C'était une journée calme en perspective, une journée où l'école ne pouvait pas entacher une seule heure puisque nous étions un Samedi et que j'avais du temps libre devant moi. C'est rare en pleins week-end. D'habitude, j'aide mon père dans l'hôtel quand il a du mal à gérer, sinon je traîne dehors pour faire du vélo ou du skate, parfois je reste carrément dans ma suite en profitant de ma chambre luxueuse ou d'une partie du toit réserver à ma petite personne. à voir comme ça, j'ai tout d'un gosse de riche avec les défauts qui vont avec, mais c'est totalement faux. Je suis modeste dans l'âme, sans prise de tête et pas du genre à réclamer trente milles choses au près de mon père. Quand il me demande, je ne trouve jamais rien à quémander, preuve que cela ne doit pas venir par besoin ou juste pour dépenser des sous. Sérieux, il débourse suffisamment pour me payer des études, même si je n'ai pas demandé à être inscrit dans une école privée, la meilleure du Japon apparemment. Loin de mes petites habitudes, je préfère encore traîner en ville pour me faire à cet endroit, découvrir et retenir les chemins que je pourrais préalablement emprunter. C'est grand, je ne suis pas doté d'une mémoire infinie, mais je m'en sors plutôt bien avec les lignes de métro et les noms des rues. Jusqu'à me perdre bêtement à Minato, après avoir tourné à droite et à gauche. ça devait bien arrivé un jour, et ma seule solution reste de trouver un commerce pour m'aider à retrouver ma route.

Une librairie, c'est la seule chose que j'ai pu dégoter dans cette rue à moins d'une petite minute. Je ne vois pas plus loin que le bout de mon nez, mais disons que je n'ai aucune envie de me casser la tête pour une simple question d'orientation. Poussant la porte, j'entre à l'intérieur en y jetant un rapide coup d'oeil, ne trouvant personne à la réception. Peut-être que la personne est occupé dans un rayon ou ailleurs ? Attendre n'est pas mon fort, même si j'ai une grande patience à l'accoutume. C'est pour cela que je m'aventure entre les étagères à la recherche de quelqu'un, surtout de la personne en charge de la librairie. Personne, je ne croise pas âme qui vive... étrange. Une heure creuse ? Je soupire légèrement en passant ma main dans mes cheveux, promenant mon regard sur les livres qui m'entourent. Y en a beaucoup, sur différents sujets. Je ne pourrais pas tous les énumérer, mais ça fait du boulot pour la poussière et le rangement! Les bouquins, ce n'est pas mon truc non plus, et ça se comprend quand j'en tire un et que la pile se décroche à la suite, tombant au sol comme des domino.... Ils étaient collés entre eux ou bien ?

« Mince... » Commentais-je bêtement en gardant mon ouvrage entre les doigts, le seul qui a survécu à ma bêtise et le seul qui retrouve une place sur l'étagère. J'étais prêt à m'accroupir au sol pour ramasser les autres quand j'entends des bruit de pas, une silhouette apparaissant dans mon champs de vision. « Ah désolé, je ne voulais pas déranger, ni faire tomber tout ça. Il m'est resté dans les doigts et les autres sont tombés... Comme ça... » Ce n'est pas très cohérent mais c'est le mieux que je puisse faire pour m'expliquer, haussant les épaules avec une mine désolée. Il va me prendre pour un délinquant sur le point de voler un livre, ou un idiot ? Au choix, bien que je n'ai pas la tête d'un mauvais garçon, ni d'un voyou en herbe.

