Il fallait qu'il le trouve, il devait le trouver, il avait besoin de lui parler. Il était surement la dernière personne qu'il voulait voir, mais Kô avait besoin de voir Raylai, maintenant. Ce n'était peut-être pas le meilleur moment avec l'évènement qui arrivait, mais il avait soudainement eu besoin de mettre cette affaire au clair, essayer de tirer un trait sur cette histoire, essayer, au moins, de faire bouger les choses. La nuit était déjà tombée, pas sûr que Raylai soit encore dehors, mais le japonais était près à fouiller la ville de fond en comble pour le retrouver, quitte à venir sonner à sa porte. Debout sur le rebord d'un toit, il scrutait le sol comme un rapace cherchant sa proie. Pas ici. Il reprit un peu d'élan, sauta de toit en toit, sans relâcher son attention, puis il s'arrêta à nouveau, sur un immeuble faisant l'angle de deux grandes avenues. Toujours pas là. Il se remit en route et refit la même chose plusieurs fois. Heureusement qu'il n'y avait pas beaucoup de monde ce soir-là.

Kô lâcha un profond soupir après s'être arrêté pour une énième fois. Tokyo était grand, il fallait avoir beaucoup de chance pour trouver quelqu'un dans cette métropole. Le truc, c'est que, même si toute la malchance du monde lui tombait sur la tête, il n'abandonnerait pas, quitte à y passer toute la nuit, quitte à recommencer chaque jour pendant des mois. Il voulait trouver Raylai, alors il allait trouver Raylai. Il aurait peut-être dû prendre sa voiture, ça aurait été plus rapide. Enfin, ce qui est fait est fait, il devait continuer maintenant qu'il était lancé. Il rabattu la capuche de son sweat sur ses cheveux décolorés et, en une impulsion, il s'élança vers la barre de fer d'un échafaudage et se glissa à l'intérieur d'un mouvement fluide. Le regard toujours fixé au sol, aux aguets, il guettait la moindre tignasse rousse qui se détacherait de la foule. Il faisait toujours très attention à ce qui l'entourait bien sûr, pour éviter de rater un saut et s'écraser comme une triple merde sur le sol.

C'est après une bonne heure qu'il crut apercevoir la dite tignasse qu'il cherchait tant. Il se figea net, en haut d'une maison à deux étages, ses habits noirs se fondant dans l'obscurité ambiante. Il observa la personne attentivement. Elle était de dos, difficile de savoir qui s'était. Il s'approcha un peu plus du bord, allant jusqu'à s'accroupir. Ah ! C'est Raylai, aucun doute là-dessus, il a réussi à voir au moins son profil. Il ne lui en fallait pas moins pour le reconnaitre. Rapidement, Kô se jeta vers la maison d'en face, attrapant de justesse la gouttière. Comme s'il n'y avait aucun problème -et il n'y en avait aucun- il se souleva à la seule force de ses bras pour monter sur le toit. Quelques foulées, un petit saut sur le muret d'en face, un autre pour prendre appui sur le mur de la précédente maison, un petit salto arrière et le voilà au sol, juste devant le principal concerné. Il n'avait pas fait tout ça pour impressionner qui que se soit, quand on pratique le parkour, on a tendance à beaucoup associer l'artistique à la discipline, après tant d'années, certain mouvement deviennent des habitudes, comme les salto par exemple. Enfin, pour le moment, il fixa un cours instant Raylai droit dans les yeux, l'air le plus sérieux du monde.
- Il faut qu'on parle.

TENUE △ Enfermé dans cette cage en grillage, je fixe mon objectif des yeux en attendant que la balle fonce dans ma direction pour taper brutalement dedans. Les conseils de Rukia me reviennent directement en tête, imagine que c'est la tête d'une personne que tu détestes, c'est ce que je fais en tapant bien fort dans l'objet rond qui retourne frapper contre la paroi. Je ne vois que son visage, les yeux fermés ou ouverts, il est toujours là à hanter mon esprit en désordre. Pourquoi suis-je aussi timbré à aimer un mec pareil ? Il me fait du mal et j'ose dire que j'aime ça. Tu n'es pas net Raylai. énervé contre moi-même, je cogne plus fort au second coup, augmentant frénétiquement ma puissance de frapper à chaque nouvelle balle. Putain, j'ai besoin de taper sur le responsable, pas sur ces trucs bidons! Ma rage est tellement puissante que je balance la batte contre le grillage, l'entendant bruyamment retombé sur le sol. Bordel de zeus, ça ne me calme pas autant que prévu, Rukia ne m'aide pas. ça me rend fou d'être dans cette situation, un véritable impasse et personne pour m'en sortir. Je pourrais l'oublier, vivre autrement, mais il n'est pas décidé à me lâcher et chaque est plus difficile. Fatigué, je me laisse choir sur le banc dans le boxe, lâchant un gros soupir à fendre l'âme. J'ai besoin de taper sur Dakota, de lui défoncer le crâne à coup de batte de base-ball, mais c'est impossible parce que ce n'est pas mon genre. Même si je l'ai déjà poignardé avec un couteau de cuisine quand nous étions au camping, ce que je pensais ne jamais faire de toute ma vie... Pourtant je l'ai bien fait et sans regret.

