tenue. ∆ Soupirant longuement, je caressais lentement le petit ventre du bébé lapin en le berçant lentement de mes cuisses. Allongé sur le dos, il dormait à moitié. Les autres bébés étaient avec leur maman, qui semblait plus qu’épuisé de s’occuper d’eux. Amusé, je continuais de gratouiller la boule de poil. J’avais envie de le garder… Mais je ne pouvais pas. Une fois sevré, il irait à la vente… Je ne pouvais pas lui donner de prénom. Je ne voulais pas m’attacher plus que nécessaire à lui. Soupirant lentement, je le posais à côté de Charlie, sa maman, et me levais. Le ventre grondant de faim, j’ouvris le frigo en soupirant. A part du Kimchi, je n’avais rien. Il fallait vraiment que je fasse les courses. A chaque fois je me résignais, mais là, je n’avais pas le choix. Je n’allais pas manger que ça. Même si c’était la fin du mois, et que je n’avais pas beaucoup sur moi. Mordillant mes lèvres, j’ouvris mon sac à main et pris mon portemonnaie. L’ouvrant, je me mis à compter l’argent que j’avais. 2600 yen. Pour tenir jusqu’à la prochaine paie ça devrait le faire, si je prenais que du riz et des ramens. Riant de façon pathétique, je soupirais en passant un élastique dans mes cheveux. La flemme de m’habiller pour aller en bas de la rue, je mis simplement mes vans et mon portefeuille. Téléphone en main et clé dans l’autre, je quittais mon studio, descendant les escaliers de la rue en sautillant avant de frissonner. Le début de soirée commencée. Le froid s’installait. J’aurais dû prendre au moins une écharpe. Tant pis. Me dirigeant vers le petit supermarché de la rue, mon téléphone vibra. Me stoppant, je me mis à lire le message de Loki et y répondre. Grelottant faiblement, je clignais des yeux en voyant une tête brune entre mes jambes. Manquant de hurler je m’éloignais en le regardant. « Yah ! Espèce de sale pervers ! »Crachai-je en lui donnant un coup de pied en pleine poitrine. « Ça t’apprendra à vouloir voir sous ma robe ! Sale type ! Pervers ! Puceau ! » Crachai-je en lui attrapant les cheveux pour les lui tirer avec force et le secouer.

∆ C’est toujours quand on a besoin de quelque chose qu’il y en a plus. Bon, en temps normal, il paraît qu’on appelle ça la loi de Murphy, mais j’aurais tendance à nommer ça la loi de « y a une femme enceinte à mon appart » ces derniers temps. J'imagine que c'est normal que mes placards se vident plus rapidement que d'habitude : jusqu'à preuve du contraire, le chat n'a jamais été un gros mangeur. Ahah. Puis bon, les croquettes lui suffisent. Je devrais proposer à Yun Hua de manger des croquettes. Soit. Il faut encore que j’me tape le magasin, avec tout ça. En deux-deux, me voilà parti à l'aventure.

Mon téléphone sonne, je décroche et écoute l'histoire peu intéressante de ma mère qui suffit pourtant à me distraire, me faire lâcher les clés que je souhaitais ranger dans les poches de ma veste. Clés qui atterrissent un peu plus loin, devant moi, et dont je m'approche pour les ramasser. Je suis focalisé sur elles pendant un instant, mais surtout sur ce que ma mère raconte à l'autre bout du fil. Ils vont déménager? Vraiment? Mais pourquoi soudainement, alors qu'ils semblaient bien installés à Tokyo? Osaka leur manque. Ok. Mes sourcils se froncent de mécontentement et, accroupi, je raccroche et range le téléphone avant de récupérer mon bien. Sauf qu'avant de trouver mes clés, j'ai trouvé des jambes. Merde.

On me laisse à peine le temps de réaliser ce qu'il se passe que le coup arrive et m'empêche de respirer quelques secondes. Putain de merde, elle y va pas de main morte la mégère.

« Hey oh, m'exclamé-je, une main à l'endroit du coup, l'autre en espérant lui faire cesser son attaque physique, on va se calmer hein, je ramassais mes clés! On est pas chez les gorilles ici.  »

Elle sort d’où elle, de l’asile ? On a pas idée d’attaquer les gens ainsi. Je lui lance un regard noir et, même si je pourrais la lâcher, je préfère garder le contrôle sur ses mains, là.

« C'est bon, tu te calmes? »

C'est quoi ça pour une psychopathe? Elle me traite de pervers alors que, en vrai, j'ai même pas posé les yeux sur elle, à la base. Juste sur ses pieds. Ohlala, quel outrage. M'enfin, elle est jeune, ça doit être pour ça?

tenue. ∆ « Hey oh, on va se calmer hein, je ramassais mes clés! On est pas chez les gorilles ici. » Quoi ? Il m’insultait de gorille en plus où je venais de rêver ? Il n’avait pas osé ?! Il regardait sous mon pull et il osait faire des réflexions ?! Non mais c’était l’hôpital qui se foutait de la charité là non ? « C'est bon, tu te calmes? » Quoi ? Entrouvrant la bouche, je le poussais en lui tirant à nouveau les cheveux. « Yaish ! T’avais carrément la tête entre mes jambes et t’ose mentir ! » Dis-je en le lâchant en posant les mains sur mes hanches soufflant fortement. Ignorant le regard des gens qui nous regardaient en passant, je mordis ma langue en le regardant longuement. Encore un vieux ! Toujours des vieux ! Des frustrés de la vie ! « Ce n’est pas parce que t’es vieux et sans vie que tu dois en profiter pour mater les culottes des jeunes filles. » Dis-je en soufflant fortement, croisant alors les bras sous ma poitrine. Je ne bougerai pas tant que je n’aurais pas des excuses. Il avait cru quoi ? Que j’étais une fille facile ? Que j’allais dire, oui, vas-y, prends moi dans la ruelle à côté. Non mais il avait fumé sa moquette le type. Y’avait pas d’autres explications. « Excuse-toi. Tout de suite. Ou je te jure que je te castre. » Dis-je en le foudroyant du regard. Et qu’on me pende sur le champ si je mentais. Tous ceux qui me connaissaient, savaient, que j’en étais capable. Ou que oui. Et avec les mains. Pas besoin des pieds pour ça. J’étais vicieuse quand on me cherchait, fallait pas déconner avec moi ! La Rukia elle en avait bully du monde au lycée. C’était pas un vieux qui allait me faire peur.

