J’ignorais le nombre de fois où j’avais pensé « je ne devais plus boire » cette semaine. Parce que je gardais en moi cet atroce souvenir de ce séjour au bar avec Sae Ra. J’avais été trop déprimé et je m’en rappelais parfaitement. Je jour suivant, j’avais peiné à tout remettre en ordre, à rassembler les morceaux de la soirée mais lorsque je m’en étais souvenu. Mon coeur s’était tout d’abord compressé à cause de la douleur ressenti. Exactement la même que la veille, sauf qu’elle était probablement plus forte puisque j’étais sobre et conscient de mes actes. J’avais pleuré. Cette constatation m’avait tiraillé, torturé à un point que j’aurais voulu rester enfermé chez moi toute la journée et m’y enterrer. C’était horrible... Ce que j’avais éprouvé à ce moment-là, cette forme de complexe et cette sensation de vouloir à tout prix être aimé par quelqu’un, de ne pas se faire comprendre, de se détester... Bien sûr je le savais déjà et je ne le niais pas spécialement mais ce soir-là, il y avait certainement eu cette goutte de trop que je n’avais su distinguer clairement. Je souffrais intérieurement et je ne m’en rendais même pas compte. Je devais être bizarre. Non, ce n’était pas « je devais », j’étais bizarre. Mais ce n’était pas le pire, enfin, je suppose. Premièrement Sae Ra était avec moi, elle m’avait vu dans cet état de faiblesse, elle m’avait vu aussi misérable et j’avais terriblement honte. Je n’aimais pas qu’on me voit ainsi... Je préférais encore qu’on me déteste parce que j’étais froid et désagréable, plutôt qu’on m’aime parce qu’on avait pitié de moi, de cette personne que j’étais en réalité. Deuxièmement, j’avais eu du mal à tout me remémorer cependant elle m’avait touchée, elle était entrée dans mon cercle d’intimité et... Je l’avais même laisser faire. Cela m’avait paru étrange mais même en me rappelant, j’avais ressenti ce que j’avais éprouvé à ce geste et j’avais apprécié ça. Pour la première fois, cela ne m’avait pas déplu d’être dans les bras de quelqu’un, mon coeur en était encore chaleureux rien qu’à l’image de cet instant. Et je ne savais pas comment réagir si je la revoyais, j’étais mal à l’aise surtout que, même si ça avait été un accident, elle m’avait embrassé. C’était pire que briser mon espace vital ça mais je n’avais pas fait mieux en lui lançant des remarques que je n’aurais jamais sorti dans mon état actuel. J’avais encore plus honte de moi pour le coup. Honte parce que je ne savais pas quoi faire, que j’étais complètement perdu avec toute cette histoire et que je ne comprenais pas pourquoi c’était à elle que j’avais confié tout cela. Evidemment l’alcool y avait beaucoup joué néanmoins, au fond de moi, j’avais la forte impression que ce n’était pas uniquement la raison. Je crois que ça m’effrayait et en plus du fait que je me sentais honteux, c’était également une partie du pourquoi je l’évitais. Parce que oui, je l’évitais. Bon il fallait avouer que je ne l’avais jamais poursuivi non plus ni tenter une quelconque approche. Je la fuyais souvent auparavant parce qu’elle avait toujours cette fichue manie de me courir après afin de m’étouffer d’affection et que je n’étais absolument pas d’accord avec ça. Néanmoins aujourd’hui, c’était différent. Ma raison était moins puéril, plus sérieuse et je crois que dans d’autres circonstances, j’aurais peut-être apprécié de la revoir. Hors avec ce qu’il s’était passé, je ne le voulais plus. C’était lâche et complètement stupide mais on ne me changeait pas. Cela serait trop beau si ça arrivait n’est-ce pas ? Elle n’avait pas arrêté de me harceler de message et j’avais commencé à regretter de lui avoir laisser mon numéro. Je pensais sérieusement à le changer d’ailleurs parce que ça allait vite me prendre la tête si elle continuait. Après Osaka. C’était ce que j’avais pensé en lisant l’avant dernier message. A mon retour à Tokyo - parce que je n’étais pas sur Tokyo - j’irais changer mon numéro. Encore plus lâche que je ne l’imaginais moi-même.

Cependant alors que c’était la pause pendant le match, mes yeux s’étaient arrondis comme des soucoupes à la vue du dernier texto. J’avais retenu une exclamation afin de ne pas alerter ni mes coéquipiers ni Takeshi-san et je fixais mon téléphone avec toute l’incompréhension des plus totales, comme si cet objet bourré de technologie allait pouvoir me répondre. Qu’est-ce que Sae Ra voulait dire par « Je sais ce qu’il me reste à faire ». Je déglutis malgré moi ayant comme un mauvais pressentiment et la confrontation reprenant, j’en oubliai rapidement la venue de ce message. J’aurais sûrement du y accorder plus de temps, me tracasser et imaginer toutes les hypothèses possibles de ce que cette femme serait capable de faire. Néanmoins, je doute que j’aurais songé à l’éventualité qu’elle puisse accourir à Osaka pour me trouver. Mes partenaires étaient partis depuis quelques temps déjà et moi j’avais traîné comme à mon habitude dans les vestiaires. Takeshi-san m’avait dit que si je ne me dépêchais pas, je raterais le train mais j’avais été obligé de mentir - encore - et de dire que je voulais un peu profiter de la ville vu que je n’y venais pas souvent, alors que c’était juste un prétexte pour ne pas me retrouver avec eux. Bien sûr j’aurais pu prendre le train suivant cependant j’étais fatigué, je n’avais pas envie d’attendre et ma seule envie était de me reposer. Un hôtel ferait parfaitement l’affaire. Puis, ne nous le cachons pas, ce n’était pas l’argent qui manquait.

C’était dans un léger soupir que je quittais le stade, cherchant à trouver un taxi pour ensuite trouver un hôtel mais ce au quoi je ne m’attendais pas du tout arriva, comme ça, soudainement. J’aurais pu avoir une crise cardiaque tant j’avais été étonné de la croiser ici. Bien que, je n’en montrai rien non plus. Mon premier réflex toutefois fut d’effectuer un, voir deux, pas en arrière. Malgré tout, je n’aimais toujours pas cette proximité et encore plus après cette soirée. J’ignorais si je parviendrais à la regarder en face d’ailleurs... Le baiser, je pense que je ferais avec, même si ça m’arrivait d’y penser et que ça me troublait. Parce que je n’en avais pas tous les souvenirs de cet instant et c’était assez frustrant. Je ne savais même pas pourquoi je voulais m’en rappeler en fait. C’était sûrement mieux que je ne le sache pas mais au fond, j’avais juste envie de connaître ce que j’avais ressenti à cet instant là... Parce que j’avais osé dire qu’ « elles étaient douces » mais en y pensant maintenant, je n’avais pas cette sensation. Je trouvais même que c’était étrange. Alors sûrement que ivre, je n’avais pas toute ma tête et parvenait à voir des choses que je ne calculais pas lorsque j’étais sobre. Et pourquoi je me tourmentais autant pour un baiser qui avait eu lieu sans que je ne sois conscient de mes actes ? Cela n’avait pas d’importance. Même si on avait été en contact d’un peu trop près à mon goût.
Je ne pus alors me retenir que j’affichais un sourire crispé, frottant nerveusement ma main libre dans mes cheveux châtains. Je n’étais pas très ravi de la croiser ici. Et dire que je pensais à faire changer mon numéro. C’était fichu maintenant.

- En réalité, je comptais même le modifier, Répondis-je donc aussitôt d’une voix ironique, Tu es pire qu’une stalkeuse sérieusement ! Même jusqu’à Osaka, tu me poursuis ! Je n’ai rien à te dire, rentre chez toi.