Qui oserait dire, là, tout de suite, dire que ce job n'est pas le meilleur du monde ? Après une semaine de cours assez chargée, un papier rendu à la dernière minute à mon professeur d'astronomie, je suis bien content de me retrouver dans ce calme complet et apaisant. Depuis que j'ai pris la relève de ma collègue, vers 14 heures, et que j'ai accomplis un rapide nettoyage des étagères, j'ai pu me plonger dans le premier tome d'une trilogie prometteuse. Non, prometteuse n'est pas le mots, elle est juste exceptionnelle. Enfin, je devrais certainement attendre de l'avoir fini pour juger. Il m'est déjà arrivé de parler un peu trop vite et d'être déçu. Mais je connais le travail de cet auteur et j'étais plus qu'impatient de compléter ma collection donc je dois avouer être un peu, légèrement, biaser. Entre nous, personne ne semble se soucier de sa sortie et cela m'inquiète un peu. Quelques clients sont venus réclamer deux ou trois livres poussiéreux, après tout c'est la spécialité du patron de faire venir des bouquins dont personne ne veut, et je ne vais pas m'en plaindre, cela me permet de rattraper le retard perdu sur mes lectures. Si tout se passe bien, d'ici la fermeture, j'aurais finis le chapitre 20 et j'attendrai sagement de le continuer lundi, en fin d'après-midi, après mon ultime cours de mathématiques. sur ces quelques pensées, la clochette de la porte d'entrée retenti et je manque de glisser de mon siège. Ohh faut que je demande à ce qu'on fasse enlever cette chose, je vais finir par faire une crise cardiaque! Je devrais reprendre mon poste au lieu de rester cloitré là où personne ne me voit. En penchant légèrement la tête, j'aperçois le turbulent visiteur, enfin turbulent je ne sais pas, mais la clochette l'est, elle, en tout cas. C'est un jeune homme aux cheveux bruns et à l'allure décontractée. Je fronce des sourcils, un peu inquiet, car il n'a pas vraiment le look d'un rat de bibliothèque. Non, loin de moi de stéréotyper les gens, mais il a plutôt l'air d'un gamin populaire. Le genre paresseux et pourtant assez intelligent pour impressionner les gens. Son regard vague dans tous recoins et je décide de me lever, un peu dépité, pour aller à sa rencontre. Malheureusement, il tourne les talons et s'aventure dans les rayons. Peut-être qu'il sait ce qu'il cherche après tout. Ai-je vraiment besoin de le surveiller ? J'aimerai pas qu'il se passe quelque chose de louche tout de même. Un bruit sourd vient confirmer ma théorie et je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer. J'aurais préféré qu'il retourne gentiment sur ses pas sans rien casser mais apparemment, c'est vraiment le genre à être turbulent. Je me précipite vers le jeune homme, à présent accroupi au sol, tout de même désireux de réparer sa bêtise et lorsqu'il s'aperçoit de ma présence, il tente sans peine de s'excuser.

« Hmm... » Je devrais pas faire ce genre de choses. Se racler la gorge, ça fait vraiment prétentieux mais après tout, je suis en position de force dans cette situation. Il a fait la connerie de tout faire tomber et je compte bien lui faire comprendre. « Oui, bien sûr, c'est vrai que je fais si mal mon boulot que tout s'écroule quand quelqu'un touche quelque chose. Et puis ça m'amuse aussi, de devoir tout ranger après parce que j'ai du temps à perdre ... Gamin, sérieusement, qu'est-ce que tu fais là ? » Il a juste l'air de ne pas appartenir à cette librairie. Il fait tâche. Comme moi je ferais tâche dans un club, un bar ou un endroit bondé de gens cool, riches et sincèrement égoïstes. C'est malin mais je n'ai ni envie de ranger, ni envie de lui passer un savon, sauf que c'est ma responsabilité de pâlir à ce genre d'accident.

La clochette de cette librairie ne semble pas très utile, faut croire. On se croirait dans une boutique fantôme, sans âmes qui vivent... C'est flippant! Je pense ça avec tellement d'enthousiasme qu'on ne pourrait jamais me croire si je dis être effrayé, puis ce serait complètement faux. Pas un employé après ce boucan à l'entrée, étrange. Peut-être que la personne a eu une attaque et qu'elle est seule dans un coin ? Je pense cela alors que j'arpente les rayons, pas inquiet pour le moins du monde. En même temps, il y a de quoi faire une crise avec autant de livre! Je n'arrive même pas à lire tout les titres inscrits sur les manuscrits, perdant rapidement le fil de mon attention. Faut aimer ça, parce qu'à part les magazines sur les sports extrêmes ou les animaux, je ne lis pas grand chose. Même mes manuels d'école sont aussi barbant que les œuvres présentes ici. Après, chacun ses préférences et ses goûts, je ne juge personne. La curiosité est un vilain défaut et j'aurai mieux fait d'attendre vers le comptoir plutôt que m'aventurer ici, dans ce labyrinthe. à peine je tire un livre que toute l'étagère vient avec, tombant lourdement et bruyamment au sol. Oups, comme on dit ? Je me sens un peu bête pour la peine, mais ça n'aurait été que dalle si quelqu'un ne faisait pas son apparition sauvage. Est-ce qu'il bosse ici ? Il était où jusqu'à maintenant ? Bon bah, une excuse pour la peine. Je ne sais que dire de plus alors qu'une tonne de livre jonche le parquet. C'est de ma faute, j'aurai dû être moins dans la lune et plus attentif à mes gestes, malheureusement c'est trop tard pour changer quoi que ce soit à mon erreur et ma maladresse du moment.