∆ Après une hésitation incroyablement longue, je finis par lâcher la prise que j'ai sur cette folle furieuse, mais mon expression reste renfrognée alors que je croise les bras devant mon torse, une main toujours posée instinctivement à l'endroit où elle m'a frappé. Endroit que je masse légèrement, d'ailleurs, comme pour faire partir une douleur qui doit surtout être due au choc.

« J't'ai dit que je ramassais mes clés. T'as pas envie de te déplacer avec un périmètre de sécurité autour du cul, non plus? »

Mais qu'est-ce que je raconte comme connerie? En plus elle m'a traité de vieux, j'ai juste envie de lui dire que j'ai jamais que trente-et-un ans et qu'elle peut se les garder, ses "vieux". Putain, j'suis pas encore papy à ce que je sache. Enfin, entre papa et papy, il n'y a que quelques années. Haha. Joie. Officiellement, je serai sûrement jamais papy. On va dire ça. Sauf si j'adopte le bébé quand Yun Hua pondra, mais ça m'étonnerait, hein.

« J'vais pas m'excuser: c'est toi qui m'a agressé, j'te signale. »

Oui, et elle m'a fait mal, cette dingue. Nan, franchement, c'est quoi son problème? Faut être dérangé pour s'en prendre aux gens comme ça. Quoi? J'avais la tête entre ses jambes? Ça va hein, elle dramatise un peu trop.

« Et sois contente, ça aurait pu être autre chose. » Rétorqué-je finalement alors que mon sourire laissait place à un rictus ostensiblement moqueur.

Hm. Je regrette automatiquement cette rétorque, mais d'un autre côté faut pas m'en vouloir si elle m'a cherché avec ses conneries. Genre, ouais, c'est mon trip d'aller mater sous les jupes des filles. C'est quoi ces clichés, hein? J'ai mieux à foutre dans ma vie, surtout à mon âge, non? Bon, peut-être pas, mais pour une fois que je suis innocent! Je crois qu'à force d'avoir des ennuis, j'essaie de me calmer sur les conneries du genre. Sauf que, visiblement, mes efforts sont vains. Malheur.

tenue. ∆ « J't'ai dit que je ramassais mes clés. T'as pas envie de te déplacer avec un périmètre de sécurité autour du cul, non plus? » Plissant le nez, je le foudroyais du regard en plissant les lèvres. Ma parole, il avait envie que je le tape à nouveau. Il était masochiste ou ça se passe comment ? Il ne pouvait pas faire attention ? Si tel était vraiment le cas ? Depuis quand on se place sous les jambes d’une fille comme ça, pour ramasser ses clés ? On s’excuse au moins, pour qu’elle se déplace. La politesse ne faisait pas partie de sa vie ?! « J'vais pas m'excuser: c'est toi qui m'a agressé, j'te signale. » Moi qui l’avait… Wouha. Il ne manquait pas de culot celui-là ! Il l’avait provoqué ! Il n’avait que ce qu’il méritait ! Non mais je rêve. « Pardon ?! Tu veux mourir toi c’est ça ?! T’as cru que parce que t’avais un service trois pièces ça te permettait de mentir et de me faire passer pour une violente ?! » Et puis qui me disait qu’il ramassait vraiment les clés sur le sol ? Hein ?! Moi je n’avais vu aucune clé par terre… « Et sois contente, ça aurait pu être autre chose. » Surpris, je me mis à rire de façon nerveuse avant de l’applaudir. Bravo. Typiquement machiste. Le mec qui pensait qu’à baiser et à prendre une fille pour une poupée. Putain de crevard de merde. Encore un Jae. « Wouha. Tu ne manques pas de culote ! En plus t’es un putain de violeur ! T’es vraiment qu’un sale porc ! En plus avec ta tête elle doit être bien petite. Normal que tu sois si frustré. » Crachai-je en m’approchant de lui, mon poing levé comme pour le taper.

∆ Elle pense vraiment que mon but c'était de la mater ? Et je crois que mon sourire n'a jamais été aussi moqueur que celui qui s'installe sur mon visage lorsqu'elle me demande si j'ai envie de mourir. Clair, je cherche que ça, là, tout de suite. Non, parce que mon accident, en fait, c'était juste pour essayer. Les gens sont totalement cons, je crois. Et là, pour le coup, je dois avoir trouvé la reine, ou quelque chose qui s'en approche.

« J'ai été violent, m'enquiers-je alors qu'un rire m'échappe involontairement. Vraiment? »

C'est quoi cette blague? On rappelle qui a mis le premier coup? Qui m'a tiré les cheveux? Ah, oui, pardon, pendant un moment j'avais presque oublié ma double personnalité. Non mais cette fille est sous substance. Les jeunes et leurs conneries de drogues récréatives, tout ça? Violent. J'suis peut-être con, mais pas à ce point, et pourtant je n'ai pas pu m'empêcher de rétorquer encore.

« Quoi? » Elle m'a traité de violeur, j'ai pas rêvé? Même si ma phrase n'était pas la plus innocente qui soit, je vois rouge et j'attrape son poing, puis ses deux poignets. « De un, tu vas fermer ta grande gueule avant de dire d'autres conneries du genre. » Pour le tact et la politesse, on repassera, ok. « De deux, tu vas retirer ce que t'as dit. Tout de suite. »

Je fais le malin, mais cette meuf fait la même taille que moi. Et je sais pas l'immobiliser complètement. Bon, d'un autre côté, je dois avoir plus de force? Peut-être? Je sais pas c'est quoi son problème, mais putain de merde il serait temps qu'elle le résolve.

