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Le titre est un détail

Le temps passe à une allure folle et j'ai l'impression de ne pas avoir l'occasion de le réaliser. Cela fait environ deux mois que je suis papa, l'opération de Roy devrait avoir lieu d'ici quelques temps, même s'il ne m'a pas vraiment donné de nouvelles depuis, et je commence sérieusement à avoir l'impression que je n'arriverai pas à tenir ma promesse à son égard, compte tenu de mon incapacité à me contrôler au niveau de la boisson. Pourtant, ce n'est pas faute de vouloir.

Mais voilà, parfois, la volonté ne suffit pas. Quand j'en ai l'occasion, je me retrouve une bière à la main, quand ce n'est pas plus, et même si je limite mes sorties, depuis quelques mois (on oublie évidemment les voyages, qui sont bien plus que des sorties), je n'arrive pas à rester totalement distant avec l'alcool, ce qui me pose un sérieux problème par rapport à ma tentative d'arrêter. Et évidemment, je me suis fait engueuler par le généraliste lorsque je lui ai dit que je buvais encore par moment, car il paraît que c'est mauvais de boire et prendre des médicaments en même temps. Soit. J'ai un peu l'impression d'être un gosse qu'on engueule parce qu'on pense qu'il est pas foutu de s'en sortir seul, et je vous avoue que ça m'emmerde légèrement.

Enfin, tant que les choses n'iront pas mieux, je doute sincèrement d'être capable de me sortir de cette merde, et j'avoue que je passe beaucoup de temps à l'extérieur ces dernières semaines. Déjà, il faut comprendre que dormir sur le canapé n'est pas franchement mon option préférée, alors il m'arrive d'aller dormir chez Roy un soir où l'autre (et entre nous, je doute sincèrement que ça le dérange, ou alors au moins autant que moi, ohlala), ou tout simplement de prendre une chambre à l'hôtel, histoire que Yun Hua soit tranquille à l'appartement avec le bébé. L'air de rien, je pense que c'est important, que ce soit pour elle ou pour Roxas, pas vrai?

Bon, je dois avouer que si, au départ, mes absences étaient assez rares, elles sont devenues bien plus fréquentes au cours des derniers jours. Parce que j'ai peur. Pas forcément de rentrer, mais d'abandonner Roy et de ne pas avoir la chance de le revoir, car j'ai bien compris que son coeur, malgré tout, est vachement faible et qu'il risque de le laisser tomber d'un moment à l'autre. Autant dire, même si c'est inutile, que ça ne me rassure pas. Perdre Roy est la dernière chose que je souhaite. Puis après tout, Yun Hua est en sécurité à l'appartement, pas vrai? C'est pas comme si le bébé risquait de s'enfuir tout seul et d'aller faire sa vie avec des loups, comme Mowgli. J'veux bien qu'il ait mes gênes, mais à ce point... Voilà quoi.

Ce soir, de toute façon, j'ai décidé de rentrer à l'appartement. Après mon voyage à New York, je me suis pas vraiment attardé là-bas et je dois avouer que je me demande si tout va bien pour Yun Hua aussi. À force de me prendre la tête, j'en oublie les choses tout aussi importantes, vous voyez? Genre mon fils, mon chat, Yun Hua. Quoi? Oui, on se passera de commentaire, merci, je vous ai rien demandé. Et un soupir échappe à mes lèvres alors que je franchis la porte de l'immeuble pour rejoindre l'appartement où je vis, mais qui en cette période doit plutôt ressembler à celui de Yun Hua qu'au mien.

Je monte rapidement les escaliers, fouillant le fond des poches de ma veste afin d'y trouver mes clés, saisissant plutôt une cigarette qui se trouve là pour la fumer rapidement sur le balcon avant d'arriver, histoire de me calmer un peu, et quand j'ai terminé, je rejoins enfin la porte de l'appartement pour ouvrir la porte. Doucement. Très doucement. Est-ce que je dois préciser qu'il est tard, que je suis crevé, et que j'ai peut-être descendu deux verres avec un collègue avant de venir? Peut-être. Pas grand-chose, honnêtement, mais comme je ne suis normalement pas censé boire... On va dire que ça fait énorme, d'un coup. Je crois que j'ai tout intérêt à me glisser à l'appartement comme si de rien n'était et à faire attention à ne pas réveiller Arisu, que l'on a pris la décision de faire dormir dans une pièce où le bébé n'est pas.

Sauf qu'évidemment, c'est toujours quand il faut être discret qu'on n'y arrive pas, et qu'en me retournant pour fermer la porte, j'arrive à heurter le porte manteau qui se trouve contre le mur et que ce dernier,  comme chanceler et se stabiliser n'était pas assez dramatique pour lui, s'abat sur la porte de la salle de bain en un énorme fracas. Je crois que pour la discrétion, c'est mort! Des deux fois où j'aurai essayé de me glisser dans mon propre appartement en silence, aucun des deux n'aura été un franc succès.

Sans attendre, je me penche un peu pour ramasser l'objet et le remettre à sa place. Sauf que j'avais oublié que, plus efficace encore qu'un système d'alarme, le bébé pouvait se mettre à chialer n'importe quand. C'est genre tellement pas le moment...

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Tenue ♣ Qui eût cru que s’occuper d’un nourrisson puisse si éreintant ? Probablement tout le monde, il est bien connu qu’avoir un enfant pour la première est source de d’épuisement et de fatigue, et ce, même quand on est une vraie pile électrique d’ordinaire. Encore plus quand cela fait peu de temps passé après l’accouchement et qu’il ne faut compter que sur soi-même pour tout gérer. Plus les jours passent, plus je me demande comment ma mère a fait pour tenir toute seule dans son coin et plus je comprends la nécessité qu’elle a éprouvé de devoir engager une nounou pour s’occuper de moi. Je n’ai jamais eu grand mal à m’occuper de moi mais là, prendre soin d’un petit être de deux mois à peine, c’est le parcours du combattant. Entre les crises de larme, les montées soudaines de température – enfin celles que je crois déceler dirons-nous – je ne sais plus où donner de la tête et j’ai souvent l’impression d’être dépassée par les évènements. Un peu comme observer une montagne, se dire qu’il faut la surmonter et prendre conscience du fait qu’elle est bien trop grande par rapport à soi. Heureusement que j’ai droit à quelques instants de répit pour souffler par moments et à un minois franchement adorable quand il est paisible entre deux épisodes de pleurs intensifs. J’en suis quand même venue à apprécier de me poser un moment en pleine journée dans le canapé, juste pour profiter du fait de ne rien faire, c’est dire.

Entre ça et les différents exercices que je me tue à rendre en temps voulu afin de mettre un maximum de chances pour ne pas louper mon année, en supposant que je ne vais pas me vautrer royalement en ayant manqué environ une vingtaine de cours ces derniers temps. Ce ne sera pas faute de me démener pour essayer de rendre des travaux un minimum corrects, cependant, on ne me cache pas que ce ne sera pas facile, quand bien même j’ai des dispositions clairement prononcées pour le dessin et une aisance naturelle en la matière. Pour la peinture, je ne préfère même pas y penser, tant ça me stresse, j’en viens même à me demander comment je vais réussir à ne pas rendre une toile blanche le jour de l’examen. Stressée ? Angoissée ? A peine. Et je ne peux que ruminer dans mon coin toute seule, parce que ce n’est ni Roxas ni Arisu qui pourra comprendre mes inquiétudes existentielles ou qui sera en mesure de me rassurer un minimum, même avec des mots superflus. Et la voix de ma mère au téléphone qui m’explique que dans tous les cas je m’en sortirai n’est pas vraiment ce qui est le plus efficace. Et n’oublions pas d’ajouter à cela une certaine obsession quant au fait que je retrouve un ventre plat maintenant que la grossesse a pris fin, je ne compte pas conserver ne serait-ce qu’un centimètre du ballon qui me servait de ventre. Alors que je trouve ma silhouette menue pas forcément très jolie, oui, logique.

La chance semble être de mon côte aujourd’hui puisque Roxas s’est montré relativement conciliant, n’a pas bronché au moment de lui donner le biberon – oui je sais il paraît que le lait dit naturel c’est mieux mais non, l’allaitement n’est pas fait pour moi – et s’est tranquillement laissé mettre au lit en s’assoupissant au bout de quelques minutes de berceuse chantée par mes soins. Des comptines coréennes que je connais sur le bout des doigts et qui semblent faire leur effet quand il est l’heure pour le petit bonhomme de sombrer dans les bras de Morphée. Ce qui tombe bien quand maman a du pain sur la planche en l’occurrence avec tous ces devoirs qui pèsent sur les épaules et qu’elle risque donc de s’endormir tard, très tard. Mais bon, on fait ce qu’on peut pour ne pas devoir retourner en classe la tête trop basse, déjà que bon, je ne vais pas jouer les fières, j’aimerais ne pas aggraver mon cas plus que nécessaire. Et comme prévu, je mets un certain temps avant de boucler mon programme du soir, mais je suis dans les temps, je vais pouvoir profiter d’une nuit de sommeil décente, presque complète à vrai dire, si Roxas n’a pas d’insomnie soudaine comme cela lui arrive de temps à autre. Youhou.

Mais non. Cela aurait été trop beau. J’ai eu à peine le temps de comater quelques minutes sur le lit, n’ayant pas même trouvé la force de passer mon pyjama qu’un bruit strident est parvenu à mes oreilles. Et pas qu’aux miennes d’ailleurs. Vous savez, il y a ce genre de moment où si vous en aviez la force, vous détruiriez tout ce qui se trouve sur votre passage, vous raseriez le moindre obstacle qui se présenterait à vous sans réfléchir. C’est un peu la sensation qui m’occupe actuellement et j’ai besoin d’une profonde inspiration pour faire retomber l’élan de rage qui s’empare de moi, afin de me diriger vers le bébé à consoler en premier lieu, et non pas vers le responsable de ce vacarme infernal, que j’éclaterais comme il se doit si Roxas ne se trouvait pas là. C’est donc avec ce dernier dans les bras, essayant de le calmer comme je peux, en vain, forcément, que je sors de la chambre, aussi furieuse que possible, les yeux jetant des éclairs vers Ryû, auteur de ce carnage. Retenez-moi je vais le frapper.

« Je vois que partir à New York n’est pas suffisant apparemment, faut aussi que tu signales à tout le voisinage que tu es de retour, je lance avec une amertume plus que prononcée, merci hein, c’est pas comme s’il fallait au moins cinq ou dix minutes à chaque fois pour qu’il s’endorme, bravo ! Pis t’étais obligé de rentrer si tard dans la nuit forcément. Encore. Un jour songe à viser l’après-midi ça peut être plus judicieux tu sais quand l’appartement n’est pas désert. »

Non là, tout de suite, je ne suis pas d’humeur, il aurait suffi d’un rien pour m’agacer, mais là, je suis carrément hors de moi. C’est bien beau de s’envoler vers l’Amérique comme une fleur et après de revenir comme le pire bourrin de la terre en réveillant tout le monde, super. Et les pleurs de Roxas qui ne veulent pas cesser ne font que redoubler ma rancœur terrible envers le brun. Y’a rien à faire, ça ne passe pas. Je fais claquer ma langue contre mon palais, trahissant une fois de plus à quel point je suis excédée.

« Rassure-moi, t’as pas eu l’idée brillante de te marier en étant bourré cette fois ?, je lâche de façon – je le reconnais – très mesquine, et je crois même déceler une légère odeur d’alcool qui émane de lui, non parce qu’on sait jamais, sur un coup de tête comme ça pendant que je prends soin de Roxas entre deux devoirs. »

Et voilà, il faut bien que je me plaigne à quelqu’un et c’est pour sa pomme. Il ne fallait pas réveiller le bébé, voilà.

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On pourrait parfaitement se demander pour quelles raisons obscures j'ai décidé de rentrer chez moi aussi tard et sans même prendre la peine de prévenir Yun Hua. Après tout, j'aurais pu passer la nuit ailleurs, rester un peu avec Roy; mais allez savoir pourquoi, j'ai été pris d'un soudain besoin de rentrer à la maison, pour voir si tout allait bien et si le bébé était encore vivant. Oui, bon, il a intérêt à être vivant, et à vrai dire je ne doute pas qu'il le sera, puisque Yun Hua doit quand même savoir s'y faire. Dans tous les cas, j'ai la confirmation de la survie de mon fils lorsque je l'entends commencer à pleurer dans la chambre. Bordel de merde, j'ai donné quoi pour être un boulet aussi intégral?

Dans une tentative désespérée de l'entendre se rendormir, je redresse le portemanteau que j'ai fait tomber, puis pousse un profond soupir alors que je vérifie une fois de plus, sur mon téléphone, l'heure qu'il est. J'espère que Yun Hua dormait pas depuis trop longtemps, car elle risque d'être de mauvaise humeur, maintenant que le bébé est réveillé. J'aurais intérêt à trouver une bonne excuse, non? Je crois que c'est la seule chose qu'il me reste à faire si je veux avoir ne serait-ce qu'une maigre chance de survie. Allez, on remet tout à sa place, absolument tout, en faisant attention à ne pas refaire tomber le tout, parce qu'on est un gros boulet et qu'on pourrait carrément faire une compétition dans ce domaine. Je trouverai une excuse après; si elle dort, de toute façon, j'ai le temps qu'elle se réveille. Enfin, ça, c'est ce que je pense avant d'entendre la porte s'ouvrir et de poser le regard sur le visage excédé qui me fait face.

Directement, je baisse les yeux. On pourrait dire que je sais parfaitement que je suis le dernier des cons, mais en vérité je suis en train d'essayer de trouver une solution à mon problème actuel. Le bébé est là, en train de pleurer dans ses bras, parce que son con de père n'a pas été foutu d'être discret pour rentrer à la maison et qu'il n'a aucun respect pour personne. Oui, bon, en avoir conscience est une chose, le changer en est une autre. Un soupir m'échappe alors que je m'ébouriffe légèrement les cheveux, essayant de trouver quoi répondre à la mère de mon enfant, qui je pense n'a pas vraiment l'intention de laisser passer mon comportement. Je ferme les yeux pendant quelques secondes, laissant le bébé pleurer comme seul fond sonore.

« Yun Hua, calme-toi, ok? » Moi? Non, je ne suis pas en train de minauder. C'est carrément ridicule, s'il vous plaît. « J'vais t'expliquer! »

Expliquer que je lui ai dit qu'on allait s'occuper du bébé ensemble, qu'on allait tout faire pour qu'il soit heureux, mais que je suis tout simplement incapable de tenir en place et que je passe mon temps à sortir et voyager? Bonne idée. Je sais qu'on a décidé qu'on allait alterner pour dormir sans problème, car le canapé n'est pas le meilleur moyen de se reposer, mais j'ai parfaitement conscience d'avoir abusé. Après, elle pourrait me comprendre, non? C'est vrai, c'est vrai, je ne lui ai rien dit à propos de Roy et de tout ce qu'il se passe actuellement, ni à propos de Mi, d'ailleurs. C'est pourquoi, quand elle a la merveilleuse idée d'évoquer un potentiel mariage, bien malgré moi, je fronce les sourcils.

« Non, ça, rassure-toi, affirmé-je presque froidement. Et je suis pas bourré. »

J'ai bu avant de rentrer, certes, mais pas au point d'être déchiré comme ça a déjà été le cas. C'est une blessure de plus pour mon amour propre déjà à cause de toutes mes conneries. Si elle a un problème on peut en parler, hein, moi ça me dérangera pas. Ou peut-être un peu, mais je crois que c'est pas parce que j'ai fait tomber un putain de meuble qu'elle doit s'emballer, ok? Calme.

« Je t'ai dit que je partais avec Roy et que je te laissais à l'appartement pendant un moment, j'ai juste pas prévenu que je rentrais ce soir, enfin cette nuit. C'est pas si grave, si? Tu m'aurais pas entendu si j'avais pas fait tomber cette merde! »

Et je désigne le diabolique portemanteau d'un geste si vif qu'il rejoint la porte de la salle de bain à nouveau. Ok, alors c'est carrément la merde, en fait. Au lieu de me défendre de choses pour lesquelles je sais que j'ai tort, je devrais peut-être essayer de m'expliquer? Après tout, Yun Hua doit être dans le brouillard total par rapport à ce putain de voyage et à tout ce qu'il se passe dans ma vie actuellement. Elle sait juste que j'essaie (et encore, c'est bien gentil) d'arrêter l'alcool, comme je lui ai si fièrement annoncé... Bon, je devrais peut-être arrêter de lister les raisons de m'en vouloir. Si je m'expliquais, plutôt?

Le problème, c'est que je n'ai aucune idée de par où commencer. Les choses allaient relativement bien avant l'accouchement, on ne se prenait pas la tête, ou tout du moins plus, et on avait arrêté de jouer à celui qui avait le dessus sur l'autre. Jouer au plus malin, c'est pas forcément la chose à faire, surtout qu'actuellement, ce n'est pas moi le plus futé. Réfléchis, réfléchis. Je pourrais faire demi-tour et agir comme si de rien n'était? Limite, ça me semblerait plus facile que trouver quoi dire.

Sinon, je peux aussi commencer par lui expliquer que j'ai revu Mi, peu avant les fêtes de Noël, qu'on a discuté de ce qu'il s'est passé à Vegas et que j'ai appris que j'ai - une fois de plus, j'ai envie de dire - fait du mal à une personne que j'aime ? Non, mauvaise idée, ça devient un peu trop personnel. Parler de Roy? Après tout, il a eu la merveilleuse idée de tomber malade alors que les choses partaient en couille - comment? Oui, je sais qu'il n'a pas choisi - mais une fois de plus je risquerais de tomber dans des choses bien trop personnelles. En plus, au vu de notre relation actuelle, à lui et moi, je n'ai pas forcément envie de me lancer dans de longues explications. Parler du bébé, alors? Après tout, cette petite chose est en pleine crise de larmes dans les bras de sa mère et ne semble pas vouloir se calmer. Non. Il n'y a rien à faire, je ne trouve pas. On se calme.

