Gérer les comptes … C’est vraiment quelque chose dont je n’avais pas l’habitude. Mais ça, c’était avant. Avant, j’étais une fille de famille riche, j’avais une personne pour chaque tâche. Je n’avais qu’à me contenter de me lever et de faire ma vie, tranquillement, sans me soucier de toutes les choses de la vie. Mes plus grands soucis étaient mes représentations. Le reste, ça ne me concernait pas. Maintenant, je suis toujours une fille de famille riche. Mais j’ai le sentiment d’être tellement plus maintenant que je m’assume. C’est débile comme réaction ou comme façon de penser. Mais tout ça m’amuse autant que ça me rend fière. J’aime la personne que je deviens, que je construis. Bien sûr, j’avance à tâtons sur pas mal de choses. Il y a tellement de choses que je ne connais pas ou bien que je ne sais pas faire. Mais j’ai la conviction que j’y arriverais. A force d’essayer.

Je pousse la porte de la banque et attend patiemment mon tour. Il n’y a que deux personnes devant moi. La porte s’ouvre, quelques secondes après moi et je tourne la tête, avant de la retourner immédiatement. Le garçon derrière moi n’est autre que Ji Hyuk, que je n’apprécie pas plus que ça. Pourquoi ? Je le trouve tellement prétentieux. Une de mes amies est amoureuse de lui. Je comprends qu’on n’est pas obligé de partager les mêmes sentiments. Mais il n’avait pas besoin de refuser aussi froidement. La plupart des gens qui me connaissent me pensent adorable. Mais dès que l’on touche à mes amis, je peux me montrer colérique. Alors je lui ai dit ma façon de penser. Et voilà comment de simples inconnus, nous sommes passés en mauvaise entente. J’avance un peu, la personne au guichet sort de la banque. Il n’y a plus qu’une personne devant moi.

Quand on perd son emploi, tout s'enchaîne rapidement sans grande solution. Mon père m'a coupé les vivres depuis notre dernière altercation, puis maintenant j'ai été viré de mon poste de barman. Si Kyann a pu payer la maison d'une traite sans soucis, je ne peux pas l'aider à financier le reste, encore moins mes études qui vont commencer à peser lourd. Qu'est-ce qu'il me reste comme choix à prendre ? Arrêter l'école ? Trouver un autre travail ? Je ne sais pas quoi faire, ni où aller et j'ignore si la banque pourra m'aider. Ils n'ont rien à voir là-dedans, mais j'ai espoir de trouver une solution après un rendez-vous avec mon conseiller. évidement, je sais déjà que cela ne mènera à rien et que le problème persistera malgré tout. C'est légèrement le moral dans mes chaussettes que j'approche de ma banque et ouvre la porte, voyant que très peu de monde. Une personne vient de partir, il reste donc un homme et une jeune fille avant moi. Jeune fille que je reconnais aussitôt, c'est celle qui m'a choppé l'autre fois à cause de sa copine amoureuse. J'ai été odieux avec cette dernière, mais la situation n'était pas au beau fixe non plus.

Je fais genre de l'ignorer et me place à sa suite, gardant une bonne distance avec elle. Je n'ai aucune envie qu'elle me balance sa morale à deux yens ou encore moins qu'elle revienne sur mon comportement envers sa copine. C'est difficile de faire comprendre ma situation, que je ne m'intéresse pas à elles et que je suis déjà en couple... Avec un homme. ça choque la plus part du temps, mais ce n'est pas pour autant que j'ai honte d'être amoureux de lui. Bref, ma réflexion prend fin quand je remarque l'homme étrange au guichet, il parle très bas et sa casquette lui couvre la majeur partie du visage. Jusque là, rien d'intéressant mais c'est son mouvement qui m'interpelle quand il sort sa main de sa poche et dépose une arme sur le comptoir, face à la personne derrière. Non mais il est sérieux lui ? Je lance un regard aux gens autour, aucune sécurité, pas un molosse pour l'arrêter. « Toi ... Dégage. » Je parle doucement et à voix basse, mes yeux percutant ceux de Junko. S'il y a une chose pour fuir, autant le faire maintenant, avant que l'autre ne se décide à faire un barouf pas possible.