Oh, il parle beaucoup lui aussi! Je n'ai jamais jugé son boulot mal fait, si ? Mince, je devrais surveiller mes paroles. « Je cherchais mon chemin. » Dis-je simplement en haussant les épaules, toujours préoccupé par les bouquins éparpillés autour de moi. « Je pensais découvrir un peu la ville mais je me suis perdu sans faire attention, je pensais demander mon chemin chez un marchand et je suis tombé ici. Personne ne demande son chemin quand il est perdu dans votre pays ? » Chez moi, ça se fait souvent. Bon, en Australie, on prévient aussi du danger environnant pour éviter qu'ils se perdent entre les crocodiles ou les insectes venimeux. Regroupant les ouvrages en plusieurs piles, sans trop savoir comment ils étaient rangés de base, je reprend; « Je vais t'aider à tout remettre en ordre, après tout c'est ma faute. » ça ne m'empêche pas de sourire d'un rien, terminant de réunir les livres ensemble avant de me redresser pour lui faire face, à la même hauteur. « Vraiment désolé, je ne voulais pas te déranger. » C'est sincère, ce n'était pas mon intention.

Malgré la sincérité du jeune homme, je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel. Je devrais peut-être arrêter de faire ce genre de choses, je passe pour un connard. Mais le problème, c'est que c'est plus fort que moi. A vrai dire, j'y suis pour rien. J'ai juste tendance à aimer que les événements -et les gens- aillent dans ma direction et là, c'est tout sauf une journée typique. J'ai beau ne pas me soucier des faits et gestes des clients lorsqu'ils rentrent dans la boutique, je ne peux pas passer à côté de ça. Je vais pas non plus le foutre dehors, c'est malpoli et pas très approprié vu les excuses qu'il vient de réitérer. Il s'affaire à ranger les livres et je le regarde faire pendant quelques secondes, peut-être même quelques minutes, à vrai dire il m'arrive de me déconnecter de la réalité et c'est précisément ce que je suis en train de faire. La fatigue s'abat sur mes épaules et lorsqu'il se relève, je constate que les livres sont déjà empilés sur le sol. Il est rapide, le gamin! Ça me donne une idée. Après tout, il semble n'avoir rien à faire d'important et je dois justement aller récupérer mon smartphone à quelques minutes d'ici En me levant, j'espérais avoir le temps mais le boss m'a laissé seul jusqu'à la fin de la journée et je ne peux pas laisser le magasin sans surveillance.

« Hey, tu cherches pas un job? » Il va peut-être mal le prendre, j'ai été un peu sec. Mais ça ne va tuer personne si je lui demande de tenir la boutique pendant une petite dizaine de minutes. N'est-ce pas? Personne n'en sera rien et comme il a pas l'air occupé ou pressé, c'est l'homme idéal. « Si tu restes ici .. » je pointe en direction du comptoir « pendant 20 minutes et que tu gardes la boutique, je laisse passer ça. Sincèrement, pas la peine de te confondre en excuse, ça changera rien au fait que je vais devoir passer 20 minutes à ranger ses bouquins par ordre alphabétique. Si tu peux faire une chose, là tout de suite, qui ferait que ma vie n'est plus en enfer, c'est seulement de te tenir droit, là-bas, de sourire et de dire que le patron va revenir si jamais on t'adresse la parole. » Je tente un sourire, ni vu ni connu, même si je suis pas expert dans l'art de persuader quelqu'un de faire quelque chose, j'estime avoir été juste. Enfin, c'est vrai qu'on m'a répéter plusieurs fois que j'avais une définition bien à moi de ce qui est correct ou ne l'est pas. J'ai tendance à être dans mon monde et à respecter mes propres principes et règles. Je juge donc que la faute est en adéquation avec sa punition. « Ah et par contre, compte pas sur moi pour te donner le chemin, je ne suis pas d'ici. »