Mes yeux se ferment alors que je viens pincer l'arête de mon nez, réfléchissant à tout ce qui m'a traversé l'esprit, et je m'assieds à l'extrémité du canapé en essayant de ne pas relancer le débat.

« Écoute, c'est compliqué, je t'expliquerai quand ça sera fini. »

Quoi? Mais je viens pas de lui dire que j'allais m'expliquer? Bravo l'artiste, j'exige des applaudissements pour mon manque cruel de logique et d'intelligence. Un soupir m'échappe alors que j'espère profondément qu'elle ne va pas encore une fois me lancer des piques, parce que je doute d'être en état de supporter ça. Pourtant, je le mériterais, et encore plus maintenant que je refuse de m'expliquer. Elle mérite de savoir ce qui fait que je ne tiens pas mes promesses, pas vrai? Je dois être le père le plus pitoyable que ce monde ait porté.

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C’est pas croyable, c’est moi ou je me suis retrouvée à devoir m’occuper de deux enfants en réalité ? Le summum en plus, un nourrisson sensible et capricieux ainsi qu’un adolescent en quête de liberté soudaine qui voyage où bon lui semble. Et qui ne semble pas comprendre que revenir quand bon lui semble n’est pas toujours une idée judicieuse. Sans rire, c’est quoi cette attitude ? S’il veut rentrer à n’importe quelle heure, qu’il ait au moins la décence de le faire discrètement, sur la pointe des pieds, en silence et sans réveiller qui que ce soit. Surtout pas un bébé de quelques mois à peine dont on peut encore compter les nuits complètes sur les dix doigts de la main. Surtout pas quand une des résidentes a travaillé tard et est crevée parce qu’il faut s’occuper dudit bébé entièrement par soi-même tout en faisant ses devoirs. Sérieusement, j’ai l’impression d’être l’une de ces mères caricaturées dans les séries américaines à deux sous qui surprend son fils pré pubère qui rentre après avoir fait le mur. Sympathique, je vous l’accorde. Alors oui, forcément, je suis passablement un peu beaucoup énervée de voir mon début de sommeil brutalement gâché, parce que monsieur n’est pas fichu de prévenir quand il rentre et qu’en plus il fait un boucan hors norme quand il remet les pieds dans son logis. Un miracle que les voisins ne viennent pas se plaindre.

J’arque un sourcil quand Ryû essaie – vainement mais franchement, ça sert à rien du tout là, je suis furieuse – de s’expliquer, de justifier son retour inattendu. Plus ou moins quoi. Me calmer ? Il est sérieux là ? A-t-il réellement autant subi le décalage horaire à ce point pour songer, au vue de ma tête actuelle, que je suis en mesure de me calmer ? Je ne sais pas ce qu’il a fait à New York, mais ici, ce n’est pas le monde des bisounours et ma colère ne va pas redescendre soudainement pour se transformer en un charmant sourire. Surtout pas avec Roxas qui hurle toujours contre mes oreilles. Bon au moins, il n’a pas refait sa connerie de Vegas, c’est déjà ça. Non parce qu’un mariage impromptu c’est déjà embêtant, mais si on est marié deux fois, c’est carrément problématique non ? Enfin comme c’est dans le même pays, je suppose qu’ils s’en seraient aperçus. Ou pas. J’en sais rien moi comment ils fonctionnent aux Etats-Unis c’est tellement vaste que j’en viens à me demander comment ils font pour avoir une politique commune au final. Mais ce n’est pas vraiment l’heure de me poser des questions de ce genre.

« Pas grave ? Ce n’est pas « grave » à tes yeux ?, je reprends, encore plus énervée en insistant bien sur le mot, tu te pointes comme une fleur en revenant d’un voyage que tu décides sur un coup de tête sans franchement me demander mon avis, tu fais un bruit d’enfer au passage qui le fait pleurer, mais ce n’est pas grave ?! »

C’est limite si je ne m’étrangle pas à la fin de ma phrase. Oui, peut-être qu’on n’en serait pas là à se prendre la tête de la sorte s’il n’avait pas été assez maladroit pour faire tomber ce fichu porte-manteau. Mais le fait est que c’est arrivé. Et que c’est la goutte de trop dans ce qui s’est passé dernièrement. Je veux dire, je me tue à la tâche pour tenter de m’en sortir comme je peux et monsieur décide soudainement de faire du tourisme sans problème. Y’a peut-être quelque chose susceptible de m’énerver profondément dans ce schéma non ? Et en plus, ce con est suffisamment pas doué pour refaire tomber ce putain d’objet à la con. Retenez-moi, je vais l’encastrer dans le mur. Enfin bon, pour commencer il faudrait déjà que je réussisse à calmer le petit bout de chou, qui est celui qui souffre certainement le plus dans cette histoire. Pour une fois qu’il était enclin à se reposer bien tranquillement, il fallait que son imbécile de père ruine tout. Magnifique. Pendant donc que ledit père semble parti dans une réflexion intense, j’en profite pour bercer Roxas comme je peux, en recommençant à chantonner la comptine coréenne de tout à l’heure, en priant pour que cela fonctionne aussi bien.

A moitié en fait. Disons que mes talents ne suffisent apparemment pas assez pour qu’il se calme réellement au moment où le brun reprend la parole. Qu’il m’explique ? Y’a intérêt ouais. Je ne sais pas quand je vais pouvoir me rendormir alors j’ai au moins le droit de savoir pourquoi je risque de faire une nuit blanche. Bon, pour ce faire, j’entreprends de reprendre mon ouvrage pour calmer le bébé, en changeant de chanson, sait-on jamais. Ô joie, il paraît enfin montrer des signes de coopération et bientôt les larmes ne sont plus qu’un lointain souvenir. Ouf. Voyant les petits yeux qui se mettent à se fermer doucement, je n’en attends pas plus pour remettre l’enfant dans son berceau, délicatement comme il se doit. Bon, maintenant allons régler son compte à ce père indigne. Ou pas. Dans mon élan digne d’une furie une fois que je sors de la pièce, je me remémore soudain les paroles de son meilleur ami. Vous savez, celui qui a eu la judicieuse idée de me faire promettre de m’occuper de Ryû quoiqu’il arrive. Je déteste ces putains de promesses à la con. Respire Yun Hua, respire, tu peux le faire.

« Bon, vas-y, explique-toi. J’ai du temps devant moi maintenant de toute façon, je déclare d’un ton blasé, en roulant les yeux, j’espère pour toi que t’as préparé ton argumentaire. »

Il ne faut pas non plus me demander d’être entièrement gentille et pleine de bonnes intentions. Je m’adresse à lui sans hurler, c’est déjà beaucoup non ? Soit, c’est en bonne partie pour ne pas réveiller Roxas de nouveau, mais quand même. Sur ces bonnes paroles, je m’installe dans le canapé, attendant son récit avec impatience.

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J'avoue que je me sens terriblement stupide de ne pas avoir été capable de rentrer discrètement, de ne pas me faire remarquer. Genre, ma technique était parfaite, j'aurais pu y arriver. Non j'aurais du y arriver. Enfin, ça, c'est ce dont j'aime me convaincre mais qui ne semble pas vraiment possible, en fait. Je suis le pire imbécile que cette terre ait porté, mais je ne parviens pas à l'admettre. Parce que je peux être de très mauvaise foi, quand je veux, et je viens de le prouver en indiquant à madame Bae que si je n'avais pas fait tomber ce putain de portemanteau de mes deux, Roxas et elle dormiraient encore paisiblement.

« J'ai pas décidé ça sur un coup de tête, je t'en ai parlé! ] »

Oui, bon, peut-être que j'ai décidé sur un coup de tête et que je lui en ai parlé après avoir tout préparé, en lui annonçant que je partais pour une semaine, comme ça, out of nowhere. Je crois qu'elle devrais avoir compris, à force, que j'ai pas forcément de logique ni de patience dans les cas d'urgence. Car ce voyage était une situation d'urgence, évidemment, comme Roy doit se faire opérer. Pourtant, au fond de moi, je sais parfaitement que j'ai tort, mais je refuse de l'admettre.

Dans le fond, ça ne sera pas la première fois que je me comporte comme un con par rapport à Yun Hua. Déjà au moment où elle m'a appris sa grossesse, je lui ai limite demandé de ne pas me mêler à cette affaire, juste avant de changer d'avis. Je crois que je ne suis pas forcément du bon côté du champ de bataille. Un soupir m'échappe alors que je pince l'arête de mon nez pour réfléchir, comme si ça allait m'aider de quelque façon que ce soit, mais rien ne me vient.

« C'est bon, j'ai pas fait exprès de le réveiller. »

Et c'est clairement en répondant de cette façon que je vais m'en sortir. Je pousse un nouveau soupir alors que je réfléchis à ce que je pourrais dire, m'excusant vaguement avant de lui promettre des explications. Ouais, des explications quand tout serait arrangé. C'est à dire? Quand Roy sera mort? Quand Roxas aura dix ans? Je n'en sais rien moi-même, et pourtant je continue à essayer de trouver quoi raconter à Yun Hua pour apaiser sa colère qui, ce qui ne m'étonne pas vraiment, est redoutable. J'ai déjà du mal à penser, alors si en plus le bébé continue à pleurer et sa mère me regarde comme un condamné à mort, je crois que je n'ai pas grandes chances de m'en sortir sans dommage.

Par chance, le bébé semble se calmer un peu plus tard. Perdu dans mes pensées, je perçois à peine la fin de ses pleurs, mais je comprends rapidement que Yun Hua a réussi à arranger ma connerie. On dira qu'elle mériterait une médaille? J'aurais simplement abandonné, regardé le bébé et j'aurais cherché le mode d'emploi. Parce qu'évidemment on aura inventé un mode d'emploi pour moi. Genre, exclu, tout ça. Je suis tellement con. Lorsque l'étudiante revient vers moi un peu plus tard, j'ose à peine relever les yeux.

« Maintenant? »

Non, pas maintenant, dans cinq ans. Un soupir m'échappe alors que je cherche un moyen de m'enfuir du regard. Comment? Évidemment que je sais que je n'ai pas d'autre solution que m'exprimer, maintenant qu'on est là et qu'elle me réclame des explications, mais un espoir subsistait encore jusqu'à ce que je pose ma question. Comme quoi, parfois, c'est y répondre.

« Je sais pas par où commencer. »

On ne l'avait pas remarqué? Je ferme les yeux pendant quelques secondes, comme pour rassembler mes esprits, ce qui est assez difficile puisque j'ai bu, bien que ce ne soit pas beaucoup. Je pourrais parler de Hikari, de Mi, de Roy, du bébé, de l'alcool, de tout ce qu'on veut. Le seul problème, c'est que j'ai l'impression que mes pensées sont aussi empêtrées que je le suis dans les ennuis, et que rien ne va.

« J'ai pas voulu te laisser toute seule aussi longtemps, commencé-je, un peu hésitant. Si ça te posait problème que je parte à New York, fallait me le dire. »

Et je ne parle pas du véritable fond du problème? De la raison pour laquelle je suis parti aussi soudainement? Évidemment, je tourne autour du pot comme le dernier des idiots, parce qu'il m'est trop difficile d'admettre que les choses ne vont pas bien et que parler de Roy implique trop d'événements que je n'ai pas forcément envie de lui rapporter, compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Je frotte un peu mes mains sur mes cuisses, mais ce geste n'est pas aussi salvateur que je l'aimerais par rapport à mon anxiété. Je n'ai pas envie de parler de tout ça, mais j'ai le sentiment désagréable que je n'aurai pas d'autre choix que de parler, que de lui dire tout ce qu'il se passe. Même si j'aimerais éviter de passer par là, Yun Hua reste la mère de mon enfant, et dans la mesure où l'on vit ensemble, il faut qu'elle sache pourquoi, alors que j'ai promis de l'aider à s'occuper du bébé, je joue à l'idiot fuyard? Ça serait pas du luxe.

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J’ignore où je trouve cette force de me montrer relativement – disons comparé à ce que je peux faire en temps normal – posée et plus ou moins calme une fois que Roxas est couché. Bon déjà, parce que c’est son sommeil et donc par conséquent son sommeil qui prime dans l’affaire et évidemment, à cause de la discussion que j’ai pu avoir il y a quelques temps avec monsieur Kasahara. Inutile de préciser que sinon, j’en serais très probablement venue à étrangler le brun sans modération à l’heure qu’il est. Ou une claque tout du moins, ça c’est certain. Quelque chose qui m’aurait permis d’évacuer ma rage en tout cas et c’est lui qui en aurait inévitablement fait les frais. Dans un sens, je comprends bien qu’il n’a pas intentionnellement fait tomber le porte-manteau par deux fois, il n’en demeure pas moins que je le vois actuellement comme le dernier des imbéciles. Parce que me dire qu’il m’a parlé de son voyage à New York pour justifier que ce n’était pas un coup de tête, je trouve ça un peu fort quand même. C’est limite s’il n’avait pas déjà sa valise à la main quand il en a été question et quand bien même m’a-t-il donné une entière liberté avec l’appartement, cela ne compense en rien son attitude vis-à-vis de moi, et plus particulièrement de Roxas. Un miracle que ce dernier ne soit pas encore suffisamment âgé pour réclamer après son père en vadrouille pour je-ne-sais-quelle-raison. Non parce que le « Je pars en voyage avec Roy », ce n’est pas un motif valable pour explique une absence quand on criait haut et fort il n’y a pas si longtemps qu’on s’occupera comme il se doit du nouveau-né. Alors oui, je les attends de pied ferme ses fameuses explications.

« Ben oui maintenant, je réponds d’un ton acerbe en roulant une nouvelle fois des yeux, ou on peut attendre que Roxas se réveille à nouveau en pleurs si ça te paraît mieux, je lâche avec ironie. »

C’est pas possible d’être aussi la ramasse. Je veux bien qu’il y ait le décalage horaire tout ça, encore que, c’est lui qui a choisi d’en subir les conséquences, donc je ne devrais même pas faire preuve de compassion sur ce point, mais franchement, il pourrait faire preuve d’un minimum de bon sens quoi. Ce n’est pas au moment où le sommeil viendra de nouveau me chercher qu’il faudra avoir l’élan d’inspiration pour soutenir son plaidoyer. Et je ne me retiens pas de lâcher un profond soupir d’agacement quand je l’entends énoncer qu’il ne sait pas quoi dire en premier. Au pire, je m’en fiche ? Qu’il dise quelque chose bon sang, un truc bidon tout du moins pour témoigner de sa bonne volonté. Ce n’est tout de même pas si compliqué de trouver les bonnes raisons, du moins quand on en a et ses hésitations ne me laissent rien présager de bon sur le sujet. Je crois que je vais devenir folle.

Et malgré toutes mes bonnes intentions quant au fait de ne pas l’étriper, je ne peux réprimer un franc ricanement quant à ses dires suivants. Tiens donc. Retenez-moi, je crois que je vais finir par casser quelque chose, histoire d’évacuer. Il n’y met pas vraiment du sien là, non, non, je ne peux pas me contenter de hocher la tête avec un sourire compréhensif sur les lèvres, ce n’est juste pas possible. Le tout est d’essayer d’adopter la réaction la moins violente possible, mais honnêtement, je n’y crois qu’à moitié. Tant pis pour la diplomatie, on repassera.

« Mais bien sûr, pourquoi n’y ai-je pas pensé avant ?, je rétorque avec un profond sarcasme, c’est pas comme si tu m’avais annoncé ça comme si c’était déjà tout cuit voyons. Non, non, tu as décidé de partir et j’avais pas franchement mon mot à dire Ryû. Et je suis pas ta mère, c’est pas à moi de dresser un panneau quand tu agis comme un gamin sans penser aux autres. »

Au moins je ne suis pas tombée dans le vulgaire, c’est déjà ça. Quelle différence ça aurait fait que je dise quelque chose de toute façon ? Ce n’est pas comme si on était suffisamment proches pour s’immiscer dans les projets de l’un et de l’autre à vrai dire. Et quand bien même, il va me soutenir que si j’avais dit quoi que ce soit, il y aurait renoncé à son foutu voyage ? J’en doute fortement, c’est pas comme si mon avis pouvait compter à ses yeux. J’aurais bien aimé connaître sa réaction si les rôles s’étaient inversés, à la différence que monsieur n’a pas un retard conséquent dans son travail à rattraper. C’était évident que ce serait la galère pour moi en son absence, il ne faut pas avoir un diplôme de renom pour comprendre cela mais il faut croire qu’il est décidément sur une autre planète.

« Donc maintenant, au lieu d’essayer de retourner les reproches contre moi, je pense que oui, m’expliquer maintenant et tout de suite ce qui se passe est ce qu’il y a de mieux, pour que je puisse essayer de faire preuve d’un minimum de compréhension. Je pense que tu me dois au moins ça. »

Cela donnera un sens au fait que je suis condamnée à rester éveillée pour un moment. Parce que sinon je peux commencer à faire les cent pas en ruminant ma colère et lui à prier pour qu’elle finisse par passer sans qu’il y ait le moindre excès de violence. Je ne suis pas sûre que cela tournerait en sa faveur, je veux bien me modérer le temps qu’il plaide sa cause, mais il ne faut pas m’en demander plus.

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Le titre est un détail  

J'aurais du faire plus attention à ce que Yun Hua pensait, au lieu de prendre des décisions arbitrairement et disparaître comme ça, pour aller à New York. J'aurais du attendre d'avoir son avis avant de partir; ça aurait pas été bête, quelque part. Sauf que je ne suis pas forcément malin lorsqu'il s'agit de faire des choix et que j'ai eu l'habitude de vivre seul pendant des années. Certes, ce n'est plus le cas, j'ai un enfant, maintenant, et sa mère vit avec moi également, mais crois qu'on pourrait comprendre, non? Peut-être pas...