Ne sachant pas trop quoi faire de mes mains, je tapote doucement ma cuisse. Je déteste rester immobile comme ça. Depuis que je suis enfant, je suis incapable de rester sans rien faire. J’ai tout le temps besoin de bouger. Comprenez que lorsqu’on passe des heures assise sur une chaise à prendre des notes, il y a de quoi se démanger. Mais je prends mon mal en patience et me concentre pour ne pas me retourner. Parce que je n’ai pas envie de lui adresser la parole. Je connais son nom parce que mon amie me l’a répété un nombre incalculable de fois. Je crois qu’elle est tombée amoureuse dès la première fois qu’elle l’a vu. Je sais même qu’il est en première année de droit, ce qui n’arrange pas mes affaires puisque cela veut dire qu’il est dans ma classe et qu’il suit les mêmes cours que moi. Forte heureusement, nous ne nous croisons que très rarement, parce que nous n’arrivons pas au même moment. Et nous avons la décence de ne pas nous retrouver dans le champ de vision de l’autre. D’habitude, je ne déteste personne. Je suis plutôt le genre de filles à apprécier tout le monde et occulter les côtés négatifs de chacune de leur personnalité. Mais je ne supporte pas que l’on s’en prenne à mes amis.

L’homme en face de moi parle au guichetier. Mais je suis trop loin et il parle trop doucement pour que je comprenne un traitre mot de ce qu’il raconte. Ce n’est que lorsqu’il pointe l’arme sur le guichetier, caché derrière sa vitrine, que je réalise ce qu’il se passe. Mon cœur s’accélère et je suis prise de panique. Un rapide coup d’œil dans la petite agence me fait comprendre qu’il n’y a personne de la sécurité ici et que nous sommes donc confrontés à nous-mêmes. Bien … La voix de Ji Hyuk me fait sursauter. Je ne perds pas mon temps et tente de sortir de cet endroit sans me faire remarquer. Mais le cambrioleur semble anticiper mes actions. Quand il se retourne, il pointe son arme sur moi et je hoquète de surprise et de peur. « Je n’hésiterais pas à tirer si tu fais un seul mouvement vers cette porte ! Vous deux, là-bas ! » Avec son menton, il pointe un coin de l’agence, à l’autre bout de toute échappatoire. Je n’ai pas envie de négocier quoique ce soit, de peur qu’il réagisse sous l’impulsivité. Il a toujours son arme braquée sur nous et j’attrape le poignet de Ji Hyuk – d’abord pour me rassurer, mais aussi pour l’empêcher de faire une connerie – et vais m’asseoir à l’endroit qu’a pointé l’agresseur. Je ne sais pas si le guichetier a eu la présence d’esprit de profiter de ce bref répit pour appuyer sur le bouton de secours. Mais je suis totalement tétanisée. Même lorsqu’il ne se concentre plus sur nous, je sens mon corps trembler.

Même si nous sommes dans la même classe, je fais très attention de ne jamais croiser son regard ou alors je m'en fiche tout simplement qu'elle puisse être là. C'est méchant, mais quand je n'apprécie pas quelqu'un, je ne vais pas m'amuser à le fixer ou à savoir des choses dessus. Non, je fais comme si elle n'existait pas et continue ma petite vie en oubliant complètement que son amie à des vues sur moi. Je suis déjà en couple, elle ne peut que se faire du mal à me courir aveuglément après. Si j'ai été froid et mauvais avec la demoiselle, c'est seulement pour ne pas qu'elle se fasse des films ou qu'elle espère encore un changement de situation. Dans le fond, je n'ai pas été si méchant qu'on pourrait le croire, juste que Junko n'a pas aimé. Les choses s’enchaînent discrètement pendant ce laps de temps où chacun réfléchit à un truc, et pendant ce court instant, un truc se déroule pile sous mes yeux. Un homme étrange qui a tout sauf l'air d'être normal, ce n'est pas rassurant. Le temps de comprendre, il est trop tard pour fuir ou faire marche arrière, juste prévenir ma voisine de dégager du milieu. Elle pourrait mal le prendre, penser que je la traite par rapport à notre différent mais c'est loin d'être le cas. Je ne suis pas débile à ce point.

L'arme se pointe sur Junko à peine le temps de faire un mouvement, je la vois se raidir et je m'arrête presque de respirer à pensant au pire. Même si elle m'agace, je ne souhaiterai jamais du mal pour elle. Les paroles de l'homme m'énerve aussitôt mais je ne tente pas le diable, regardant dans la direction indiqué sans faire de vague. Si je fais mon malin, Junko va prendre aussi. La main de ma camarade me fait sursauter, mes yeux jusque là braqués sur l'individu dérivent vers elle, étonné. Pourquoi elle fait ça ? A-t-elle peur ? C'est normal, tout le monde aurait la frousse dans ce genre de situation. Dirigé par Junko, je la suis vers le coin sans perdre l'autre des yeux, m'assurant qu'il ne tente rien dans notre dos. L'autre détourne son attention pour en revenir au guichetier et j'en profite pour parler à voix basse. « Faut trouver une solution pour sortir de là. » C'est fou, je le sais bien, mais si on ne fait rien il ne se passera justement rien. Mon côté impulsif refait surface et je ne me sens pas particulièrement effrayé à l'idée de tenir tête à ce sale type, armé ou pas. Faudrait déjà lui retirer son joujou, mais comment ? C'est plus compliqué qu'on le pense.