Une sonnerie annonce la fin de mon tour et je récupère la batte pour la rendre au gérant qui me souhaite un bon retour. Un sourire et je quitte l'endroit pour retourner dans les rues désertes de Tokyo. Quelle heure est-il ? Je l'ignore, mais je n'ai pas envie de rentrer chez moi ce soir. C'est mal de faire le mur, surtout pour errer en ville parmi des gens pas net et dangereux, mais je m'en fiche. J'en ai ma claque d'être l'enfant modèle, ou celui qui cherche à l'être. J'étais bien avant, quand ils ne m'ont pas enfermés dans cet asile pour gamin à problème. Avant j'aurai défoncé le premier connard à me chercher des noises, et là je suis devenu un vrai mou du genou. J'aime pas cette nouvelle vie, même si elle est beaucoup plus stable que l'ancienne. Je ne suis plus trimbalé, pourtant je regrette de ne plus être. Bon sang, mais à quoi je pense ? Je ne suis qu'un gamin perdu, toujours à découverte d'un truc qui lui échappe comme l'avenir ou l'amour. Je prétends aimer, mais je n'y connais fichtrement que dalle. ça me saoul, je voudrais comprendre et assumer, au moins ça.

Les minutes continuent de s'écouler et je ne sais que faire, à part marcher et marcher sans aucun but en tête. Mes jambes ne sont pas décidés à s'arrêter, mon cerveau non plus puisqu'il continue de réfléchir sans cesse. Je soupire, affligé d'être si pitoyable. Qu'est-ce que je fous-là ? Honnêtement, où est ma place dans ce monde ? J'ai l'air de déprime, mais pas vraiment. Mes songes sont rapidement coupés par une ombre qui passe devant moi et se fige subitement dans une suite de mouvement façon spiderman. Kô. Quand ce n'est pas son pote, c'est lui. Nouveau soupir, je le regarde d'une manière lasse comme si j'espérais qu'il disparaisse sous mes yeux. Pitié, qu'il ne m'agace pas. « Parler de quoi ? » Demandais-je sèchement pour qu'il en vienne droit au but sans tourner autour du pot ou passer par quatre chemins. De quoi veut-il qu'on discute, sincèrement ? Il doit être super tard, ce n'est pas l'heure des confidences, si ? Bah, j'attends de voir.

Ca faisait des mois que Kô se creusait la tête sans relâche pour trouver un moyen de se faire pardonner auprès de Raylai pour avoir été aussi lâche. Il ne savait pas quoi faire, il avait beau avoir une imagination de dingue, sur ce coup, c'était le néant, comme toujours. En fait, il ne savait même pas pourquoi il s'entêtait tant à vouloir se faire pardonner, des tas de gens le détestait, et pourtant, il s'en foutait royalement, alors pourquoi lui en particulier ? Peut-être parce qu'ils avaient été "amis" avant que toute cette merde commence. Surement. En tout cas, ça commençait vraiment à le saouler de ne pas savoir quoi faire. Il trouvait toujours un truc, même dans les situations les plus désespérée, alors pourquoi il ne trouvait rien là ? Il avait presque envie de baisser les bras, mais son instinct lui criait de continuer. Et puis il trouva une idée, enfin, son père lui trouva une idée en fait. Son paternel lui avait juste demander d'avoir une discussion, pour mettre les choses à plat, pour dire ce qu'ils avaient sur le coeur. Voilà ce qu'il devait faire, parler à Raylai, directement, lui demander directement ce qu'il devait faire pour être pardonner, c'était la meilleure solution, du moins pour le moment. Quant à son père, il l'a envoyé bouler, bien sûr, comme si c'était le moment.