Plus j'y réfléchis, plus je réalise à quel point je suis con. Ce n'est pas la premièe fois que mes décisions hâtives me causent des problèmes, après tout. Déjà à la fin de l'année passée, quand je suis parti à Vegas avec Mi et revenu à moitié marié, j'aurais du comprendre qu'il était largement temps de me calmer. Sauf que je ne l'ai pas fait, parce que faire le con est simple et que je n'ai jamais eu vraiment envie de réfléchir à tout ce qu'il s'était passé. Je mériterais des claques.

Le pire dans toute cette histoire est certainement que j'ai conscience de mon imbécilité. Je veux bien m'expliquer, lui dire pourquoi je me comporte comme le dernier des idiots, mais je ne sais pas comment lui expliquer. Yun Hua a déjà l'air assez furax comme ça, non? Je n'ose même plus relever les yeux, comme si je m'attendais à tout moment à recevoir une gifle de sa part. Si vous voulez tout savoir, je crois que je l'aurais parfaitement méritée... Ou alors est-ce l'alcool qui me fait penser ça? Après tout, j'ai des raisons de vouloir partir... Non? Je devrais réfléchir au lieu de faire le sourd-muet.

« Non, non, ça va... maintenant alors, marmonné-je pour moi-même, comme si c'était nécessaire. »

Ça va tomber! Je sens que ça va tomber! Je ferme un peu les yeux et laisse échapper un soupir alors que j'écoute Yun Hua, lèvres pincées. Pourquoi tant de haine? Elle pourrait pas être un peu devin et comprendre que tout n'est pas forcément en mon contrôle? Non, parce qu'elle est bien gentille, avec son histoire de reproches que je lui retourne, mais c'est bon, quoi, entre ses cours et le bébé, elle a pas l'air de trop galérer encore. Je dois me retenir de lui dire ça, c'est inutile. Je sais que j'ai tort, en plus, ça suffit la mauvaise foi, non? Si j'avais envie de parler de tout ce qui ne va pas, ça serait plus simple.

« Roy avait besoin de moi pour aller là-bas, voilà. » Merci pour cette explication terriblement utile. « Tu sais, il va pas bien ces temps-ci, c'était important qu'il fasse ce voyage avant... »

Je m'arrête au milieu de ma phrase, comme un idiot. C'est stupide, vraiment. Je devrais pas dire des choses comme ça, pas maintenant, surtout qu'il ne va pas bien et que je sais à quel point il n'aime pas parler de ses problèmes. Mais je dois ces explications, pas vrai? Si je n'explique pas à Yun Hua pourquoi j'ai du partir, pourquoi je n'ai pas pensé à la prévenir, et surtout pourquoi je joue à l'idiot qui n'est pas capable de gérer sa vie, en particulier depuis quelques semaines, elle risque de partir avec le bébé. À cette pensée, je pince les lèvres un peu plus fort et je laisse un soupir m'échapper, réfléchissant encore.

Il est hors de question qu'elle s'en aille avec le bébé. J'ai promis de l'aider à s'en occuper, je le ferai vraiment. Quand tout ira mieux, quand la situation se sera calmée et que j'aurai retrouvé un semblant de stabilité. Quand est-ce que tout s'est cassé la gueule, encore? Sans doute au moment où j'ai revu Hikari. C'est ce jour-là que tout est parti en vrille. Après tout, si je ne l'avais pas revue, je ne serais sûrement pas retombés dans les bras de mes anciens démons, je n'aurais pas couché avec Yun Hua et, assurément, on n'en serait pas là. Et je me perds encore, mais me ressaisis finalement, reprenant mon explication.

« Écoute, Roy va pas bien, d'accord? » Et ça justifie que j'abandonne mon enfant comme ça? « Il a besoin de moi pour l'instant. »

Il est évidemment inutile de me demander si mon fils n'a pas besoin de moi également, je sais en prononçant ces paroles que j'ai tort. Pourquoi est-ce que je suis si con?

« Je sais que Roxas aussi mais... » Je me perds, je me perds. Je regarde la table basse comme pour y trouver une aide quelconque, mais en vain. « C'est compliqué, Yun Hua. »

Mes doigts viennent un peu ébouriffer mes cheveux et je me redresse pour faire les cents pas, croisant les bras alors que je marche au hasard dans la pièce, cherchant quelque chose de censé qui ne me force pas à lui dire que Roy est malade. Elle a pas besoin de savoir qu'il va crever.

« Je veux vraiment m'occuper du bébé, tu sais? »

Oui, ça se voit clairement. Pourquoi est-ce que je dis des choses dont on peut facilement prouver le contraire, hein? Je ferme les yeux et pousse un nouveau soupir, m'appuyant un peu contre le dos du fauteuil alors qu'Arisu vient chercher une caresse en frottant sa tête contre mon bras.

« J'aurais du te demander avant de tout prévoir. »

En vrai, je ne lui dois rien. Si je fais le con, c'est principalement par rapport à Roxas, non? J'ai tort, je sais. Je suis un connard, oui. Mon meilleur ami risque de crever d'ici quelques temps, et je suis incapable de gérer les choses comme je le devrais. Tout ce que je fais, c'est nier la vérité et essayer de me convaincre que tout ira bien, qu'il ne va pas disparaître totalement.

« Roy va peut-être mourir, tu sais? »

Bon. Maintenant qu'elle a l'explication qu'elle voulait, j'espère qu'elle va arrêter de faire sa madame la vénère et accepter d'aller dormir sagement et de me laisser tranquille. Les bras croisés, je m'appuie sur le mur à côté de la fenêtre et je regarde les voitures qui passent au dehors.

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Il ne faut pas croire, cela ne me fait pas plaisir de devoir sermonner Ryû à une heure si tardive et en fait, je préférerais largement me passer de commentaires et m’en tenir à la brève remontrance de tout à l’heure, calmer Roxas comme je l’ai fait et retourner aussitôt au lit sans chercher à comprendre davantage. Cependant, ce n’est pas possible, non seulement parce que je me suis engagée à ne pas faire celle qui ne voit rien et qui n’entend rien, sinon je lui aurais clairement dit que je me fichais de ces explications et qu’il avait intérêt à aller dormir de suite sans faire plus d’histoires, mais également, parce qu’au fond, je m’inquiète pour lui. C’est dur à reconnaître et je pense qu’officiellement, je ne le dirai pas de sitôt, mais oui, je ne peux pas agir comme si le brun n’était qu’un de ces étudiants logeant dans le même dortoir que moi et qui aurait eu la brillante idée de réveiller tout le quartier après des semaines d’absence. Ce n’est pas comparable, on parle du père de mon enfant là, de Roxas, et malgré tout, il faut reconnaître que le bébé nous a pas mal rapprochés, suffisamment pour que je me fasse du souci pour lui. Sinon je ne me serais pas embêtée à rester éveillée jusque pas d’heure la dernière fois qu’il a décidé de rentrer si tard sans prévenir.

Cela dit, ce n’est pas pour autant que je me montre un tant soit peu clémente à son égard. Je suis excédée par son comportement d’adolescent qui sort quand bon lui semble sans réfléchir un minimum aux conséquences que cela peut avoir sur son entourage, en particulier quand il fait tomber par deux fois un porte-manteau particulièrement bruyant. Non pas que le fait qu’il puisse être un idiot fini quand il s’y met me surprenne mais bon, est-ce si compliqué de ne pas l’être dès son retour dans l’appartement ? En plus, je ne suis pas dotée d’une patience de fer pour ce qui d’obtenir des explications quand j’en souhaite, alors il ferait bien de se hâter à me les fournir. Je ne sais pas si ce serait plus simple pour lui si je me montrais un peu plus douce dans ma façon de les lui demander, en tout cas, le laps de temps qui s’écoule depuis qu’il m’a dit qu’il allait m’expliquer ce qui se passait devient infiniment long. Chose qui ne fait que m’inquiéter davantage quant à ce qui le tracasse réellement.

En soi, que son meilleur ami n’aille pas bien, ce n’est pas une franche surprise. A vrai dire, c’est même parce que je le sais plus ou moins que je n’ai pas bronché quand il m’a parlé à la hâte de ce séjour improvisé qu’ils passeraient ensemble aux Etats-Unis. Soit, qu’ils aient besoin de faire ce voyage, je le conçois, en revanche, je suis assez sceptique quant à l’approbation de monsieur Kasahara sur la manière dont Ryû s’y est pris pour me mettre au fait. Ce n’est pas comme si ça impliquait de me laisser seule pendant une semaine avec un nourrisson et une tonne de devoirs à m’occuper. Alors oui, c’est un peu facile de se servir de cela comme excuse, ça n’empêche pas qu’il y ait un minimum à faire sur la forme, quand bien même mon importance à ses yeux est dérisoire comparée à celle de son meilleur ami malade. C’est pourquoi je me mets – encore – à rouler des yeux quand il en vient à la conclusion que c’est compliqué. Tout ça pour m’apprendre que la situation est compliquée, eh bien, quelle révélation, je sens que je vais m’endormir moins bête ce soir, que d’ironie.

« Je sais bien que tu veux t’en occuper, je déclare, bien plus calmement tout à coup, en posant ma tête contre ma paume de main, tu ne serais pas là sinon. Je sais que tu fais des efforts et que tu veux bien faire, et merci de reconnaître que tu aurais dû m’en parler un peu plus tôt. Juste… Des fois je n’arrive pas à te suivre. »

Je ne sais pas si c’est moi qui aie du mal pour percevoir les raisons qui le poussent à agir de la sorte ou c’est si vraiment lui qui n’agit pas toujours de façon logique et sensée, mais le fait est que là, j’ai du mal à comprendre ce qu’il cherche à faire. Entre vouloir être un bon père pour son enfant et agir en conséquence, il y a une marge, et je ne suis pas la mieux placée pour donner des leçons à Ryû sur la façon dont on élève un bébé comme il se doit, mais il y a des bases. Genre ne pas quasi s’évaporer sur un coup de tête de l’autre côté de l’océan. En revanche, je me fige immédiatement quand il mentionne de nouveau son meilleur ami, avec beaucoup plus de gravité que précédemment. Dans un sens, je ne suis pas totalement surprise, j’ai bien vu la dernière fois qu’il n’était pas au mieux de sa forme. Mais au point d’être au bord de la mort, ouah, l’entendre de vive voix me donne tout de même un choc. Genre un coup de massue presque.

« Oh, très éloquent oui, on en conviendra, ce n’est pas comme ça que je risque de faire avancer les choses, je ne savais pas que c’était à ce point. Je vois… C’est sûr que ça précipite les choses du coup. Désolée. »

Pour le coup, je me sens bête. Pas particulièrement à cause de mon engueulade qui devient de fait un peu moins justifiée, mais surtout parce qu’au fond, je ne sais pas quoi lui dire. J’ai beau avoir vécu pas mal de choses pour quelqu’un de mon âge, le décès d’un proche est quelque chose par lequel j’ai eu la chance de n’être jamais passée. Alors non, je ne sais pas ce que peut ressentir Ryû à cet instant précis et je ne sais pas si je peux dire quoi que ce soit pour l’aider à aller mieux. Je ne peux que me lever et me diriger à pas hésitants vers lui en me demandant inlassablement ce que je dois faire. Et au final, me contenter de poser ma main sur son épaule pour attirer son attention, vu qu’il a l’air de trouver le paysage extérieur passionnant.

« Je… Si tu as besoin de parler, je suis là. Sans risquer de te faire engueuler bien sûr. »

On pourrait en douter vu ma réaction précédente. Mais là, je suis sincère, peu importe si Roxas a eu quelques minutes d’interruption de sommeil un peu plus tôt et que je suis incapable de savoir quand je vais réussir à trouver le sommeil dans les prochaines heures. Il n’est pas question que je laisse Ryû seul ruminer tout ce qui ne va pas.

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Il y a des choses que je ne peux pas expliquer à Yun Hua. Je ne peux pas lui expliquer à quel point ma relation avec Roy a changé, à quel point nous nous sommes rapprochés au cours des derniers mois. Ce n'est pas comme si nous étions encore capables de nous appeler "meilleurs amis" sans avoir l'impression de mentir, après tout. Alors oui, mon explication reste évasive, j'essaie de trouver un moyen de contourner le problème, quand bien même Yun Hua ne se montre pas très réceptive par rapport à mes explications incroyablement détaillées et utiles. Elle pourrait faire un effort, lire dans ma tête ou je sais pas! Quoique, il vaut peut-être mieux éviter d'en arriver à de tels extrêmes, pas vrai? Je soupire un peu, les bras croisés alors que je l'écoute à moitié, le regard désormais posé sur l'extérieur alors que je reprends mon explication.

Elle pourra dire ce qu'elle veut, m'engueuler jusque dans ses cauchemars, je m'en fous. Roy va mal, très mal, et d'ici quelques semaines il ne sera peut-être même plus là, alors j'ai le droit d'être totalement perdu, non? J'aurais peut-être dû lui en parler plus tôt, ne pas lui asséner la vérité comme un coup de marteau, mais je n'ai pas osé. Je n'ai pas eu envie d'en parler alors que mon propre meilleur ami n'avait pas l'air convaincu à l'idée de me le dire.  Elle peut comprendre ça? Les bras toujours croisés alors que je regarde dehors, je sens ma gorge se nouer quelque peu et je ferme les paupières pour essayer de rassembler mes forces et penser à autre chose. L'alcool ne m'aide pas, évidemment.

« C'est rien... réponds-je d'une voix plus brisée que je ne le voudrais. Tu pouvais pas savoir.  C’est moi qui aurais dû t’en parler…»

Mais au lieu de ça, j’ai fait l’imbécile et continué à agir comme si le monde m’appartenait, sans même prendre la peine de lui expliquer ce qu’il se passait exactement avec Roy. En fait, je crois qu’elle ne sait pratiquement rien à notre sujet, et ce n’est peut-être pas plus mal. Je ferme les yeux pendant quelques secondes et pousse un profond soupir alors que mon regard suit vaguement une personne qui passe en contrebas, et je tourne un peu la tête quand Yun Hua reprend la parole, quand je sens sa main sur mon épaule.

«  Ça va aller, t’en fais pas. »

Mentir comme ça, ça devrait être puni par la loi, je sais, mais bon, ce n’est pas comme si j’avais une autre solution, pas vrai ? Je pince les lèvres et soupire un peu alors que je laisse mes bras retomber, esquissant ensuite un sourire qui n’a strictement rien de convainquant.

« Il a un problème au cœur, en fait, il l’a découvert il y a quelques mois maintenant, quand on s’est disputés. » La dispute, est-ce que je lui en ai parlé ? J’ai comme un doute, maintenant… Enfin, ce n’est pas bien grave, tant qu’on n’entre pas dans les détails. « Il est mort de trouille à l’idée de se faire opérer, et je crois que même si j’essaie de l’encourager, moi aussi. »

Pourtant, c’est bon, j’ai pas de maladie – touchons du bois- et j’ai pas de raison d’avoir peur de crever, pas vrai ? Et pourtant. Je crois que la maladie de Roy m’aura fait comprendre à quel point nos vies ne sont rien par rapport au reste. On peut s’éteindre d’un coup, comme ça, tout simplement parce qu’on n’aura pas été foutu de faire suffisamment attention. Et encore ! Roy est un putain de sportif. Normalement, ces gens-là sont épargnés par ces merdes, non ? Ils sont censés être en bonne santé.  Un nouveau soupir m’échappe alors que je glisse une main dans mes cheveux.

« J’sais que c’est pas une excuse et que j’ai promis d’être là pour Roxas, mais j’fais de la merde au final. »

Et me faire aider ? C’est absolument pas dans mes options. Je sais que je devrais, pourtant, que ça serait mieux pour moi, mais il faut croire que j’ai un égo un peu trop développé pour accepter de me soumettre à une quelconque autorité médicale. C’est pas comme si l’alcool m’attirait énormément de problèmes ces derniers temps, après tout… Ah, ironie. Je ferme les yeux pendant quelques secondes et essaie de rassembler mes esprits avant de reprendre la parole.

« J’lui ai promis d’arrêter l’alcool pour qu’il fasse cette putain d’opération. »

Oui, bon. Doucement, quoi. J’essaie tout seul, comme un grand, parce que l’espoir fait vivre. Je sais parfaitement que je n’y arriverai pas comme ça… L’entêtement est quand même quelque chose d’incroyable, quand on y regarde. Enfin, c’est pas grave. Il y a plus important pas vrai ?

« Ça va aller, ok ? T’en fais pas pour moi, j’ai connu pire. » Je lui adresse un sourire, reconnaissant, avant d’ajouter. «   Le petit a besoin de toi.»

Si on commence tous les deux à s’inquiéter pour des choses pareilles, je crois qu’on s’en sortira jamais. Le bébé a besoin d’au moins un parent opérationnel, pas vrai ? Je me sens tellement con.

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Mine de rien, le voir dans cet état me fait de la peine, me fendrait presque le cœur en vérité. Je ne m’étais jamais vraiment figurée de quoi pouvait avoir l’air Ryû quand il était abattu par quelque chose, évidemment, il n’y a pas si longtemps, un an à peine, je le voyais encore comme cet enseignant un peu tordu quoique sympathique au premier abord que rien ne paraissait pouvoir ébranler, pas même les comportements plus que puérils et parfois insupportables de ses étudiants. Il faut croire que personne n’est assez fort pour demeurer solide dans les passes les plus pénibles et si revoir Hikari avait semblé lui causer un choc déjà non négligeable, la situation de son meilleur ami a l’air d’être sur le point de lui donner le coup de massue de trop. Dans un sens, c’est normal qu’il n’aille pas bien, qu’il s’inquiète, qu’il se préoccupe suffisamment pour partir à la hâte afin d’offrir ce qui pourrait être l’un des derniers moments heureux qu’ils auraient ensemble. Bon, je garde quand même le fait d’avoir été prévenue plus que tardivement en travers de la gorge, mais disons qu’avec cela à l’esprit, cela offre des circonstances atténuantes suffisantes pour que ma rage s’estompe rapidement, et se transforme en inquiétude très prononcée. Quand on y réfléchit c’est un peu devenu un cercle vicieux cette histoire, avec Ryû qui s’inquiète pour monsieur Kasahara d’un côté et moi qui m’inquiète pour lui de l’autre, c’en est presque ironique.