« Il suffit qu'un mec te parle de sa queue pour que ce soit un violeur? »

Non, parce qu'entre nous, j'espère qu'elle a pas de pote masculin, vu comment elle réagit. La pauvre perdue. Pervers, passe encore, mais violeur... non, désolé.

tenue. ∆ M’attrapant le poing avant de bloquer mes deux poignets, je tirais dessus pour qu’il me lâche mais en vain. « De un, tu vas fermer ta grande gueule avant de dire d'autres conneries du genre. » Mon regard se posant sur le sien, je contractais ma mâchoire en tirant continuellement sur mes poignets pour qu’il me lâche. En plus il me faisait mal. J’avais la peau fine, j’allais forcément avoir des marques. « De deux, tu vas retirer ce que t'as dit. Tout de suite. » Retirer ce que j’ai dis ? Mais il pouvait rêver ! Il n’y avait que la vérité qui blessait comme on dit. Je souris doucement. « Quoi ? T’ex vexé ? La vérité blesse faut croire. T’as clairement sous-entendu ça. » Dis-je en tirant toujours sur mes poignets. « Il suffit qu'un mec te parle de sa queue pour que ce soit un violeur? » Je le regardais avant de cesser tout mouvement. Wow, il allait loin là quand même. « T’es pas sérieux là ?! Tous les mecs ne parlent pas de leur queue en sous entendant qu’ils vont la mettre entre mes cuisses ! Toi tu l’as clairement fait. Puis t’as une tête de pervers. T’es pas net. »Dis-je en tapant son tibia de toute mes forces pour qu’il me lâche. « Lâche-moi ! Lâche-moi ou j’hurle au viol. Lâche-moi ! » Criais-je cette fois en bougeant mes bras comme jamais. Je n’avais pas envie qu’il fasse comme avec Jae. Ça me rappelait que trop bien ce jour où en pleine rue, il m’avait attrapé lui aussi le poignet pour me tirer dans sa voiture et m’amener dans son antre. L’enfer. Plus jamais je voulais revivre ça. Jae suffisait. « On est pas des objets. On est humaines nous aussi, on n’a pas besoin d’être violées comme des moins que rien. » Dis-je en glissant sur le sol à force de me tirer sans pouvoir bouger. Tombant, je gémissant sous le froid qui m’envahissait. J’étais les jambes nues bordel. 

∆ Vexé? C'est plus outré, à vrai dire. Je veux bien, à la limite, reconnaître ce que j'ai dit, mais le dire ne veut pas dire le faire, pas vrai? Sérieusement? Et qu'elle arrête de s'agiter comme ça, on dirait que j'ai menacé de la tuer ou je sais pas quelle connerie du genre. Pourtant ça ne me dissuade pas de la tenir, même si je serre un peu moins pour éviter de lui faire mal, vu comment elle essaie d'arracher ses poignets. Ce qui le fait, par contre, c'est ce putain de coup que je prends au tibia. Un exclamation m'échappe et j'ai beaucoup de mal à la tenir encore, mais... non, franchement je comprends pas, c'est quoi cette réaction?

« Euh... » Malaise. Qu'est-ce qui lui prend? « Hey, j'ai jamais voulu te violer. » Je lâche ses poignets tandis qu'un soupir m'échappe. « C'était juste de la provoc. »

Je m'approche de l'endroit où se trouvent mes clés, que je n'ai pas pu ramasser puisque j'ai eu la chance de rencontrer le pied de la demoiselle, et je m'en empare, mais avant de les fourrer dans la poche de ma veste, je les fais balancer quelques secondes devant cette inconnue visiblement un peu dérangée. Souriant au cliquetis caractéristique de ces petits morceaux de métal.

« Tu vois? Je voulais juste récupérer mes clés. Faut pas croire que le premier mec qui dit un truc chelou va te faire du mal. »

Bien sûr, Ryû Katsura, grand moralisateur du XXIème siècle. Genre. Qu'est-ce que je sais de sa vie, hein? Si ça tombe elle a vraiment des problèmes. On en a tous. Regardez-moi, entre mon ex, la femme que j'aime et celle que j'ai mise enceinte, je crois que j'ai déjà un beau palmarès de conneries et d'ennuis. Surtout que certains pourraient m'accuser d'avoir abusé de Yun Hua. Sauf que non.

« Tu te calmes maintenant ? »

tenue. ∆ Par terre, les jambes glacée, je sursautais presque au son des clés, qu’il fit passer devant moi. Mes poignets me faisaient mal. Les massant doucement, je déglutis en baissant la tête. Il m’énervait. Il m’énervait mais il avait fait ressurgir en moi ce moment. Le moment où j’étais devenue la proie de Jae. Ce simple geste, de tenir mon poignet m’avait rappelé ce moment que je détestais. Pourtant, je devrais être malheureusement habitué. Mais non. Déglutissant longuement je me relevais en frottant mes jambes qui étaient totalement glacé, et légèrement trempé par le sol, qui lui était humide. « Tu te calmes maintenant ? » Tournant le regard vers lui, je soupirais quelque peu en mordillant mes lèvres. J’étais tout de même très agacée. Hochant simplement la tête je détournais mon regard mal à l’aise en grelottant de froid. J’étais totalement glacée par sa faute. Oui, si j’étais tombée par terre, c’était de sa faute, pas de la mienne. Eternuant une fois, une seconde puis une troisième fois, je me frottais le nez pour couper la chaine. A chaque fois j’éternuais vingt fois avant que ça s’arrête. « La prochaine fois que tu tombes tes clés, préviens la fille. » Je n’allais pas m’excuser ni retiré ce que j’avais dit. Quoi ? Moi têtue ? Pas du tout… Lui tournant le dos, pour couper court à la conversation, je frottais mes bras en éternuant de plus belle avant de partir dans le supermarché juste à dix mètres de nous. Entrant en restant sous l’air chaud de l’entrée, je frottais mes mains qui était totalement rouge, voire légèrement bleui par le froid. Bravo Rukia. La prochaine fois sort en sous-vêtements aussi. Avançant doucement je pris un panier, le posant sur mon avant-bras, ayant du mal à le tenir sous mes mains glacée.

∆ J'ai presque envie de dire que ma journée est faite. Oui, parce qu'il faut bien considérer la journée comme accomplie au bout d'un moment, hein? Quand je me fais agresser et désigner comme un pervers, puceau, violeur de surcroît? C'est précisément le genre de chose dont j'ai besoin. Même si j'admets avoir été particulièrement incorrect avec cette jeune femme. J'peux pas être parfait non plus, je vous rappelle que je suis quand même en train de me sortir de l'alcoolisme, ou du moins d'essayer, et que les événements actuels ne sont pas forcément les plus favorables.

