disparaissent, mais Morphée m’a enlevé alors que je me suis seulement allongé, emporté par cette fatigue lourde qui pesée sur mes épaules. Je n’entends pas Jia Heng m’appeler, forcément je me suis assoupi, quand il rentre dans ma chambre je suis simplement allongé les yeux fermés, je sens sa présence à mes côtés, du moins le matelas bouger quand il s’installe, encore endormi, mais capable de ressentir les présences qui m’entourent comme un sixième sens. Ses doigts remettant en place une mèche de mes cheveux, mes paupières s’ouvrent doucement, comme si elles attendaient seulement le bon moment, croisant le regard de Jia Heng en attrapant sa main, je ne suis pas encore  totalement réveillé, mais tout ça est trop étrange, j’aimerais sortir de ce flou recouvrant notre relation, mais ai-je le droit de demander ? De lancer ce genre de sujet ? Je ne sais pas et mes lèvres finissent par rester scellées sans pour autant lâcher l’emprise de mes doigts entourant sa main, mes yeux clignotant, battant des paupières lentement, je souris doucement en tendant mon bras libre vers lui, ma main s’arrêtant à quelques centimètres de son visage, j’ai envie de toucher, mais le puis-je seulement ? Je me pose tellement de question étrange. Mon cœur bat vite alors que ma main se referme en poing résigné à ne pas franchir la limite, j’ai peur de ne plus savoir où est ma place si je commence à laisser parler mes envies, mon bras toujours suspendu, je le ramène doucement vers moi.

« Je n.. c..mp..nd p.s. » Les lettres sont avalées par ma voix basse, un soupire à peine audible que je m’adresse surtout à moi-même. Je ne sais simplement plus quoi faire de tout ce que je ressens, de tout ce qu’il m’a fait ressentir et que je ne connaissais pas, après tout avant de venir à Tokyo mes émotions étaient vide, il était mon ami, mais en dehors de ça je ne ressentais rien, je ne connaissais rien, je ne cherchais pas à comprendre quoi que ce soit, je... ne faisais qu’obéir. Et en un peu plus d’un an, tout semble avoir basculé, surtout depuis quelques mois, quand pour la première fois mon cœur m’a fait comprendre qu’il était plus important encore que je ne l’imaginait, quand nos corps se sont uni et que que j’ai pu découvrir d'autres visages de lui, d'autres émotions, Jia Heng me change et ça fait peur. Est-ce une bonne chose où devrais-je reprendre tout en main pour oublier ? Je suis perdu face à toutes mes pensées, il doit m’aider à y voir plus clair, parce que seul, je n’y arriverai jamais.

e commençais légèrement à m'endormir sur la canapé, Ayden totalement dans mes pensées. Bien que toutes les questions que je me pose à son sujet et au sujet de son retour me tracassent, le fait de simplement penser à lui m'apaise finalement et me berce presque. C'est seulement lorsque je réalise que ça fait un bon moment que j'ai quitté la salle de bain et que mon garde du corps n'est pas revenu que je me sors de ma demi torpeur. Je vais d'abord voir dans la pièce où nous nous trouvions tous les deux un peu plus tôt mais Ayden ne s'y trouve pas. L'eau du bain à disparu, la serviette qu'il a utilisé pour s'enrouler la taille n'est plus là. Je suppose donc qu'il est parti se changer dans sa chambre et décide de me rendre là-bas pour l'y trouver. Bien que j'hésite, je finis pas frapper à la porte. N'entendant aucune réponse je commence à paniquer légèrement. L'idée de le perdre m'effraie désormais totalement. C'est vrai qu'avant, je n'y avais jamais franchement pensé. Cela ne m'avait en fait jamais traversé l'esprit de me dire qu'un jour peut-être, Ayden ne serait plus auprès de moi. Je connais le risque qu'il court tous les jours, je connais le nombre de personnes qui en ont après moi et donc par conséquent après lui. Et pourtant, pas une seule fois l'idée qu'Ayden pourrait me quitter ne m'a effleuré. Maintenant tout cela a changé, je suis complètement paniqué à l'idée qu'il puisse ne plus être dans le dortoir, à mes côtés. Je suis effrayé par le fait qu'il ne me réponde pas alors que je l'appelle. J'ai tout simplement peur qu'il se volatilise, qu'il disparaisse en poussière et m'abandonne pour de bon.

C'est cette peur au ventre que je décide de pousser la porte pour tenter de me rassurer. Heureusement, il est là, tout simplement allongé sur son lit et son visage si paisible et détendu suffit à me rassurer en une demie seconde. Je décide de m'approcher et m'assoie à ses côtés, le regardant simplement pendant plusieurs minutes. Je ne veux pas le quitter des yeux. J'ai trop peur. Au fond, je me déteste de ressentir ce genre de choses. J'ai toujours cru que tous ces sentiments ne m'atteindraient jamais. Je suis froid, j'ai un coeur d'acier. Je n'aimerai jamais, j'apprécierai peut-être, mais je n'aimerai pas. Pourtant je ne demandais qu'une chose, aimer Ayden. Et je me détestai car je ne devrais pas... Instinctivement ma main remet une mèche de ses cheveux encore mouillés en place. Ayden ouvre les yeux.