Aussi ai-je le réflexe quasi-immédiat de froncer les sourcils en l’entendant me répondre que ça va aller. Il se fout de moi ? Je dois le prendre en photo pour lui faire comprendre que c’est écrit sur sa tête que ça ne va pas ? Bon, peut-être ne faudrait-il pas en arriver à une telle extrémité mais honnêtement, il n’est pas convaincant pour un sou. Même avec son semblant de sourire, franchement, s’il veut faire croire que tout va bien, il devrait au moins s’entraîner pour que cela paraisse crédible, surtout face à quelqu’un qui sait ce que c’est de se créer une carapace envers les autres. Non il ne va pas bien, mais pas bien du tout, et je comprends mieux pourquoi son meilleur ami en question se faisait du souci quant au fait qu’il ne fallait pas le laisser tomber. Le bon point est que s’il feint de tenir le coup, il n’est pas moins disposé à me raconter exactement ce qu’il en est et je peux enfin savoir quel mal habite le malade en l’occurrence. Un truc au cœur. Génial, le jackpot absolu. Je ne m’y connais pas tellement mais il va de soi que cela reste les choses les plus difficiles à soigner à ma connaissance. Je ne prête pas tant attention à l’évocation de leur « dispute », ça ne me concerne pas après tout et l’important est qu’ils se sont réconciliés depuis je pense. En revanche, je suis bien plus attentive à la mention d’une opération, élément signifiant qu’il y a bien une possibilité qu’il s’en sorte. Mais comme toujours avec ces trucs-là, c’est quitte ou double.

« Je vois. C’est normal d’avoir peur, une opération c’est toujours compliqué, j’énonce en retirant soudainement ma main de son épaule, venant de remarquer que je ne l’avais encore enlevée, toute intervention médicale est risquée en soi, on ne peut jamais certifier à cent pour cent que tout se passera bien. Encore moins dans ce contexte. Mais je pense que ça reste mieux que d’attendre les bras croisés en priant pour que ça n’arrive pas trop vite. »

Le « ça » désignant évidemment le possible décès en question mais je ne me sens pas d’humeur à le dire clairement. Il y a des mots trop forts parfois dans une conversation et je crois qu’il n’est pas nécessaire d’appuyer la gravité de la chose plus que nécessaire. Ça peut paraître facile de donner un tel avis quand on n’est pas directement concerné, quand ce n’est pas moi qui vais passer sur le brancard en risquant d’y rester, mais bon, ça ne me paraît pas moins être une bonne solution. Et puis n’oublions pas qu’il arrive encore que des femmes meurent en donnant la vie alors bon. Je secoue la tête en l’écoutant exprimer ses regrets quant à son attitude envers Roxas, ne manquant pas d’ailleurs de lui donner un petit coup contre son bras.

« Je crois qu’il ne t’en voudra pas d’avoir été absent une semaine. Tu sais, je ne suis pas sûre qu’il s’en rappelle à l’avenir, je plaisante en lâchant un léger soupir, ne culpabilise pas trop, ça va aller. »

Sur ce point, je suis assez convaincue et plutôt optimiste. Pour le moment, ça ne se passe pas trop mal et il n’y a eu aucune catastrophe notoire, même cette semaine alors que je pensais ne jamais m’en sortir. C’est peut-être à cause de cet amas d’appréhensions continu que Ryû s’est pris un ouragan de colère en pleine face. Voilà j’en viens presque à m’en vouloir maintenant, super. La simple mention de son histoire d’alcool suffit à me faire croiser les bras et à le dévisager de haut en bas. Une promesse d’arrêter hein ? De toute évidence, il ne l’a pas tenue si j’en crois l’odeur que j’ai perçue à son retour et le ton qu’il emploie pour en parler. Et je fronce les sourcils sous le coup de l’agacement en l’entendant dire que Roxas a besoin de moi, quand bien même cela semble être un compliment déguisé d’avoir su m’en occuper comme il faut.

« Non, non, pas question que je te laisse dans cet état de loque sur pattes comme ça, je rétorque avec un sourire en coin, Roxas n’a pas besoin que de moi. Il a besoin de toi aussi et même si je sais que tu ne peux pas être entièrement présent pour lui en ce moment, ne crois pas qu’il n’aimerait pas que tu t’occupes de le coucher de temps en temps. Ou que tu le prennes dans tes bras. Et… »

Et la sonnette d’alarme vient de retentir à nouveau. Je n’ai même pas le temps d’achever ma phrase que des pleurs retentissent de nouveau dans la chambre, me faisant profondément soupirer. Et sourire à la fois. Je prends aussitôt le brun par les épaules et le dirige tout droit vers la porte de la chambre, assez fortement pour qu’il ne puisse pas protester.

« Allez, c’est toi qui t’occupes du réveil nocturne intempestif cette fois. Je suis sûre que tu te débrouilleras très bien, j’explique rapidement en ouvrant la porte et de le pousser dans la pièce. »

Ça c’est fait. Deuxième partie de l’opération en marche. Je me dirige vers le frigo sans plus tarder, prenant au passage un carton qui traînait par là – un dans lesquels se trouvaient mes affaires à la base – et ouvre ledit frigidaire à la recherche de bouteilles et cannettes susceptibles de contenir de l’alcool, que je dépose une par une dans le carton en question. Je ne sais pas encore si je vais me contenter de les cacher ou simplement de les jeter, mais au moins, elles ne seront plus là, à disposition.

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Me confier à Yun Hua au sujet de mes problèmes n'était pas vraiment prévu au programme, mais j'ai cru comprendre que tout ce que j'imaginais n'arrivait pas toujours. Après tout, il y a quelques mois, je pensais encore être un homme parfaitement équilibré, qui parvenait à revenir sur le droit chemin après avoir été perdu pendant des années suite à une rupture douloureuse, et maintenant je me retrouve à éduquer un enfant - enfin, on ne peut pas vraiment appeler ça de l'éducation, comme il n'a pas encore deux mois et que je ne suis pas particulièrement présent - avec une étudiante. C'était imprévu, totalement indésirable, au premier abord, mais je réalise doucement que j'ai beaucoup de chance qu'elle ait accepté de s'occuper du bébé également. Si elle avait décidé de demander l'adoption, j'aurais été bien embêté, car je n'aurais certainement pas pu gérer Roxas tout seul, et donc pas pu reconnaître l'enfant, par logique. Si seulement je parvenais à tenir mes promesses, maintenant, les choses iraient certainement mieux.

Le problème, c'est qu'avec l'enchaînement des événements, j'ai perdu de vue les paroles que j'ai données, et j'ai parfois le sentiment d'avancer sur un fil tendu au-dessus du vide. Un pas de côté et c'est la chute. Une erreur et je retombe dans l'alcool, je recommence à sortir et à faire l'idiot. Il suffit de voir l'état dans lequel je me suis mis après mon voyage à Vegas, après avoir croisé Hikari l'autre jour, et enfin lorsque je suis allé voir Roy à Okinawa, peu de temps après avoir appris qu'il était gravement malade. Parfois, je prends peur en me faisant la réflexion que mes problèmes de boisson sont peut-être impossibles à résoudre. Enfin, pas impossible, mais seul... Non, je n'y arriverai sûrement jamais seul, et en avoir conscience est sans doute la chose la plus difficile, parce que j'aimerais vraiment arrêter, j'aimerais ne plus être tenté par la moindre bouteille que l'on pourrait me présenter en soirée, ne pas avoir ce sentiment que tout s'arrangera si je porte mes lèvres au goulot d'une bière ou aux bords d'un cocktail. Sauf que ça ne fonctionne pas comme ça et que la volonté ne suffit pas toujours.

Savoir tout ça ne m'empêche pourtant pas d'essayer de résoudre mes problèmes par moi-même, et lorsque je me retrouve à expliquer à Yun Hua ce qu'il se passe au niveau de la santé de Roy, j'ai presque des regrets de déballer si facilement ce que j'ai sur le coeur. Parce que ce n'est pas dans mes habitudes et que je sais qu'il pourrait m'en vouloir, mais surtout parce qu'il s'agit d'elle. Elle n'a pas besoin de savoir tout ça, surtout pas après que je l'aie abandonnée comme ça, avec le petit, alors que j'avais promis de l'aider. Pas vrai?

Pourtant, alors que je pense l'entendre me dire que ça ne l'intéresse pas au bout du compte, quand bien même elle m'a précédemment affirmé que je pouvais lui en parler si j'en avais besoin, elle tient un discours bien différent. Sur le moment, la surprise est tellement agréable qu'elle m'arrache un sourire. En plus, elle soutient mon avis sur la question, ce qui n'est pas sans m'apaiser un peu. On ne lui dira rien à ce sujet, bien sûr. Trop de fierté dans ce corps. À la place, je la regarde et évoque Roxas, comme il s'agit également d'une chose qui me turlupine, et une fois encore ce qu'elle me dit m'arrache un rire.

« Il le sait peut-être pas, mais moi j'le sais! »

Elle a beau dire ce qu'elle veut, je me sens quand même stupide et inutile. C'est quoi, ça? Une sorte de déprime de jeune père? Genre, le papa qui a l'impression d'être inutile au bébé. C'est pas un peu ironique quand on sait que je suis l'idiot qui passe son temps à l'extérieur, loin de tout? On devrait me coller des claques, parfois.

Je me frotte un peu le bras à l'endroit où elle a frappé, puis je redeviens sérieux pour parler du véritable problème de ce soir. Roy,  la maladie, l'alcool, ma promesse, ou plutôt mon chantage affectif pour le persuader de se faire opérer. On va dire ça comme ça. Rapidement, j'en reviens à Roxas, mais... Bizarrement Yun Hua n'a pas l'air de mon avis. Elle est bien là depuis le début, elle, et elle s'occupe sûrement du petit mieux que je ne le ferai jamais, alors elle a bien plus de mérite, non? Si elle voulait, elle pourrait même dire au gamin que son père est un connard qui passe son temps à voyager sans l'emmener. Comme le sien. Bon, je n'ai pas attiré d'emmerdes à Roxas comme Papa Yun Hua a pu le faire, certes, mais je ne peux pas m'empêcher de comparer nos comportements.

Sans rien dire, je l'observe en écoutant attentivement ce qu'elle me dit, bien que ça me semble un peu... Bah je sais pas, le petit doit pas vraiment réaliser que c'est moi qui m'occupe de lui, pas vrai? Je crois qu'il est pas trop en mesure de vouloir quelque chose d'autre que manger et boire maintenant, non? Malgré moi, les propos de Yun Hua sont rassurants et me réconfortent un peu par rapport à mes décisions des derniers jours. Avec un peu de chance, je ne suis pas totalement à jeter, niveau paternité? On va garder espoir et...

Elle n'a pas fini que le bébé recommence à pleurer. Je pince les lèvres, prêt à clamer que je ne suis pas responsable, cette fois, et avant même que j'ose ouvrir la bouche, je me fais traîner jusqu'à la porte de la chambre que je fixe comme s'il s'agissait de l'entrée des enfers. Bordel, j'suis obligé? Maintenant? J'suis pas prêt, j'ai pas été briefé sur la mission. On ne panique pas, tout va bien se passer. Je ferme les yeux pendant quelques secondes en écoutant les consignes de la jeune maman, pinçant un peu les lèvres alors que je me couvre le visage des mains en poussant un profond soupir, juste avant de me retrouver dans la pièce où le bambin hurle. Help.

«  T'es sûre que... ? »

Mais elle n'est déjà plus là de toute façon. J'entends rien à part les cris du petit, et je m'approche de son petit lit en essayant de comprendre comment on fait descendre la partie amovible, histoire de pouvoir le prendre dans mes bras sans trop devoir faire de gymnastique - car dans mon état, c'est pas trop conseillé, ce qui me pousse à maudire ma mère à plusieurs reprises pour avoir osé choisir un lit pareil, et je finis par prendre le petit dans mes bras, essayant comme je peux de le bercer en lui parlant. Allez. On contrôle la situation. On lui chante l'histoire du petit bateau qui trop vite pour porter des galettes à sa grand-mère? Bon, il faudra réviser les comptines aussi, visiblement. Mais le bébé n'a pas l'air de vouloir se calmer, malheureusement. Je me dirige vers le salon, histoire de chercher le salut.

«  Yun Hua... Il veut pas s'arrêter.  »

On dirait que je parle d'une machine, tout va bien. Oui, parfaitement. Je ferme les yeux et caresse un peu la tête du bambin qui s'agrippe inconsciemment à mon col alors que je le garde contre moi, mais qui continue surtout de hurler.

« On se caaaalme. On dooort. » On garde espoiiir surtout, putain. « Tu crois qu'il peut avoir... Enfin...  »

Chié? On va pas dire ça comme ça, ohlala.

« J'crois qu'il faut le changer.  » Dis-je en me dirigeant vers la cuisine. « Tu t'en occupes? »

Plein d'espoir, le mâle courageux, moi je vous le dis. Enfin, ça, c'est avant de réaliser qu'elle est occupée à mettre des choses qui m'appartiennent dans une boîte.

« Euh, qu'est-ce que tu fais? »

On a un bébé qui pleure, qui hurle, qui a l'air d'agoniser - et qui pue, en plus! - et elle s'amuse à faire du rangement?

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Le titre est un détail

Ce n’est pas dans mes habitudes de fouiller dans les affaires de quelqu’un, encore moins d’y toucher et de les déplacer, mais là, je pense que les circonstances plaident largement à ma faveur et mes motivations sont on ne peut plus honorables. Passer mon temps à fouiner ne fait pas franchement partie de mes préoccupations premières, honnêtement, j’ai autre chose à faire que de chercher à savoir ce qui se trouve exactement dans les effets personnels de Ryû, devenir stalkeuse flippante professionnelle n’ayant jamais fait partie de mes ambitions. Ce serait vraiment effrayant, pour ne pas dire malsain. Et même si je peux m’avérer curieuse par moments, ça ne sera jamais à ce point, je n’irai pas retourner ses poches de veste ou de pantalon, rien que l’idée me dégoûte, pour obtenir une quelconque réponse à une question donnée. C’est un grand, il fait ce qu’il veut, ce n’est pas non plus parce que je lui ai crié dessus il y a quelques minutes d’être limite parti comme un voleur aux Etats-Unis que je veux un rapport complet de ses journées et de ses activités, ça me regarde pas et ça ne m’intéresse pas non plus. Sauf s’il peut m’obtenir la compassion des professeurs par une ruse quelconque, mais je ne pense pas que ça fasse partie de son programme.

Enfin bref, vider le frigo pendant qu’il essayer de se débrouiller avec Roxas est donc une première pour moi et même si j’enchaîne les canettes et les bouteilles à mettre dans le carton, j’en viens tout de même à me demander s’il faut réellement tout enlever. Je veux dire, une bière par semaine n’a jamais tué personne non ? Et ça veut aussi dire que si je veux boire un peu un jour, je pourrais aller me gratter. Tant pis. Il me suffit de trois secondes de réflexion pour en venir à la conclusion que oui, il faut tout abandonner. Parce que quand on a des problèmes comme Ryû, je pense qu’il faut se sevrer entièrement et mettre tout objet de tentation hors de portée. Et en ce qui me concerne, de toute façon, il est bien connu que l’alcool n’est pas bon pour la ligne, on positive comme on peut. Du moment que je ne dois pas renoncer à ma dose quotidienne de nicotine, je pense que je survivrai. De toute façon, la majeure partie du temps, je bois en soirée et en boîte, pas dans le domicile où je réside, je n’ai jamais eu besoin de combler un moment de solitude avec une bière, je me débrouille autrement. Dessiner est meilleur pour la santé, ça ne fait aucun doute.

Sauf que, forcément, je ne peux pas m’atteler cinq minutes à une entreprise sérieuse et importante sans qu’on tire sur la sonnette d’alarme. Evidemment qu’il ne s’arrêtera pas de pleurer tout de suite, c’est un bébé, pas un de ces poupons en plastique à qui on donne de nos jours la capacité de sangloter pour que les petites filles aient l’impression qu’il s’agisse d’un vrai nourrisson et qui finit par arrêter au bout de quelques secondes. Ce qui est de mon point de vue franchement morbide d’ailleurs. Et donc, c’est un Ryû catastrophé que je vois arriver vers moi, tentant comme il peut de calmer Roxas, avec une légère maladresse, mais c’est normal, on ne devient pas expert en deux minutes, moi-même j’ai l’impression de m’y prendre comme un manche des fois. En revanche, je n’avais pas prévu l’odeur désagréable qui les accompagne et je comprends de suite quand le brun reprend la parole. Génial, il fallait que Roxas nous sorte un caca en pleine nuit, merci le gamin. Et l’autre croit que je vais m’y coller en plus.

« Non, non, j’ai dit que tu t’en occupais et même si c’est pour changer une couche, tu le fais. C’est pas si compliqué va, tu survivras. Tout est dans la salle de bains, j’ai même scotché un mode d’emploi sur le mur, si vraiment tu galères. »

Oui, normal – et très glamour aussi – mais bon, quand on s’en sort pas et que la mémoire joue des tours, c’est plus pratique pour ne pas avoir refaire la recherche sur Google encore et encore. On n’en rate pas une pour des nouveaux parents c’est certain mais qui a décrété qu’un bébé devait être aussi chiant dès sa venue au monde et les mois suivants ? Je n’ose même pas imaginé ce que ça donnera à l’adolescence et je crois que je vais renoncer à me projeter de suite. Pour l’heure, si Ryû arrive déjà à se dépêtrer avec la couche, ce sera une grande victoire je pense.