« J'y penserai. » Réponds-je platement, en un haussement d'épaules.

C'est pas comme si elle en avait quelque chose à faire, en vérité. Elle a déjà dégagé. Et comme par hasard, nos pas nous mènent au même endroit. À croire que tout est programmer pour ressembler à un enchaînement de coïncidences. Je fronce légèrement les sourcils en observant la demoiselle alors qu'elle prend son panier, faisant de même juste après. Elle a l'air morte de froid, en fait. Je me raisonne en pensant que je ne dois pas autant m'inquiéter pour les autres, vu combien ça me revient à la gueule ces derniers temps. Je devrais plutôt m'occuper de mes propres courses, ça vaut mieux. Pourtant, je ne peux pas m'empêcher de la regarder quelques instants de plus, laissant ma conscience prendre le pas sur le reste.

« Hey, ça va? Tombe pas hein. »

Même si mon ton montre une certaine volonté de plaisanter, j'ai vraiment l'impression qu'elle est mal-en-point. Sans doute à cause de ses mains qui semblent assez... bleues? J'espère qu'elle va pas me faire un malaise à cause du froid ou je sais pas quoi. Enfin, vous me direz, elle devrait s'habiller plus chaudement pour sortir, aussi. Après ça vous traite de pervers, mais on est pas en Équateur ici.

tenue. ∆ Frigorifiée comme jamais, j’avais du mal à réchauffer mes jambes. Ce n’était jamais bon, de tomber par terre quand on avait les jambes nues. Surtout en plein hiver. Bon, ok, on était encore en automne, mais plus début d’hiver que fin été quoi. Déglutissant, je marchais faiblement dans le magasin, ignorant les regards qui se pointaient sur moi avant de soupirer. Je les emmerdais tous. C’était la faute au pervers de tout à l’heure. Ou faux pervers, je n’en savais trop rien. Soupirant doucement je passais rapidement ma main dans mes cheveux en regardant les produits du rayon. « Hey, ça va? Tombe pas hein. » Sursautant au son de la voix du type, je le regardais choquée avant de regarder autour de lui. A cette heure-ci, bien qu’il ne fasse pas encore nuit, nous étions les seuls dans le rayon. Les petites superettes de ce genre étaient vite vides suivant l’heure. Qu’est-ce qu’il foutait là ? « Hein ? Tu… Tu m’as suivi ? Qu’est-ce que tu fais ici ? » Demandai-je en reculant avant de rire nerveusement. Ah, il a dit que c’était un malentendu, mais quand même, pourquoi on se retrouvait dans le même endroit maintenant ? Pinçant mes lèvres, je m’excusais d’un hochement de tête avant de lever la tête pour chercher le rayon des ramens. « Tu vis dans le coin ? » Demandai-je l’air de rien en tournant un vague regard vers lui. Surement, pour venir dans ce genre d’endroit, seuls les habitants du coin venaient. On voyait de temps en temps des écoliers et lycéens, mais c’était surtout en heures de sortie, pas si tard. Ou alors c’était les plus délinquants des élèves, qui trainaient tard le soir au lieu de rentrer directement. Soupirant, je me stoppais devant le rayon de nouilles, cherchant alors les moins chères histoires de ne pas me ruiner.

∆ Sur le moment, on pourrait presque dire que je tends le bâton pour me faire battre. Oui, je sais que m'adresser comme ça à la fille qui a cru que je l'agressais quelques minutes plus tôt n'est pas le plan le plus judicieux que j'ai eu de ma vie, mais je n'ai pas pu m'en empêcher. Je hausse un peu les épaules en réponse à sa question, presque amusé par sa question.

« La même chose que toi, je crois? »

Clair, regardez la, elle à l'air de faire limbo en plein milieu du magasin, du coup j'ai décidé de me joindre à elle! Haha. J'fais mes courses quoi, c'est pas comme si on pouvait me le reprocher, ça. De toute façon, je n'ai pas envie de m'attirer des problèmes supplémentaires. Contre toute attente, elle reprend la parole pour une question à laquelle je décide de répondre d'un hochement de tête.

« Ouep, pas trop loin. genre, à quelques rues à peine. »

Ouais, ouais, je continue la conversation en ayant pleinement conscience que je devrais m'excuser pour ce que j'ai pu lui dire tout à l'heure, mais je suis plutôt borné lorsqu'il s'agit de mettre de côté ma fierté. Pourtant, au bout d'un moment, je décide de devenir l'homme de trente-et-un ans à priori responsable que je devrais être.

« Je suis désolé pour tout à l'heure. » Affirmé-je plus sérieusement. « Je... C'était pas correct. »

C'est le cas de le dire. J'aurais du me maîtriser un peu plus, mais je suis d'un naturel un peu trop impulsif et mon entourage en a déjà fait les frais à plusieurs reprises ces derniers temps, Yun Hua la première. J'ai dit à mon ex que j'espérais qu'elle crèverait la gueule ouverte. J'ai dit à Yun Hua que j'espérais qu'elle allait se retrouver seul. Et j'ai réitéré l'exploit avec cette inconnue. Brillant.

tenue. ∆ « La même chose que toi, je crois? » Certes, il marquait un point. Il était venu ici pour faire les courses, tout comme moi quoi. En même temps qu’est-ce qu’on pouvait foutre ici si, ce n’était faire les courses ? Franchement… J’en avais d’autres des questions aussi connes ? Il devait vivre dans le coin pour venir ici, y’avait pas d’autre moyen. Je ne l’avais jamais vu, ou alors, je n’avais jamais fait attention. C’était surement la seconde option. Je ne regardais pas les gens dans la rue. Je m’en fichais un peu. « Ouep, pas trop loin. Genre, à quelques rues à peine. » On était peut-être voisin. Mais j’en doutais. Qui voudrait vivre dans une rue ou il faut escalader une centaine d’escalier pour pouvoir arriver chez soi ? J’étais surement la seule. Mais avec le prix du logement, ce n’était pas plus mal. Au moins, je ne me ruinais pas. « Je vois. Moi aussi. A même pas quatre minutes. Tu vois les petites ruelles sur le côté-là, qui signifie malfamé, et pauvreté ? Là-dedans. » Dis-je doucement lasse. Je rêvais de luxe et tout ça, comme mon ancienne vie. Je rêvais d’eau chaude, de chauffage, d’un lit confortable et pas simplement un simple futon. Je rêvais de tellement de chose. « Je suis désolé pour tout à l'heure. Je... Ce n’était pas correct. » me tournant vers lui, je le regardais mal à l’aise avant de sourire en coin. « C’est moi qui suis désolée. Je n’aurai pas dû m’emporter si facilement. C’est un réflexe… Que je devrais enlever, mais je ne peux pas. » Dis-je doucement en mordillant à nouveau mes lèvres. « Je m’appelle Rukia, et toi ? » Demandai-je alors en lui tendant la main pour qu’il la serre. On avait mal commencé, mais on pouvait se rattraper non ?

