Petit Warning ♥ L’histoire qui va suivre décrit des scènes qui pourraient heurter les plus sensibles. A lire avec précaution ♥
« In this shaken, twisted world, I gradually become transparent, unable to be seen.
Please don't bother looking for me; don't stare at me…»
Les
quatre premières notes du refrain retentissent dans la voiture quand un klaxon effroyable rompt les rires et les cris de joie. Un virage sec à droite puis dans un furieux choc, inattendu et périlleux, le véhicule percute violemment de son avant-droit une barrière de sécurité,
Noah le conducteur se prend de plein fouet son volant dans l’arcade sourcilière, lui faisant perdre immédiatement connaissance tandis que son airbag tient son corps inconscient en place et en sécurité.
Toutefois, ne pouvant le protéger complètement malgré tout, un débris le percute violemment lui et sa voisine,
sa petite amie, brisant ses côtes et tuant sur le coup
Alissa, du sang giclant sur le parebrise fracassé, l’airbag passager ne s’étant pas déclenché.
« I merely don't want to hurt you, inside a world, that came out of someone's imagination.
So please remember me; as vivid as I was »
Saburo et
Steven n’eurent même pas le temps de se rendre compte de ce qu’il se passait que le meilleur ami se retrouva propulsé en avant passant au milieu des deux sièges de devant. Son visage déchiqueté par les éclats de verre peints de rouge rubis, il finit crevé sur le goudron, sans vie.
Le jumeau lui bien attaché et à sa place se brise la nuque sur le repose tête en face de lui, la ceinture compressant son poitrail n’ayant pas aidé au rebond. Sans bouger, il reste là,
identique au conducteur et pourtant sans pouls et sans plus aucune chance de se réconcilier avec son frère qu’il chérissait tant.
Pâle et livide, Noah venait de perdre sa moitié mais aussi deux êtres qu’il avait intégré à sa famille, sa bien-aimée et son préféré.
« Infinitely spreading, solitude wraps around me. Memories of times I laughed innocently comes to mind,
And I can't move, can't move, can't move, can't move, can't move, I cannot move!
Unravelling the world »
Des bruits de pneus s’enfuyant crissent et la musique s’est enfin arrêtée et des piétons pas loin
commencent à paniquer et la nuit est
si profonde qu’on ne voit pas
qui est l’enfoiré qui les a massacrés et tout est allé si rapidement mais maintenant que c’est fini pourquoi est-ce si lent ?!
Putain Noah se vide de son sang ! Etait-ce vingt minutes ? Trente ? Quinze ou dix ? Des secondes ou des heures ? L’ambulance est enfin arrivée, quelqu’un a dû les appeler et les urgentistes se ruent sur les cadavres et les tire, les extirpe, au moins la bagnole n’a pas explosée ! Le seul survivant se retrouve sur un brancard, les yeux fermés, le corps cassé et défiguré. Noah se retrouve
dépouillé de tout ce dont il avait de plus cher, sa raison d’exister, son reflet et une partie de son entité. Sa mémoire s’efface
au fil des paroles que son père chante encore et encore dans sa tête, le refrain ne s’arrêtant pas, le couplet s’oubliant sur son
arcade ensanglantée, le pont s’effaçant sur sa
lèvre supérieure balafrée, la mélodie s’encastrant sur ses
côtes broyées. Les sirènes de l’ambulance décorent le silence du monde égaré de notre adolescent esseulé, se battant encore entre mort et réalité.
Le cœur bruyant mais l’esprit muet.
« I've changed; I couldn't go back to the way I was.
As the two twine around one another, the both of us will perish away... »
C’est dans
un sursaut qu’il se réveille, les pupilles dilatées, les poignets attachés, nu sous sa robe de patient, enrubanné dans les draps blancs
de son lit d’hôpital. Il tente de parler mais son cou est serré dans une minerve et il panique et se secoue et tremble de tous ses membres. Sa mère lui attrape le bras pour lui chuchoter que tout va bien, qu’ils sont là or il entend cette voix qui chamboule sa vision et
son cerveau ordonne l’arrêt complet du système parce que
« non, non, non, ça ne peut pas recommencer, je ne suis plus en train de rouler ! ». L’angoisse l’a emporté, le lycéen cesse de gesticuler et le voilà de nouveau évanoui, noyé dans ses pensées. Ses parents retombent dans les sanglots qu’ils n’eurent pas le temps de sécher observant leur
seul et
unique fils
restant encore une fois leur
filer entre les doigts.
Quelques jours plus tard à nouveau, il reprend conscience plus en douceur,
libéré de ses restreintes et emmitouflé dans une couverture en plus, au chaud et à l’aise toujours entre ses murs blancs. Une infirmière s’approche et commence à lui parler, lui posant des questions comme
« Vous m’entendez ? Vous pouvez parler ? » et la seule chose qu’il fait c’est hocher la tête et regarder tout autour,
un vague sentiment de vide s’enlisant au plus profond de ses entrailles. Au bout de quelques minutes alors que la professionnelle commençait à perdre espoir, il s’exclame d’une voix grave et confuse :
« Où est mon frère ? ». Elle qui était sur le point de partir, elle se retourne et rien qu’à son regard, Noah comprend très vite que la réponse à cette question
n’est pas celle qui veut entendre. Sans rien ajouter,
il fixe le plafond et laisse ses larmes couler.