Je soufflai d’exaspération, serrant fortement la lanière de mon sac posé sur mes épaules et je la devançai sans lui adresser le moindre regard. J’interceptais un taxi à la station d’à côté et montant à l’intérieur, je retins un cri de stupeur en remarquant que Sae Ra venait de monter de l’autre côté. Je voulus sortir mais le chauffeur m’interrompit si gentiment dans mon élan, demandant où il devait nous déposer. Presque instinctivement, j’avais répondu « A l’hôtel le plus proche » avant de réaliser que cette simple phrase pouvait en dire énormément. Mon regard se dévia aussitôt vers Sae Ra tel un mouvement que j’effectuais au ralenti comme pour essayer de me convaincre que ce que j’avais dit ne paraissait pas louche. Mais c’était louche ! Un homme, une femme, à l’hôtel ! Qu’est-ce qu’il allait penser celui-là d’ailleurs ?!

- Enfin... Non, Me repris-je, Ce n’est pas une bonne idée... Mais...

Je voulais me reposer... Et elle était là. Je soupirai, me maudissant moi-même d’être si idiot puis je me résignai finalement.

- En fait si. A l’hôtel.

Tant pis pour les questions qui se poseraient et les réflexions que Sae Ra ne se gênerait sûrement pas de faire à ce propos pour me taquiner. Elle n’allait pas me suivre de toute façon. Du moins, je ne la laisserais pas me suivre.

- Je la jetterais dehors en arrivant, ce n’est pas grave, Ajoutais-je froidement en jouant sur mon portable afin de m’amuser.

Vraiment, mes réactions me faisaient pitié parfois et j’avais envie de me foutre des claques. Paniquer pour une histoire d’hôtel... C’était n’importe quoi. Mais je crois que c’était parce qu’au fond, j’avais peur de ce qui pourrait se passer. Je n’étais jamais à l’abris de mes surprises avec elle.

Comment en étais-je arrivé là déjà ? Parfois, je me demande s’il n’y a pas quelqu’un là-haut qui aurait quelque chose contre moi. Je ne sais pas, peut-être qu’il n’aimerait pas la personne que j’étais ni mon caractère alors il avait envoyé cette fille pour me poursuivre n’importe où j’allais. Il lui aurait dit « Toi, je t’aime bien, tu es missionnée à suivre cet homme pour le restant de tes jours et ce, jusqu’à ce qu’il cède ! » sauf que je ne céderais jamais ! Cela m’insupportait... J’avais l’impression de ne pouvoir être tranquille nul part. Elle apparaissait toujours dans les moments où je l’attendais le moins et à chaque fois, j’en étais tout aussi stupéfait. Parce que je ne comprenais pas... De Tokyo, elle était quand même venu à Osaka et je refusais de croire que c’était un hasard. Ce n’était pas un hasard. Ca ne pouvait pas en être un. Et même si ça l’était, je le refusais. Je persistais à croire qu’il y avait quelqu’un ou quelque chose qui m’avait lancé une espèce de malédiction bizarre pour me punir de mon attitude. Enfin, je ne croyais pas en ce genre de choses mais c’est que cela m’exaspérait réellement intérieurement. Je l’évitais, je faisais de mon mieux pour ne pas la croiser dans les endroits où justement ça aurait pu arriver et ce n’était même pas dans Tokyo que je la retrouvais ! Non, à trois heures de la capitale, rien que ça. Ce n’était pas possible. Le sort s’acharnait sur moi tout simplement et je ne pourrais sans doute pas fuir plus longtemps. Je m’en doutais bien qu’elle était plus coriace que ce que je n’avais pensé jusqu’ici. Dans un sens, cela me touchait et me faisait plaisir de la voir se démener autant pour moi... Je ne pouvais pas expliquer mais plus je la voyais, plus j’avais l’impression qu’elle ne faisait pas ça uniquement pour m’embêter ou pour se moquer. Elle paraissait plus sincère et une partie de moi en était apaisée parce que rares étaient la personnes qui osaient s’aventurer de trop près avec moi. Elle était d’ailleurs la première, à s’y investir autant sans jamais perdre patience. Quoi que je dise, elle se battait constamment et même si je criais, même si je fuyais comme un lâche, ça me faisait plaisir de voir qu’elle n’abandonnait pas. Bien que c’était peu - vraiment très peu - j’avais l’impression que quelqu’un avait peut-être un minimum d’intérêt pour ma pauvre personne. Cependant, malgré ça, je ne pouvais m’empêcher d’être mitigé, de lui en vouloir d’être autant pot de colle avec moi et de ne pas me laisser m’échapper si je le désirais. Je n’avais pas envie d’affronter la réalité. Ma vie était très bien jusque là, je ne voulais pas qu’elle change.

Soupirant discrètement, je sortis après avoir payé le taxi et levant au ciel, mon soufflement s’agrandit. Voilà que pour combler le tout, il s’était mis à pleuvoir. Qu’est-ce qui allait s’ajouter encore de plus à ce calvaire ? Sae Ra ! Mais bien sûr, comment avais-je pu ne pas y penser ? C’était évident qu’elle serait le plus à toutes ses péripéties qui s’accentuaient au fil des minutes qui s’évanouissaient depuis que j’avais quitté le terrain. Il fallait qu’en plus de m’avoir suivi jusqu’ici, jusqu’à l’endroit dans lequel je voulais dormir, elle veuille aussi partager une chambre avec moi. Et bah oui, et la marmotte met le chocolat dans le papier d’alu’, mais bien sûr ! Pas à moi. Ce n’était pas parce qu’elle était trempé ou je ne sais quel autre prétexte que cela l’autorisait à dormir dans la même pièce que moi. C’était un peu abusé de ma générosité là. Oui, parce que je m’estimais généreux de ne pas l’avoir jeté du taxi et de ne pas la laisser planter ici non plus. Je n’étais pas assez idiot pour abandonner un pauvre chiot perdu, mouillé jusqu’aux os dans une ville où il n’était pas habitué de résider. En général, c’était souvent que je considérais comme un chiot perdu néanmoins je ferais une exception pour aujourd’hui. Ma réponse fut autant dire, silencieuse, puisque je n’avais rien rétorqué. Je m’étais contenté de lever les yeux au ciel et de pousser un profond soupir avant de me diriger vers la réception.

- Il nous faudrait deux chambres, Précisais-je bien en mimant le chiffre avec mes doigts après avoir salué l’hôtesse.

Sae Ra ne m’aura pas aussi facilement. J’avais largement les moyens de régler deux chambres. Ce n’était pas dépenser de l’argent à tort et à travers, c’était rare d’ailleurs que je dépense autant, toutefois je préférais agir ainsi plutôt qu’à voir mon espace vital encore réduit en miette. Mais... Ce n’était sans compter cette aura maléfique qui rodait autour de moi et qui s’amusait sadiquement à me jouer des tours.

- Veuillez m'excuser monsieur mais il ne nous en reste plus qu’une, Avait déclaré la réceptionniste d’un air désolé.

Je n’avais rien dit, me perdant dans mes réflexions, pesant le pour et le contre mais je connaissais déjà ma réponse à l’avance. Quoi que je dise, je n’allais pas la laisser toute seule ici et si elle ne se changeait pas, elle allait être malade.

- Je la prend.