∆ Wow, c’est ce qu’on appelle de la description, ça. Pour le coup, j’aurais presque pitié d’elle. Enfin, pas dans le mauvais sens du terme, c’est surtout que je n’ai pas à me plaindre du niveau de vie que je possède alors la tournure me choque un peu. D’un autre côté, je n’y peux rien si elle n’a pas les moyens de vivre ailleurs, pas vrai ? J’ai l’air bien, moi, dans mon appartement bien équipé, dans un bâtiment tout aussi bien géré d’ailleurs. Il y a juste quelques soucis mineurs de temps en temps. Enfin. Je lui adresse un sourire maîtrisé suite à cette explication, juste avant de m’excuser.

« C’est rien, ça arrive.  » Oui, enfin, surtout à moi. « Ryû. »

Je saisis sa main quelques secondes plus tard, souriant à Rukia alors que j’essaie d’imprimer ce nom. On risque de ne plus se croiser et je ne garantis rien, mais j’aime bien essayer de retenir le nom des gens, au cas où. Je devrais éviter de perdre mon temps inutilement, mais ça me fait du bien de sortir un peu de chez moi alors je pense que ce n’est pas plus mal. Je prends mon temps pour choisir quelques articles et les place dans mon panier. Au bout d’un moment je ne peux m’empêcher de rire un peu malgré tout.

«  Par contre je retiens que je suis vieux. » Reprends-je en riant un peu.

Vieux à trente-et-un ans, la tristesse. J’ose espérer que c’est seulement la colère qui lui a fait dire ça et qu’elle n’a pas vraiment l’impression que je suis sur le point de déambuler partout en m’appuyant sur une canne… Vous réalisez l’horreur ? Si jeune, si beau. La tristesse dans ma vie quoi. Bizarrement, ça me fait rire plus qu’autre chose. À croire que, parfois, je suis capable d’être modéré. C’est paradoxal pour quelqu’un d’impulsif.

tenue. ∆ « C’est rien, ça arrive.  Ryû. » Oui, mais bon, c’était quand même pas de chance. Enfin, il avait eu de la chance que je ne le frappe pas, pile entre les jambes… Parce que j’avais aussi ce réflexe-là, et je doutais que là, ça puisse faire du bien… Mais mieux valait pas y penser. « Oh, toi aussi tu commences par un R. Les R sont cool. Nous sommes cool. Quel signe astrologique ? » Attention, voyons voir si on concorde ou pas. Mais ‘en doutais, ça serait gros, si nous étions né le même mois, ou du moins, le même signe. « Par contre je retiens que je suis vieux. » Rougissant de honte, je toussais légèrement avant de rire. Je l’avais dit sur le coup, mais il avait l’air bien plus vieux que moi, non ? Au moins la trentaine passée. Trente ans ? Trente et un ? Ou deux ? Allait savoir. Mais il faisait marquer oui. Il n’était pas jeune. « Pardon. » Dis-je en mordillant mes lèvres avant de partir dans une série d’éternuement. Trois fois, quatre, non cinq, je me stoppais, en frottant doucement mon nez de la paume de ma main. « Tu as quel âge exactement ? » Demandai-je alors pour pouvoir savoir s’il était vieux ou pas. Mais s’il avait l’air de l’avoir mal pris, il était surement jeune. Pour un asiatique, faire vieux, alors qu’on est censé faire plus jeune, ça craint. Il avait quoi ? Vingt-cinq ans alors ? Vingt-sept ? J’étais curieuse de savoir son âge exact. « J’ai vingt-trois ans pour ma part. Encore un petit bébé quoi. Majeur depuis peu et tout… » Quoi ? J’en rajoutais pas du tout. Je ne le narguais pas non plus. Je n’étais pas ce genre de femme voyons.  

∆ Belle observation. Je laisse un rire m’échapper, amusé en l’entendant, avant de réfléchir. Woh, c’est une bonne question ça. Le chinois ou l’autre ? Aucune idée. On va dire l’autre.

« Cancer. »

J’ai toujours eu un petit côté monsieur Krabbs avec l’argent, ça doit venir de là, vous ne pensez pas ? Un sourire étire mes lèvres à cette pensée stupide, avant que je ne lui fasse un commentaire par rapport à mon âge. Dans le fond je m’en fous un peu qu’elle me prenne pour un vieux ou pas, c’est juste que ça m’amuse car je ne me considère pas comme tel du tout. D’ailleurs, il serait peut-être temps que j’arrête de me prendre pour un ado qui refuse de grandir, un jour.

« À tes souhaits. » Si elle a pas choppé une merde, je ne m’appelle pas Ryû. « Trente-et-un. »

Une fois de plus, son commentaire m’arrache un sourire. Un petit bébé, elle est mignonne. Je plisse légèrement le nez à ces quelques mots. Si elle savait que j’ai engrossé une meuf plus jeune qu’elle, elle fuirait sûrement en courant, sans demander son reste. Je crois qu’on va éviter d’évoquer le sujet, hein, ça serait plutôt dommage.

« Ça donne un coup de vieux quand même. À ton âge j’arrivais à la fin de mes études. »

Je m’en rappelle encore comme si c’était hier. On sortait souvent, avec Shôta et Hikari. Ça faisait deux ans et demi à l’époque. Ce genre de souvenir est devenu bien douloureux depuis que toute cette histoire a eu lieu, mais il m’arrive d’y repenser de plus en plus souvent, maintenant que nous nous sommes retrouvés et qu’on a pu discuter une bonne fois pour toute. Il reste des zones d’ombre, des problèmes à résoudre, mais au moins on en a parlé.