« Je fais un peu de ménage, je reprends en poursuivant ma tâche, qui n’est pas des moindres, tu as bien dit que tu avais promis d’arrêter de boire pour qu’il se fasse opérer, non ? Eh bien, considère cela comme ma participation spontanée à ta bonne résolution. »

C’est aussi simple que cela, on m’a confié la mission de prendre soin de cet abruti et c’est exactement ce que je suis en train de faire en le privant de toute once d’alcool qu’il serait susceptible d’ingérer. Et même s’il m’en veut à mort ou qu’il me gueule dessus pour ça, je m’en contrefiche. Je ne veux pas me dire que s’il lui arrive une nouvelle tuile à cause de l’alcool je n’aurais rien fait pour l’en empêcher, alors même si ça peut paraître extrême, je pense que cela reste une bonne mesure, bien que je sois consciente que ce sera loin d’être suffisant. Mon labeur accompli, je prends la caisse quasiment pleine avec détermination et l’emmène dans la chambre. Pourquoi la chambre, endroit a priori propice à ce que Ryû tombe dessus ? Eh bien parce que j’ai l’idée merveilleuse de ranger la caisse derrière le bac modestement aménagé à la va vite où se trouvent mes sous-vêtements, donc si jamais il essaie de boire d’ici ce que je décide de faire de toute cette collection, ça le fera vraisemblablement passer pour un sale pervers, suffisamment pour que ça pèse sur sa conscience et qu’il y renonce. Enfin j’espère.

Cela fait, j’accoure vers la salle de bains, histoire de voir où en sont les tentatives désespérées du brun et s’il avance dans son périple. Non sans manquer de me pincer le nez pour ne pas risquer une montée dégoût trop forte. J’ai passé assez de temps à vomir à cause de la grossesse, pas question de remettre ça à cause d’un bébé qui a chié.

« Tu t’en sors soldat Katsura ?, je demande avec amusement. »

Je ne devrais peut-être pas me moquer, il doit être sûrement paniquer en cet instant. Mais quand même, je trouve ça assez drôle, je n’y peux rien.

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Le titre est un détail  

C’est bien, je m’occupe du bébé comme un grand, avec tout le talent dont je dispose – et à ce niveau, autant dire que le stock est assez faible – parce que j’aimerais être utile et sérieux, ne serait-ce qu’une fois dans ma vie. Parce que oui, entre ces problèmes avec Roy, mes propres de stabilité et l’arrivée de Roxas dans ma vie, qui l’a encore plus secouée, il faut le dire, j’ai l’impression de ne pas servir à grand-chose, si ce n’est à compliqué encore plus des situations qui sont déjà suffisamment difficile à résoudre. J’aurais tellement envie de me coller des claques, parfois. Heureusement, le visage du petit que j’essaie de calmer suffit largement à me rassurer et à me calmer, bien qu’il soit en train de hurler à la mort et qu’il semble avoir laissé un petit cadeau à l’intérieur de sa couche.

Sauf que le petit, en dépit de tous mes efforts, ne s’est pas calmé, ce qui m’a poussé à venir voir sa mère pour avoir un petit peu d’aide. Genre, je sais pas, j’ai cru qu’elle avait un remède miracle contre les bébés qui pleurent. Les mamans doivent avoir un truc, moi je vous le dis. C’est pas comme si, d’habitude, les bébés se calmaient instantanément quand ils voyaient leur génitrice, hein ? J’aimerais tellement que ça soit le cas de Roxas également, mais je crois que je peux me brosser… Comme pour le reste, quoi ! Papa blasé, j’écoute ?

Mine déconfite, regard penaud, je vous jure que c’est la totale quand Yun Hua m’annonce que je dois me charger du petit. Mais changer une couche, s’il vous plaît, je l’ai jamais fait de ma vie ! Détresse, désespoir, je regarde autour de moi, à la recherche d’un peu d’aide dans le regard d’Arisu. En vain. Je continue à bercer le petit malgré tout, en hochant la tête à la mention d’un mode d’emploi. Un mode d’emploi, genre, un livret avec des instructions détaillées, comme les machins ? Ça m’arrangerait tellement !

« Ok, ok… » Grommelle-je un peu.

Alors que je m’apprête à repartir pour la salle de bain, je réalise que Yun Hua n’a pas l’air de se préparer un sandwiche, sauf si elle mange du verre et de l’alcool, ce qui n’est pas forcément une bonne idée à cette heure de la nuit, comme en témoigne mon attitude du moment. Et mon haleine aussi, mais je doute que le petit s’en doute, hein. Elle fait quoi dans ma cuisine avec mes bouteilles ? Genre, elle pourrait éviter de faire n’importe quoi et de tout vider ? Ça me perturbe un peu, mais je crois que les cris du bébé interfèrent pas mal avec mes pensées. Tout va bien se passer.

« Mais j’ai pas besoin que tu jettes l’alcool que j’ai ici, je peux bien m’empêcher de boire tout seul, comme un grand. »

Bien sûr, c’est pour ça que je sens l’alcool maintenant et que je suis pas foutu de rester une journée sans boire. Vraiment sans boire. Je passe trop de temps à me répéter que j’essaie d’arrêter l’alcool, plus qu’à le faire, en fait. C’est tellement pitoyable. Le pire, c’est évidemment que je le sais, mais que la volonté de mettre un terme à cette mauvaise habitude ne me semble pas suffisante pour y parvenir. Et c’est ainsi que je rechute, encore, toujours. C’est tellement stupide.

« Arrête de tout jeter, ça vaut de l’argent. »

De l’argent, plein d’argent, mon argent. Elle réalise que ça coûte cher, tout ça ? Bon, l’odeur qui me vient du petit commence sérieusement à m’incommoder, alors au lieu de m’attarder sur le sort des bouteilles d’alcool que Yun Hua a l’air de vouloir jeter, j’entreprends de vraiment m’atteler à la tâche qu’elle m’a assignée. À l’avenir, on l’appellera la MCP. Mission Caca Puant. Ça semble tout de suite plus cool d’être papa, quand on peut imaginer des choses particulièrement stupides, comme celle-là. Au moins, ça me fait sourire un peu alors que j’arrive à la salle de bain et que je cherche des yeux la table sur laquelle je dois normalement changer le gamin. Miracle, elle est là !


Je fronce un peu les yeux en essayant de comprendre le mode d’emploi dont a parlé Yun Hua, et je regarde le paquet de couche d’un œil dubitatif en m’assurant que le petit n’a pas trop la bougeotte. Il pleure tellement, c’est pas possible, j’ai l’impression qu’on l’a mordu et qu’il n’a plus envie de se taire, maintenant. Un soupir m’échappe et je me mets finalement à l’ouvrage… Enfin, j’essaie de m’y mettre, mais je suis profondément réticent. Et comme si elle l’avait compris, Yun Hua débarque à la salle de bain et me demande si je m’en sors…


Si je m’en sors ? À vrai dire j’ai l’impression que ça va être la catastrophe d’ici quelques secondes et que le gamin va me faire au visage, mais c’est pas grave. Non, franchement, ils devraient donner des cours aux futurs pères, histoire qu’ils s’habituent aux tâches ingrates qui les attendent. Vous savez, on n’est pas vraiment conçus pour ça, à la base. Genre, notre rôle, c’est de protéger la tribu et de vérifier que la famille ne manque de rien, pas de s’occuper de bébé parce qu’il a fait popo et que ça pue la mort. Bordel. En plus, je sais pas trop ce qui est le pire entre le bébé qui sent et sa mère qui se paie ma tête.

« Ça va, je gère ! »

Oui, enfin, comme je peux, parce que j’ai vraiment du mal, là. Puis le petit pourrait pas se tenir tranquille, un peu ? Au prix de longues minutes de lutte, je parviens enfin à me débarrasser de la couche sale pour en prendre une plus propre. Miracle ! J’avais presque l’impression d’être l’homme le moins doué de la Terre. Presque, hein.

« J’mets ça où ? »

Le premier qui me dit « sur ta tête », je lui en colle deux. C’est vraiment sérieux comme question. Peu de temps plus tard, la couche souillée atterrit dans la poubelle et, après encore un peu de galère face au bébé qui pleure, celui-ci se retrouve muni d’une couche propre…

« Tu crois qu’il va se calmer maintenant ? »

J’espère, putain, j’espère… Un soupir m’échappe alors que je reprends le bébé dans mes bras en le berçant un peu. Je sais pas comment Yun Hua a tenu tout ce temps.

« Tu veux le reprendre ? »

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Le titre est un détail

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas du tout par sadisme ou à titre de revanche si je laisse délibérément Ryû s’occuper de changer Roxas, non je ne suis pas mauvaise à ce point. Même si je dois reconnaître que je m’amuse un peu de cette situation cocasse. Si je tiens à ce que le brun se charge de la tâche – ou corvée à voir – en question, c’est parce que je ne serai pas toujours là pour lui venir en aide au moment où le bébé aura décidé d’inonder sa couche. Si jamais ça se produit pendant que je suis en cours, je ne vais pas sortir de classe précipitamment, encore moins si c’est en plein milieu d’un partiel, parce que monsieur Katsura ne sait pas comment changé un nouveau-né et que je suis son dernier espoir. Et puis, même si à première vue c’est loin d’être idyllique, ça ne peut que le rapprocher de son fils, car oui, malgré tout ce qui s’est passé, je suis bien consciente de ne pas avoir conçu cet enfant toute seule. Déjà je ne passerai pas mon temps à squatter chez lui si ce n’était pas le cas, alors il faut bien que je le laisse s’en occuper de temps à autre. C’est son père tout de même, pas un simple homme présent dans les lieux qui lui fait coucou par moments. Et il serait peut-être temps que ce dernier s’en rendre compte, car prendre soin de Roxas ne se résume pas à lui faire des câlins, malheureusement.

Evidemment, j’ai ignoré comme il se doit ses réflexions concernant ses précieuses boissons. S’il était en effet capable d’arrêter de boire tout seul, sur une simple décision, il ne sentirait pas l’alcool à plusieurs mètres et il ne se débrouillerait peut-être pas autant comme un manche en cet instant même. Je comprends que ça ne soit pas forcément facile, je ne peux qu’imaginer n’ayant jamais eu d’addiction significative, bien qu’on puisse considérer que je suis plus ou moins accro à la cigarette, c’est pour cette raison que j’y mets un peu du mien pour l’éloigner de la tentation. Déjà, s’il ne tombe pas dessus en ouvrant le frigo, il sera moins exposé à la possibilité de boire, c’est toujours ça de gagné. Après, je doute que cela soit suffisant dans l’absolu car il peut toujours en trouver à l’extérieur mais en tout cas, il n’est pas question qu’il boive sous ce toit, encore moins maintenant que Roxas s’y trouve. Imaginez la culpabilité qu’il éprouverait si jamais quelque chose de grave se produisait et qu’il ne soit pas en état de réagir convenablement parce qu’il aura décidé de se faire une soirée beuverie à domicile. Alors je préfère le laisser râler quant au prix des bouteilles plutôt que de renoncer à mon projet. Qui sait, après tout, je vais peut-être pouvoir revendre tout ça à quelqu’un.

C’est plus fort que moi, je ne peux retenir le petit ricanement qui s’échappe de mes lèvres en l’entendant dire qu’il gère. Sauf qu’à mes yeux, ce qu’il fait, c’est tout sauf gérer, mais ça va, ce n’est pas si catastrophique pour une première fois. Pour ma part, je passais mon temps à être paniquée au téléphone avec ma mère à côté, alors je ne vais pas trop la ramener. Et je me fais un plaisir de lui indiquer la petite poubelle toute spécialement prévue pour les couches sales pour qu’il y jette l’arme du crime, cessant après coup de me pincer le nez pour mieux respirer. Ouf, adieu l’odeur nauséabonde, nous avons à nouveau un bébé tout propre. J’esquisse alors un sourire attendri en voyant Roxas enfin apaisé dans les bras de son père, la scène étant on ne peut plus touchante de mon point de vue. Faut vraiment que j’arrête de réagir comme une guimauve à temps partiel.

« Non, pas tout de suite, attends deux petites secondes, je réponds en sortant mon téléphone, afin d’immortaliser la scène avec une splendide photo, voilà, comme ça, on aura un petit souvenir de ce moment épique. Allez, viens voir Maman, Papa doit se reposer, il a bien travaillé. »

Sur ces mots ô combien idiots, je m’empare de Roxas afin d’aller le replacer dans son petit lit douillet, maintenant qu’il semble enfin – et pour de bon cette fois j’espère ! – à plonger dans un sommeil profond. Et je ne peux m’empêcher de l’observer avec un sourire parfaitement débile sur le visage. Il n’y a pas à dire, c’est vraiment le plus beau bébé du monde. Non de l’univers en fait. Bref, je finis par me détacher de cette vision idyllique pour revenir au salon, parce que oui, même si le brun s’est bien débrouillé, on n’en a pas encore fini. Ce n’est pas tout de sortir des belles paroles sur des résolutions à prendre, encore faut-il les concrétiser.

« Bon et sinon, je l’interpelle, en redevenant beaucoup plus sérieuse tout à coup, comment tu comptes t’y prendre exactement pour arrêter ? Tu y as déjà réfléchi ou c’est encore un rêve lointain dans ta tête ? »

Je ne veux pas être blessante, mais si l’opération de son meilleur ami dépend de sa capacité à renoncer pour de bon à l’alcool, il faudrait peut-être se bouger. Surtout qu’on ne sait pas combien de temps ce dernier a encore devant lui, alors autant se retrousser les manches.

« A moins que tu souhaites me parler d’autre chose encore évidemment, puisque nous sommes dans la soirée des révélations, je m’attends à tout, si c’est le cas je suis toute ouïe. Enfin, si tu veux. »

Ce n’est pas comme si j’étais sa psychologue attitrée ou sa confidente, loin de là. Mais bon, s’il est d’humeur à parler de ses problèmes, ce serait dommage de le stopper en si bon chemin. D’autant que je ne suis pas encore prête à essayer de me rendormir.

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Le titre est un détail  

Vous pensez qu’on pourrait m’en vouloir d’avoir envie de m’occuper de mon enfant ? Je veux dire, un père à moitié absent qui passe son temps à boire et à voyager à des périodes où il n’est pas censé le faire, j’imagine que c’est pas forcément la meilleure chose que je puisse apporter à ce gamin, et encore moins dans les premiers mois de sa vie. Reste que j’ai envie de faire mon possible pour que ce gosse ne manque de rien, pour qu’il soit heureux malgré l’imbécile qui lui sert de père et… Oui, j’aimerais que les choses se passent pour le mieux, aussi longtemps que Yun Hua restera à la maison.

Parce que oui, même si je sais qu’elle reste actuellement pour s’occuper du bébé, il y a de fortes chances que cela ne dure pas. Si elle doit partir, j’aimerais au moins qu’elle ne garde pas en tête le père incapable que je peux être, qu’elle réalise que je veux, moi aussi, que notre fils se développe au mieux, grandisse normalement. M’enfin, le moment où elle partira n’est pas près d’arriver et, si je dois être tout à fait honnête, qu’elle reste ne me dérange pas le moins du monde. L’air de rien, on s’habitue à avoir quelqu’un avec soi. En plus, c’est quand même la mère de mon gosse.

Mère qui a d’ailleurs décidé de me ridiculiser en me poussant à m’occuper du changement de couche du bambin qui a fait sa livraison maintenant. Quand papa rentre. À une heure pareille. Lorsqu’il a pas les idées claires. Ça me fait rire, mais croyez-moi que je pleure au fond de mon âme. Néanmoins, je finis par m’atteler à la tâche avec autant d’application que possible, essayant de ne pas avoir de problème durant le processus, parce que c’est quand même important, l’air de rien. Important et terriblement galère, si vous voulez mon opinion.

Lorsque Yun Hua m’indique la divine poubelle, je me débarrasse enfin de la couche sale et je pousse un soupir en reprenant le petit contre moi, espérant sincèrement que cette créature qui crie à toute heure de la nuit va enfin se calmer et retrouver les bras de Morphée. Il est bien beau, mon fils, mais s’il pouvait arrêter de pleurer, ça m‘arrangerait quand même, quoi. Je passe un peu la main dans les cheveux naissant du bébé en souriant un peu, juste avant de demander à sa mère si elle souhaite le reprendre… Mais elle a visiblement d’autres plans.

« Non, mais non ! J’dois avoir une tête horrible là. »

Sérieusement, je dois avoir l’air totalement crevé, c’est pas le moment de faire une photo quoi… Et pourtant je la laisse faire, sans manquer de bercer encore le bébé avant de lui rendre, puisqu’elle semble le vouloir.

« Allez, avec un peu d’entraînement, ça ira tout seul. »

Un ricanement m’échappe, je la laisse partir vers la chambre et, quand elle revient sans le bébé, je comprends qu’elle vient d’aller le mettre au lit. Ça m’arrange, je commence à avoir sommeil, moi aussi, alors si ce petit pouvait dormir ne serait-ce qu’un peu. Malheureusement, une fois encore, on semble ne pas vouloir me laisser le moindre répit et, quand j’entends les paroles de Yun Hua, fraîchement revenue dans la pièce, je lui adresse un sourire des plus innocents.

« [color=black] Je vais arrêter de boire quand j’en ai l’occasion. C’est pas compliqué. »

J’essaie de convaincre qui, au juste? Sans doute moi-même. On me rappellera que je ne suis pas capable de passer une journée entière sans boire, et que je suis particulièrement enclin à acheter de l’alcool, même lorsque j’en ai déjà beaucoup à la maison ?