Acquiesçant elle me remis les clés ainsi que les explications pour la chambre en question et devançant la demoiselle, mon sac sur les épaules, d’un simple regard je lui fis comprendre de me suivre. Je n’avais pas envie de parler. Je n’étais pas spécialement d’humeur et je ne savais pas quoi dire. Comme je m’y attendais, c’était un lit deux places... Tant pis. Pas de confort pour ce soir, je ferais avec. Je jetais mon « bagage » sur le fauteuil et après lui avoir dit de faire comme chez elle, je répliquais simplement que je revenais. Dans la voiture, Takeshi-san avait appelé et je n’avais pas répondu donc pensant qu’il s’inquiétait, j’avais jugé bon de le rappeler. Et je ne m’étais pas trompé, il voulait simplement s’assurer que tout allait bien, que l’hôtel dans lequel j’étais ne craignait pas trop et des questions plus ou moins similaires. Je m’étais évadé sur la terrasse de l’étage afin de pouvoir discuter plus calmement et j’avais préféré ne pas mentionner toute la partie Sae Ra. Il aurait été trop curieux et je n’étais pas bavard. Plus c’était bref, mieux je me portais. La conversation terminée, je retournai dans la chambre, posant le téléphone sur le bureau et sans réellement prêter attention au fait qu’on était deux dans cette chambre, j’entrai dans la salle de bain, claquant la porte derrière moi. N’hésitant pas une seconde, je retirai mon tee-shirt que je jetai sur le meuble. J’avais déjà pris une douche au dôme mais là, j’avais envie de me détendre, de prendre un bon bain et me reposer. Sauf que soudainement, je prêtai attention à un détail et je pouvais entendre de l’eau couler. Doucement, très doucement, je relevai mon regard avant de laisser échapper un violent cri de surprise s’enfuir de mes lèvres et de me tourner brusquement face à la porte. Bon sang ! Voilà pourquoi je voulais ma chambre à moi tout seul ! Qu’est-ce que Sae Ra foutait dans cette putain de douche ?! C’était de ma faute, je lui avais dit de faire comme chez elle et j’avais complètement oublié sa présence après mon coup de fil, pensant sérieusement qu’elle avait sa propre chambre. Restant dos à elle, je levai mes mains en l’air afin de montrer mon innocence quant à ce « malentendu ».

- Je n’ai rien vu ! Certifiais-je, vraiment gêné par la situation, Je promets que je n’ai rien vu ! Enfin si un peu... Mais ce n’était pas volontaire !

Ah... J’avais envie de me gifler !

- Qu’est-ce que je suis en train de raconter ?! Bref ! Désolé ! Je sors !

Je sortis plus prestement que je n’étais rentré - c’était le cas de le dire - avant de me rendre compte d’un détail et de revenir tout aussi précipitamment dans la salle de bain, attrapant mon tee-shirt posé sur le meuble.

- J’ai oublié ça, Dis-je en gardant mes yeux le plus loin possible d’elle et désignant le vêtement, Désolé !

Et je quittai la pièce pour de bon cette fois-ci, enfilant mon haut avant de pousser un long soupir. Dieu que c’était embarrassant... Pire qu’un baiser accidentel. J’avais d’ailleurs étrangement chaud et je crois que prendre un peu l’air ne m’aurait pas fait de mal. Voilà la raison pour laquelle, j’avais ouvert la fenêtre et contemplant la vue qu’on avait sur la ville, je me donnais des claques intérieurement. Plus gênant, il n’y avait pas pire. J’aurais voulu me cacher dans un trou et ne jamais en ressortir.

Parfois, j’aimerais réellement pouvoir me donner des claques à cause de ma stupidité complètement innée. Je n’avais pas réfléchi une seule seconde, trop perdu dans mes réflexions et voilà ce qui arrive dans ce genre de situation. On en oublie le reste et on trouve des filles toutes nues dans la douche. En l‘occurrence, pour ma part il n’y en avait qu’une mais c’était déjà trop. Beaucoup trop. J’avais honte et je n’osais même pas imaginé comment se sentait Sae Ra encore dans la salle de bain. Un baiser accidentel ça peut passer mais ça... C’était vraiment embarrassant comme situation. Plus pour elle certainement cependant ça l’était pour moi aussi. Je ne me tracassais jamais au sujet des femmes, ni ne manquait de rien à ce sujet, je m’en fichais quelque peu en réalité alors je n’avais pas spécialement envie d’en trouver une dénudée des pieds à la tête dans la même pièce que moi. Ca me mettait mal à l’aise. La plupart des hommes seraient sûrement heureux de ça et en aurait probablement profité mais je n’étais pas comme ça. Peut-être étais-je vieux-jeu ou complètement coincé néanmoins encore une fois je me fixais sur ce qu’on m’avait appris. « Soit toujours respectueux, Keisuke » Répétait souvent ma mère au dîner alors que j’hochais la tête en guise de réponse. J’ignorais si je l’étais vraiment au vue de comment je parlais à mes interlocuteurs cependant j’essayais toujours de faire en sorte de ne pas manquer de respect. Et pour les femmes, c’était pareil. Ce n’était pas des jouets avec qui on pouvait s’amuser de temps en temps et les jeter une fois qu’on n’en veut plus. Ce ne sont pas que de simples corps qui attirent le regard de la gente masculine. C’était l’une des principales pour laquelle je ne m’attardais jamais sur la beauté de quelqu’un ou sur la forme physique de la personne. J’en étais souvent indifférent bien que, encore une fois, je ne pouvais pas accepter d’en croiser une déshabillé dans la douche. C’était malsain et je n’avais pas envie de ressentir une quelconque attraction juste parce que je l’avais vu nu. On n’allait pas se le cacher, quoi que je puisse songer, souhaitant être respectueux ou non, je n’en restais pas moins un homme et mon corps réagissait tout seul. Il ne suivait pas ma raison et c’était ça qui m’effrayait et m’embarrassait le plus. Mais mes réactions étaient ce qui m’exaspérait le plus, à m’exciter aussi bêtement parce que j’étais gêné, ce n’était pas tout à fait moi. Je m’insupportais et c’était aussi pour cela que j’aimerais pouvoir me gifler parfois. C’était désespérant.

Appuyé contre la fenêtre, je ne l’avais pas entendu revenir et le « pervers » qu’elle prononça me fit froncer les sourcils sans que je me retourne pour autant. Je ne l’avais pas fait exprès ! Et si vraiment j’étais un pervers, je serais resté dans la salle de bain à l’observer en train de se doucher. Hors, ce n’était absolument pas ce que j’ai fait même si j’avais agi tout aussi stupidement, je l’admettais. Soufflant, je ne répondis pas à sa réflexion et me dirigeai vers le canapé, levant les yeux au ciel en la voyant me suivre. C’était à cet instant là que j’avais remarqué qu’elle avait enfilé un peignoir. Non mais sérieusement, ne pouvait-elle pas mettre autre chose ?! Encore plus après ce qu’il venait de se passer... Je commençais sérieusement à me demander si par ailleurs, Sae Ra ne faisait pas exprès d’essayer de me provoquer. Je lui avais fait face brusquement, m’apprêtant à lui faire une réflexion à ce propos sauf que, elle ne devait pas être si à l’aise qu’elle tentait de le faire paraître, elle s’entremêla les pieds sur le terre et tomba sur moi, sur le divan. Ma respiration s’était aussitôt bloquée. Proches. Trop proches. Je ne voulais pas, je détestais ça. Machinalement, je posais mes mains sur elle de façon à la repousser avant de me rendre compte d’un détail, tandis qu’elle disait machinalement. Mes pupilles se dilatèrent tant j’étais abasourdi, et je tendis mes bras de chaque côté comme pour éviter de toucher encore un endroit qu’il ne fallait pas. Là sur le coup, elle aurait raison de me traiter de pervers même si ça n’avait pas été volontaire... J’avais presque ploté ses seins ! La honte... Je pouvais être l’homme le plus insensible de la terre, je crois que je n’avais pas pu empêcher le rouge d’empourprer mes joues. Mes paupières s’étaient fermés automatiquement alors que je n’osais pas bouger. J’espérais que Sae Ra daigne se lever parce qu’en plus de ne pas supporter cette proximité, j’étais extrêmement mal à l’aise et j’avais chaud. Je ressentais quelque chose que je n’éprouvais pas habituellement, peu importait la situation, généralement, je ne réagissais pas aux avances des femmes et en était complètement indifférent. Aujourd’hui, je ne savais pas pourquoi mon corps se mettait dans des états inconcevables et ça me déstabilisait encore plus. J’étouffais mais d’une manière différente de d’habitude, je me sentais oppressé mais pas que... Il y avait cette sorte d’attraction bizarre et je n’étais pas idiot, je l’avais déjà connu par le passé, alors je savais ce que c’était. Et je me maudissais parfois. C’était frustrant, gênant, humiliant.