Il est réveillé, mais j'ai l'impression qu'une partie de son esprit est encore dans les bras de Morphée. Je ne détache pas mon regard du sien, sentant sa main prendre la mienne, je ne veux pas briser ce contact. J'ai presque envie de lui dire que je suis désolé de le réveiller, mais je n'arrive pas à sortir le moindre son de ma bouche. Je suis ses moindres gestes, un à un. Mon coeur s'affole lorsque sa main se rapproche de mon visage, et je suis soudainement perdu lorsqu'il laisse retomber son bras. Je crois comprendre ce qu'il vient de soupirer... Mais s'il ne comprend pas je ne suis malheureusement pas en mesure de lui répondre, moi aussi je suis totalement perdu. Si mes sentiments pour Ayden étaient assez intenses depuis quelques temps, ils sont totalement décuplés en ce moment même, et je n'arrive pas à savoir pourquoi. Y-a-t-il non seulement un sens à tout cela ?

Après tout, ce soir, je ne sais pas si j'ai envie de savoir le pourquoi du comment. J'ai juste envie de rester auprès de lui. « Ayden... » Soufflais-je difficilement. « Je peux rester dormir ici ? ». Ces mots sortent de nulle part, ou peut-être de mon coeur qui bat trop fort pour Ayden, peut-être au contraire de ma tête, qui a trop peur qu'il disparaisse pendant la nuit.

i je pouvais m’endormir ainsi c’était la preuve que je savais Jia Heng en sécurité, simplement parce que j’étais là. Ou plutôt parce que nous étions là. Ici, dans cette chambre même si de nature je suis toujours prudent et méfiant des gens qui nous entoure ça restait chez nous, ce dortoir renfermé tous nos « secrets », notre relation, nos doutes, nos questions sans réponses, ici j’ai appris et j’ai évolué, je refuse que quiconque vienne piétiner cet endroit, tout comme j’appréhende le jour où nous devrons le quitter, ma vie est devenu si compliqué depuis que j’ai conscience de certains sentiments, je suis un novice, un idiot, j’étais incapable de comprendre les signes que mon corps, mon cœur ou ma tête m’envoyaient, aveugle a mes propres émotions, Jia Heng a su les mettre en avant, il m’a sorti de ma bulle d’innocence pour me montrer, m’apprendre, me faire simplement réalisé que même moi... Je pouvais aimer. Mais n’est-ce pas encore plus idiot au final ? Quel garde du corps tomberait amoureux de son maitre... Si j’étais doté d’une facilité d’expression normale, je rirais surement a cette pensées, mais même si ça semble drôle c’est la réalité et elle est bien plus difficile à changer que n’importe quel préjugé. Il fallait simplement que la lumière qu’est Jia Heng donne vie à mon ombre.

Allongé sur le lit face à lui, j’aimerais pouvoir le toucher, même l’effleurer, mais mes actes sont stoppés par mes pensées, je suis encore maitre de mes mouvements, je sais encore ce que je peux faire ou non, mais je suis perdu. Si je peux mettre un nom sur mes sentiments qu’est-ce qu’on est l’un pour l’autre ? Que ressent-il ? Je ne me suis jamais posé ce genre de question, du moins pas pour savoir ce qu’il pensait de moi ou de nous. Peut-être que le mieux serait de tout oublié, de l’instant où nous avons dérapé en passant la nuit ensemble a aujourd’hui, si c’était si facile de recommencer peut-être que ça aurait été la solution à nos problèmes, mais encore une fois je m’effacerai.

Beaucoup de choses se sont passé ce soir et je pense que je n’obtiendrais pas de réponse à mes questions et de toute façon je suis épuisé pour réellement y penser, puis au fond nous l’ignorons surement tout les deux. Mes paupières encore fragilisée par le sommeil se ferment, puis s’ouvrent quand il souffle mon prénom, le regardant simplement sans un mot, encore plus devant sa demande inhabituelle. Intérieurement je ne peux m’empêcher de sourire, alors que je m’installe pour tapoter la place à côté de moi, il sait très bien que je ne refuserai pas, pas seulement parce qu’il est mon employeur et qu’il fait ce qu’il veut, mais parce que je veux qu’il reste avec moi, ne serait-ce simplement pour sentir sa présence. Cette fois, installé contre lui, je suis certain de pouvoir dormir en paix, osant attraper sa main pour partager cette chaleur que je veux garder au creux de ma paume, je souffle en closant mes paupières. « Bonne nuit Jia Heng. »