« J’vois un médecin pour ça, enfin, pour qu’il m’aide à arrêter. »

Et il m’a déjà dit que ce n’était pas assez, il m’a déjà dit que je devrais envisager plus sérieusement de me faire hospitaliser pour ça, un genre de cure… Oui, bien sûr, et je vais abandonner ma maison, mon chat, et maintenant ma famille ? J’vous jure.

« J’veux y arriver, mais c’est pas facile. »

Depuis combien de temps me fais-je cette promesse, après tout ? Sans doute aussi longtemps que pour la cigarette, mais celle-ci ne risque pas de me détruire la santé de la même façon de l’alcool. Les pertes de mémoire, tout ça, c’est pas mon trip, et encore moins avec ma profession. Je passe une main dans mes cheveux alors que je m’appuie sur le fond du canapé, en un soupir qui en dit long. Juste avant que je ne prenne conscience de ses propos qui, sur le moment, me font marquer un temps d’arrêt.

« Autre chose ? » Elle veut dire quoi par autre chose, elle sait des trucs ? Je l’observe d’un œil sans doute trop inquiet, puis je reprends. « Il n’y a rien d’autre. »

Bon, il y a peut-être d’autres petites choses dont je devrais lui parler ; dont je pourrais lui parler, en fait, mais je ne suis pas forcément prêt à lui expliquer que ma relation avec Roy est particulièrement compliquée actuellement et que…

« Ah, si ! » Reprends-je finalement, bien que difficilement. « Le mariage avec Mi… » Attendez, je me rassemble un peu. « T’as plus à t’en faire pour ça, elle est partie et on l’a jamais validé alors... »

Je feins un sourire. J’essaie, oui, mais c’est pas forcément évident. Genre, au moins, elle a pas à se dire qu’elle est la mère du gosse d’un homme marié, c’est déjà ça, non ?

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Le titre est un détail

Pour une raison qui m’échappe, oui, je suis d’humeur à entendre les confidences, aussi nombreuses soient-elles, du brun, certainement pour qu’elles me servent de berceuse afin de retrouver le sommeil. Soit, dit comme cela, ce n’est pas très gentil ni très altruiste, mais il faut avouer que ses péripéties apparaissent si nombreuses que je me dis qu’au bout d’un moment, à force de les entendre, je finirais par être capable de m’endormir à nouveau. Après tout, c’est sa faute si la sonnette d’alarme « Bébé pleure » s’est mise en marche, alors il me doit bien quelques histoires sur lesquelles méditer pour que je puisse rapidement regagner les bras de Morphée. Ce n’est pas souvent que je réclame une bonne nuit de sommeil complète, mais à force de s’occuper d’un nouveau-né d’à peine un mois et demi, on finit par savourer les quelques heures qu’il veut bien nous laisser pour nous reposer, histoire de ne pas ressembler à un zombie le lendemain. A se demander parfois s’il ne le fait pas exprès, afin de s’assurer que ses parents ne sont pas des paresseux finis. Au moins, ça donne l’occasion d’immortaliser certains moments, je me vois déjà écrire « Première couche changée » en-dessous de la photo de Ryû avec le bébé qui sera disposée dans un album, car oui je compte bien la faire développer en plus de ça. Et ce n’est sûrement pas avec plusieurs grammes d’alcool dans le sang qu’il pourra essayer de m’en dissuader, bien que j’espère qu’il aura décuvé d’ici là. Pour l’instant, les rapports de force sont en ma faveur, autant en profiter. Et puis soyons honnêtes, ça lui fait plaisir, il est juste trop saoul pour en avoir conscience.

En revanche, j’arque un sourcil, affichant une mine dubitative alors qu’il se décide à répondre à ma question. Quand il en a l’occasion ? C’est pas compliqué ? Alors pourquoi ça traîne depuis plusieurs mois cette histoire, pour ne pas dire un an ? Pour qu’il en soit encore à rentrer à une heure tardive en ayant bu, alors qu’un bébé loge désormais chez lui ? A force, je pense que je vais devoir me résigner à rester avec Roxas, même quand le brun est là, puisqu’il n’a pas l’air d’avoir pleinement conscience de son état. Enfin, je suis un peu rassurée d’apprendre qu’il consulte un médecin, c’est déjà ça. En fouinant un peu, je devrais pouvoir attraper le numéro de ce dernier pour être directement au fait de la situation. Ok, j’avais dit que je ne m’amuserais pas à fouiller dans ses affaires, mais là, on parle d’un cas d’urgence. Genre au cas où il refuse de me le donner spontanément en affirmant haut et fort qu’il peut se débrouiller tout seul, comme les gamins de dix ans quand ils font leur crise avant l’adolescence.

« C’est bien alors. Et ça se saurait si c’était facile d’arrêter je pense, lui fais-je remarquer avec sarcasme, ça peut devenir grave, alors occupe-t’en sérieusement. Pour ton ami et pour Roxas aussi. »

Parce qu’il est bien conscient qu’un enfant ne peut pas grandir sainement auprès d’un père alcoolique, n’est-ce pas ? Et franchement, on n’en est pas là, mais le jour où il devient dangereux pour lui, je n’hésiterai pas une seconde avant de prendre une décision qui s’avérera nécessaire. Je sais qu’au fond de lui que c’est quelqu’un de bien, en général, mais s’il ne fait pas d’efforts, ça coincera à un moment ou un autre. De toute façon, en fait, il n’y a pas de raison de s’en faire pour cela, puisqu’il s’occupera assidument de ce problème, pour la simple et bonne raison que je le traînerai moi-même à coups de pieds aux fesses chez le médecin si nécessaire. Quitte à le séquestrer par la suite pour l’empêcher de sortir boire un verre. C’est extrême mais aux grands maux les grands remèdes. Il n’est pas question que je le laisse dans sa spirale d’autodestruction parce que monsieur s’est remis à boire après avoir vu Hikari, que depuis il n’arrive pas à arrêter et qu’il est déprimé parce que monsieur Kasahara est malade et que ça l’incite encore plus à boire.

Même si j’avais annoncé qu’il pouvait me parler si besoin, j’avoue que celle-là, je ne l’ai pas vue venir. Le sujet ayant été volontairement passé sous silence ces derniers mois – pas besoin de repenser à des sujets stressants, l’hypertension tout ça – il va de soi que je manque de trébucher, en étant immobile c’est dire, à l’évocation de son histoire de mariage avec Blondie. Je sais bien que c’est moi qui l’ai attaqué lâchement à son arrivée, je ne pensais pas pour autant que la situation avait évolué. Pas comme ça du moins. Elle est partie ? Genre, pour de bon ? Je ne devrais pas me réjouir, je sais bien, pourtant c’est plus fort que moi, cette nouvelle est un immense soulagement. Genre, je ne devrais plus angoisser à l’idée qu’elle débarque sans prévenir, et qu’elle tombe sur moi avec Roxas dans les bras qui n’arrive pas à dormir. Ça m’est même arrivé d’en faire des cauchemars.

« Ah bon ?, c’est ça, fais la surprise détachée Yun Hua, comme si tu n’étais pas du tout ravie d’apprendre ça, oh. Très bien. Hm… Ça va, c’est pas trop dur ? »

Non, la femme qu’il a épousée et qu’il aimait très vraisemblablement est partie, mais je suis certaine que tout va bien de son côté. Quelle idiote. Evidemment qu’il doit être triste et je suppose que ça ne doit pas aider pour ce qui est d’arrêter de boire. Et je n’y peux rien, je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est certainement un peu ma faute, que j’ai ma part de culpabilité là-dedans. Je ne sais pas si elle a jamais su un jour que j’existais ou même si elle savait pour Roxas, mais il est au moins certain que ça a mis des bâtons dans les roues, ne serait-ce que dans la tête de Ryû.

« Je suis désolée. Je n’aurais pas dû m’imposer comme ça chez toi, je n’avais pas le droit de débarquer à l’improviste pour te demander de l’aide après avoir réalisé que je m’en sortirais pas toute seule, je reprends, sans savoir pourquoi je dis tout ça en fait, je… Pardon d’être un boulet qui a fait fuir la seule chose qui te rendait heureux. »

Il n’en faut pas plus pour que je me laisse tomber dans le canapé, rongée par les remords. Les choses ont beau se dérouler tranquillement ces derniers temps et le fait qu’on ait évité la catastrophe absolue a tendance à effacer le reste, je n’en oublie pas moins mes tords sur beaucoup de points, et qui ont peut-être coûté au brun celle qu’il chérissait le plus.

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Le titre est un détail  

La prochaine fois que je viendrai à me dire que jamais je ne parviendrai à me rapprocher d'une personne, je crois que j'y croirai un peu plus sérieusement. Après tout, je n'aurais jamais cru que je me retrouverais un jour à discuter avec Yun Hua, comme si de rien n'était, comme si nous étions parfaitement proches, depuis le début de notre petite existence commune. Enfin, si l'on peut vraiment appeler ça une existence commune. Dans le fond, je crois qu'on peut affirmer que c'est le cas, depuis le moment même où nous avons un enfant tous les deux et que l'on fait de notre mieux pour l'élever. Ok, ok, on va admettre que je suis particulièrement absent ces temps-ci, mais je vais faire des efforts. J'ai promis.

Toujours est-il que je me trouve désormais à discuter en compagnie de ma colocataire - qui rappelons-le, aurait du être temporaire - en essayant d'expliquer mes problèmes du moment, mais surtout en espérant trouver une solution, qui fonctionnerait un peu mieux que cette idée stupide de sortir à tout bout de chant et de voyager au bout du monde. Je comprends que Yun Hua ne soit pas très satisfaite du comportement que j'adopte ces derniers temps, mais je compte sur sa compassion... Allez? Quand elle me répond, je hoche la tête, pinçant un peu les lèvres, parfaitement conscient qu'elle a raison.

« Oui... » Dis-je en réfléchissant encore à cette conversation. « Je vais faire un effort. Enfin, pour de vrai. Je veux m'en occuper. »

"En", c'est aussi bien Roxas que de mon souci d'alcool. Je sais que les deux sont liés. Si je n'arrête pas de boire, Yun Hua risque de partir et d'emmener mon fils avec elle; si je ne m'occupe pas de Roxas, pareil, et je n'aurai plus forcément de motivation pour me sortir de ce mauvais pas. Avoir le coude léger, ça ne se résout pas aussi facilement que je le voudrais, et je me sens stupide maintenant que je réalise que mes efforts ne sont pas aussi fructueux que je l'aimerais.

Mais rapidement, plus que m'intéresser à mes problèmes d'alcool, je décide de m'ouvrir à propos d'un sujet bien plus personnel, bien qu'il touche Yun Hua, d'une façon ou d'une autre. Mi. Cette putain d'histoire avec Mi. Je ne peux m'empêcher de penser que notre romance aurait pu prendre un tour totalement différent si nous n'avions pas agi n'importe comment, si nous n'étions pas allés à Vegas. Ce séjour était parfait, pourtant, et je me suis rarement autant amusé que là-bas, pas même avec Roy, lorsque nous sommes récemment partis à New York. Pourquoi je parle de tout ça avec Yun Hua, alors que je n'ai pas l'habitude de m'ouvrir à elle? C'est sans importance.

« Ça va. » Mens-je en un rire un peu blessé, glissant une main dans mes cheveux. « Je suis un peu passé à autre chose. »

On ne peut pas dire que c'est totalement faux. Me taper mon meilleur ami n'aura pas forcément été le choix le plus stratégique de ma vie, et je dois avouer que je me sens étrangement coupable alors que cette pensée me traverse l'esprit. Pourquoi? C'est totalement stupide, ce n'est pas comme si j'avais quelque chose à dire à ce sujet. Et pourtant, je ne peux pas m'empêcher d'y penser, l'espace d'un instant. Une fois encore, mon regard s'égare autour de nous, alors que je réfléchis toujours trop. Allez, on se reprend.

Mes sourcils se froncent doucement, quand Yun Hua reprend la parole. Pourquoi elle s'excuse? Je ne suis pas d'accord, là. Un bref soupir m'échappe alors que je m'appuie contre le fond du canapé, croisant un peu les bras devant mon torse alors que je pose le regard sur elle.

« Tu t'es pas imposée. » Bon, peut-être un peu, mais c'est pas vraiment le moment de rappeler que la cohabitation était assez difficile au début, pas vrai? «  C'est pas de ta faute si elle est partie. »

Je souris avant de poser une main sur l'épaule de la jeune mère, essayant de me montrer rassurant alors que je ne suis moi-même pas certain de ce que je fais. J'ai été hostile envers elle pendant une période, mais je sais parfaitement que sa situation n'était pas facile non plus. Certes, j'ai tendance à dramatiser la mienne, à penser que j'ai toujours raison alors que je suis le dernier des imbéciles, mais je sais qu'elle a des problèmes bien plus graves à gérer. Il suffit d'entendre son histoire à propos de son père pour le comprendre.

« J'aurais pas pu la rendre heureuse, alors ça valait peut-être mieux.  »

Mon coeur se serre légèrement à ces propos, mais je sais que c'est la vérité. Elle me l'a dit, je l'ai moi-même pensé à de nombreuses reprises depuis que j'y réfléchis. Après tout, les choses sont totalement différentes depuis ma rupture avec Hikari. J'aurais peut-être pu l'aimer réellement, me montrer sous mon meilleur jour, si je n'avais pas eu ce passé sentimental stupidement ancré en moi depuis des années, mais je n'ai jamais réussi à surmonter mes plus gros défauts et, si l'on dit que les ruptures sont plus difficiles pour les hommes que pour les femmes, j'en suis certainement un bon exemple.

« Vraiment, ça n'a rien à voir avec toi.  » Je prends un moment avant d'ajouter avec une sincérité qui m'étonne moi-même. « Être papa, ça me rend heureux aussi, tu sais.  »

Roxas est la chose la plus heureuse qui soit arrivée au cours des derniers mois. Je sais que dire ça est étrange, comme Yun Hua et moi n'avons pas une relation stable, pour ne pas dire pas de relation du tout, mais je le pense. Alors, en un sourire un peu plus franc, j'essaie de rassembler mes esprits pour ne pas glisser dans un sentimentalisme exagéré. Je n'en dis jamais rien, mais je suis vraiment heureux qu'elle ait décidé de garder le bébé plutôt que le faire adopter.

« Je veux pas que tu te sentes coupable de quoi que ce soir, ok ? »

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Le titre est un détail

Plus j’y pense, plus je me sens désolée et particulièrement mal pour Ryû. Pire que ça, je me sens terriblement responsable car il ne faut pas se voiler la face – pour cette fois du moins – ce n’est sans doute pas une coïncidence si elle disparaît environ à la même période où Roxas a vu le jour. Ça me paraît un peu gros tout de même, peut-être que ça n’a pas de lien direct, et peut-être que si, mais je mettrai sans le moindre doute ma main à couper que si je n’étais jamais tombée enceinte, la configuration des choses en aurait été affectée pour eux deux. Qui sait, peut-être qu’ils auraient validé ce fameux mariage, il avait l’air de tenir sincèrement à elle tout de même, et quelques mois plus tard, un petit bout de chou pas conçu par erreur aurait pu également être au rendez-vous. Ça me rend malade rien que d’y penser. Je me rappelle bien que le brun avait tenu à être présent quand bien même Roxas n’a jamais été le fruit d’un amour sincère et que je me suis fait sérieusement sermonner pour avoir essayé de le tenir à l’écart, il n’empêche que j’ai cette sensation désagréable d’avoir empiété sur des plates-bandes qui ne m’étaient pas destinées. Et d’avoir fermé leur accès à toute autre personne par la même occasion. De mon point de vue ça n’est pas si grave, je n’ai jamais été encline à laisser les gens se faire une place dans ma vie de toute manière, mais pour lui, c’était certainement différent. Et comme c’est ma spécialité, j’ai tout gâché.

Et le fait qu’il puisse affirmer qu’il est soi-disant passé à autre chose n’atténue pas le sentiment de culpabilité qui me submerge à cet instant. Je n’aurais jamais dû laisser ma mère imposer ma présence chez lui et j’aurais dû chercher une solution pour que la solution ne s’éternise pas. Même encore maintenant, qu’est-ce que va penser la prochaine fille à laquelle il s’attachera si jamais elle vient ici ? On aura beau lui expliquer les choses, ce sera quand même franchement bizarre, presque malsain même. Rien à faire, le brun a beau essayer de me réconforter et de m’assurer que ce n’est pas ma faute, qu’il n’aurait pas pu la rendre heureuse selon ses dires, il n’en demeure pas moins à mes yeux que je n’ai cessé de lui mettre des bâtons dans les roues depuis tout ce temps. Inconsciemment certes, mais les faits sont là, vivre avec la mère de son enfant n’aide pas à construire une relation sérieuse et saine avec quelqu’un qu’on aime.

« Si je n’avais pas été là, peut-être que tu aurais réussi, je rétorque, la gorgée nouée, les yeux dans le vague, cherchant à tout prix à fuir les siens, tu n’aurais pas eu à te préoccuper de moi, tu aurais pu gérer tes propres problèmes. Et peut-être qu’elle aurait su t’aider davantage. »

Non parce que je suis tout à fait consciente que je m’y prends comme un pied et que ce n’est pas juste en cachant ses bouteilles sur un coup de tête que je me monte réellement utile. J’ai presque envie de m’enterrer sur place, mais bon, c’est peut-être mieux que je ne le fasse pas avant qu’il sache vraiment comment prendre Roxas en mains. No comment. J’en viens presque à me dire que je devrais trouver un studio, même pourri, n’importe quoi, pour ne pas squatter indéfiniment chez lui sous prétexte que c’est plus pratique pour prendre soin du bébé. Enfin, mes sombres pensées se figent au moment même où je l’entends dire qu’être papa le rend heureux. A ce point ? C’est plus fort que moi, j’arque subitement un sourcil à l’entente d’une telle révélation. Non pas que je questionnais son affection pour Roxas ne serait-ce que durant une seconde, mais je ne m’attendais pas à ce qu’il dise cela avec autant d’honnêteté. A moi qui plus est. Et que ce soit si clair dans son esprit, parce que personnellement, même si je l’adore ce bébé, ça n’empêche que parfois je me prends à penser que ça entraîne quand même pas mal de complications. Balayées par un regard de ses yeux adorables, mais des complications quand même.