Quand elle se décalai enfin de moi, je poussai un profond soupir et me levai à mon tour, avant de la foudroyer du regard. C’était de sa faute tout ça. Si elle ne s’était pas ramenée à Osaka pour me voir, je n’aurais pas eu à subir tant de péripéties en même pas une journée.

- Je vais me doucher, Déclarais-je froidement sans lui adresser le moindre coup d’oeil.

La soirée allait être longue. J’avais ce pressentiment là. Il fallait dire qu’elle avait tellement bien commencé aussi. Déshabillé, je me glissai sous la douche et appréciai les gouttes d’eau chaude qui déferlaient sur mon corps. C’était bon. Agréable et ça m’apaisait. J’aurais pu y rester pendant des heures mais je me résignai à sortir une fois que je m’étais calmé, que j’avais « oublié » les évènements ayant eu lieu il y a quelques instants. J’enroulai une serviette autour de ma taille et me séchai les cheveux avec une autre. Je me sentais déjà mieux bien que du coup je n’avais pas pu profiter d’un bon bain. Seulement avec cette histoire, l’envie était passée je suppose.
Laissant mes yeux vaqués autour de moi, je me rendis compte d’un détail, je n’allais pas remettre le même tee-shirt pour dormir si ? Je soufflais, ne souhaitant pas m’engouffrer dans la chambre à moitié dénudé... Je commençai à réfléchir, me contemplant dans le miroir afin de constater mon état. Il n’y avait plus de marques, juste quelques petites cicatrices datant d’il y a quelques années. Bon. Tant pis. Je rangeais convenablement le drap de bain que j’avais utilisé pour ma chevelure à sa place et sorti de la salle de bain, n’accordant toujours aucune attention à ce que faisait Sae Ra dans la pièce.

En premier lieu, je farfouillai dans mon sac de manière à voir si je n’avais pas un rechange que je pourrais mettre pour dormir mais je n’y trouvai rien. Poussant un énième soupir, je me résignai à prendre un kimono situé dans l’un des tiroirs du bureau. En général il y en avait souvent dans les hôtels, un pour chaque personne et pour dépanner, je dois dire que c’était une bonne idée. Je déposai celui de la jeune femme sur le lit en lui indiquant clairement de l’enfiler puis je m’échappai à nouveau dans la salle de bain pour mettre le mien. J’essayais de rester normal, impartial et pas touché par les circonstances cependant c’était difficile et ça m’épuisait. Il y avait eu trop de choses qui étaient tombées d’un coup et je n’étais pas habitué à subir autant de remue-ménage. Une fois habillé, j’attendis quelque peu avant de retourner dans la chambre pour être sur qu’en revenant, je ne la retrouverais pas à nouveau dénudé. Heureusement ce ne fut pas le cas et retirant mon sac du fauteuil, je m’y installai dessus, closant mes paupières. L’atmosphère était étrangement pesante. Et même sans ça, je n’étais pas très heureux qu’elle soit là... Pas après tout ce qui s’était passé depuis notre rencontre. Cependant j’avais l’impression qu’il y avait quelqu’un contre moi, qui faisait en sorte de toujours créer des situations embarrassantes entre nous afin de nous rapprocher. Je ne voulais pas me rapprocher ! Pourquoi était-ce si difficile à comprendre cela...

- Voilà pourquoi tu n’aurais pas du venir, Crachais-je d’un ton détaché, n’ouvrant pas mes yeux pour autant, Cela aurait évité ça !

J’avais juste envie de profiter de cette soirée pour me reposer, me détendre ailleurs et loin de la capitale. Mais encore une fois, mes plans avaient été modifié.

- Et je ne suis pas un pervers...

Je doutais qu’elle ait entendu cette phrase puisque je l’avais grommelée entre mes dents. Enfin... Puisqu’elle était là à présent, je ne pouvais plus réellement fuir... Et je savais que si elle me cherchait de partout, c’était parce qu’elle avait envie d’explications quant à mon comportement lâche de ces derniers jours.

- Pourquoi tu n’as pas compris ? Repris-je alors froidement, rivant cette fois-ci mon regard glacial en sa direction, Que si je ne répondais pas, c’était simplement que je ne voulais pas te voir. Je t’ai donné mon numéro parce que tu me l’as demandé, cela ne signifiait pas que j’allais forcément y répondre !

En somme, c’était vrai. Même si habituellement, quand on m’appelait ou m’envoyait un texto, je m’arrangeais pour y répondre à un moment ou un autre. Si dés le départ je n’avais pas eu l’intention d’établir de contact avec la personne, je n’aurais pas donné mon numéro. Très peu étaient ceux qui l’avaient parce que je refusais souvent... Pour Sae Ra, je m’y étais résigné parce que malgré tout, je voyais qu’à sa façon, elle était là pour moi. Donc même si ma remarque était juste, elle n’en restait pas moins un mensonge.

Je ne savais pas quoi penser de tout ça. Je ne savais pas où poser ma tête, ni comment me détendre. J’aurais juste voulu pouvoir m’enfuir loin de tout ça, agir comme un lâche et ne rien affronter. J’étais bien seul. Cela ne m’avait jamais dérangé jusqu’ici alors pourquoi maintenant cela serait-il différent ? Je n’avais pas besoin qu’on essaie de me comprendre – moi-même je peinais à me comprendre de toute façon – je m’en suis toujours sorti jusqu’ici sans avoir besoin de personne. J’étais habitué à la solitude et au moins je ne me tracassais pas du mal que je pourrais faire ou que l’on pourrait me faire. J’ai toujours été indifférent, n’accordant aucune importance à ce qui m’entourait, observant la vie d’un air blasé sans jamais me soucier de quoi que ce soit. Du moment que je m’occupais de moi-même, j’estimais déjà cela amplement suffisant puis rien que ça, c’était un immense effort pour moi. J’avançais en suivant les « conseils » des autres et j’essayais de ne pas tourmenter. J’avais un peu le « cœur de pierre » comme on me disait souvent. Parce que peu importait les situations, je n’avais pas la moindre réaction. Aujourd’hui, c’était quelque peu différent, avec elle. Tout me tombait sur la tête et j’étais incapable de discerner quoi ce soit, de saisir mes agissements ni ces sensations qui sillonnaient en moi. En partie, ça m’effrayait. Pourquoi maintenant j’éprouvais des choses alors qu’avant rien ne me traverser l’esprit ? C’était aussi l’une des raisons pour laquelle je l’évitais je suppose. Je n’avais pas envie que ça change. Je me plaisais tel que j’étais et le changement me terrifiait. J’avais honte aussi… C’était la première fois que je me montrais aussi pitoyable devant quelqu’un et je ne voulais pas que ça recommence. Je ne voulais pas non plus qu’on s’immisce dans ma vie privée afin d’en déceler les failles. Moi-même je ne les trouvais pas alors je ne souhaitais pas qu’on s’en charge à ma place. C’était déjà assez douloureux comme ça.