Le voilà donc à chercher Raylai à travers toute la ville, le soir même. Il était plus que décidé à trouver une solution. Il allait surement l'envoyer bouler vu le caractère du plus jeune, mais Kô devait tenter le coup. On a rien sans rien comme on dit. Et puis, il était prêt à faire n'importe quoi, même à jouer les esclaves pendant trois ans s'il en avait envie, si ça pouvait apaiser le poids des trois ans enfermé dans une maison de correction, alors bon, pourquoi pas, ce n'était pas si terrible. Il était prêt à faire tout ce qu'il demande, de toute façon, il avait fait tellement de chose qu'il n'était plus à ça près, au pire, qu'est-ce qui lui manquait à son palmarès ? Un meurtre ? Un viole ? Franchement, il avait frôlé le meurtre plus d'une fois avec ses courses de rue. Ok ça n'aurait été que des homicides involontaires, des accidents quoi, mais bon. Quant au viole, faut vraiment être le pire des tordus pour demander à quelqu'un de faire ça sérieux. Donc bon, on pouvait dire qu'il avait un bon parcours concernant les méfaits et écarts judiciaire en tout genre. Et puis, Kô n'avait pas froid aux yeux, alors oui, on pouvait vraiment dire prêt à tout. Après, allez savoir pourquoi.

C'est après plusieurs heures de recherche qu'il fini enfin par trouver le garçon. On peu dire que la petite virée nocturne de Raylai, quel qu'elle soit, tombait à pique. Kô descendit rapidement de son toit, non sans quelques cabrioles, pour se planter devant le plus jeune. On aurait presque dit que le blond allait l'agresser vu comment il était sapé. Il avait prit l'habitude de s'habiller entièrement en noir lorsqu'il sortait la nuit, souvent avec un sweat à capuche et un masque en tissu au cas ou il devait faire un truc pas vraiment permis. Enfin, pour cette fois, il avait abandonné le masque, certes, pas sa capuche, mais c'était déjà ça. Kô planta son regard dans celui de son vis-à-vis. Apparemment, il n'y avait pas que son masque qu'il avait laissé chez lui, il avait aussi laissé sa bonne humeur habituelle. Non pas qu'il était énervé, ce n'était juste pas le bon jour pour s'amuser. Il voyait bien que Raylai n'était pas d'humeur à parler, mais, pour tout avouer, Kô n'en avait absolument rien à foutre. Ouais, c'était peut-être égoïste de vouloir satisfaire ses propres envies au détriment des autres, mais qu'on aille pas le faire chier là-dessus, ce n'était pas le moment de parler ça, et puis lui aussi il avait de quoi se plaindre. Enfin, le blond ne fit pas attention au ton sec qu'avait employé Raylai, en fait, il répondit presque aussi sèchement que lui.
- Qu'est-ce que tu veux qu'je fasse ? Qu'est-ce que j'dois faire pour que tu me pardonnes ? Tu veux que je paye pour ce qu'il s'est passé ? Tu veux que j'efface ton casier judiciaire ? Tu veux te vanger peut-être ? Tu veux que je fasse quoi ?

Bon, il s'était peut-être un peu emporté sur la fin, mais il fallait dire que cette histoire le rendait fou. C'était tellement frustrante. Pourquoi son père avait encore foutu son nez dans ses affaires aussi ? Ca lui avait pas suffi la mort de sa femme, il arrive toujours pas à faire la part des choses ? Qu'il change de taf, ça ferait des vacances à Kô.

TENUE △ Ma vie n'est pas suffisamment compliqué comme ça, faut que les gens rajoutent leur couche sans se dire que cela pourrait me déranger. Dakota est un gros soucis, c'est sûrement le pire être que j'ai pu connaître de toute ma pauvre existence. Il est mauvais, sans limite, fourbe, de quoi avoir peur avec un seul regard. Rukia était chiante au départ, elle le reste encore mais moins qu'avant, elle est juste ... étrange ? Emmerdante ? Envahissante ? Oui, mais c'est sûrement vers elle que je peux le mieux me tourner, inconsciemment. London est mon meilleur ami, je ne peux pas lui en vouloir d'être énervé contre moi et mes décisions. Je comprends qu'il puisse me détester pour cela, j'ai été un gamin stupide. Il a Xia He qui me mène la vie dure pour des informations sur Zhao, et même elle, elle est trop enquiquineuse dans son genre. Ma soeur a encore disparut comme la fois précédente et franchement, je me sens carrément seul. Anastasia était la seule personne sur laquelle je pouvais encore compté, mais elle n'est plus là. Ai-je piqué une crise pour rien ? Je garde encore la boule à neige qu'elle m'a offerte, mais je n'éprouve que de la rancœur envers sa fuite, sa disparition. Dans cette épreuve, je me sens réellement sans personne, toujours en froid avec mon meilleur ami. J'ai besoin de prendre l'air, de me remettre les idées en place, mais même le base-ball ne m'aide pas à décompresser. Je suis à fleur de peau, toujours énervé et sur la défensive. Je voudrais changer le cours de ma vie, virer les choses qui me font du mal et avancer. Parce que je ne fais que reculer ou faire du sur place, alors qu'on attends de moi. Mes parents adoptifs croient en moi, mais je ne peux rien leur apporter. Je suis un cas perdu, désespéré et la nuit m'engloutit doucement dans sa noirceur.