« C’est vrai ?, je demande, des fois que ce serait une blague, même si ça m’étonnerait, tu ne regrettes pas, même un tout petit peu ? Même si ça va te poser de gros soucis sur le plan sentimental ? »

Moi je m’y suis résignée, ce n’est pas non plus comme si les relations sérieuses étaient ma spécialité, alors ça ne me gêne pas vraiment si je dois encore passer plusieurs années en bonne célibataire endurcie. Mais peut-être que pour lui c’est différent, ce n’est pas une huître bien fermée et mal aimée. Qui sait, ses projets de vie peuvent avoir volé en éclats au moment même où nous avons décidé de garder Roxas. Après est-ce que c’est un vrai problème, lui seul peut le savoir. Pour ma part, je sais juste que ce petit bonhomme compte plus que tout à mes yeux et que si c’était à refaire, je le referais sans hésiter.

« Bon, si tu le dis, je poursuis, en croisant les bras, c’est vrai que tu m’as pas encore jetée dehors, je dois encore avoir un peu de marge, je lâche avec un petit rire. »

On se rassure comme on peut. Cela ne veut pas dire que tout va pour le mieux pour autant mais bon, ça m’aide à dédramatiser en quelque sorte. Quand bien même ma présence ici a eu des conséquences non négligeables pour lui, j’ose espérer que ce n’est pas aussi terrible que je le pense tout de même.

« Si tu as besoin de quoi que ce soit pour ton traitement, n’hésite pas. Des trucs en particulier, je sais pas, s’il faut que je m’occupe de plus de choses par exemple. Autant que je sois utile. »

C’est un peu ma façon de lui montrer ma reconnaissance pour la façon dont il a pris soin de moi ces derniers mois, car mine de rien, il était plutôt attentionné. Plus que je ne l’aurais au départ en tout cas.

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Le titre est un détail  

Je ne sais pas exactement ce que Yun Hua pense de la situation dans laquelle nous sommes. J'ai l'impression qu'en dépit de nos tentatives de nous entendre, nous n'en restons pas moins des étrangers qui tentent d'élever un enfant. Dit comme ça, ça pourrait faire sourire, mais en vérité, c'est comme si j'enchaînais échec sur échec, sans être capable de vraiment m'en sortir, en dépit de ma volonté. Car l'envie de m'occuper de Roxas, je l'ai, tout comme les moyens de le faire, mais je n'arrive pas à mettre de côté des addictions et mes vieilles habitudes : sortir, aller boire un verre en rentrant du boulot, un verre qui s'allonge jusque tard dans la nuit, tout ça. Il n'y a pas à dire, c'est désolant.

« Je ne sais pas. » Un soupir m'échappe, je m'appuie un peu plus contre le dossier du canapé. C'est tellement compliqué. « À Vegas je ne me préoccupais pas de toi et c'est quand même parti en couilles. »

Je ne vais pas mâcher mes mots pour lui dire une chose dont elle a sûrement conscience. Reste que je sais qu'elle n'a rien à voir avec la situation qui existait entre Mi et moi ces derniers temps. Si Mi est partie, ce n'est pas de sa faute, et si je n'ai pas pu la retenir non plus. C'est simplement moi, l'imbécile incapable de réfléchir sérieusement pendant deux minutes. Parfois je me demande comment j'ai pu croire ne serait-ce qu'une seconde que ça aurait pu marcher entre elle et moi. C'est vrai, dans un sens: Mi avait une petite vie bien rangée, elle avait un job assez stable, elle avait eu son diplôme vachement jeune... Je ne sais même pas comment j'ai pu penser qu'un galérien comme moi allait faire l'affaire. Avec un peu de chance, maintenant, elle allait trouver un prince, quelqu'un de vraiment digne d'elle. Je ne sais pas. Ça s'est à rien d'y penser.

« Ça devait simplement pas arriver. »

Depuis cet épisode, tant de choses se sont passées. Il y a eu l'accouchement, ce voyage avec Roy. J'ai parfois le sentiment que tout s'enchaîne un peu trop vite actuellement, enfin, plutôt que tout est allé si vite aux cours des dernières semaines que je me trouve incapable de choisir un chemin sans me planter. L'opération de Roy approche, je sais qu'il va falloir que je prenne des décisions, moi aussi, et pendant que je tourne en rond comme un chien qui court après sa queue, je ne parviens pas à m'occuper de mon fils ni à lui accorder l'attention dont il aurait besoin. Brillant. Je crois qu'il est temps que je me reprenne en main sérieusement, maintenant, avant qu'il ne soit trop tard et que la vie me rattrape.

C'est sans doute pour ça que je me suis attaché aussi rapidement à Roxas. Il est peut-être le seul enfant que j'aurai, vu le nombre de mes relations sérieuses depuis le départ de Hikari, et j'en ai parfaitement conscience. J'ai si souvent hésité à demander à Yun Hua si elle était vraiment certaine de vouloir faire adopter ce bébé, avant de me résigner en constatant son caractère bien trempé, qu'il serait difficile qu'il en soit autrement. Ce bébé est mon fils, il est hors de question que je laisse quelqu'un lui faire du mal, et encore moins si cette personne, c'est moi. Car malheureusement, je sais également que la négligence est une violence en soi, pour avoir vu mon grand-père abandonner sa femme à un sort funeste.

« Oui, c'est vrai. » Avec un peu d'alcool dans le sang, de toute façon, je n'ai pas trop envie de lui inventer une couille. « Tu sais à mon âge, on pense plus forcément à avoir une vie sentimentale. Enfin... » Je fronce les sourcils, réalisant que ce que je dis est assez confus. « C'est pas ce que je veux dire, mais je sais pas comment le dire. »

Après ma rupture avec Hikari, j'ai recommencé à batifoler bêtement. C'est stupide et c'est presque un comportement d'adolescent, à mes yeux. En fait, l'époque où j'étais avec Hikari semblerait presque plus proche de l'âge adulte que ce que je vis actuellement. Paradoxal.

« Juste, t'en fais pas pour ma vie sentimentale. »

Tu vois Tchernobyl? Eh bah c'est pire. Je pourrais lui dire ça comme ça, mais c'est un peu contradictoire avec ce que je viens de lui expliquer, non? Dans un sens, c'est pas totalement faux. J'ai engrossé une étudiante qui a décidé de mettre l'enfant au monde, je me suis tapé mon meilleur ami, si ça tombe, Mi a quitté la région en étant enceinte de moi, avec ma chance. Ouais, je dramatise un peu. Beaucoup. Ouais, je devrais arrêter. Je crois que Pierre de pokemon a plus de chances de trouver une femme que moi, là.

« Tant que le petit va bien, y'a pas de problème. »

Je décoche un sourire que j'espère convaincant avant de me redresser un peu, souriant à ce qu'elle m'annonce ensuite.

« C'est gentil. » Je ris un peu alors qu'une pensée me traverse l'esprit. « Ça veut dire que je peux agir comme un prince? »

Ok, c'est bon, je plaisante, je sais que ça ne fonctionnera pas, mais je ne peux pas m'empêcher de rire à cette idée.

« Sérieusement, là, tout de suite, je crois que j'ai surtout besoin de dormir... »

Étonnant? Pas vraiment à vrai dire. Je crois que je n'ai plus eu une nuit complète depuis bien longtemps et que le voyage à New York n'a toujours pas été totalement assumé par mon organisme. Les fuseaux horaires, c'est plus trop son truc, à mon corps. La trentaine, tout ça. Voilà qui me rendrait presque triste. Je m'appuie encore au fond du fauteuil, puis je relève les yeux, un peu plus sérieux, pour revenir à ce qu'elle a dit un peu plus tôt.

« Le médecin pense que je m'en sortirais pas tout seul, en vrai. »

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Le titre est un détail

En dépit de tous nos différends, de toutes les accusations que j’ai pu porter à son égard, de toutes ces fois où nous avons haussé le ton plus vite que nous n’avons réfléchi, je ne peux m’empêcher de me préoccuper pour lui. Est-ce simplement parce qu’il s’agit du père de Roxas, l’enfant que j’ai à peine mis au monde, et qu’il faut donc que je m’efforce de le garder dans le droit chemin, par instinct maternel en quelque sorte ? J’en doute fort. Me soucier des autres n’a jamais franchement été dans mes habitudes et il aurait été si facile de partir avec le bébé quand j’en avais l’occasion, de ne jamais révéler à Ryû que non, je n’avais pas avorté et de rester éloignée autant que faire se peut. Dans un sens, je ne peux nier que cette galère commune nous a rapprochés, je veux dire, forcément me regarder galérer devant Kingdom Hearts II, ça tisse des liens, ce n’est tout de même pas hasardeux si le prénom qui l’a emporté est Roxas, qui a lui-même fini par devancer Riku. J’en viendrais presque à me prêter à penser que cette cohabitation forcée n’était peut-être pas plus mal, que même si ça a créé des complications et que ça n’a pas été de tout repos, ce qui en est sorti n’est pas si mal. Quoi exactement, je ne saurais pas le dire, mais le fait est que maintenant, on peut discuter dans une même pièce pendant au moins dix minutes sans s’envoyer les reproches à tour de rôle. Quand bien même la conversation a commencé de la sorte, ahem.

Est-ce que dans cette affaire je suis réellement à blâmer pour l’échec sentimental avec la blonde, je suppose que ça restera un réel mystère. Soit, comme il me l’explique, il y a des fois où je n’étais pas mal et où ça a dérapé. Mais peut-on vraiment dire que se marier avec la femme qu’on aime est une erreur, quand bien même on le fait en étant saoul ? Encore une fois, ce genre de choses m’échappe, ce n’est pas comme si j’étais absolument étrangère à tous ces sentiments d’attachement qu’on rapporte à l’amour avec un grand A. Cela ne m’a jamais concernée à vrai dire, mais cela paraît si précieux pour bien des gens que la simple pensée de l’avoir ôté au brun, même involontairement, me fait de la peine. Et me donne à penser que peut-être que mon existence est définitivement une erreur depuis le départ. Heureusement que Roxas est là pour m’en détacher. Et je ne comprends rien du tout à ses explications bancales quant à sa vie sentimentale, en quoi à son âge faut-il y renoncer ? N’est-ce pas un peu triste ? Ok, je m’éloigne là, c’est peut-être le signal pour me dire que je commence à manquer de sommeil.

« Si tu le dis, je réponds sans conviction en haussant les épaules, au pire on pourra toujours se tenir compagnie devant le bonhomme qui nous mènera la vie dure. »

Je suis certaine qu’il ne s’en privera pas celui-là, oh oui, il aura des épisodes insupportables, je le vois arriver tellement de loin que je pourrais commencer à parier sur l’année durant laquelle ça va se produire. Au moins, la certitude de ne pas être seule pour affronter l’avenir avec l’enfant est déjà un bon gros point positif. Soit, il y aurait eu ma mère dans tous les cas, mais honnêtement, ce n’est pas pareil, c’est pas comme si je pouvais me fier à son jugement avec ses affinités bizarres et inexpliquées. Et son côté gaga excessif m’aurait insupporté à force je pense. Bon, en revanche ce n’est pas pour autant qu’il peut se comporter en « prince » comme il le suggère et il n’en faut pas davantage pour que je lui décoche un bon coup de coude dans l’abdomen sans état d’âme.

« Non. Loin de là. N’essaie même pas. Je te propose mon aide, pas mes services ou de me réduire en esclavage très cher, je rétorque avec sarcasme. »

Non pas que je manque de bonne volonté pour donner un coup de main, mais il y a des limites. C’est bien gentil de me tolérer dans ses murs comme un être humain digne de ce nom, ça ne signifie pas pour autant que je suis de corvée de nettoyage, de cuisine, de lessive, de repassage et j’en passe pour toujours en toutes circonstances. C’est l’heure de la modernité, il n’est pas question que je devienne femme au foyer sous prétexte de m’occuper de Roxas, encore moins quand je vis chez un homme qui n’est même pas mon copain ou quelque chose qui s’en rapproche. Faire des efforts ok, me soumettre à plat ventre, certainement pas. Mais bon comme c’est une piètre plaisanterie, je n’ai pas de souci à me faire et je ne peux qu’acquiescer quand il parle d’aller dormir. Il faut des forces pour s’occuper d’un nourrisson relativement actif.

« Ça me va, on tire qui a le lit à pile ou face ? »

Ma bonté n’a pas d’égal je sais, j’étais partie dans l’optique de dormir dans le lit avant son retour, mais en soi, ça ne me donne pas le droit de le monopoliser pour autant. Quoique j’ai parlé un peu trop vite, puisqu’il repart sur le sujet de son projet de se faire soigner. Pas tout seul hein ? Je suis censée le comprendre comment ? Pourquoi il me dit ça, il n’a pas son meilleur ami pour l’épauler ? Ah, c’est vrai qu’il est potentiellement mourant, alors je suppose que ça assombrit un peu le tableau.

« C’est une invitation ?, je reprends avec sérieux, je rêve ou tu es implicitement en train de me demander de l’aide ? C’est une faveur qui vaut cher tu sais, j’ajoute en riant un peu, plus sérieusement, si tu as besoin de quelqu’un pour t’aider ou t’accompagner dans ta démarche, je veux bien me dévouer. Je pense pas être le meilleur coach du monde, mais bon, j’essaierai. »

Ce n’est pas comme si je pouvais fermer les yeux alors qu’on vit ensemble et que je me suis engagée à veiller sur lui de toute manière. Ça me paraît plutôt naturel en fait.

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Je ne peux pas m'empêcher de penser que les choses étaient mieux avant tout ça, quand ma vie était encore un tant soit peu rangée et que je faisais mon travail aussi bien que possible, sans avoir à me prendre la tête pour n'importe quoi. Malheureusement, je ne peux que constater à quel point la situation actuelle n'est pas si horrible qu'il y paraît. J'ai un enfant en bonne santé (ou du moins, il le semble jusqu'à maintenant), et si l'on met de côté mes problèmes d'alcool, les choses se passent plutôt bien pour moi. Mais non, je parviens quand même à me prendre la tête pour des raisons totalement stupides, des choses auxquelles je ne peux plus rien changer désormais, comme la naissance de ce bébé, mes retrouvailles avec Hikari, tout ça.

« Ouais, on pourrait aussi. »

Mon rire est présent, certes, mais je n'oublie pas qu'à cause de tout cela, la vie de Yun Hua est certainement bien altérée. Elle avait peut-être d'autres projets, d'autres envies pour son avenir, et maintenant elle se retrouve à s'occuper d'un enfant en compagnie de son ivrogne de père. J'crois qu'au niveau coût bénéfice, ça fait un plutôt mauvais résultat. Reste que, l'air de rien, ce petit est quand même notre bébé. Nous avons eu beaucoup de mal à l'accepter, nous avons failli le faire adopter, le laisser partir aux bras d'une autre famille qui n'avait certainement rien à voir (et qui, peut-être, aurait été plus bénéfique pour lui), mais je ne regrette pas d'avoir pris la décision de m'en occuper, même si ma présence à ses côtés n'a pas été évidente au cours des dernières semaines.

Le souffle coupé, je proteste un peu suite au coup qu'elle me donne. On n'a pas idée de faire des femmes aussi violentes de nos jours. Et pourquoi je parle comme papy ronchon, exactement? Il serait peut-être temps que je réalise que ce n'est pas en agissant comme ça que je parviendrai à m'attirer l'affection de quelqu'un. Mais heureusement, le rire me revient vite.

« Dommage, ça aurait pu être cool. » Évidemment, la plaisanterie est toujours là. « Hm... Comme tu veux, je peux dormir dans le canapé, si tu veux. J'ai passé une semaine dans un hôtel cinq étoiles, j'peux bien te céder la place un peu plus longtemps. »

Je lui souris, mais je sais que je n'ai aucune raison d'être fier de ce que j'affirme. J'aurais du la prévenir avant de réserver ce voyage, je n'aurais pas du partir comme un connard avec Roy, même si la situation entre nous était particulière. Un soupir m'échappe quand j'y songe. Je suis vraiment le dernier des idiots.

Quand, un instant plus tard, j'ose reprendre la parole pour admettre un fait qui me travaille bien plus que je ne l'aurais imaginé, je souris en entendant sa réponse.

« Ouais, on peut dire ça, avoué-je en riant faiblement, avant de sourire un peu plus à ce qu'elle ajoute. Je te revaudrai ça, vraiment. »

Après tout, rien n'oblige Yun Hua à m'écouter ou à supporter mes moments de faiblesse, tout comme rien ne la contraint, normalement, à rester à mon appartement, mais elle est toujours là, avec le petit, et je pense que je devrais faire un peu plus attention à ne pas les négliger, aussi bien elle, car elle n'est pas un meuble décoratif, que lui. En un soupir, je reprends, quelques instants plus tard.