Je ramène mes jambes contre ma poitrine et les entoure de mes bras. Cette position Presque foetale me rassure un peu. Je ne lui réponds pas tout de suite, parce que je tente d’abord de calmer les tremblements compulsifs de mon corps. Bien sûr qu’il faut trouver une solution rapide pour sortir de là. Je n’ai pas besoin de lui pour arriver à cette même conclusion. Je respire un peu fort. Les yeux clos, je reprends peu à peu le contrôle de mon corps. Une fois que je suis à peu près sûre que je peux aligner trois mots sans bégayer, j’acquiesce lentement. Mais n’aie aucune idée de comment on pourrait s’en sortir. D’un côté, nous sommes à l’autre bout de la sortie. Nous ne pouvons pas nous mettre à courir. Si l’un réussi à s’en sortir sans être blessé, c’est moins sûr pour l’autre. Ajouté à notre malheur, il ne semble pas y avoir d’autres sorties. La seule fenêtre est à plusieurs mètres et il faut passer sous des sièges et une grande table. Sans éveiller l’attention du braqueur, ça me semble compliqué. D’autant plus que nous sommes les deux seuls clients de l’agence. On peut difficilement reporter son attention sur quelqu’un d’autre. Et pour continuer l’analyse de la situation, nous ne pouvons pas communiquer sans être entendu – à moins de parler très doucement. L’agence n’est pas très grande. D’instinct, je passe la main sur la poche arrière de mon jean, là où se trouve mon téléphone. « Peut-être qu’on peut essayer d’appeler les policiers ? » Nous pouvons taper sur les touches sans forcément les voir. Si on laisse la communication, ils pourront deviner ce qu’il se trame et géo-localiser l’endroit. Je cherche dans le regard de mon interlocuteur une quelconque approbation ou alors une autre idée. Juste à côté de nous, il y a une porte. Mais ne travaillant pas ici, je ne sais pas où elle mène. Si ça se trouve, ce sont les archives ou une pièce sans issue. Je regarde le guichetier qui semble, lui aussi, ne rien contrôler de la situation. Ses bégayements et ses tremblements exaspèrent le braqueur qui jette tour à tour des regards menaçants au guichetier et d’autres inquiets à la sortie. Je suis contente qu’il n’ait pas encore eu l’idée de demander à fermer l’agence. « Qu’est-ce que tu penses qu’on … » « Hey ! Arrêtez de parler vous deux ! » Mon téléphone glisse sur le sol et je me fige quand il se dirige à grands pas vers nous. Je me colle contre le mur, mais cela ne suffit pas pour mettre une distance suffisante. « Viens par là ! » Le braqueur me saisit fermement par le bras. J’ai beau m’agiter pour me libérer, il est trop fort pour moi. Il me force à me redresser et m’éloigner de Ji Hyuk.

Junko est morte de trouille à côté de moi, l'intervention de ce gars a sûrement dû être un gros choc pour la demoiselle qui tremble comme une feuille. Je l'estime heureuse de m'avoir avec elle, pour le côté gérable de la situation. Avec un tempérament à toute épreuve et un sang froid comme le miens, Junko peut se rassurer d'une chose, je ne fuierai pas en courant comme un peureux. Nous sommes d'accord tous les deux, nous devons sortir d'ici le plus rapidement possible. Si au moins l'un de nous parvenait à quitter la banque, ce serait mieux que rien. Quand Junko parle d'appeler les policiers, je me souviens de mon propre portable et j'hoche doucement la tête pour acquiescer. On peut toujours tenter, mais c'est un gros risque quand même. L'ambiance est vraiment tendue dans la banque, nous pouvons entendre la voix tremblante et peu assurée du guichetier, mais aussi celle de Junko qui reprend la parole mais se fait couper par le braqueur. Mince, voilà un des premiers risques. Je regarde le portable filer au sol et l'homme se rapprocher de nous, me reculant aussi par réflexe. C'est idiot, je pourrais lui sauter dessus à n'importe quel moment, armé ou pas. Le gars attrape Junko par le bras et je réalise aussitôt que ce n'est pas une bonne chose pour elle. Le temps qu'elle soit debout et qu'il la tire, j'ai pu me relever à mon tour pour sauter sur son dos et essayer de saisir sa main où il tient l'arme. J'en viens même à lui mordre férocement l'épaule pour qu'il lâche Junko, sauf qu'il me retourne un coup de crosse dans la joue et je lâche prise en tombant par terre, couinant à cause de la douleur. Il est costaud, mais il possède aussi des réflexes à la con. Je profite qu'il se plaigne pour la morsure pour ramper rapidement vers elle. « Je le retiens, va-t-en prévenir la police. » Soufflais-je pour qu'elle soit la seule à entendre, me redressant sur mes jambes dans l'intention de faire face à l'autre ordure. Combien ai-je de chance de pouvoir éviter une balle à toute vitesse ? Je l'ignore, mais espérons que je n'ai pas à tester.