Apparu de nulle part, une ombre se déplace rapidement sous mes yeux pour venir s'immobiliser devant moi, capuche sur la tête. On dirait une sorte de Ninja, manquerait plus qu'un sabre et je pourrais presque avoir peur. Sauf que je ne suis pas d'humeur pour trembler devant qui que ce soit, pas même cet étrange personne qui me bloque le passage. C'est seulement cinq secondes après, quand il se tourne vers moi avec ses yeux plantés dans les miens, que je me rends compte de son identité; Kô. Comme si j'avais envie de le voir ici, celui-là. La colère ne fait que doubler de volume et je me retiens de faire demi-tour pour l'éviter, sans aucune discrétion. Bon, il n'a pas joué les Yamakasi pour rien, je suppose. Pour cette fois, je veux bien rester là et écouter ce qu'il a à dire, même si ça me déplaît. Il veut parler, pas moi. Qu'est-ce qu'il pourrait me dire, de toute façon ? Qu'il est désolé ? Qu'il s'en veut ? Qu'il voudrait se faire pardonner ? Stop, je connais la musique et son disque va finir par se rayer à force. Ce gars m'insupporte, il n'imagine même pas à quel point.

Wow, je n'aurai jamais cru que Kô puisse perdre sa patience aussi rapidement face à moi, prenant un timbre de voix presque glacial. D'accord, j'ai parlé exactement de la même façon, mais j'ai toute mes raisons, pas lui. Il me prend au dépourvu, vraiment. Qu'est-ce que j'attends de lui ? De l'argent ? Non, ça j'ai. Vider mon casier judiciaire ? à quoi bon, c'est trop tard à présent. L'avoir comme esclave ? Quel intérêt. J'en sais rien, à vrai dire. J'ouvre la bouche mais aucun son n'en sort. Qu'est-ce que je dois lui dire ? Il m'énerve, voilà tout. « écoute, je m'en fiche de tout ça. » Soufflais-je, déconcerté par la situation. « Tu ne pourras rien changer à présent, Kô. » à une époque, j'aurai pu avoir besoin de lui, contre son ami. Kô aurait sûrement pu me protéger de Dakota, éviter que cela n'arrive mais c'est trop tard, et il ne peut absolument rien changer à ce fait.

« Je ne te comprends pas. Nous ne sommes pas des amis, nous sommes même rien du tout l'un pour l'autre. Alors pourquoi tu fais tout ça ? Je suis sûr que je ne suis pas le premier à avoir eu des ennuies par votre faute. » Je dis cela calmement, les yeux dans les yeux. Qu'il m'explique son comportement, parce que je n'arrive pas à saisir sa façon d'agir. Qu'est-ce qu'il attends de moi ? Il ne fait pas ça juste pour un pardon, si ? « Si je te pardonne, tu retourneras à ta vie en arrêtant de me courir après ? » Voulais-je savoir, plus sérieux que désespéré, ou est-ce le contraire. Je ne sais plus trop comment agir avec lui, il me prend de court.