J'ai dû pourrir sa routine en m’incrustant dans sa librairie et en démontant la moitié de son étagère... Je comprend qu'il soit exaspéré ou qu'il ressente l'envie de me faire bouffer un livre, feuille par feuille. Je n'y peux rien, les bouquins et moi, c'est comme... Comme... Bah, ça fait douze. J'arrive plutôt bien à les garder à l'école, mais en dehors de cela, personne ne me verra bouquiner du twilight, hunger game ou harry potter. Je préfère largement faire du vélo toute la journée que perdre mon temps dans un roman sans image. Ouais, avec les images, c'est dix fois mieux pour imaginer une scène. étant dans mon jour, même si je n'ai jamais de mauvais jour, je m'occupe rapidement d'empiler les livres devant l'étagère dans l'intention de les ranger, partant d'une bonne intention même si ça risque de mal se terminer. Bon, j'ignore comment il les range, s'il y a un ordre précis ou quoi... Mais ils sont tous regroupés en tout cas, un bon début! Un job ? Mes yeux se tournent dans sa direction et je le questionne quelques secondes sans savoir quoi répondre. Je ne cherche pas un boulot, si c'est vraiment cela qu'il veut dire. à moins qu'il est quelque chose en tête ? « Je suis pas sûr d'assurer avec les bouquins. » Répondis-je pour ne pas qu'il se méprenne, même s'il a déjà vu mon talent pour le rangement.

Rester ici, ça commence bien. Je suis venu pour demander mon chemin et je me retrouve piégé dans une bibliothèque. Le comptoir, d'accord... Je le regarde rapidement avant de ramener mon attention vers lui, curieux. Les consignes ne sont pas compliquées, en gros il veut que je fasse le pied de grue derrière le comptoir, avec un sourire et une excuse réchauffée. Ce n'est pas difficile, j'hoche doucement la tête. « 20 minutes, c'est rapide pour ranger tout ça non ? ça me va, je peux bien faire ça pour me racheter. » Un sourire aux lèvres et c'est dans la poche! Il devrait savoir que je suis plutôt docile et trop gentil, à la limite de la naïveté. Oh ? C'est un problème qu'il ne sache pas le chemin, je vais devoir déranger un autre commerce et sûrement poireauté encore une bonne demi-heure. « Tu es d'où ? D'ailleurs, je ne connais même pas ton nom. » Attendez, mon père m'a dit un truc quand j'ai posé un pied ici. C'est malpoli de demander sans le faire avant, alors je reprend. « Je m'appelle Loukas, je ne suis pas non plus d'ici mais tu as dû le comprendre déjà. » Même si je n'ai pas précisé d'où je venais. J'en oublie aussi qu'au Japon, les gens ont tendance à plus se nommer par leur nom de famille que leur prénom ... L'Australie est bien différente, ça retourne complètement mes principes et habitudes.

Il a l'air de comprendre et d'analyser ce que je lui dis. Ce gamin est peut-être pas si bête. Je vais certainement pouvoir m’éclipser sans que personne ne s'en rendent compte. En espérant qu'il ne casse rien d'ici mon retour. Son regard se pose sur le comptoir tandis qu'il m'indique ne pas être très doué avec les livres. Non, sans blague, j'avais pas remarqué. C'est plutôt le genre à lire des BD ou des mangas. Il est dans le bon pays en tout cas. Les japonais ont une littérature extraordinaire et préfère tout de même vider leurs énergies à faire des dessins. Enfin, je suis pas là pour juger mais je trouve ça dommage!

« Kiddo, 20 minutes, c'est une façon de parler, j'ai autres choses à faire avant de fermer la boutique! » Attends, stop. Il vient d'accepter là. Mon dieu, je rêve. On m'aurait dit une chose pareille, je me serais probablement enfui à tout de vitesse. Il a l'air débrouillard, c'est le principale. Je l'entends me demander d'où je viens  et quelques secondes plus tard, il se présente poliment. Oh, il a quelques manières. J'avais cru comprendre qu'il n'était pas japonais. Ça se lit sur son visage et également dans son attitude. « Hum, ouais, enchanté ... ». Je suis pas très douée pour faire les présentations. Je déteste ça même. Mais j'ai besoin de lui donc je vais faire un effort et faire la conversation. « Je m'appelle Joshua. ». Je me râle la gorge, soudainement mal à l'aise. Loukas m'observe mais il a l'air plongé dans ses pensées. Peut-être qu'il pèse encore le pour et le contre de ma requête. J'espère qu'il ne va pas changer d'avis. « Oh et je viens de New-York. ».