Néanmoins Sae Ra me sortit de mes rêveries, m’obligeant à relever la tête en sa direction, sans l’once d’une expression au sein de mes pupilles. Pourtant à chaque mot qu’elle prononçait, mon cœur se compressait si fort que j’avais l’impression qu’il allait se déchirer. C’était comme des coups de poignards qu’on m’infligeait avec sadisme et dont j’en ignorais les raisons. Même si elle ne le disait pas à proprement parler je pouvais ressentir à quel point mes paroles ainsi que mes actes l’avaient blessé. Mais en même temps, elle n’avait pas tout à fait tort… Avais-je déjà voulu la voir volontairement ? En réalité, je ne m’étais jamais posé la question et je ne pensais pas aux gens qu’on m’entourait. Peut-être pourrait-on appeler cela de l’égoïsme néanmoins de mon point de vue je n’avais pas l’impression que c’était le cas. C’était juste que je n’y pensais pas… Je n’étais pas habitué à ce qu’il y ait des personnes qui puissent tenir à moi ou simplement désirer me voir. Je songeais toujours que j’étais seul alors l’idée même de m’inquiéter pour les autres ne me traversait pas l’esprit. C’était une grosse erreur de ma part cependant je ne le faisais pas spécialement exprès… Donc, malgré moi, ses dires m’atteignaient. Puisque ce n’était pas que je n’avais pas voulu ni cherché à la voir, c’était simplement que je n’y réfléchissais pas. Et je ne la comprenais pas non plus… Elle connaissait mon caractère, la mauvaise personne que j’étais et même si je l’ai rejeté un nombre incalculable de fois, elle revenait toujours vers moi. Quitte à devoir faire trois heures de train pour me retrouver… Je me disais qu’il ne fallait pas être bien dans sa tête pour avoir de telles idées, pour vouloir à tout prix me croiser et faire en sorte de s’entendre avec moi. Non, je ne la comprenais pas. Depuis qu’on s’est rencontré, je n’ai jamais été des plus agréables avec elle et pourtant elle persistait à me courir après. Qu’avais-je de si bien à ses yeux ?

Je ne la quittais pas du regard, tentant de trouver des réponses à mes questions en l’observant cependant je n’y entrevis pas grand-chose. Un néant total. Je me sentais mal sans que je ne puisse réellement expliquer pourquoi. Qu’avait-elle fait de moi ? Je n’aimais pas avoir à me poser autant de questions, à me torturer la tête en me demandant qui j’étais, si j’étais une bonne ou une mauvaise personne, si ce que je faisais était bien… Je détestais ça. Je n’avais pas l’habitude de ressentir toutes ces émotions à la fois, de me mettre à pleurer, de m’énerver ou même d’avoir tout simplement chaud parce qu’une femme était dans la même pièce que moi. Je perdais complètement les pédales… Je soufflais, n’ayant pas vraiment envie de m’expliquer. De toute façon, elle avait plus ou moins vu juste alors pourquoi tenter de se justifier à présent ?

- Désolé, Fis-je simplement, détournant mes prunelles ailleurs dans la chambre, gêné.

Que pouvais-je dire d’autre après tout ? Je le pensais. J’étais réellement désolé de lui causer autant de soucis alors qu’elle faisait en sorte qu’on s’entende. Je fuyais toujours comme un lâche… Je ne méritais même pas un seul zeste de l’attention qu’elle m’accordait.

- Je ne savais juste pas comment agir, c’est tout. Bien sûr que j’ai honte de moi ! J’ai ma fierté. Mais je n’arrive même plus à me comprendre. J’ai toujours été bien jusqu’à aujourd’hui et y a fallu que tu te pointes pour tout chambouler. Je ne fais que me prendre la tête constamment parce que je réfléchis trop. Je suis lâche, qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Je choisis toujours la facilité, je suis comme ça.

Cependant je doute qu’agir ainsi me rendrait plus heureux. A fuir autant, je finirais sûrement seul au final. Et d’un certain point de vue, je suppose que c’était triste. Pourtant cela ne me motivait pas à changer… Je m’y étais souvent préparé.

- Je ne t’ai jamais considéré comme une mauvaise personne ni que je ne t’appréciais pas ! M’emportais-je en me levant soudainement, Mais sinon quoi ? C’est mon caractère, à force tu devrais savoir que je suis ainsi ! Je ne vais jamais vers les gens, je ne fais pas d’efforts non plus et dés qu’il y a un truc, je m’enfuis !! Je ne sais pas faire autrement ! Oui j’ai peur ! Bien sûr que j’ai peur, je suis complètement terrifié même ! Parce que je vois bien que je ne suis pas comme d’habitude, que ma vie change ! Et je ne veux pas ça !! Est-ce si difficile à comprendre ?! J’ai toujours été enfermé dans mon monde et toi tu débarques comme ça, sans prévenir, et tu bouscules tout ! Je suis paumé, troublé et par-dessus tout effrayé parce que justement, je n’y comprends rien !

Nerveusement je frottai mes cheveux de ma main, et claquai ma langue contre mon palet.  Voilà que j’étais en colère maintenant. Et je ne pouvais même pas expliquer pourquoi. Cela m’avait mis hors de moi sans que je n’ais de raisons précises. Il n’y avait réellement qu’avec elle que je passais par toutes ses émotions. C’était frustrant mais également si terrifiant…Je la foudroyai du regard puis n’ajoutant rien d’autre, je sortis de la chambre en claquant la porte dans un fracas. Tant pis pour elle. Je ne parvenais pas à savoir ce qu’il me prenait mais de façon à me calmer, je m’échappai de plus bel sur la terrasse de l’étage, m’appuyant contre la rambarde et j’observai la ville. Le vide était immense néanmoins le spectacle en soit était beau à regarder. Tous ces gratte-ciels illuminés, la tour d’Osaka brillant au loin et le ciel noir où quelques étoiles apparaissaient enfin. Depuis petit, j’ai toujours été admiratif de ces astres et rien qu’en les regardant, doucement, ça m’apaisait. J’avais l’impression que rien ni personne pourrait m’atteindre. Et j’aimais ce sentiment : la liberté. C’était ce à quoi ce paysage me faisait penser. Toujours.

Je ne me comprenais décidément pas. Ni pourquoi je m’étais emporté d’ailleurs. Je suppose que c’était à cause de toute cette frustration que j’emmagasinais en moi ces derniers jours et que j’avais eu besoin de ressortir. Je ne m’énervais pas souvent cependant cela faisait déjà deux fois avec elle que je me mettais en colère et que je ne parvenais pas à me contrôler. Pourquoi ? Qu’était-elle en train de faire de moi ? Sincèrement. Je ne saisissais plus rien. Ce changement m’effrayait vraiment, j’en tremblais tant j’avais peur parce que je ne voulais pas que ma vie bascule, qu’elle prenne un nouveau tourment. C’était lâche cependant je préférais garder celle que j’avais jusqu’à aujourd’hui... Je détestais ressentir toutes ces choses et me prendre la tête à cause d’une seule et même personne. Ce n’était pas dans mes habitudes. J’avais même l’impression que ce n’était pas moi puisque je ne me reconnaissais pas. Je n’avais rien contre Sae Ra, je suppose qu’au fond je l’aimais bien néanmoins je n’avais pas envie de m’attacher. Ca aussi, c’était lâche et égoïste néanmoins dans le passé, à chaque fois que je m’attachais à quelqu’un, je finissais toujours par les perdre d’une manière ou d’une autre. Soit par ma faute, soit parce que j’avais été trop naïf et qu’on s’était servi de moi pour un but précis que je n’avais jamais deviné. Je m’en voulais pour la jeune femme bien sûr, je m’en voulais de la blesser et de la rendre triste alors que ce n’était pas volontaire. Toutefois, c’était plus fort que moi... Je fuyais, bien que je savais qu’elle ne jugerait pas, qu’elle semblait tenir à moi, je ne faisais pas d’effort et l’évitais à tout prix. Parce que je n’avais pas d’autres solutions et que l’affrontais était juste trop pour moi. J’avais honte. Mais pas seulement... J’étais aussi terrifié. Je détestais le fait qu’elle soit apparu si soudainement pour chambouler toute mon existence qui jusque là n’avait même pas bougé d’un pouce... Mon coeur se compressait tant la douleur de cette angoisse était puissante... Qu’étais-je censé faire ? N’y avait-il donc personne pour me porter un coup de main ? Pour m’aider à faire le bon choix et ne pas faire n’importe quoi comme on me l’avait toujours enseigné jusqu’à présent.