Kô, c'était vraiment le genre de mec à pas lâcher l'affaire, peu importe ce que c'est, peu importe à quel point c'est peine perdu, il s'accroche et il lâche pas. Allez savoir pourquoi, c'est dans sa nature de ne jamais abandonner. Il n'est pas non plus du genre à avoir des regrets, mais quand il en a, il ne fait pas semblant. La preuve, ça fait plus de quatre ans qu'il se trimballe celui d'avoir abandonné ce pauvre gosse entre les griffes de son paternel après ce cambriolage. Ca devait être son seul regret d'ailleurs, sans compter celui de ne pas avoir été capable de protéger sa mère. Certes, il ne pouvait plus rien faire pour sa mère, excepter haïr son père de toute son âme, mais pour Raylai, il y avait tout de même une once d'espoir. C'est pour ça qu'il ne lâchait pas, et qu'il n'allait pas lâcher de si tôt. Il en était convaincu, du moins, jusqu'à maintenant. Avec l'anniversaire de la mort de sa mère qui approchait, il n'avait plus la force de se battre pour le pardon de Raylai. Il ne voulait pas que cette histoire finisse comme ça, il ne voulait pas que tous ses efforts n'aient mené à rien, mais il n'avait pas la force de continuer le combat. Bon, on ne pouvait pas vraiment parler d'histoire en fait, ils n'étaient pas meilleurs amis, ils n'étaient même pas plus proches que ça, mais Kô l'avait tout de suite considéré comme son ami. Une question de feeling surement. Mais tout ça, c'était du passé, et Kô continuait de s'y accrocher, comme toujours. Il n'arrivait tout simplement pas à tourner la page. Il n'a pas l'air comme ça, c'est sûr, il a toujours été très discret concernant ses tracas, voulant plus paraitre comme le mec cool qui se fou de tout et qui vit sa vie à 300%, mais il n'aurait pas été entièrement humain s'il n'en avait pas après tout.

Il était venu à Raylai pour la énième fois pour tenter d'effacer la rancune qu'il éprouvait envers le japonais, mais cette fois, c'était différent, Kô n'avait même pas pris la peine de venir avec son éternelle bonne humeur. Cette fois, il arborait une mine dure, déterminée et sa voix se faisait glacial, impatiente. D'ordinaire, il n'y avait que le plus jeune qui prenait ce ton, et ce retournement de situation semblait quelque peu le dérouter, il en perdit ses mots pendant quelques secondes avant de lui répondre. Ah... Pourquoi sa réponse ne le surprenait pas ? Le blond s'y attendait presque. Mais pourquoi la suite frappa Kô de plein fouet ? Il ne pourra rien changer. Ses mots résonnèrent dans sa tête comme une vérité lacérante. Dans un moment aussi fragile que celui-là, c'était comme si on avait remis toute la vie du japonais en question. C'était peut-être exagéré de sa part, mais il le ressentait comme ça, comme si, à chaque fois, il arrivait trop tard, comme s'il réagissait toujours trop tard. Cependant, il ne laissa rien transparaitre devant son vis-à-vis, paraissant, au contraire, de plus en plus froid. Le regard du japonais ne quitte pas celui de son cadet qui tente de comprendre ses raisons. C'est vrai ça, pourquoi il fait ça ? Des tas de gens le déteste parce qu'il les a foutus dans la merde. Oui, certes, mais tous ces gens qu'il a mis dans le pétrin, soit ce n'était pas des gens à qui il tenait, soit il a toujours réussi à les sortir de la merde. Tiens ? Est-ce qu'il avouait qu'il tenait à Raylai ? Possible, il s'est toujours attaché trop vite de toute façon, surtout à ceux qui avait tendance à le fuir. Ou alors il s'en veut de ne pas l'avoir sortit de la merde alors qu'il en avait la possibilité. S'il ne s'était pas enfui, il aurait pu empêcher son père de prendre Raylai comme coupable. C'était surement un peu des deux.

Le blond détourna les yeux le premier. Si seulement il pouvait répondre à sa question. Déjà que ce n'était pas très clair en temps normal, aujourd'hui c'était encore pire, il avait juste l'impression d'être perdu dans un épais brouillard noir qui l'empêchait de penser correctement. Il enleva rageusement sa capuche et s'ébouriffa les cheveux. Il était en train de perdre son sang-froid, il ne savait vraiment plus quoi faire sur ce coup-là. Est-ce qu'il ferait peut-être mieux d'abandonner ? Kô fit un quart de tour, se tournant face au mur. Il passa une main dans ses cheveux puis soupira profondément. Il tourna la tête vers le plus jeune, un air de défaite collé au visage.
- T'sais quoi... T'as raison... On est rien l'un pour l'autre, j'ai été con de penser que je pouvais recoller les morceaux.