« Pourquoi t’es sortie comme ça ? »

Oui bon, ok, la question me tourne en tête depuis je sais pas combien de temps, mais faut être un peu tordu pour sortir dans une telle tenue alors que l’hiver vient, non ? C’est pas parce que tous les hommes doivent mourir qu’il faut forcément essayer de crever le plus vite possible.

tenue. ∆ « Cancer. » Je plissais le nez. Eh bien, non, nous n’étions pas du même signe. Tant pis. Nous avions le R en commun, c’était déjà pas mal, non ? « Raté. Je suis bélier. » Dis-je en plissant les lèvres. M’enfin, il était cancer, ça montrait bien son caractère de merde. Enfin, étant bélier, j’étais mal placée pour dire cela. Mais je me le permettais. Eternuant plusieurs fois, signe que j’avais froid, et de ma connerie de ne pas avoir pris le temps de m’habiller pour sortir, je remuais mon nez avant de le gratter. « À tes souhaits. » Marmonnant un faible merci pour le remercier, je soupirais en attendant de voir si j’allais encore éternuer, mais apparemment non, ça allait. « Trente-et-un. » Outch. La trentaine passée. Je souris doucement d’un air un peu narquois et moqueur. « C’est le début de la fin. »Dis-je en tirant doucement la langue. Quoi ? Qui a dit que l’humour était interdit ? « Ça donne un coup de vieux quand même. À ton âge j’arrivais à la fin de mes études. » En effet. Si e n’avais pas arrêté la fac je serais surement en fin d’étude à cette heure-ci. Mais bon, c’était comme ça, j’avais dû arrêter. « Hum, des études de quoi exactement ? Tu fais quoi maintenant ? » J’étais un peu curieuse. Que pouvait-il faire ? Il avait une tête à être fonctionnaire, ne me demandez pas pourquoi. « Pourquoi t’es sortie comme ça ? » Haussant un sourcil, je baissais un regard sur ma tenue en me pinçant les lèvres. Pourquoi fallait-il qu’il me pose ce genre de question lui d’abord ? J’haussais les épaules en soupirant légèrement. « La flemme de m’habiller pour venir acheter quatre trucs. Je n’habite pas loin alors… » Quoi ? Moi flemmarde ? Pas du tout mais voilà. Je n’allais pas prendre l’effort de changer de tenue pour si peu non ? « Tu t’es habillé pour sortir ou tu étais fringué comme ça chez toi ? »Question existentielle du jour.

∆ Bélier. Oui bon. J’préfère être cancer, c’est plus fun d’avoir le nom d’une maladie dangereuse que celui d’un mouton avec des cornes quoi. Comment ? Oui c’est ridicule, j’peux pas m’empêcher de sourire bordel. En plus malgré ses poils le bélier est tombé malade, c’est tellement triste. Je devrais arrêter d’adopter une attitude sarcastique par rapport à la vie, ça serait certainement mieux. Joie, bonheur, plénitude. Qui y croit, sérieusement ?

« Hey. »

Le début de la fin elle-même. J’ai déjà du mal à assumer que je prends de l’âge, alors si une jeunette vient me le rappeler… Tristesse, dépression, désenchantement. C’est quoi cette existence.

« J’ai étudié l’informatique ; enfin la programmation, le design… J’enseigne maintenant. »

La life de Katsura Ryû ? Elle a pas besoin de savoir où, elle a pas envie de savoir mon salaire aussi ? On s’en battrait pas un peu les couilles ? Par contre oui, sa vie m’intéresse, comme celle de tout le monde. Aucun rapport d’équilibre, je vous jure, je devrais sérieusement accepter d’être plus bavard à l’avenir. Genre, pas juste avec mes proches, mais avec le monde entier.

« Hm, c’est malin. » Ou pas, tout le monde l’aura compris, évidemment. « C’est quoi c’te question ? »

La même que celle que j’ai posée un peu plus tôt ? Vous êtes trop gentil de me le rappeler, ce n’est pas comme si je m’en souvenais après tout. Sauf qu’une fois encore, j’aime connaître la vie des gens, pas raconter la mienne, et que j’ai pas trop envie de savoir pourquoi ça l’intéresse. Elle pense que je me promène à poil, comme ça, yolo tout va bien dans ma vie ? Ça pourrait être une idée, ça ferait moins d’argent à dépenser. Mon regard tombe sur le saint-graal de la nourriture, un putain de plat préparé comme j’en mange tant – bouffer équilibré, c’est trop un truc de bobo, bien sûr - et je m’en saisis en soupirant un peu pour vérifier qu’il ne contient pas de poulet. Mon ennemi juré. Les petites choses de la vie d’un célibataire trentenaire qui a la flemme de cuisiner, quel malheur.

« Hm, y a un truc que j’peux faire pour me faire pardonner ? »

Arrêter de demander pardon, ça serait un bon début ? En vrai, je crois que ça me reste sur la conscience.

tenue. ∆ « Hey. » Je lui tirais la langue taquine en lui faisant une grimace. Niak niak. C’était ainsi que je concevais son âge. Le début de la fin. « J’ai étudié l’informatique ; enfin la programmation, le design… J’enseigne maintenant. » Ouais, bon, pas du tout passionnant comme étude. Enfin à mes yeux. « Hum, un truc de mec quoi. Enfin, parait qu’il y a de plus en plus de femme dans ce milieu-là. Perso, désolée, je trouve ça d’un barbant. Mais j’admire. » parce que ça semblait quand même vachement compliqué et pas du tout commode pour autant. Mais bon chacun son domaine. Moi c’était la psychologie, sauf que j’avais arrêté entre temps pour souci personnel. Maintenant je montrais mon cul et mes nichons à tout va sur une scène devant des gars en rut qui ne baisaient surement jamais. Et crèverons puceau. « Hm, c’est malin. C’est quoi c’te question ? » « Bah quoi ? Tu m’as posé la même question, j’fais que te copier moi. » Wesh, je faisais ma rebelle et alors ? Non, mais il avait commencé le premier avec une question conne, moi je ne faisais que suivre quoi. Fallait pas trop m’en demander non plus. Ne déconnons pas. « Hm, y a un truc que j’peux faire pour me faire pardonner ? » Un truc pour se faire pardonner ? Il voulait maintenant se faire pardonner de façon matérielle ? Hum… Réfléchissant, j’haussais un sourcil sans répondre, préférant discuter avec moi-même « Pour te faire pardonner hum… J’en sais rien moi. » Dis-je en haussant les épaules. Baissant le regard, je regardais nos paniers avant de le regarder à nouveau. « Tu me paies mes courses ? » Oui, carrément. J’osais. Sans aucune honte, sans pression voilà. De toute façon, c’est pas quelques sous de plus qui allait le ruiner. Il était professeur lui. Il n’était pas danseur nu dans un club craignos pour payer ses dettes.