Wow, ça fait du bien de parler anglais après autant de temps. J'ai bien cru que j'allais perdre l'usage de ma langue maternelle après ses quelques mois passés à Tokyo. Non pas que je parle énormément japonais mais je m'en sors avec le strict nécessaire. « Je suppose que tu parles anglais. Excuse-moi si c'est pas le cas. En tout cas, si tu peux m'aider, ça serait ... bien, enfin super je veux dire. Hum, ouais, enfin tu vois. Bref je sais que je suis meilleure avec les livres qu'avec les gens. »

Pourquoi tout le monde pense que je suis stupide ? London passe son temps à me traiter d'idiot, puis ce garçon qui me prend réellement pour un débile. Ce doit être imprimé sur ma face, je ne vois pas sinon. En attendant, il me demande de faire un truc pour lui contre son « pardon » mais je ne suis pas doué avec les bouquins, je préfère largement le sport extrême à tout ça. évidement, il ne sait rien de tout ça et c'est de suite plus facile de me ranger dans une case en voyant ma tête d'ahuri. 20 minutes, c'est le temps de faire le tour de sa librairie et même d'aller au toilette. Ce n'est qu'une façon de parler, surtout pour dire qu'il a autre chose à faire que tourner en rond ici. Du coup, c'est moi qui doit prendre sa place et attendre qu'il termine sa course. Je ne vois pas d'inconvénient à cela, puis je ne faisais rien d'intéressant jusqu'à tomber ici et déranger ce pauvre garçon. ça l'arrange, j'en suis sûr.

Bon, en dehors de sa proposition plutôt sympathique, je me présente poliment à lui pour éviter de l'interpeller par des « hey » ou autres surnoms dans le genre. En même temps, il pourra mettre un nom sur le mec qui a dérangé sa routine sûrement ennuyante parmi ses livres. Comparé à moi et ma facilité à ouvrir la bouche sans hésitation, ce garçon paraît moins enthousiasme et bavard. Il me répond quand même et je lui souris en hochant la tête, jurant à moi-même de retenir son prénom, Joshua. Je continue de l'observer sans raison, admettant n'être d'ici mais lui non plus apparemment. New York, ça doit être cool comme endroit! « C'est cool ! » à croire que je n'ai que ce mot à la bouche. Quand je fais un commentaire, c'est souvent celui-ci qui revient.

« Je viens de Sydney, évidement que je parle anglais. Puis t'inquiète pas, j'ai du temps à perdre, ici ou ailleurs ce n'est pas bien différent. » Fis-je en haussant rapidement les épaules. De toute façon, je me suis bêtement perdu dans cette immense ville, il peut bien en profiter pour faire ce qu'il a à faire avant que je ne reparte à l'aventure. « Tu peux y aller, je vais attendre derrière le comptoir que tu reviennes. » Un sourire en plus et je me dirige vers le fameux comptoir, l'examinant rapidement sans toucher à rien, sait-on jamais que je ne fasse pas encore une bêtise. Ainsi, je le laisse filer quelques minutes, promettant de ne faire aucune maladresse durant son absence, qu'elle soit de 20 minutes ou plus.

Je peux pas m'empêcher de croiser les bras et de taper du pieds. Je suis nerveux, c'est tout. Respire, Joshua. Il y a pas de raison que ça se passe mal. Le kiddo prend ça plutôt bien et tu lui fais suffisamment et étrangement confiance pour ne rien faire de mal. Il a pas la tête d'un voleur. Au contraire, vu son apparence, l'argent n'est pas un problème. Je vais pas m'amuser à juger alors que ma famille vit très aisément. Juste, je préfère gagner mon propre salaire. Je n'ai pas besoin de représenter un poids sur les épaules de mes parents et de cette manière, ils ne s'occupent pas de mes dépenses. A vrai dire, je reçois régulièrement des virements mais jusqu'ici, je ne les ai pas touchés. J'ai parfois l'impression de leur faire pitié. Sauf que ce n'est pas le cas, je vis plus confortablement que la plupart des étudiants au Japon. Enfin, peut-être pas à la Royal. Mais la bourse d'études et le job à mi-temps font l'affaire.