Un autre soupir s'échappa de ses lèvres. Ca devait être la première fois de sa vie qu'il abandonnait. En tout cas, ça lui laissait un goût amer dans la bouche, c'était définitivement pas quelque chose qu'il appréciait. En même temps, qui appréciait de s'avouer vaincu. Il passait pour quoi lui maintenant ? Il recula de quelque pas pour s'adosser au mur derrière lui, posant brutalement sa tête contre ce dernier, sans pour autant broncher. Il en vain même jusqu'à s'accroupir, passant ses mains sur son visage, l'air complétement dépité. Il jeta un rapide coup d'oeil à Raylai et lui fit un signe de tête, lui indiquant qu'il pouvait partir.
- C'est bon, tu peux te barrer, j'ai plus la force de m'accrocher t'façon...

TENUE △ Une simple phrase peut-elle faire autant de mal à une seule personne ? Je n'aurai jamais pu me douter qu'en disant cela, Kô puisse être autant blessé. Je voulais surtout dire qu'il lâche l'affaire, qu'il aille voir ailleurs et que, de toute façon, ça ne changerait rien qu'on soit amis ou rien du tout. évidement, je ne disais pas cela pour remettre sa vie en question, sinon je me serais abstenu. J'ai beau dire que je m'en fiche, qu'il fasse sa vie et ne s'occupe pas de la mienne... Ce n'est pas pour autant que je voulais être méchant, vraiment méchant. Kô l'a mal prit, mais je ne peux pas savoir pourquoi. Après tout, je n'ai jamais cherché à le comprendre, ni à savoir un truc sur lui. à une époque, je me suis ouvert dans une tentative d'être ami, mais quand tout a éclaté, je me suis refermé aussi vite. Aujourd'hui, il n'a de cesse d'affronter mes murs, pour se percuter encore et encore. à la fin, il va comprendre que la tâche est trop dure, trop compliqué et il va abandonner. Je n'attends que ce jour pour souffler, pour me dire que j'ai partiellement la paix.. Même si méchant, mesquin et égoïste.

Kô n'a jamais été un mauvais garçon, je le sais bien. Quand nous étions en contact, quatre ans plus tôt, j'aimais bien traîner avec elle. Dans la bande, c'était celui que je préférais de loin à tout les autres. Je n'avais qu'une hâte, c'était de le retrouver pour passer du temps ensemble. Ils n'étaient pas les meilleurs de la ville, ni les plus fréquentables mais je ne me suis  jamais inquiété pour cela. J'aimais juste être avec lui, comme un gosse qui s'attache vite à son aîné. Savoir qu'il m'a trahi, laissé sur place pour ne pas être accusé avec moi... ça m'a tellement peiné que j'ai fini par le détester. Un ami ne ferait pas cela, alors il n'était pas mon ami. Est-ce que je serais resté s'il était à ma place ? Sûrement, parce que je n'avais rien de plus à perdre. J'étais orphelin, déjà bien abîmé par les allers et venus, mais j'aurai été fier d'aider quelqu'un une fois dans ma vie. Kô avait une famille, des amis, sûrement des études rentables... Pourquoi se sacrifier pour un gamin dans mon genre ? Mon estime retombe et mes paroles ne sont pas plus réjouissantes. Est-ce que je cherche à comprendre ? Oui et non, parce que quoi qu'il dise, je vais m'en foutre royalement. Il a raison, c'était con de tenter sa chance alors que c'était peine perdue depuis le départ. Je ne dis rien, je me contente de le regarder dans les yeux. D'après ses précédents gestes, tout ça l'énerve. Il n'arrive à rien avec moi, et je ne l'aide pas pour autant.

Kô abandonne. Après des années à me courir après pour un pardon, il lâche l'affaire. C'est étonnant de sa part et je ne comprends pas de suite qu'il se résigne. Pourquoi ? Après quatre ans de prise de tête, il baisse les bras ? C'est une chance pour moi. ça le tourmente, je le vois à ses gestes, à son expression sur le visage, à ses mains. Quand je le vois faire, j'ai l'impression d'être le monstre dans l'histoire, le vilain petit canard. Il me fait signe de partir et j'avoue que je ne perds pas l'occasion pour reculer à mon tour. « Tu l'as enfin admi. » Lâchais-je brusquement, en lui lançant un dernier regard. Il doit sûrement voir du rejet dans mes yeux, une lueur de satisfaction mal placée aussi. Je peux partir, et je ne m'en prive pas. Tournant les talons, je détale comme un lapin pour disparaître à l'angle de la rue, l'abandonnant lâchement sur place. De toute façon, il devait s'y attendre. à quoi bon s'accrocher quand l'autre a déjà abandonné depuis des siècles ? Je ferme ce chapitre sur cette fin et fais en sorte de ne pas me retourner, le sujet est clos.