« Il m'a proposé de faire une cure à l'hôpital, mais je sais pas trop si je suis prêt à faire ça, en fait. J'ai pas envie de vous laisser encore tous seuls comme ça. »

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Comment ça, ça aurait pu être « cool » qu’il fasse de moi son esclave ? Les hommes je vous jure, il n’y a plus de respect en ce bas monde, non seulement il a largement mérité le coup que je lui ai donné, mais il mériterait une bonne paire de claques aussi. Franchement. En vérité, un peu de vannes et d’humour n’a jamais fait de mal à personne et si je fais mine de m’insurger, je n’en cache pas moins mon rire à la suite de sa réponse. On n’en décidément plus à se prendre la tête pour rien, heureusement, ce ne serait pas vivable je pense avec Roxas qui dort juste à côté. Même en mettant cela de côté, ça reste appréciable, après tout, c’est toujours plus agréable quand on s’entend bien avec la personne avec laquelle on vit au quotidien. C’est quand même plus serein que d’être aux aguets en permanence, ne jamais s’arrêter d’être sur la défensive et de se saper continuellement et mutuellement le moral. Je reconnais y avoir été pour beaucoup, avec ma fâcheuse tendance à tout compliquer plus que nécessaire, d’ailleurs, il y a un an de cela, je n’aurais jamais pensé être capable de m’en sortir de la sorte. Ou ne serait-ce que réussir à cohabiter avec quelqu’un – encore moins Ryû compte tenu de nos antécédents – et que ça finisse par bien se passer. Il serait peut-être temps de songer à réclamer une médaille de bravoure.

« Tu gardes quand même le privilège de l’âge, je réplique avec un sourire espiègle, non sincèrement, tu peux avoir le lit cette fois. Et ce n’est pas juste parce que ça veut dire que tu seras de corvée si Roxas se réveille encore. »

Que voulez-vous, je me sens d’humeur généreuse ce soir finalement, et je me dis que, bien que ça puisse paraître superflu, le simple fait de dormir dans la même pièce que le bébé lui ferait du bien et l’aiderait à s’en rapprocher autant que possible. Il m’a clairement expliqué combien ça compte pour lui d’être là auprès du nouveau-né, combien il n’a aucunement l’intention de suivre le sordide parcours de mon père, alors si je peux y contribuer par de petites choses qui semblent toutes bêtes, pourquoi ne pas le faire ? Avant j’aurais réfléchi dans le sens où en quoi ce serait à moi de m’en occuper ou de faire des efforts, mais je n’en suis plus à ce stade. Si je veux que ça fonctionne pour nous tous, il faut bien que j’y mette du mien, je ne suis que trop bien placée pour savoir que ça ne peut être que bénéfique pour un enfant d’avoir ses deux parents auprès de lui  et prêts à tout pour son bonheur.

Aussi ne suis-je pas difficile pour accepter presque immédiatement la demande de Ryû quant au fait de l’épauler dans sa cure et dans son combat contre l’alcool. Il a déjà bien souffert à cause de cette addiction et si je peux contribuer à mettre un terme à cela, je le ferai avec grand plaisir. Ce n’est pas pour rien que j’ai pris l’initiative de cacher ses bouteilles dans un premier temps sans qu’il ait besoin de me dire quoi que ce soit. Et le fait qu’il se montre aussi reconnaissant ne peut que me conforter dans cette décision, oserais-je même dire que ça me fait plaisir en quelque sorte ? Non pas que je m’attendais à ce qu’il s’en fiche, je pense que c’est normal d’être content d’avoir le soutien de quelqu’un quand on doit traverser une telle passe. Juste, pour une raison que je ne cerne pas vraiment, ça me ravit. La fatigue certainement.

« J’y compte bien ! Ça se paiera en nuits de garde du bébé pendant que j’irais m’amuser comme toute étudiante qui se respecte. »

Parce que mine de rien ce n’est pas forcément drôle de rester enfermée tous les soirs pour obligation parentale. Certes, c’est mon devoir de mère en quelque sorte, il n’en demeure pas moins que comme toutes les filles de mon âge j’ai le droit de m’amuser aussi à côté, non ? Et puis je crois qu’avec un père qui part à New York avec son meilleur ami quand il en a envie, avoir une mère qui sort le soir n’est pas si terrible. Tant que ça ne devient pas récurrent au point de délaisser entièrement son enfant. Je n’irais pas jusqu’à être vache avec lui en le laissant seul en permanence avec Roxas par simple vengeance.

« S’il te le propose, c’est que c’est dans ton intérêt, n’est-ce pas ?, je réponds, d’un ton beaucoup plus réfléchi et plus préoccupé, ne t’en fais pas pour moi et Roxas. Pense à ta santé avant tout. Tu n’en seras que plus heureux quand tu passeras de bons moments avec lui avec tous tes problèmes derrière toi et qui ne seront plus là pour te tracasser. Je suis prête à endurer quelques nuits de hurlements supplémentaires si ça peut t’aider. »

C’est sincère, ce n’est pas la peine qu’il retarde indéfiniment l’échéance et qu’il le fasse à moitié sous prétexte qu’il veut être plus présent pour le bébé. Le mieux est de gérer ça rapidement, de front, pour mieux profiter des instants qui suivront. Qui sait, il pourra peut-être se charger de lui apprendre à construire des pâtés de sable cet été ? Ce sera assurément plus sûr que le voyage de l’année dernière et non, il n’est pas question de revenir dessus. Jamais. Ce n’est pas nécessaire de recompliquer les choses maintenant alors qu’on a trouvé un semblant de stabilité.

« Bon, alors tu t’engages à faire cette cure à fond et moi je gère en attendant, deal ?, je propose en tendant la main vers lui, réfléchis bien, la contrepartie risque d’être conséquente, j’ajoute dans un léger rire. »

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E cNon, évoquer l’hôtel cinq étoiles n’est pas forcément la meilleure manière d’apaiser les tensions qui existent entre Yun Hua et moi, mais sur le moment, je n’ai pas trouvé grand-chose à répondre. Il faut dire que la question de qui aura le lit pour la nuit reste omniprésente dans notre cohabitation. Parfois, je me demande même si je ne devrais pas acheter un lit de camp, histoire de mettre un terme à toute cette histoire une bonne fois pour toute. Il faut que j’y réfléchisse, mais ça sera sûrement plus pratique quand j’arrêterai de me dire que, putain, j’ai envie de dormir. Maintenant, tout de suite.

« Traite-moi de vieux, je dirai rien. » Malgré ma tentative de faire la moue, je ricane comme un idiot. Trente-et-un ans, c’est déjà plus vieux qu’une bonne partie de la population, pas vrai ? Je commence à m’habituer à ces blagues nulles. « Si vraiment t’y tiens, ok. »

En vérité, on a compris que je suis plus qu’heureux d’avoir le lit, mais par décence je ne vais pas lui montrer. C’est pour ça que je souris, d’ailleurs, parce qu’il ne faut pas montrer à mademoiselle Bae qu’elle a cédé la place à celui qui en avait besoin pour son vieux dos. Bordel, je crois que je vais m’endormir directement… Enfin, si le bébé accepte de ne pas se remettre à pleurer, évidemment, car ce serait un peu le scénario catastrophe, là.

L’un des inconvénients d’avoir un enfant, c’est évidemment d’avoir un rythme de sommeil profondément perturbé au départ. Déjà, parce qu’il n’arrête pas de pleurer et de se réveiller alors qu’il devrait être simplement en train de se reposer comme le bon gros bébé qu’il est, mais également parce qu’il faut sans cesse s’assurer qu’il dort bien, qu’il a fait son rot, ce genre de choses bizarres, avant de dormir. Non, je n’avais pas hâte de rentrer, mais d’un autre côté, je m’en veux d’avoir laissé Yun Hua le faire seule.

Quand j’entends la contrepartie qu’elle me demande, je ne peux pas m’empêcher de ricaner. Si je lui refusais ça, je serais en total désaccord avec moi-même, avec ce que j’ai toujours pensé et, sincèrement, penserai toujours. Un fin sourire étire mes lèvres alors que je hoche la tête.

« Ok, pas de problème. Chacun son tour, hein ! »

J’espère juste que le bébé n’aura pas de problème pendant qu’il sera sous ma surveillance, parce que je ne garantis pas que je sois capable de m’occuper de lui correctement dans une telle situation. Il faut dire que je ne suis pas particulièrement doué avec les enfants et, lorsqu’il s’agit du mien, je risque d’être encore pire… À moins que l’instinct paternel existe ? Je devrais faire des recherches là-dessus. Que je suis con.

« Ouais, je pense. » Mes lèvres se pincent légèrement et je pose les yeux sur la table qui se trouve devant le canapé. « Je ferai de mon mieux pour y arriver. »

C’est stupide, mais l’entendre parler d’endurer les hurlements me culpabilise un peu. Je garde le silence après ses paroles et, à sa question, je hoche plus vigoureusement la tête, convaincu.

« Oui, je vis le faire et je tiendrai le coup. Mais… Dis, je peux te demander quelque chose ? » Non, me demandez pas, je sais pas moi-même. « Tu pourrais… Arrêter de parler de Roxas comme d’un obstacle ? »

Et alors le père devint émotif… L’alcool, tout ça. Je sais que ça peut paraître stupide, mais sur le moment, c’est vraiment l’impression que j’aie eue. Je pince les lèvres pendant quelques secondes, conscient de la bêtise que je viens de formuler.

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Lui laisser le privilège de dormir dans le lit me paraît définitivement être une bonne idée, après tout, il a beau avoir dormi dans un soi-disant hôtel cinq étoiles durant son séjour aux States – et non je n’ai pas été mauvaise au point de mettre le doigt sur ce détail mal placé – n’oublions pas que pour s’y rendre et pour en revenir, il a dû subir plusieurs heures d’avion et je crois honnêtement qu’il y a plus confortable comme siège ou comme support pour dormir en général. Pour ma part, déjà faire le trajet de Corée au Japon peut s’avérer pénible, alors je pense que cela peut l’être encore plus quand on va jusqu’à changer de continent. Quand bien même c’était pour faire la fête avec son meilleur ami loin de toute préoccupation parentale. Et comme il s’est souvent obstiné à me laisser le lit pendant la fin de ma grossesse, je pense qu’il est juste que je le lui laisse un peu plus souvent maintenant que c’est de l’histoire ancienne et que ça fait déjà plusieurs mois que l’accouchement est passé. Roxas n’a pas nécessairement besoin que ce soit moi qui me trouve à tout juste quelques mètres de lui. Ryû fait peut-être celui qui ne s’en préoccupe guère, celui qui s’insurge que je le prenne pour un vieux, mais je pense qu’il me remerciera demain matin, ne serait-ce que dans ses pensées, de lui avoir fait cette grâce. De toute façon, à une heure pareille, je pourrais dormir sur le sol que ça ne me dérangerait pas.

Il va de soi que je suis ravie de voir qu’il est parfaitement d’accord pour qu’à l’avenir je puisse moi aussi respirer un peu entre chaque moment passé à m’occuper du bébé, parce que mine de rien, j’ai bien besoin de sortir aussi. Prendre l’air, me défouler de manière générale, faire la fête, mince, ce n’est pas parce que je suis tout juste devenue maman que je ne peux plus profiter de mes jeunes années comme il se doit. J’ai beau lui en avoir voulu d’être quasiment parti à l’étranger à l’improviste, dans un sens, outre le fait que c’était important pour son ami en situation critique, je comprends tout à fait qu’il ait eu besoin de s’évader un peu. Ne serait-ce que parce que ce n’est pas tellement bon non plus qu’on soit dans les pattes de l’autre toute la journée, sept jours sur sept. Je ne suis même pas sûre que ce soit déjà sain dans un couple en temps normal, alors pour nous qui s’en sommes même pas un, ce serait terrible. On a chacun notre rythme de vie alors ce ne serait pas vraiment judicieux de rester cloîtrés indéfiniment.

« Exactement !, je renchéris avec enthousiasme, sauf que je ne pense pas aller aussi loin, je préfère avoir les pieds sur terre autant que possible en fait. »

Déjà si je peux sortir le soir ou ne serait-ce que pour faire un jogging, ce serait le pied. Les voyages à l’autre bout du monde – j’exagère, l’Amérique ce n’est pas si loin – ce n’est pas franchement mon truc, je préfère me limiter à un périmètre familier. Sait-on jamais, que je doive rentrer à l’improviste pour une quelconque raison, même si je suis sûre qu’il s’en sortirait très bien tout seul avec Roxas. On finit par prendre l’habitude et ne plus paniquer à la moindre crise de pleurs, heureusement d’ailleurs. Mais avant ça, il faut qu’il s’occupe de son fameux problème d’alcool et je suis soulagée de voir qu’il prend ça au sérieux et qu’il est déterminé à faire cette cure que lui a recommandée le médecin. C’est important après tout, s’il peut aller mieux et en finir définitivement avec cette plaie, pourquoi repousser davantage ? Surtout à son âge, sans vouloir être méchante, il est peut-être temps d’y remédier sérieusement. Pour ma part, je pense avoir encore quelques années avant de me questionner sur ma consommation de cigarettes. Enfin, je crois. Je verrai bien.

Par contre, ce que je n’ai pas vu venir, c’est sa soudaine requête au sujet de Roxas. Que j’arrête d’en parler comme d’un obstacle ? Je ne m’en suis pas rendue compte, sur le coup, j’avoue que ça me déconcerte un peu, je ne vois pas bien où il veut en venir en disant cela. Non là, je le reconnais, je suis un peu perdue, il y a dû avoir un bug au fil de la conversation que je n’ai pas identifié. Enfin bon, ça ne sert à rien de prendre la mouche maintenant, je n’ai pas envie de m’énerver et dans notre propre intérêt, surtout celui de notre sommeil, il vaut mieux que je reste calme.

« Pardon ? Je… Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire, je réplique en fronçant les sourcils, si c’est pour la blague au sujet de la chambre, ce n’était pas sérieux. Il est un peu pénible parfois dans la soirée, mais c’est tout, c’est un bébé, c’est normal. Et si c’est pour le fait que je doive m’occuper de lui pendant ta cure, ce n’est pas ce que j’ai voulu dire non plus. Ça ne me dérange absolument pas, je l’adore, je ne serais pas si patiente si ce n’était pas le cas. Oui c’est un peu difficile par moments, mais ce n’est pas grave. Ce n’est pas le plus important. »

Soit, je veux bien admettre que la manière dont je l’ai reçu tout à l’heure n’a peut-être pas été dans ce sens, à force de me plaindre qu’il n’ait été là dernièrement, il n’en demeure pas moins que c’est loin d’être un calvaire insupportable à mes yeux. Ce n’est pas tout rose tous les jours, mais ça fait partie du quotidien, c’est un peu comme le dessin, c’est ma passion mais il n’empêche que certains devoirs ont parfois le don de me refiler la nausée, sans mauvaise blague. S’il n’y avait que des aspects parfaits, ce serait trop beau, au point qu’on ne les savourerait certainement pas autant.

« Roxas est certainement la meilleure chose qui me soit arrivé dans la vie, je poursuis en me levant et en faisant les cent pas, et je t’interdis d’en douter. J’endurerais volontiers le triple des mois de grossesse s’il avait fallu en arriver là pour avoir cette bouille adorable dans mes bras, c’est clair ? »

Ce n’est pas pour rien si je deviens complètement gaga à la vue de ces yeux radieux et que je passe mon temps à prendre des photos à chaque fois que je trouve un vêtement qui lui va à ravir.

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J’ai beau faire ce que je veux, je ne parviendrai pas à me sortir de ce cercle vicieux qui je reste convaincu de ne faire que des conneries à longueur de journée. Oui, parce que c’est vraiment le ressenti que j’ai ces derniers jours, lorsque je vois les jours passés et que j’ai l’impression de nuire à ceux qui m’entourent parce que je ne gère tout simplement plus rien fans ma vie. Car non, on ne va pas se leurrer, je ne gère vraiment plus rien dans ma vie, ça serait mentir que dire le contraire. Heureusement, j’ai pris des décisions ; les bonnes, j’ose l’espérer ; et les choses iront mieux maintenant. Au moins un peu ?

Malheureusement, avant de pouvoir passer à autre chose j’ai besoin d’exprimer mon inquiétude, l’impression que j’ai par rapport à Yun Hua et au bébé. Mais peut-être n’est-ce que le fruit de mon imagination ? Je peux me tromper, après tout, mais je n’ai pas envie d’avoir encore l’impression que ce bébé est une erreur sur toute la ligne. Je veux dire, si elle n’en voulait pas, elle n’avait qu’à avorter, on n’en aurait plus parlé, mais maintenant que le petit est là, je n’ai pas besoin que l’on me fasse comprendre tout le temps qu’il est une corvée qu’on doit se partager… Mais je vais peut-être arrêter d’interpréter ? L’expression de Yun Hua m’en dissuade instantanément et je pince doucement les lèvres alors que je pose le regard sur elle, hochant doucement la tête pour lui montrer que j’ai compris.

Je la suis du regard quand elle commence à faire les cents pas, l’écoutant toujours attentivement en essayant de me raisonner, ce qui n’est pas forcément évident, comme j’ai encore un peu d’alcool dans le sang, et je hoche une fois encore la tête quand elle me demande si j’ai compris.

« C’est clair… Désolé. »

Tout ça parce que je n’ai pas confiance en mes choix et que j’ai besoin d’être rassuré ces derniers-temps ? C’est tout simplement ridicule. Dire qu’il y a quelques mois j’étais celui qui m’adressait à une étudiante, dans ce foutu couloir, pour lui dire qu’elle ne devait pas s’en faire et qu’elle pouvait toujours s’améliorer. J’ai un peu de mal à croire que cet homme et moi ne faisons qu’un. Un soupir m’échappe finalement alors que je me redresse doucement, étirant difficilement mon dos avant de lui adresser un sourire.

« Je vais aller dormir maintenant. N’hésite pas à venir me chercher s’il y a un problème, ok ? » Je ne sais pas trop ce qui pourrait arriver, mais bon. « Merci encore… »

Il suffit d’un instant pour que je disparaisse dans la chambre, évitant aussi soigneusement que possible de réveiller le petit endormi, me déshabillant difficilement avant de m’effondrer dans les draps, exténué par la soirée. Je crois qu’il est largement temps que tout ça prenne fin, avant que je ne devienne totalement fou.