Loukas vient de Sydney. Oh, je dois avouer que c'est plutôt cool, comme il vient si bien de le dire. Vivre à New-York, c'est basique, ça n'a rien d'impressionnant. L'Australie, par contre, c'est un pays qui me parait bien loin. Enfin, peut-être pas pour les gens d'ici. J'acquiesce d'un signe de tête, ne montrant pas pour autant mon étonnement, et son air de chien battu me donne presque envie de faire plus d'effort.

« Du temps à perdre ? Tu as fait tes devoirs ? ». Ok, merde. Je sais que les gens détestent quand je fais mon rabat-joie. Attends, je suis pas désolé. Après tout, c'est important. « Bon, écoutes, j'y vais. Je te fais confiance ... ». Je lui lance un regard qui est sensé être sévère mais je sais que j'ai certainement l'air idiot. Me dirigeant vers le comptoir, je lui inscris mon numéro de téléphone et lui indique de m'appeler si un problème surgi. Ça m'étonnerait vu l'heure qu'il est mais on ne sait jamais. Je m'empare de ma veste et laisse un dernier avertissement avant de sortir de la librairie. « Et pitié, casse rien ».

Les choses ne sont parfois pas si simple. On peut être riche mais vivre comme quelqu'un de modeste, ou être pauvre en rêvant d'être riche. L'un ne sera jamais content de ses acquissions, voyant l'herbe plus verte chez le voisin d'à côté. Pour ma part, je vis avec les choses qu'on me donne. Je ne suis pas en âge de bosser, bien loin de la majorité. J'en profite pour être jeune, pour faire des choses que je ne pourrais pas faire d'ici quelques années. Mon père est là pour m'aider, il me donne de l'argent quand j'en ai besoin et je ne me sens pas coupable pour autant d'être à sa charge. Un jour, je serais autonome et responsable, peut-être père de famille et salarié dans une grande entreprise, mais tout cela je ne veux pas y penser dans l'immédiat. Au contraire, je préfère rester dans mon temps, discuter avec ce jeune libraire et lui prêter main forte en échange de ma bêtise. Ce n'est trois fois rien, et comme je l'ai dit, j'ai du temps à perdre. Aucun boulot, aucune responsabilité, rien qui ne me force à courir partout dans l'espoir d'être à l'heure.

« Je les ferais plus tard, ils ne font pas vraiment partie de mon temps à perdre. » Répondis-je bêtement avec un sourire, l'air de dire que je suis plutôt tranquille dans mes études. Devoirs ? Plus tard, quand je serais enfermé dans ma chambre à me tourner les pouces. Pour l'instant ils ne sont pas dans mon programme de la journée, voilà tout. Il me fait confiance, c'est une bonne chose apparemment. Un hochement de tête et je lui fais comprendre qu'il peut partir les yeux fermés. Sa librairie ne va pas prendre feu, ni disparaître suite à une invasion d'extraterrestre. Qu'il se rassure, je veille au grain. « D'accord, j'attends là. » Logique, en même temps je n'ai pas vraiment le choix d'attendre là. Il est sympathique ce gars, en tout cas il me fait rire à agir de la sorte. Son numéro noté, je récupère le bout de papier pour le garder en poche et prendre place derrière le comptoir. Bon, ce n'est pas si méchant de faire le pied de grue.

« T'inquiète pas, je touche à rien! » Promis-je avant qu'il ne file, même si je pose mes doigts sur les différents livres qui traînent ou que je m'amuse avec les stylos. Il n'y a pas un chat dans les environs, c'est vraiment triste. Pas un seul client avec qui taper la discute, pas un perdu pour qui conseiller un bouquin, même si j'y connais rien. Du coup, je m'embête un peu à lire un livre dont je ne connais ni l'intrigue, ni l'histoire. Vingt minutes, ça devrait vite passer non ? J'attrape même mon portable pour enregistrer son numéro de téléphone, sait-on jamais. Je note aussi le miens sur un post-it qui traîne, écrivant un petit mot dessus. Si jamais il a besoin de garder encore la librairie, un jour. Au moins, je me fais des nouvelles connaissances sans presser les choses.