∆ On dirait pas, mais sa remarque me reste. Genre, le début de la fin. Allez, dans 40 ans, si tout va bien, j’suis mort. Oui parce qu’avec mes conneries, ça tiendrait presque du miracle. Soit, je ris un peu à sa réflexion. Plus de femmes ? Pas faux, mais bon, les trois-quarts du temps, elles sont étudiantes. La tristesse. Je hausse les épaules en riant un peu.

« T’as pas à t’excuser. »

Je retiendrai juste qu’elle admire, c’est pas mal, non ? Non, franchement, qu’est-ce que je m’en fous à force, que les gens aiment ça ou pas. De toute façon, la moitié des étudiants qui entrent dans ma classe n’en ont rien à foutre, et viennent là parce qu’ils pensent que l’informatique, c’est trop facile, et qu’ils vont tous devenir de super hackeurs. Raté.
Dans tous les cas, elle manque pas de répartie la petite. Ça me fait sourire. À mon avis elle se laisse pas faire comme ça dans la vie de tous les jours… Quoique, qu’est-ce que j’en sais ; je joue aux durs, mais je suis le premier à fuir quand il y a un problème, donc… Ouais non, on va arrêter les jugements maintenant, hein ? Je me contente de sourire un peu à ses propos, puis d’attendre la réponse à ma question en continuant mes courses.

« Vraiment ? »

Ça va, ça aurait pu être pire ; elle aurait pu me demander de lui payer une voiture ou je sais pas… En fait, ça m’amuse un peu, mais je me retiens de le montrer.

« Si tu veux. »

Je hausse les épaules en plaçant le plat préparé que j’ai choisi dans le panier que je porte. J’espère qu’elle bouffe pas du diamant à tous les repas, mais j’imagine que ce ne sont pas quelques yens qui vont me manquer, pas vrai ? Mon salaire de la RPS, c’est pas rien non plus.

« Profites-en alors, ça arrive pas tous les jours. »

J’devrais en profiter aussi, d’ailleurs. C’est pas comme si c’était la fin du monde à l’appart pour l’instant, mais un peu quand même. C’est ainsi que mon regard se lève, à la recherche du pâté pour chat que j’achète habituellement à Arisu. Faut que je trouve où ils rangent ça.

tenue. ∆ « T’as pas à t’excuser.  » « Ceci dit au moins vu que les femmes s’y mettent, ça te permet de te rincer l’œil et de draguer. Sauf si t’es maqué. Mais j’vois pas d’alliance. » Pourquoi devrait-il être marié ? Car il est vieux ? J’étais vraiment bâtarde moi en ce moment. Le pauvre. Me demandant ce qu’il pouvait faire pour se faire pardonner, je ne mis pas longtemps à réfléchir et à sortir ce que je voulais. A savoir, qu’il me paie mes courses. « Vraiment ? » J’hochais la tête de haut en bas, comme une enfant pourrait le faire. « Si tu veux. » Je souris, dévoilant alors toutes mes dents bien blanches. « Merci aniki. » Comment ça aniki n’était réservé qu’aux hommes ? Je m’en foutais des codes moi. J’avais envie de l’appeler ainsi, un peu aussi pour le provoquer. Parce que j’étais comme ça. « T’inquiète paupiette, je ne vais pas te ruiner. » Je lui donnais une faible tape dans le bras en le narguant du regard un peu. Il pouvait péter un coup. Je n’allais pas faire fumer sa carte de crédit. « Profites-en alors, ça arrive pas tous les jours. » Plissant les lèvres, je levais le bras pour lui fourrager les cheveux l’air de rien. « Je prends simplement des ramens et des soupes. » Dis-je en remplissant  un peu plus mon panier de ramens. Une fois suffisamment de choses, je le regardais en penchant ma tête sur le côté. « Tu cherches quelque chose ? Dis-moi. Je connais la superette comme ma poche. » Si je pouvais l’aider, autant que je sois utile non ? Je venais ici souvent alors… Je pouvais même devenir aveugle, ce n’était pas un souci, je connaissais tout par cœur… C’était presque un peu flippant mais bon.

∆ « Me faut une alliance pour ça ? »

Elle me fait rire, l’air de rien. Je crois que j’ai trop l’habitude de croiser la route des petites précieuses de la RPS, j’ai oublié à quoi ça ressemble une meuf avec un caractère. Quoi ? Ouais, c’était méchant, et alors ? C’était un peu vrai aussi. En plus de savoir ce qu’elle veut, elle a l’air d’aimer les surnoms aussi. Et les surnoms nuls, évidemment.

« Vas-y, vas-y. »

Sur ces mots, je lui fais signe de prendre ce qu’elle veut, comme je m’en fous un peu, de toute façon. C’est pas comme si elle allait se ramener avec une bouteille de champagne et du caviar, si ? Je pense même pas qu’ils vendent ce genre de choses ici. Soit. Sa question m’interpelle un peu, comme j’erre dans le rayon depuis un moment.

« Bah en fait, faudrait que je trouve de la bouffe pour chat, mais je sais plus si ils en vendent ici. »

On pourra dire ce qu’on veut, que les homes s’améliorent dans ce domaine et tout, j’ai du mal à me retrouver dans un magasin. C’est quand même pas difficile d’expliquer où se trouvent les choses clairement, si ? Un soupir m’échappe alors que j’abandonne les recherches, espérant au plus profond de mon aide que Rukia s’y connaît mieux que moi. Si ça tombe, après tout, elle saura me dire s’ils en vendent ici.