Tout se passe en accéléré. Je sais que je ne dois surtout pas le suivre, à n’importe quel prix. Si je le fais, je suis plus à sa portée et c’est donc plus facile pour lui que de me blesser. Mes chances de m’en sortir vont chuter. Je tire sur mon bras pour le faire lâcher prise, mais c’est lamentablement inutile. L’homme a bien plus de force que moi et il me serre le poignet tellement fort que ça en devient douloureux. Heureusement, je peux compter sur la rapidité d’action de Kwon Ji Hyuk. Sans attendre, il saute sur l’agresseur et le fait me lâcher. Sous la douleur, il m’envoie valdinguer et je me cogne la tête contre le mur. Je pousse un gémissement plaintif, fermant momentanément les yeux. Mais je n’ai pas trop le temps de me plaindre, l’heure est grave. L’étudiant rampe jusqu’à moi. Je vois la trace du coup sur sa joue. Mais nous n’avons pas le temps de nous demander mutuellement comment nous allons. J’acquiesce quand il me dit de déguerpir. Je n’aime pas trop l’idée de le laisser là. Mais je dois également agir, prévenir la police, ramener des gens pour les faire sortir, lui et le guichetier, sans qu’aucun ne soit blessé. Je me relève prestement et court jusqu’à la sortie. Je ne sais pas dans quel sorte de mauvais film nous sommes, mais les péripéties sont contre nous. Un autre homme entre au même moment dans l’agence et je lui rentre totalement dedans. Sur le coup, je me dis que nous avons du renfort. Mais je le vois également armé. Je vais pour faire demi-tour, mais l’homme me saisit par les cheveux, me forçant à m’agenouiller. Il brandit l’arme et la pointe sur ma tempe, menaçant Kwon Ji Hyuk. « Toi, tu vas rester tranquille ou elle y passe. » Je sens le métal froid sur ma tempe et je crois mon heure arrivée. Je ferme les yeux, sentant les larmes monter. C’est débile, la façon dont je réagis, mais je ne peux empêcher cette peur de monter. Je prie pour qu’il ne fasse pas quelque chose d’inconsidéré ou bien qu’il le fasse vite.

C'était une action suicidaire, complètement stupide. Comme si sauter sur ce type pourrait nous sauver la vie, mais au moins celle de Junko. Nous ne sommes sûrement pas des amis, mais ce n'est pas une raison pour la laisser mourir ici sans rien faire. Est-ce que les choses seraient différentes si nous étions rester chacun de notre côté sans broncher ? Le gars aurait prit les sous et se serait enfui, mais non, fallait que je joue les justiciers en embarquant la demoiselle. Je suis débile parfois. L'homme a lâché la brune qui a chuté vers le mur, mais je lui ordonne de filer à toute vitesse après avoir été frappé au visage et rampé vers elle. Tant mieux, elle m'écoute un minimum. Dans quoi nous sommes nous embarqués, franchement. J'espère juste que l'autre ne va pas réagir soudainement et l'empêcher de partir, mais ce que je n'avais pas prévu, c'était qu'un autre gars entre à son tour et bloque Junko. Elle n'a pas le temps de faire quoi que ce soit qu'il la choppe par les cheveux. Je me redresse, lâchant un soupir frustré. Je ne peux plus rien faire, baissant doucement mes bras pour rester « tranquille » comme il souhaite. Le premier gars revient à la charge sans que je le remarque et me donne un coup de pied dans le mollet pour me faire tomber à genou. « On les embarque avec nous, prend le guichetier aussi. » Moment délicat, mais le mec m'attrape par le col de mon pull pour me relever, tandis que le second pousse Junko vers l'intérieur de la banque. Le guichetier suit sous la menace, ouvrant une porte sécurisé qui doit sûrement mener vers les coffres. Nous sommes des otages démunis, à la merci de deux cinglés armés qui n'hésiterait sûrement pas à tirer au moindre mouvement. Je ne peux rien dire à Junko, ni même lui lancer un regard puisqu'elle est dans mon dos, fermant la marche avec le second homme. C'est bien notre veine, nous nous enfonçons dans la banque plutôt qu'en sortir.