Poussant un profond soupir, je levai mes yeux vers le ciel, comme si effectuer ce geste allait me donner les réponses que j’attendais. Une fine esquisse traça mes lèvres tandis que je contemplais ce somptueux paysage qui s’offrait à moi. Je ne pouvais expliquer pourquoi j’aimais autant ça cependant quand j’étais plus jeune, il m’arrivait de m’allonger sur le terrain de baseball près de la maison et d’observer l’espace. En silence, je m’amusais à les compter les unes après les autres, me demandant ce que ces astres pouvaient bien signifier et je les nommais. Je pense que c’était à cause de cette solitude qui m’encombrait alors je considérais les étoiles comme mes seuls alliés. Certains disent que ce sont les personnes décédés qui nous observent et veillent sur nous. Je n’ai jamais su trouver une réponse à tout ça, savoir ce qu’il en était réellement fond. L’unique chose que je savais, c’était qu’elles avaient bercé toute mon adolescence et aujourd’hui encore, elle m’apaisait grâce à leur beauté inouïe. Elles me permettaient de réfléchir paisiblement sans que je n’ai trop à me tourmenter.

J’ignorais cependant quoi penser de ça... Mon coeur avait l’air triste, comme si un creux inconnu avait commencer à se créer à l’intérieur. Je pense que c’était à cause de cette histoire, que je me reprochais mes propres actes mais aussi le fait de ne malheureusement pouvoir rien y faire. Et c’était à ce moment là que je sursautai de frayeur en sentant quelque chose se poser contre mon dos. Machinalement mon corps se crispa tout en entier, incapable de faire le moindre geste jusqu’à ce que la voix de Sae Ra résonne sur la terrasse.
Ma respiration se saccadait à cause de toute cette proximité néanmoins soulagé que ce soit elle, peu à peu, je réussissais à me maîtriser et le supporter.

Au fur et à mesure que ses mots défilaient, je sentais mes pupilles brillées. Même sobre, j’avais envie de pleurer. Non pas parce que j’étais triste mais parce que j’étais touché et que je peinais toujours autant à y croire. Pendant toute ma vie, on ne m’avait jamais dit ça et je pouvais tout à fait comprendre ce qu’elle éprouvait. Je m’excusais intérieurement pour cela... J’aurais du me douter que je n’étais pas le seul à être troublé, qu’elle aussi devait se tracasser pour beaucoup de chose néanmoins à chaque fois que je la regardais, elle me semblait toujours si fort qu’elle ne me donnait pas cette impression. C’était comme si elle avait l’air d’être capable de tout, de n’avoir peur de rien, de n’être gênée sans aucun prétexte cependant c’était moi qui jusqu’ici m’était fait des idées et n’avais songé qu’à ma propre personne. Comme d’habitude. Depuis le début, c’était sûrement celle qui en avait fait le plus pour moi toutefois, je n’avais pas réfléchi une seule fois à mes actes, aux conséquences et à la souffrance que cela pouvait causer. Je n’avais été qu’un égoïste et un lâche. Je soufflai, me haïssant moi-même d’être si misérable avant de me décaler d’elle de manière à pouvoir lui faire face. En silence, je la détaillais de haut en bas, ne sachant pas vraiment quoi dire mal à l’aise de tout ça... Cependant, me grattant la tête, gêné, sans la regarder j’esquissai un faible sourire qui se traçait sur le coin de ma lèvre, quelque peu timide. Il fallait dire que malgré tout, je n’étais pas habitué à ce genre de situation, ce genre de déclaration.

- Je... Merci, Rétorquais-je cette fois ci en égarant mes prunelles vers elle, éteignant l’éclat qui s’était formé il y a quelques instants.

C’était pour tout et rien à la fois. Ce n’était pas uniquement pour les paroles que Sae Ra venait d’avouer mais également pour ses actes passés, pour être toujours là malgré mon sal caractère, pour tenir à moi et me le prouver de plus bel. J’avais l’air bête à présent...

- Qu’est-ce que j’ai de si bien pour que tu fasses ça pour moi ? Il y a des bons gars de partout et bien meilleurs que moi, alors pourquoi moi ?

Je me doutais qu’au fond, elle n’avait sûrement pas elle-même la réponse à mes questions et je crois qu’intérieurement, je ne préférais pas savoir. Je ne la quittai pas des yeux et me reprenant, je secouai vivement ma main devant moi avant de compléter ce geste par un « Non, non, ne me dit pas ». Je ne souhaitais rien entendre finalement... Cela me faisait encore plus peur que je n’osais l’avouer. Mon regard plongé dans le sien, j’ignorai pourquoi j’agissais ainsi, ni pourquoi mes pas m’approchaient un peu plus d’elle et que doucement, mes bras vinrent encercler ses épaules, la serrant contre moi. Mes paupières closes, je laissai le temps à mon corps de s’y habituer et je pouvais sentir cette étrange chaleur qui ravivait mon coeur. Je n’avais pas d’explications ni pourquoi j’avais ressenti ce besoin pressant de l’avoir dans mes bras mais je supposais que moi aussi, même si je fuyais tout le temps, j’avais aussi ce besoin d’affection que j’avais refoulé depuis longtemps. Et il n’y avait qu’avec elle où j’acceptais de faire cette effort, où la sensation n’était pas si désagréable qu’elle n’y paraissait en fin de compte.

Je pense qu’agir ainsi, la serrer contre moi, l’enlacer était en effet parce que j’en avais sûrement besoin, que je manquais plus d’affection que je ne l’imaginais cependant je crois aussi que c’était parce que... Etant incapable de m’exprimer correctement par des mots, j’espérais lui faire comprendre au travers de mes gestes. Bien sûr, même en ayant agi malgré moi, j’avais eu peur de ce qui se passerait ensuite, et si alors que j’acceptais enfin de faire preuve de proximité, elle me rejetait ? J’y avais songé, j’avais angoissé et finalement, je m’étais dit que je devais arrêter de me poser trop de questions, de faire des efforts et en particulier de prendre sur moi. Ma respiration s’était bloquée néanmoins dés que mes bras avaient encerclé ses épaules, je ne pouvais expliquer pourquoi, celle-ci s’était atténuée peu à peu. Habituellement, lorsque qu’on m’approche de trop près, je panique et mon corps se crispe avant de se mettre à trembler. Pourtant avec Sae Ra, c’était la deuxième que cela me paraissait différent. Plutôt que d’être stressé ou de se compresser, mon coeur se détendait, bercé par une douce chaleur dont j’ignorais la provenance. Il y avait cette espèce de flamme qui ravivait mon être et qui jusqu’alors n’avait jamais existé. Je ne comprenais pas... Tous ces sentiments, toutes ces émotions que j’éprouvais lorsqu’elle était là, j’étais incapable de les discerner... Cela me paraissait tellement invraisemblable de pouvoir ressentir quelque chose. Cela m’effrayait même. Pourquoi maintenant ? Pourquoi seulement elle ? Qu’avait-elle de si spéciale pour réussir à me changer, à me troubler ainsi et chambouler ma vie toute entière qui avait été la même pendant des années. Je n’étais pas proche de la jeune femme. Hormis les différentes situations qu’on avait pu vivre ensemble, je ne connaissais rien d’elle. Tout comme elle ne savait pas grand chose de moi non plus. C’était pour dire... Elle me croyait gay alors que j’étais loin de l’être. Si je l’étais, est-ce que mon coeur battrait autant la chamade comme il le faisait à l’instant ? J’en doutais. Même si je ne savais pas pourquoi, je n’étais pas bête et admettais que c’était parce que je la tenais dans mes bras. Je suppose que depuis petit, j’avais toujours fui ce genre de chose, que ça me terrifiait parce que tous ceux qui en parlaient ne m’aidaient pas à voir les bons côtés. Si je n’aimais pas qu’on s’immisce dans mon espace vital, c’était parce que je refusais de m’attacher, parce que j’ai toujours été assez indifférent mais également parce qu’avec le temps, je ne voulais plus être touché ni qu’on me fasse du mal comme ça avait été le cas dans le passé. Je n’avais confiance en personne. Même pas en moi-même. Peut-être qu’à me poursuivre comme elle le faisait, à vouloir à tout prix s’attacher à moi, à me montrer qu’elle tenait à moi, inconsciemment, j’avais fini par avoir confiance en elle ? Oui, peut-être. La seule et unique personne en qui j’avais confiance. Elle m’avait dit toutes ces choses et me l’avait prouvé tant de fois... Elle était la seule à m’avoir laissé croire que je n’étais pas quelqu’un de mauvais, que contrairement à ce que je pouvais dire, j’étais une bonne personne. Je pourrais encore en pleurer tant entendre ça m’avait enlevé un poids du coeur.