« Sinon c’est pas grave, j’irai voir ailleurs, mais bon, j’ai un peu la flemme. »

En plus, c’est pas comme si Arisu avait été vachement malade, il y a quelques mois, parce que je lui donnais des mauvaises choses à manger… mais bon, on va éviter d’y repenser ! Le fait est que je ne peux pas lui donner n’importe quoi, maintenant, car je n’ai pas envie de voir mon chat s’éteindre bêtement, tout ça parce que je n’aurai pas été un maître suffisamment responsable pour m’en occuper correctement.

tenue. ∆ « Me faut une alliance pour ça ? » Bon, il marquait un point. Il n’y avait pas besoin d’alliance pour être maqué. Tout le monde ne se mariait pas. C’était dépassé tout ça maintenant. On était pas obligé de s’épouser, beaucoup vivait sans s’unir. C’était peut-être pas plus mal, au vu du monde qui se séparait de plus en plus. Rester en couple toute sa vie, devenait plus que rare de nos jours. Un truc en voit de disparition quoi. « Tu marques un point papy ! » C’était un petit surnom affectif, roh, il n’allait pas mal le prendre quand même non ? Non. Me proposant de se faire pardonner et de demander ce que je voulais, je décidais alors qu’il me paie mes courses, chose qu’il accepta. De toute façon, je n’allais pas le ruiner. « Vas-y, vas-y. » Cool, j’allais simplement ajouter quelques ramens. Et le prix du paquet était en centimes, ça n’allait vraiment pas le ruiner. Moi si mais lui non. Quelle chance qu’il avait ! Je le voyais chercher un truc. Quoi donc ? Je le lui demandais. Si je pouvais l’aider, tant qu’à faire, autant me rendre utile. Non ? « Bah en fait, faudrait que je trouve de la bouffe pour chat, mais je sais plus si ils en vendent ici. » Ah la bouffe pour chat ?! Fastoche ! « Sinon c’est pas grave, j’irai voir ailleurs, mais bon, j’ai un peu la flemme. » Je ris doucement avant de lui prendre la main et le tirer pour sortir de cette allée et filer deux allées plus loin, devant la nourriture des chats. « Tadam ! Voilà la bouffe des chats papy ! » Je le lâchais en regardant la dite bouffe. C’était tout de même cher les chats… Vive les lapins, ça revenait quatre fois moins cher au moins…. « T’as combien de chats ? » J’étais tout à coup curieuse. « T’as que des chats ? Ou t’as autre chose ? »

∆ Papy ? Pendant quelques secondes, je la regarde sans savoir si elle est sérieuse. Allez, allez, j’ai que trente-et-un ans, c’est pas la mort, si ? Sale gosse. On verra si elle sera aussi en forme quand elle aura mon âge. Bordel je serai tellement vieux quand ça sera le cas.

« T’as vu ça, petite. »

Si on en est à se donner des surnoms, voilà quoi. C’est presque drôle, en fait. Je ricane avant de commencer à chercher des yeux la bouffe pour chats tandis qu’elle fait ses propres emplettes, juste avant de lui signaler que c’est ce que je cherche, comme elle propose de m’aider à me repérer dans le commerce. Voilà, la vieillesse commence, pas foutu de trouver une boîte de pâté. Et le retour du papy. Elle le fait exprès en plus, cette gamine. J’vous dis qu’elle regrettera, à mon âge !

« Merci, petite. »

C’est quoi cette jeunesse, j’vous jure. Comment ? Non, j’suis pas papy et râleur de surcroît ; il est où votre respect ? Je réfléchis un peu avant de me saisir de quelques boîtes de pâté pour les placer dans le petit panier que j’ai pris à l’entrée, à côté de mon propre repas. Je crois que j’ai tout ce qu’il me faut, non ?

« Un seul. Elle s’appelle Arisu. »

Je ricane un peu pour moi-même, en me disant que j’ai aussi une femme à la maison, mais ça serait tellement machiste que je me retiens. Allez, on va pas encore une fois donner une raison à la demoiselle de me lancer des piques, pas vrai ?

« T’as tout ce qu’il te faut ? »

Alors que je regarde autour de nous, je cherche à définir ce qui pourrait manquer à l’appartement, mais n’ai absolument aucune idée. Ce n’est qu’en apercevant les cigarettes que je me rappelle qu’il faudrait que j’en prenne… Et un pack de bières, aussi, mais je crois qu’il faut avant tout que je détermine un plan d’action, histoire que Yun Hua ne les voit pas.

tenue. ∆ « T’as vu ça, petite. » Je souris doucement en haussant un petit peu mon sourcil. « Petite en âge alors. Parce qu’en taille, je te dépasse presque. » Oui, le respect je l’avais laissé dans mon studio, je devais l’avouer. Mais c’était trop bien de le narguer en fait. Et puis il courait dès que je le narguais donc du coup c’était encore plus plaisant. Soit, je l’amenais dans le rayon des chats, fin de la nourriture pour chat, parce qu’ils ne vendaient pas de chat ici, fallait pas non plus déconner. « Merci, petite. » Je lui tirais la langue en guise de, « de rien » et regardais un peu ce qu’ils proposaient. Y’avait rien pour les lapins, ou du moins très vite fait. Pas de foin, ou de litière pour lapins... Juste des conneries, qui tuaient plus mes bébés que ne les nourrissaient en somme. « Un seul. Elle s’appelle Arisu. » « Arisu ? C’est joli. J’aurai aimé avoir un chat, mais avec mes bébés, ce n’est pas possible… J’ai six lapins, dix souris et deux hamsters… Tu comprends bien que le chat, il se ferait une bouffe monumentale là. » Et il était hors de question, qu’on touche à mes bébés… Le premier qui les touchait il avait à faire à moi, et mon coup de pied dans son cul. « T’as tout ce qu’il te faut ? » « Ouais chef ! On peut y aller si tu as tout ce qu’il te faut. » Pinçant mes lèvres, je commençais à partir avant de le pousser l’air de rien, au calme tranquille pépère et lui tirer à nouveau la langue. « Allez papy. Plus vite ! » Je trottinais l’air de rien vers la caisse. Caisse ou il n’y avait personne, je posais mon panier en souriant au caissier. « Hey you. C’est mon sugar daddy qui paie. » Quel magnifique surnom mon dieu. Je pouffais doucement.