« Breakable; unbreakable - psychotic; unable to go insane
I can't afford to let you be defiled! »
Ses géniteurs passent souvent lui rendre visite pendant ces
deux mois de
convalescence physique. En fait, il a de nombreux passages dans sa chambre. Non pas d’amis ou de proches, mais plutôt de
policiers, d’
avocats et de
psychologues, tentant de lui extirper des informations, de l’analyser et le diagnostiquant à tout bout de champ. Nonobstant,
rien n’est resté, il ne se souvient plus de ce qu’il s’est passé mis à part qu’il avait pris la voiture de son père sans avoir demandé.
L’enquête n’amène nulle part et des symptômes récurrents naissent chez Noah, faisant s’interroger les spécialistes. Après maintes plaintes du patient
d’apparitions soudaines de ceux qui sont
décédés et de perception de
leurs voix répétant des phrases qu’ils ont déjà énoncées
de leur vivant, ils finalisent sur le mal du garçon :
Le syndrome du stress post-traumatique. Ceci donne sens à la peur irrationnelle qu’il éprouve quand son père prononce n’importe quel mot, bien que la raison reste encore inconnue.
Avec son
amnésie dissociative, son casier vierge et le fait
qu’il y a de fortes chances qu’il y ait eu une seconde voiture, la peine qu’on lui inflige reste vague et beaucoup plus légère que si cela avait fini par homicides involontaires :
Une liberté conditionnée après un an dans un hôpital psychiatrique pour un suivi médical de près. Personne ne conteste la décision du juge, de toute façon, l’adolescent n’a finalement
plus un endroit où appeler
chez soi.
C’est le commencement d’une très longue année. Il passe
l'hiver près d’enfants et d’adolescents aussi paumés que lui et bien que faire face à sa famille lui paraît encore impossible, les
Noël en Suisse lui manquent. Puis, ce sont les
réveillons à Paris. Les
printemps à Tôkyô, les
anniversaires de papa à St-Raphaël et les
étés sur les plages d’Okinawa ou celles de Toulon. Noah se rappelle de
la France, son pays de naissance. De
la Suisse, là où il se forgea une tendre enfance et enfin,
le Japon, celui qui lui remémore
la séparation de ses parents après un énième scandale de son père. Néanmoins, malgré tous
ces morceaux de sa vie qu’il a encore bien ancrés en lui,
il ne se souvient toujours pas du pourquoi ils étaient dans cette voiture et maintenant, personne d’autre que lui-même ne sera là pour
lui rappeler qu’il essayait de se faire pardonner.
« Please don't forget me, don't forget me, don't forget me, don't forget me! »
Le
retour à la civilisation après tout ce temps enfermé n’est pas de tout repos d’autant plus que communiquer avec son père est encore compliqué. Cependant, ma foi, goûter de nouveau à la liberté,
même muselé, cela lui suffit. Pour ne pas se trouver confronter
à une tension quotidienne, il décide de déménager de l’appartement familiale emportant avec lui
ses effets personnels mais aussi quelques-uns de Steven. Ce comeback dans
ce cercle intime, dans cette ville
familière où il y grandit
en tant que jumeau, le fait
cauchemarder et
des bribes de l’accident lui reviennent chaque nuit, le faisant parfois hurler de peur la nuit.
Un jour oui, un jour il s’en souviendra. Il lui faut des détails, des précisions et avec, il pourra retrouver
l’enculé qui a osé lui volé ceux qu’il appréciait.
Noah trouvera le coupable, il lui fera comprendre la souffrance qu’il endure et lui fera payer, même s’il doit finir par
le tuer.
Au diable les études,
au diable l'amour,
au diable son avenir ! Qu’est-ce qui peut bien l'attendre dans le futur ? Qu’attend-on d’un
meurtrier ? Que peut faire un
meurtrier ?! Qui voudrait d’un
meurtrier ?! Ce n’est pas encore un peu de sang qui lui rajoutera du tourment.
Certains s’inquiéteront de
sa solitude, de
sa santé et
son bon sens mais de toute façon, il
n’a plus rien de tout ça. Car dans chaque coin de pièce, dans
chaque sourire et chaque reflet, il peut apercevoir son frère, son meilleur ami et sa petite amie. De
vénéneuses et
éreintantes hallucinations. La seule chose qu’il lui reste c’est de continuer à vivre :
Que leurs morts ne soient pas en vain.
« Paralyzed by the fact that I've changed,
In a paradise filled with nothing but unrecoverable things,
Please remember me. »
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