Mes paupières se clignèrent à plusieurs reprises toutefois, n’osant se décaler alors que Sae Ra venait tout juste de me murmurer qu’il n’y avait pas meilleur que moi. Que moi ? Je ne saisissais pas... Mon coeur avait raté un battement à cette déclaration, encore plus perturbé qu’il ne l’était déjà à l’origine. Je ne saisissais pas ce qu’elle voulait dire par là et ça me mettait quelque peu mal à l’aise bien que d’un côté, j’avais aussi envie d’esquisser un léger sourire, heureux de ses paroles. C’était la première fois que quelqu’un m’avouait ça et d’une voix aussi sincère. Je la laissai se décaler, l’observant en train d’essayer de se justifier d’un air tout à fait impassible tandis que plus elle ouvrait la bouche, plus elle aggravait son cas. Je ne cessai de la regarder en silence, amusé, avant de ne pouvoir me retenir et de rire doucereusement face à ses agissements. Ma main se glissa devant mes lèvres afin d’atténuer mon amusement néanmoins cela ne fonctionnait pas et ce rire cristallin continuait de s’échapper de ma bouche.

- Je ne sais pas si c’est une bonne idée, Lançais-je sans cesser de rigoler.

Je ne pouvais m’empêcher de me moquer gentiment mais à mes yeux, c’était drôle. Cela aurait pu me gêner cependant je crois que j’avais eu ma dose à ce sujet ce soir et puis, il valait mieux en plaisanter n’est-ce pas ? Je lui tournai le dos, m’appuyant de plus bel contre la rambarde avant d’égarer mon regard vers le ciel. Peu à peu, je retrouvai mon calme et mon rire finit par s’estomper pour de bon.

- Je pense que tu es quelqu’un de bien, Déclarais-je sérieusement tout en contemplant les étoiles, Non. Tu es quelqu’un de bien. C’est sûr. Qui ferait ça ? Moi-même j’ignore si je ferais tout ce que tu fais. Donc peut-être que c’est ça... Tu dois être... Comment on dit...

Closant mes paupières de façon à apprécier le vent frais qui se cognait contre mon visage, je réfléchissais à mes mots. Sae Ra était réellement exceptionnelle... Je suppose qu’on n’en faisait pas deux des comme elle ou bien ceci n’était sûrement que mon propre point de vue. Mais c’était ainsi que je la concevais... A venir jusqu’à Osaka rien que pour me voir, à me tourmenter, à envahir mes pensées à un point que je m’en prenne plein la tête, c’était probablement à cause de ça... Elle n’était pas comme les autres.

- Spéciale.

Spéciale dans le bon sens du terme, évidemment. M’apercevant que cela ressemblait à une espèce de déclaration, je ris timidement sans me retourner pour autant alors que mes yeux fixaient le vide, quelque peu embarrassé. Même si oui, c’était la vérité.

Les étoiles. Je suppose que je ne me lasserai jamais de les regarder. Elles sont si belles et si douces qu’elles apaisent chaleureusement mon coeur et me permettent de ne penser à rien, de ne pas me tracasser pour des choses inutiles. Au contraire, lorsque je les contemplais, sans raison précise, j’avais l’impression d’être quelqu’un de bien. Tellement détendu que j’avais fini par me confier et je n’en étais pas spécialement embarrassé parce qu’après tout, c’était la vérité. Bien sûr j’étais quelque peu gêné puisque je n’avais pas l’habitude de déclarer ce genre de chose cependant ça allait. J’avais besoin de le dire, je crois. Je ne voulais pas que Sae Ra pense que je la déteste ou que si je m’enfuis, c’est parce que je ne l’apprécie pas. Cela n’avait rien à voir, je suis si lâche et si effrayé que la moindre embûche m’oblige à m’échapper plutôt qu’à la surmonter. Je devais prendre sur moi, apprendre, devenir quelqu’un de meilleur néanmoins ce n’était pas la première fois que je songeais ça seulement je n’y étais jamais parvenu. On ne change pas si facilement et le fait que je n’ai pas envie de changer n’aidait pas réellement. Encore cette lâcheté. Même après avoir rétorqué le fin fond de mes pensées, j’étais terrifié. Tout cet afflux de sentiment, toutes ces émotions que je ne cessais d’éprouver et l’envie de tenter de braver les obstacles, j’en avais peur... Et si à la fin je tombais de haut et m’écraser à cause de la douleur que ce changement m’aurait infligé ? J’étais bien ainsi... Je crois. Je ne voulais pas souffrir. J’avais peur de souffrir. Mais je me disais que jusqu’ici je n’avais pas été heureux non plus et j’avais sûrement été blessé plus que je ne m’en étais aperçu alors pourquoi ne pas tenter ? J’étais mitigé entre les deux parties, peser le pour et le contre et ça me prenait la tête. Je détestais me prendre la tête cependant peut-être que oui, je devrais essayer... Même si c’était douloureux. Cela pouvait aussi être bien mieux non ? Lorsque je voyais tous ces gens rire et sourire autour de moi, je les enviais d’avoir l’air aussi heureux alors que moi j’étais incapable d’afficher ne serait-ce qu’une infime esquisse.

Quand la jeune femme prit la parole sans pour autant oser me regarder, je détournai mes yeux vers elle, l’observant sérieusement et buvant chacune de ses paroles. Un sursaut me pris lorsqu’elle se tourna vers moi et je ne sus comment réagir à l’énonciation d’une promesse. Je n’aimais pas réellement ce genre de choses également parce que je n’étais pas ce type de gars qui aimait promettre quoi que ce soit. La plupart du temps, je savais que je ne réussirais pas à les tenir alors je faisais en sorte de dévier le sujet et n’y répondais pas jusqu’à ce qu’au final, on vienne me voir, en me disant d’une voix blessé « Tu avais promis ! » et je ne réagissais pas. Je soupirais simplement, blasé. Que pouvais-je faire d’autre de toute façon ? Je n’avais même pas accepté le serment mais on me le reprochait malgré tout. Mon coeur se compressa à chaque mot qu’elle prononçait tandis que je pouvais entrevoir dans ses pupilles toute cette peur qu’elle éprouvait à mon égard et encore une fois, je ne savais pas quoi lui dire. J’aimerais bien sûr répondre à sa demande, lui rétorquer que je ne le ferais plus cependant je ne pouvais pas faire ça. Ce serait mentir et elle n’en serait que plus triste. Je ne pouvais pas non plus fuir cette discussion comme j’avais l’habitude de le faire auparavant. D’un geste doux et délicat, je pose ma main sur la sienne et la force à retirer l’emprise qu’elle a sur mon vêtement avant de me reculer légèrement d’un pas en arrière.

- Je ne peux pas te promettre ça, je suis désolé, Déclarais-je d’un ton neutre, inclinant toutefois mon visage en guise d’excuse, Je ne peux pas savoir si à l’avenir, je ne fuirais pas encore... On ne change pas si facilement, quoi qu’on dise. Evidemment, j’ai l’intention de faire des efforts et j’en ai envie aussi. Mais je ne peux pas te promettre une telle chose. Juste que, je ne compte pas te fuir après ça. Sinon, je n’aurais rien dit de tout ça.

Sae Ra avait réellement un drôle d’effet sur moi... Je ne parlais pas beaucoup d’origine, je n’aimais pas à avoir à prendre la parole énormément néanmoins avec elle, il fallait toujours que je sois différent de ce que je suis en réalité. Je soufflai discrètement, jetant un dernier coup d’oeil au ciel avant de rétorquer un « Retournons à l’intérieur » et faire demi-tour. Le froid commençait à se faire ressentir, je n’avais pas spécialement envie que ni elle ni moi tombe malade. J’attendis alors qu’elle rentre dans la chambre pour fermer la porte derrière moi puis parti m’allonger sur le canapé.

- Je vais dormir ici, je te laisse le lit. Profite en pour te reposer. Tu as fait un long trajet. Enfin ce n’est pas une raison mais quand même !

Je fronçai les sourcils en me souvenant de ce détail et je ne pouvais que me dire qu’elle ne devait pas être seule dans sa tête. Quel individu normal aurait fait trois heures de train juste parce que la personne qu’elle veut voir l’ignore ? A sa place, j’aurais abandonné depuis longtemps et j’aurais fait avec. Je pense.

- Espèce d’idiote, Chuchotais-je en closant mes paupières.

Malgré tout ce que je rétorquais, j’étais sincèrement touché par ses actes et ses mots aussi. Décidemment, Sae Ra semblait être quelqu’un d’exceptionnel. Un peu folle sur les bords certes mais c’était probablement cet aspect de sa personnalité qui la rendait spéciale non ?

Je restai impassible lorsque Sae Ra vint s’accouder contre le canapé et levai simplement mes yeux vers elle, elle était encore trop proche à mon goût. Cependant je n’en dis rien, parvenant à me contrôler puisqu’elle ne me touchait pas. Mais avec cette femme je savais que je devais toujours rester quelque peu méfiant, je n’avais jamais idée de ce qu’elle était capable de faire. Déjà que l’effet qu’elle avait sur moi était étrange, je n’avais pas envie de me tourmenter plus que je ne l’avais déjà fait ce soir. En guise de réponse, j’haussai les épaules. Qui cela aurait pu être d’autre ? Evidemment que c’était elle que j’avais traité d’idiote néanmoins je ne l’avais pas pensé dans le mauvais sens du terme. C’était simplement qu’à mes yeux, Sae Ra n’était pas normal… Un peu – trop – spéciale. Elle avait accouru jusqu’à Osaka rien que pour me voir et encore maintenant elle ne me lâchait pas. J’ignorais si elle se comportait ainsi avec tout le monde cependant je ne pouvais qu’en être surpris et admirateur également. Parce que je n’étais pas comme ça… Je n’aurais jamais pu me comporter ainsi à sa place. Je ne me voyais pas faire des kilomètres rien que pour une personne que j’avais envie de voir, je me sentirais un peu honteux et je suppose que je n’oserais même pas aller voir cette dernière. Je n’étais pas aussi déterminé qu’elle et je manquais de courage. Je me disais que si on m’ignorait, il était inutile d’insister et trop faible, j’abandonnais. Hors elle, elle n’abandonnait jamais. Peu importait ce que j’ai pu dire ou faire, elle a toujours été là. Je ne la comprenais décidément pas… Elle ne devait réellement pas être seule dans sa tête. Tous ceux que j’avais rencontré jusqu’ici avait fini par me laisser tomber, n’appréciant pas mon caractère ni celui que j’étais et je ne m’en étais jamais plaint. Je savais que c’était de ma faute, que j’étais désagréable et ne réussissais pas à être plus sociable, moins froid alors je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même. Bien que cela soit douloureux de n’être compris par personne et de commencer à ressentir toute cette solitude qui rodait autour de moi. Pourtant avec elle, parfois j’avais l’impression que ce n’était pas le cas, qu’elle essayait de passer au-delà des apparences et même si je n’aimais pas qu’on s’immisce autant dans mon cercle d’intimité, constater que je n’étais pas « seul », qu’il y avait quelqu’un qui croyait peut-être en moi, cela créait une douce et légère flamme dans le creux de mon cœur. Toutefois ce dernier rata un battement alors que je la fixais de mon regard impassible même si intérieurement, j’étais loin de l’être. Je détestais les sous-entendus aussi. Si on lisait mes pensées, on dirait certainement de moi que je suis une personne coincée cependant cela n’avait rien à voir. C’était juste… Gênant. Je n’avais d’ailleurs pas réfléchi à ça, je m’étais juste dit qu’en règle générale, on ne dort pas à côté de n’importe qui. Et puis, c’était sans parler de cette proximité que je n’appréciais guère. Dans tous les cas l’idée de coucher ensemble ne m’avait pas traversé l’esprit et le simple fait qu’elle me le dise intensifia la chaleur de mon corps alors que je me remémorais toutes les péripéties qui étaient arrivées aujourd’hui. J’avais l’image en tête et je m’en voulais d’avoir de telles pensées. Mais c’était de sa faute… Quand bien même j’étais raisonnable et respectueux, je n’en restais pas moins un homme alors déjà que je me trouvais bizarre avec elle, il ne valait mieux ne pas trop en rajouter. Une telle chose aurait pu arriver… Enfin, dans le passé je l’avais déjà vécu et je l’avais amèrement regretté, je doute avoir envie de recommencer à présent.

Toutefois quand elle changea de position, je reculai machinalement dans le fond du canapé, fronçant les sourcils quant à sa réflexion. Hors de question qu’elle ne me touche ! Plus de choses qu’à l’origine me braquait… La première, cette proximité, cette espace vital qu’elle tentait vraiment de briser. La deuxième, certainement le fait toutes ses émotions que je ressentais, qui m’effrayaient et peut-être le fait qu’une partie de moi acceptait de tenter les rapprochements. J’étais complètement perdu avec elle… Je ne me reconnaissais pas totalement. Moi qui n’avait jamais rien éprouvé jusque là, qui était indifférent à tout, j’étais encombré par des tas de sensations que je n’étais pas tout à fait capable d’expliquer. Et Sae Ra ne cessait d’en rajouter, juste pour me déstabiliser. Je ne la quittai pas du regard tandis que je m’asseyais sur le divan avant d’hausser les épaules et d’ajouter neutrement un « qui sait ». Je n’étais pas sérieux toutefois mon ton l’était lui. Elle pouvait essayer de me mettre mal à l’aise si ça l’amusait, moi aussi je le pouvais. Cependant, je n’aimais pas trop le fait de devoir partager un lit avec elle mais c’était soit ça, soit elle me colle sur le canapé. Je suppose que je n’avais donc pas le choix.
Dans un soupir, je me dirigeai vers le lit, me laissant mollement tomber sur le matelas avant de rester proche du rebord pour avoir de la marge. Lorsque la jeune femme s’y installa à son tour, j’agrippai instinctivement la taie de mon oreiller tout en fronçant les sourcils.

- Interdiction de franchir la limite ! Ordonnais-je sévèrement, Sinon je porte plainte pour harcèlement !

C’était un peu idiot comme rétorque, sachant qu’on était dans un hôtel et qu’on partageait la même chambre. Mais que pouvais-je bien dire d’autre ? Je n’aimais pas ça et ça m’angoissait plus que je ne l’aurais cru. Je poussais un énième soupir alors que je fermais mes paupières, sans jamais lâcher le coussin que je serrais fort avec mes doigts. Epuisé, doucement la pression de mes phalanges diminua et je m’endormis finalement plutôt rapidement. La journée avait été assez forte en émotion et je crois que la soirée m’avait achevé. J’étais encore chamboulé par tout ça, je me demandais si au bout du compte, moi aussi je pouvais changer. Est-ce que ma vie serait mieux ? Ou serait-elle pire ? J’appréhendais. Pourtant un autre côté de moi était curieux… Parce que je n’étais pas idiot et je remarquais bien que lorsque j’étais avec elle, je devenais différent.